person:richard lewontin

  • «  Race  » : la génétique face à ses démons

    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/07/10/race-la-genetique-face-a-ses-demons_5328964_1650684.html?xtmc=david_reich&xt

    L’étude des génomes pourrait-elle réveiller la notion de «  race  », en passe d’être gommée de la Constitution  ? David Reich, spécialiste de l’ADN ancien, pose la question. Et créé une polémique.


    «  Trasi Henen  ». Photos extraites de la série «  There’s a Place in Hell for Me & My Friends  » (Oodee, 2012). Le photographe sud-africain Pieter Hugo a manipulé les couleurs pour faire ressortir la mélanine et mettre en évidence les contradictions des distinctions raciales fondées sur la couleur de la peau.

    La biologie peut-elle délimiter des groupes humains qui fonderaient l’existence de races à l’intérieur de l’espèce humaine ? Depuis les années 1970, les généticiens avaient tranché : la race est une construction sociale dont il n’existe aucun fondement en biologie. Ils se délestaient ainsi de cette question brûlante, à l’origine au XIXe siècle de théories dont la description emplit aujourd’hui les pages les plus dérangeantes de l’histoire de leur discipline.

    Mais voilà qu’un éminent généticien de l’université Harvard, David Reich, ravive les cendres qu’on croyait éteintes avec la publication de son livre Who We Are and How We Got Here ? (« Qui sommes-nous et comment sommes-nous arrivés ici ? », ­Pantheon Books, non traduit). Son credo ? Dénoncer l’« orthodoxie » du discours sur la diversité génétique qui s’est imposé au cours des dernières décennies et qui a fait de la race une question taboue. « Comment devons-nous nous préparer à la probabilité qu’au cours des années à venir des études génétiques montrent que de nombreuses caractéristiques sont influencées par des variations génétiques et que ces traits diffèrent entre les groupes humains ? », questionnait-il dans une tribune parue en avril dans le New York Times. « Argumenter qu’il n’est pas possible qu’il existe des différences substantielles entre les populations humaines ne fera que favoriser l’instrumentalisation raciste de la génétique que nous voulons justement éviter », concluait-il.

    A l’heure où la France a entrepris de gommer le mot « race » de sa Constitution par un vote des députés, le 27 juin, la polémique lancée par Reich rappelle que la génétique a longtemps flirté avec l’eugénisme, avant de s’en repentir. Et que sa ­prétention à pouvoir tout analyser ou presque peut la conduire à ignorer ses limites – un écueil dénoncé par un grand nombre d’anthropologues en réponse au texte de Reich.

    Comment les généticiens ont-ils effacé la notion de race de leur discipline ? Et pourquoi ressurgit-elle aujourd’hui sous la plume de l’un des leurs – dont les travaux, et c’est là une des subtilités de la polémique, démontrent par ailleurs que les populations humaines sont faites de métissages ?

    Il faut remonter, pour le comprendre, à l’évolution de la place en biologie du concept de race après les ravages de la seconde guerre mondiale. « En réalité, la race est moins un phénomène biologique qu’un mythe social. Ce mythe a fait un mal immense sur le plan social et moral », reconnaissait en 1950 la Déclaration de l’Unesco sur la race. Pourtant, à cette époque, la majorité des généticiens, parmi lesquels Theodosius Dobjansky ou Ronald Fisher, pensaient encore que les races humaines existaient, d’un point de vue biologique. Dès les années 1930, ils avaient entrepris de les redéfinir en s’appuyant sur des caractères qu’ils considéraient plus fiables que les caractères morphologiques, en particulier les groupes sanguins. Ils avaient notamment observé que le groupe O était présent chez 90 % des Amérindiens, et ils croyaient pouvoir décrire des groupes humains homogènes et stables.

    Mais ils s’aperçurent que cette particularité des Amérindiens ne reflétait en rien une pureté de race mais venait de leur histoire, en tant que ­population persécutée et isolée.

    Ni la couleur de peau ni le groupe sanguin ne sont l’expression d’un ensemble de variations communes à un même groupe humain. Les variations entre les êtres humains résultent à la fois de leur adaptation à leur environnement, comme le climat ou l’altitude, et de la diversité des origines géographiques des populations humaines.

    Partant de ce constat, certains généticiens, comme Richard Lewontin aux Etats-Unis ou ­Albert Jacquard en France, déclarèrent que toute tentative de classification des êtres humains en catégories biologiques relevait de choix arbitraires, car, quelles que soient les catégories, elles ne reposent que sur une part infime de l’ensemble des variations. Deux individus pris au hasard à l’intérieur d’un même groupe humain se distinguent par un nombre de variations plus élevé que celui qui distingue deux groupes entre eux. D’où un changement de point de vue que le séquençage du génome humain dans les années 1990 vint conforter. Il révéla de plus que les variations du génome humain ne concernaient qu’une infime partie du génome, de l’ordre de 0,1 %. Dès lors, un discours antiraciste sur la diversité génétique s’imposa dans la discipline, dont David Reich dénonce aujourd’hui l’« orthodoxie ».

    « La “race” est une construction sociale. Nous, les généticiens, n’utilisons quasiment jamais ce terme dans nos articles scientifiques parce qu’il est trop chargé de significations non scientifiques et que sa définition change dans le temps et l’espace », indique David Reich. S’il l’a utilisé, entre guillemets, dans sa tribune, c’était pour alerter sur le fait que le discours scientifique actuel risquait de laisser le champ libre à des sectaires et des faux experts – un champ où ils se sont déjà engouffrés. Trois mois après avoir lancé la polémique, il campe sur ses positions. « Je n’adhère pas à l’idée selon laquelle les différences biologiques moyennes entre deux groupes – par exemple entre des habitants de Taïwan et des habitants de Sardaigne – sont si pe­tites qu’elles peuvent êtres considérées comme ­dépourvues d’un sens biologique et ignorées, ­explique-t-il. C’est depuis un moment le message de nombreux universitaires, qui à mon avis est dangereux car il nuit à la compréhension et la considération de la diversité humaine. »

    « Les découvertes en génétique au cours des dernières décennies ont confirmé que la notion de race n’avait aucun fondement biologique, rétorque la généticienne Evelyne Heyer, du Muséum national d’histoire naturelle. D’une part, il n’existe pas de limites distinctes entre les groupes humains qui permettraient de définir des catégories “étanches”. D’autre part, les critères comme la couleur de peau ne concernent qu’une infime partie du génome. Enfin, les différences ne justifient pas l’existence de hiérarchie entre les êtres humains suivant leurs capacités », dit-elle. L’exposition « Nous et les autres », organisée au Musée de l’homme en 2017 et dont elle fut la commissaire, s’appuyait sur ce discours pour marquer la rupture de la science contemporaine avec les dérives racistes du XIXe siècle et louer l’étude de la diversité biologique. Mais c’est justement par l’étude de cette diversité que ressurgit la question de la race.

    De colossaux programmes de recherche

    Pourquoi ? Le séquençage du génome humain a inauguré de colossaux programmes de recherche axés sur deux champs de recherche, la génétique des populations et la génétique médicale. Dans le premier, contestant le monopole sur ces questions des préhistoriens, des anthropologues et des linguistes, les généticiens tentent de retracer les grands flux migratoires à l’origine du peuplement de la planète, en étudiant les signatures des origines géographiques contenues dans les génomes. Des prouesses techniques et scientifiques qui permettent aujourd’hui de réécrire l’histoire des peuples tels que les Vikings, les Juifs, les Sardes ou les Amérindiens.

    Dans le second, ils recherchent des prédispositions génétiques expliquant la fréquence particulièrement élevée dans certains groupes de population de maladies comme les cancers, le diabète, l’obésité ou la dépression. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Islande ou encore l’Estonie financent des projets nationaux de génomique, avec, en point de mire, l’avènement d’une médecine personnalisée qui ciblerait un profil génétique en fonction du risque de maladie auquel il est associé.

    D’où le paradoxe : comment nier l’existence de catégories entre les êtres humains tout en délimitant pour ces études des groupes de population au sein desquels on étudie des variations génétiques ? En quoi l’existence de ces groupes mouvants questionne-t-elle la notion de race, qui postulait l’existence d’entités stables et étanches que les biologistes d’antan nommaient « catégories » ? Ces arbitrages biologiques n’ont-ils pas des soubassements politiques ?

    « Dès les années 1970, il y a une ambiguïté dans la rupture avec la notion de race dont nous ne sommes pas sortis. Vous pouvez dire que les races sont des catégories arbitraires qui ne valent pas pour une classification. Cela n’empêche pas que la diversité contenue entre deux catégories, si minime soit-elle, peut vous servir à tout un ensemble d’usages », analyse ainsi l’historien Claude-Olivier Doron. Les groupes délimités par les généticiens ont une existence qui résulte aussi d’une histoire sociale et politique. Ils sont le fruit d’une culture à laquelle, qu’ils le veuillent ou non, ils appartiennent aussi. « Les généticiens considèrent que leurs études sur la génétique des populations n’ont rien à voir avec les études anthropologiques sur lesquelles a été fondée la notion de race. Or, si les techniques, les disciplines et les enjeux ont changé, les grandes catégories de population sur lesquelles s’appuient ces études, tels que les Juifs, les Africains ou les Vikings, restent inchangées », dénonce l’historien Amos Morris-Reich, du Bucerius Institute de l’université de Haïfa, en Israël.

    « IL N’EXISTE PAS DE LIMITES DISTINCTES ENTRE LES GROUPES HUMAINS QUI PERMETTRAIENT
    DE DÉFINIR DES CATÉGORIES ÉTANCHES », ÉVELYNE HEYER, GÉNÉTICIENNE AU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE

    « Le contexte social et politique dans lequel sont menées les études en génomique n’est pas neutre. Etre noir au Etats-Unis n’a pas la même signification qu’au Brésil, et les résultats des analyses génétiques nourrissent des débats locaux et peuvent aussi être récupérés », renchérit l’anthropologue Sarah Abel, de l’université de Reykjavik, l’une des signataires d’une réponse à Reich publiée dans le New York Times.

    « Ce que je partage avec Reich, c’est le fait que laisser les choses non discutées donne la possibilité à un certain nombre de discours racistes de fleurir et de se développer, notamment sur Internet, et il y a besoin d’une pédagogie très précise sur ce que disent et ne disent pas les savoirs génétiques », tempère l’historien Claude-Olivier Doron. « Mais il se montre incapable, dans son article du New York Times, de cerner ces limites. Il confond une multiplicité de choses différentes : groupes fondés sur l’autodéclaration et/ou à partir des catégories du bureau du recensement américain, groupes ad hoc construits par les chercheurs pour des besoins de recherches, catégories anciennes issues des périodes coloniales, etc., sans jamais s’interroger sur les limites, les approximations, les biais de ce que prétend en dire la génétique », regrette-t-il.

    Résultats biaisés

    David Reich s’appuie sur les travaux de son équipe ayant abouti à l’identification, dans les génomes d’hommes afro-américains, de régions les prédisposant au cancer de la prostate. Face à cet argument, les réactions des spécialistes en sciences humaines sont unanimes. « Il faut intégrer la complexité des facteurs dans le risque de survenue des maladies. Dans le cas du cancer de la prostate, cité par David Reich, on s’intéresse de plus en plus aux effets cocktail des composants chimiques de l’environnement et on ne peut pas réduire le risque accru de ce cancer à sa dimension génétique », complète Catherine Bourgain, du Cermes 3, au CNRS, très critique vis-à-vis des modèles statistiques utilisés par David Reich qu’elle juge peu fiables pour l’évaluation de l’influence de facteurs environnementaux qui ­peuvent biaiser leurs résultats.

    Les populations afro-américaines, latinas ou amérindiennes sur lesquelles s’appuient les études en recherche biomédicale aux Etats-Unis sont par ailleurs défavorisées d’un point de vue socio-économique, ce qui les expose à des environnements et à des modes de vie favorisant la survenue des maladies pour lesquelles des prédispositions génétiques sont recherchées : pollution, stress ou encore alcoolisme.

    En 2004, la Food and Drug Administration (FDA) a approuvé le BiDil, un médicament destiné à corriger l’effet d’une mutation prédis­posant les populations afro-américaines à un risque accru d’infarctus du myocarde. « Le problème sur lequel il faut insister sur un cas comme le BiDil, comme sur tout un ensemble de cas, c’est que cela aboutit à l’occultation des autres va­riables, par exemple environnementales, qui peuvent être beaucoup plus importantes », insiste Claude-Olivier Doron.

    Ces études pourraient aussi raviver des stéréotypes ancrés dans l’inconscient collectif. Un programme national mexicain vise ainsi à séquencer le génome de différents types d’Indiens et de métisses afin d’étudier leurs prédispositions ­génétiques au déclenchement précoce du diabète de type 2 et de l’obésité. « La spécificité du débat mexicain, ce sont des mélanges de populations impliquant des Européens, des Afro-Américains et des Asiatiques, mais surtout différents types d’Indiens », explique l’historien Luc Berlivet, lui aussi du Cermes 3. « On voit réapparaître dans le débat des stéréotypes raciaux différents de ceux mobilisés avec les Afro-Américains ou les Amérindiens d’Amérique du Nord. Il ne s’agit plus de distinguer les Blancs des Afro-Américains ou des Latinos, mais différents types d’Indiens. Cela pose les mêmes questions mais de manière décalée », ajoute-t-il.

    Autre source d’inquiétude, une vision réductrice de la notion d’identité produite par les analyses en génétique des origines géographiques. D’autant plus qu’un marché s’est développé, avec des sociétés comme 23andMe, Ancestry.com ou MyHeritage, qui proposent à leurs clients la ­détermination de leurs origines géographiques au moyen de l’analyse génétique.

    Diffusés sans précaution, ces résultats peuvent attiser les tensions locales autour des questions identitaires ou révéler les stéréotypes racistes d’une culture, comme ce fut le cas au Brésil, avec les tests ADN sur les origines africaines. Malgré un récit national valorisant le métissage, les ­préjugés racistes sont ancrés dans la culture brésilienne en raison du passé esclavagiste du pays et de la vulgarisation des théories eugénistes valorisant les phénotypes « blancs » au début du XXe siècle. Les universités brésiliennes ont décidé d’instaurer des quotas d’étudiants à la peau noire dans les années 2000. « Dans ce contexte, il s’agissait de savoir comment se définissait la race noire, et les tests génétiques ont été disqualifiés lorsqu’ils ont révélé que le génome d’un célèbre danseur de samba noir contenait plus de 60 % de gènes européens, raconte l’anthropologue Sarah Abel. Ces résultats ont été utilisés pour dire que les quotas n’avaient pas lieu d’être, car la race n’avait pas de sens au Brésil, ou encore que cela ne servait à rien d’avoir 60 % de gènes européens lorsqu’on était arrêté par des policiers d’après la couleur de la peau. »

    En Europe et aux Etats-Unis, certains militants d’extrême droite devenus experts en génétique n’hésitent pas à s’emparer des données et des résultats des études génétiques pour étayer des idéologies fondées sur la pureté des origines et l’existence d’une identité européenne profonde. Les auteurs du site Humanbiologicaldiversity.com ont ainsi élaboré un argumentaire très étayé visant à refonder la réalité biologique de la race, en s’appuyant notamment sur les travaux de Luca Cavalli-Sforza, pionnier des études génétiques sur les origines géographiques.

    Si l’impact de ces instrumentalisations reste difficile à évaluer, les inquiétudes n’en sont pas moins fondées dans un contexte où les crispations identitaires font le terreau des partis populistes qui menacent les démocraties occidentales. « Il est important de garder à l’esprit l’histoire du racisme scientifique, pour se questionner sur les retombées sociales, politiques, éducatives des études en génomique. Le monde n’est plus le même qu’au temps de l’anthropologie physique, et les relations entre la science et la politique ont également changé. Mais la question de ces re­tombées se pose à tous, que nous soyons jour­nalistes, bioéthiciens, généticiens, historiens ou simples citoyens », conclut Amos Morris-Reich.

  • Opinion | How Genetics Is Changing Our Understanding of ‘Race’ - The New York Times
    https://mobile.nytimes.com/2018/03/23/opinion/sunday/genetics-race.html

    In 1942, the anthropologist Ashley Montagu published “Man’s Most Dangerous Myth: The Fallacy of Race,” an influential book that argued that race is a social concept with no genetic basis. A classic example often cited is the inconsistent definition of “black.” In the United States, historically, a person is “black” if he has any sub-Saharan African ancestry; in Brazil, a person is not “black” if he is known to have any European ancestry. If “black” refers to different people in different contexts, how can there be any genetic basis to it?

    Beginning in 1972, genetic findings began to be incorporated into this argument. That year, the geneticist Richard Lewontin published an important study of variation in protein types in blood. He grouped the human populations he analyzed into seven “races” — West Eurasians, Africans, East Asians, South Asians, Native Americans, Oceanians and Australians — and found that around 85 percent of variation in the protein types could be accounted for by variation within populations and “races,” and only 15 percent by variation across them. To the extent that there was variation among humans, he concluded, most of it was because of “differences between individuals.”

    In this way, a consensus was established that among human populations there are no differences large enough to support the concept of “biological race.” Instead, it was argued, race is a “social construct,” a way of categorizing people that changes over time and across countries.

    It is true that race is a social construct. It is also true, as Dr. Lewontin wrote, that human populations “are remarkably similar to each other” from a genetic point of view.

    But over the years this consensus has morphed, seemingly without questioning, into an orthodoxy. The orthodoxy maintains that the average genetic differences among people grouped according to today’s racial terms are so trivial when it comes to any meaningful biological traits that those differences can be ignored.

    The orthodoxy goes further, holding that we should be anxious about any research into genetic differences among populations. The concern is that such research, no matter how well-intentioned, is located on a slippery slope that leads to the kinds of pseudoscientific arguments about biological difference that were used in the past to try to justify the slave trade, the eugenics movement and the Nazis’ murder of six million Jews.

    I have deep sympathy for the concern that genetic discoveries could be misused to justify racism. But as a geneticist I also know that it is simply no longer possible to ignore average genetic differences among “races.”

    Groundbreaking advances in DNA sequencing technology have been made over the last two decades. These advances enable us to measure with exquisite accuracy what fraction of an individual’s genetic ancestry traces back to, say, West Africa 500 years ago — before the mixing in the Americas of the West African and European gene pools that were almost completely isolated for the last 70,000 years. With the help of these tools, we are learning that while race may be a social construct, differences in genetic ancestry that happen to correlate to many of today’s racial constructs are real.

    Recent genetic studies have demonstrated differences across populations not just in the genetic determinants of simple traits such as skin color, but also in more complex traits like bodily dimensions and susceptibility to diseases. For example, we now know that genetic factors help explain why northern Europeans are taller on average than southern Europeans, why multiple sclerosis is more common in European-Americans than in African-Americans, and why the reverse is true for end-stage kidney disease.

    I am worried that well-meaning people who deny the possibility of substantial biological differences among human populations are digging themselves into an indefensible position, one that will not survive the onslaught of science. I am also worried that whatever discoveries are made — and we truly have no idea yet what they will be — will be cited as “scientific proof” that racist prejudices and agendas have been correct all along, and that those well-meaning people will not understand the science well enough to push back against these claims.

    This is why it is important, even urgent, that we develop a candid and scientifically up-to-date way of discussing any such differences, instead of sticking our heads in the sand and being caught unprepared when they are found.

    To get a sense of what modern genetic research into average biological differences across populations looks like, consider an example from my own work. Beginning around 2003, I began exploring whether the population mixture that has occurred in the last few hundred years in the Americas could be leveraged to find risk factors for prostate cancer, a disease that occurs 1.7 times more often in self-identified African-Americans than in self-identified European-Americans. This disparity had not been possible to explain based on dietary and environmental differences, suggesting that genetic factors might play a role.

    Self-identified African-Americans turn out to derive, on average, about 80 percent of their genetic ancestry from enslaved Africans brought to America between the 16th and 19th centuries. My colleagues and I searched, in 1,597 African-American men with prostate cancer, for locations in the genome where the fraction of genes contributed by West African ancestors was larger than it was elsewhere in the genome. In 2006, we found exactly what we were looking for: a location in the genome with about 2.8 percent more African ancestry than the average.

    When we looked in more detail, we found that this region contained at least seven independent risk factors for prostate cancer, all more common in West Africans. Our findings could fully account for the higher rate of prostate cancer in African-Americans than in European-Americans. We could conclude this because African-Americans who happen to have entirely European ancestry in this small section of their genomes had about the same risk for prostate cancer as random Europeans.

    Did this research rely on terms like “African-American” and “European-American” that are socially constructed, and did it label segments of the genome as being probably “West African” or “European” in origin? Yes. Did this research identify real risk factors for disease that differ in frequency across those populations, leading to discoveries with the potential to improve health and save lives? Yes.

    While most people will agree that finding a genetic explanation for an elevated rate of disease is important, they often draw the line there. Finding genetic influences on a propensity for disease is one thing, they argue, but looking for such influences on behavior and cognition is another.

    But whether we like it or not, that line has already been crossed. A recent study led by the economist Daniel Benjamin compiled information on the number of years of education from more than 400,000 people, almost all of whom were of European ancestry. After controlling for differences in socioeconomic background, he and his colleagues identified 74 genetic variations that are over-represented in genes known to be important in neurological development, each of which is incontrovertibly more common in Europeans with more years of education than in Europeans with fewer years of education.

    It is not yet clear how these genetic variations operate. A follow-up study of Icelanders led by the geneticist Augustine Kong showed that these genetic variations also nudge people who carry them to delay having children. So these variations may be explaining longer times at school by affecting a behavior that has nothing to do with intelligence.

    This study has been joined by others finding genetic predictors of behavior. One of these, led by the geneticist Danielle Posthuma, studied more than 70,000 people and found genetic variations in more than 20 genes that were predictive of performance on intelligence tests.

    Is performance on an intelligence test or the number of years of school a person attends shaped by the way a person is brought up? Of course. But does it measure something having to do with some aspect of behavior or cognition? Almost certainly. And since all traits influenced by genetics are expected to differ across populations (because the frequencies of genetic variations are rarely exactly the same across populations), the genetic influences on behavior and cognition will differ across populations, too.

    You will sometimes hear that any biological differences among populations are likely to be small, because humans have diverged too recently from common ancestors for substantial differences to have arisen under the pressure of natural selection. This is not true. The ancestors of East Asians, Europeans, West Africans and Australians were, until recently, almost completely isolated from one another for 40,000 years or longer, which is more than sufficient time for the forces of evolution to work. Indeed, the study led by Dr. Kong showed that in Iceland, there has been measurable genetic selection against the genetic variations that predict more years of education in that population just within the last century.

    To understand why it is so dangerous for geneticists and anthropologists to simply repeat the old consensus about human population differences, consider what kinds of voices are filling the void that our silence is creating. Nicholas Wade, a longtime science journalist for The New York Times, rightly notes in his 2014 book, “A Troublesome Inheritance: Genes, Race and Human History,” that modern research is challenging our thinking about the nature of human population differences. But he goes on to make the unfounded and irresponsible claim that this research is suggesting that genetic factors explain traditional stereotypes.

    One of Mr. Wade’s key sources, for example, is the anthropologist Henry Harpending, who has asserted that people of sub-Saharan African ancestry have no propensity to work when they don’t have to because, he claims, they did not go through the type of natural selection for hard work in the last thousands of years that some Eurasians did. There is simply no scientific evidence to support this statement. Indeed, as 139 geneticists (including myself) pointed out in a letter to The New York Times about Mr. Wade’s book, there is no genetic evidence to back up any of the racist stereotypes he promotes.

    Another high-profile example is James Watson, the scientist who in 1953 co-discovered the structure of DNA, and who was forced to retire as head of the Cold Spring Harbor Laboratories in 2007 after he stated in an interview — without any scientific evidence — that research has suggested that genetic factors contribute to lower intelligence in Africans than in Europeans.

    At a meeting a few years later, Dr. Watson said to me and my fellow geneticist Beth Shapiro something to the effect of “When are you guys going to figure out why it is that you Jews are so much smarter than everyone else?” He asserted that Jews were high achievers because of genetic advantages conferred by thousands of years of natural selection to be scholars, and that East Asian students tended to be conformist because of selection for conformity in ancient Chinese society. (Contacted recently, Dr. Watson denied having made these statements, maintaining that they do not represent his views; Dr. Shapiro said that her recollection matched mine.)

    What makes Dr. Watson’s and Mr. Wade’s statements so insidious is that they start with the accurate observation that many academics are implausibly denying the possibility of average genetic differences among human populations, and then end with a claim — backed by no evidence — that they know what those differences are and that they correspond to racist stereotypes. They use the reluctance of the academic community to openly discuss these fraught issues to provide rhetorical cover for hateful ideas and old racist canards.

    This is why knowledgeable scientists must speak out. If we abstain from laying out a rational framework for discussing differences among populations, we risk losing the trust of the public and we actively contribute to the distrust of expertise that is now so prevalent. We leave a vacuum that gets filled by pseudoscience, an outcome that is far worse than anything we could achieve by talking openly.

    If scientists can be confident of anything, it is that whatever we currently believe about the genetic nature of differences among populations is most likely wrong. For example, my laboratory discovered in 2016, based on our sequencing of ancient human genomes, that “whites” are not derived from a population that existed from time immemorial, as some people believe. Instead, “whites” represent a mixture of four ancient populations that lived 10,000 years ago and were each as different from one another as Europeans and East Asians are today.

    So how should we prepare for the likelihood that in the coming years, genetic studies will show that many traits are influenced by genetic variations, and that these traits will differ on average across human populations? It will be impossible — indeed, anti-scientific, foolish and absurd — to deny those differences.

    For me, a natural response to the challenge is to learn from the example of the biological differences that exist between males and females. The differences between the sexes are far more profound than those that exist among human populations, reflecting more than 100 million years of evolution and adaptation. Males and females differ by huge tracts of genetic material — a Y chromosome that males have and that females don’t, and a second X chromosome that females have and males don’t.

    Most everyone accepts that the biological differences between males and females are profound. In addition to anatomical differences, men and women exhibit average differences in size and physical strength. (There are also average differences in temperament and behavior, though there are important unresolved questions about the extent to which these differences are influenced by social expectations and upbringing.)

    How do we accommodate the biological differences between men and women? I think the answer is obvious: We should both recognize that genetic differences between males and females exist and we should accord each sex the same freedoms and opportunities regardless of those differences.

    It is clear from the inequities that persist between women and men in our society that fulfilling these aspirations in practice is a challenge. Yet conceptually it is straightforward. And if this is the case with men and women, then it is surely the case with whatever differences we may find among human populations, the great majority of which will be far less profound.

    An abiding challenge for our civilization is to treat each human being as an individual and to empower all people, regardless of what hand they are dealt from the deck of life. Compared with the enormous differences that exist among individuals, differences among populations are on average many times smaller, so it should be only a modest challenge to accommodate a reality in which the average genetic contributions to human traits differ.

    It is important to face whatever science will reveal without prejudging the outcome and with the confidence that we can be mature enough to handle any findings. Arguing that no substantial differences among human populations are possible will only invite the racist misuse of genetics that we wish to avoid.

    David Reich is a professor of genetics at Harvard and the author of the forthcoming book “Who We Are and How We Got Here: Ancient DNA and the New Science of the Human Past,” from which this article is adapted.

    #USA #eugénisme #racisme

  • Bursting the Neuro-Utopian Bubble - NYTimes.com
    http://opinionator.blogs.nytimes.com/2013/08/11/bursting-the-neuro-utopian-bubble/?src=recpb

    In “Biology as Ideology,” Richard Lewontin points to the profound difference between the fact that one cannot get tuberculosis without a tubercle bacillus and the claim that the tubercle bacillus is the “cause” of tuberculosis. Registering that tuberculosis was a disease common in sweatshops in the 19th century, Lewontin contends: “We might be justified in claiming that the cause of tuberculosis is unregulated industrial capitalism, and if we did away with that system of social organization, we would not need to worry about the tubercle bacillus.” Having narrowed their view of “cause” to the biological realm, neuroscientists today are effectively chasing tubercle bacilli, drawing our focus away from the social practices and institutions that contribute to problems of mental health.

    • Je suis d’accord, mais il ne faut pas poser une alternative entre ces deux connaissances.

      Dans un autre domaine, les recherches sur l’obésité montrent qu’il y a plusieurs “causes” : des déterminants socio-économiques, des variations génétiques, des critères culturels… Mais ces causes ne s’opposent pas, elles se composent.

      Il faut tenir les deux morceaux de la ficelle si on veut qu’elle soit bien tendue. Le déni du soubassement technique de certains problèmes que des “causes” socio-économiques amplifient peut également conduire à des aberrations (cf. Mbeki face au VIH…).

      #recherche #science #neurosciences #cerveau #santé

    • En fait, l’une des limites de la médecine allopathique c’est son besoin de trouver une cause pour un effet, un facteur pour un symptôme. Du coup, tout symptôme de dysfonctionnement #multifactoriel devient atypique.

      En ce moment, je me prends la gueule avec une méchante récidive de #dysidrose, le genre de truc qui pourrit la vie à divers degrés et dont personne ne sait exactement d’où ça vient et comment ça part. Le lien avec le stress est évident, mais pas suffisant (sinon, tout le monde s’en chopperait une maousse). Donc, chacun bricole et improvise dans son coin, parce qu’en absence d’une #étiologie bien bornée, la médecine moderne fait comme si ça n’existait pas.

      Aujourd’hui, j’ai passé une heure avec mon pharmacien à imaginer des solutions. Faut dire qu’en dehors du fait que j’ai pété l’écran de mon smartphone, c’était mon jour de chance, puisque lui aussi, il s’est bien fait chier la rate avec cette maladie pendant des années et tout pharmacien qu’il est, il a bien pataugé dans sa mouise.

    • C’est vrai pour le coup que l’homéopathie ne se fatigue pas à chercher des causes ni des facteurs : un bonbon au sucre, une formule magique avec un nom en latinus obscurantis, et te voilà guérie :)

    • En discutant, on a trouvé une corrélation positive avec le sport : chacun de notre côté, on a fait disparaître les symptômes avec une pratique régulière du vélo et ils reviennent, ces cons, quand on ne peut plus pratiquer.

      Là, je tente de réguler ma réponse au stress avec une cure de Nigari + B6 et de diminuer la réactivité de la peau avec de l’hydratation interne et externe. Il trouve la piste intéressante, mais avait obtenu un bon résultat avec une préparation homéopathique, en plus de l’hygiène de vie. Par contre, je n’ai pas de fringales de sucre, mais une allergie lourde au nickel.

      Je pense qu’il faut prendre le truc en recontextualisant tout et en comparant les facteurs externes qu’on a identifié et les réponses qu’on a tenté.

      En tout cas, pour le vélo (donc l’exercice régulier), je n’avais pas fait le rapprochement, mais la corrélation inverse a l’air plutôt forte.

    • Oui Fil, il y a bien évidemment des soubassements biologiques, des réponses différentes de chaque organisme... mais l’article point le fait que l’on veut remplacer les symptômes qui sont liés aux maladies mentales par des raisons strictement « biologiques ». C’était la logique du DSM 5, qui a heureusement été amoindrie dans la version publiée, mais dont les tenants reviendront c’est sur pour la prochaine.
      La formule de Lewontin marque justement la place du social et du culturel dans les « maladies ». On n’attrape pas une maladie simplement parce qu’elle est là (sinon, médecins et infirmières seraient dans la panade), mais parce qu’il y a composition entre des entrées possibles au niveau personnel (le « biologique ») et des conditions sociales d’existence. Or la tendance actuelle vise à trouver le « médicament » adapté (côté « biologique ») sans se préoccuper des autres conditions qui font la maladie (et plus encore l’épidémie). Nous avons déjà vu tous ces débats sur les cas du SRAS, du H5N1, de la grippe A, et maintenant ça continue... sans jamais poser la questions des sources sociales (notamment le marché de la viande - volaille et porc) et leurs conditions de production et de circulation. Et c’est pire encore dans le cas de la maladie mentale, quand le lien « biologique » est loin d’être facile à déterminer, et de toute façon loin d’expliquer l’ensemble des névroses.