person:staline

  • Exposition : Joseph Staline, commissaire des arts
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/03/21/joseph-staline-commissaire-des-arts_5439038_3246.html


    « Donbass, la pause déjeuner » (1935), d’Alexandre #Deïneka, huile sur toile.
    COLLECTION DU MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DE LETTONIE / ADAGP, PARIS, 2019

    Pourquoi nous cache-t-on la peinture russe ­contem­poraine ? La question était posée le 11 janvier 1952 par André Breton dans l’hebdomadaire Arts. A l’époque, les seuls à la connaître un peu étaient ceux qui avaient fait le voyage en Union soviétique, ou ceux qui se souvenaient du pavillon de l’URSS à l’exposition ­universelle de Paris, en 1937. Le Centre Pompidou évacuait prudemment le sujet en 1979 avec l’exposition « Paris-Moscou » : elle s’interrompait à l’année 1930, avant que ne s’imposent les théories du réalisme socialiste.

    L’exposition « Rouge » au Grand Palais ose enfin dévoiler ce que Breton entendait dénoncer : les œuvres produites durant le stalinisme, pour beaucoup jamais montrées, qui succédèrent aux avant-gardes accompagnant la révolution de 1917, elles désormais bien connues. Le parcours conçu par Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur au Centre Pompidou et commissaire de l’exposition avec Natalia Milovzorova, couvre toute la période, jusqu’à la mort de Staline, en 1953, en présentant 400 pièces.

    Les avant-gardes, donc, ouvrent la visite. Pas toutes : n’ont été retenus que les travaux des artistes engagés avec la révolution dans la recherche d’un art productif, productiviste même. Foin de paysages pastoraux, dessinons des casseroles, des vraies. Pas de peinture « bourgeoise », et en ce sens, les tableaux de Chagall, même si celui-ci soutint la révolution, n’ont pas leur place, mais un art conçu dans une logique industrielle, répondant aux besoins de la société nouvelle.

    Dès 1918, le poète Vladimir Maïakovski, s’appuyant sur les artistes futuristes russes, publie un manifeste, le Décret n° 1 sur la démocratisation des arts, qui veut abolir « le séjour de l’art » dans les galeries ou les musées pour le transplanter dans la rue ou les usines. On est là très proche du Bauhaus allemand. Alexandre Rodtchenko […]

    #paywall

    • Rouge – Exposition au Grand Palais du 20 mars au 1er juillet 2019
      ROUGE
      Art et utopie au pays des Soviets
      Grand Palais, Galeries nationales
      20 mars 2019 - 1 juillet 2019

      https://www.grandpalais.fr/fr/evenement/rouge

      • Plus de 400 œuvres exposées
      • Peinture, sculpture, architecture, photographie, cinéma, design…des œuvres pour la plupart jamais montrées en France !
      • Alexandre Rodtchenko, Kazimir Malevitch, Gustav Klutsis, Alexandre Deïneka, Sergueï Eisenstein, Varvara Stepanova…
       L’exposition_ Rouge. Art et utopie au pays des Soviets_ présente un ensemble de plus de 400 œuvres conçues dans un contexte social et politique particulier. Son parcours chronologique commence en 1917 avec la révolution d’Octobre et se termine en 1953, année de la mort de Staline.

      Elle interroge la manière dont le projet de société communiste a engendré des formes d’art spécifiques. Des années 1920, marquées par un grand nombre de propositions d’avant-garde, aux années 1930 qui voient l’affirmation d’un dogme esthétique, le parcours aborde tous les domaines des arts visuels : peinture, sculpture, architecture, photographie, cinéma, design, arts graphiques avec des œuvres, pour la plupart jamais montrées en France.

      Les artistes tels que Rodtchenko, Malevitch, Klutsis … ont voulu accompagner par leurs œuvres l’édification du socialisme et contribuer à la transformation du mode de vie des masses. C’est cette histoire, ses tensions, ses élans comme ses revirements que relate l’exposition en posant la question d’une possible politisation des arts.

      Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais et le Centre Pompidou Musée national d’art moderne.

    • Rouge : l’exposition - YouTube
      https://www.youtube.com/watch?v=jgock_xNmQA

      Entre utopie artistique et utopie politique, l’exposition « Rouge, art et utopie au pays des Soviets » s’intéresse à la façon dont le projet communiste a produit une forme d’art spécifique, participant à la révolution du mode de vie. Le commissaire Nicolas Liucci-Goutnikov retrace le parcours de cette exposition qui court de la révolution d’Octobre jusqu’à la mort de Staline. Mêlant le design, la peinture, l’architecture, le cinéma, ou encore le photomontage, partez à la (re)découverte de l’art soviétique.

  • Marseille : le mur de la honte

    Comme ultime réponse à la contestation populaire contre son projet piloté par la #Soleam, société d’aménagement, la mairie de Marseille monte un mur de béton entre les habitants et #La_Plaine, pour la « réaménager » par l’agence #APS. Marseille prend ainsi le visage du Mexique, de Belfast, de Gaza, ou de Berlin en 1961.


    https://blogs.mediapart.fr/671095/blog/301018/marseille-le-mur-de-la-honte
    #murs #Marseille #séparation #division #barrières #villes #urban_matter #France #ville_divisée #divided_cities #frontières #frontières_urbaines #murs_intra-urbains

    • Le mur du mépris - La Plaine 2018

      Berlin ? Belfast ? Mexique ? Gaza ? Non, aujourd’hui c’est à la Plaine que la mairie et les flics, main dans la main, ont décidé d’ériger un gigantesque mur de béton pour tenter d’écraser toujours plus le quartier. Retour en photo et en vidéo sur le musellement de la place...

      (Petite mise au point : un certain nombre de lecteur/lectrices ont souligné que la comparaison avec les murs de Gaza, Berlin etc. était peut-être un peu abusive ou malencontreuse. Effectivement, les réalités des murs érigés en Palestine, à la frontière Etats-Unis-Mexique, ou par le passé à Berlin, sont toutes autres. A la Plaine, point de miradors, de contrôles d’identité et de militaires. L’intention n’était pas de mettre sur un même niveau ces réalités totalement différentes, mais simplement de souligner les comparaisons qui sont sur toutes les lèvres des habitant.e.s du quartier, aussi approximatives soient-elles...)

      Tout le monde s’y attendait, mais personne n’osait y croire. Gérard Chenoz tient ses promesses : quand il veut éradiquer les quartiers populaires, et bien il met tout en oeuvre pour y parvenir. Histoires de pouvoir et de pognon, c’est certain. Mépris de classe assurément.

      Et là où le gentrifieur en chef tient aussi ses promesses, c’est dans son goût prononcé pour la manipulation. Il a quand même trouvé moyen de jouer la victime dans la presse, et tenter de renverser médiatiquement la vapeur. Selon ses atermoiements, s’il est nécessaire d’installer ce mur de la honte, c’est à cause de la révolte des habitant.e.s et usager.e.s de la Plaine. Si ce mur coûte près de 400000 euros de plus aux 20 millions déjà faramineux du projet, c’est à cause de la plèbe qui exprime sa colère. Et, pirouette finale, s’il y a 400000 euros à débourser en plus, ce sera bien à la charge des contribuables, et ce, à cause, évidemment, du peuple de la Plaine opposé aux travaux. La boucle est bouclée : l’exorbitant coût des travaux est directement imputable aux plainard.e.s ! Roublard le Gérard, non ?

      Mais ça n’est pas un problème pour lui, ni pour la mairie. Leur mur de mépris, ils le posent. Ils semblent insinuer que, désormais, le quartier est à eux... Pourtant, rien n’est fini. Le quartier ne veut pas de leur aménagement à coup de matraque, de mur et de béton. Le quartier se battra jusqu’au bout pour arrêter ce chantier dont personne ne veut.

      Voici un excellent retour par Primitivi sur le début de l’installation du mur lundi 29 octobre, et sur la conférence de presse qui l’a précédé :
      https://vimeo.com/297967292


      https://mars-infos.org/le-mur-du-mepris-la-plaine-2018-3468
      #gentrification

    • Et à #Bure... les murs ont tombé... c’est ce qui est rappelé sur les réseaux sociaux concernant le mur de Marseille :

      En fait on a déjà vu ce type de murs à Bois Lejuc (#Bure) il y a deux ans ... et les murs étaient tombés

      https://twitter.com/ADecroissance/status/1057396390014390272

      Les murs tombent dans le #Bois_Lejuc !

      Aujourd’hui, près de 500 personnes, jeunes, moins jeunes, militant-e-s de tous les horizons, habitant-e-s, agriculteurs, ont réinvesti le Bois Lejuc et procédé à sa remise en état dans une atmosphère festive et déterminée. Plusieurs centaines de mètres de pans de mur illégalement érigés ont été abattus, d’autres redécorés, des arbrisseaux plantés. Quelques plants de légumes plantés lors de l’occupation de la forêt du 19 juin au 7 juillet, rescapés de la reprise de la forêt par l’Andra, ont même été repiqués.
      deco190Militant-e-s récemment mobilisé-e-s et opposant-e-s de la première heure se sont retrouvé-e-s à l’ombre des arbres libérés pour pique-niquer et refaire le monde sur les ruines du mur. Avec la chute de ce mur, ce n’est pas seulement un symbole de la violence et du passage en force de l’Andra qui est tombé ; c’est aussi la chape de plomb de la fatalité et de la résignation qui s’est fissurée.

      down2Cette fronde populaire est une saine et légitime défense face au rouleau compresseur de l’Andra, prête à tout pour imposer CIGÉO (emploi de vigiles surarmés, mépris des lois, mépris des décisions de justice). Les centaines de personnes arrivées dans le bois ont pu constater l’ampleur des dégâts infligés à la forêt : coupes dans des futaies de jeunes arbres, nouvelles et larges saignées dans les taillis… Certains indices laissent d’ailleurs penser que l’Andra a poursuivi ce défrichement illégal même après la décision de justice du 1er août. Nous attendons avec impatience les échéances juridiques à venir.


      Face à l’étendue des dégâts et la mauvaise foi de l’Andra, il nous semble plus qu’essentiel de continuer à défendre la forêt dans les jours et semaines à venir !


      https://vmc.camp/2016/08/14/les-murs-tombent-dans-le-bois-lejuc

    • Dans le numéro de @cqfd en kiosque actuellement

      #Urbanisme à la tronçonneuse – La Plaine emmurée > La mairie y croyait dur, à son opération table rase sur La Plaine. Et, la mort dans l’âme, le quartier s’y préparait. Une fois chassés les gens du marché, la résistance allait faiblir. Gérard Chenoz, adjoint (LR) aux Grands projets d’attractivité et maître d’œuvre des travaux de requalification de la place Jean-Jaurès, s’en était vanté auprès du site Marsactu : « Une Zad sur La Plaine ? Dans dix jours c’est fini. » Il aura finalement fallu un mois riche en surprises, et un mur de béton de 2,5 mètres de haut ceinturant l’esplanade, pour que le chantier démarre vraiment. Le Marseille populaire n’a pas dit son dernier mot.

      http://cqfd-journal.org/Au-sommaire-du-no170-en-kiosque

    • Heureusement, ces murs seront « embellis et habillés » par des « artistes, peintres urbains et graffeurs [...] dans le respect de l’identité de la place Jean Jaurès, connue pour être un lieu incontournable du street art ». Peindre en rose un mur de séparation, un crachat au visage du quartier, ne le rend pas plus agréable ni « respectueux ». Par contre, ces fameux « artistes » risquent de ne pas être très bien accueillis lorsqu’ils viendront. Devra-t-on bientôt voir des « street-artistes », héritiers de l’art vandale, protégés par la police ? Ce serait un comble.

      Pour l’anecdote, on apprend aussi que « les accès aux immeubles résidents sont maintenus » pendant la durée des travaux. C’est gentil ça, de laiser les gens rentrer chez eux.

      https://mars-infos.org/chenoz-et-la-mairie-nous-mentent-3469#nh3-3

      formulé par la Soleam :

      Mesure de sécurité aussi regrettable qu’indispensable, ces barrières deviendront un espace d’expression. Un collectif d’artistes leur donnera une note artistique. Ces peintres urbains et graffeurs travailleront à égayer le nouveau dispositif de sécurité, dans le respect de l’identité de la place Jean Jaurès, connue pour être un lieu incontournable du street art.

      http://www.soleam.net/projet/__trashed-2

      Leur rêve :

      Un positionnement géographique idéal, un port enfin dynamique et plutôt smart, des grandes entreprises qui agissent comme locomotives, des entrepreneurs qui ne restent pas indifférents aux évolutions du territoire, des startups à foison et, cerise sur le gâteau, un climat clément qui rend le business plus sympathique sous le soleil.

      «  Nous voulons nous servir du langage de la tech pour hacker les cerveaux des plus jeunes et leur donner accès à la culture.  »

      « Il faut repenser la configuration des quartiers. Tout détruire et tout reconstruire de façon différente en utilisant une situation géographique exceptionnelle . Cela doit s’accompagner d’une politique plus sociale. » Et de plaider pour un « plan Marshall urbanistique » . Mais aussi pour un centre-ville qui aurait tout intérêt à devenir piéton, gagnant ainsi des points d’attractivité supplémentaire, ne serait-ce qu’au niveau touristique.

      Qui voudrait aussi plus de bleu et de vert, « une ville propre, bien éclairée qui serait devenue le leader mondial de l’éolien flottant, qui aurait un grand port lequel aurait dépassé Miami en termes de nombre de croisiéristes. »

      https://marseille.latribune.fr/economie/2018-10-27/marseille-une-metropole-mondiale-791674.html

      Un cauchemar !

      source de l’article : #twittoland
      https://twitter.com/gerardchenoz/status/1047025687331254274
      #urbanisation #métropolisation #bétonisation

    • Marseille : lettres de la Plaine

      Alors que nous nous apprêtions à boucler l’édition de ce lundi, édition dans laquelle une lettre de la Plaine annonçait aux pouvoirs publiques que le mur de béton de 2m50 construit à la hâte pour protéger la destruction de l’une des dernières place populaire de Marseille, ne manquerait pas de tomber, nous recevons cette nouvelle missive. Le mur est donc partiellement tombé et éclaté sur le sol. Cela valait évidemment une nouvelle lettre aux élus.

      Chers Jean-Claude, Gérard & Jean-Louis,
      On voulait vous prévenir, votre mur il est malade, certaines parties ont dû être abattues.
      C’était pas sécur’.
      On a pensé à la transplantation mais c’est vrai que trois tonnes chaque morceau du mur, c’est beaucoup.
      Ceci dit, on vous trouve un peu léger.
      On a comme l’impression que vous avez du mal à estimer le poids du refus.
      C’est qu’il est bien plus lourd que votre mur.

      C’est bizarre d’être à ce point à côté de la plaque.
      De sous estimer autant.
      On vous pensait mieux renseignés, mieux entourés.
      On a pourtant tout fait pour vous aider.
      Les manifestations, les pétitions, les lettres…
      Trois mille personnes l’autre jour dans la rue.
      C’est peut-être Olivier de la préfecture, il ne sait pas compter, il doit mal vous renseigner.

      On est un peu triste pour vous parce que ça à l’air tout petit le monde dans vos têtes. Tout réduit.
      Bref, on vous sens fatigués, dépassés.
      On s’inquiète pour vous.
      D’autant qu’ici sur la place il se murmure que ça se lézarde dans les autres quartiers. D’ailleurs on fait une réunion cet après-midi avec les autres quartiers. Vous devriez venir, toute la ville sera là. Un grand conseil municipal.

      En tout cas, c’est gentil d’avoir remis l’électricité sur la place.
      On y voit mieux.

      Ici on a hâte de connaître votre prochaine idée. Le carnet de chèque, en tout cas, il doit pas mal tourner. On est rassurés de savoir la ville si riche. ça change.

      Au fait, pour le service après vente du mur, on vous donne les coordonnées :
      - Groupe PBM. 04 72 81 21 80
      97 Allée Alexandre Borodine - Bât Cèdre 2 - 69800 Saint-Priest.

      et puis celles du directeur des ventes, ça peut-être utile pour les réclamations
      Laurent ULLINO - Tél. 06 61 08 58 48
      laurent.ullino@pbm.fr »

      https://lundi.am/Marseille-lettres-de-la-Plaine-1567

    • Un quartier à cran

      Tel un orage d’été, la requalification de la place Jean-Jaurès, au cœur du quartier de La Plaine, à Marseille, s’annonce aussi incertaine que menaçante.

      À quelques jours de l’échéance, et malgré une plaquette publicitaire affirmant que tout est ficelé (on y vante sans vergogne « une démarche collective et collaborative », pour « une grande place métropolitaine, méditerranéenne, polyvalente et populaire »), tous les lots de l’appel d’offres n’ont pas encore été attribués. En revanche, des recours juridiques sont déposés au nom des forains du marché, de commerçants et de l’association La Plaine sans frontières.

      Si le cabinet APS, chargé de redessiner la place, enfume l’opinion avec des formules ronflantes promettant une « réactivation contemporaine », les premiers concernés subissent l’habituel mépris de la vieille garde municipale. Le phasage des travaux, qui aurait permis à 80 vendeurs sur 300 de cohabiter avec le chantier, est jeté aux oubliettes. Dans un courrier en date du 1er août, l’élue Marie-Louise Lota, adjointe aux Emplacements publics, annonce la « fermeture totale de la place pour des motifs de sécurité et de salubrité ». Les forains seront exilés sur huit « sites de repli », pour l’essentiel dans les quartiers Nord. Cette dispersion signerait l’arrêt de mort du marché le plus populaire de la ville.

      Autre déracinement : 87 des 191 arbres de la place devraient être arrachés. Pour endormir les consciences, l’élu Gérard Chenoz, adjoint aux Grands projets d’attractivité, et le paysagiste Jean-Louis Knidel affirment qu’ils ne seraient pas coupés, mais « transplantés ailleurs », pour « une plus grande biodiversité » !

      Consulté, un technicien forestier a démonté l’intox : une telle opération, très coûteuse, aurait dû se préparer en amont et les tilleuls adultes ont peu de chance de survivre.

      Autre fake news, la piétonisation : une voie de circulation éventrera la plus grande place de Marseille sur toute sa longueur. Pour rendre cet attentat plus sexy, les paysagistes parlent de ramblas… Aucun plan général de mobilité, aucune étude d’impact sérieuse : un effet entonnoir, ainsi que la suppression de 400 places de stationnement sans solution alternative, déporteront le chaos automobile dans les rues adjacentes.

      À des restaurateurs inquiets, Yves Moraine, maire des 6e et 8e arrondissements, a répondu avec désinvolture qu’ils seraient « bien contents de la plus-value de leurs fonds de commerce une fois le quartier réhabilité ». Il dévoile ainsi des visées spéculatives, tout en mentant éhontément : s’ils sont contraints de vendre, les commerçants le feront sur la base d’un chiffre d’affaires rendu calamiteux par trois ans de chantier.

      Autre menace : sur un espace « minéralisé », avec un « deck central » en bois où les badauds pourront « se montrer et regarder », tous les usages non encadrés et non marchands seront mal vus. Sous l’œil de 26 caméras, le carnaval indépendant, la sardinade du 1er mai, les jeux de boules ou de balle et les repas de quartier deviendront des « usages déviants ».

      Un tel équarrissage serait le point d’orgue de la reconquête d’un centre-ville trop populeux, qu’on aimerait voir basculer du côté des quartiers huppés. Sans oublier la volonté de multiplier les zones d’attractivité touristique. Preuve de l’impopularité de cette politique, les candidats de l’équipe Gaudin ont été désavoués dans les urnes, éjectés avec à peine 10 % des voix au premier tour des dernières législatives. Mais qu’importe : « Avant de prendre ma retraite, je vais nettoyer La Plaine », aurait déclaré Marie-Louise Lota.

      Plus soucieuse de réélection, la nouvelle génération LR soigne ses éléments de langage : « Je suis pour une rénovation inclusive, nous avons besoin de toutes les énergies », lance Sabine Bernasconi, maire des 1er et 7e arrondissements. Ce qui ne l’empêche pas de s’attaquer au boulodrome associatif de la place Carli, après que les bouquinistes en ont été bannis. La même phobie de toute activité populaire est là encore à l’œuvre.

      Seule force de ce projet de destruction, la division de ses adversaires. Écolos et pro-vélos sont bernés par une piétonisation cosmétique. Nombre de riverains des quartiers voisins croient que tout vaudra mieux que cette place laissée à l’abandon depuis des années. Reste le fantôme d’une Zad urbaine pour sauver les arbres, le spectre d’un coup de sang des forains et la mutation de l’assemblée de La Plaine en véritable assemblée de quartier. Qui est vivant verra.


      http://cqfd-journal.org/Un-quartier-a-cran

  • A propos du film « La mort de Staline », l’historienne Rachel Mazuy
    a fait une communication sur FB (vraiment dommage que toute cette science, ce savoir, ces analyses soient confiées (le féminin l’emporte...) à Mark Elliot Zuckerberg, mais encore une fois, bon.

    Très intéressant.

    "On passe un bon moment avec "La Mort de Staline" ! mais si on jouait un peu au « 7 erreurs » ? :

    Quand je lis que le film est bien documenté et qu’il est fondé sur la vérité (ou presque...), je me dis qu’on pourrait jouer à corriger toutes les erreurs historiques - un "jeu" à tenter avec des élèves de 1ère ou des étudiants en histoire ?

    Sous le contrôle de mes collègues slavisants et spécialistes de l’URSS, en voici quelques unes :

    1. La première concerne la police politique. Le scénariste a pu se dire, que le KGB apparaissant après la mort de Staline, il était plus simple de reprendre le nom du NKVD (qui sonne bien), car personne ne connaît celui de MGB (MGB - МГБ est l’acronyme de Ministère à la sécurité gouvernementale), le véritable nom porté par la police politique de 1946 à 1954. Ce Ministère se différencie à cette époque de celui de l’Intérieur (MVD).

    Il faut rappeler que le NKVD est un acronyme pour "Commissariat du Peuple aux affaires intérieures" (en résumé le Ministère de l’Intérieur) et non, la police politique de l’URSS.

    Petit rappel :

    Au début c’est relativement simple... On a d’abord la Tchéka, dès 1917 (forme abrégée d’un acronyme signifiant : "Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage auprès du Conseil des commissaires du peuple de la RSFSR"), qui devient la/le Guépéou puis l’OGPU ("Direction politique unie d’État auprès du Conseil des Commissaires du peuple de l’URSS") après la fondation de l’URSS (1922). Ce sont bien les organes de la police politique.

    En 1934, la "Direction principale de la Sécurité d’Etat" (GUGB) est en fait intégrée au NKVD. Celui-ci regroupait donc les "forces publiques régulières de police de l’Union soviétique, comprenant notamment la police routière, la lutte anti-incendie, les gardes-frontières et les archives" (wikipedia), ainsi que le GUGB et le Goulag (encore un acronyme pour "Administration principal des camps"). Cumulant ainsi pouvoir de police et pouvoir judiciaire, le NKVD pouvait donc déporter par simple mesure administrative et était placé sous les ordres de Staline. C’est sans doute pour cela qu’on assimile très vite le Ministère de l’intérieur à ses "organes" !

    La dernière tentative de fusionner la Sécurité d’Etat avec le Ministère de l’Intérieur (devenu MVD après la guerre où on oublie les commissariats du peuple pour revenir aux ministères), date de mars 1953 (c’est signé Béria).

    2. Une autre inversion : le mélange entre la Grande Terreur (1937-1938) pendant les purges des années trente d’une part, et la campagne antisémite de 1948 à 1953 contre les "cosmopolites sans racines" de l’autre.

    La première fait deux millions de victimes avec plus de 725 000 exécutions. La seconde est moins "sanglante", car le processus est interrompu après le décès de Staline (ce que montre le film, même si la chronologie est ramassée sur quelques jours au lieu de plusieurs semaines).

    La campagne contre le cosmopolitisme débute avec la mort de l’acteur Solomon (Shlomo) Mikhoels en 1948 et se poursuit avec le procès de 1952 contre le Comité juif antifasciste (la plupart des membres sont alors exécutés). Elle atteint ce qui aurait du être son paroxysme avec "le complot des blouses blanches", annoncé par la "Pravda" en janvier 1953.

    Malgré tout, il faut rappeler, qu’à la mort de Staline, 4% de la population de l’URSS est incarcérée, la majorité pour des vols de propriétés socialistes et des petits larcins (c’est la "Société des voleurs" apparaissant dans le livre de Juliette Cadiot et Marc Hélie , "Histoire du Goulag" (La Découverte, collection Repères). "Pour dépasser un tel niveau d’enfermement" a écrit Thomas Piketty récemment, "il faut considérer le cas de la population masculine" afro-américaine (5% est en prison aujourd’hui). Je cite ici ces propos dans le récent article du "Monde" sur « La Russie poutinienne se caractérise par une dérive kleptocratique sans limites ».

    Cette campagne se traduit ainsi par de multiples arrestations qui touchent le milieu médical (des centaines de médecins, infirmiers, pharmaciens sont arrêtés...), avec des implications dans la Nomenklatura. Mais si deux médecins sont morts (sans doute pendant leur interrogatoire), il n’y a pas, dans ce cadre précis, d’exécutions sommaires massives comme dans les années trente.

    Il fallait évidemment pousser la satire jusqu’au bout, mais pourquoi, alors que la bande dessinée n’occulte pas le caractère antisémite de cette campagne, l’omettre dans le film ?

    3. De la même façon, l’histoire de Malenkov qui veut poser pour la photo avec la petite fille qui avait été photographié avec Staline fait allusion à l’histoire, bien connue aujourd’hui, de Guélia Marzikova. Or, ce n’était pas une petite Russe blonde avec des nattes (cela dit beaucoup de choses sur notre imaginaire occidental et je me demande quand les nattes et les grands noeuds deviennent quasi obligatoires dans les écoles élémentaires soviétiques). Guélia était bouriato-mongole et avait des cheveux très noirs et une coupe au carré. Bien entendu, il existe d’autres "portraits" de Staline avec des enfants...

    4. L’histoire du concert réinterprété pour enregistrer un disque pour Staline semble vraie. Maria Youdina, la pianiste, était effectivement convertie à l’orthodoxie (née à Vitebsk de parents juifs) et opposée au régime. Cependant, c’est Staline lui-même qui lui aurait donné 20.000 roubles pour la remercier après avoir écouté le disque. Elle lui aurait alors répondu qu’elle les donnerait à son église pour prier pour l’âme du secrétaire général en raison des crimes qu’il avait commis. Cette histoire, qui apparaît dans les mémoires de Chostakovitch, n’entraine donc pas l’hémorragie cérébrale de Staline.

    Mais, comme dans la bande dessinée, c’est évidemment un formidable début de narration de la mort de Staline...

    Je vous laisse continuer à trouver d’autres "erreurs historiques" !

    Et pour les courageux qui auraient tout lu, voici comment Marguerite Bloch (la femme de l’écrivain Jean-Richard Bloch invitée au premier Congrès des écrivains soviétiques) commente l’intégration des organes dans le NKVD (lettre du 12 août 1934, peu après leur arrivée en URSS) :
    « Je vous ai dit l’émotion de l’arrivée à la frontière. A vrai dire en ce qui me concerne, je l’avais d’avance. Mais enfin, le fameux arc de triomphe, et ensuite tout autour de la salle de douane, en quatre langues : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous... On nous a dit après que les hommes en uniforme à casquettes vertes qui se tiennent derrière les douaniers sont des fonctionnaires du Guépéou. Ils étaient parfaitement aimables du reste, et, pour nous, ne sont même pas venus regarder. D’ailleurs l’organisation du Guépéou est complètement transformée, c’est devenu un commissariat à l’Intérieur »

    In "Moscou-Caucase Été 34, Ed. du CNRS - toujours à paraître...).

    Sur Maria Youdina on peut réécouter la formidable émission de France Culture :
    https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/maria-yudina-la-pianiste-de-staline-1899-1970

    Parmi les nombreux articles de Nicolas Werth sur les crimes de masse de l’ère stalinienne en voici un qui a le mérite d’être accessible en ligne et de donner une bibliographie complète datant cependant de 2009 :
    https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/les-crimes-de-masse-sous-staline-1930-1953

    Sur le complot des blouses blanches, en dehors de l’ouvrage déjà ancien (1997, Ed. Complexe) de Jean-Jacques Marie sur Les derniers complots de Staline, l’Affaire des Blouses blanches, :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Complot_des_blouses_blanches

    Sur Staline, la biographie récente (2017) d’Oleg Khlevniuk publiée avec une préface de Nicolas Werth chez Belin : https://www.nonfiction.fr/article-9299-staline-ou-la-terreur-comme-systeme-de-gouvernement.htm

    #staline #histoire #1953 #soviétisme #urss #union_soviétique #révolution_russe #1917

  • La grande régression d’#octobre_1917

    https://www.facebook.com/notes/cnt-ait-toulouse/la-grande-r%C3%A9gression-doctobre-1917/921520861334082

    60 ans après l’abolition du servage en Russie, les Bolcheviks ont rétabli l’esclavage en condamnant des millions de détenus aux travaux forcés et à la mort lente. Le marxisme-léninisme a la prétention d’être une théorie émancipatrice avec comme finalité d’instaurer une société sans classes où l’exploitation de l’homme par l’homme disparaîtrait à jamais. Hélas, pour réaliser cet idéal, il serait nécessaire, selon les « textes sacrés », de passer par une dictature du prolétariat laquelle se convertirait quasi-instantanément en dictature sur le prolétariat, mais pour une durée assez brève, selon Marx. Dans les faits, elle s’est transformée en une tyrannie absolue pendant plus de 70 ans, en Russie.

    La prise du Palais d’hiver

    La « révolution » de 1917 (prise du Palais d’hiver) a, en fait, accouché d’un État totalitaire dont la spécificité a consisté à mettre en place un système pénitentiaire gigantesque et d’une ampleur inégalée au XX° siècle : la fameuse institution du Goulag (1) qui va maintenir en détention, entre 1930 et 1953, 20 millions de personnes (estimation minimale) plus 6 millions de « déportés » ou « déplacés spéciaux » (2). C’est un des régimes les plus répressifs et sanglants de l’histoire.

    En ces temps de commémoration larmoyante, où le souvenir de la « révolution d’octobre » (soi-disant prolétarienne) fait encore battre des cœurs ingénus (léninistes, trotskistes, maoïstes & co), il est bon de rappeler que cette prise d’armes « blanquiste » fut la confiscation d’un processus révolutionnaire au profit d’une avant-garde soi-disant éclairée dont les agissements contribueront à assombrir et ternir, pour des décennies, l’idée même de révolution.

    Sur les ruines de l’État tsariste, à peine sorti de la féodalité, les Bolcheviks édifient leur magnifique « État ouvrier » dont les réalisations, véritablement pharaoniques, vont reposer en grande partie sur l’esclavage de millions de détenus. Soumis à l’arbitraire, dans des conditions de « travail » épouvantables (Températures allant jusqu’à - 50°C, à la Kolyma), mal vêtus, sous-alimentés, ils sont voués à une mort lente par épuisement et dénutrition. Les Zeks ou ZK (terme désignant les détenus affectés au creusement du canal mer Baltique-mer Blanche, puis les détenus de tous les goulags) sont sans conteste les esclaves dont le régime a besoin pour mener à bien sa politique de grands travaux. C’est une main d’œuvre docile, à très faible coût d’entretien, et qui présente l’avantage d’être aisément renouvelable : il suffit simplement de procéder à de nouvelles vagues d’arrestation pour les remplacer.

    Malgré la publication de nombreux témoignages de rescapés et l’accès désormais possible à une énorme quantité d’archives, l’opinion publique occidentale fait encore coïncider le goulag avec l’accession de Staline au pouvoir. Or, c’est dès l’été 1918 que sont créés les premiers « konsentrasionny lager ». Le décret du 5 septembre 1918 à propos de la Terreur Rouge (publié dans le journal « Izvestia » le 10 septembre 1918), signé de la main de Lénine, stipule que ces camps ont pour fonction de « protéger la république soviétique contre ses ennemis de classe en isolant ceux-ci dans des camps de concentration » .

    Bien que dans cette Russie à peine sortie de la féodalité et peu industrialisée, la bourgeoisie soit numériquement très faible et que l’aristocratie terrienne représente assez peu de monde, la catégorie « ennemis du peuple » (plus tard appelés « éléments anti-soviétiques ») s’accroît de façon vertigineuse jusqu’à englober, au début des années 50’, des dizaines de millions de personnes. Phénomène assez remarquable puisque plus on élimine d’ennemis, plus il en apparaît. Il est donc légitime de s’interroger sur le fait de savoir si ces ennemis ne surgissent pas plutôt du peuple et si, en fin de compte, et vu l’ampleur du phénomène, ce n’est pas la population dans son ensemble qui est l’ennemie du régime.

    Présents dès les débuts de l’instauration du « socialisme », les camps ne sont donc pas une quelconque pathologie, ni une maladie honteuse du système bolchevique, comme voudraient nous le faire croire certaines sectes léninistes ; ils sont un élément constitutif de ce régime. Leur fonction répressive, dissuasive et terrifique se double, en quelques années, d’un rôle économique important, d’autant plus que l’afflux quasi-constant de nouveaux détenus permet à l’administration pénitentiaire de lancer sans cesse de nouveaux projets, toujours plus grandioses et démesurés : mise en valeur de contrées inhospitalières, percements de canaux, construction de routes, villes, voies ferrées, exploitation du pétrole, de ressources minières, etc. A son apogée, en 1950, le Goulag assurera en URSS la totalité de la production de platine et de diamant, 90 % de la production d’or, 35 % des métaux non-ferreux, 35 % du nickel, 12 % du charbon et du bois, etc (3).

    C’est à la police politique, la Tchéka, fondée le 7 décembre 1917, dirigée par F. Dzerjinski jusqu’à sa mort en 1926, qu’est confiée la gestion des premiers camps de concentration. A partir de février 1922, la Tchéka devient GPOU puis OGPOV et enfin NKVD. En ces temps de misère et de rationnement pour la population, les membres de la Tchéka jouissent de privilèges exceptionnels (rations alimentaires supérieures à la moyenne, même à celles des membres de l’Armée rouge, prérogatives quasi-illimitées, etc), privilèges qui attirent toute sorte d’individu à la moralité et aux motivations douteuses. Dzerjinski, dans une lettre à sa sœur, avoue : « je suis entouré de canailles, mais ce sont les seules personnes qui veulent rester » . Comme toutes les gardes prétoriennes de tous les États du monde, la Tchéka se vit accorder une grande liberté d’action pour traquer les « ennemis du peuple », ennemis dont la définition deviendra au fil du temps de plus en plus extensible et en conséquence l’empire pénitentiaire du goulag va, en quelques années, s’étendre sur tout le territoire soviétique, devenant un véritable État dans l’État, doté d’une garde armée, la VOKHR (elle comptera jusqu’à 1 million d’hommes) et de territoires entièrement sous son contrôle. Le plus grand complexe de camps, le Dallstrooï, fondé en 1932 et connu sous le nom de Kolyma, gère 2 millions de détenus. Le Goulag en arrivera à occuper un septième de la surface totale de l’URSS.

    Aux îles Solovki, archipel de la mer Blanche, un camp célèbre pour avoir été le premier fondé par le régime soviétique (entre autres, les marins survivants de Kronstadt y seront détenus), le responsable en chef accueillait les arrivants par ces mots : « Sachez tout d’abord que le pouvoir ici n’est pas soviétique, mais soloviétique (fine allusion aux Solovki). Toutes les lois, toutes les règles, vous les oubliez, ici règne une loi à part » (4). C’est, ajoute N. Werth, l’arbitraire absolu érigé en règle. Si les citoyens soviétiques ne disposent, dans les faits, que de très peu de droits face à l’État, les détenus, eux, n’en ont plus aucun. Aux Solovki, l’encadrement des prisonniers est confié à des droits communs, très souvent des anciens tchékistes condamnés par leur hiérarchie pour des exactions et des abus divers. Le système n’hésite pas à appeler ça « l’autogestion des camps ». D’après Jacques Rossi (ex-communiste français et ex-membre du Kommintern condamné en 1937 à 18 ans de camp et à 5 ans de relégation) qui a collecté, au cours de sa détention et de ses nombreux transferts, de multiples témoignages de détenus « le camp des Solovki est célèbre pour la cruauté bestiale de ses chefs, de certains détenus et des employés de l’OGPOV. Les passages à tabac, parfois mortels, y sont chose courante ainsi que l’exposition à la faim et au froid jusqu’à la mort ; courants, aussi, sont les viols individuels ou collectifs des femmes et des jeunes filles détenues, courants également des supplices comme en été la torture par les moustiques (entièrement nu, le détenu est immobilisé et au bout de quelques heures, recouvert de moustiques particulièrement voraces, il n’est plus qu’une plaie purulente) ou en hiver, aspergés d’eau des prisonniers sont laissés à l’extérieur jusqu’à congélation » .

    Le camp des Solovki servira de modèle à des dizaines de camps édifiés par les ZEK à travers tout le pays. Au total, 35 camps de « redressement par le travail » seront construits. Ces unités pénitentiaires sont souvent des complexes énormes regroupant des camps secondaires et pouvant recevoir de 5000 à plusieurs centaines de milliers de prisonniers (ex. la Kolyma).

    La théorie pénitentiaire bolchevique prétend transformer, « refondre », les détenus en les soumettant au travail forcé pour les amener peu à peu à reconsidérer leurs opinions, à prendre conscience de leurs erreurs, pour participer enfin, avec enthousiasme, à l’édification radieuse du socialisme. La réalité du redressement par le travail est bien sûr toute autre : il s’agit de briser les individus et d’obtenir une main d’œuvre docile. La faim et le froid sont les deux tourments auxquels les ZEKs sont systématiquement exposés.

    Suivant les motifs de leur condamnation, les détenus sont astreints à 8 différents types de régime alimentaire dont le plus sévère équivaut à une condamnation à mourir de faim à petit feu. Si jusqu’en 1923, les « politiques » bénéficient d’un traitement relativement décent, dans les années qui suivent, et jusqu’à la fin du goulag, ils deviennent les plus mal lotis, notamment ceux estampillés KRT (contre révolutionnaires trotskistes, qu’ils le soient réellement ou pas). Les politiques sont les plus mal nourris, jamais amnistiés et très souvent voient leur libération « repoussée jusqu’à nouvel ordre » lorsqu’ils arrivent au bout de leur peine.

    La faim est un vrai supplice en soi, mais il se double de l’épuisement dû aux travaux forcés auxquels les détenus sont contraints. Exemple : l’abattage et le sciage d’arbres avec toujours une « norme » précise à atteindre, en général 10 m³ de bois par jour par équipe de 4, avec pour seul outillage, des scies et des haches. Ceux qui n’y arrivent pas voient leurs rations alimentaires, déjà insuffisantes, baisser encore. Les ZEKs doivent aussi subir le froid intense de régions inhospitalières ; et ils sont couramment victimes de gelures graves et d’amputations de doigts et d’orteils. La gangrène due au manque de soins fait des ravages. Nombre de maladies liées à ces conditions de vie inhumaines frappent de façon endémique la population de détenus : scorbut, tuberculose, et parfois typhus font des ravages. La pellagre (dûe au manque de vitamines et à l’exposition permanente au grand froid) qui se traduit par la perte de tout ou partie de la peau est courante, comme la furonculose, les problèmes ophtalmologiques, etc. Il se crée ainsi une catégorie de détenus dénommés les « crevards », profondément amaigris, squelettiques, qui deviennent inaptes au travail ; leur seule chance de survie est « l’hôpital » du goulag où exercent dans des conditions très difficiles des détenus médecins ou des agents de sécurité formés à la va-vite et qui souvent, avec le peu de moyens dont ils disposent, font preuve d’une grande inventivité pour sauver leurs camarades. Ces efforts sont très souvent vains pour les « crevards ».

    Soumis à l’arbitraire des gardiens pendant des journées de 12h (7J / 7J), les ZEKs une fois rentrés dans leurs baraquements, souvent en mauvais état, tombent sous la coupe de la pègre (les « vori v zvakonie » traduction : les voleurs dans la loi), de réseaux organisés de criminels refusant tout travail mais rançonnant, pillant, terrorisant les autre détenus. Après 1945, l’afflux de centaines de milliers de soldats de l’Armée rouge, condamnés au Goulag pour avoir été pris par les allemands (et donc considérés traîtres à la patrie soviétique) inverse le rapport de forces entre la pègre et les détenus.

    Malgré ces terribles conditions de détention, il s’est trouvé des hommes et des femmes pour résister à l’anéantissement programmé, à l’asservissement. Le système pénitentiaire dispose de différents moyens pour briser les tentatives des ZEKs d’organiser des réseaux de résistance : d’une part, l’incitation à la délation est généralisée et, d’autre part, les détenus sont souvent transférés d’un camp à l’autre. Ces transferts sont un vrai cauchemar pour les détenus qui sont sans cesse obligés de reconstruire leurs réseaux d’entraide. En dépit des risques encourus, un certain nombre de ZEKs vont essayer de faire circuler des pétitions, d’organiser des grèves de la faim, individuelles ou collectives, tenter de s’évader ou de se mutiner. A chaque fois, la répression est terrible : en 1946, 5000 détenus révoltés auraient ainsi été exterminés par épandage de gaz ; en 1947, « une insurrection éclate dans la cale du bateau Kim qui transporte les ZEKs à la Kolyma. Ils sont arrosés avec une lance à incendie. A l’arrivée à Mayadan, on décharge des centaines de cadavres congelés et une foule d’invalides aux membres gelés » ; en 1948, des milliers de ZEKs, échappés du camp de Vorkouta, sont massacrés par l’aviation. Il y aura 42 survivants (5).

    Il faudra attendre la mort de Staline pour qu’un mouvement général de grèves et de mutineries éclate au goulag ; il durera de l’été 53 à 1955. L’annonce de la mort du « petit père des peuples » et de l’exécution de Béria (grand chef des organes de sécurité) plonge les autorités soviétiques dans le désarroi. Les ZEKs, bien conscients de ce flottement général dans les institutions étatiques, en profitent pour se soulever en masse : pour la première fois de leur histoire, les autorités soviétiques sont alors contraintes de négocier avec des mutins ! Dans un premier temps, déconcertés, abasourdis par l’audace et la force du mouvement, les Bolchevicks cèdent sur la plupart des revendications puis, dans un deuxième temps, suivant une tactique bien établie et jouant sur le pourrissement de la situation (camps isolés et peu ravitaillés), ils reviennent sur leurs promesses et dans un troisième temps, entament une répression sanglante. Malgré la défaite finale des mutins, le Goulag a été touché au cœur. Il est devenu trop grand pour être totalement sous contrôle et la peur de la répression ne semble plus suffisante pour arrêter des détenus déterminés.

    Avec le dégel correspondant à l’arrivée au pouvoir de Kroutchev, la décroissance du Goulag s’amorce : 600 000 détenus sont libérés. L’accession au pouvoir de Brejnev relance la machine à broyer, mais les arrestations sont moins nombreuses. Le Goulag change de nom et devient « colonies pénitentiaires ».

    Peu à peu, l’URSS s’est modernisée, industrialisée et les armées de ZEKs, dont on exploitait la force de travail avec les mêmes méthodes esclavagistes qui étaient d’usage dans l’antiquité pour réaliser des travaux gigantesques, ne sont plus aussi indispensables.

    L’URSS des années 70’ entre dans l’ère de la modernité et, signe des temps, les contestataires et les politiques, considérés comme des malades mentaux, seront désormais envoyés dans des asiles psychiatriques.

    Quelques colonies pénitentiaires dureront jusqu’à la fin de l’URSS, et il se murmure que l’ex-tchékiste Poutine conserve, aujourd’hui encore, un certain nombre de bagnes.

    (1) En français, direction centrale de l’administration pénitentiaire.

    (2) Les déportés ou déplacés spéciaux appartiennent soit à une communauté ethnique, linguistique par exemple : Tchétchènes, Kalmouks, Lettons etc. dont tous les membres sont déportés en Sibérie ou au Kasaksthan ; soit à une catégorie sociale par exemple les koulaks (paysans riches , propriétaires terriens). Les détenus, eux sont condamnés à titre individuels pour des manquements aux obligations de l’état.

    (3) & (4) in « Le Goulag » de Nicolas Werth et Luba Jurgenson

    (5) in « Le manuel du Goulag » de J. Rossi

    @Anarchosyndicalisme ! n°157 / Janvier 2018 - Février 2018
    http://cntaittoulouse.lautre.net

  • L’EI pour commencer, ensuite l’Iran : le leader iranien-kurde a son but ultime en ligne de mire | Middle East Eye | Kim Deen | 3 octobre 2016
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/l-ei-pour-commencer-ensuite-l-iran-le-leader-iranien-kurde-son-ultime

    Hussein Yazdanpana, chef de la milice kurde PAK (MEE/Kim Deen) Kim Deen’s picture

    ERBIL, Irak – Depuis que l’EI a fui la ville l’année dernière, le front de la guerre contre ce groupe s’est déplacé le long d’une petite chaîne de collines à proximité de Kirkouk. Le drapeau kurde flotte sur une base militaire bâtie sur l’une d’entre elles. Or, cette base n’abrite pas des Irakiens peshmergas kurdes (combattants). Ces collines sont sous le contrôle d’un groupe de gauche kurde iranien – le Parti de la liberté du Kurdistan, également connu sous le nom de PAK.

    Leur commandant en chef, Hussein Yazdanpana, est un personnage haut en couleur : son physique et son épaisse moustache lui valent souvent d’être comparé au dictateur russe, Staline. Son uniforme affiche le drapeau de la région kurde irakienne, ainsi que l’insigne orange et blanc de son propre groupe. Il arbore une radio de combat, et sa poitrine est bardée de bandes de munitions.

    L’armée de Yazdanpana peut se prévaloir de centaines de combattants. Elle a réussi à retourner la situation par rapport à l’EI au nord de l’Irak, et a, dans la foulée, acquis une précieuse expérience militaire. Ils se vantent fièrement d’avoir reçu un entraînement de la part des membres de la coalition menée par les États-Unis en Irak.

    Dès que l’EI sera vaincu, Yazdanpana a prévu de se servir tant de cette expérience que de cet entraînement contre l’ennemi juré du PAK : Téhéran. Il considère que cela relève du même combat contre l’extrémisme islamique, et il en fait aussi une affaire hautement personnelle.(...)

  • Episode 40 : La mort de Staline, la guerre froide après

    http://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-la-guerre-froide/episode-40-la-mort-de-staline-la-guerre-froide-apres

    https://s3-eu-west-1.amazonaws.com/cruiser-production/2016/08/f50300bf-713a-46d2-b365-28f53242fed2/600x337_une-mort-staline-07.03.1953-francesoir.jpeg

    Le 5 mars 1953, Staline meurt. Si le deuil saisit ceux qui le considère comme « le petit père des peuples », ses détracteurs s’interrogent sur l’avenir de la Guerre froide en équilibre précaire sur la dissuasion nucléaire. Quel visage aura le monde sans le fondateur du Bloc communiste ?

    #histoire #soviétisme #guerre_froide #staline #urss #ex-urss

  • Un petit #livre qui se lit en un souffle... et qui mérite !
    #Agota_Kristof
    L’#Analphabète

    #Agota_Kristof est née en 1935 en #Hongrie, à Csikvand. Elle arrive en #Suisse en 1956, où elle travaille en usine. Puis elle apprend le français et écrit pour le théâtre. L’Analphabète est son seul récit #autobiographique.

    Onze chapitres pour onze moments de sa vie, de la petite fille qui dévore les livres en Hongrie à l’écriture des premiers romans en français. L’enfance heureuse, la pauvreté après la guerre, les années de solitude en internat, la mort de Staline, la langue maternelle et les langues ennemies que sont l’allemand et le russe, la fuite en Autriche et l’arrivée à Lausanne, avec son bébé.

    Ces histoires ne sont pas tristes, mais cocasses. Phrases courtes, mot juste, lucidité carrée, humour, le monde d’Agota Kristof est bien là, dans son récit de vie comme dans ses romans.

    http://www.editionszoe.ch/livre/l-analphabete
    #migrations #exil #réfugiés #asile #langue #intégration
    #ressources_pédagogiques (peut-être surtout pour des profs qui enseignent en #Suisse) : le livre est bref, se lit très bien et peut donner une perspective historique intéressante (v. notamment les citations que j’ai mis plus bas, dans les commentaires, où on explique comment les réfugiés hongrois étaient accueillis avec du chocolat et des oranges quand ils arrivaient à la frontière suisse...)

    • Disons... que j’étais très choquée et gênée... je ne me rappelle plus vraiment le contenu du livre, la trame, mais je me rappelle des deux frère et soeur et de la scène obscène avec le chien... c’est à peu près tout dont je me rappelle...

    • Avec plaisir, si ce n’est pas trop demandé. Et pour ce qui est du choc que tu mentionnes, il faut savoir que j’ai découvert cette auteure extraordinaire suite à une polémique en 2002 à Abbeville dans la Somme qui avait vu un professeur de Français être très inquiété par la police puis par la justice pour avoir donné ce livre à étudier à ses élèves qui avaient entre 14 et 15 ans. Du coup j’avais lu le livre pour me faire une opinion et quel livre !

    • Je l’ai lu à l’école de comm’, je devais donc avoir quelques années de plus... 15-16 ans environ.
      Et c’était en... 1992-93... dans le Tessin conservateur, mais pas de polémique pour la prof...

    • Quelques citations choisies tirées du livre l’Analphabète :

      « J’ai laissé en Hongrie mon journal à l’écriture secrète, et aussi mes premiers poèmes. J’y ai laissé mes frères, mes parents, sans prévenir, sans leur dire adieu ou au revoir. Mais surtout, ce jour-là, ce jour de fin novembre 1956, j’ai perdu définitivement mon appartenance à un peuple »

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, p.35.

      « Noël approche quand nous prenons le train pour la Suisse. Il y a des branches de sapin sur la tablette devant la fenêtre, du chocolat et des oranges. C’est un train spécial. A part les accompagnateurs, il n’y a que des Hongrois dedans, et ce train ne s’arrête qu’à la frontière suisse. Là, une fanfare nous accueille, et de gentilles dames nous passent par la fenêtre des gobelets de thé chaud, du chocolat et des oranges »

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, pp. 38-39.

      « Le dimanche, après le match de football, les spectateurs viennent nous voir derrière la barrière de la caserne. Ils nous offrent du chocolat et des oranges, naturellement, mais aussi des cigarettes et même de l’argent. Cela ne nous rappelle plus les camps de concentration, mais plutôt le jardin zoologique. Les plus pudiques d’entre nous s’abstiennent de sortir dans la cour, d’autres par contre passent leur temps à tendre la main à travers la barrière et à comparer leur butin »

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, pp.39-40.

      « Quelle aurait été ma vie si je n’avais pas quitté mon pays ? Plus dure, plus pauvre, je pense, mais aussi moins solitaire, moins déchirée, heureuse peut-être »

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, p.40

      « C’est ici que commence le désert. Désert social, désert culturel. A l’exaltation des jours de la révolution et de la fuite se succèdent le silence, le vide, la nostalgie des jours où nous avions l’impression de participer à quelque chose d’important, d’historique peut-être, le mal du pays, le manque de la famille et des amis.
      Nous attendions quelque chose en arrivant ici. Nous ne savions pas ce que nous attendions, mais certainement pas cela : ces journées de travail mornes, ces soirées silencieuses, cette vie figée, sans changement, sans surprise, sans espoir.
      Matériellement, on vit un peu mieux qu’avant. Nous avons deux chambres au lieu d’une. Nous avons assez de charbon et une nourriture suffisante. Mais par rapport à ce que nous avons perdu, c’est trop cher payé ».

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, pp.42-43.

      « Comment lui expliquer, sans le vexer, et avec le peu de mots que je connais en français, que son beau pays n’est qu’un désert pour nous, les réfugiés, un désert qu’il nous faut traverser pour arriver à ce qu’on appelle ’intégration’, ’l’assimilation’. A ce moment-là, je ne sais pas encore que certains n’y arriveront jamais »

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, p.44.

      « Cinq ans après être arrivée en Suisse, je parle le français, mais je ne le lis pas. Je suis redevenue une analphabète. Moi, qui savais lire à l’âge de quatre ans.
      Je connais les mots. Quand je lis, je ne les reconnais pas. Les lettres ne correspondent à rien. Le hongrois est une langue phonétique, le français, tout le contraire »

      Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004, pp.52.

  • "Staline aime les enfants et prend très bien soin d’eux" : Du réalisme socialiste dans un livre d’apprentissage à l’écriture publié après la mort de Staline, mais avant la déstalinisation...

    C’est lors d’une visite dans un minuscule petit musée ethnographique de plein air à Mersraga, petit village letton situé le long du Golfe de Riga, que j’ai découvert ce manuel scolaire. Il trainait dans la poussière, sur la table d’une de ces vieilles maisons comme si personne n’avait vraiment envie de l’ouvrir...

    https://dl.dropbox.com/s/iwgzgrqq1srr41g/IMG_1179.jpg

    Le manuel lui-même n’est pas une rareté, l’imagerie "réaliste socialiste" et les légendes qui l’accompagne sont assez courantes (cela dit ça reste époustouflant quand même). Ce qui est très original ici, et sans doute assez rare, c’est la période à laquelle il a été publié. Trois pages à la gloire de Staline avec des portraits impressionnants, et une légende explicite : "Staline est mort, mais le peuple soviétique va poursuive son oeuvre merveilleuse". Il n’y avait pas de date dans l’ouvrage, mais le bouquin a nécessairement été publié entre 1953 et 1956, c’est-à-dire après la mort de Staline et avant le début (officiel) de la déstalinisation.

    Or, je ne sais plus si c’est Lilly Marcou ou Hedrick Smith qui le raconte dans un de leurs bouquins (je vais rechercher et retrouver la référence, c’est un vieux souvenir), il semble que l’entrée "Staline" avait déjà presque complètement disparue dans l’édition de septembre 1953 de la Grande encyclopédie soviétique...

    C’est mon épouse qui m’a aidé à traduire les quelques textes cités ici en exemple, et, elle-même ayant été pionnière ET komsomolska, me demandait pourquoi j’avais besoin de traduire cette « merde » (juste pour vous donner une idée du bon souvenir que lui ont laissé sa jeunesse soviétique).

    Ces quelques pages témoignent de la prose et des images avec lesquelles une ou deux générations d’enfants soviétiques (des dizaines de millions) ont appris à lire et à écrire. Interrogés, quelques vieux Lettons m’ont affirmé qu’à l’époque, ils n’en croyaient pas un mot...

    Mais il y a là un vrai intérêt historique, que je mettrai en lien, plus tard, avec des images, d’une part de mosaïques (aussi terriblement réalistes socialistes) prises un peu partout dans l’espace post-soviétique, et d’autre part de d’images du matraquage publicitaire occidental et contemporain. Que ça nous plaise ou non, on aboutit aux mêmes conséquences : la création d’un monde artificiel, mythique, irréel, principal outil de formatage (ou de lobotomisation) réussi(e) des esprits. On y reviendra.

    –-----

    La couverture déjà est un symbole. L’enfant qui a eu ce livre en main a défiguré la petite fille, on ne voit plus son visage, elle est devenue "aveugle" (où elle n’a pas envie de voir ce qu’on lui donne à lire...). Elle a aussi transformé une lettre majuscule lettone (B) en lettre minuscule russe (b, c’est un son doux).

    https://dl.dropbox.com/s/belpveq8lecmqgz/IMG_1068.jpg

    Une des premières pages, la rentrée des classes : comme sur cette image, le merveilleux documentaire "My perestroika" de Robin Hessman montre bien, dans la première et dernière scène, l’importance de ce premier jour d’école, encore aujourd’hui en Russie et dans tous les pays de l’ex-urss. C’est une tradition qui est restée. beaux habits, milliers de bouquets de fleurs pour les professeurs, la fête, des chants, des discours...

    https://dl.dropbox.com/s/3moyarlqcejgpfv/IMG_1134.jpg

    Au tout début du livre aussi, bien entendu, une image allégorique du bon Vladimir Illytch, dans le plus pur style réaliste socialiste, mais assez sobre en comparaison d’autres représentations.

    https://dl.dropbox.com/s/nd3yth4ats9uere/IMG_1135.jpg

    Et deux portraits de Staline aussi très "allégoriques" :

    https://dl.dropbox.com/s/1epfxroi3s0kafx/IMG_1139.jpg
    https://dl.dropbox.com/s/u79s8gta3fk1cc9/IMG_1156.jpg

    Avec un texte formidable :

    Le matin éclatant et brillant du communisme viendra
    il amènera la joie et de bonheur
    Tu diras : "C’est le grand Staline qui nous a
    donné cette vie merveilleuse".

    Les autres "pages perso" se trouvent au milieu du bouquin, après une cinquantaine d’exercices. On trouve dans l’ordre d’apparition :

    – Moscou
    – Lénine
    – et enfin Staline.

    Avec ces textes édifiants (normal, c’est pour édifier le socialisme, donc pas de surprise) :

    Moscou en premier : Pour les lettons - qui ont transformé le musée d’histoire de Riga en musée de l’occupation dès le début de la deuxième indépendance en 1991 - le texte accompagnant avait une certaine "résonnance" :

    https://dl.dropbox.com/s/4eugb1mognlzox1/IMG_1161.jpg
    https://dl.dropbox.com/s/770qtede2cazu1t/IMG_1167.jpg

    Moscou est la capitale de notre mère patrie
    Du pays où nous sommes nés
    Au centre de Moscou, il y a le Kremlin
    A côté du Kremlin, il y a la place rouge
    A Moscou, il y a de grands et très beaux bâtiments et monuments
    A Moscou, il y a beaucoup de fabriques et d’industrie
    A Moscou, il y a beaucoup de théâtre, de cinémas et d’école
    Le peuple utilise les voitures, les trains, les trolleybus, les bus et le métro
    Et en été les jardins et les parcs débordent de fleurs colorées

    Ah, Moscou, chère ville...
    Toi, le coeur de notre mère patrie
    Nous voulons que ton étoile brille en nos coeurs
    et qu’elle fasse briller le toit du Kremlin

    Puis c’est au tour de Lénine

    https://dl.dropbox.com/s/8p3ts8wl76i49pa/IMG_1163.jpg

    Lénine est le chef du peuple ouvrier et de tous les enseignants
    Lénine est connu et reconnu dans le monde entier
    Lénine voulait que les travailleurs aient une belle vie
    Lénine aime les enfants, et voulait qu’ils apprennent à l’école
    Vladimir Illytch Lénine est mort, mais son oeuvre elle, est toujours bien vivante
    Car Staline continue de la faire vivre !

    Nous suivons le même chemin que Lénine
    Il reste avec nous
    Nous travaillerons autant que lui
    [pour construire le socialisme]

    Et enfin de Staline (en dernier... Moi, je l’aurai vu plutôt en premier, mais bon).

    https://dl.dropbox.com/s/f2mh7u4z903pt8q/IMG_1162.jpg

    Staline est le chef du peuple ouvrier et de tous les enseignants
    Staline est connu et reconnu dans le monde entier
    Staline nous a offert une vie nouvelle et heureuse
    Saline aime les enfants et prend très bien soin d’eux
    Joseph Vissarionovitch Staline est mort, mais son oeuvre elle, est toujours bien vivante
    Car ses fidèles élèves et ses compagnons de lutte continuent de la faire vivre

    Le nom de Staline
    bruissera toujours dans les mouvements du drapeau de la Nation
    il habitera toujours dans notre âme
    et dans les pulsions de nos coeurs

    Les textes pour Lénine et Staline sont presque les mêmes à quelques très subtiles différences près... Et les élèves de recopier les noms sur du papier quadrillé !

    Et voici maintenant le "contenu" :

    https://dl.dropbox.com/s/g50qusdwpiecaa1/IMG_1147.jpg
    https://dl.dropbox.com/s/5909wbla409m5tk/IMG_1142.jpg
    L’usine, dedans et dehors, et les rouages pour l’apprentissage du "o"

    Avec l’amitié entre les peuples [les Nations]
    Nous réalisons un travail immense
    Avec l’amitié entre les peuples [les Nations]
    Nous pouvons vivre une vie merveilleuse

    [sur le principe je suis assez d’accord...]

    https://dl.dropbox.com/s/ppc0bjb1wep7304/IMG_1141.jpg
    La ville, les transports, les bâtiments, une architecture urbaine parfaite...

    https://dl.dropbox.com/s/7qp0r54z74x357e/IMG_1145.jpg
    Moscou et le Kremlin dans une perspective qui force le respect...

    https://dl.dropbox.com/s/yg5d8mr5e9ouv01/IMG_1144.jpg
    https://dl.dropbox.com/s/svsevenmffkez43/IMG_1149.jpg
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    Les pionniers, parfaits petits soldats dans "savoir, sport et nature"... Ils sont parfait en général, surtout quand ils font leurs devoirs :

    – Non ! je veux faire mes devoirs toute seule, dit Smaida
    – Mais je vais t’expliquer, dit sa maman
    – Non, je veux vraiment faire mes devoirs de lecture, d’écriture et de calcul toute seule !

    https://dl.dropbox.com/s/nbkka3jo3k35puj/IMG_1148.jpg
    Les grands travaux : Barrages, canaux...

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    Et très important, toujours, la présence, le rôle des énormes sanatorium, ou "centre de santé réservés en général à la nomenklatura.

    Il y en avait un, dans le centre de Jurmala (Lettonie) qui recevait uniquement les "nombreux" cosmonautes et leur famille pour se reposer après leurs missions...

    https://dl.dropbox.com/s/3ccp9xjilv50gnu/IMG_1152.jpg
    La culture avec essentiellement les folklores des Républiques.

    https://dl.dropbox.com/s/0oyqva3he8tqpf0/IMG_1154.jpg
    L’agriculture (la main posée sur l’épaule - détail récurent dans l’imagerie soviétique - pour renforcer l’idée de glorification).

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