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  • Renaud Piarroux, le médecin qui a tenu tête à l’ONU

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/08/29/renaud-piarroux-le-medecin-qui-a-tenu-tete-a-l-onu_4989439_1650684.html

    Lorsqu’il se rend à Haïti, en novembre 2010, où vient de se déclarer la pire épidémie de choléra des dernières décennies au niveau mondial, sur une île qui n’en a jamais connu, le professeur Renaud Piarroux pense qu’il part lutter contre le fléau. Mais, durant six ans, ce spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille va être en butte à un autre adversaire que Vibrio cholerae, inattendu celui-ci : l’Organisation des Nations unies (ONU) et ses agences ­sanitaires, Organisation mondiale de la santé (OMS) comprise.

    Le médecin marseillais, 55 ans, sort cet été glorieux de son combat ­contre les tentatives d’étouffement de son rapport « Comprendre l’épidémie de choléra en Haïti », remis aux autorités françaises et haïtiennes, le 30 novembre 2010, et publié six mois plus tard dans la revue scientifique du Centre pour le contrôle et la prévention des ­maladies (CDC) d’Atlanta. Le Monde avait été le premier à rendre public ce document.

    Le 18 août, Farhan Haq, porte-parole adjoint de l’ONU, a en effet reconnu, du bout des lèvres, la responsabilité de son organisation dans le déclenchement de cette épidémie qui a touché 800 000 Haïtiens et fait 10 000 morts. Dès novembre 2010, avec ses armes scientifiques, la biologie moléculaire, les cartes de l’épidémie, son enquête sur le terrain, Renaud Piarroux avait débusqué le coupable.

    « Gérer ainsi les sanitaires dans un pays aussi vulnérable, c’est une circonstance aggravante »

    Missionné par l’ambassade de France à Haïti, le French doctor-détective prouve rapidement que l’épidémie a été provoquée par la gestion déplorable de l’ONU des sanitaires d’un camp de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) qu’ont occupé 400 casques bleus népalais, sur un affluent du fleuve Artibonite. A la mi-octobre, une quantité énorme de matières fécales contenues dans une fosse a été déversée, contaminant le fleuve jusqu’à son delta et les circuits d’irrigation des rizières. « Gérer ainsi les sanitaires dans un pays aussi vulnérable, c’est une circonstance aggravante, déplore le médecin. C’est une vraie bombe qui explose alors. On n’a jamais vu une épidémie comme celle-là, avec plusieurs centaines de cas par jour. Mais une autre faute consiste à monter rapidement une entreprise de dissimulation et de mystification. »

    Dans son bureau de chef du service de parasitologie et mycologie de l’hôpital de la Timone, dont les murs accueillent de vieilles planches médicales sur le kyste hydatique ou le Taenia saginata, Renaud Piarroux fait défiler les cartes de l’OMS et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires du secrétariat des Nations unies, retraçant la propagation de l’épidémie. Sur toutes, à l’exception de la première diffusée le 22 octobre 2010, le foyer de départ a disparu, laissant supposer que l’épidémie s’est développée dans le delta. Sur les registres de l’infirmerie du camp népalais, on ne retrouve pas la moindre trace d’une diarrhée alors que des travailleurs haïtiens évoquent des soldats malades et témoignent de conditions sanitaires particulièrement mauvaises.

    « Un gros bosseur »

    Six ans durant, Renaud Piarroux va affronter une controverse scientifique. Face à lui : un panel d’experts indépendants nommé en 2011 par Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies. L’examen par des scientifiques danois, américains et népalais du génome des souches Vibrio cholerae, la bactérie du choléra, isolées au Népal et en Haïti, démontre une totale similitude. « C’est comme si le coupable était confondu par son ADN », assure le docteur Piarroux. Mais, emboîtant le pas aux théories de Rita Colwell (université du Maryland), la papesse du monde scientifique en matière de choléra, les experts de l’ONU expliquent l’épidémie par des facteurs environnementaux propres à Haïti : saison chaude, développement du plancton, ouragan, séisme… « Ma force, c’est la rigueur scientifique, oppose Renaud Piarroux. Si mon raisonnement avait eu la moindre faille, avec tout ce qui a été entrepris pour le démonter, ils y seraient parvenus. »
    Ce combat scientifique, relaté dans Deadly River (ILR Press, 320 pages, non traduit), n’étonne pas le professeur Henri Dumon, auquel Renaud Piarroux a succédé, en 2008, à la tête du laboratoire marseillais.

    L’ancien patron loue sa ténacité : « C’est un gros bosseur mais pas le nez dans les bouquins. Quand un élève dépasse le maître à ce niveau-là, j’en suis ravi. » Bel hommage à cet ancien étudiant en pédiatrie qui avait fait le choix de suivre en parallèle des diplômes en médecine tropicale et en parasitologie. Sans ancrage régional, Renaud Piarroux, fils d’un père artisan peintre et d’une mère médecin en anatomo-pathologie dans un laboratoire pharmaceutique, a, pour ses études de médecine, fait le choix de Marseille « par hasard », son épouse y suivant les siennes en ophtalmologie.

    C’était un « rêve de gosse » : devenir médecin pour sauver les enfants africains des épidémies. Les premiers qu’il a sauvés sont des bébés rwandais sous les tentes d’un camp de réfugiés, près de Goma, en 1994, au Zaïre. Seul pédiatre sur le terrain, il luttait contre le choléra, la méningite, la shigellose, mais, chaque matin, il découvrait quelques petits corps, empapillotés dans un tissu, posés au bord de la route dans l’attente de leur « collecte ».

    Combat scientifique pour la vérité

    Vingt-deux ans plus tard, ses yeux se noient toujours de larmes à l’évocation de ce souvenir. C’est en allant voir comment étaient traités ces petits orphelins qu’il a compris : ils étaient alignés côte à côte sur des lits Picot, se contaminant les uns les autres, nourris avec une bouillie de haricots. « Il fallait des couches et du lait, comme pour les bébés européens. C’est ce qu’on a fait et la mortalité a disparu. Cela m’a donné une vision plus large de la médecine, et m’a conduit à analyser la dynamique des épidémies. »

    Le choléra devient son ennemi. Même lorsque, de 1996 à 2008, il dirige à Besançon le laboratoire de parasitologie, une discipline loin d’être au premier plan en Franche-Comté – « c’est comme chasser le tigre sur les Champs-Elysées », s’amuse-t-il. Renaud Piarroux mène avec succès des recherches sur des maladies locales, se rend dans les fermes pour comprendre que la « maladie du poumon de fermier » provient des moisissures du foin lorsqu’il est stocké humide. Il conduit une enquête sur l’échinococcose alvéolaire, et sur la transmission à l’homme d’un minuscule ver présent dans l’intestin des renards qui détruit le foie humain aussi sûrement qu’un cancer. Ce Sherlock Holmes lancé à la poursuite des bactéries et parasites a une méthode d’enquête : l’éco-épidémiologie. Il s’agit de comprendre l’environnement dans lequel se développe une maladie, de travailler avec les populations.

    « J’ai du mal à obéir lorsque je ne suis pas d’accord avec la façon dont les choses sont gérées »

    Lors d’une mission humanitaire à Foumbouni (Comores), 2 500 euros lui suffisent pour juguler une épidémie naissante de choléra : il achète l’essence pour les tout jeunes comités d’hygiène et de prévention et, dans les villages, il réunit les chefs de famille pour expliquer la nécessité de chlorer les citernes dans lesquelles ils récupèrent l’eau de pluie…

    A l’automne, Renaud Piarroux quittera Marseille pour rejoindre la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Ce médecin au caractère forgé n’adhère pas au projet d’institut hospitalo-universitaire, la Fondation Méditerranée Infection du professeur Didier Raoult. « J’ai du mal à obéir lorsque je ne suis pas d’accord avec la façon dont les choses sont gérées. » Tout en poursuivant ses recherches en parasitologie et mycologie, Haïti et le choléra, dont l’épidémie reprend régulièrement, restent sa préoccupation. Avec l’Unicef, il travaille à la rédaction d’un projet d’élimination du choléra sur l’île. Exsangues financièrement, les acteurs de la lutte contre cette épidémie, sur place, espèrent maintenant que les fautifs auront à cœur d’aider à éradiquer le vibrion dans ce pays, l’un des plus pauvres du monde.

    Le 1er septembre, à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), Renaud Piarroux ­racontera son combat scientifique pour la ­vérité sur l’origine de l’épidémie de choléra en Haïti. S’il reconnaît une « part de militantisme » dans son travail, celui-ci est toujours demeuré scientifique car « l’adversaire, dit-il, ce n’est ­jamais l’ONU, c’est le choléra. Mais il a parfois des alliés, et il faut le dire… ».

  • Cholera in Haiti: A True-Crime Medical Thriller | The Tyee
    http://thetyee.ca/Culture/2016/06/22/Cholera-In-Haiti

    [Dr. Renaud Piarroux, a French epidemiologist] was startled to find UN agencies like the Pan American Health Organization (PAHO) and the Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) — and the American Centers for Disease Control and Prevention (CDC) — uninterested in finding the source of the outbreak.

    (...) this was baffling. The American and UN authorities seemed to be committed to an “environmental” origin for cholera in the Caribbean Sea. (...) the UN and U.S. agencies even brought in a team of investigators who had built their careers on the theory of environmental cholera.

    (...) just before leaving Haiti, Piarroux received a secret document: a report by the MSPP, made in the very early days of the outbreak. With remarkable speed, the ministry had sent a team to the Artibonite River and identified the source as the Nepali camp. They’d been denied entry to the camp, but local residents provided plenty of details.

    So within days of the outbreak the Haitians had known its source — and so had CDC and PAHO. Why hadn’t they said so, and why had Préval dismissed the idea of finding it?

    (...) Haiti was (and is) ruled by a coalition of UN and U.S. agencies plus a chaotic mass of non-governmental organizations. The government in Port-au-Prince was (and is) far from sovereign. Préval had understood his situation, and had sent Piarroux the ministry report anonymously, to help him tell the world what he himself could not.

    (...) alarmingly for any serious public health expert, a lot of public health experts went along with the scam. While thousands of Haitians were dying in puddles of their own vomit and diarrhea, the experts did their considerable best to lie to the world about why those people were dying.

    #choléra #haïti #nations_unies

  • Les enjeux géopolitiques de la crise sanitaire en Haïti : le dessous des cartes... | Grotius.fr
    http://www.grotius.fr/les-enjeux-geopolitiques-de-la-crise-sanitaire-en-haiti-le-dessous-des-carte

    Aujourd’hui et au grand dam de l’ONU, le lien suspecté entre l’épidémie de choléra et le bataillon népalais de la MINUSTAH installé à Meille, un hameau situé près de la ville de Mirebalais dans le département du Centre, a été confirmé non seulement par l’équipe Franco-Haïtienne dirigée par Renaud Piarroux, qui a publié en juillet 2011 (5) les résultats de l’enquête épidémiologique, menée peu après le début de l’épidémie, mais aussi par le panel d’experts mandaté par Ban Ki-moon en personne dont le rapport (6) souligne que l’épidémie de choléra en Haïti est due à la contamination du ruisseau de Meille, un affluent de l’Artibonite, avec une souche pathogène provenant d’Asie du Sud.

    #Haïti #onu #cartographie #manipulation