person:sylvain mouillard

  • La bataille de Tourville : Victoire des Gilets Jaunes

    Cet après-midi, à force de persévérance et avec une intelligence redoutable, les gilets jaunes auront fermé l’intégralité d’une des plus grandes zones commerciales de la région.

    Si plusieurs actions ont eu lieu aujourd’hui autour de Rouen, celle des gilets jaunes de Tourville La Rivière a le mérite d’être d’une efficacité redoutable. Pour la 3e fois depuis le début de la mobilisation, le centre commercial Carrefour, sa galerie commerciale et la quasi totalité des grandes enseignes du site : IKEA, Leroy Merlin, Décathlon, Darty, Mac Donald, a été totalement fermée dans la journée.

    Jamais un mouvement n’aura pris autant au sérieux la question du blocage économique et de mémoire de manifestants, jamais ce site n’aura été contraint de fermer ses portes deux samedis de suite, dont celui du tant attendu Black Friday. Comment 200 personnes qui, pour la plupart, n’ont jamais manifesté ou bloqué quoi que ce soit de leur vie, ont malicieusement déjoué un dispositif de 70 gendarmes mobiles et d’une trentaine de flics du coin ?

    https://a-louest.info/La-bataille-de-Tourville-Victoire-des-Gilets-Jaunes-602

    La bataille de Tourville : Victoire des Gilets Jaunes

    Cet après-midi, à force de persévérance et avec une intelligence redoutable, les gilets jaunes auront fermé l’intégralité d’une des plus grandes zones commerciales de la région.

    #actions #Rouen #mobilisation #Carrefour #IKEA #Leroy_Merlin #Décathlon #Darty #Mac_Donald #mouvement #blocage #Black_Friday #Tourville #Victoire #GiletsJaunes

    • Gilets jaunes à Paris : « Ce n’est que le début de la révolte ! »
      "« Je bosse aux 3-8 dans une usine de moteurs électriques et je gagne le Smic, une misère », explique Clémentine. Pour elle, Emmanuel Macron « mène une politique pour les riches, il ne se met pas à la place de ceux qui travaillent dur ». Nicolas abonde : « Quand Macron dit qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot, c’est du mépris total. » Même sentiment de « ne plus respirer » chez Vadim, séparé de la mère de son enfant. « Toutes les six semaines, je fais 1400 kilomètres aller-retour pour aller chercher mon gamin. Avec le prix de l’essence, il ne me reste plus rien à la fin du mois, même si j’ai beau faire des heures sup’ ! » Les dernières vacances du trio ? Une semaine à Berck-sur-Mer, à une centaine de kilomètres de chez eux.

      Installées sur un banc pour souffler quelques instants au milieu d’une atmosphère saturée par les gaz lacrymogènes, Céline, Isabelle et Mélanie dressent le même constat : celui d’une vie passée à travailler pour des « clopinettes ». Ces habitantes des Yvelines et de l’Oise sont respectivement préparatrice de commandes, aide-soignante et équipière-caisse dans un magasin. « On gagne le Smic et après le loyer, les assurances et les taxes, il ne reste plus grand-chose pour manger », soupire Céline, la plus âgée. « A chaque élection, on se dit pourtant que ça peut difficilement être pire… Mais là Macron a battu les records ! » Elle ne supporte plus ce président de la République qu’elle souhaiterait voir « démissionner » : « Il n’y a plus rien à en tirer. Il est imbu de sa personne, il ne sait pas ce qu’est une fin de mois difficile, et pourtant il ose nous rabaisser en nous traitant de fainéants. »"

      Gilets jaunes à Paris : « Ce n’est que le début de la révolte ! »
      Par Sylvain Mouillard et Gurvan Kristanadjaja — 24 novembre 2018 à 16:33

      Ce samedi de mobilisation dans tout le pays a été marqué par divers débordements sur les Champs-Elysées. Entre selfies et cris de colère, des gilets jaunes livrent leurs témoignages et pistes pour l’avenir du mouvement.

      Gilets jaunes à Paris : « Ce n’est que le début de la révolte ! »

      La scène se voulait symbolique pour ce deuxième acte de la mobilisation : les Champs-Elysées, la plus belle avenue du monde selon la formule consacrée, prise par les gilets jaunes. Peu après 10 heures, 5000 personnes - équipées pour beaucoup de masques de ski, lunettes de plongée et autres protections -, ont tenté de pénétrer sur l’avenue malgré l’interdiction de la préfecture, provoquant des affrontements avec les forces de l’ordre. « Ils disent qu’on est 5000, mais on est bien plus ! C’est nous le peuple, pas les boutiques de luxe, c’est notre argent et notre avenue ! », clame un manifestant énervé près d’un barrage de fortune.

      Dès lors, jusqu’au milieu de l’après-midi, plusieurs feux ont été allumés aux abords de l’Arc de Triomphe, notamment de scooters électriques et vélos en libre-service, et des barricades ont été dressées. La police a répliqué à plusieurs reprises avec des jets de grenades lacrymogènes et en déclenchant son canon à eau pour disperser la foule, sans succès.

      La mobilisation a rapidement tourné au concours de faits d’armes. Un des manifestants sort en courant d’un affrontement avec les CRS. Il interpelle son copain en mimant un coup de poing : « J’ai pris un flic par le dos mais il faut se barrer vite sinon tu prends de la gardav (garde à vue, ndlr) ». Un autre, aux abords d’un feu de scooter électrique avenue Friedland, s’adresse à sa compagne, drapeau français à la main : « Tu peux me prendre en photo ? ». Puis pose fièrement, l’étendard flottant entre ses bras tendus.

      Au même moment, face à l’arrivée imminente d’un nouveau nuage de gaz lacrymogène, un autre manifestant lance, amusé : « Y’a un Décathlon qui vend des masques de piscine pas loin. » Il y a aussi ces autres manifestants, inspirés par la vidéo virale de Jacline Mouraud, en partie à l’origine de la mobilisation des gilets jaunes. Ils se filment, eux aussi, en selfie et commentent en direct sur les réseaux ce qu’ils voient. « Là, vous voyez, un gros feu et une barricade. On lâche rien, on est là ! », dit l’un d’eux. Il croise une autre manifestante aussi occupée à se filmer en direct en selfie, chapeau, sac et chaussures jaunes. Ils comparent leurs audiences : « T’en es à combien de spectateurs, toi ? 122, 123 ? », interroge-t-il. Et le procédé semble fonctionner : à chaque accalmie, les manifestants se partagent sur leurs téléphones des vidéos d’autres barrages dans d’autres villes, les galvanisant un peu plus encore.

      Au soleil, sous la pluie

      Devant l’une des barricades près de l’Arc de Triomphe, faite de barrières métalliques de travaux, un autre « gilet jaune » fait résonner la chanson Les Champs Elysées de Joe Dassin dans son sac, en partie couverte par les bourdonnements incessants de l’hélicoptère de la préfecture de police. Avec sa compagne, ils sont venus de Normandie jusqu’à Paris, principalement pour protester contre la baisse de leur pouvoir d’achat. « Les taxes on en paye plein, mais on voit pas le prix de ce qu’on donne », dit l’un d’eux. « C’est la province qui monte à Paris », s’exclame une autre manifestante. Au pied de l’Arc de Triomphe, on croise Clémentine, Vadim et Nicolas, la trentaine, venus de Béthune, dans le Pas-de-Calais. Ils ont pris un bus, affrété par l’association « Robin des bus ». 15 euros l’aller-retour, une somme abordable pour ces trois ouvriers décidés à crier leur « ras-le-bol ».

      « Je bosse aux 3-8 dans une usine de moteurs électriques et je gagne le Smic, une misère », explique Clémentine. Pour elle, Emmanuel Macron « mène une politique pour les riches, il ne se met pas à la place de ceux qui travaillent dur ». Nicolas abonde : « Quand Macron dit qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot, c’est du mépris total. » Même sentiment de « ne plus respirer » chez Vadim, séparé de la mère de son enfant. « Toutes les six semaines, je fais 1400 kilomètres aller-retour pour aller chercher mon gamin. Avec le prix de l’essence, il ne me reste plus rien à la fin du mois, même si j’ai beau faire des heures sup’ ! » Les dernières vacances du trio ? Une semaine à Berck-sur-Mer, à une centaine de kilomètres de chez eux.

      « Macron, il n’y a plus rien à en tirer »

      Installées sur un banc pour souffler quelques instants au milieu d’une atmosphère saturée par les gaz lacrymogènes, Céline, Isabelle et Mélanie dressent le même constat : celui d’une vie passée à travailler pour des « clopinettes ». Ces habitantes des Yvelines et de l’Oise sont respectivement préparatrice de commandes, aide-soignante et équipière-caisse dans un magasin. « On gagne le Smic et après le loyer, les assurances et les taxes, il ne reste plus grand-chose pour manger », soupire Céline, la plus âgée. « A chaque élection, on se dit pourtant que ça peut difficilement être pire… Mais là Macron a battu les records ! » Elle ne supporte plus ce président de la République qu’elle souhaiterait voir « démissionner » : « Il n’y a plus rien à en tirer. Il est imbu de sa personne, il ne sait pas ce qu’est une fin de mois difficile, et pourtant il ose nous rabaisser en nous traitant de fainéants. » Pour sa fille Mélanie, l’attitude des CRS sur la place de la Concorde « reflète l’état d’esprit de Macron » : « Ils nous gazent et nous traitent comme des chiens. »

      De son côté, Frédéric, 48 ans, n’en veut pas aux forces de l’ordre : « Quand on discute avec eux, on comprend qu’ils nous soutiennent mais bon, ils travaillent pour l’Etat. » L’homme, qui vit à Crépy-en-Valois (Oise), a rejoint la capitale en train : « C’était une obligation de venir car c’est le seul moyen pour nous faire entendre. » Son message ? Un « ras-le-bol des taxes et des conditions de vie et de travail. » Lui bosse à l’aéroport de Roissy, souvent en horaires décalés. « Je me lève parfois à 4 heures du matin, ou alors je rentre à minuit. Les transports en commun, à ces heures-là, il ne faut pas y penser. »

      Pourtant, Frédéric a conscience que « la planète est en danger » et qu’il faudrait faire plus pour l’environnement. « On veut bien payer des impôts, mais il faut qu’ils servent à quelque chose. Ce que fait le gouvernement, c’est bénin et ça touche les plus fragiles. » Il ne se remet pas de la suppression de l’impôt sur la fortune : « Irresponsable », tranche-t-il. « Jusqu’alors, les Français étaient très dociles. Ils se rendent compte des abus. Ils réalisent qu’ils peuvent exprimer leur mécontentement sur les réseaux sociaux, alors que les médias traditionnels, eux, font bloc avec le gouvernement en minimisant la mobilisation alors qu’il y a un réel malaise. »

      Barricades improvisées

      La suite ? Le groupe de Béthune souhaiterait que les « gilets jaunes » passent à la vitesse supérieure. « Bloquer les ronds-points, ça ne sert pas à grand chose, à part à faire chier les Français », tranchent-ils. Leur idée ? « Bloquer les points économiques, les raffineries, sans que les policiers ne soient au courant, même si c’est dur de continuer à mobiliser avec la fatigue et les heures de boulot. » D’autant, selon Nicolas, que la précarité économique risque de s’accentuer prochainement « avec les augmentations en janvier des prix du diesel, du gaz, des timbres ». Il en est persuadé, « ce n’est que le début de la révolte ».

      A 16 heures, malgré l’interpellation de 19 personnes, la mobilisation des gilets jaunes dans la capitale ne semblait pas s’éteindre. Tout autour des Champs Elysées, des barricades improvisées se montent, entassement de barrières métalliques très vite enflammées. En difficulté face à ces groupuscules très nombreux et mobiles, les forces de l’ordre peinent à reprendre le contrôle de la situation.

      Sylvain Mouillard , Gurvan Kristanadjaja

      https://www.liberation.fr/france/2018/11/24/gilets-jaunes-a-paris-ce-n-est-que-le-debut-de-la-revolte_1694052

  • Du Maroc à Paris, les vies brisées des enfants de la Goutte-d’Or - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/09/19/du-maroc-a-paris-les-vies-brisees-des-enfants-de-la-goutte-d-or_1679911

    Hors de contrôle, violents et polytoxicomanes, des dizaines de mineurs sans parents vagabondent dans le nord de la capitale. Le Conseil de Paris devrait voter une rallonge pour l’association missionnée, dépassée par la situation.

    Deux gamins d’une douzaine d’années marchent dans la rue, tout en se roulant un joint. Ils croisent une vieille dame voilée, qui les interpelle en arabe. Le plus petit, Malik (1), 1,50 mètre sous la toise, se retourne illico, prêt à en découdre. Une main se pose sur son épaule et l’invite à poursuivre son chemin. Fin de l’altercation. « Voilà, c’est emblématique de ces gosses. Normalement, tu ne touches pas aux mamans. Pas eux. Ils n’ont aucune limite. » Chansia Euphrosine est directrice du pôle La Clairière du #Casp (Centre d’action sociale protestant), une association missionnée pour intervenir auprès des enfants marocains de la Goutte-d’Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Cela fait « quinze jours » qu’elle s’efforce de convaincre Malik de venir prendre une douche dans le local voisin. « Trop défoncé », l’adolescent avait jusqu’alors refusé. Ce lundi après-midi, il s’est enfin décidé.

    Depuis l’hiver 2016-2017, ils sont plusieurs centaines, comme Malik, à être passés dans ce quartier populaire du nord de Paris. Parfois très jeunes (10 ans), sans attaches familiales en France, polytoxicomanes, sans-abri et ultra violents, ils ont bouleversé le quotidien des habitants. Les vols à l’arraché sont devenus monnaie courante, les agressions également.

    « L’écume aux lèvres »

    « La #drogue, les trafics, il y en a toujours eu ici, remarque un commerçant. Mais aujourd’hui, tu peux te prendre un coup de couteau à tout moment. » Un habitant : « Rien ne les arrête. Ils volent les petites vieilles. Un jour, ils ont essayé de piquer le téléphone de ma nana, qui était pourtant avec sa poussette et notre môme d’1 an. » Chansia Euphrosine ne peut que partager le diagnostic. Ses équipes interviennent auprès des mineurs marocains depuis décembre 2017 : « C’est le boulot le plus intense, le plus dur que j’ai pu faire. On pense à l’horizon d’une journée, d’une semaine, guère plus. » Des scènes marquent davantage que d’autres. Notamment cette fois où trois jeunes, « complètement défoncés, titubant dans la rue, l’écume aux lèvres », ont glacé d’effroi une classe de maternelle en sortie, ainsi que leurs deux institutrices. « On a dû faire une chaîne humaine pour permettre à la classe de continuer son chemin, se souvient la directrice. Soudain, un des mineurs marocains s’est mis à hurler qu’il allait se tuer. Il a foncé vers un bus, mais il était tellement en mauvais état qu’il n’a pas réussi à se coucher sous les roues. » La scène devient encore plus surréaliste quand les vendeurs à la sauvette de Barbès, excédés par ces intrus qui menacent leur business, se ruent vers lui pour le lyncher. Le gosse est exfiltré in extremis.

    « Quand on travaille dans la rue, la mort fait partie de notre univers, souffle Chansia Euphrosine. Mais là, elle est présente tout le temps dans nos têtes. » Le pire a jusqu’à présent été évité, sans que personne ne comprenne comment. Mais la prise en charge des enfants perdus de Barbès reste en chantier. Hypermobiles et refusant toute aide des autorités, ils bénéficient également de la désorganisation des multiples acteurs impliqués dans le dossier. Leur profil est pourtant mieux connu qu’il y a quelques mois. Missionnée par la mairie de Paris, l’association Trajectoires a rendu un rapport en avril sur le profil de ces ados. Majoritairement originaires de quartiers périphériques des villes de Fès, Casablanca et Tanger, ils ne sont pas des « enfants des rues ». « Mais ces mineurs ont souvent été négligés ou délaissés par leurs familles », écrivent les auteurs. Les perspectives économiques médiocres ont fini de les persuader de « tenter le riski », comme ils disent. Comprendre : rejoindre l’Europe, planqués dans un camion, voire entassés sur une patera, la barque qui sert à franchir le détroit de Gibraltar. Certains meurent en route. Les autres, arrivés en Espagne, s’y installent parfois. Mais le plus souvent, ils continuent à circuler : France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne… Au gré des législations locales et de leurs failles, des liens qu’ils tissent ici et là, ils se déplacent, compliquant d’autant leur suivi.

    A Barbès, ils veulent « faire de l’argent », selon des témoignages recueillis par l’association Trajectoires. Vols à l’arraché, cambriolages, puis revente du butin au sein de l’économie parallèle de la Goutte-d’Or : les plus « doués » peuvent se faire plusieurs milliers d’euros par mois. Mais l’argent s’évapore vite. A la rue, les vols sont quotidiens. Faute d’hygiène suffisante, les jeunes doivent souvent se racheter une garde-robe complète. Pochettes Armani, fringues de marque, chaussures siglées, ils mettent le paquet sur les signes extérieurs de richesse, se photographient dans les rues de Paris avant de poster les images sur les réseaux sociaux. « Ils ne font que montrer à leurs potes restés au Maroc qu’ils ont eu raison de partir, relève Chansia Euphrosine. Même s’ils connaissent leur réalité, ils ne peuvent pas revenir en arrière. Ça serait la honte. »

    La réalité, derrière les coupes de cheveux dernier cri et les selfies crâneurs, c’est une vie de misère et de violence. « On est face à des tox en voie de clochardisation », dit Julien, un habitant. Les maux sont multiples. Ils ont souvent commencé par sniffer de la colle au Maroc. A Paris, ils enchaînent avec le #Rivotril, un anxiolytique « qu’ils avalent par plaquettes entières, comme des Smarties », selon Chansia Euphrosine. Insensibilisés, ils se scarifient et se lacèrent lors de bagarres à coups de tessons de bouteille. Certains basculent vers l’ecstasy, voire la cocaïne. La gale est courante, et rares sont les gamins qui n’arborent pas plusieurs cicatrices, voire balafres. Cet été, ils se sont repliés vers l’église Saint-Bernard. Entre eux, ils parlent en darija, l’arabe marocain, se débrouillent aussi en espagnol.

    Autorités impuissantes

    Après neuf mois de terrain, les éducateurs du Casp sont parvenus à tisser des liens. Ténus, mais qui ont le « mérite d’exister », dit Chansia Euphrosine. Elle poursuit : « Ces gamins sont attachants. Ils méritent d’avoir des adultes bienveillants dans leurs vies. On tente de répondre à leurs besoins primaires. » Un pansement à refaire, un médicament contre une infection dentaire, du collyre pour cet œil rouge à pleurer…

    Ils seraient actuellement entre 30 et 45 mineurs isolés marocains dans le nord de Paris, et autant de jeunes adultes. Autant dire trop pour la quinzaine d’éducateurs du Casp, qui n’ont que 10 lits à leur proposer chaque nuit. Ces quelques heures de répit sont en général réservées aux plus cassés. Qui restent des enfants. Abdel, surnommé « le Président » par Chansia Euphrosine, a récemment porté la revendication du groupe : dormir plus tard le matin et échapper au réveil à 8 heures. Refusé.

    Dans la rue, tout est sur un fil. Un regard, une parole peuvent déclencher une bagarre au sein de la bande. Quelques minutes plus tard, sous l’effet de la drogue, l’incident peut être oublié. Selon un récent article de Mediapart, les jeunes Marocains de Barbès ont déclenché 813 gardes à vue l’an passé. Cet été, quatre policiers du royaume chérifien sont même venus assister leurs collègues du XVIIIe arrondissement, aidant ainsi à identifier 52 personnes, dont 40 majeurs, lesquels peuvent entrer dans les « circuits classiques » (pénalement ou en matière d’éloignement), selon le ministère de l’Intérieur. Mais de manière générale, les autorités restent impuissantes. Les placements sous contrainte sont impossibles pour les mineurs. Quant à l’enfermement en établissement pénitentiaire ou en centre éducatif fermé, il n’est possible qu’à partir de 13 ans. La multiplication des alias complexifie encore la tâche. Enfin, quand un jeune est placé, il fugue très rapidement. Deux des gamins de la Goutte-d’Or ont même réussi à s’échapper du palais de justice de Paris, en plein milieu de leur audience. Quant à la coopération entre la mairie de Paris et l’Etat, elle est médiocre.

    « Parole raciste »

    Le 17 juillet, Anne Hidalgo a écrit au Premier ministre pour lui demander une plus grande implication. Deux mois plus tard, la réponse de Matignon est toujours « en cours de rédaction ». Le Conseil de Paris doit annoncer, ce jeudi, le vote la semaine prochaine d’une rallonge à la subvention accordée au Casp : 473 000 euros pour maintenir une présence de septembre à décembre.

    « C’est ramer tout seul au milieu de l’Atlantique », soupire un restaurateur de la Goutte-d’Or. Qui redoute l’arrivée prochaine de l’hiver. « Il va faire nuit à 17 heures et les gamins vont chercher des endroits où s’abriter. Des porches, des halls d’immeubles… » L’an passé, ils fracturaient les Autolib pour y dormir la nuit. D’autres s’installaient dans les tambours de machines à laver des laveries du secteur. « Certains vont passer leur troisième hiver ici… L’autre truc inquiétant, c’est qu’on voit de nouveaux visages : ça veut dire que le circuit fonctionne encore. » Il ajoute : « L’éponge a absorbé, absorbé, mais elle ne peut plus. Une parole raciste commence à se libérer. »

    C’est ce qu’a aussi constaté Chansia Euphrosine : « La Goutte-d’Or a une tradition d’accueil. Mais un jour, un monsieur d’origine marocaine m’a dit qu’il fallait les disperser à l’acide. Il était très sérieux. » Julien a récemment vu une cinquantaine de jeunes du quartier voisin de Château-Rouge « descendre » dans la Goutte-d’Or : « Ils ont massacré les ados marocains, sûrement après un vol. » Lan Anh, habitante du quartier, confirme que les réponses se musclent : « Les mineurs marocains me font un peu penser à des chiens errants. Certains habitants ont établi un rapport de force. Ils les frappent. Eux se laissent faire, ne répondent pas, comme des poupées de chiffon. Et on commence à s’habituer à ça. C’est terrible. »

    (1) Les prénoms ont été modifiés.
    Sylvain Mouillard

    Ça fait plus d’un an qu’une amie originaire du Rif qui vit en banlieue parisienne me parle de ce groupe de jeunes, en se désespérant que rien ne soit fait pour eux.

    #Maroc #goutte_d_or #immigration #Barbès #enfants

  • « En tant que bibliothécaire, on n’a pas un rapport administratif aux gens » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/09/13/en-tant-que-bibliothecaire-on-n-a-pas-un-rapport-administratif-aux-gens_1

    Laurène Pain-Prado est responsable du numérique dans une bibliothèque de Bobigny. Elle raconte à « Libération » comment son service devient peu à peu le dernier recours pour des usagers démunis face au tout-informatique.

    Laurène Pain-Prado est bibliothécaire, responsable du numérique à la bibliothèque Elsa-Triolet de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Elle est notamment en charge des dix ordinateurs en libre-service au premier étage du bâtiment. Un équipement qui constitue le seul point d’accès gratuit à l’informatique et Internet dans cette ville de 51 000 habitants. Mais le travail de Laurène Pain-Prado, 31 ans, va bien au-delà. Tous les jours, elle aide des usagers, souvent démunis, à remplir des demandes de prestations sociales. CAF, #CMU, #RSA, autant de sigles qui n’ont (presque) plus de secrets pour elle. Car si la dématérialisation des procédures s’accélère, la fracture numérique, elle, demeure. Tout autant #bibliothécaire qu’assistante sociale, la jeune femme raconte à Libération ce bricolage permanent pour faire subsister un semblant de service public.

    Est-ce que le développement du numérique complique l’accès aux droits sociaux ?

    Dès que je suis arrivée à ce poste, il y a six ans et demi, j’ai compris qu’il y avait un problème. On fait face à des demandes qui nous dépassent complètement : écriture de CV, inscription à la caisse d’allocations familiales (CAF), actualisation sur le site de Pôle Emploi. Et cela s’accélère avec la dématérialisation des procédures. Par exemple, il y a deux ans, quand les caisses de retraite sont passées au tout-numérique, on a eu la visite d’une cinquantaine de personnes âgées dans les semaines qui ont suivi. Elles ne maîtrisaient pas du tout l’outil informatique, et il a fallu leur ouvrir des adresses mail. Et comme elles n’avaient pas de numéro de mobile non plus, je donnais donc le mien. On a vraiment l’impression d’être le dernier maillon de la chaîne. Si on n’était pas là, plein de gens ne feraient pas les démarches pour accéder à des prestations auxquelles ils ont droit. On voit aussi souvent des enfants de 10 ou 12 ans faire les démarches de couverture maladie universelle (CMU) ou de RSA de leurs parents, c’est assez incroyable.

    Qui sont les gens qui viennent vous demander de l’aide ?

    Il s’agit souvent d’un public cumulant les difficultés : des gens à la rue, des handicapés mentaux… On se retrouve aussi à faire des demandes de revenu de solidarité active (RSA) avec des gens qui ne parlent pas bien le français, voire pas du tout. Un exemple : une femme devenue veuve, qui ne sortait jamais de chez elle, et qui a besoin de faire les démarches administratives après le décès de son mari. Le premier endroit où elle va, c’est la bibliothèque. Ou encore un monsieur qui me ramène toutes ses fiches de paie pour monter un dossier de demande de CMU. Évidemment, je l’ai rempli parce que, sinon, il ne pourrait pas se faire soigner.

    Pourquoi se tournent-ils vers vous ?

    Quand les usagers parlent un peu français et que leur situation n’est pas trop compliquée, la CAF ou Pôle Emploi les aident. Sinon… Souvent, les gens nous disent eux-mêmes qu’ils ont été orientés vers nous par les services sociaux, les conseillers CAF ou Pôle Emploi. J’ai coutume de dire qu’on est des Bisounours en bibliothèque. On n’a pas un rapport administratif aux gens et c’est souvent dans cette brèche qu’ils s’engouffrent. On est victimes de notre succès parce qu’on a dix ordinateurs en accès libre et qu’on est plutôt sympathiques.

    Quelle est la nature de vos échanges avec Pôle Emploi ou la CAF ?

    On a tenté de monter des partenariats avec eux, mais c’est très compliqué. On a l’impression que les conseillers sont débordés, ils nous donnent rarement de leurs nouvelles. Ce n’est pas un problème de responsabilité individuelle, mais bien plus structurel. Ils ont des portefeuilles de demandeurs d’emploi trop fournis. La CAF vient de nous proposer de former dix bibliothécaires à faire des demandes sur leur site. Je ne pense pas qu’on devrait accepter.

    Jusqu’où aidez-vous les gens qui viennent vous voir ?

    J’en suis à créer des mots de passe pour les adresses mail des gens, que je leur recopie sur un petit bout de papier pour qu’ils s’en souviennent. Par ailleurs, ma boîte mail est l’adresse de secours de pas mal de personnes. J’ai déjà pris des rendez-vous en ligne à la préfecture sur mon temps personnel, parce que la bibliothèque est fermée le lundi, mais que les créneaux s’ouvrent en début de semaine. Pour les impôts, les gens viennent à la bibliothèque avec leurs bulletins de paie et font leurs déclarations de revenus sur place. Ils n’ont aucun problème avec ça ! Lors d’un atelier de formation au numérique, je me suis déjà retrouvée à faire des simulations du site des impôts sur un vidéoprojecteur avec mon propre numéro fiscal.

    Cette fracture numérique peut-elle être accentuée par les sites des administrations eux-mêmes ?

    C’est sûr. Certains sites sont de telles usines à gaz que même quand on maîtrise l’informatique, c’est compliqué, sans parler des bugs. A cet égard, le site de la préfecture est le pire. Les télédéclarations de revenus peuvent aussi s’avérer délicates. Par exemple, quand on clique sur « Je déclare », ça ouvre une nouvelle fenêtre. Les gens éloignés du numérique ne captent pas et cliquent plusieurs fois, sans comprendre ce qui se passe.

    Votre formation vous a-t-elle préparée au travail que vous effectuez réellement ?

    Absolument pas. La situation est insatisfaisante, car ce n’est pas dans nos missions. On n’est ni chargés d’insertion ni travailleurs sociaux. On bricole, et parfois on fait des bêtises. A mes débuts, par exemple, j’ai déclaré des revenus de gens qui avaient bossé au noir, parce que je n’avais pas le réflexe de leur demander si le boulot était déclaré ou non. Et puis ça nous empêche aussi de faire le boulot pour lequel on est formés. Un bibliothécaire fournit un service culturel, pas un service social.
    Sylvain Mouillard

    Il y a des situation décrites qui sont complètement dingues. Et le coup de la Caf qui bien gentiment propose de les former WTF !! Évidemment qu’ils ne doivent pas accepter. C’est scandaleux ! Ça me révolte au plus haut point cette organisation faite pour que les gens ne bénéficient pas de leurs droits les plus élémentaires en terme d’aide sociale. D’autant plus que le taux de non recours est clairement prévu pour que le budget destiné à ces aides soit minoré.
    Et on parle d’assistés ! Ce sont des délaissés !

    #aides_sociales #pauvreté #fracture_numérique #CAF #bibliothèque #culture

  • Bernard Mezzadri, c’est lui qui l’a dit

    Par Sylvain Mouillard

    http://www.liberation.fr/france/2016/01/25/bernard-mezzadri-c-est-lui-qui-l-a-dit_1428851

    L’homme, maître de conférence depuis vingt-cinq ans, compte sur son « indignation » pour lui « faciliter la parole » face au juge. Car il y a un autre Bernard Mezzadri : le militant politique, au sens large du terme. Accusé très sérieusement d’avoir « provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard […] d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance […] à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », il risque jusqu’à 1 500 euros d’amende, mais aucune peine de prison, les propos incriminés ayant été tenus dans un cadre non-public.

    L’affaire remonte au 27 mai 2015. Sur une liste de discussion interne réservée au personnel de l’université, un message de la direction annonce qu’une délégation de l’établissement rencontrera prochainement Manuel Valls à Marseille. Devant son clavier, Mezzadri fignole cette réponse : « J’espère qu’en cette grande occasion la délégation de l’UAPV (Université d’Avignon et des pays de Vaucluse) comptera suffisamment de "blancos" (et pas trop de basanés), afin de ne pas donner une trop mauvaise image de notre établissement. » Un peu plus loin, il en remet une couche, qualifiant Valls de « chasseur de Roms », et recommandant une dose d’« anti-émétiques » (contre les vomissements) pour passer l’épreuve. Selon Mezzadri, sa sortie sur les « blancos » constitue une référence « explicite » et « caustique » aux propos du Premier ministre tenus sur un marché d’Evry en 2009. Filmé dans le cadre d’un reportage télé, Valls avait laissé échapper cette phrase en découvrant une foule trop bigarrée à son goût : « Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos. » Des propos qu’il avait assumés au nom de la lutte contre la ghettoïsation, et qui ne lui ont pas valu de poursuites.

    Bernard Mezzadri, lui, a fait l’objet d’un « signalement » - il dit « dénonciation » - du président de son université, Emmanuel Ethis (promu recteur depuis).

    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/040116/petition-de-soutien-luniversitaire-bernard-mezzadri

  • Marche pour Amadou Koumé, mort dans un fourgon de police
    http://sonsenluttes.net/?marche-pour-amadou-koume-mort-dans-un-fourgon-de-police

    Un reportage réalisé le 10 octobre dernier a Paris,a l’occasion de la marche pour Amadou Koumé,mort dans les mains de la police le 6 mars 2015.En ce mois d’octobre,il n’y a toujours pas de début d’instruction pour cette affaire. Durée : 55 min. Source : Fréquence Paris Plurielle via Sons en luttes

    • Les « #gestes_techniques_d_intervention », comme ils disent.

      Pour les policiers de la BAC, pourtant formés aux gestes techniques d’intervention , ces interpellations nocturnes sont toujours délicates. Même dans les cas d’agitation extrême, il est recommandé de ne pas laisser trop longtemps une personne allongée sur le ventre, les mains dans le dos, position qui comporte un risque d’asphyxie. Au bout de deux minutes, les policiers doivent le faire basculer en position latérale, ou l’asseoir. En France, plusieurs méthodes de maîtrise des individus agités sont utilisées par les forces de l’ordre. Certaines sont très controversées, comme celle dite du « #pliage », qui consiste à maintenir la personne en hyperflexion, recroquevillée. A l’origine de la mort de plusieurs personnes, elle est en théorie interdite à cause de sa dangerosité. Une autre, où le suspect est maintenu à plat ventre, un policier au-dessus qui lui plaque les mains dans le dos, est en revanche toujours en vigueur, alors que plusieurs pays européens l’ont bannie pour ses risques d’« #asphyxie_posturale ».

      L’enquête de l’IGPN doit désormais déterminer le rôle exact des policiers dans la mort d’Amadou Koumé.

      Amadou Koumé, autopsie d’une mort suspecte
      Par Emmanuel Fansten et Sylvain Mouillard — 10 mai 2015 à 19:56
      La police des polices enquête sur le décès, le 6 mars, d’un jeune homme dans un commissariat parisien. Et sur le rôle de la BAC dans son œdème pulmonaire

      http://www.liberation.fr/societe/2015/05/10/amadou-koume-autopsie-d-une-mort-suspecte_1304857

      #origami_humain

      Sans plus de commentaire.

  • Interview de Stéphane François dans Libération : « L’identitaire Vardon peut nuire à la stratégie de normalisation du FN »
    http://lahorde.samizdat.net/2013/10/03/interview-de-stephane-francois-dans-liberation-lidentitaire-vardon

    http://www.liberation.fr/politiques/2013/10/02/l-identitaire-vardon-peut-nuire-a-la-strategie-de-normalisation-du-fn_936 « L’identitaire Vardon peut nuire à la stratégie de normalisation du FN » Recueilli par Sylvain Mouillard 2 octobre 2013 à 18:05 INTERVIEW L’historien Stéphane François revient sur l’adhésion ratée de l’ex-leader du Bloc identitaire à la coalition #rassemblement_bleu_marine. L’avenir de #philippe_vardon, ex-leader des #Identitaires niçois, au sein du Rassemblement Bleu Marine est (...)

    #Extrême_droite_institutionnelle #Extrême_droite_radicale #Front_National

  • Valls en flagrant délit de « Romophobie »

    Signalé par @CDB_77

    http://www.liberation.fr/societe/2013/03/14/roms-valls-attise-la-colere-des-associations_888609

    Roms : Valls attise la colère des associations
    14 mars 2013 à 17:48

    Alors que le ministre de l’Intérieur redit son intention de poursuivre les expulsions des campements illicites, les associations demandent au Premier ministre de reprendre la main sur le dossier.
    Par SYLVAIN MOUILLARD

    « Ce n’est pas une interview, c’est un article commandé dont je pense le plus grand mal. » Laurent El Ghozi ne décolère pas après la lecture de l’entretien accordé par Manuel Valls au Parisien, ce jeudi, dans lequel le ministre de l’Intérieur martèle son message de fermeté à l’encontre des Roms. Membre fondateur du collectif Romeurope, El Ghozi redoute une accélération des expulsions des campements illégaux à l’issue de la trêve hivernale. Depuis le mois de décembre, 19 terrains ont été évacués, selon le décompte du collectif. Une vingtaine d’autres seraient dans le collimateur des autorités, qui recensent 400 campements « illicites » sur le territoire.

    #roms #france