person:shogyu

  • 2012 11 08

    Bonsoir à tous,

    Une information passée quasi-inaperçue mais qui a son importance : le président russe, Vladimir Poutine, a limogé le 6 novembre dernier le ministre de la défense Anatoli Serdiukov et l’a remplacé par Serguei Shoygu.

    La raison officielle serait l’implication de Serdiukov dans des affaires de corruption.

    En fait, l’ancien ministre de la défense avait été nommé par Poutine en février 2007 mais était notoirement connu pour être un proche de Medvedev. Il semble que derrière la façade de la chaleureuse amitié que sont supposés entretenir le duo exécutif russe, il y ait en réalité une lutte d’influence entre Poutine - qui est idéologiquement et politiquement dans la lignée de l’empire russe du temps de l ’Union soviétique - et Medvedev plutôt pro-occidental dans la mesure où ce dernier avait donné son accord pour la résolution onusienne n°1973 qui a permis aux occidentaux d’intervenir en Libye et de déloger et assassiner Khadafi alors que Poutine était réticent à une telle entreprise.

    La nomination de Shogyu, réputé pour sa grande intelligence et son don pour les langues, était une victoire personnelle de Poutine et l’on devine ce que le second mandat d’Obama sera marqué par une défiance et une confrontation avec les Russes et les Chinois.

    De plus, Medvedev lors de la guerre russo-géorgienne, dont les Etats-Unis ont joué un rôle dans son déclenchement, avait hésité à intervenir alors que Poutine était fou de rage durant l’inauguration des Jeux Olympiques de Pékin en août 2008 et avait interpellé George Bush en l’apostrophant brusquement.

    La nomination de Shogyu à ce poste sensible signifie que le camp de Poutine est en train de prendre le dessus et annonce un durcissement dans sa position à l’égard des Etats-Unis et des Occidentaux en général. Ce qui ne manquera pas d’avoir des effets sur la crise syrienne et dans la région du Proche et Moyen-Orient.

    Sans oublier que la Chine va nommer son futur président de la République Xi Jinping qui est plutôt perçu comme un dur.

    Enfin, Bachar Al-Assad a accordé une interview à la chaine TV Russia Today qui devrait être diffusé demain - le 9 novembre.

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    Sur la réélection de Barack Obama :

    La majorité des analystes estiment qu’Obama sera désormais plus libre d’imposer sa politique du fait qu’il n’aura plus d’échéance électorale à préparer. A mon humble avis, il n’en sera rien. Son discours après l’annonce de sa victoire « The Best is yet to come » (Le meilleur est à venir) est de la poudre aux yeux à l’image de son premier mandat.

    C’est plutôt le pire qui est à venir, puisque l’influence des Etats-Unis est de plus en plus contestée dans le monde et ils n’auront pas d’autre choix que d’adopter leur politique étrangère traditionnelle à savoir : la guerre.

    Hillary Clinton ne sera pas reconduite à la tête de la diplomatie américaine, elle l’avait annoncé qu’elle prendrait sa retraite à la fin du mandat actuel il y a quelques mois. Les favoris pour sa succession sont : John Kerry, sénateur démocrate et ancien candidat à la présidence en 2004, Susan Rice, l’actuelle ambassadrice auprès des Nations Unies et Tom Donilon, l’actuel conseiller à la Sécurité nationale des Etats-Unis. Trois candidats de l’establishment, il parait peu probable qu’Obama nous réserve une surprise.

    A noter que Timothy Geitner, le secrétaire d’Etat au trésor va lui aussi être remplacé.

    Et bien sûr le plus important, le chef du Pentagone Léon Panetta, 74 ans pourrait également être remplacé. A suivre.

    Il est fort à parier que nous assisterons à la continuité de la politique étrangère actuelle que Clinton avait qualifié de « Smart power » comme on l’a vu en Libye et en Syrie. C’est à dire pas d’ingérence directe coûteuse en GI’s mais plutôt une stratégie indirecte comme l’aimait à l’écrire l’historien militaire britannique Basil Liddell Hart : les djihadistes font le travail et les pétromonarchies du Golfe financent.

    En effet, c’est sous l’ère Obama, que nous avons assisté à l’augmentation exponentielle de l’utilisation des drones dans les théâtre des opérations militaires avec leurs lots systématiques de bavures. Le nombre de bases militaires américaines a également cru durant ces dernières années et le nombre des troupes américaines déployées en dehors du territoire américain ont à peine baissé.

    http://www.slate.fr/monde/64611/obama-discours-victoire

    Le discours de victoire de Barrack Obama est révélateur de la situation actuelle des Etats-Unis : il a surtout insisté sur la nécessité de l’unité de la nation américaine à plusieurs reprises et implicitement il reconnait les clivages des différentes communautés.

    La fin de son discours sonne comme un aveu :

    Je crois que nous pouvons saisir cet avenir ensemble car nous ne sommes pas aussi divisés que le laisse croire notre vie politique. Nous ne sommes pas aussi cyniques que le pensent les experts. Nous sommes plus grands que la somme de nos ambitions individuelles, et nous sommes encore davantage qu’un assortiment d’Etats rouges et d’Etats bleus. Nous sommes, et serons toujours les Etats-Unis d’Amérique.

    En résumé, le « pire est à venir » et d’abord sur les théâtres d’opérations extérieures.

    On voit mal comment il va s’y prendre sur le dossier israélo-palestinien : non seulement la colonisation de la Cis-jordanie a atteint un point de non retour mais un récent sondage a montré que les Israéliens seraient opposés à 69% à l’octroi du droit de vote aux Palestiniens si la Cisjordanie était annexée, et 74% des Israéliens soutiennent que les Juifs et les Arabes doivent emprunter des routes séparées dans ce même territoire.

    Par conséquent, la solution d’un Etat unique binational si cher à Edward Said, qui serait la solution la plus juste d’un point de vue éthique, politique, humain, moral et même financier est à jetter aux poubelles.