person:robert mercer

    • Des milliardaires américains financent discrètement des campagnes de désinformation en Europe
      (Nooooon !?)

      Un petit groupe de très riches américains soutient indirectement plusieurs sites de « réinformation » et de campagnes publicitaires en ligne en Europe.

      Il n’y a pas que les Etats qui mènent des opérations de désinformation. Depuis plusieurs années, un petit groupe de milliardaires américains, qui financent dans leur pays l’aile droite du Parti républicain, ont aussi soutenu des campagnes de diffusion de fausses informations dans plusieurs pays de l’Union européenne.

      Contrairement aux agents de l’Internet Research Agency – l’organisation russe de propagande en ligne –, ces hommes d’affaires ne disposent pas d’équipes nombreuses, ni d’armées de faux comptes sur Twitter ou Facebook. Mais leur argent leur permet de financer de petits groupes d’activistes et des entreprises de communication politique spécialisées, dont l’action est ensuite démultipliée en ligne par l’achat de publicités sur les réseaux sociaux pour diffuser leur message.

      Au cœur du dispositif se trouve notamment Robert Mercer, le codirigeant du puissant fonds d’investissement Renaissance Technologies, et sa fille Rebekah, qui ont financé le lancement de Breitbart News, le site conspirationniste fer de lance de l’« alt-right » (« droite alternative », mouvance d’extrême droite) et de la campagne de Donald Trump. Steve Bannon, l’ancien conseiller du président, en était le rédacteur en chef. « Ce sont les Mercer qui ont posé les bases de la révolution Trump, expliquait M. Bannon en 2018 dans un entretien au Washington Post. Si vous regardez qui sont les donateurs politiques de ces quatre dernières années, ce sont eux qui ont eu le plus grand impact. »

      Vidéos des « gilets jaunes »
      Mais la générosité des Mercer ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis. Ils financent également l’institut Gatestone, un think tank néoconservateur orienté vers l’Europe, qui publie des articles dans de nombreuses langues, dont le français. Mais aussi le média canadien The Rebel, qui s’intéresse beaucoup à l’actualité du Vieux Continent.

      #paywall (frustrant, vu l’intertitre…)

    • Des milliardaires américains financent discrètement des campagnes de désinformation en Europe (in extenso)
      https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/03/07/des-milliardaires-americains-financent-discretement-des-campagnes-de-desinfo

      Un petit groupe de très riches américains soutient indirectement plusieurs sites de « réinformation » et de campagnes publicitaires en ligne en Europe.

      Il n’y a pas que les Etats qui mènent des opérations de désinformation. Depuis plusieurs années, un petit groupe de milliardaires américains, qui financent dans leur pays l’aile droite du Parti républicain, ont aussi soutenu des campagnes de diffusion de fausses informations dans plusieurs pays de l’Union européenne.

      Contrairement aux agents de l’Internet Research Agency – l’organisation russe de propagande en ligne –, ces hommes d’affaires ne disposent pas d’équipes nombreuses, ni d’armées de faux comptes sur Twitter ou Facebook. Mais leur argent leur permet de financer de petits groupes d’activistes et des entreprises de communication politique spécialisées, dont l’action est ensuite démultipliée en ligne par l’achat de publicités sur les réseaux sociaux pour diffuser leur message.

      Au cœur du dispositif se trouve notamment Robert Mercer, le codirigeant du puissant fonds d’investissement Renaissance Technologies, et sa fille Rebekah, qui ont financé le lancement de Breitbart News, le site conspirationniste fer de lance de l’« alt-right » (« droite alternative », mouvance d’extrême droite) et de la campagne de Donald Trump. Steve Bannon, l’ancien conseiller du président, en était le rédacteur en chef. « Ce sont les Mercer qui ont posé les bases de la révolution Trump, expliquait M. Bannon en 2018 dans un entretien au Washington Post. Si vous regardez qui sont les donateurs politiques de ces quatre dernières années, ce sont eux qui ont eu le plus grand impact. »

      Vidéos des « gilets jaunes »

      Mais la générosité des Mercer ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis. Ils financent également l’institut Gatestone, un think tank néoconservateur orienté vers l’Europe, qui publie des articles dans de nombreuses langues, dont le français. Mais aussi le média canadien The Rebel, qui s’intéresse beaucoup à l’actualité du Vieux Continent. En 2017, l’un de ses salariés, Jack Posobiec, avait très largement contribué à la diffusion des « MacronLeaks », ces e-mails volés à plusieurs membres de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron publiés en ligne deux jours avant le deuxième tour de la présidentielle française. M. Posobiec avait été l’un des premiers à évoquer la publication des documents, et permis leur diffusion très rapide dans les sphères de la droite américaine.

      Lire sur le sujet :
      « MacronLeaks », compte offshore : l’ombre des néonazis américains
      La longue traîne des activités de Rebel Media Group, l’éditeur de The Rebel, s’étend sur plusieurs pays. En France, récemment, le site a envoyé son correspondant à Londres, Jack Buckby, et l’une de ses collaboratrices, Martina Markota, pour filmer des vidéos sensationnalistes des manifestations des « gilets jaunes ». Martina Markota, qui est Américano-Croate, mène aussi d’autres projets en Europe pour Rebel Media, comme ces vidéos consacrées à la « résistance culturelle » en Pologne ou sur les « mensonges des médias sur la patriotique Croatie ».

      La ligne du site et de ses différentes filiales est proche de celle de Breitbart News : ses articles dénoncent pêle-mêle l’immigration, l’islamisme, les gauches américaines, canadiennes, européennes… Le site dépeint une Europe au bord de l’effondrement, notamment à cause de l’immigration, et a fait campagne pour le Brexit.

      Sollicité par Le Monde, Ezra Levant, le fondateur de Rebel Media, n’a pas répondu à nos questions. Dans un courriel, il a estimé que « Le Monde qui fait un article sur l’ingérence étrangère, c’est comme si Harvey Weinstein dirigeait une enquête sur le harcèlement sexuel ». Il a par ailleurs demandé s’il devait transmettre ses réponses « à votre agent traitant à l’ambassade de Russie » – référence à une supposée instrumentalisation du Monde par le KGB pendant la guerre froide.

      « Haine et désinformation »

      Rebel Media bénéficie d’un autre soutien financier de poids. Le milliardaire Robert Shillman, qui a fait fortune dans les machines-outils avec sa société Cognex, a contribué à payer les salaires de journalistes du site. M. Shillman finance de très nombreux projets anti-islam, dont le centre Horowitz, décrit par l’organisation de lutte contre la haine SPLA comme la source « d’un réseau de projets donnant aux voix antimusulmanes et aux idéologies les plus radicales une plate-forme pour diffuser la haine et la désinformation ».

      Si l’investissement détaillé de M. Shillman dans Rebel Media n’est pas connu, en revanche, il est public que le milliardaire a financé les salaires de plusieurs « Shillman Fellows », qui travaillent ou ont travaillé pour Rebel Media. Par ses différentes fondations et des attributions de bourses (« fellowships »), M. Shillman a ainsi financé plusieurs groupes et militants d’extrême droite en Europe. Aux Pays-Bas, il est un important soutien du chef de file d’extrême droite Geert Wilders, qui reçoit depuis des années des aides par le biais de la fondation Horowitz. L’extrême droite américaine, qui admire M. Wilders et voit dans les Pays-Bas un terrain de lutte privilégié, y finance divers canaux de propagande politique.

      L’institut Gatestone, par exemple, qui a financé la production de vidéos dans le pays par Rebel Media, et notamment Gangster Islam, un petit film anti-immigration du journaliste Timon Dias, « fellow » rémunéré de l’institut. M. Dias a depuis lancé un projet de site anglophone d’actualité « branchée » et très à droite, The Old Continent, et travaille en parallèle pour Geenstijl (« aucun style », en néerlandais), un blog « politiquement incorrect » régulièrement accusé de sexisme et de racisme.

      Mais le rôle de Rebel Media et de ses généreux donateurs est encore plus surprenant dans les pays anglophones d’Europe. Fin 2018, The Times révélait que quatre militants de l’extrême droite britannique avaient bénéficié d’une bourse financée par Robert Shillman, et avaient été salariés par Rebel Media avec un financement du milliardaire américain. Ce petit groupe était dirigé par Tommy Robinson, fondateur du groupuscule d’extrême droite English Defense League et proche du parti UKIP et de son ex-chef Nigel Farage.

      Publicité anti-IVG

      Le groupe écrivait des articles et des vidéos anti-immigration et pro-Brexit. Le projet a tourné court en mai 2018, quand M. Robinson a été arrêté et condamné à treize mois de prison pour un reportage provocateur et islamophobe.

      Après son arrestation, Tommy Robinson a été l’objet d’articles prenant sa défense dans l’ensemble des médias financés par Robert Shillman ; le think tank Middle East Forum, qui compte parmi ses principaux contributeurs les frères Charles et David Koch, des milliardaires américains ultraconservateurs, a financé ses frais de justice, comme il l’avait fait en 2009 pour ceux de Geert Wilders.

      Le 26 février, Facebook a annoncé avoir supprimé les comptes de M. Robinson sur Facebook et sur Instagram, en raison de « violations répétées de nos règles, de la publication de contenus déshumanisants et d’appels à la violence contre les musulmans ». La mesure est exceptionnelle pour une figure politique connue ; son compte Facebook comptait plus d’un million d’abonnés ; il ne conserve que sa chaîne YouTube.

      Un autre compte Facebook a été brièvement inaccessible ce 26 février, géré par un homme qui apparaissait souvent dans les vidéos de M. Robinson et faisait partie du petit groupe financé par M. Shillman : Caolan Robertson. Cet ancien salarié de #Rebel_Media, qui a depuis claqué la porte avec fracas en accusant son ex-employeur de malversations financières, est un jeune militant de l’« alt-right », coutumier des coups d’éclat en ligne. En avril 2018, alors que l’Irlande s’apprête à voter pour le référendum sur le droit à l’avortement, sa silhouette apparaît subitement dans les fils Facebook de milliers d’internautes. Dans une vidéo publicitaire, on voit le jeune homme interpeller des femmes qui manifestent en faveur du droit à l’IVG ; le montage est conçu pour leur donner l’air ridicule.

      En quelques semaines, la #vidéo a été vue plus d’un million de fois – dans un pays de 4 millions d’habitants. Qui a financé cette publicité ? M. Robertson a affirmé qu’elle avait été payée par « une entreprise américaine ». Quelques semaines avant le vote, face au tollé suscité en Irlande par les nombreuses campagnes financées par des groupes étrangers et notamment américains, Facebook avait annoncé bloquer toutes les « publicités étrangères » et promis de publier les données liées à ces publicités. Près d’un an plus tard, les données sont toujours en cours de compilation, explique Facebook au Monde, mais devraient être mises en ligne « dans les prochaines semaines ». La vidéo où apparaît Caolan Robertston, elle, est toujours en ligne.

      #moneymakestheworldgoround (sometimes) #conspirationnisme

  • Affaire Facebook/Cambridge Analytica : le lanceur d’alerte s’explique

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/26/affaire-facebook-cambridge-analytica-le-lanceur-d-alerte-s-explique_5276659_

    Christopher Wylie accuse l’entreprise britannique d’avoir utilisé les données de millions d’individus pour manipuler les élections et construire « l’alt-right » aux Etats-Unis.

    Un mois après avoir été embauché en juin 2013 par l’entreprise qui allait devenir Cambridge Analytica, Christopher Wylie a pour la première fois compris qu’il ne s’agissait peut-être pas d’une société comme les autres. « Mon poste de directeur de la recherche était vacant parce que mon prédécesseur était mort dans des conditions inexpliquées dans sa chambre d’hôtel à Nairobi, alors qu’il travaillait pour Uhuru Kenyatta [actuel président du Kenya] », explique-t-il.

    Le Canadien, petit génie de l’informatique, qui a appris tout seul à coder, alors âgé de 24 ans, a progressivement découvert qu’il travaillait pour une firme qui siphonnait les données personnelles de millions de personnes sur Facebook, avait comme vrai patron un certain Steve Bannon, cherchait à manipuler les élections à travers le monde et poussait sur Internet les théories du complot pour développer « l’alt-right », les mouvements d’extrême droite américaines.

    Cambridge Analytica a ensuite aidé Donald Trump lors de la campagne présidentielle américaine et à influer au Royaume -Uni en faveur du Brexit. Ayant quitté l’entreprise fin 2014, mais ayant longtemps gardé d’étroits contacts, M. Wylie a désormais décidé de révéler tout ce qu’il savait. « On ne peut pas défaire ce qui a été fait, mais il faut alerter. »

    Surveillance de masse

    Désormais, il ne fait plus que ça, dénonçant une société qui met en danger la démocratie, selon lui. Une semaine après avoir parlé pour la toute première fois au New York Times et au Guardian, le lanceur d’alerte a longuement rencontré dimanche 25 mars un groupe de huit journalistes européens, dont Le Monde. Depuis plusieurs mois, il travaille aussi avec les autorités britanniques, qui enquêtent contre Cambridge Analytica. Mardi 27 mars, il témoignera devant un comité parlementaire britannique, et a accepté de faire de même devant le Congrès américain.

    A écouter M. Wylie, le scandale qu’il dénonce présente un parallèle à celui qu’Edward Snowden a mis à jour en 2013. L’Américain avait montré comment les agences d’espionnages, notamment la NSA (National Security Agency) ou son équivalent britannique Government Communications Headquarters (GCHQ), utilisaient Internet pour mettre en place une surveillance de masse de leurs citoyens. « Mais la NSA ou GCHQ sont encadrés, alors que les entreprises privées peuvent collecter des données sur les citoyens comme elles le veulent. [Cambridge Analytica] a fait disparaître la frontière entre espionnage et recherche marketing traditionnelle. »

    Il faut réguler

    Pour lui, les données personnelles, qui s’accumulent à vitesse exponentielle, sont « la nouvelle électricité » du XXIe siècle, quelque chose indispensable à la vie quotidienne mais qu’il faut réguler. « Les données sont un outil, comme un couteau qui peut être utilisé pour préparer un repas trois étoiles au Michelin ou pour commettre un meurtre. En tant que telles, elles ne sont pas un problème. Mais ce que Cambridge Analytica met au jour est l’échec des législateurs et de la société à mettre des limites à leur utilisation. »

    Retour à mi-2013. M. Wylie est arrivé à Londres depuis trois ans, pour étudier le droit à la London School of Economics. Techniquement, Cambridge Analytica n’existe pas. L’entreprise qui l’embauche s’appelle SCL. Sa création remonte aux années 1960, et l’entreprise est spécialisée dans le secteur de la défense, travaillant particulièrement dans les pays émergents. Sa spécialité : mener des campagnes de désinformation à l’ancienne. Envoyer une prostituée chez un opposant politique et filmer la scène à son insu est une technique favorite. Mais SCL perçoit qu’Internet est le nouveau champ de bataille et veut s’y développer.

    M. Wylie aide à créer Cambridge Analytica, pour en faire une filiale de l’entreprise. Il fait pour cela appel à un professeur de l’université de Cambridge, Aleksandr Kogan, un neuroscientifique, qui met au point un petit quiz sur Facebook qui permet d’évaluer le profil psychologique de ceux qui le remplissent. L’application est très populaire et 270 000 personnes l’utilisent. Ce qu’elles ne savent pas est que leurs données ne sont pas utilisées par des raisons de recherche, comme promis, mais par Cambridge Analytica, qui va les utiliser à des fins commerciales. Pire encore, le quizz donne l’autorisation de télécharger les données de tous les amis sur Facebook de ceux qui ont rempli le questionnaire. Cambridge Analytica siphonne ainsi les données détaillées de plus de 50 millions de personnes, essentiellement aux Etats-Unis.

    « Une autre façon d’approcher les choses »

    Ce trésor est la base de l’entreprise. Cela lui permet de cibler de façon extrêmement précise des sous-groupes sur Facebook. La pratique de ciblage est courante, utilisée de tous les publicitaires. Mais cette fois-ci, en plus des données démographiques (âge, sexe, etc.), l’entreprise a le profil psychologique des individus.

    De ce côté-là, la recherche sur Facebook impressionne. Des scientifiques ont démontré qu’avec une dizaine de « likes », un ordinateur peut comprendre le profil psychologique d’une personne mieux que son propre collègue de bureau ; à 70 « likes », la machine le comprend mieux qu’un ami ; à 150 « likes », elle dépasse la perception d’un membre de sa famille ; à 300 « likes », elle excède la compréhension de son propre époux ou épouse.

    C’est alors qu’arrive Robert Mercer et Steve Bannon. Le premier est un milliardaire américain, qui a fait fortune grâce aux algorithmes utilisés sur les marchés financiers. Le second veut mener une « révolution culturelle » dans la politique et il s’est fait connaître avec Breitbart News, un site d’information proche de l’extrême droite. Il deviendra ensuite l’éminence grise de Donald Trump, avant la rupture entre les deux hommes.

    En 2013, M. Mercer investit dans l’entreprise et met M. Bannon aux commandes du conseil d’administration. « Bannon venait au moins une fois par mois à Londres, raconte M. Wylie. Et tous les lundis matins, on avait une conférence téléphonique avec lui et Bekkah Mercer [la fille du milliardaire]. »

    Leur objectif ? « Développer l’alt-right », explique M. Wylie. « Steve Bannon pense que pour changer la politique, il faut changer la culture. Mais Breitbart était resté un site relativement petit. Il cherchait d’autres outils pour mener sa guerre culturelle. Pour lui, SCL, qui faisait de la propagande militaire, était une autre façon d’approcher les choses. »

    Théories du complot

    A l’époque, il n’est pas question d’élections ni de Donald Trump. Les deux Américains utilisent Cambridge Analytica pour travailler en profondeur. Ils surveillent les théories du complot qui circulent, pour les amplifier. Ainsi, fin 2014, des rumeurs circulent : Barack Obama, aurait commencé à amasser des troupes au Texas pour ne pas partir de la présidence américaine. L’entreprise britannique vise les gens qu’elle sait intéressés par les théories du complot et pousse ce message vers eux. « Ensuite, ces gens voyaient ce genre d’information sur Facebook, mais rien de tout cela en regardant CNN ou les médias traditionnels. Et ils se disaient : pourquoi CNN me cache-t-elle des choses ? »

    Bien plus tard, Donald Trump a embauché Cambridge Analytica pour mener à bien sa campagne numérique. Et du côté du Brexit, la société a travaillé gratuitement et pendant quelques semaines auprès de Leave.eu, l’un des organismes faisant campagne pour le Brexit. Une société canadienne qui lui est proche, AggregateIQ, que M. Wylie a aidé à créer, aurait aussi travaillé indirectement pour Vote Leave, un autre organisme pro-Brexit, contournant ainsi le plafond des dépenses de la campagne électorale.

    Pour M. Wylie, les agissements de Cambridge Analytica ont pipé les dés de la démocratie. Mais beaucoup d’experts mettent en doute cette idée. Après tout, l’influence d’une chaîne d’information comme Fox News aux Etats-Unis, ou la campagne anti-européenne menée par le Daily Mail et le Sun depuis trente ans au Royaume-Uni, ont certainement eu une influence profonde dans ces élections. Facebook n’est pas le seul facteur.

    « Il faut réparer Facebook, pas effacer Facebook »

    Dominic Cummings, qui dirigeait Vote Leave, estime que l’argument de M. Wylie, repris initialement par le Guardian, est une sorte de théorie du complot des anti-Brexiters. « Leur fantasme est que le référendum a été perdu parce que (…) les “fake news” et Facebook auraient pris en traître des millions d’ignorants qui ne comprennent pas la réalité. (…) Ce fantasme est plus pratique que de reconnaître que leur campagne a perdu alors que presque toutes les forces du pouvoir et de l’argent au monde étaient de leur côté. »

    M. Wylie reste convaincu que l’influence de Cambridge Analytica a été déterminante. Mais il ajoute un argument plus large. « C’est comme le dopage. Si un athlète gagne les Jeux Olympique en se dopant, on peut toujours dire qu’il aurait gagné même sans se doper. Reste qu’on lui enlève quand même sa médaille, parce que ça remet en cause l’intégrité de tout le processus démocratique. »

    Le lanceur d’alerte canadien ne demande pas pour autant la fin des réseaux sociaux ou l’interdiction de l’utilisation des données privées. « Il faut réparer Facebook, pas effacer Facebook. » Pour lui, les plates-formes sur Internet doivent être régulées comme des entreprises d’utilité publique, par exemple comme les fournisseurs d’électricité ou d’eau. « Il est devenu impossible de vivre sans ces plates-formes, mais il faut les encadrer. » Impossible, trop complexe ? « Pas du tout. Facebook et Google sont plein de gens intelligents, qui savent comment repérer si du micro-ciblage a lieu. Elles pourraient dire par exemple : attention, ceci est une publicité, vous avez été visé et voilà qui paie pour ça. » En sortant de l’ombre et en parlant, il espère que le débat sur la régulation des réseaux sociaux est désormais ouvert.

    • https://www.mediapart.fr/journal/international/190318/cambridge-analytica-le-big-brother-electoral-de-donald-trump

      L’entreprise d’analyse de données Cambridge Analytica, qui a notamment travaillé pour la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016, est soupçonnée d’avoir recueilli sans leur consentement les informations personnelles de 50 millions d’usagers du réseau social Facebook. Le but de l’opération ? Élaborer un logiciel prédictif permettant d’influencer le vote des électeurs, comme l’ont révélé le New York Times et The Observer, l’édition dominicale du quotidien britannique The Guardian, dans une enquête commune.

      Facebook a annoncé avoir « suspendu » les accès de Cambridge Analytica de la maison mère de la société, Strategic Communication Laboratories (SCL), ainsi que ceux d’Aleksandr Kogan, psychologue à l’université de Cambridge.
      En accord avec le réseau social américain, ce dernier a convaincu, en 2014, près de 270 000 personnes de participer à un test de personnalité, lui donnant ainsi accès à leurs réponses mais aussi à leurs données Facebook (nom, géolocalisation, likes) et à celles de leurs amis, dans une mise à profit des réglages très permissifs du réseau. À partir de ces 270 000 participants, Kogan a ainsi obtenu les informations de 50 millions d’utilisateurs.

      Paul Grewal, vice-président et directeur juridique adjoint de Facebook, a annoncé vendredi dans un communiqué que le réseau social avait été trompé : « En 2015, nous avions appris qu’Aleksandr Kogan nous avait menti et avait violé la politique de la plateforme en transmettant les données récupérées sur une application utilisant une interface de connexion de Facebook à SCL/Cambridge Analytica. »

      Filiale américaine de la société britannique de marketing ciblé SCL, Cambridge Analytica aurait ensuite utilisé ces bases de données à des fins électorales. L’entreprise est connue pour sa participation à la campagne de Donald Trump mais aussi pour avoir fourni, pendant la campagne du groupe pro-Brexit Leave.EU, des solutions de collectes de données et de ciblage d’audience.

      L’entreprise a été financée à hauteur de 15 millions de dollars par Robert Mercer, un homme d’affaires américain qui a fait fortune dans les hedge funds et qui est l’un des principaux donateurs du Parti républicain.

      Selon The Observer, elle a aussi été dirigée par Steve Bannon, l’un des plus proches conseillers de Donald Trump avant d’être évincé de la Maison Blanche à l’été 2017.

  • Revealed: 50 million Facebook profiles harvested for Cambridge Analytica in major data breach | News | The Guardian
    https://www.theguardian.com/news/2018/mar/17/cambridge-analytica-facebook-influence-us-election?CMP=twt_gu

    The data analytics firm that worked with #Donald_Trump’s election team and the winning #Brexit campaign harvested millions of F#acebook profiles of US #voters, in the tech giant’s biggest ever data breach, and used them to build a powerful software program to predict and influence choices at the ballot box.

    A #whistleblower has revealed to the Observer how #Cambridge_Analytica – a company owned by the hedge fund billionaire Robert Mercer, and headed at the time by Trump’s key adviser Steve Bannon – used personal information taken without authorisation in early 2014 to build a system that could profile individual US voters, in order to #target them with personalised political advertisements.

    Christopher Wylie, who worked with an academic at Cambridge University to obtain the data, told the Observer: “We exploited Facebook to harvest millions of people’s profiles. And built models to exploit what we knew about them and target their inner demons. That was the basis that the entire company was built on.”

    Documents seen by the Observer, and confirmed by a Facebook statement, show that by late 2015 the company had found out that information had been harvested on an unprecedented scale. However, at the time it failed to alert users and took only limited steps to recover and secure the private information of more than 50 million individuals.

    • "Nous sommes en train de changer de guerre. De passer d’une guerre de l’information à une guerre de la documentation. Et celui qui contrôlera la documentation du monde contrôlera le monde. Pour l’instant seules quelques personnes sont dans une telle situation de contrôle : Robert Mercer, Steve Bannon et ce « réseau industriel de manipulation de l’information » gravitant autour de Cambridge Analytica et de la marionette qu’est Donald Trump sont les premiers ; Mark Zuckerberg pourrait être le second. "

  • Comment un mystérieux milliardaire et un algorithme auraient aidé à la victoire de Donald Trump et du Brexit

    http://mashable.france24.com/tech-business/20170227-robert-mercer-milliardaire-algorithme-victoire-trump?ref

    Le milliardaire américain Robert Mercer aurait mis à disposition de la campagne du « non » au référendum sur le Brexit une société d’analyse de données, utilisée aussi par Donald Trump durant l’élection présidentielle américaine, d’après le Guardian.

    L’ombre d’un milliardaire américain a-t-elle plané sur l’issue du vote sur le Brexit ? Le richissime patron du hedge-fund Renaissance Technologies et copropriétaire du site américain d’extrême droite Breitbart, Robert Mercer, aurait donné un sérieux coup de pouce technologique à son ami Nigel Farage, l’ex-patron du parti indépendantiste Ukip, pour faire gagner le camp du « non » en juin 2016, d’après le quotidien britannique The Guardian.

    Il suffit alors de personnaliser au maximum les publicités ou vidéos politiques que l’on fait apparaître dans le fil d’information de la page Facebook d’un électeur pour tenter de l’influencer. Des internautes afro-américains dans certains États américains ont ainsi vu apparaître dans leur fil d’actualité des vidéos où l’adversaire démocrate de Donald Trump, Hillary Clinton, semblait insinuer que tous les Noirs étaient des « prédateurs sexuels », raconte le site Motherboard. « Tous les messages de Donald Trump avaient été conçus grâce à l’analyse de données », a soutenu Alexander Nix.

    Aucune preuve concrète ne confirme que Robert Mercer et ses mordus de big data ont joué un rôle primordial dans les deux élections. Mais l’ex-directeur de communication de Leave-eu, Andy Wigmore, assure au Guardian que « c’est l’intelligence artificielle qui a gagné le référendum ».

  • “Look at this,” he says and shows me how, before the US election, hundreds upon hundreds of websites were set up to blast out just a few links, articles that were all pro-Trump. “This is being done by people who understand information structure, who are bulk buying domain names and then using automation to blast out a certain message. To make Trump look like he’s a consensus.”

    Robert Mercer: the big data billionaire waging war on mainstream media
    With links to Donald Trump, Steve Bannon and Nigel Farage, the rightwing US computer scientist is at the heart of a multimillion-dollar propaganda network.
    Carole Cadwalladr, The Guardian, on Feb. 26, 2017
    https://www.theguardian.com/politics/2017/feb/26/robert-mercer-breitbart-war-on-media-steve-bannon-donald-trump-nigel-fa

  • Les loups de Wall Street rodent autour de Donald Trump

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/11/21/apres-avoir-fustige-wall-street-et-les-lobbys-donald-trump-y-puise-ses-conse

    Des anciens de Goldman Sachs ou de fonds spéculatifs sont pressentis pour occuper des postes clés dans l’administration.

    Pendant des mois, Donald Trump s’est présenté comme le représentant de l’Amérique des travailleurs, loin des compromissions de « l’establishment » de Washington avec la finance et les lobbies. « Les gars des fonds spéculatifs s’en sont bien tirés », n’a cessé de marteler le magnat de l’immobilier devant ses supporteurs en parlant de la crise financière de 2008.

    Mais, depuis son élection, il semble que « ces gars-là » aient à nouveau le vent en poupe. En témoigne l’aréopage de conseillers qui constituent l’équipe de transition du président-élu, et dont certains vont former l’ossature du futur gouvernement. Selon des médias américains, certains noms pour des postes-clés de l’administration Trump doivent être annoncés en tout début de semaine.

    Steven Mnuchin est sans doute l’un des plus visibles actuellement. Celui que l’on présente comme le probable secrétaire au Trésor – c’est lui qui a supervisé les finances de la campagne du candidat républicain –, a fait l’essentiel de sa carrière à Wall Street. Après dix-sept ans chez Goldman Sachs, où son père était associé, ce diplômé de Yale a ensuite rejoint le secteur des fonds spéculatifs, avant de monter sa propre boutique, Dune Capital.
    L’un de ses principaux faits d’armes a consisté à aider une poignée d’investisseurs comme George Soros ou John Paulson à racheter, en 2009, IndyMac, une caisse d’épargne spécialisée dans les prêts hypothécaires à risques qui venait de faire faillite après la crise des subprimes.

    Placée dans un premier temps sous le contrôle du Federal Deposit Insurance Corporation, l’agence fédérale qui garantit les dépôts bancaires aux Etats-Unis, la société a été reprise par M. Mnuchin et ses associés pour 1,5 milliard de dollars et rebaptisée OneWest Bank.
    Wilbur Ross, le « roi de la faillite »
    Devenue « leader des saisies sur le segment des personnes âgées », elle a été revendue cinq ans plus tard pour 3,4 milliards de dollars, après qu’elle eut expulsé des dizaines de milliers d’Américains de leur maison. La banque est également accusée de discrimination raciale, selon Bloomberg.

    Autre vétéran de la crise des subprimes en plein reclassement, John Paulson. Ce patron de fonds spéculatif, qui a gagné des milliards de dollars quand le château de cartes du marché immobilier s’est effondré, a été propulsé conseiller économique de M. Trump.
    L’homme qui est pressenti pour devenir secrétaire au commerce, Wilbur Ross, est également une figure de Wall Street. A 78 ans, il est le fondateur d’un fonds d’investissement dans les entreprises non cotées (private equity), WL Ross and Co, dont la spécialité consiste à reprendre des entreprises en faillite pour les redresser.

    M. Ross a gagné son surnom de « roi de la faillite » en rachetant pour une bouchée de pain des fabricants d’acier, des entreprises textiles et des mines de charbon. Il les a ensuite revendues à bon prix après les avoir sévèrement restructurés en procédant, entre autres, à des milliers de licenciements.

    Des méthodes qui allèrent jusqu’à faire fi de la sécurité, comme dans la mine de Sago (Virginie-Occidentale), où les salariés n’avaient pas le droit de se syndiquer. En 2005, ce site a fait l’objet de 205 infractions à la réglementation en termes de sécurité, et, en janvier 2006, une explosion a tué une douzaine de mineurs. C’est lui qui pourrait être chargé de mettre en œuvre les barrières douanières censées faire revenir les emplois industriels aux Etats-Unis.

    Paul Atkins, le « Monsieur finance »

    Autre candidat potentiel à ce poste : Lewis Eisenberg, ex-associé chez Goldman Sachs, qui, après vingt ans, a été poussé à la démission à la suite d’une affaire de harcèlement sexuel. De son côté, Robert Mercer, patron du fonds spéculatif Renaissance Technologies, gros donateur pour la cause des conservateurs et actuellement en délicatesse avec le fisc à propos d’un redressement portant sur plusieurs milliards, a eu le plaisir de voir sa fille Rebekah intégrer l’équipe de transition.
    Elle y retrouve Paul Atkins, 58 ans, le « Monsieur finance » de cette équipe. Ce républicain, ex-membre de la Securities and Exchange Commission (SEC) de 2002 à 2008, a toujours été un farouche adversaire de la régulation financière. Il était à l’époque très critique à propos des amendes infligées aux entreprises, estimant que ces sanctions n’aboutissaient qu’à punir les actionnaires. C’est lui qui est chargé de conseiller M. Trump sur les nominations à la Réserve fédérale (Fed, banque centrale) ou à la SEC. Il sera également à la manœuvre pour démanteler la loi Dodd-Frank sur la régulation financière, comme s’y est engagé le président-élu quelques jours après son élection.
    M. Atkins est actuellement à la tête d’un cabinet, Patomak Global Partners, qui conseille les institutions financières sur la façon de s’adapter aux nouvelles normes imposées par les régulateurs du secteur.

    En octobre, il a été nommé par un juge fédéral pour contrôler la Deutsche Bank sur la gestion de ses produits dérivés dans le cadre d’une sanction infligée par la CFTC, l’agence fédérale chargée de la régulation des Bourses. La banque allemande est par ailleurs le principal prêteur de la Trump Organization, l’entreprise du milliardaire.
    Les questions économiques sont chapeautées par David Malpass. Cet ancien conseiller de Ronald Reagan a été pendant quinze ans économiste en chef de la banque d’affaires Bear Stearns, qui a fait faillite en mars 2008.

    Donald Trump ne voit pas où est le problème

    En août 2007, dans une tribune parue dans le Wall Street Journal et intitulée « Ne paniquez pas à propos du marché du crédit », il écrivait : « Les marchés immobilier et de la dette ne sont pas une si grosse part de l’économie américaine et de la création d’emplois. L’économie est robuste et va croître solidement dans les prochains mois et peut-être les prochaines années. » On connaît la suite.
    Les lobbyistes ont aussi la part belle dans l’équipe de M. Trump. Comme Jeff Eisenach, qui a travaillé comme consultant chez le plus gros opérateur américain de télécommunications, Verizon, et qui est censé réfléchir à l’orientation de la Federal Communications Commission, l’autorité de régulation du secteur.

    Michael Catanzaro, qui a fait du lobbying pour les entreprises parapétrolières Halliburton ou Koch Industries et gros bailleur de fonds du Parti républicain, est le principal conseiller pour les questions énergétiques. Martin Whitmer, lui, a travaillé pour la National Asphalt Pavement Association, qui regroupe les fabricants d’asphalte. Il est désormais chargé des transports et des infrastructures auprès de M. Trump.

    Quant à Michael Torrey, il a longtemps conseillé l’American Beverage Association, le lobby des fabricants de boissons, et la Crop Insurance Bureau, un assureur agricole. Sa mission sera désormais de superviser les questions… agricoles.

    Au total, une vingtaine de lobbyistes sont à la manœuvre au sein de l’équipe de transition. Une situation que la sénatrice démocrate du Massachusetts, Elizabeth Warren, a dénoncée dans une lettre datée du 15 novembre et adressée à M. Trump. « Vous aviez promis que vous ne seriez pas aux mains “des donateurs, des intérêts particuliers et des lobbyistes qui ont corrompu nos politiques depuis déjà trop longtemps” et que vous alliez “assécher le marais” à Washington », rappelle-t-elle, constatant qu’il était « déjà en train d’échouer » en nommant « une kyrielle de banquiers de Wall Street, d’initiés de l’industrie et des lobbyistes au sein de [son] équipe de transition ».
    Mme Warren, qui souligne que « 72 % des Américains, démocrates comme républicains, pensent que “l’économie américaine est truquée au bénéfice des riches et des puissants” », appelle le président-élu à exclure ces personnes de son équipe.

    Donald Trump, lui, ne voit pas où est le problème. Lors d’une interview accordée le 13 novembre à la chaîne de télévision CBS, le milliardaire a expliqué qu’il était difficile de trouver des gens pour travailler avec le gouvernement sans qu’ils aient des liens avec les lobbys, estimant que Washington était, « dans sa totalité », un « énorme lobby ». Reste à savoir si ses électeurs seront convaincus par cette réponse.