Israël veut vendre aux enchères de l’aide humanitaire accordée aux Palestiniens
Par Guilhem Delteil, De notre correspondant à Jérusalem, Publié le 05-06-2019
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Israël avait prévu de procéder cette semaine à la vente aux enchères de biens confisqués en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par l’armée israélienne. La vente a finalement été reportée, officiellement pour « des raisons techniques ». Mais elle pourrait aviver des tensions diplomatiques : des biens fournis par des pays européens dans le cadre d’une aide humanitaire aux Palestiniens étaient inclus dans cette vente.
C’est un encart publié dans Maariv, un quotidien israélien, le 6 mai dernier qui a éveillé l’attention de B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme en Cisjordanie. L’annonce faisait part d’une vente aux enchères organisée par le Cogat, la branche de l’armée en charge de l’administration civile des territoires occupés, dans un délai de 30 jours, de biens confisqués à des communautés israéliennes et palestiniennes de Cisjordanie.
(...) S’il s’agit d’une procédure habituelle pour les autorités israéliennes, ces enchères prévues lundi près de Ramallah et mardi près de Bethléem ont attiré l’attention, car des biens fournis à des communautés palestiniennes au titre de l’aide humanitaire ont été identifiés dans le catalogue de la vente : deux préfabriqués donnés à l’école d’une communauté bédouine du nord de Cisjordanie ainsi que trois tentes et deux plaques de zinc qui avaient été offertes à une autre communauté palestinienne dans la vallée du Jourdain, là aussi pour servir d’abri aux élèves durant les heures de classe. Ces biens avaient été financés par plusieurs pays européens ainsi que Echo, la branche humanitaire de l’UE, et confisqués par Israël le 23 octobre et le 5 novembre dernier.
Destructions
« Il n’y avait pas de biens européens dans cette vente même si la confiscation datait de plus de trois mois », se défend Shani Sasson, la porte-parole du Cogat. Mais le catalogue, que RFI a pu consulter, ne laisse guère de doute : il fait figurer le lieu et la date de la confiscation, le numéro de l’ordre de confiscation ainsi que le nom de l’agent chargé de cette opération. « Il n’y a aucun doute sur l’origine de ces biens », assure Sarit Michaeli, responsable de plaidoyer international à B’Tselem.
Les acteurs humanitaires qui interviennent en soutien aux communautés bédouines de Cisjordanie se doutaient de cette mise aux enchères des biens confisqués. « Mais nous n’avions encore jamais pu en avoir la preuve. D’habitude, le système de mise en vente est plus complexe », confie une source humanitaire contactée par RFI. Chaque année, entre 400 et 600 structures palestiniennes en zone C sont détruites par l’armée israélienne. 12% d’entre elles sont financées par des pays européens ou Echo.
(...) La vente aux enchères prévue cette semaine a finalement été reportée d’au moins une semaine. Pour des « raisons techniques », affirme le Cogat, pas en raison de pressions diplomatiques ou de l’ampleur médiatique prise par l’affaire. Mais ce report ne met pas fin au contentieux entre les deux parties. A ce stade-là, il n’est pas clair encore si les biens financés par les Européens seront proposés à la vente lors des prochaines enchères. « Nous voulons donner aux pays européens plus de temps pour récupérer leurs biens », assure Shani Sasson, la porte-parole du Cogat. Mais elle affirme également que son organisation a pris contact avec les pays concernés. Or, plusieurs sources diplomatiques européennes nient à RFI avoir été informées par le Cogat d’une volonté d’entamer un dialogue sur les biens confisqués.