person:scott mccloud

  • Scott Mccloud - Le sculpteur
    Il y a eu de grands moments de survol dans ma lecture : difficile d’être tenu à une telle dose de bêtise, de dramaturgie boursouflée, de laideur bâtonneuse, de lyrisme surbalisé, d’inculture, de nunucherie, sans relâcher de temps en temps sa lecture, sans décoller un peu de ces pages suffocantes.
    McCloud n’est, comme le laissait attendre la lecture de ses pensums pédagogiques, pas même capable de rester fidèle à sa conception diagrammatique de la bande dessinée, de rentrer le ventre dans ses propres corsets : il ne peut faire tenir sa volonté acharnée de nous dire quelque chose (au passage une belle palanquée de poncifs sur l’artiste démiurge sortie de rêveries poussiéreuses d’un dix-neuvième siècle fantasmé par le vingtième) qu’à un bavardage sans fin. Adieu les promesses d’une bande qui tiendrait par l’analyse rigoureuse et l’application de ses principes ! Aux oubliettes les prétentions à diagrammatiser les intentions de discours par une horlogerie sémiotique ! Et bienvenue aux personnages de carton peint destinés à porter des discours interminables dont ils ne sont que les socles pâteux. Ce sont des moments de rire assurés par des dialogues idiots – « Mais, mais, n’y a-t-il donc rien d’absolu ? – Si, mais à l’intérieur, pas à l’extérieur  » – dans lesquels vient se confirmer la topographie hypo platonicienne de la forme qu’il nous avait bricolée dans Reinventing Comics.
    Nous sera également servie – petite touche d’harmonisation par le fond – une conception de la sculpture qui aurait sans aucun doute mérité d’être cornaquée par un intérêt réel pour le sujet. Et, soyons fou, soutenue d’une visite au musée. Au moins un musée. Un petit. Ou un livre sur la sculpture du XXe. Un seul livre. Un petit. Car voici 600 pages présentant la tourmente cabotinée d’un sculpteur qui est censé incarner la figure de l’artiste bouleversant les codes de sa contemporanéité  ; et pourtant sa vision prophétique de la sculpture est strictement celle des caricatures conservatrices des comics qui, dans les années 60, en peuplaient leurs arrière-plans. On pense alors à Bertrand Lavier et à ses réifications plastiques des arrière-plans chez Disney, on pense aux vieilles meules modernistes des écoles parisiennes qui n’avaient besoin de personne pour se naufrager, on pense à tout ce que pense ce qui ne pense pas.
    Tout ça nous renseigne sur la vanité de McCloud qui s’imagine qu’on peut tout-à fait causer d’un sujet dont on ne sait rien et que ça passera quand même grâce, sans doute, au seul éclairage de l’esprit d’analyse qui va l’enrober. Encore faut-il qu’il soit allumé.
    Une question, quand même, persiste après cette lecture qui en est si avare : pourquoi un gars qui a écrit Understanding comics pour faire du mot Art une espèce de mantra social autoréalisant a-t-il choisi de faire du paradigme de l’art la sculpture et non la bande dessinée ? impossible de ne pas y voir un bel aveu d’impuissance.

    #bande_dessinée

  • Nick Sousanis , Le Déploiement , Acte sud.

    Dès les premières pages, l’auteur nous donne un petit aperçu du sérieux théorique qu’il faudra attendre de sa thèse (car ce livre, effectivement, est sa thèse*) : nous serions (enfin, je dis nous , pas vraiment nous . Un nous-sans-lui , un nous mais pas avec lui dedans nous , lui dont le mode opératoire exige que nous souscrivions à son détachement de nous , que nous concédions à la hauteur surplombante depuis laquelle, dans un horizon dégagé, lui a su s’extirper de la terrible routine où le monde entier patauge sauf lui , c’est-à-dire où nous pataugeons), nous serions, disais-je, « piégés dans nos langages ».
    Ah. Mais comment pourrions-nous être piégés « dans nos langages » ? Je veux dire : de quoi parle-t-il, l’animal, quand il parle de « langages » dans lesquels nous pourrions nous trouver piégés ? Nos formulations ? (ce qui ne signifie pas « nos langages ») Nos représentations ? (ce qui ne signifie pas « nos langages ») Nos cultures ? (ce qui ne signifie pas « nos langages ») Voire nos langues (vieille antienne barthesienne branlante, mais ce qui ne signifie toujours pas « nos langages ») ? Effectivement, être piégés dans « nos langages », ça ne veut rien dire. Pas flou, pas approximatif, non non. Juste : rien. Les abeilles, qui ne parlent pas, sont peut-être construites, effectivement, par leur langage, dans cette acception latérale, éthologique – et au singulier – du mot « langage ». Mais « nous », il n’y a aucune chance.
    De ces prémisses notionnelles vasouillardes (qu’il ne suffira pas de renvoyer une fois de plus à l’ambiguïté anglo-saxonne du mot language pour en minimiser la nullité conceptuelle), il va falloir s’accommoder pour déberlificoter tout le reste. Et c’est gratiné.
    On aura droit, en guise de bande dessinée, si l’on écarte avec indulgence trois ou quatre pages qui sont effectivement des planches (c’est-à-dire qui produisent de la bande dessinée), à une bouillie académique hésitant – visuellement – entre le schéma pédagogique, les cours de dessin ABC des années 60, la découverte de son Moi créatif par tante Odile après la lecture du volume Marabout Poche consacré au surréalisme, et – méthodiquement – à une variation sur le plan de montage Ikea, l’allégorie pompière et le PowerPoint.
    Un sentiment de familiarité tenace se dégage de cet embarrassant patchwork mal foutu, nunuche, intellectuellement si confus ... Où diable a-t-on déjà vu une cochonnerie de ce genre ? Qui d’autre a traité le récitatif et la démonstration en bande dessinée avec les armes illustratives, le ton, la mythologie communicante et le goût de l’apostrophe énergique typique des séminaires sur le dépassement de soi pour businessmen ? Mais Scott McCloud, bien entendu !
    En effet, le montage des pages, bien qu’il prétende mettre en lumière la singularité et la richesse processuelles de la bande dessinée, y échoue quasi invariablement, incapable qu’il est de quitter le modèle du découpage allégorisé, point par point, dans lequel le dessin est bel et bien là pour aider à supporter un texte bavard, embarrassant de poésardie hors d’âge et d’accents libéraux.
    Le choix des allégories lui-même est tragicomique ; tragique par leur vulgarité – le labyrinthe de la pensée, les rails de la vie moutonnière – et comique par les notes dont il les accompagne pour nous renseigner sur les conditions difficiles de l’invention de l’eau tiède : page 44, un soleil dissipe les nuages. Ce sont ceux de la peur de l’inconnu. Il les chasse et vient éclairer la page par les flammes de l’analyse. Renversant. Brusque retour de l’Emblème, rétropropulsion au XVIe siècle. En note, l’auteur, nous convainc du travail harassant qui conduit à ces lieux communs antiques : il met à contribution Horkheimer, Adorno, Condorcet, Wilson, pour cette seule page ébouriffante où les flammes de l’analyse chassent les nuages de la peur de l’inconnu.
    La bibliographie générale de ce truc ni fait ni à faire me laisse un moment perplexe... Mais comment lit-il ? Comment peut-il, dans le même bouquin, par exemple, se réclamer de Deleuze et de Goodman sans se fendre en deux de haut en bas ? Il les lit comment, exactement, pour rendre cette cohabitation fonctionnelle ?
    C’est publié par Actes Sud - L’An 2, c’est-à dire par T. Groesteen. C’est postfacé par Smolderen. Ils sont visiblement très contents.

    * http://spinweaveandcut.com/unflattening-excerpt

    #bande_dessinée

  • Trois ouvrages sur la bande dessinée en bande dessinée par l’auteur états-unien Scott McCloud :

    L’Art invisible : comprendre la bande dessinée, Paris, Vertige Graphic, 2000 ISBN 2-908981-41-6.
    Réinventer la bande dessinée, Paris, Vertige Graphic, 2002 ISBN 2-908981-58-0.
    Faire de la bande dessinée, Paris, Delcourt, 2007 (Première édition US en 2006), ISBN 978-2756009704.

    Le premier, qui s’interroge sur le principe de la BD, est particulièrement intéressant. Le second ne m’a pas beaucoup plu. Et le troisième est utile pour les créateurs de BD.

    Un article sur L’Art invisible :
    http://www.briographe.com/post/2007/11/20/Scott-McCloud-%3A-En-BD-il-ny-a-pas-de-regles-les-voici

    Le site de Scott McCloud :
    http://www.scottmccloud.com

    #Scott_McCloud #bande_dessinée #bd #livre