person:robert castel

  • GILETS JAUNES : LE SENS DU FACE A FACE
    https://blogs.mediapart.fr/ebalibar/blog/131218/gilets-jaunes-le-sens-du-face-face

    Après le discours du président Macron – en vérité une dérobade, mais qui n’annonce rien de bon pour la démocratie – et alors que le Mouvement des Gilets Jaunes se poursuit, on tente ici d’en reconstituer la genèse et d’en examiner quelques-unes des implications politiques, afin de contribuer à l’élargissement de la discussion.

    Le Président, donc, a parlé. Mais à qui ? C’est la première question qu’on peut se poser. Sans jamais vouloir, sans oser nommer ceux qui l’y ont contraint – les fameux Gilets Jaunes –, il a prononcé des paroles de contrition mesurées au compte-goutte et, comme l’a aussitôt relevé la presse, « concédé » des mesures d’allègement du fardeau financier pesant sur la partie la plus pauvre de la population mais « sans rien céder » de ce qui aurait marqué un changement de cap, en donnant satisfaction au mouvement de révolte qui, depuis maintenant quatre semaines, ébranle en profondeur le pays. Dans les jours qui viennent, on fera les comptes pour voir qui gagne exactement quoi, tout de suite et à plus long terme, et qui peut s’en satisfaire. Une fois de plus, il a promis que les citoyens auraient leur mot à dire dans une « concertation » d’ampleur nationale qui le verrait aller lui-même au contact des élus locaux. Et il a assorti son discours de deux éléments de nature à inquiéter fortement tous les démocrates. D’abord une longue proclamation de sévérité contre « le désordre et l’anarchie » – « j’ai donné au gouvernement les instructions les plus rigoureuses » – ce qui veut dire en clair que les manifestations sont placées sous le régime d’une sorte d’état d’urgence préventif et que les brutalités policières ne feront l’objet d’aucune restriction. Ensuite le retour en force du thème de l’identité nationale, de nauséabonde mémoire, immédiatement traduit en « question de l’immigration », une « question » qui ne jouait aucun rôle dans le mouvement des Gilets, mais dont on sait les résonances à la droite et à l’extrême droite de l’échiquier politique…

    • Gilets jaunes : le sens du face à face
      #Etienne_Balibar, Médiapart, le 13 décembre 2018

      Un régime capitaliste sans doute n’est jamais égalitaire. Du moins peut-il se maintenir temporairement à l’intérieur de limites d’ #inégalités vivables si la conflictualité sociale – ce qu’on appelait autrefois « les luttes » - complétée par des politiques d’intérêt et de cohésion nationale (qu’il faudrait aujourd’hui repenser à l’échelle continentale et au-delà) freine la paupérisation et impose un certain degré de #redistribution, que ce soit par le biais de l’ #impôt ou par celui des #services_publics.

      Tout s’est passé au contraire comme si Emmanuel Macron avait vu dans son élection un mandat pour accélérer la « #casse » : celle du droit du travail, celle de la fiscalité progressive, celle des instances de négociation et de représentation professionnelle, celle du service public et des aides sociales. L’idée sous-jacente était sans doute qu’on compenserait la dévastation de la société « civile », avec ses conséquences potentiellement démoralisatrices et ses effets de « désaffiliation » ou d’« insécurité sociale » (Robert Castel), par un mélange de propagande « entrepreneuriale » et de moralisme bien-pensant, sans se douter qu’il puisse y avoir un #retour_de_flamme

      #Gilets_Jaunes #France

  • Zygmunt Bauman, Israël et la Palestine
    Éteindre un incendie avec de l’essence.

    Zygmunt Bauman, l’abjection d’Israël vis-à-vis de la Palestine et l’acceptation démocratique de sa politique coup-de-poing-dans-la-gueule.

    Interview accordée à Polityka le 16 août 2011.

    Traduit du polonais par André Kozimor.
    http://andre.kozimor.pagesperso-orange.fr/divers_zygmunt_bauman_israel_et_la_palestine.htm

    Artur Domoslawski : Tony Judt, qui était l’une des figures les plus illustres de la gauche intellectuelle américaine, craignait que « dans 25 ans, les gens en Europe, et même en Amérique, ne voient dans le recours obsessionnel à l’accusation d’antisémitisme une méthode cynique de défense de la politique néfaste d’Israël » et que « le souvenir de l’Holocauste ne soit traité de la même façon : comme une obsession et un jeu cynique pour défendre Israël ». Est-ce que vous partagez ces craintes ?

    Zygmunt Bauman : Je ne sais pas quelle lecture les gens feront des événements actuels dans 25 ans. Mais cette inconnue ne devrait pas influencer notre jugement sur ce qui se déroule actuellement sous nos yeux. Par contre, je citerais plutôt l’opinion que Judt a exprimée en 2003 dans un article mémorable du New York Review of Books. Selon lui, Israël devient « un État ethnique, belliqueusement intolérant, régi par les règles de l’idéologie », et « le processus de paix » au Proche-Orient a pris fin : « Il n’est pas mort, il a tout simplement été assassiné ». J’avais exprimé des vues semblables une bonne trentaine d’années auparavant, dans le quotidien israélien Haaretz, lorsque j’ai quitté Israël en 1971. Mes craintes concernaient les propriétés hautement corrosives-toxiques de l’occupation et ses effets délétères sur l’éthique et les scrupules moraux des occupants. Je craignais que la nouvelle génération de l’époque ne grandisse avec la conviction que l’état de guerre et d’urgence militaire — considéré encore en 1971 comme un « état d’exception » — constitue un état normal, naturel, et sans aucun doute le seul qui soit possible. Mon inquiétude était suscitée par un État qui apprenait à dissimuler de nombreux problèmes sociaux intérieurs condamnés à s’amplifier et qui s’en lavait les mains en attisant et en exacerbant la sensation de danger extérieur, se privant ainsi de toute compétence pour les résoudre. À l’intérieur de cette forteresse assiégée, le moindre désaccord — que dire, la moindre différence d’opinion — représentait un délit et une trahison… Mon inquiétude était également suscitée par le détournement de la doctrine de Clausewitz selon laquelle la guerre est le prolongement de la politique et qui faisait qu’on métamorphosait la politique en une sorte d’appendice — superflu d’ailleurs, et uniquement source de problèmes — pour agissements militaires, ce qui, par voie de conséquence, conduisait inéluctablement à une érosion des pratiques démocratiques. Summa summarum, j’éprouvais des craintes devant l’incapacité de plus en plus marquée d’Israël à vivre en état de paix et le refus grandissant de la population de croire en la possibilité d’une vie sans guerre, ainsi que devant la peur panique éprouvée par l’élite politique face à la perspective d’une paix, au sein de laquelle elle s’avérerait incapable de gouverner.

    Je partage également les craintes de Judt en ce qui concerne l’exploitation de la Shoah par les gouvernants d’Israël comme sauf-conduit pour justifier leur propre abjection et s’absoudre de leurs propres péchés, aussi bien ceux qui ont été commis que ceux qu’ils s’apprêtent à commettre. J’ai écrit également là-dessus dans Modernité et Holocauste (1989), où je cite Menahem Begin qui qualifie les Palestiniens de nazis et qui considère qu’avoir établi Israël dans leur voisinage équivalait à un nouvel Auschwitz. Abba Eban, qui était à l’époque ministre dans le gouvernement du Parti travailliste, avait répondu à Begin — avec indulgence, du reste, et sans toucher au cœur du problème — qu’il était grand temps pour Israël de prendre ses responsabilités au lieu de les rejeter sur six millions de victimes. La manière de cultiver la « mémoire » de l’Holocauste dans la politique israélienne constitue un des principaux obstacles pour mettre en œuvre le potentiel moralement purificateur de la Shoah, de même qu’elle constitue d’une certaine façon le triomphe posthume d’Hitler, lequel, après tout, visait à dresser pour toujours le monde contre les juifs, ainsi que les juifs contre le monde, en les empêchant par là de cohabiter avec lui de manière paisible.

    Il existe une vision diamètralement opposée de la « mémoire » de l’Holocauste, qui peut se résumer ainsi : on ne peut pas se taire devant les crimes d’Israël et les persécutions des Palestiniens justement parce qu’on sait ce que fut le sort des juifs en Europe : discrimination, pogroms, ghettos et, pour finir, extermination.

    Justement… La mission de ceux qui ont survécu à l’extermination est d’apporter au monde la survie et de le prémunir contre une nouvelle catastrophe : mettre à nu dans le monde les tendances infâmes, dissimulées mais toujours vivantes, afin d’éviter que ne se reproduise l’avilissement de la civilisation. Le plus grand des historiens de l’Holocauste, Raul Hilberg, comprenait cette mission justement ainsi lorsqu’il répétait avec obstination que la machine de l’extermination ne se différenciait en rien, de par sa structure, de l’organisation « normale » de la société allemande. En d’autres termes, elle incarnait cette société-là dans un de ses rôles. Par ailleurs, le théologien Richard Rubinstein rappelait que, au même titre que l’hygiène corporelle, les idées philosophiques subtiles, les œuvres d’art remarquables ou l’excellence de la musique, la civilisation se caractérise par l’emprisonnement, les guerres, l’exploitation et les camps. L’extermination, concluait-il, « témoignait non pas du déclin de la civilisation mais de son progrès ».

    Malheureusement, ce n’est pas là la seule leçon qu’on puisse tirer de la Shoah. Il y a aussi celle qui veut que celui qui frappe le premier se retrouve au-dessus, et plus il a une main de fer, plus il s’en tire en toute impunité. Certes, les dirigeants d’Israël ne sont pas les seuls à avoir tiré cette sinistre leçon et à la trompeter à tous vents, et ils ne sont pas les seuls à qui on puisse reprocher ce triomphe posthume d’Hitler… Mais si Israël le fait, lui qui se considère comme l’héritier des destins juifs, alors cela choque encore plus que dans les autres cas : en effet, ce comportement réduit à néant un autre mythe, un mythe que nous acceptons de manière universelle et qui nous est cher, en l’occurrence que la souffrance ennoblit, que les victimes en ressortent pures comme le cristal, sublimées et comme brillant au firmament. Alors que là, la réalité ne s’avère pas aussi reluisante : étant sorties indemnes des persécutions, les victimes n’attendent que l’occasion de rendre aux persécuteurs la monnaie de leur pièce ; et si la vengeance contre les persécuteurs d’hier ou leurs descendants est, pour une raison ou pour une autre, inaccessible ou peu commode, alors ils s’empressent d’effacer au moins la honte de leur propre faiblesse d’hier et de claironner qu’ils ne sont pas, eux non plus, tombés de la dernière pluie et qu’ils peuvent, eux aussi, brandir la matraque et faire claquer le fouet — en se servant à cette fin de tous ceux qui leur tomberont sous la main.


    Car qu’est-ce donc que le mur érigé aujourd’hui autour des territoires occupés, sinon la volonté de faire encore mieux que les commanditaires du mur qui entourait le ghetto de Varsovie ? Infliger la souffrance avilit et détruit moralement ceux qui l’infligent — mais, en dépit de tout ce que l’on peut croire, elle n’ennoblit pas le moins du monde ceux qui subissent cette souffrance. Elle déclenche, en revanche, un processus que le grand anthropologue Gregory Bateson a défini comme une « chaîne schismogénétique » (à savoir une séquence d’actions et de réactions dans laquelle chaque pas successif renforce l’acharnement des parties en désaccord et approfondit le fossé qui les sépare)…

    Votre épouse, Janina Bauman, écrit dans le livre Nulle part sur la terre que vous avez eu maille à partir avec votre père qui, peu de temps après la guerre, voulait émigrer en Israël alors nouvellement créé, ce qu’il a d’ailleurs réalisé. Pour quelles raisons rejetiez-vous l’idée sioniste ? Avez-vous changé d’avis sur cette question ?

    Je vois aujourd’hui que c’était un cas de figure banal, qui ne pouvait prétendre à aucune originalité ; banal dans une « rue juive », partagée, comme on le sait, entre communistes et sionistes, avec par-dessus le marché des partisans du Bund et ceux qui vivaient dans un royaume céleste qui n’était pas de ce monde. Je faisais partie de la première catégorie, alors que mon père appartenait à la seconde ; la confrontation était donc inévitable, d’autant plus que venaient se greffer là-dessus des collisions inter-générationnelles tout aussi notoires…

    Pour ce qui est de mon opinion sur le sionisme, elle a mûri de manière progressive, pour parvenir plus ou moins à cette forme : le sionisme est né en Europe sous l’accumulation conjuguée d’une vague moderne de construction nationale et d’une vague d’expansion impérialiste ; aucune de ces deux vagues n’a constitué une invention ou une spécialité sionistes ; le seul ingrédient sioniste a été probablement l’idée de résoudre le problème de la construction nationale à l’aide de l’expansion impérialiste — mais même cet ingrédient ne serait pas, à proprement parler, reconnu par un bureau des brevets comme une trouvaille du sionisme.

    Dans la célèbre formule de Teodor Herzl (« la rencontre d’une nation sans terre avec une terre sans nation ») ont été réunies deux prémisses, qui, bien que mises en sourdine, furent universellement acceptées à l’époque, même si généralement on les invoquait de manière séparée, dans des circonstances différentes et à des fins différentes. Première prémisse : pour devenir une nation, un peuple doit accéder à l’indépendance, donc il a besoin de son propre État, autrement dit d’une souveraineté indivisible et inaliénable sur son propre territoire. Quant à la seconde prémisse : les terres habitées par des peuples privés d’État peuvent et doivent être considérées comme « vides », donc « n’appartenant à personne », en d’autres termes, des terres vierges en attente de peuplement et d’aménagement. C’était effectivement une époque où on s’établissait selon son bon vouloir, non pas tant sur des terres vides que sur des terrains vidés de leurs habitants, sans la moindre gêne et sans le moindre scrupule, dans d’innombrables « Nouvelle-Angleterre », « Nouvelle-Galles » ou « Nouvelle-Écosse » construites sur de lointaines « terres sans nation » par des fractions de nations expulsées de leurs terres et de leurs ateliers, et condamnées à mener une vie errante.

    J’ajouterai encore, en passant, que les idées de Herzl ont vu le jour pendant ses années d’étudiant, passées dans une Burschenschaft, qui luttait pour l’unification de l’Allemagne autour d’un seul trône et de la devise : « Ehre, Freiheit, Vaterland » (Honneur, Liberté, Patrie) ; difficile donc d’y voir un quelconque héritage ou spécificité israélo-palestiniens.

    Encore et toujours de l’histoire, me direz-vous ? Certes, mais une histoire qui continue d’être vivante, même si elle s’inscrit dans des habitudes acquises plutôt que dans des professions de foi liées à des réalités contemporaines : ainsi dans les récentes boucheries perpétrées au nom de la purification ethnique ; ou encore la bourde irréfléchie de Helmut Kohl, selon qui la Slovénie mérite l’indépendance parce qu’elle est ethniquement homogène ; Kohl a dérapé, mais il en est plus d’un qui a tendu l’oreille.

    En ce qui concerne les professions de foi contemporaines, elles indiquent une direction qui est complètement différente… S’il existe un espoir de coexistence pacifique et amicale dans notre monde de plus en plus caractérisé par la diaspora, il est à rechercher dans le démantèlement de la trinité non sainte de l’identité, des prérogatives d’État et de la souveraineté nationale — sur le modèle de la République des Deux Nations [Pologne et Lituanie] ou de la monarchie austro-hongroise qui rejetaient tout « compromis » westphalien ; en d’autres termes, en faisant revivre la tradition, anéantie par les efforts conjugués et tenaces du président Wilson, du chancelier Kohl et de leurs épigones, proches et lointains, innombrables, zélés, doués et ingénieux…

    Vous avez été chassé de Pologne au cours de la campagne antisémite de 1968. Vous vous êtes rendu en Israël avec votre femme et vos filles, vous avez obtenu une chaire à l’université, mais au bout de trois ans vous êtes partis pour la Grande-Bretagne. Janina Bauman écrit dans ses souvenirs que vous ne vous sentiez pas bien en Israël dans le rôle de la majorité privilégiée : « Si nous avions fui le nationalisme polonais, ce n’était pas pour accepter le nationalisme juif. » Qu’avez-vous trouvé en Israël ?

    Janina, comme à l’accoutumée, avait frappé en plein dans le mille et l’avait, de surcroît, exprimé de manière laconique et percutante. Tout comme les victimes de l’Holocauste, que nous venons d’évoquer, les victimes d’un nationalisme au quotidien peuvent réagir soit en condamnant le chauvinisme, soit en l’assumant pour leur propre défense. Pour Janina, aussi bien que pour moi, la première réaction était la seule possible. En ce qui concerne mes convictions, répondre au nationalisme par le nationalisme équivaut à vouloir éteindre un incendie avec de l’essence ; et cela conduit inéluctablement à cette variante particulièrement immorale de la morale, que Sienkiewicz, avec un mélange typiquement colonialiste d’orgueil (envers soi-même) et de mépris (pour les autochtones), a attribuée à Kali [domestique noir de W pustyni i w puszczy] — en se gardant bien de l’attribuer à lui-même et à bon nombre d’autres Européens.

    Permettez-moi de citer Judt encore une fois : « Je savais ce que signifiait croire — mais je savais également quel prix il fallait payer pour l’intensité de l’auto-identification et de l’obéissance inconditionnelle… J’ai toujours été, et suis resté méfiant vis-à-vis de la politique identitaire sous toutes ses formes, surtout et avant tout sous sa forme juive. » « Surtout et avant tout » : car dans mon cas (si j’étais resté en Israël), comme dans le cas de Judt, on aurait exigé de moi que je devienne nationaliste et que je pratique une « politique identitaire ». S’il faut choisir le moindre mal, je préfère déjà être une victime du nationalisme plutôt que son adepte et son propagateur. L’ignoble Moczar [apparatchik responsable de la campagne antisémite de 1968] nous a causé beaucoup de mal, à Janina et à moi, mais il n’a pas réussi à nous salir la conscience. S’il en a sali une, c’est la sienne — mais en avait-il une ?…

    On ne peut nier qu’il existait encore une troisième possibilité pour moi et pour Judt : rester sur place, monter sur les barricades et n’en plus bouger, se battre contre la folie du nationalisme, comme le fait par exemple mon petit-fils, Michal Sfard — né en Israël — et beaucoup d’autres Israéliens, courageux et déterminés comme lui. Malheureusement, conformément à la logique de l’autobrutalisation de l’occupation et de la politique gouvernementale du fait accompli, qui, par la nature des choses, vont en s’étirant, la barre transversale ne cesse de monter toujours plus haut et oblige Michal, ainsi que tous ses compagnons d’armes, à démarrer de positions qui, encore peu de temps auparavant, étaient inimaginables.

    En fin de compte, je n’ai pas choisi cette troisième possibilité. Pourquoi ? Difficile ici d’être objectif et je ne me porte pas garant de ce que je vais dire, mais pour mon propre usage j’explique cela en disant que pour la choisir — et donc pour consacrer toute ma vie à essayer de détourner le sionisme de la voie qu’il s’était choisie —, il m’aurait sans doute fallu être plus juif que je ne le suis, et au moins un tout petit peu sioniste.

    Autre souvenir de Janina : « Zygmunt a renié avec amertume un pays dans lequel se faisaient entendre de plus en plus souvent le nationalisme armé et le fanatisme religieux. Il ne voulait plus y aller [pour voir une de ses filles qui s’était installée en Israël], pour ne pas devoir, ne serait-ce que pendant deux semaines, se sentir responsable de cet état de choses. » Vous est-il arrivé d’y retourner par la suite ?

    J’y suis allé trois fois. La première fois, pour voir un premier petit-fils qui venait de naître. La deuxième, dans les années 90, après la victoire électorale d’Yitzhak Rabin, quand j’ai succombé provisoirement à l’illusion que la nation avait ouvert les yeux et qu’enfin elle sortait de son demi-sommeil ou de son envoûtement (mieux valait tard que jamais) ; malheureusement, tout de suite après ma visite, Rabin a été assassiné [1995] et les illusions se sont dissipées. La troisième fois, juste avant le décès de Janina, pour qu’elle puisse voir ses petits-enfants et arrière-petits-enfants… Pour ces trois fois, les circonstances étaient exceptionnelles. Car Janina, une fois encore, avait raison de dire que je rechignais à la moindre visite « pour ne pas devoir, ne serait-ce que pendant deux semaines, me sentir responsable de cet état de choses ». Permettez-moi de citer Judt encore une fois, puisque vous l’avez introduit dans notre conversation et que vous vous êtes référé à son autorité : « Il y a une différence fondamentale entre les gens dont le sort veut qu’ils soient juifs mais qui sont citoyens d’autres États et les citoyens israéliens dont le sort veut qu’ils soient juifs »…

    Recourir à l’argument d’une responsabilité collective des Palestiniens, détruire leurs maisons, construire des colonies juives sur les terrains de l’Autonomie Palestinienne, mettre en scène des procès caricaturaux, torturer et, avant tout, commettre des crimes de guerre — comme ceux commis à Gaza à l’époque de l’opération « Plomb durci », au cours de laquelle 1 400 Palestiniens ont été tués… Parvenez-vous à trouver des arguments pour défendre, ou tout au moins comprendre une telle politique ?

    Non, je ne saurais guère où les trouver. Mais je ne les cherche pas non plus. Je crois que ce serait peine perdue, dans la mesure où l’être humain ne peut pas justifier l’« inhumanité » sans perdre son humanité, et même si je sais par ailleurs que lancer des appels pour y mettre fin est sans espoir. Cependant il se trouvera toujours beaucoup de gens qui aligneront des arguments rationnels, donc par définition « irréfutables » et « absolument convaincants » en faveur de ces atrocités. Dans le pire des cas, ils reprendront l’argument extrêmement à la mode aujourd’hui dans notre monde, celui de TINA (There Is No Alternative), qui doit sa vraisemblance au fait qu’en réfutant par avance l’existence de ladite alternative, ils ne lui permettent pas de se vérifier en pratique.

    Pendant ce temps, dans les camps de réfugiés, arrive à l’âge adulte une quatrième génération qui ne connaît pas d’autres conditions d’existence que la précarité, la misère, le manque de perspectives.

    Simple complément d’information : l’occupant israélien en partage ici la responsabilité avec les États arabes voisins, qui ne manifestent pas beaucoup d’empressement pour offrir à cette quatrième génération, ainsi qu’aux précédentes, des perspectives plus supportables et pour partager avec eux leur richesse faramineuse. Battons donc notre coulpe, tous autant que nous sommes ! Quel État dans le monde a offert l’asile aux juifs menacés par l’extermination ? (Même les juifs américains, comme le suggère une rumeur tenace, bien qu’instamment tenue secrète, n’ont guère bougé le petit doigt à l’époque pour entamer des démarches afin de les accueillir dans un pays où eux-mêmes s’étaient auparavant installés douillettement.) Et quel pays s’empresse aujourd’hui d’offrir un toit aux expatriés et aux réfugiés des guerres tribales et des génocides, sans parler même des millions de gens privés de perspectives dans les pays touchés par des famines chroniques et la destruction de l’agriculture traditionnelle ? À cet égard, je vous renvoie à mon ouvrage La Vie en miettes.

    Rien de tout cela, bien entendu, n’innocente Israël, mais cela explique avec certitude, du moins en partie, pourquoi tout ce qu’il fait se solde par l’impunité la plus complète. Car il en est peu au monde qui, soucieux de la condition posée par l’Évangile, oseraient être les premiers à lui jeter la pierre. Même s’il en est beaucoup qui préfèrent exhorter qu’écouter les exhortations — et ils exhortent avec d’autant plus d’ardeur qu’il se trouvera peu de gens dans le désert pour tendre l’oreille vers eux. Shakespeare pourrait dire : Il y a quelque chose de pourri dans l’État d’Israël. Et il ajouterait sans nul doute, en enjambant quatre siècles : Il y a quelque chose de pourri dans un monde qui permet de telles choses…

    Shlomo Ben Ami a écrit un jour qu’Israël ne sait plus vivre en paix et que, par conséquent, il a constamment besoin de la guerre.

    Il y a déjà 40 ans de cela, je suis parvenu à la conclusion, ou plutôt j’ai sociologiquement déduit de l’état de choses qui prévalait alors, que le moment viendrait, et ce rapidement, où Israël craindrait la paix comme le plus grand des fléaux de l’Égypte. Car l’asservissement et l’humiliation d’une nation ont toujours été, sont et seront une recette pour le terrorisme et non un moyen de lutter contre lui. Du reste, ces deux phénomènes se font mutuellement des appels du pied, dans la mesure où les politiciens tremblent d’effroi devant tout avènement de la paix, car sans guerre et sans mobilisation générale, ils ne savent pas gouverner, donc autant dire qu’ils ne seraient guère enchantés par la fin du terrorisme palestinien. C’est pourquoi ils ne voient pas d’un mauvais œil, tout au moins de leur point de vue, les roquettes qui tombent sur les localités israéliennes situées près de la frontière. Ils seraient sans nul doute désespérés et tomberaient dans un état de panique si, tout à coup, ces roquettes venaient à manquer ; pour faire un emprunt à Voltaire : si elles n’existaient pas, il faudrait les inventer. Je dirais qu’entre les extrémistes israéliens et les extrémistes palestiniens, il existe un effet boomerang. Ils ont mutuellement besoin les uns des autres pour survivre, ils ne pourraient pas vivre les uns sans les autres.

    Est-il possible de soutenir la thèse que seuls les extrémistes israéliens sont responsables de l’état de choses actuel ? Ou bien faut-il plutôt considérer que cette politique recueille l’assentiment de toute, ou presque toute, la classe politique et d’une grande partie de la société ?

    Vous avez entièrement raison, et c’est dans cette raison que réside la tragédie. Pinochet a utilisé la violence contre les Chiliens, alors que Netanyahou n’emploie pas la violence contre quiconque, il a été élu démocratiquement à son poste et il a reçu de ses électeurs un mandat pour pratiquer la politique du coup-de-poing-dans-la-gueule. Contrairement à tous ceux qui aspiraient avant lui à devenir Premier ministre, il ne s’est pas présenté au verdict des urnes avec la promesse de la paix mais avec la promesse d’avoir la paix par le biais de l’expression mensongère « sécurité ». En d’autres termes, pour parler sans ambages et sans avoir quoi que ce soit à décoder : depuis le début, il n’avait nullement l’intention de consulter les Palestiniens, de tenir compte de leurs intérêts et de solliciter leur accord sur des règles de voisinage ; il souhaitait avoir toute licence a priori pour mettre unilatéralement la main sur des terres où vivait une population écrasée, occupée et captive, et les peupler. Il disait avec un maximum de sincérité quelle utilisation il ferait du pouvoir qui lui serait confié par la nation, et la nation lui a confié ce pouvoir.

    Il s’avère dorénavant que même la langue « démocratiquement correcte » et tous les restes de déclarations codées peuvent être mis à la poubelle par les politiciens israéliens. Le parlement israélien a adopté récemment une loi qui interdit d’appeler au boycott des produits fabriqués par les colons juifs dans les territoires occupés. On a fait appel de cette loi devant la Cour suprême, mais un sondage a révélé que la majorité de l’opinion publique est prête à soutenir cette attaque contre la liberté de parole. Car, selon elle, à quoi bon cette liberté si, depuis bon nombre d’années, le gouvernement dit et fait ce que la nation souhaite ? Certaines autres choses pourraient être dans l’intérêt de cette dernière — et dans ce cas la liberté de parole s’avérerait utile —, mais il y a belle lurette que la nation ne s’en souvient plus.

    Mario Vargas Llosa, qui a publié une série de reportages sur l’occupation israélienne, a fait remarquer que beaucoup d’Israéliens ignorent ou tout simplement ne croient pas aux atrocités commises par leur État contre les Palestiniens. Avez-vous observé des choses semblables ?

    Je ne sais pas qui étaient les interlocuteurs de Vargas Llosa, mais je ne leur accorderais pas trop de crédit ; de même, je suis très méfiant quant à la véracité des remarques de Vargas, recueillies au cours d’une simple visite de quelques jours. Je doute de la sincérité des témoignages entendus par Vargas, car pratiquement tous les citoyens d’Israël, aussi bien hommes que femmes, effectuent de temps en temps, mais assez régulièrement, leur service dans les territoires occupés et ils sont les témoins, ou alors les exécutants, des pratiques d’occupation. Tout simplement, peut-être (peut-être !) que les interlocuteurs de Vargas ne considéraient pas ce que font leurs enfants dans les territoires occupés comme des « atrocités » — en justifiant leurs activités peu louables comme un nouvel exemple de TINA (ein breira en hébreu, « on n’y peut rien » ou « on n’a pas le choix », qui est en Israël une justification très répandue, utilisée tous les jours et dans les circonstances les plus diverses).

    Pour défendre la politique d’Israël, on invoque souvent le fait que le Hamas palestinien ne reconnaît pas l’État d’Israël et souhaiterait le faire disparaître de la surface de la terre. Mais ne serait-ce pas parce que la captivité est une situation d’humiliation, un terreau sur lequel poussent parfois des idéologies et des recettes radicales, qui, dans d’autres circonstances, ne verraient peut-être jamais le jour ? Rappelons que le Hamas est né dans les années 80, c’est-à-dire après 20 ans d’occupation consécutive à la Guerre des Six-Jours (1967).

    Les extrêmes se touchent, disent les Français, et la politique, du moins dans sa pratique, confirme cette vérité. Je l’ai déjà dit, mais permettez-moi de me répéter : le refus du Hamas de reconnaître l’État juif constitue un atout colossal entre les mains des extrémistes israéliens ; il justifie leur refus de participer à des pourparlers de paix avec le Hamas et il justifie le blocus de Gaza, qui dure depuis des années — ce qui, à son tour, concourt à durcir l’attitude négative du Hamas. On pourrait continuer comme cela jusqu’à l’infini. À la base de cette chaîne apparente de causes et d’effets, on trouve une stratégie qui est commune aux deux adversaires, et que l’on pourrait résumer selon un principe tout simple : plus ça va mal, mieux ça va. Il est dans l’intérêt du Hamas que les choses aillent de mal en pis à Gaza, et la droite israélienne trouve son compte dans le fait que l’organisation sans la participation de laquelle toute négociation israélo-palestinienne sérieuse n’est pas possible, lui fournit avec beaucoup de zèle la preuve que de telles négociations sont stériles et absurdes. L’œuf et la poule… Qu’est-ce qui est venu en premier, qu’est-ce qui est venu en second ? Où est la cause, où est la conséquence ? Est-ce que l’un existerait sans l’autre ? C’est un nœud gordien, et on dirait qu’il n’y a aucun Alexandre le Grand en vue pour le trancher. En attendant, il y a deux forces, qui vivent toutes deux de la guerre et pour la guerre, et qui ont toutes deux le même intérêt à ce que le nœud ne soit pas démêlé. Je me risquerais à dire qu’on voit ici à l’œuvre le stratagème de Pénélope à rebours : Pénélope dévidait en catamini, la nuit, l’échevau qu’elle avait tissé le jour, alors que Netanyahou et le Hamas s’arrangent en toute connivence pour que le nœud desserré soit à nouveau inextricablement emmêlé.

    Zbigniew Brzezinski affirmait un jour avec ironie que la droite religieuse aux États-Unis soutenait Israël car « La Terre Sainte, c’est quelque chose d’exceptionnel, il va se produire un Second Avènement du Christ, par conséquent il faut agir de manière énergique et aider Israël. Ils considèrent que lorsque viendra la fin du monde, ou bien tous les Israélites devront se convertir au christianisme, ou bien ils finiront en enfer. On ne peut donc pas dire que ce soient vraiment de sympathiques alliés d’Israël. » Pourquoi aujourd’hui la droite, qui dissimule dans sa manche son antisémitisme, soutient-elle — aux États-Unis, en Espagne, en Italie — la politique d’Israël ?

    Il ne faut pas se leurrer : l’amour soudain des rednecks américains et parfois européens pour Israël ne découle pas d’une doctrine religieuse. Les déclarations de soutien pour les pratiques des envahisseurs israéliens ne coûtent pas grand-chose et n’apportent que des bénéfices (électoraux) si on les exprime à distance. Par la même occasion, on peut cajoler et cultiver son aversion pour la juiverie locale en cachant avec une feuille de vigne des intentions ignobles et ne craignant pas de se faire critiquer par les destinataires de cette animosité. On peut aussi, par procuration du moins, exhiber avec délectation de gros muscles, faire des moulinets avec son sabre et son absence de scrupules — toutes vertus que les rednecks vénèrent et qu’ils adorent s’attribuer à eux-mêmes. Ainsi donc, dans cette folie aussi, comme dans tant d’autres, il peut exister une méthode. Theodor Adorno mettait en garde les hérauts cultivés du rationalisme et de la cohérence contre le fait d’attribuer à la réalité plus de rationnel et de logique qu’elle n’en possède. Il n’y a que les théories cultivées qui ne peuvent pas coexister avec les contradictions. La politique vit avec ces dernières en parfaite connivence.

    On remarque sans aucune difficulté que les défenseurs d’Israël au sein de la droite en Europe et aux États-Unis sont souvent des islamophobes. Est-ce que l’islamophobie d’aujourd’hui ressemble à l’antisémitisme d’hier ?

    On voit déjà de par votre question qu’il ne s’agit pas tant de ressemblance entre ces deux attitudes que de but commun : on a affaire ici à une métonymie plus qu’à une métaphore, une affinité tangible plutôt qu’une ressemblance consanguine, une convergence d’intérêts plus que des vues parallèles… Quelque chose du genre « L’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Le monde musulman a pris la position d’« ennemi n°1 de l’Amérique » après qu’elle a été déclarée vacante par les Soviets, et la frontière israélo-palestinienne, fluctuante et particulièrement controversée, constitue dans ce nouveau conflit une ligne de front exposée — aussi bien pour l’attaque que pour la défense. Si on définit l’identité de quelqu’un en lui demandant « Dis-moi qui est ton ennemi, je te dirai qui tu es », alors l’israélophilie et l’islamophobie sont, pour l’instant du moins, comme cul et chemise.

    Les défenseurs de la politique d’Israël aux États-Unis et en Europe occidentale reprochent souvent à ceux qui les critiquent d’être antisémites. Diriez-vous qu’il y a de l’antisémitisme chez ceux qui défendent les droits des Palestiniens ?

    Chez les uns oui, chez les autres non. Il n’y a pas ici le moindre rapport automatique. J’ai toujours été irrité par l’expression, très populaire à une certaine époque, d’« antistaliniste », car ce vocable était un fourre-tout qui englobait pêle-mêle des attitudes foncièrement différentes les unes des autres, hormis une aversion commune pour Staline. Ou bien, prenons un exemple qui nous est encore plus proche : Solidarnosc. À un certain moment, elle avait rassemblé presque dix millions de Polonais unis dans la conviction que « cela ne pouvait plus continuer comme cela », mais si on leur avait demandé comment ils voyaient l’avenir, leur conviction commune aurait volé en éclats — ce qui du reste s’est vérifié par la suite, quand l’« ancien système » s’est écroulé. Le fait que quelqu’un soit antisémite ne veut pas dire qu’il doit condamner les agissements d’Israël — comme nous venons de le voir avec les rednecks ; de même, si quelqu’un condamne les agissements d’Israël, cela ne veut pas dire qu’il est antisémite — il suffit de prendre mon exemple, mais on en trouverait de semblables à la pelle. Les gouvernements successifs d’Israël ont fait des pieds et des mains — et ils continuent de le faire tant qu’ils peuvent — pour fournir beaucoup d’autres motifs de judéophobie et d’occasions pour la condamner, et ils font tout pour que ces livraisons de motifs aillent en augmentant plutôt qu’en diminuant.

    De quel œil « voyez »-vous la récente tentative de la « Flottille de la liberté » pour briser le blocus de Gaza ? Les défenseurs de la politique d’Israël reprochent à ses participants d’être des suppôts du Hamas. Il me semble que c’est là un réflexe de désaccord moral avec la ghettoïsation de Gaza et la poursuite de l’occupation, une façon d’attirer l’attention du monde sur une injustice.

    Dans le cas présent, vous avez raison, mais les « défenseurs de la politique d’Israël » également. Car dans ces bateaux on trouve des sympathisants du Hamas mais aussi des gens qui n’ont absolument rien à voir avec lui. Il y a eu une époque (de courte durée, il est vrai) où Lipski et Kuron [de gauche] se sont retrouvés avec Macierewicz [extrême droite] sur un seul et même bateau, qui avait pour nom le KOR. Cela a été rendu possible par les manœuvres des communistes qui leur répugnaient à tous. Il en va sans doute de même pour les bateaux de la Flottille de la liberté. Car il suffirait (il suffirait !) qu’Israël lève son blocus de Gaza et présente une variante israélienne du plan Marshall à la place de l’oppression actuelle et de la volonté d’affamer ses habitants pour que les équipages de ces bateaux se dispersent aux quatre vents.

    Les défenseurs de la politique d’Israël, qui voient souvent de l’antisémitisme dans les critiques à son encontre, avancent l’argument que l’ONU formule de façon disproportionnée de nombreuses condamnations à l’égard d’Israël et passe sous silence les violations des droits de l’homme et les crimes commis dans d’autres pays — comme si la plus grande partie du mal dans le monde se concentrait sur ce petit lopin de terre. Peut-être y a-t-il du vrai dans le fait que, à côté des critiques justifiées d’Israël, l’antisémitisme soit présent, ce qui peut créer des confusions dans l’esprit d’un public qui n’est pas nécessairement au fait des choses : qu’est-ce qui relève de l’antisémitisme et qu’est-ce qui relève de la critique légitime, et même nécessaire, des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme ?

    Encore une fois, vous posez, ou tout au moins vous suggérez, l’alternative « ou-ou » alors qu’il faudrait parler de « et-et ». Ceux qui ne supportent pas les juifs soutiendront avec enthousiasme toute nouvelle résolution condamnant Israël, même si la détresse des Palestiniens leur importe peu, ou même s’ils devaient faire chez eux, ou chez leurs voisins, la même chose que les Israéliens en Palestine. C’est pourquoi des gens sincèrement révoltés par la violation des normes morales par les occupants israéliens ne vont pas tarder, au cours d’un vote, à se retrouver, si vous me permettez le calque de cette image, dans un lit commun avec des partenaires qu’ils n’ont pas désirés. Mais le mérite de cette coalition non souhaitée et, à vrai dire, absurde, qui se reconstitue lors de chaque vote, en revient, dans une proportion qui n’est pas mince, aux gouvernements israéliens.

    Depuis quelques années, les défenseurs du droit des Palestiniens à un État indépendant appellent à boycotter Israël et à mettre en place des sanctions économiques, comme on l’a fait vis-à-vis de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Ces appels, tout comme la critique des violations des droits de l’homme et les accusations de crimes — par exemple le rapport Goldstone sur les massacres de civils à Gaza pendant l’opération « Plomb durci » — sont accueillis par Israël et ses défenseurs comme des complots ou des campagnes savamment orchestrées. Voyez-vous une stratégie efficace pour inciter Israël à mettre un terme à l’occupation et à respecter les droits des Palestiniens ?

    Je ne suis pas convaincu par l’idée du boycott, car le boycott, comme les gaz asphyxiants, les armes bactériologiques ou la bombe atomique, est un instrument perfide : une arme de destruction massive, mais qui détruit effectivement, sans faire le tri, à l’aveuglette (sur le même principe qu’une « catastrophe naturelle », comme par exemple le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755, au sujet duquel Voltaire affirmait avec effroi que « l’innocent, ainsi que le coupable, subit également ce mal inévitable »). Les collateral casualties (dommages collatéraux) du boycott sont gigantesques et il est quasiment impossible de les calculer d’avance. De surcroît, avec un boycott, autant les oppresseurs peuvent trouver tel ou tel moyen d’échapper à la misère, autant ceux qui sont déjà opprimés ne peuvent s’attendre qu’à une misère encore pire.

    Est-ce que je vois une « stratégie efficace » pour mettre fin à l’occupation ? Je suis un sociologue et non pas un stratège, et encore moins un conseiller de stratèges ou de politiciens. Mais je sais que la responsabilité de la « fin de l’occupation » et du « respect des droits des Palestiniens » repose sur les épaules des Israéliens. Ce sont eux qui doivent chercher une stratégie, de manière urgente, avec ferveur, avec conviction et bonne volonté — et ne pas attendre qu’on trouve un moyen de les y obliger.

    Est-ce que le gouvernement israélien et les juifs israéliens ont des raisons de craindre l’existence d’une Palestine indépendante ?

    Bien entendu, il y a de quoi avoir des craintes, mais le problème, c’est qu’il y a quelque chose qu’il faut craindre davantage encore : est-ce une Palestine indépendante ou bien une occupation qui s’étire comme cela à l’infini et un tonneau de poudre qu’on continue à remplir alors qu’il est déjà pratiquement plein ? Comme le montre la pratique, la crainte qui découle de la seconde éventualité est bien plus grave que la première. La décision unilatérale de retirer les forces israéliennes du sud-Liban, dont l’occupation était apparemment indispensable pour la sécurité d’Israël, n’a nullement augmenté la menace venant du Hezbollah libanais — alors que l’occupation et le siège de Gaza ont donné du ressort et de l’audace au Hamas !

    J’ajouterai que, outre les craintes liées à la sécurité, il y a d’autres raisons d’avoir peur : par exemple, la destruction morale galopante de la nation israélienne. De nombreux Israéliens se consolent en se disant que leur conscience, même si elle est blessée par la « nécessité » de l’occupation, sortira de l’oppression sans la moindre égratignure dès l’instant où les Palestiniens jetteront l’éponge et abandonneront toute ambition d’indépendance. Cela fait penser à une des anecdotes de Leszek Kolakowski, pleine de charme et, comme toujours, de profondeur : sur un type qui avait laissé son visage au mont-de-piété et qui n’était pas revenu le chercher pendant si longtemps que ce gage non racheté avait été cousu et transformé en ballon, avec lequel on jouait au football dans les cours du voisinage. Sans aucun doute, les Israéliens les plus âgés se souviennent encore comment ils ont dansé de joie autrefois en écoutant à la radio le compte rendu d’une séance de l’ONU au cours de laquelle on leur accordé l’indépendance…

    Est-ce que vous aimez la conception d’un seul État pour deux nations — la juive et la palestinienne ? Est-ce un horizon de pensée réaliste pour l’avenir de ces deux nations ?
    Que j’aime ou que je n’aime pas, cela a peu d’importance. L’important est de savoir si les Israéliens mais aussi les Palestiniens éprouveront pour cette idée de la sympathie et de la conviction, et reconnaîtront que cela vaut la peine de faire des efforts pour la réaliser. Et s’ils serreront les dents, retrousseront leurs manches et se mettront au travail. Il est clair que la construction d’un État à deux nations, comme la majorité des entreprises humaines, présente à la fois des chances et des menaces, à la fois des promesses de grands bénéfices et des possibilités de problèmes. Les résultats et le bilan final ne sont pas joués d’avance, encore moins prévisibles — car malgré tout c’est l’ingéniosité et la détermination des parties qui décideront du succès de l’expérience.

    À notre époque de diasporisation intensive, le principe « un seul territoire, un seul État, une seule nation » perd beaucoup du caractère absolu qu’on lui attribuait à l’époque de la construction nationale. À long terme, un État multinational deviendra certainement une règle et non pas, comme aujourd’hui, une exception. Nous apprenons tous peu à peu à vivre pour toujours avec la diversité — et à en tirer des satisfactions. Mais cela est une autre histoire, qui est beaucoup plus vaste que le sujet de notre conversation.

    Ne voudriez-vous pas conseiller le gouvernement polonais sur la façon de voter en septembre au sujet de l’attribution à la Palestine du statut de membre de l’ONU ?

    Je ne suis pas qualifié pour donner des conseils aux gouvernements. Ces derniers raisonnent selon des catégories qui sont différentes des miennes, ils s’intéressent à d’autres problèmes que moi et ils ont été mandatés pour s’en occuper. Mais si on m’accordait le droit de vote aux Nations Unies, je voterais « pour ». Et là, sûrement, comme rarement, sans la moindre hésitation.

    Comment parler de tout cela en Pologne, où les Polonais commencent petit à petit à se rendre compte qu’ils n’ont pas seulement sauvé des juifs, mais qu’ils les ont dénoncés, assassinés, ont été complices de l’extermination, et qu’après la guerre ils ont organisé des pogroms et pillé leurs biens. Et qu’en 1968, on a expulsé des milliers de Polonais d’origine juive… ?

    C’est effectivement ainsi que les choses se sont passées et pas autrement, si on ne veut pas dénaturer les faits. De toute façon, les Polonais sont impliqués dans la question très complexe des Israéliens et des Palestiniens, qu’ils le veuillent ou non, de par leur histoire (qu’ils ne peuvent changer). La Pologne a fourni non pas des milliers mais des dizaines, voire des centaines de milliers de pionniers et de fondateurs de l’État d’Israël. Il n’est donc pas surprenant que, pour autant que je m’en souvienne, les Polonais ont vraiment été très heureux de l’issue de la guerre des Six-Jours. « Nos petits juifs polonais ont flanqué une bonne raclée à ces Arabes russes », disaient-ils en se frottant les mains.

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    Zygmunt Bauman, il avait vu la « société liquide »
    Libération | Par Robert Maggiori — 11 janvier 2017
    http://www.liberation.fr/debats/2017/01/11/zygmunt-bauman-il-avait-vu-la-societe-liquide_1540689

    Né à Poznan le 19 novembre 1925, d’une famille juive, il se réfugie en 1939, après l’invasion de la Pologne par les nazis (sa femme Janina réchappera des camps de la mort), en URSS, et, alors marxiste convaincu, combat dans une unité militaire soviétique, puis occupe la fonction de commissaire politique. Revenu à Varsovie, il y enseigne la philosophie et la sociologie.

    Société noix de coco

    En mars 1968, à la suite de la campagne antisémite lancée par le régime communiste, il est forcé de quitter son pays et émigre en Israël, puis en Angleterre, où il devient citoyen britannique. L’université de Leeds l’accueille jusqu’en 1973 et lui confie la chaire de sociologie. Ses premiers travaux, sur le socialisme britannique, la stratification sociale ou les mouvements des travailleurs, ont un succès relatif, comme ceux qu’il consacre à la Shoah, au rapport entre modernité et totalitarisme, à la mondialisation. Ce n’est qu’au moment où il fait paraître ses études sur la disparition des « structures stables » et parvient, après avoir « dialogué » avec Marx, Gramsci, Simmel, puis Manuel Castells, Anthony Giddens, Robert Castel ou Pierre Bourdieu, à forger le concept de liquidité, qu’il devient un penseur de renommée internationale.

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    Décès du sociologue et philosophe Zygmunt Bauman
    Né dans une famille juive polonaise en 1925 à Poznan, Bauman consacrait ses travaux à la modernité et aux sociétés contemporaines
    AFP 10 janvier 2017

    http://fr.timesofisrael.com/deces-du-sociologue-et-philosophe-zygmunt-bauman

    Le sociologue et philosophe polono-britannique Zygmunt Bauman, connu notamment pour le concept de « société fluide », est décédé à l’âge de 91 dans sa maison à Leeds, ont indiqué lundi soir les médias polonais.

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    Selon sa compagne Aleksandra Kania, citée par le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, Zygmunt Bauman est mort dans sa maison à Leeds en Grande-Bretagne « entouré de sa plus proche famille ».

    Né dans une famille juive polonaise en 1925 à Poznan dans l’ouest de la Pologne, Bauman consacrait ses travaux à la modernité et aux sociétés contemporaines.

    Communiste convaincu pendant et après la Seconde guerre mondiale, il a été collaborateur dans les années 1945-1953 des services du renseignement militaire communiste. Son dossier se trouve à l’Institut de la mémoire nationale (IPN), organisme chargé de poursuivre les crimes nazis et communistes.

    En 1954, il commence a enseigner la philosophie et la sociologie à l’Université de Varsovie avant de quitter la Pologne pour Israël en 1968 en raison de la vague d’antisémitisme orchestrée par le pouvoir communiste.

    Après s’être installé en Grande-Bretagne en 1971, il enseigne jusqu’à sa retraite en 1990 à l’Université de Leeds, dont il était devenu professeur émérite.

  • Zygmunt Bauman, théoricien de la « société liquide » mais pas que | Par Robert Maggiori, 10/01/2017
    http://next.liberation.fr/livres/2017/01/10/mort-de-zygmunt-bauman-theoricien-de-la-societe-liquide_1540311

    Ses premiers travaux, sur le socialisme britannique, la stratification sociale ou les mouvements des travailleurs, ont un succès relatif, comme ceux qu’il consacre à la Shoah, au rapport entre modernité et totalitarisme, à la mondialisation. Ce n’est qu’au moment où il fait paraître ses études sur la disparition des « structures stables » et parvient, après avoir « dialogué » avec Marx, Gramsci, Simmel, puis Manuel Castells, Anthony Giddens, Robert Castel ou Pierre Bourdieu, à forger le concept de liquidité, qu’il devient un penseur de renommée internationale.

    La notion de « société liquide » est aujourd’hui tombée dans le langage courant, en tout cas le langage médiatique, sans doute parce qu’elle est vraiment pertinente et permet d’indiquer en un seul mot les caractéristiques des sociétés contemporaines. Zygmunt Bauman l’emploie dans un sens précis. Une société est dite moderne-liquide si les situations dans lesquelles les hommes se trouvent et agissent se modifient avant même que leurs façons d’agir ne réussissent à se consolider en procédures et habitudes. Elle est apparue lorsque, à l’ère solide des producteurs, s’est substituée l’ère liquide des consommateurs, qui a fluidifié la #vie elle-même, une vie frénétique, incertaine, précaire, rendant l’individu incapable de tirer un enseignement durable de ses propres expériences parce que le cadre et les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées changent sans cesse.

    Nos sociétés sont comme les nids de guêpes du Panama : non plus des « sociétés noix de coco », entourées de coque épaisse, qui correspondaient à la phase solide de la modernité, à la construction de la nation, à « l’enracinement et à la fortification du principe de #souveraineté, exclusive et indivisible », à l’imperméabilité des frontières, mais des « sociétés avocat », prune ou kaki, à extériorité molle, qui correspondent à la #modernité liquide, « changeante et kaléidoscopique », au multiculturalisme et au brassage des populations, à la « dévaluation irrépressible » des distances spatiales, aux interpénétrations et interconnexions en réseau, constantes mais modifiables sans cesse.

    (…) Il est impossible de citer tous les sujets sur lesquels Bauman a appliqué ses grilles d’analyse, des leçons à tirer du génocide nazi quant à l’interprétation de la modernité, jusqu’à la situation actuelle de l’Europe, du rôle des intellectuels à l’art, de la « vie pressée » à l’#identité. Cette dernière, du fait justement de la fluidité de la vie, de l’incessant changement de rôles, fonctions, statuts et objectifs, ne peut jamais être « finale » et est renégociée au coup par coup, dit-il. D’autant plus qu’elle ne peut se raccrocher à aucune structure stable, pas même les groupes d’appartenance, que le sociologue anglo-polonais dit avoir été remplacés par des #essaims, des ensembles « d’unités autopropulsées reliées entre elles par la seule solidarité mécanique », n’assurant que la sécurité du nombre (de la même manière qu’un social network remplace l’amitié authentique par le « nombre d’amis ») et jamais le partage de valeurs ni la coopération sociale ou politique.

  • Vincennes, l’université perdue
    Virginie Linhart (2016)
    http://www.arte.tv/guide/fr/059529-000-A/vincennes-l-universite-perdue

    https://www.youtube.com/watch?v=vatGohswBBI

    Dans le bois de Vincennes, jadis, il existait une université révolutionnaire. Là-bas, les fils de bonne famille pouvaient s’instruire aux côtés d’étudiants venus du monde entier, le bachelier studieux côtoyait des femmes et des hommes aux parcours sinueux. Là-bas, on expérimentait : suppression des cours magistraux, des limites d’âge, ouverture aux paysans, aux ouvriers et aux non diplômés, naissance d’un département de psychanalyse, de cinéma, création de cours du soir pour les salariés, d’un souk, d’une crèche... Autant de choses impensables pour un pouvoir gaulliste à bout de souffle, protecteur d’un monde ancien. Mai-68 est passé par là et pendant douze ans, Vincennes vit, s’agite, dérange, attirant les meilleurs professeurs du pays, marqués (très) à gauche : Michel Foucault, Gilles Deleuze, Hélène Cixous, François Châtelet, Jean-François Lyotard, Madeleine Rebérioux, Jacques Rancière ou encore Robert Castel. « La forêt pensante » devient le lieu de référence mélangeant militantisme et apprentissage. Les luttes sont quotidiennes. La castagne aussi, entre gauchistes et communistes, étudiants et policiers, anarchistes et démocrates... Mais ce joyeux chaos se trouve notamment miné par des affaires de drogue. Le prétexte idéal pour détruire Vincennes à l’été 1980.

    Que reste-t-il de ces douze années bouillonnantes ? Physiquement, rien, pas même une plaque. Vincennes a tout simplement été effacée de la surface de la terre, telle une pustule défigurant le visage lisse de la France giscardienne. Mais Vincennes reste vivante dans les esprits de ceux qui la fréquentèrent. Leurs souvenirs, associés à des images d’archives rares, nourrissent ce superbe documentaire tout à la fois touchant et politique. À travers son film, la réalisatrice Virginie Linhart - fille de Robert, qui enseigna la philosophie à Vincennes - rappelle qu’une autre façon d’enseigner, moins compétitive, moins discriminante, a existé en France.. Et que ce modèle a fonctionné.

    #France #Université #Histoire #Documentaire #Vincennes #Virginie_Linhart

  • Qui sont les #insiders ? - Une heure de peine...
    http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2016/04/qui-sont-les-insiders.html

    Ce qui hiérarchise ces différents #marchés est, on l’aura compris, la #sécurité beaucoup plus que la #stabilité de l’#emploi. Or, on peut prendre cette question au sérieux : qu’est-ce qui confère à un individu une certaine sécurité ? La réponse de Robert Castel est à la fois simple et extrêmement puissante : c’est la "propriété. Celle-ci « apporte à la fois des #ressources matérielles permettant de s’assurer contre les aléas de la vie, et un statut, une reconnaissance ». Propriété des moyens de #production, du #capital bien sûr, mais aussi ce que Castel appelle la « propriété sociale » :

    En reprenant une intuition d’Henri Hatzfeld , j’ai appelé propriété sociale les ressources et les droits que l’on a progressivement attachés au travail (sécurité sociale, droit du travail...), et qui sont une sorte de propriété pour les non-propriétaires, de propriété pour la sécurité, qui s’adresse à tous. Le droit à la #retraite, par exemple, n’est pas une propriété privée au sens strict, mais une #prestation construite à partir du travail qui est une condition de votre #indépendance sociale. Avec cela, le travailleur ne devient pas un riche propriétaire, mais en termes de sécurité, de #protections, sa situation peut se comparer à celle d’un petit rentier. Il est en mesure de demeurer un individu apte à se diriger par lui-même.

  • Stigmatisation et discrimination des banlieues, La discrimination négative, Robert Castel, une note de lecture | DIACRITIK
    http://diacritik.com/2015/11/23/stigmatisation-et-discrimination-des-banlieues-robert-castel

    La #discrimination_négative, du sociologue Robert Castel, analyse certains mécanismes de la discrimination raciale en France aujourd’hui et donc la façon dont peut fonctionner la discrimination dans un État de droit où elle est interdite par la loi. Loin d’être le fait de quelques racistes, la stigmatisation et discrimination raciale apparaît comme un segment d’une structure qui, en-deçà de la loi (ce qui ne signifie pas que les lois et institutions sont exemptes de tout fondement et contenu discriminatoires), organise un certain niveau des #relations_sociales. Considérer uniquement les lois ou l’État et dire que la discrimination raciale n’existe pas en France revient à privilégier une approche institutionnelle et juridique de la discrimination favorisant la fiction républicaine. Or, cette idée ne résiste pas à l’établissement des faits : certains groupes subissent une discrimination différente de ce que serait la discrimination d’État. Comme l’a démontré Foucault, le pouvoir ne peut être réduit à sa forme juridique, ayant pour source l’État : le pouvoir existe par l’établissement et la reproduction de #rapports_sociaux structurels. (...)

    L’auteur insiste sur la situation matérielle de ces jeunes ainsi que sur les processus de stigmatisation, de dévalorisation et de #marginalisation qu’ils subissent et qui aboutissent, de fait, à une exclusion de la citoyenneté. Robert Castel fait apparaître que la situation matérielle, sociale, économique, culturelle et symbolique de ces jeunes s’enracine dans les politiques conjointes d’urbanisation et d’immigration qui sont menées depuis près de 60 ans, dans le colonialisme et le post-colonialisme ainsi que la #discrimination_raciale qui leur est liée, dans la paupérisation et la #précarité qui frappent ces populations. Leur situation trouve son origine dans une série de stigmatisations et de discriminations. Ce que sont ces jeunes – si parler de manière aussi globale a un sens – n’est pas la manifestation d’une nature ou essence qui serait celle « des Noirs ou des Arabes », mais résulte d’un contexte et de processus qui concernent l’histoire et les représentations de la société dans son ensemble. C’est cette dimension historique, sociale et idéologique qui est occultée par les processus de stigmatisation et de discrimination, qui fonctionnent en interprétant en termes de nature ou d’essence ce qui relève du social et de l’histoire. (...)

    Ce que met au jour La discrimination négative, c’est que ces jeunes sont pris dans un #double_bind, un double discours contradictoire qui, d’un côté, les assimile à des citoyens, selon un modèle républicain valorisé de la citoyenneté et de l’universalité (des valeurs, des droits, etc.), mais d’un autre les maintient dans une position stigmatisée, dévalorisée, source de discriminations objectives : la société les enjoint d’être quelque chose qui en même temps leur est refusé, et qui leur est d’autant plus refusé que le #modèle_républicain du #citoyen auquel on les presse de se conformer semblerait de fait inclure leur stigmatisation, dévalorisation et discrimination. On le voit, le problème concernerait moins, de manière spécifique, ces jeunes, que ce modèle républicain du citoyen qui serait à remettre en question, ainsi que l’#ordre_social, économique, politique, ethnique, culturel ou symbolique qu’il garantit.

    Il est nécessaire d’insister plus que ne le fait l’ouvrage, sur un constat. Cette #xénophobie est inscrite dans les institutions, dans les lois, active contribution à l’ordre symbolique où s’ordonnent les représentations.
    Ainsi dès 1988, lors de l’instauration du RMI, adopté à l’unanimité moins 3 abstentions à l’instigation du #PS, on dispose que l’étranger doit avoir résidé légalement en France 2 ans avant de pouvoir prétendre à ce « droit ». Le texte du PS prévoyait un sas de 3 ans, il aura fallu une mobilisation pour que ce mince recul soit opéré, jusqu’à ce que le GVT N.S fixe à 3 ans de séjour légal le préalable à la demande de RSA...). Le Fn n’a pas le monopole dune #préférence_nationale qui est inscrite dans la loi (dans divers textes).
    Idem, la parole des dirigeants pèse de tout son poids pour légitimer ces visons et leur diffusion ("je veux voir plus de white", « les roms ont vocation à rentrer en Roumanie », Valls).

    #inutilité_sociale #dangerosité
    #Banlieues et #quartiers comme on dit aujourd’hui...

  • Ubérisation : comment éviter qu’elle tue la protection sociale - Arrêt sur Images
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/128320956494

    Anne-Sophie Jacques pour Arrêt sur Images esquisse avec l’économiste Guillaume Allègre (@g_allegre) et l’entrepreneur Nicolas Colin des solutions pour éviter que l’ubérisation de l’économie ne tue la protection sociale. Pour Guillaume Allegre : “comme le montre Robert Castel dans Les métamorphoses de la question sociale, c’est le développement de la société salariale qui a permis le développement d’une protection sociale. Avec l’uberisation, on risque de revenir au travail à la tâche.” Si pour Guillaume Allègre il faut tenter d’intégrer ces nouveaux emplois au salariat traditionnel, pour Nicolas Colin le développement de “salariés” indépendants est appelé à devenir la forme dominante de l’emploi. L’enjeu est de créer de nouvelles institutions pour protéger ces nouvelles formes de travail plus proche des (...)

    #sharevolution #uberisation #politiques_publiques #régulation

    • (extrait)

      Une somme fixe d’argent, versée à chaque citoyen, salarié ou pas, de manière automatique, pour mieux accompagner les mutations du monde du travail ? Des expérimentations – encore floues – sont annoncées en Finlande ou aux Pays-Bas. L’Aquitaine veut y réfléchir. Le vieux débat sur le revenu de base reprend de plus belle.

      Si les élections législatives d’avril, en Finlande, ont attiré l’attention des médias étrangers, c’est d’abord en raison de leur dénouement : le parti centriste, vainqueur du scrutin, a choisi de s’allier avec l’extrême droite des Vrais Finlandais pour former un exécutif inédit dans l’histoire du pays. Mais ce n’est pas le seul fait à retenir. Lors des semaines précédant la consultation, le parti centriste de Juha Sipilä (devenu, entretemps, premier ministre) s’était aussi prononcé pour une mesure originale : l’expérimentation d’un revenu de base.

      À Helsinki, une majorité de députés semble aujourd’hui prête à défendre cette promesse. Rien ne dit pour autant que le chef du gouvernement la mettra en œuvre, en particulier parce que ses partenaires de coalition n’y paraissent pas tous très favorables. Mais le débat sur les vertus d’un revenu de base, et ses modalités très controversées, a été relancé.

      En Suisse, un référendum est censé avoir lieu sur le sujet, sans doute en 2016, après le dépôt à Berne de 126 000 signatures exigeant la tenue de cette consultation. En Espagne, la promesse figure, parfois, parmi les revendications du mouvement anti-austérité Podemos. Aux Pays-Bas, la ville d’Utrecht va lancer une expérimentation à partir de janvier 2016, sur un groupe d’environ 300 personnes (on parle d’un forfait de 900 euros par mois pour un adulte, 1 300 pour un couple).

      En France, une association, lancée en 2013, le Mouvement français pour le revenu de base (MFRB), qui revendique 600 adhérents, organise ses journées d’été du 21 au 23 août près d’Annecy. Avec d’autres, elle a lancé fin 2014 un journal gratuit, L’Inconditionnel, qui propose de répondre à cette question aguicheuse : « Et vous, que feriez-vous si vous n’aviez plus à gagner votre vie ? » Dans Liber, un revenu de liberté pour tous (L’Onde, 2014), l’ingénieur Marc de Basquiat (membre du MFRB) et l’essayiste étiqueté libéral Gaspard Koenig militent pour un revenu minimum baptisé Liber (450 euros pour un adulte), financé par un impôt sur les revenus et censé se substituer « au maquis des allocations spécifiques » (en l’occurrence, avant tout, le RSA et la prime pour l’emploi).

      Les défenseurs du revenu de base avaient déjà fait parler d’eux en janvier 2014. Ils avaient alors récolté, à travers toute l’Europe, 285 000 signatures de citoyens qui s’étaient déclarés favorables à un « revenu de base inconditionnel ». L’opération n’avait pas suffi à enclencher une dynamique au sein de l’Union. Il aurait fallu beaucoup plus – rassembler un million de noms en l’espace d’un an – pour contraindre la commission de Bruxelles à s’emparer de ce dossier, souvent qualifié de totalement utopique par ses adversaires.

      Ces initiatives désordonnées prouvent que le débat sur le revenu de base (« RDB »), vieille idée surgie à la fin du XVIIIe siècle (avec les travaux du Britannique Thomas Paine), s’intensifie. « Pourquoi cette idée retrouve-t-elle de l’audience aujourd’hui ? Sans doute parce qu’elle répond à une double préoccupation de notre époque, marquée par la persistance du chômage de masse et du sous-emploi et la montée des inégalités », écrit la journaliste Sandra Moatti dans l’éditorial du dernier numéro de L’Économie politique, qui y consacre un dossier très stimulant (juillet 2015, éditions Alternatives Économiques).

      Suite : http://www.mediapart.fr/journal/economie/300715/de-la-finlande-laquitaine-le-revenu-de-base-en-debat

      http://www.anti-k.org/2015/07/30/de-la-finlande-a-laquitaine-le-revenu-de-base-en-debat

    • (extrait - suite et fin)

      De quoi parle-t-on ? Voilà l’idée générale, qui a rarement dépassé le stade de la micro-expérimentation à travers le monde (sauf quelques exceptions comme l’Alaska) : un revenu fixe, versé à n’importe quel citoyen jusqu’à sa mort, sans aucune condition ou contrepartie (« inconditionnel, universel et forfaitaire », disent les économistes). Qu’on soit riche ou pauvre, avec ou sans emploi, seul ou en ménage, tout le monde touche la même somme. Dans la pratique, il existe des dizaines de manières d’imaginer et de financer cette garantie, théorisée par des économistes de droite (Milton Friedman et son « impôt négatif ») comme des penseurs de gauche (André Gorz et son « revenu d’existence »), des néolibéraux comme des anticapitalistes, et défendue, chez les politiques français, tout à la fois par José Bové et Christine Boutin.

      Pour des esprits façonnés par des décennies d’un État redistributif à la française, l’initiative peut troubler. Tout simplement parce qu’elle revient à découpler la question du travail de celle du versement de prestations sociales. C’est ce qu’explique très bien Julien Dourgnon, ancien conseiller de l’ex-ministre Arnaud Montebourg dans L’Économie politique : « Le RDB, par ses caractéristiques (universalité, inconditionnalité, égalité) entend défaire le monopole et l’emprise de l’emploi sur la construction de la protection sociale. Il se fonde sur une logique où le sous-emploi permanent devient une norme acceptable et acceptée au nom d’un principe de réalité et d’un principe de justice. […] C’est pourquoi le RDB n’est pas un revenu d’exception mais un revenu permanent. »

      Une « étude de faisabilité » lancée en Aquitaine

      L’horizon du plein emploi s’est éloigné. Le travail « en miettes » et les emplois de mauvaise qualité se sont généralisés. Il faudrait donc adapter la protection sociale aux mutations de l’emploi à l’âge du capitalisme financier. Certains se risquent même à imaginer le remplacement à grande échelle des travailleurs par des robots. Dans cette optique, le revenu de base permettrait « le passage d’un modèle de précarité subie à un modèle de mobilité choisie », prédit Carlo Vercellone, maître de conférences à Paris-1 et théoricien, avec d’autres, du « capitalisme cognitif ».

      L’avènement du revenu de base permettrait de mieux prendre en compte ce travail non marchand, difficile à quantifier exactement, mais de plus en plus décisif, sur fond d’essor du numérique et de culture des « communs » (lire, en écho, l’entretien avec Michel Bauwens sur Mediapart). Ce revenu aurait aussi l’avantage de régler les problèmes d’« incitation » redoutés par certains économistes (lorsqu’un chômeur, dit-on, rechigne à prendre un emploi mal payé, pour conserver ses indemnités chômage) : le « revenu plancher » resterait fixe, même si les revenus complémentaires, tirés de l’activité, eux, progressent.

      Au fond, les ambitions des uns et des autres, autour d’un même projet, sont très variables. Pour les libéraux, un revenu de base fixé à des niveaux plutôt faibles, permettrait surtout de simplifier les rouages de l’État social, pour le rendre plus efficace – quitte à rendre plus acceptables les inégalités de la société, sans s’y attaquer pour de bon. Pour les défenseurs d’un modèle alternatif à l’hégémonie néolibérale, le RDB doit être une option plus ample, dans le sillage des travaux, par exemple, d’André Gorz (dès Adieux au prolétariat, 1980) : ce serait « l’un des instruments d’une transformation sociale radicale et émancipatrice », à condition de le combiner avec la réduction du temps de travail et l’essor d’« activités autonomes », explique la sociologue Françoise Gollain, toujours dans L’Économie politique.

      L’extrême variété des approches saute aux yeux dès lors que l’on entre dans la pratique. Les pistes de financement de ce revenu de base sont pléthoriques. Ses avocats en répertorient une petite dizaine (lire ici), de la fiscalité (impôt sur le revenu, taxe sur le capital ou les transactions financières, etc.) à la création monétaire (via des monnaies locales ou une réforme des mandats des banques centrales, par exemple, une piste préférée par de nombreux écologistes). La question du montant exact de ce revenu donne lieu à des réflexions très complexes. Et tout le monde n’est pas d’accord, non plus, sur un autre point décisif : ce RDB vient-il compléter l’existant ou remplace-t-il la plupart des prestations sociales ?

      Dans son éditorial, Sandra Moatti cite les mises en garde du sociologue Robert Castel, qui voit dans ce revenu de base l’exemple même de la « mauvaise utopie » : « D’un montant trop faible pour se passer de travailler, il offrirait au capitalisme une “armée de réserve” où puiser à moindre coût des travailleurs déjà partiellement rémunérés par un médiocre revenu de subsistance. » Le RDB comme un outil d’exploitation d’un nouveau genre ?

      « C’est une crainte exagérée, réagit Jean-Éric Hyafil, un économiste membre du MFRB joint par Mediapart. Dans les années 80 et 90, c’était une idée qui était très associée à l’impôt négatif théorisé par l’économiste américain Milton Friedman. Dans cette configuration, il est prévu de supprimer le SMIC. Mais ce n’est pas du tout ce que l’on défend au sein du Mouvement : il n’est pas question de toucher au SMIC, pour mettre en place ce revenu de base. Puisque le SMIC ne disparaîtrait pas, la crainte exprimée par Robert Castel n’est pas fondée. »

      À l’initiative du groupe EELV, le conseil régional d’Aquitaine a donné son feu vert, début juillet (grâce à une très forte abstention), à la réalisation d’une étude de faisabilité d’un « RSA inconditionnel ». Il s’agirait d’une « première étape vers un revenu de base universel ». Le projet, encore vague, reste modeste : les règles de calcul du RSA ne seraient pas modifiées, mais les ayants droit n’auraient plus aucune démarche à effectuer, en particulier pour prouver qu’ils recherchent « activement » un emploi, pour toucher cette aide.

      « La plupart des travailleurs pauvres qui ont droit au RSA ne le demandent pas, notamment parce que c’est stigmatisant de le demander. De ce point de vue, cette mesure aurait un impact important, assure Jean-Éric Hyafil. Mais il y aurait bien sûr, ensuite, un autre chemin à parcourir pour passer d’un RSA inconditionnel à un RSA inconditionnel, universel et individuel. » En clair, un RSA forfaitaire, versé à tous les citoyens.

      C’est, semble-t-il, la stratégie du Mouvement français pour le revenu de base : ne pas plaider pour un big-bang fiscal du jour au lendemain, mais bien plutôt réformer les prestations sociales existantes et les tirer, au terme d’expérimentations locales, vers un revenu de base plus ambitieux. Pour y parvenir, il faudra encore faire taire les très nombreux sceptiques.

      Lire aussi

      « Faut-il défendre le revenu de base ? - dossier » L’Économie politique, numéro 67, juillet 2015, éditions Alternatives Économiques.
      Michel Bauwens : « L’hégémonie du libéralisme a été cassée par le numérique » - Par Jade Lindgaard
      Michel Bauwens : « Vers une économie post-capitaliste » - Par Joseph Confavreux et Jade Lindgaard
      Fusionner le RSA et la prime pour l’emploi, explications - Par Michaël Hajdenberg
      Le RSA jeunes, total non-évènement - Par Mathieu Magnaudeix

      http://democratie-reelle-nimes.over-blog.com/2015/07/de-la-finlande-a-l-aquitaine-le-revenu-de-base-en

    • Présentation du revenu de base dans La Tribune

      « Un revenu de base pour tous et sans condition ? Une idée au service de l’esprit d’entreprise », entretien avec Jean-Marc Ferry
      http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20130618trib000771011/-un-revenu-de-base-pour-tous-et-sans-condition-une-idee-au-service-de-l-es

      Le revenu de base (1/3) : les fondements
      http://www.latribune.fr/economie/international/le-revenu-de-base-1-3-les-fondements-497079.html

      Le revenu de base (2/3) : comment l’appliquer ?
      http://www.latribune.fr/economie/france/le-revenu-de-base-2-3-comment-l-appliquer-497078.html

    • J’ai pas pris le temps de tout lire, ni du premier article, ni de la série du second. Mais je pense que pour comprendre les enjeux du revenu de base, notamment du point de vue des idées de gauche, le point crucial est que les milliards de pauvres ne sont pas le fond du problème. Partant de là, il sera plus facile de se focaliser vers une direction.

    • @02myseenthis01 vu comme tu écris, je pense que tu as suffisamment de style (ça doit être pareil à l’oral je suis sûr), pour rendre attrayant à un auditoire fermé, obtus, ou récalcitrant le sujet du RdB.

      Un de mes amis en avait parlé à une jeune ingénieure débutant sa carrière et passant des journées parfois interminables à travailler dans le bureau d’études qui l’employait, finissant régulièrement par des réunions tardives. Parfois elle se pleignait de finir tard son boulot, mais elle semblait avoir pris les traits d’une #workaholic (une #travailholic) ; bref une addicte au labeur.

      Du coup, cet ami avait fini par lui refiler sur une clé usb le documentaire Le revenu de base, une impulsion culturelle , en pensant que ce film serait un intermédiaire et une manière d’aborder le sujet avec elle, de manière plutôt délicate. Et c’est à partir de ce moment précis qu’elle n’a plus désiré le revoir.

      Donc je me dis que pour aborder certains sujets il doit y avoir des stratégies ou des techniques, comme l’humour par exemple. Même un documentaire bien expliqué peut être trop frontal, et repousser, comme le documentaire que j’ai cité ci-dessus.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Bourreau_de_travail
      https://www.youtube.com/watch?v=-cwdVDcm-Z0

      #addictions

    • @la_taupe , comment dirais-je ?

      C’est à mon avis une des rares expériences dans notre vie humaine, qui permet une généralisation sans des si et des mais : malgré tous les efforts, sans l’avoir appris dès son enfance on se découvre limité dans un idiome étrangé.

      Ainsi s’explique certainement une tendence à la simplification de la grammaire et du vocabulaire, par laquelle j’arrive néanmoins cahin-caha à manoeuvrer mon navire notoirement trop chargé sur des eaux vastes et périlleux du français, menacé par des brisants grammaticaux et des monstres se levant des abîmes d’orthographe - du même coup et pire encore je me pilote exposé aux sirènes obsédées et vangeresses de la propre langue, qui trompent incessamment le marin errant avec des expressions idéomatiques et d’une syntax intièrement inutilisable.

      Vu ma situation désillusionnante, mais vu aussi, que #Seenthis est une des rares îles bien entretenue et encombrée d’un esprit journalistique expérimenté et généreux, j’éspère que des chastes circonstances d’un naufragé dépourvu se font entendre : tant de fois déjà gîté, qui pourrait s’étonner qu’on préfère de se contenter avec la même brièveté dans le billet introductoire qui m’a leurré irrésistiblement de m’essayer à son ambiguité contextuelle.

      [ #exercice en français écrit]
      (La_taupe, je reviendrai à ton sujet posé si bien caractérisé et circonscrit.)

    • @02myseenthis01 je vais relire ton dernier commetaire à tête reposé, car te lire est pour moi une gymnastique :)

      Par exemple parce que je voudrais être sur de te comprendre sur ce paragraphe :

      C’est à mon avis une des rares expériences dans notre vie humaine, qui permet une généralisation sans des si et des mais : malgré tous les efforts, sans l’avoir appris dès son enfance on se découvre limité dans un idiome étrangé.

      C’est avec plaisir que je te lis (et relis).

    • Surtout avec le paragraphe introductoire, @la_taupe ,je ne suis pas tellement content non plus.

      Est-ce qu’il s’y agit des problèmes avec le pronom du complément direct et avec l’expression « des rares expériences dans notre vie humaine » ?

      a) Le pronom en cause dans « sans l’avoir appris dès son enfance » se réfère à « un idiome étrangé » ; cet emploi pourrait causer quelques irritations, parce que normalement on attendrait d’un antécédant qu’il soit déjà mentionné avant le pronom. En allemand (pour moi : « propre langue » cf. le paragraphe suivant) cette construction serait malgré tout possible, mais demanderait un changement dans la prosodie (l’accentuation dans une phrase ou différent phrases suivantes... cf. les « sirènes » dans le paragraphe suivant).

      b) « des rares expériences dans notre vie humaine » - je voulait éviter « des rares expériences dans notres relations sociales », pour y suivre dès le commencement un style exagérant d’une manière pseudo archaique.

      c) « sans des si et des mais » - je l’ai utilisé pour ironiser et contrecarrer un peu le style choisi.

      Le 1ier paragraphe pourrait alors avoir une solution suivante :

      C’est à mon avis une des rares expériences dans notres relations humaines, qui permettrait une généralisation sans des si et des mais : on se découvre limité dans un idiome qu’on n’a pas appris dès son enfance.

      [ #exercice en français écrit]

  • Les quartiers populaires désert politique ?

    Parler d’« émeutes » plutôt que de « violences urbaines », prendre en compte le point de vue des « jeunes émeutiers », sans considérer a priori qu’ils n’ont rien à dire ni les mots pour le dire, mais aussi les jeux d’acteurs qui tantôt amplifient leur colère tantôt font « société » (médiation, pacification), souligner leurs inscriptions territoriales irréductibles, sont autant de choix méthodologiques qui conduisent à prendre ses distances avec les débats publics. Interroger la qualification politique de ces « révoltes » revient à distinguer non seulement des actions conventionnelles et des actions non-conventionnelles, mais plus fondamentalement ce qui relève du politique et de la politique. Une chose est en effet le politique, au sens d’un régime d’articulation qui s’opère entre l’individu, la société et l’État. Une autre est la politique, entendue comme la distribution des intérêts et des croyances dans la société, le mode de leur représentation, le régime de leurs alliances et de leurs conflits. Or, on l’oublie trop souvent, ce dont souffrent ces quartiers ce n’est pas seulement d’un déficit de cohésion sociale ou d’une dégradation des territoires mais d’un déficit démocratique et politique.

    Didier Lapeyronnie définit l’émeute comme le fait des primitifs de la révolte (reprenant Éric Hobsbawm), c’est-à-dire de tous ceux qui n’ont pas d’autres moyens d’expression de leur révolte que les violences collectives 15. Or l’enjeu de ces dernières est clair : il s’inscrit dans un contexte de durcissement des rapports entre les jeunes et la police qui, lui-même, cristallise un rapport pour le moins problématique entre les populations de ces quartiers et les institutions. Bien que surgissant d’un problème de contrôle social qui ne date pas d’hier, cette hostilité a pris des formes nouvelles ces dernières années. Le racisme institutionnel, les pratiques discriminatoires à l’encontre des jeunes maghrébins et noirs, la pression exercée sur les cités et ses habitants qui en rejettent le stigmate tout en ne cessant de s’y identifier, sont des faits avérés et assez documentés pour qu’on n’y revienne pas. Du coup, si révolte il y a, elle ne se fait pas au nom d’une culture populaire mais d’une expérience négative du rapport à la police en particulier ou des institutions comme l’école.

    Mais la révolte traduit aussi le déficit de citoyenneté qui caractérise pour une large part les « jeunes des banlieues ». Comme le montre Robert Castel dans un article récent : « Paradoxalement, ce serait parce qu’ils sont citoyens, mais des citoyens par défaut, que beaucoup de ces jeunes auraient adopté des conduites destructrices et, en somme, ils se seraient faits délinquants au nom du droit. (…) C’est en ce sens que l’on peut penser que ces violences ont porté une signification politique. » (Castel, 2006).
    Lien

    Les voies de la colère : « violences urbaines » ou révolte d’ordre « politique » ? http://socio-logos.revues.org/352

    Le champ du politique est un espace poreux, aux frontières floues et aux définitions multiples. Il n’est pas réductible aux modes de gouvernance où à la distribution du pouvoir. Il ne relève pas non plus d’une substance immuable tant il est historiquement et socialement marqué (Corcuff, 2000). Comment peut-on nommer un mouvement non conventionnel, qui prend racine dans une expérience collective et qui se nourrit d’une défiance protéiforme envers ce que Max Weber appelle une organisation administrative qui dispose de la menace et du recours à la violence physique (Weber, 1971, p. 57) ? Qu’il s’agisse de demande de respect, de dénonciation des conditions d’existence, des multiples formes de discriminations, d’attente d’une action forte contre les déviances policières, d’expression d’inquiétudes face à l’avenir, etc., que ce sentiment d’injustice s’exprime dans des formes légitimes ou non, ces émeutes sont en rapport aux affaires publiques, au gouvernement d’un État (principal sens du mot politique dans le Littré, 1872 et le Dictionnaire de l’Académie française, 1935), elles questionnent radicalement l’organisation de la polis.

    Émeutes urbaines, sentiments d’injustice, mobilisations associatives
    Émergence d’une dynamique politique chez les jeunes dits « de cité » ?
    http://sociologies.revues.org/3521

    De la trahison des « Beurs » : retour sur une marche récupérée
    PAR ANTOINE PERRAUD. Paywall
    ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 18 NOVEMBRE 2013
    Qu’évoque, en 2013, la marche pour l’égalité et contre le racisme ? C’était en 1983. Le mouvement fut très vite appelé “marche des Beurs”, en un détournement qui en dit long sur une folklorisation prompte à vider une telle action de son contenu politique. La réalité, le sel et le sens de cette trajectoire sont restitués par un documentaire diffusé sur Public Sénat.

    http://blog.mondediplo.net/2013-11-21-S-O-S-Avenir-trente-ans-plus-tard
    http://www.histoire-immigration.fr/magazine/2014/4/la-longue-marche-des-beurs-pour-l-egalite

    "Mais l’histoire des luttes de l’immigration en France
    ne commence ni se termine à la Marche. Car même si
    elles bénéficient d’une aura universitairetoute fluctuante et inégale, les luttes de l’immigration et des banlieues s’enrichissent d’une histoire complexe. Cette histoire commence par lesluttes ouvrières des années 70, se poursuit par les mobilisations constantes contre les dérives policières, ou par la revendication d’une
    reconnaissance sociale et civique principalement par la seconde génération de l’immigration"
    http://www.ville-et-banlieue.org/wp-content/uploads/2013/07/Participation-e%CC%81lectorale-droit-de-vote-et-renouveau-militan

    Les quartiers populaires français ne sont pas un « désert politique »
    Par Abdellali Hajjat
    http://1libertaire.free.fr/BanlieuesDesertPolitiqueNon01.html

    #quartiers_populaires #mobilisation_politique #récupération #émeutes #

    • Entre expérience et expérimentation, une politique qui ne porte toujours pas le nom de politique
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=3284

      Les vagues de révolte se soulèvent et disparaissent selon des logiques qui font couler l’encre des sociologues et des théoriciens, selon des trajectoires qu’on ne retrace pas sans se sentir policier et intrusif, sans se voir en archiviste de la nostalgie. Nous n’avons pas ici l’ambition de faire un bilan de l’hiver et du printemps agités qui viennent de s’écouler. Dans les lignes qui suivent nous aborderons quelques problèmes de langage présents dans la politique contemporaine et les critères qui organisent le partage entre ce qui relève de cette politique et ce qui en exclu.

      Tout serait-il vain parce que la souffrance est éternelle, et que les révolutions ne survivent pas à leur victoire ? Mais le succès d’une révolution ne réside qu’en elle-même, précisément dans les vibrations, les étreintes, les ouvertures qu’elle a données aux hommes au moment où elle se faisait, et qui composent en soi un monument toujours en devenir, comme ces tumulus auxquels chaque nouveau voyageur apporte une pierre. la victoire d’une révolution est immanente, et consiste dans les nouveaux liens qu’elle instaure entre les hommes, même si ceux-ci ne durent pas plus que sa matière en fusion et font vite place à la division, à la trahison. G. Deleuze, F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Les Editions de Minuit, Paris, 1991.

      Ce qui nous intéresse ici est aussi de montrer que les émeutes de #novembre_2005 et celles d’#avril_2006 s’inscrivent dans une longue généalogie de soulèvements et que le fait qu’elles soient à présent devenues « souterraines » ne préjuge en rien de leur valeur d’événements.

      Comme l’explique Foucault « ce qui, dans l’histoire, échappe à l’histoire, ce n’est pas l’universel, l’immobile, ce que tout le monde, tout le temps, peut penser, dire ou vouloir. Ce qui échappe à l’histoire, c’est l’instant, la fracture, le déchirement, l’interruption (...). La révolution s’organise selon toute une économie intérieure au temps : des conditions, des promesses, des nécessités ; elle loge dans l’histoire, y fait son lit et finalement s’y couche. Le soulèvement, lui, coupant le temps, dresse les hommes à la verticale de leur terre et de leur humanité".(...)

      Lorsque nous parlons d’expérience nous reprenons la définition qu’en donnait Foucault, qui la rattachait à la fois à la question de l’erreur et à la fois à l’obligation d’ _assumer le diagnostic du présent comme tâche de la #philosophie_ [23]. Donc non pas un vécu subjectif mais une perception des conditions sociales et politiques des actes et des comportements qui nous permettent d’interagir avec leurs sujets sans besoin de traduction [24]. Notre insistance sur la problématique de la traduction, nous y revenons, n’est pas formelle : la figure de l’étranger, tant de fois agitée à l’encontre des insurgés comme source de délégitimation suprême, n’a pas manqué d’apparaître parmi les gammes des réactions aux faits de novembre 2005. Dans son commentaire du Livre de lecture pour les habitants des villes de Brecht, Benjamin nous rappelle que « quiconque se bat pour la classe exploitée est dans son propre pays un émigré » [25], ce qui est d’autant plus important si l’on considère que ce thème brechtien imprègne la pensée politique de Benjamin en profondeur. Les dispositifs de construction du « regard de l’étranger » [26], mis en place dans les techniques du théâtre brechtien, semblent par moments pouvoir court-circuiter les analyses sur l’image dialectique. L’enjeu est toujours celui de construire un « tableau » où le flux du temps soit suspendu et le présent montre en même temps son unicité et son ouverture, il se donne en somme comme pur possible. Cet « étrangement » se retrouve jusque dans la conception que Benjamin propose de la grève dans la Critique de la violence [27]. Une « non-action », une « rupture de relation » entre le patron et l’ouvrier, voilà en quoi consiste la grève et voilà ce qui en fait une action qui ne peut pas être considérée comme violente. Car ce n’est, du point de vue du moyen pur, qu’une cessation d’activité, une petite déchirure qui révèle à quel point la robe du quotidien est sans coutures.

      #révolte #expérimentation #politique #langage #pour_mémoire

  • « J’ai eu la chance d’assister à un débat avec le directeur de la prospective de France Television, Eric Scherer, chez mes nouveaux amis de Futurbulences. Contre toute attente, il n’a quasiment pas été question de medias, de nouveaux ou d’anciens, de disruption de secteurs ou de stratégies d’adaptations, d’économie ou de technologie. Il a été question de confiance. [...] la discussion évoquait plusieurs thèmes, déprimants il est vrai, comme la balkanisation de l’Internet ou la surveillance généralisée. »

    http://blog.marklor.org/post/2014/07/13/Et-l-Etat-francais-inventa-le-Darknet

    D’accord, l’article est long mais en vaut vraiment la peine.

    #censure #contrôle_Internet #darknet

    • La question du Darknet peut (...) être appréhendée comme les #Enfers 2.0. L’infantilisation des citoyens rencontre leur émancipation, laquelle est accélérée par l’accès aux connaissances. On peut penser Internet comme une #bibliothèque 2.0, un ensemble de ressources mis à disposition de tous. En France, les faits historiques récents ont créé des limitations à une expression, qui peut être tout à fait légitime. Néanmoins, protéger le corps social en masquant l’intolérable est une mauvaise réponse. (...) Contre la #censure, contre les Enfers, la Charte des Bibliothèques de 1991 semble plus progressiste que bien des projets de loi en cours.

    • Le début de l’article est intéressant, mais très rapidement des passages vraiment dérangeants apparaissent.

      L’analyse globale, même si elle fait un bon état des lieux des actions actuelles du gouvernenement, n’apporte pas grand chose.
      Cela fait longtemps qu’à gauche on sait que ni l’état ni les diverses oligarchies voient d’un bon oeil la liberté d’expression effective, pas besoin d’internet et des contraintes que ses promoteurs rencontre(raie)nt pour s’en apercevoir.
      Pour dire les choses autrement, internet n’est ni suffisant ni nécessaire pour mettre en place la liberté d’expression, ni pour révéler ses ennemis.
      Au final l’article est vraiment long pour pas grand chose.

      Mais voici quelques passages franchement dérangeants :

      Discutée lors d’un incroyable timing (le jour de la journée mondiale des droits de l’Homme, le mercredi où le Canard Enchainé commémorait ses plombiers ), la loi de programmation militaire remet en cause les principes de séparation des pouvoirs, et place le vulgus pecum dans un régime de suspicion généralisée. Jacques Attali écrit ainsi , dans le JDD du 21 décembre : « sommes-nous tous des terroristes ? ». Et les medias anglo-saxons, anglais comme américains, de se montrer extrêmement critiques alors que leurs Etats n’en pas exempt de reproches. Pour le Wall Street Journal par exemple, l’application de cette loi est bien pire que le scandale de la NSA…

      Même si le Canard Enchaîné peut tout à fait être critiqué, il réfutait les argument contre la LPM.

      Par contre Jacques Attali et le Wall Street Journal, ce sont vraiment des références douteuses. Et dire que la LPM est pire que la NSA... non là il y a des limites !

      [...]
      Ce discours rencontre celui d’un autre sociologue, Robert Castel, qui interrogeait, dans La montée des incertitudes, le statut de l’individu. Dans sa conclusion “Le défi de devenir un individu, esquisse d’une généalogie de l’individu hypermoderne”, le sociologue postule également de l’émancipation de l’homme, passant de Dieu à la citoyenneté sociale, avec une étape par la propriété privée. De fait, son “individu hypermoderne” ressemble beaucoup à cette génération en vogue de l’autre coté de l’Atlantique, les #libertariens. Libertariens que l’on retrouve chez beaucoup de “disrupteurs” de l’économie (et donc de la politique), que sont Jeff Bezos, Peter Thiel ou Jimmy Wales. Libertariens également extrêmement présents chez les hackers, libertariens que l’on pourrait penser comme une filiation des anarcho-communistes de Richard Barbrook (on pourra trouver une bibliographie sélective des liens entre libertariens et hackers réalisée par Fabien Lorc’h dans le cadre de sa conférence donnée à Pas Sage en Seine 2014 ici).

      On remarquera que la frontière entre des courants politiques que l’on pourrait penser très éloignés s’estompe. Un entrepreneur comme Nicolas Voisin se définit comme anarchiste. Un autre, Gilles Babinet, qui produit des notes pour le très libéral think tank Institut Montaigne, postule un nouveau rapport entre individus, initiative personnelle et capital à l’aune de Karl Marx. Et l’on voit le hacker et anarchiste Okhin rejoindre la députée UMP Laure de la Raudière sur la problématique des droits fondamentaux. “Il faut arrêter de défendre nos droits sur internet, il faut défendre nos droits tout court”, dit l’un ; “le blocage administratif est attentatoire aux libertés individuelles” dit l’autre. C’est ainsi qu’URL, le clivage gauche/droite devient obsolète. Pourtant, il ne faut pas être naïf sur ledit clivage ; toutes les lois sus-citées, déposées par un gouvernement dit de gauche n’ont rien à envier à celles qu’ils combattaient lors de la précédente mandature. Mais la porosité des idées se déroulait IRL…

      Ah ? Jeff Bezos (PDG d’Amazon.com), Peter Thiel (fondateur de PayPal et investisseur dans Facebook), Jimmy Wales (financier et investisseur), Nicolas Voisin (ex-patron d’Owni) et Gilles Babinet (patron de nombreuses entreprise) des personnes agissants pour l’émancipation de l’homme ?!! Nicolas Voisin qui peut sembler être le plus vertueux faisait financer 22Mars SAS par Bernard Henri Lévy, Xavier Niel, Eric Sériès, Marc Simoncini...
      C’est assez étonnant pour un anarchiste. Ces rapprochement sont invraisemblables.

      Déclarer le clivage gauche/droite obsolète est une vieille stratégie de la droite ou de l’extrême droite.
      Parmis ces personnes qui louvoient justement il y ceux que l’on qualifie de #libertarien. D’ailleurs ces derniers seraient plus justement nommé #propriétariens afin de mieux souligner leurs liens avec la droite dure et la tartuferie que représente leur défense des libertés. Je reprends ce renommage d’un texte que j’ai diffusé sur linuxfr :
      http://linuxfr.org/users/gastlag--2/journaux/les-libertariens-rien-de-libertaire-tout-de-fasciste

      [...]
      Le problème réside dans l’instrumentalisation politique d’une technique qui dépasse largement les clivages traditionnels. Il semblerait même que la défense des libertés publiques soit un problème générationnel.

      Encore une fois la fin du clivage gauche-droite et cette affirmation hallucinante sur le problème « générationnel » qui, ainsi qualifié, oubli 300 ans d’histoire politique.

      [...]
      Il est paradoxal de constater que c’est sous un gouvernement dit de progrès que les libertés publiques sont le plus attaquées. Comme il est cruel de constater que c’est un parti d’extrême droite qui défend le mieux – par calcul politique sans doute – la liberté d’expression. Car la caractérisation d’un parti de droite extrême est son rejet de l’étranger : raciste, antisémite, xénophobe, bref, le refus de l’altérité.

      L’auteur ferait donc partie des rares personnes qui ne se sont toujours pas aperçu que le gouvernement d’Hollande n’est pas de gauche et ne défend pas les libertés publiques et qu’il n’est plus « dit de progrès » ?

      Et dans la phrase d’après on touche le fond, le front national serai le meilleur défenseur de la liberté d’expression !!! D’une part il est mal renseigné sur le panel d’organisations (dont des partis) qui défendent la liberté d’expression. D’autre part qu’il aille nous expliquer en quoi la liberté d’expression est bien défendue dans les villes tenues par le Front national.

      [...]

      En l’espace de 20 ans, la structure haute de la pyramide a perdu la maitrise du canal de communication, les media officiels, et partant, le contrôle de sa base. En l’espace de 20 ans, elle a perdu la confiance de sa base, et réplique en une défiance réciproque, en essayant de contrôler les libertés.

      Malheureusement les chaines de télé, de radio ont toujours autant d’audience et les sites web les plus fréquentés sont encore largement, et de plus en plus, contrôlé par l’oligarchie.

  • Quels droits pour un plein accès à la citoyenneté ? Entretien avec Robert Castel
    http://www.mouvements.info/Entretien-avec-Robert-Castel.html

    La controverse est portée à gauche : face à la dégradation des régulations du travail, la montée de la précarité, le revenu universel est-il une solution ? Le sociologue présente le « travail » comme le terrain des conquêtes sociales passées et à venir, mais aussi comme un élément central et nécessaire pour la réalisation de la dignité des individus. Sceptique face à la proposition de garantir l’autonomie des individus en déconnectant le revenu de l’emploi, Robert Castel propose une stratégie qu’il souhaite (...)

  • La fin du travail, un mythe démobilisateur
    http://www.monde-diplomatique.fr/1998/09/CASTEL/10915

    Le sociologue Robert Castel s’élève contre ceux qui diagostiquent la fin du travail et montre comment ce dernier constitue toujours le mode dominant d’insertion sociale. Selon lui, c’est dans le cadre d’un renouvellement de la société salariale que devrait se penser la lutte actuelle contre le chômage et la précarité. Nous publions les bonnes feuilles de sa contribution à un ouvrage collectif, « Le Monde du travail », à paraître en octobre sous la direction de Jacques Kergoat et Danièle Lienart aux (...)

  • Hommage à Robert Castel - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/Hommage-a-Robert-Castel.html

    Robert Castel, décédé le 12 mars à l’âge de 79 ans, a changé profondément notre compréhension du travail salarié, et avec elle notre perception de l’individu contemporain. La Vie des Idées, à laquelle il était attaché, lui rend hommage.

  • Le travail au long cours. Entretien avec Robert Castel
    http://www.vacarme.org/article1321.html

    1995. Alain Juppé, Premier ministre d’un président élu sur la promesse de réduire la « fracture sociale », s’attaque aux solidarités collectives. Un mouvement social sans précédent depuis 1968 le tient en échec. La même année, Robert Castel achève Les Métamorphoses de la question sociale. Magistrale, cette « chronique du salariat » sur six siècles impose simultanément son auteur comme un sociologue classique, à hauteur d’autres grands récits de la modernité — ceux de Marx, Durkheim, Weber, ou Elias — et (...)

  • Filiations de Robert Castel - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/Filiations-de-Robert-Castel.html

    La pensée de Robert Castel a marqué la sociologie française des trente dernières années. Un ouvrage collectif s’emploie à discuter des thèses et concepts proposés par ce sociologue de la marginalité. Il ressort des contributions rassemblées un héritage de critique sociale adossé à la pratique sociologique.

  • Générations et frustration : deux pistes d’interprétation du racisme policier | Jérémie Gauthier (Contretemps)
    http://www.contretemps.eu/interventions/g%C3%A9n%C3%A9rations-frustration-deux-pistes-interpr%C3%A9tation-racism

    Dans la France contemporaine, les relations entre police et minorités constituent ce que le sociologue Robert Castel appelle une « configuration problématique », c’est-à-dire une question qui perturbe la vie sociale, disloque le fonctionnement des institutions et menace d’invalidation des catégories entières de sujets sociaux (Castel, 2002, p. 71). Les émeutes déclenchées par des décès dans le contexte d’interventions policières, les critiques adressées envers l’action policière en raison de pratiques jugées disproportionnées, illégitimes et/ou discriminatoires, ou encore les conséquences sur les trajectoires de vie de l’exposition aux pratiques policières coercitives, réactivent régulièrement l’actualité des questions policières dans les arènes médiatiques et scientifiques. (...) Source : Contretemps

  • Robert Castel : « La précarité est devenue un état permanent » - l’Humanite
    http://www.humanite.fr/Robert-Castel-La-precarite-est-devenue-un-etat-permanent

    Le cœur de la transformation se situe d’abord au niveau de l’organisation du travail et se traduit par une dégradation du statut professionnel. La précarité se développe à l’intérieur de l’emploi et vient se greffer au chômage de masse. Il n’est plus possible de penser la précarité comme nous l’avons fait pendant des années, c’est-à-dire comme un mauvais moment à passer avant de trouver un emploi durable. Il existe désormais un nombre croissant d’individus qui s’installent dans la précarité. Elle devient, même si cela paraît paradoxal, un état permanent. Ce que j’appelle le « précariat » correspond à une nouvelle condition salariale, ou plutôt infrasalariale, qui se développe en deçà de l’emploi classique et de ses garanties.

    #travail #société #histoire #précarité #penser #analyse #mondialisation #capitalisme #for:twitter