Les Japonaises privées de #MeToo
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Le hashtag des victimes de violences sexuelles s’est diffusé partout dans le monde. Sauf au Japon, où celles qui brisent la loi du silence risquent menaces et exclusion sociale.
Non, elle ne souhaite pas changer son nom ou être photographiée de dos : « Oui, j’ai peur mais il faut voir la réalité en face. Depuis que j’ai proclamé #MeToo, en décembre dernier, ma carrière d’actrice est fichue, alors autant parler. » Yumi Ishikawa, 31 ans, est l’une des rares femmes au Japon à avoir osé utiliser ce hashtag. Pourtant, dit-elle, son histoire est celle de centaines d’actrices. « Mon manager m’a poussée dans les bras de deux réalisateurs et d’un producteur, une dizaine de fois. Dans le monde du cinéma, il y a un accord tacite : il faut coucher pour avoir un rôle, surtout celles qui débutent. Je me disais qu’en tant que femme c’était normal d’y passer. Ce n’est qu’avec #MeToo que j’ai pris conscience du problème. » Yumi a d’abord ressenti une libération qui a très vite laissé place à la honte, sous le coup des critiques et des insultes : « Tu es moche », « Tu es une traînée », « C’est honteux pour une Japonaise d’évoquer un tel sujet ».
Shiori Ito aurait pu lancer le mouvement #MeToo au Japon. Dans son livre « Black Box » (non traduit) publié en octobre dernier, elle dénonce le viol dont elle a été victime par un proche de l’actuel Premier ministre Shinzo Abe. Au moment des faits, il y a trois ans, la police l’a dissuadée de porter plainte, son agresseur présumé n’a pas été inquiété par la justice et elle a même dû s’exiler. De passage à Tokyo, cette journaliste nous explique être la cible de menaces de mort : « Je me sens en danger dans mon propre pays. Après la publication de mon livre, j’ai reçu des dizaines de mails haineux, venant d’hommes mais aussi de femmes, des coups de fil menaçants, jour et nuit, me disant que je devrais mourir. Je me suis d’abord réfugiée chez une amie pendant deux mois et demi. Puis une représentante d’une ONG qui lutte pour les droits des femmes m’a conseillé d’aller à Londres. Le pire, c’est que ma sœur aujourd’hui n’arrive pas à trouver de travail à cause de moi. J’ai coupé les ponts avec ma famille. »