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  • Antisémitisme et antisionisme : une assimilation absurde dans le monde arabe - Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1158662/antisemitisme-et-antisionisme-une-assimilation-absurde-dans-le-monde-

    Au Proche-Orient, c’est le sionisme et plus largement la politique israélienne qui ont fait le lit de l’antisémitisme.
    Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI | OLJ
    23/02/2019

    C’est un débat qui se joue en France mais qui est suivi avec attention de l’autre côté de la Méditerranée. Emmanuel Macron a annoncé mercredi vouloir intégrer l’antisionisme – dans le sens de la négation du droit d’Israël à exister – à la définition juridique de l’antisémitisme. Le président français considère que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme », alors que les actes antisémites en France étaient en hausse de 74 % en 2018 par rapport à l’année précédente.

    Plusieurs voix critiques ont fait remarquer que cela pouvait conduire à des incohérences – la plus absurde étant d’être amené à considérer certains juifs antisionistes comme des antisémites – et à créer une confusion entre une idéologie politique et une identité religieuse. Cela revient aussi à faire le jeu du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, pour qui les deux termes sont indissociables, et à donner l’impression qu’il n’est pas permis en France de critiquer la politique israélienne, même si ce n’est pas du tout le sens de l’initiative présidentielle.

    Vue du monde arabe, l’assimilation entre ces deux termes apparaît pour le moins inadaptée. Si l’antisionisme peut parfois, comme en Europe, cacher des relents d’antisémitisme, c’est bien le sionisme qui apparaît comme la cause première de la montée de l’antisémitisme, et non l’inverse. L’antisémitisme est un terme inventé au XIXe siècle pour évoquer la discrimination à l’égard des populations juives au sein des sociétés européennes. Outre l’argument un peu simpliste que les Arabes sont eux-mêmes un peuple sémite, la notion n’a pas vraiment de sens dans le contexte arabe. Malgré un statut particulier les empêchant, à l’instar des chrétiens, d’accéder aux hautes fonctions politiques et administratives, les juifs étaient bien intégrés au sein des sociétés arabes et n’ont pas subi de persécutions comparables à ce qu’ont pu être les pogroms en Europe.

    « La communauté juive a connu un moment de gloire et de puissance à l’époque ottomane, notamment lors de l’arrivée massive des juifs chassés d’Espagne », note Henry Laurens, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Avant la déclaration Balfour et tout ce qu’elle entraînera par la suite, les juifs sont une communauté parmi d’autres dans le monde arabe, qui, depuis l’ère ottomane en particulier, a été organisée sur une base communautaire », confirme à L’OLJ Gilbert Achcar, professeur à la School of Oriental and African Studies (SOAS, University of London), auteur d’un ouvrage sur Les Arabes et la Shoah : la guerre israélo-arabe des récits (2013).

    Dégradation continue

    La diffusion des thèses sionistes développées par l’intellectuel autrichien Theodor Herzl va peu à peu changer la donne jusqu’au tournant de la création d’Israël en 1948, véritable choc pour les populations arabes. Au début du XXe siècle, les populations locales ne font pas nécessairement la distinction entre juifs et sionistes, le second terme n’étant pas encore véritablement assimilé. « Les habitants de la Palestine historique avaient l’habitude de désigner les juifs comme juifs. Certains étaient sionistes, mais beaucoup ne l’étaient pas. Ils étaient pour la plupart des juifs religieux et asionistes ou antisionistes », décrit à L’OLJ Tarek Mitri, ancien ministre et directeur de l’institut d’études politiques Issam Farès de l’AUB.

    « Les Arabes ont d’abord connu le sionisme de façon indirecte, en lisant la presse européenne. En Palestine, les premières réactions ne sont pas nécessairement négatives, mais les choses changent à partir de la déclaration Balfour, et le sionisme est progressivement considéré comme un danger pour les Palestiniens d’une part, et pour les Arabes du Proche-Orient d’autre part. Cela conduit à une dégradation continue de la situation des communautés juives du Proche-Orient à partir des années 1930 », dit Henry Laurens.

    Les relations se compliquent à mesure que l’immigration juive s’accélère en raison de la répression dont ils sont victimes en Europe.

    « Dans les discours, il y avait une distinction entre les juifs et les mouvements sionistes. Dans la pratique, ce qui inquiétait particulièrement les Arabes, c’est le fait de voir une communauté parmi d’autres se doter d’un territoire, de passer de la communauté à la nation », note Henry Laurens.Dans les années 1930 et 1940, c’est l’histoire européenne qui rencontre frontalement celle du Proche-Orient, de façon encore plus brutale après l’Holocauste et jusqu’à la création de l’État hébreu. Durant cette période, le grand mufti de Jérusalem Hajj Amine al-Husseini – qui n’était toutefois pas représentatif des Palestiniens – va collaborer avec l’Allemagne hitlérienne, au départ pour contrecarrer les projets anglais d’établissement d’un foyer juif, jusqu’à approuver sa politique génocidaire contre les juifs. Cet épisode va être largement instrumentalisé par la propagande israélienne pour démontrer un soi-disant antisémitisme arabe, au point que Benjamin Netanyahu va même aller jusqu’à présenter le mufti comme l’inspirateur de la solution finale.

    Complotisme et négationnisme

    La création de l’État hébreu va profondément changer les rapports entre les juifs et les autres communautés dans le monde arabe. Si, pour les sionistes, l’aboutissement du projet étatique est avant tout le fruit d’une volonté collective de plusieurs décennies, il apparaît aux yeux des Arabes comme une injustice liée à un génocide dont ils ne sont en aucun cas responsables. Les juifs du monde arabe n’accueillent pas forcément avec enthousiasme la naissance d’Israël. « Les communautés juives du monde arabe, surtout d’Égypte et d’Irak, n’étaient pas vraiment tentées au début par la migration vers la Palestine. Mais il y a eu deux facteurs qui ont encouragé ce mouvement. D’une part, la politique israélienne qui a tout fait pour les attirer, au point que le Mossad a organisé des attentats contre des synagogues pour leur faire peur. D’autre part, il y a une méfiance arabe qui s’est installée et qui faisait que les juifs pouvaient être perçus comme une sorte de 5e colonne », explique Tarek Mitri.

    Après la proclamation de l’indépendance d’Israël par David Ben Gourion, l’antisionisme va devenir dominant dans le monde arabe. Le sionisme apparaît comme un projet colonial avalisé par les puissances occidentales visant à déposséder les Arabes de leurs terres. La distinction devient très nette dans les discours entre juifs et sionistes. « Dans leurs discours, Nasser ou Arafat ne font pas d’amalgame entre sioniste et juif, bien au contraire. Au début de son combat, le projet politique de Arafat était d’instaurer un débat laïc et démocratique en Palestine où juifs, chrétiens et musulmans coexisteraient », explique Tarek Mitri.

    Le double sentiment d’injustice et d’humiliation que les Arabes ont vis-à-vis de l’État hébreu va toutefois être le moteur d’un antisémitisme qui va avoir un certain écho au sein des classes populaires arabes – où le terme juif est parfois utilisé comme une insulte – et va être largement relayé par les mouvements islamistes. Cela va être particulièrement visible à travers la propagation de deux phénomènes intimement liés : le complotisme et le négationnisme.

    « Les théories du complot qui sont dans le discours antisémite occidental ont pu facilement trouver un public dans le monde arabe, parce que, de fait, c’est une région qui a connu de vrais complots, à commencer par les fameux accords secrets Sykes-Picot », constate Gilbert Achcar. L’idée complotiste des protocoles des sages de Sion, qui attribuent aux juifs des plans de domination du monde, est largement répandue au sein du monde arabe. « Chez les islamistes, il y a eu un moment où on a ressuscité une vieille littérature parareligieuse qui ridiculise et avilie les juifs. Ils puisent dans les textes sacrés ce qui est de nature à susciter la méfiance ou même la haine à l’égard des juifs », note Tarek Mitri.

    Le négationnisme concernant l’Holocauste trouve aussi ses adeptes, même s’ils restent minoritaires. Dans un article publié en 1998 dans le Monde diplomatique, le grand intellectuel palestino-américain Edward Saïd s’indignait que « la thèse selon laquelle l’Holocauste ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là. Pourquoi attendons-nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances en tant qu’Arabes si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs ? » ajoutait-il non sans une certaine verve. « La plupart des gens qui ont un peu de culture savent que la Shoah n’est pas une invention, mais un certain négationniste a pu trouver un écho favorable chez les gens étroits d’esprit, qu’ils soient ultranationalistes ou intégristes », dit Gilbert Achcar.

    Ce dernier insiste toutefois sur le fait qu’il n’y a pas d’antisémitisme propre au monde arabe, mais que la diffusion des thèses antisémites dans cette région n’est pas comparable à ce qui se passe en Occident. « Toute l’équation entre le monde occidental et le monde arabe est complètement faussée par le fait que les juifs étaient opprimés pendant des siècles en Europe, tandis que dans le monde arabe, ce qu’on peut qualifier de haine envers les juifs est surtout le produit d’une histoire moderne marquée par la présence d’un État oppresseur, qui insiste lui-même à se faire appeler État juif », résume Gilbert Achcar. Et Tarek Mitri de conclure, pour insister sur la nécessité de distinguer les deux termes dans le monde arabe : « Il y avait une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1975 qui disait que le sionisme était une forme de racisme et de discrimination. Elle a été révoquée en 1991, mais elle avait suscité un grand enthousiasme dans le monde arabe. »

  • Question de Meyer Habib sur les "Groupuscules antisionistes" et réponse de Laurent Nunez
    http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2018-2019/20190157.asp#P1626343
    http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7290176_5c6c09a9e83a3.2eme-seance--questions-au-gou

    Texte :

    M. le président . La parole est à M.. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib . Monsieur le Premier ministre, le 20 août 1899, en pleine Affaire Dreyfus, était organisée à Paris, comme aujourd’hui, une grande manifestation contre l’antisémitisme. Car déjà, les extrêmes se retrouvaient dans la détestation du Juif, synonyme de pouvoir, d’argent et de théories du complot. C’est dans ce terreau de haine qu’est né à Paris, rue Cambon, sous la plume de Theodor Herzl, le sionisme moderne, mouvement d’émancipation nationale du peuple juif. Pourtant samedi dernier à Paris, on entendait : « Barre-toi sale sioniste ! », « Rentre à Tel-Aviv ! », « La France, elle est à nous ! »... Tel est le triste visage de l’antisémitisme en 2019. Dans un contexte de crise sociale, la parole antisémite se libère, et par un tour de passe-passe sémantique, « Juif » est devenu « sioniste », on ne dit plus : « sale Juif », mais : « sale sioniste », plus politiquement correct. L’idée que le peuple juif n’a pas droit à un État, c’est l’antisémitisme par excellence.

    M. Jean-Paul Lecoq . Non !

    M. Meyer Habib . Le boycott d’Israël, le BDS – Boycott, Désinvestissment, Sanctions – prôné par certains à l’extrême gauche, c’est de l’antisémitisme !

    Plusieurs députés du groupe GDR . Non !

    M. Meyer Habib . Glorifier à l’Assemblée des terroristes qui ont assassiné des dizaines de civils israéliens parce que juifs, c’est de l’antisémitisme ! Et ceux-là même, Insoumis et communistes, qui ont quitté en bloc cet hémicycle quand j’ai dénoncé le terroriste Salah Hamouri… Quand on attise la haine depuis des années, il est bien hypocrite de manifester contre l’antisémitisme !

    M. Jean-Paul Lecoq . J’espère que le Premier ministre va vous répondre ! Vous appelez ça l’unité nationale ? Diviseur !

    M. Meyer Habib . De l’extrême gauche à l’ultra-droite en passant par la mouvance islamiste, « sioniste » est devenu le signe de ralliement de ceux qui vomissent le système, la République, les élites : Rothschild, Macron, les francs-maçons... Dans les banlieues désertées par les Juifs, un antisémitisme arabo-musulman sévit sur fond d’islamo-gauchisme et de haine d’Israël. Pour tous ceux-là, le Juif est l’homme à abattre. C’est la triste réalité : d’abord les Juifs, et après la France. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR..)

    M. Jean-Paul Lecoq . Vous tenez un discours de haine !

    M. Stéphane Peu . Les communistes étaient dans les camps avec les Juifs !

    M. Meyer Habib . Monsieur le Premier ministre, le 16 juillet 2017, le président Macron déclarait très justement que l’antisionisme était la forme réinventée de l’antisémitisme. Aujourd’hui, il hésite à le pénaliser : un pas en avant ; deux pas en arrière. En attendant douze Français ont été tués parce que juifs, sur fond d’antisionisme ! Monsieur le Premier ministre, fin des grands discours et place aux actes, ou je crains que ces Français quittent massivement la France !
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    Un député brandit une banderole. Mme Sonia Krimi l’applaudit. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur de nombreux bancs du groupe LR.)

    On doit l’interruption de Meyer Habib à l’ex-député LREM Sébastien Nadot qui dénonce la vente d’armes de la France à l’Arabie Saoudite en brandissant une banderole « La France tue au Yémen »
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    M. le président . Monsieur Nadot, remettez immédiatement cette banderole aux huissiers. Ce comportement non seulement interrompt inutilement la parole de notre collègue Meyer Habib mais, de surcroît, je me dois de vous faire un rappel à l’ordre qui sera inscrit au procès-verbal. (Applaudissements sur divers bancs.)

    Monsieur Habib, vous avez la parole.

    M. Meyer Habib . Je vous remercie, monsieur le président. Je voulais terminer en disant que le président Macron avait déclaré très justement que l’antisionisme était la forme réinventée de l’antisémitisme. Aujourd’hui, il hésite à pénaliser l’antisionisme et c’est pourquoi je demande au Premier ministre de passer aux actes car je crains que les Français juifs quittent massivement la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président . La parole est à M.. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

    M. Laurent Nunez , secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur . Monsieur le député, nous avons eu souvent l’occasion, vous et moi, de discuter de la question du lien entre l’antisionisme et l’antisémitisme. En répondant à Mme Constance Le Grip, j’ai expliqué ce qu’est le délit d’antisémitisme. L’antisionisme, vous le savez, c’est autre chose puisqu’il s’agit d’un positionnement politique consistant à critiquer la politique d’Israël au nom de ce que certains considèrent comme une forme de liberté d’expression.

    Une fois rappelé cela, monsieur le député, j’ajoute que je ne suis pas naïf : il ne m’a pas échappé que derrière le faux-nez de l’antisionisme pouvait se cacher de l’antisémitisme. Et vous savez très bien que c’est un phénomène que le ministère suit avec beaucoup de vigilance. Les groupuscules antisionistes sont surveillés de près par les services et retiennent toute notre attention. Je vous confirme qu’il existe en ce domaine une jurisprudence, que nous appliquons au cas par cas : chaque fois qu’au regard des caractéristiques de l’auteur et du contexte dans lequel des propos antisionistes ont été tenus, leur caractère antisémite peut être retenu quand ils ne sont que le faux-nez de l’antisémitisme. Mais nous le faisons à droit constant, les textes en vigueur, consacrés par la jurisprudence, nous le permettent déjà. Je peux vous dire que plusieurs mouvements recueillent toute notre attention – vous avez cité le BDS – et que nous sommes attentifs à la commission éventuelle de délits pénaux et aussi à ce que, derrière des slogans antisionistes, ne se cachent pas de l’antisémitisme.

    Mais encore une fois, monsieur le député, nous agissons à droit constant, la jurisprudence nous le permet, et il ne semble pas au Gouvernement nécessaire à ce stade de pénaliser l’antisionisme en tant que tel. Nous le faisons chaque fois qu’eu égard au contexte et aux caractéristiques de l’auteur, nous sommes en droit de considérer qu’il y a antisémitisme. Il sera à cet égard intéressant de voir dans quel sens pencheront les tribunaux lorsque auront été interpellés, comme nous le souhaitons tous le plus vite possible, les auteurs des injures contre M. Finkielkraut. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et GDR.)

    #antisémitisme #antisionisme #Palestine #censure #Liberté_d'expression #BDS #criminalisation_des_militants #Meyer_Habib

  • INTERVIEW – Shlomo Sand : « Israël a voulu bâtir un mur institutionnel »
    Middle East Eye | Hassina Mechaï | 31 juillet 2018 |Dernière mise à jour : 01 août 2018
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/interview-shlomo-sand-isra-l-voulu-b-tir-un-mur-institutionnel-102399

    « État juif ». Dès les origines du sionisme, l’expression était ambiguë. En intitulant son livre Der Judenstaat, le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, entendait-il « l’État des Juifs » ou « l’État juif » ? Un État qui pourrait devenir l’État de chaque juif du monde ou un État qui plongerait ses racines dans le judaïsme ?

    À cette question qui traverse toutes les institutions israéliennes, la loi fondamentale adoptée ce 19 juillet semble enfin répondre. Celle-ci entre dans la catégorie des lois fondamentales qui constituent le socle constitutionnel en Israël. Désormais, l’État d’Israël est non seulement l’État des juifs, mais également un État juif.

    En dix points, cette loi dessine un régime politique où le caractère juif de l’État l’emporte désormais sur la démocratie. La loi énonce, entre autres, qu’Israël est la patrie historique du peuple juif, que la capitale d’Israël est le grand Jérusalem réunifié, que la langue officielle est l’hébreu et qu’Israël encouragera la colonisation juive.

    Or, vivent en Israël environ 1,6 million de citoyens non juifs, arabes de nationalité et israéliens de citoyenneté, Israël distinguant en effet nationalité et citoyenneté. Si la déclaration d’indépendance israélienne de 1948 pose que l’État « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe », c’est bien une vision ethniciste que vient entériner cette loi fondamentale.

    Le président Reuven Rivlin s’est d’ailleurs publiquement inquiété de cette nouvelle loi, tout comme les députés palestiniens arabes, qui y voient la juridicisation d’une citoyenneté de seconde classe et une rupture d’égalité de jure et de facto. L’historien israélien Shlomo Sand, auteur notamment de Comment le peuple juif fut inventé, explique qu’il s’agit en réalité d’une continuité du sionisme.

    Middle East Eye : Pourquoi cette loi fondamentale a-t-elle été adoptée maintenant ?

    Shlomo Sand : Je dirais, plutôt que « maintenant », pourquoi à notre époque ? Ce n’est pas la date de 2018 qui compte, ni même les années antérieures. Il faut plutôt remonter aux cinquante dernières années.
    Nous savons désormais qu’il n’y aura pas d’État palestinien dans les frontières de 1967. L’idée prévaut en Israël qu’il ne faut pas entrer dans un processus de compromis avec les Palestiniens. Cette idée est renforcée par le soutien inconditionnel de Donald Trump au gouvernement de Netanyahou.

    Face à ce qui est perçu comme la vraie menace, la menace démographique que constituent les 5 millions de Palestiniens qui vivent dans les territoires occupés et à Gaza, Israël a souhaité consolider constitutionnellement les bases juives de l’État.

    D’un côté, Israël ne veut pas libérer et « se » libérer des territoires occupés. Il ne le veut pas et n’y est pas obligé. Mais il refuse d’accorder aux Palestiniens sous occupation la citoyenneté israélienne, car cela changerait complètement les rapports démographiques, donc politiques, en Israël.

    Cette loi a été adoptée pour institutionnaliser la différence de fait qui existe entre Palestiniens et Israéliens, entre Arabes et juifs, surtout à cause de cette menace démographique.

    La base de cette loi traduit, au fond, une fragilité de l’État d’Israël. D’abord parce que cet État n’est pas certain d’être juif. Selon moi, il n’y a pas de culture juive laïque, même s’il existe une culture israélienne. Pour se défendre de cette symbiose avec le monde environnant, Israël a voulu bâtir un mur institutionnel qui est censé défendre l’identité juive. (...)

  • La dualité du projet sioniste, par Gilbert Achcar (Le Monde diplomatique, février 2018)

    Théorisé par Theodor Herzl, le sionisme politique entendait obtenir la création d’un État pour le peuple juif en Palestine. S’il était motivé par les souffrances des communautés juives, notamment en Europe de l’Est, et par le regain d’antisémitisme dans l’ouest du vieux continent, ce mouvement relevait d’une logique colonialiste conforme au contexte européen de l’époque.

    https://www.monde-diplomatique.fr/mav/157/ACHCAR/58306

    l n’est pas rare que les opprimés de l’histoire soient eux-mêmes oppresseurs. C’est le cas en particulier des mouvements de libération qui luttent contre le joug colonial tandis que leur propre nation, elle-même opprimée, s’en prend à une minorité, raciale, religieuse ou autre, dans son propre pays. Bien souvent, ces mouvements ferment les yeux sur cette oppression, quand ils ne la soutiennent pas ouvertement sous des prétextes divers, par exemple l’accusation portée contre la minorité en question de constituer une « cinquième colonne » du colonialisme. D’aucuns évoquent cette fréquente dualité dans l’intention de « normaliser » le sionisme, en le présentant comme un cas semblable à beaucoup d’autres somme toute, ce qui a pour effet de minimiser ses torts, voire de les excuser, afin qu’Israël soit traité comme un État « normal ». Or cet argument ne tient pas compte du caractère de la dualité propre au sionisme.

    Certes, le sionisme est incontestablement né en réaction à la longue oppression endurée par les minorités juives dans l’Europe chrétienne, du Moyen-Âge jusqu’au XIXe siècle. Il est notoire que, sous les pouvoirs se réclamant de la chrétienté, les Juifs ont subi des persécutions bien plus graves que la discrimination et les persécutions intermittentes qu’ils ont endurées sous les pouvoirs se réclamant de l’islam. Cependant, cette persécution a progressivement cessé en Europe occidentale à l’époque moderne, à la suite des Lumières et de la Révolution française de la fin du XVIIIe siècle, avec la diffusion de la notion de citoyenneté fondée sur l’égalité des droits. Grâce à la transformation démocratique, la condition des Juifs entre la côte atlantique et les frontières orientales de l’Allemagne et de l’Autriche actuelles s’est graduellement orientée vers l’intégration des Juifs dans les sociétés nationales et la fin des discriminations. Toutefois, avec la première grande crise qui a frappé l’économie capitaliste mondiale, la Grande Dépression du dernier quart du XIXe siècle (1873-1896), les tendances xénophobes ont été ravivées. Comme dans toute crise sociale, des groupes d’extrême droite se mirent en quête de boucs émissaires afin d’instrumentaliser le mécontentement populaire au service de leurs projets réactionnaires.

  • "Antisémitisme et Antisionisme - L’impossible amalgame"

    Il y a dans la réaction « anti-israélienne » plus et parfois autre chose qu’une attitude politique de gauche, commandée par la lutte contre l’impérialisme. Il y a aussi et il y a parfois surtout une défense de l’intelligence devant l’assaut qui est continuellement livré, une réponse de l’esprit critique au défi qui le confronte presque en permanence dans ce débat plus chargé de passion et de fanatisme que nul autre.

    En 1967, l’opinion publique occidentale a été soumise à un bombardement systématique dont les munitions avaient été savamment sélectionnées par de savants artilleurs. Le combat que livrait Israël était présenté comme celui d’une petite nation faible entourée d’ennemis nombreux et puissants - David contre Goliath - et ne souhaitant rien d’autre que le droit à l’existence.

    On s’est vite rendu compte que le rapport des forces entre Israël et ses alliés, d’une part, et ses ennemis arabes, de l’autre, jouait entièrement en faveur d’un Etat développé qui n’a eu aucune peine à écraser une série d’adversaires également faibles et misérables - misérables donc faibles.

    En juin 1967, l’Etat d’Israël a affirmé ne faire la guerre (préventive) - préventive, mais rappelez-vous le titre qui, le 5 juin 1967, barrait la première page de France Soir- plus gros tirage de la presse francophone dans le monde - :
    « L’Egypte attaque » - que pour assurer sa survie physique et empêcher son étouffement économique. Or, aujourd’hui et depuis deux ans déjà, la Jordanie et l’Egypte sont disposées, moyennant le retrait des troupes israéliennes, à des concessions qui ne signifient rien d’autre que la reconnaissance de fait de l’Etat hébreu ; elles acceptent en outre qu’Israël bénéficie désormais de la liberté de navigation. Mais la paix est plus éloignée que jamais : les Israéliens désirent actuellement des « frontières sûres » et il n’est plus question pour eux de revenir aux limites territoriales qui étaient les leurs avant la guerre des six jours. Les aspirations d’Israël peuvent difficilement être présentées comme celles, élémentaires et légitimes, d’un Etat ne nourrissant, à l’exclusion de toute ambition territoriale, qu’un désir pathétique de dialogue, de reconnaissance et de paix.

    Moins désarmée sur ce terrain que dans le passé, l’opinion publique se voit à présent confrontée avec une argumentation d’un tout autre genre. Elle tient en peu de mots : l’antisionisme ne serait qu’une variante de l’antisémitisme ; l’opposition à Israël rien d’autre qu’une version de la haine des Juifs. Il y a des mois qu’on nous le répète et M. Michel Soulié, vice-président du Parti radical-socialiste, vient de déclarer pour sa part : « Aujourd’hui, personne n’ose plus s’affirmer antisémite, mais l’antisionisme est un bon paravent pour la droite et aussi une certaine nouvelle gauche »1.
    On objectera : M. Michel Soulié et le Parti radical-socialiste méritent-ils les honneurs de la citation ? Pour ce qu’ils représentent... Sans doute, sans doute.

    Mais le Nouvel Observateur de M. Jean Daniel ?... Voilà des semaines qu’on y trouve des mises en garde pleines de sollicitude à l’adresse de la gauche, ancienne et nouvelle, menacée, dit-on, de verser dans l’antisémitisme en raison de son opposition à Israël. Et tout de même, le Nouvel Observateur malgré tout, ce n’est pas le Parti radical-socialiste... Cet amalgame affirmé, ou suggéré, systématiquement entretenu entre l’antisionisme et l’antisémitisme, est devenu une arme politique.

    On est tenté de ne lui répondre que par le haussement d’épaules qu’il mérite. Mais on ne peut plus aujourd’hui se contenter de cette réaction. Une prise de position claire est indispensable, basée sur l’analyse et la réflexion. En cette matière encore, la gauche, inlassablement, doit faire oeuvre démystificatrice.

    La logique de l’histoire

    Que la haine des Juifs puisse conduire à celle d’Israël, il faut le constater. II en est ainsi, par exemple, de quelques milieux d’extrême droite en Allemagne, représentés par la Deutsche Soldatenzeitung et par l’ancien condottiere S.S. Skorzeny, que la haine antijuive conduit à soutenir la cause palestinienne.

    Dans un même ordre d’idées, mais par un phénomène apparemment inverse, la Pologne offre l’exemple d’un régime où l’antisionisme - véritable ou feint - conduit à l’antisémitisme et sert, en fait, de diversion à une politique impopulaire. Notre propos est cependant de prouver que la liaison entre l’antisionisme et l’antisémitisme est l’exception, tandis que le lien entre le sionisme et l’antisémitisme est plus fréquent et moins fortuit. Ce lien entre l’antisémitisme et le sionisme est double, de nature logique et historique.

    Ce lien est logique. Ecoutez le langage classique de l’antisémitisme : l’élément juif est inassimilable, constituant dans les nations où il s’est introduit un corps étranger, nécessairement étranger, il doit en être isolé et si possible évacué. Ce raisonnement s’est souvent exprimé de manière très lapidaire : « les Juifs dans leur pays ». Or, les sionistes ne disent rien d’autre.

    A les en croire, l’élément juif est inassimilable à cause du caractère inéluctable de l’antisémitisme. Theodor Herzl, le fondateur de la doctrine, ne fait sur ce point aucun mystère de ses convictions :
    « Parmi les populations, l’antisémitisme grandit de jour en jour, d’heure en heure, et doit continuer à grandir parce que les causes continuent à exister et ne sauraient être supprimées » 2.
    Quant à la formule lapidaire, « les Juifs dans leur pays », on la retrouve dans le programme du sionisme : elle résume en même temps qu’elle en traduit toute la politique.

    L’antisémitisme et le sionisme nous confrontent avec un courant également antilibéral et également pessimiste, ils sont unis par la même opposition à une idéologie démocratique qui croit, parfois naïvement, au nécessaire et possible rapprochement des communautés ethniques, religieuses, etc.... Et il s’agit moins ici de justifier ou de dénoncer ce pessimisme que d’en constater la présence significative et dans le projet sioniste et dans la mentalité antijuive.

    Or, l’histoire confirme la logique, et ce dès l’aube du mouvement sioniste.
    « D’honnêtes antisémites devront être associés à l’oeuvre (sioniste) pour y exercer en quelque sorte un contrôle populaire, tout en conservant leur entière liberté, précieuse pour nous »3.
    Ces paroles et la justification d’un antisémitisme « honnête », accompagnée de la revendication, pour ceux qui le pratiquent, d’une « liberté précieuse », sont de Herzl luimême.

    Le fondateur du sionisme n’a pas précisé ce qu’il entendait par des antisémites « honnêtes », mais dans les faits, il a accordé des brevets d’honnêteté à des antisémites dont la liberté est loin d’avoir été précieuse pour les Juifs. C’est ainsi qu’il a - à la grande indignation des Juifs de l’époque - rencontré, en 1904, Plehve. le ministre de l’intérieur de la Russie tsariste, celui-là même que la communauté juive de Russie tenait, non sans raison, pour responsable du terrible pogrom de Kichinev. Plehve promit d’ailleurs à Herzl, « un appui moral et matériel au jour où certaines... mesures pratiques serviraient à diminuer la population juive de Russie » 4.
    Il n’est pas exclu qu’un calcul analogue ait inspiré Lord Balfour, dont la célèbre déclaration assura l’appui décisif de la Grande-Bretagne à l’entreprise sioniste, puisqu’il n’hésita pas à se faire élire, à la Chambre des Communes, sur une plateforme comprenant un projet de loi interdisant l’émigration en Angleterre et, singulièrement, l’émigration juive.

    Ces citations et ces faits, pour troublants qu’ils soient, seront acceptés avec moins de gêne que la révélation de la collaboration qui se pratiqua entre sionistes et nazis. Pourtant, l’évidence est là. Ces actes de collaboration se déroulèrent tour à tour en Allemagne, en Autriche et en Hongrie et trouvèrent un défenseur convaincu en la personne d’Eichmann qui, converti au sionisme par la lecture de Herzl, se mit, selon le témoignage de la sociologue américaine Hannah Arendt, « à répandre le message sioniste dans les milieux S.S. » 5.
    Ses efforts ne furent pas tout à fait vains puisqu’il réussit à convaincre beaucoup de ses camarades que « les sionistes étaient les Juifs "décents", puisque, eux aussi, pensaient en termes "nationaux" » 6.

    Un livre récent, s’appuyant sur des documents d’archives et rédigé par un auteur israélien, offre de cette collaboration entre nazis et sionistes - et en particulier de la complaisance relative, mais certaine, des hitlériens envers le sionisme - un faisceau de preuves convergentes. 7

    "Vive Israël, mort aux Youpins !"

    Ce sont là, dira-t-on, des cas extrêmes. Sans doute. Mais, plus près de nous, historiquement et géographiquement, la collusion entre l’antisémitisme et le sionisme ou la sympathie pour Israël, a frappé un observateur aussi peu suspect d’hostilité envers l’Etat hébreu que Marc Hillel. Parlant des événements de 1956, il reconnaît dans son livre que « !es antisémites les plus irréductibles deviennent pro-israéliens tout en continuant à détester leurs Juifs » 8
    et, à propos des cortèges pro-israéliens qui se déroulèrent à Paris en juin 1967 :
    « on nota la présence de membres de l’extrême droite antisémite par tradition aux manifestations en faveur d’Israël » 9.
    Personne ne sait si les antisémites du genre de Xavier Vallat, ancien commissaire de Vichy aux Affaires juives, qui, en 1967, eut ce cri du coeur « Vive Israël, mort aux youpins ! », personne ne sait si ce genre d’individus forme ou non une catégorie nombreuse. Mais Vallat ne doit pas être tout à fait isolé dans son désir de voir prospérer les Juifs dans un « pays à eux » qui aurait l’immense mérite de débarrasser de leur présence les Etats où ils sont fixés.

    Et pour ce qui est de la France particulièrement, on ne peut nier que la sympathie proisraélienne est alimentée depuis longtemps par la haine des Arabes et le désir de voir la défaite d’Algérie vengée aux dépens de Nasser et de ses alliés. Aspiration si profonde qu’elle a fait de partisans de l’Algérie française connus pour leur haine des Juifs des admirateurs passionnés de la virilité israélienne. Tixier-Vignancour se trouve, par exemple, dans ce cas.

    En regard de la liaison logique et historique entre le racisme antijuif et la sympathie pour le sionisme, il faut, au contraire, opposer cette autre considération de fait : l’histoire du sionisme a longtemps été l’histoire de la lutte menée contre cette idéologie par des mouvements juifs. Les Juifs antisionistes se recrutaient, en effet, nombreux soit dans les milieux religieux qui n’envisageaient le retour des Juifs vers la « Terre promise » que sous une forme spirituelle, soit dans les milieux socialistes où l’on entendait unir les ouvriers juifs et non juifs dans le combat contre le capitalisme que l’on rendait responsable de l’antisémitisme. A quoi il faut ajouter la longue série de personnalités juives et non juives qui, peu suspectes d’antisémitisme, ont mené ou mènent la lutte contre le racisme et se posent en adversaires résolus de l’entreprise sioniste et de l’Etat d’Israël : liste interminable qui comprend les noms de Bertrand Russel. Isaac Deutscher, Erich Fromm, Mehdi Ben Barka, Rudi Dutschke, Elridge Cleaver, etc., etc. II ne s’agit d’ailleurs pas seulement de personnalités, mais de mouvements et de courants d’opinion. Ce sont les étudiants allemands radicaux de la S.D.S. qui se montrent les plus achamés dans le combat contre les séquelles du nazisme et dans l’opposition à Israël. Ce sont les formations et « groupuscules » d’extrême gauche qui, en France, sont le plus résolument opposés à l’israélophilie dont P. Viansson-Ponté disait récemment dans Le Monde qu’elle était surtout le fait de l’"establishment" français 10.
    Or, ces mêmes formations et « groupuscules », qui pourrait les accuser de complaisance envers le racisme en général ou, en particulier, envers l’antijudaïsme ?

    Le sionisme contre les Juifs

    On rétorquera à tout cela que s’en prendre à Israël, c’est nécessairement s’en prendre aux Juifs puisque, dans leur très grande majorité, les Juifs sont profondément attachés à l’Etat sioniste.

    La gauche antisioniste ne peut laisser sans réplique un tel argument. Elle doit y répondre en montrant que, si elle s’oppose à l’entreprise sioniste, c’est parce que celle-ci est nocive non seulement aux Arabes, mais également aux Juifs. La première proposition se passe de démonstration, le sort des Palestiniens que l’implantation sioniste en Palestine a chassés de leur pays témoignant suffisamment de sa justesse. Il est plus important d’insister sur ce fait : nous autres qui critiquons et rejetons le sionisme, nous le faisons non par hostilité envers les Juifs, mais, bien au contraire, par refus de tout racisme, qu’il soit dirigé contre les Arabes, contre les Juifs ou contre toute minorité nationale ou ethnique.

    Notre critique du sionisme est double et se place sur le plan des principes et sur celui des réalités concrètes. Des principes parce que la composante raciste du sionisme, pour ne pas être évidente et perçue par tous, n’en est pas moins certaine. Nous l’avons dit, le sionisme mise sur le caractère inéluctable de l’antisémitisme. C’est son postulat de base. Lorsque les Juifs sont menacés de persécution, les sionistes les invitent a rejoindre la Palestine, avec le consentement ou contre le gré (et en l’occurrence, contre le gré) des populations autochtones. Réflexe de défense, dira-t-on. Mais peut-on raisonnablement suggérer que la solution des nombreux problèmes que crée la tension entre communautés ethniques, religieuses ou nationales cohabitant sur un même territoire se trouve dans le départ de ces communautés ? Or, c’est cela la « solution sioniste ». Appliquée à d’autres cas, elle conduirait à pousser les minorités noires, irlandaises, espagnoles, etc.. etc., au départ, comme si le règlement du problème du racisme dans le monde se trouvait dans d’immenses mouvements migratoires ramenant « chez eux » les noirs, les Irlandais, les Espagnols et les Juifs. A ces derniers, le sionisme ne propose rien d’autre. C’est une proposition insoutenable.

    Mais s’agit-il seulement d’une réplique (au demeurant inadéquate) à un péril physique et à une menace de persécution ?

    Non, le sionisme est bien plus que cela. S’adressant récemment à des Juifs américains, Mme Golda Meïr n’a-t-elle pas déclaré que c’est " seulement leur immigration en Israël (qui) peut les sauver de l’assimilation " 11.
    Le danger que le sionisme est censé combattre, ce n’est donc plus la spoliation, la discrimination antijuive ou l’extermination des Juifs, mais leur « assimilation » au sein des nations. Il serait utile de préciser ici ce qu’on entend par « assimilation » et qui, si l’on excepte l’hypothèse condamnable d’une assimilation forcée, ne peut être que l’intégration harmonieuse d’une communauté au sein de la population qui l’environne. Et, une fois de plus, nous nous heurtons à cette analogie entre le langage des sionistes et celui des antisémites : il faut rejeter, comme impossible ou pernicieuse, i’assimilation des Juifs, le maintien de leur spécificité est une exigence si impérieuse qu’elle justifie leur émigration.

    Certes, il n’y a rien en commun entre le sionisme et le nazisme et il faut à ce propos, regretter les formules mensongères et donc nocives identifiant Israël à un Etat fasciste et sa politique à l’hitlérisme. Mais il reste que, d’une certaine manière, le sionisme a pris le relais de l’antisémitisme. Ce dernier incitait les Juifs au départ ou au repli sur soi. Le sionisme ne fait rien d’autre et la politique qu’il mène à cet égard est, pour les Juifs, riche de périls. II tente de les persuader qu’ils sont non seulement citoyens du pays où ils sont fixés, mais aussi et même surtout citoyens d’Israël, liés à cet Etat par un devoir de civisme et une allégeance imprescriptible. Sont taxés de trahison envers leur peuple ceux qui nient ce devoir et rejettent cette allégeance.

    Tant qu’il n’existe pas de différend important entre Israël et tel ou tel Etat où habitent des Juifs, ce principe d’allégeance peut n’apparaître que comme un fait sentimental secondaire. Mais lorsque la conjoncture internationale suscite entre l’Etat d’Israël et d’autres pays une tension ou un conflit, le problème cesse d’être de nature purement affective. Il est politique. On voit, dès lors, le grand rabbin de France prendre ouvertement position contre l’attitude de son pays ou de son gouvernement envers Israël - qui n’est pas son pays - et une série d’associations juives adopter un comportement semblable qui, faut-il le dire n’a rien à voir avec un quelconque sentiment d’internationalisme, mais dérive d’un attachement inconditionnel envers un Etat étranger.

    Les antisémites ont toujours prétendu que les Juifs ne voulaient pas s’intégrer dans les pays où ils vivaient. C’était une contrevérité. Mais voila que, par l’effet d’une propagande systématiquement organisée, un grand nombre de Juifs se prêtent eux-mêmes à une opération qui les fait apparaître comme les nationaux d’un Etat étranger. Qui n’aperçoit l’utilisation que l’antisémitisme peut faire d’une situation aussi équivoque et aussi malsaine ? L’actualité ne souligne pas ce péril dans nos pays.

    A la grande majorité des Français et des Belges, pour ne prendre que leur cas, Israël apparaît, consciemment ou non, comme la revanche de l’homme blanc et de l’Européen contre l’homme de couleur coupable d’arrogance. D’ou sa popularité actuelle.

    Devant un tel état de choses, le rôle de la gauche est double : il consiste tout d’abord à rétablir les faits et à montrer quel est le rôle véritable de l’Etat d’Israël et à défendre les peuples qui sont victimes de sa politique. Le devoir de la gauche antiraciste est aussi de montrer qu’à la faveur d’un retournement dans l’opinion publique, l’israélophilie actuelle peut disparaître (d’autant qu’elle n’a pas de fondement sérieux) et faire place alors à une hostilité qui, à défaut de prendre pour cible l’Etat hébreu lui-même, s’en prendra aux communautés juives qui y sont inconditionnellement attachées. Cette hypothèse est lourde d’un péril qu’il faut à tout prix combattre : celui d’une renaissance de l’antisémitisme.

    Non, les antisionistes ne sont pas antisémites. L’amalgame qu’on nous suggère et que l’on veut de plus en plus nous imposer ne repose sur aucune analyse sérieuse. Ne serait-il rien d’autre qu’une forme de chantage moral et intellectuel par lequel on voudrait empêcher tous ceux qui condamnent la haine antijuive, criminelle et imbécile, à ouvrir le dossier israélo-arabe et à l’examiner avec un minimum d’objectivité ? Il y a, dans l’argumentation utilisée à ce propos, trop de mauvaise foi pour qu’on puisse rejeter cette hypothèse.

    Marcel Liebman

    [MAI N°10 février 1970]

    Bibliographie

    1 Le Monde, 23-1-1970

    2 T. Herzl, l’Etat juif, éd. Lipschitz, Paris, 1926, p.84. Souligné par nous.

    3 Ibid., p. 137.

    4 M. Bernfeld, Le sionisme. Etude de droit intemational public ; Paris, Jouve, 1920, p. 399.

    5 H. Arendt, Eichmann à Jérusalem ; Paris, Gallimard, 1963 ; p. 52.

    6 Ibid., p. 73.

    7 E. Ben-Elessar, La diplomatie du IIIe Reich et les Juifs (1933-1939), Paris. Julliard, 1966.

    8 M. Hillel, Israël en danger de paix ; Paris, Fayard, 1968, p. 43.

    9 Ibid., p ; 271

    10 Le Monde

    11 Israel aujourd’hui, 21-1-1970

  • France. Projection du film « Ce n’est pas un rêve, la vie de Theodor Herzl » : Guillaume Weill-Raynal monte au créneau
    mercredi 30 décembre 2015
    http://www.lecourrierdelatlas.com/1064430122015Projection-du-film-Ce-n-est-pas-un-reve-la-vie-de-T

    Le 13 janvier 2016 aura lieu au Publicis Cinémas, sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris, l’avant-première du documentaire « Ce n’est pas un rêve, la vie de Theodor Herzl ». Un film qui retrace le parcours du « fondateur du sionisme moderne ». C’est en apprenant que cette projection sera organisée sous le patronage du président de la République et sous le parrainage de la maire de Paris que Guillaume Weill-Raynal a décidé de monter au créneau. Cet avocat et essayiste nous explique pourquoi la tenue d’un tel événement le choque.

    LCDL : Pourquoi trouvez-vous choquant qu’un tel événement soit organisé à Paris ?

    Guillaume Weill-Raynal : Ça n’est pas tant le lieu qui me choque mais plutôt le moment et les personnalités publiques qui cautionnent cette manifestation. Que la communauté juive rende hommage à Theodor Herzl, le fondateur du sionisme, c’est bien naturel. Chacun voit midi à sa porte… Le problème est que cet hommage est rendu sans le moindre recul.

    On célèbre la vision originelle du sionisme, celle des premières années du 20ème siècle, idéaliste mais complètement déconnectée du contexte d’aujourd’hui, qui est celui d’une politique de domination injuste et brutale menée par Israël sur les Palestiniens. Or, précisément la langue de bois de la communication israélienne tente chaque jour de justifier cette oppression par une référence permanente aux dogmes fondateurs du sionisme.

    Le fait que cette manifestation soit organisée sous le patronage du président de la république et sous le parrainage de la maire de Paris est effectivement très choquant. Ils prennent position pour les uns contre les autres. C’est une rupture de l’équilibre qu’ils disent chaque jour vouloir respecter. (...)

  • Vincent Lemire sur Netanyahu sur Facebook • Haaretz se saisit du sujet : l’interprétation...
    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1641008182855549&id=100008391497806

    • Haaretz se saisit du sujet : l’interprétation hallucinante de Netanyahu sur la Shoah / Hitler / Mufti Husseini, avant-hier devant le World Zionist Congress.
    • Déclaration de Netanyahu : "the Mufti of Jerusalem Haj Amin al-Husseini, who was later sought for war crimes in the Nuremberg trials because he had a central role in fomenting the final solution. He flew to Berlin. Hitler didn’t want to exterminate the Jews at the time, he wanted to expel the Jews. And Haj Amin al-Husseini went to Hitler and said, « If you expel them, they’ll all come here. » "So what should I do with them ?" he asked. He said, « Burn them. »
    • Donc, dans une même phrase, Netanyahu absout Hitler (il voulait seulement « expulser les Juifs », en cela il était donc un peu sioniste, au minimum allié objectif du projet sioniste , on retrouve ici le fameux charabia sur « Eichman le sioniste ») et énonce explicitement que les concepteurs et les responsables de la solution finale sont les islamistes. Pourquoi ? Car ils craignaient que l’expulsion massives des Juifs ne renforce le sionisme territorial en Palestine. On est bien dans une démonstration complotiste : tout colle !
    • Il faut prendre au sérieux cette sortie qui n’est ni un dérapage ni un ballon d’essai. On retrouve tout le texte disponible sur le site officiel pmo.gov.il > http://www.pmo.gov.il…/Spe…/Pages/speechcongress201015.aspx)
    • Il faut savoir que le discours du PM israélien devant le WZO est un exercice hyper codé, hyper cadré, relu, testé et approuvé par les spin doctors du PM. Pour comparer, c’est un peu le discours sur l’Etat de l’Union aux US, ou les Voeux présidentiels le 31 déc en France. Ce n’est donc pas un « bon mot » testé en privé, ou une phrase qui aurait été attrapée par un micro mal placé, ni même une diatribe de meeting devant la droite dure du Likoud ou des organisations de colons . Non, c’est le Premier ministre d’Israël (régulièrement élu par sa population) qui s’exprime, à la tribune, micro ouvert, devant la World Zionist Organization, fondée à Bâle en août 1897 par Theodor Herzl et qui est à la fois la matrice originelle et la colonne vertébrale idéologique d’Israël. Ce qui s’énonce ici, c’est donc une doctrine. Une nouvelle doctrine. Dont il faut prendre acte.
    • La droite israélienne est en train d’accompagner voire d’encourager le révisionnisme le plus extrême sur la Shoah (Charles Enderlin disait même hier soir « le négationnisme »), se résumant explicitement à : l’islamisme est pire que le nazisme. Ou : le nazisme est moins dangereux que l’islam politique. Voire : même dans les années 1930 - 1940, le nazime ÉTAIT moins dangereux que l’islam politique puisque ce ne sont pas les nazis qui ont l’idée de la solution finale, c’est Haji Amin al Husseini. Hitler est absout, il a été mal conseillé par Haji Amin. Avec Hitler, tous les fachos collabos antisémites de Vichy sont également absouts (on retrouve ici le délire zemourien sur Vichy protecteur des Juifs de France). Tout est cohérent dans cette offensive idéologique d’une violence inédite.
    • Il faut prendre date. Quelque chose se passe. Netanyahu n’est pas fou. Il fait de la politique. Il désigne le nouvel « ennemi global », pire que le nazisme, plus nazi que les nazis : l’islam politique.
    • Je découvre tout cela depuis Berlin, au retour d’une semaine éprouvante à Jérusalem. 70 ans après 1945, le monde est en train de pivoter, et ça ne tourne pas dans le bon sens.

  • Que sont devenus les descendants de Theodor Herzl : une succession de suicides, de morts d’overdose et de maladies mentales

    Unveiling the tragedy of Theodor Herzl’s family - Features - Israel News | Haaretz
    http://www.haaretz.com/news/features/.premium-1.654036

    Herzl has no direct descendants left today. His wife Julie died in 1907, three years after Herzl, after being hospitalized a number of times for mental illness and drug addiction. Their son Hans, who converted to a series of Christian denominations, shot himself in 1930, on the day of his sister Paulina’s funeral. Paulina also suffered from mental illness and drug abuse from a young age, and died at 40 of a heroin overdose.

    Herzl’s youngest daughter, Margarethe (Trude), who had little contact with her siblings and also suffered from mental illness, died in the Thereseinstadt concentration camp in 1943. Her son, Stephan Theodor Neumann (who later Anglicized his name during World War II to Stephen Norman) – Herzl’s only grandchild – committed suicide by jumping off a bridge in Washington D.C. in 1946, after he learned of his parents’ death during the Holocaust. He was the only Zionist of Herzl’s descendants, and even made a quick visit to Palestine in 1945, a year before he killed himself.

    A four-part television series that started this week on Channel 1, “The Herzls,” reveals that various relatives – some closer and some less so – of Herzl live among us in Tel Aviv, Jerusalem, Givatayim, Ramat Gan, Arad, Matat, Nazareth and Kibbutz Beit Hashita. Others were located in Vienna – living not far from Herzl’s home – Serbia, Croatia and Belgium. Some have hidden their relationship to Herzl from their children.

    The work on the series was spread over five years, with breaks. The investigation discovered that the tragedy and drama continued to haunt the family even many years after Herzl’s death. One of the episodes focuses on the tragic figure of Frederika (Pnina) Herzl, a first cousin once removed of Herzl. Frederika was born in 1933 in Vienna to Max Herzl. In 1938, when she was 5, her parents felt it was dangerous for a Jewish girl bearing the name Herzl to live under the Nazi regime and sent her to her mother’s aunt and uncle in Czechoslovakia. In 1939, with the Nazi invasion of Prague, her parents signed a fictitious adoption order so Frederika could immigrate to Israel with her aunt and uncle. Her parents managed to escape the Nazis and survived the Holocaust, and in 1948 they too arrived in Israel – with a court order canceling the adoption. But when they asked to have their daughter back, they were told no.

    In early 1948, before the founding of the State of Israel, an ugly and painful legal fight broke out over the girl, which further damaged the reputation of the Herzl family. The family’s legal battle received a great deal of local press coverage: Haaretz reported on February 24, 1948 on the court case, and other newspapers talked about the “tragedy of the Herzl family.”

    The adoptive parents said they were worried her biological parents would return to Vienna with her, but the court ordered them to allow her parents to meet with her from time to time. Maariv reported that instead of bringing them closer, these meetings increased the suffering of her biological parents and she was very apathetic toward them, introducing her mother to her friends as her aunt.

    In 1949 the Tel Aviv District Court ruled that Frederika would spend the holidays with her biological parents, “but even these meetings turned into a tragedy and the parents could not bear them. The two fell ill from their great sorrow,” reported the paper.

    When she turned 18 in 1951, Frederika – who was called Pnina in Haaretz – asked to renew relations with her parents and met them. But even though her parents were very happy, the joy did not last for long and this was the last time they saw each other, reported the newspaper.

    Max Herzl died in 1952, “broken and filled with suffering.” A relative said he committed suicide and later Frederika also attempted to kill herself, and was hospitalized under her adoptive parents’ name. After that people lost track of her, but the research for the television series found that she returned to Vienna and worked as a librarian, and was known in the local Jewish community. She died in 2009 – today only a cardboard sign marks her grave – and none of her relatives in Israel knew about her death.

    “I read a lot of books written about Herzl,” Kipper Zaretzky told Haaretz. The book that influenced her the most was “Neguhot Min Ha’avar (Illuminations from the Past)” (in Hebrew) published in 1961 by historian Joseph Nedava, who also went on a search for Herzl’s relatives.

    “He shows the difficult psychological journey Herzl’s children made,” she said. “Today, when you ask people on the street, they tell you: ‘Yes, they were all crazy.’ But it’s not so simple. In the series I try to show the long-suffering journey they traveled until the end,” said Kipper Zaretzky.

    In 1949, Herzl’s remains were brought to Israel from Vienna for reinternment on the Jerusalem hill that bears his name. “Not a mourning parade was the funeral for Herzl’s bones in Jerusalem, but a victory march, victory of the vision that became reality,” Prime Minister David Ben-Gurion eulogized Herzl. In 2006, 56 years later, two of his children, Paulina and Hans, were reburied near him. A year later, his grandson’s remains were brought to Israel and in 2013 a memorial plaque was erected for Julia Herzl, who was cremated at her request and her ashes were lost over the years.

    “The circle has been closed. All of the Herzl family have returned to be together, even if only symbolically,” Prof. Ariel Feldstein told Haaretz at the time. Feldstein was behind bringing Herzl’s children’s remains to Israel, as well as the plaque for Julia.

    #Herzl-descendants

  • Israeli Arab leader strives to teach Netanyahu something about suffering
    ‘To identify with the stories about the Holocaust, we must fight racism and the persecution of minorities,’ Ayman Odeh says. ’And that’s not what’s happening in this country.’
    By Ofra Edelman | Apr. 26, 2015 Haaretz
    http://www.haaretz.com/news/national/.premium-1.653396

    Between Holocaust Remembrance Day and Independence Day, Israel’s week of national holidays, Joint Arab List chief Ayman Odeh felt suffocated in the Knesset. State symbols watched him from all sides — the flag, the menorah, Theodor Herzl — and he felt excluded by them all.

    “There’s something psychological here. In every corner of the Knesset there’s a symbol of the nation, but there are almost no civic symbols. There are no pictures of the country’s landscapes, nature, Arabs and Jews together,” he says.

    “It seems the Jews don’t feel like a majority. Most of the Jews are strong, but they’re also afraid, and that’s awful for the minority. When there’s a majority that feels like a minority and is strong but feels weak and threatened, we pay the price.”

    Odeh has started his first Knesset term heading the grouping that contains four Arab parties in an artificial marriage. The goal was to eclipse the increased 3.25-percent electoral threshold, which the party did with ease — its 13 seats make it the Knesset’s third largest party.

    If Isaac Herzog’s Zionist Union enters a unity government — he insists he won’t — Odeh will probably become Israel’s first-ever Arab opposition leader. He was actually supposed to enter the Knesset before the election and replace Mohammed Barakeh as head of the Arab-Jewish Hadash party, but the vote was moved up to March 17.

    Alongside his 10-year plan to reduce inequality between Jews and Arabs, Odeh wants to help the poor and have the unrecognized Bedouin communities in the Negev recognized. He also wants to increase funding for Arab culture. He has already spoken with key Likud MK Zeev Elkin.

    “I told him: ‘The opposition rarely manages to pass bills when you’re coalition whip, so tell me what you can accept.’ He told me Jews should learn Arabic starting in the first grade. I said: ‘Okay, I’ll propose it.’”

    Before the swearing-in ceremony at the Knesset, Joint Arab List MKs had to decide whether to stand during the singing of the national anthem, which talks about “the Jewish soul.”

    “There was an argument in the party,” says Odeh. He says he asked the other MKs to treat it as an official ceremony and not walk out. In the end, no agreement was reached and Odeh and the other Hadash MKs remained along with Osama Saadia of Ta’al, a component of the Arab ticket. The others left.

    Odeh says that for nearly two weeks he argued with himself over whether to stay. “Sometimes I regret I stayed, sometimes not,” he says.

    After the swearing-in, Prime Minister Benjamin Netanyahu’s speech was out of touch and nationalist, as if it came out of history 3,000 years ago, Odeh says, adding that Netanyahu spoke so heatedly he was more like an actor.

    A week ago Odeh took part in the Holocaust Remembrance Day ceremony. This time he left before the national anthem, but not because of it. “I’ve read ‘The Diary of Anne Frank’ — and also it hurts me how [a Holocaust survivor] collapsed during the Eichmann trial,” he says.

    “All nations’ stories touch me. But to identify in a true and deep way with the stories about the Holocaust, we must fight racism and the persecution of minorities. And that’s not what’s happening in this country. It hurts.”

    Odeh says Netanyahu backs racist laws and wants to discard democracy. He says he has greater credibility talking about the Holocaust than Netanyahu because he’s fighting racism and represents a minority that seeks cooperation based on respect.

    Odeh is due to meet Netanyahu soon, a meeting he says he learned about in the newspapers. Even though he considers the tête–à–tête a media exercise and the prime minister’s attempt to put out the fires he set on Election Day, Odeh asked his MKs whether he should attend — and they all said yes.

    “The burden of proof is on Bibi,” Odeh adds. “He needs to convince us he wants a serious meeting.”

    Odeh will also be meeting with Palestinian President Mahmoud Abbas in the next two weeks, as well as with President Reuven Rivlin and Fatah leader Marwan Barghouti, who is serving five life terms for terror activity.

    Regarding the criticism that Israeli Arab leaders worry more about the Palestinians than their own voters, Odeh says he wants to lead the battle here in Israel. But he also believes that real equality will be only be possible by solving the Palestinian issue, because the country of which he’s a citizen is at war with the people he belongs to.

    “We’re between the hammer and the anvil,” he says.

    Odeh distinguishes between civil rights, which he thinks can be achieved now, and national rights. Issues such as employment for Arab women and public transportation “don’t need to be part of an ideological dispute. As for national rights, we can disagree.”

  • The myth of the ‘Arabs versus Jews’ narrative
    http://english.al-akhbar.com/content/myth-%E2%80%98arabs-versus-jews%E2%80%99-narrative

    The transformation of Zionism as a political ideology to Zionism as a religious ideology begins, in part, with Theodor Herzl’s “infatuation with British imperialism,” as noted by literary scholar and cultural historian Eitan Bar-Yosef in his book A Villa In The Jungle: Herzl, Zionist Culture, And The Great African Adventure. “Herzl’s phrase – a ‘miniature England in reverse’ – preserves the imperfect colonial mimicry that stood at the heart of Herzl’s Zionist project, and which was exposed so explicitly...in his decision to align himself with the British Empire.” Herzl would form the Zionist Organization (now The World Zionist Congress) in 1897 and promote the creation of a Jewish homeland in Palestine, while continuing to identify with British colonialism and those who facilitated colonialism (...)

  • De l’alliance judéo-noire

    "Il existe, sur le rapport entre racisme et antisémitisme, un vaste débat : les uns ont vu dans les génocides coloniaux le paradigme de l’Holocauste, les autres ont souligné la différence entre le pillage d’un continent et l’extermination conçue comme une fin en soi, comme un « massacre ontologique ». Pour Fanon, qui défend une vision sartrienne du juif et du Noir comme images négatives fabriquées par l’antisémite et le raciste, reste néanmoins un clivage lié à la couleur. L’antisémite et le raciste peuvent pareillement biologiser le juif et le Noir, en les renvoyant à des essences, mais le juif peut essayer de pénétrer le monde des gentils par l’assimilation alors que le Noir ne peut pas échapper à sa couleur. C’est pourquoi, selon Fanon, « le nègre représente le danger biologique ; le juif, le danger intellectuel » (Fanon). Et c’est pourquoi la « color-line » a joué un rôle si important dans les relations judéo-noires. Nicole Lapierre a analysé le phénomène de la « mimesis noire », rendue célèbre dans la culture de masse par The Jazz Singer, le premier film parlant réalisé en 1927 par Alan Crosland, produit par les frères Warner et interprété par Al Jolson (AsaJoelsen, d’origine judéo-lituanienne). Ce film s’inscrit dans la tradition du Minstrel, un spectacle extrêmement populaire au tournant du XXe siècle mettant en scène des Blancs qui, déguisés en Noirs, se produisaient dans un répertoire de musique et de danse nègres. Très prisé par les acteurs juifs depuis la fin du XIXe siècle, ce genre comique a été interprété tantôt comme l’expression d’une adhésion aux stéréotypes racistes de l’époque, tantôt comme le révélateur d’une solidarité judéo-noire fondée sur l’identification d’une minorité opprimée à une autre. Le blackface, suggère Nicole Lapierre, a favorisé l’américanisation des migrants juifs qui, « en noircissant, se faisaient plus blancs » (Lapierre). Lorsqu’ils étaient encore victimes de discriminations, les Minstrels les aidaient à se situer du bon côté de la « color-line », parmi les Blancs. Ce procédé mimétique consistant à se mettre dans la peau de l’ Autre est à l’origine des transferts culturels judéo-noirs du XXe siècle (qui poursuivront ensuite d’autres buts et d’autres stratégies).

    C’est par un effort emphatique poussant ses acteurs à franchir la « ligne de couleur » que la Negro-Jewish Alliance a pu voir Je jour. Par le déplacement qu’elle implique, cette empathie rend possible une remise en cause de soi-même tout à fait fructueuse. C’est un détour par lequel des juifs et des Noirs ont élargi leurs horizons, en inscrivant leur réflexion et leur combat dans une perspective plus large, en découvrant des affinités et en nouant des alliances. En 1949, la visite des ruines du ghetto de Varsovie avait aidé l’historien afro-américain W.E.B. Du Bois à comprendre que le racisme ne se réduisait pas à la « color-line » , donc à « sortir d’un certain provincialisme vers une conception plus large des manières dont la lutte contre la ségrégation raciale, contre la discrimination religieuse et l’oppression des pauvres devait évoluer » (Du Bois).

    La « ligne de couleur » renvoie donc à une question historique plus large qui est au cœur du combat de Frantz Fanon, tout en restant absente ou cachée dans ses réflexions sur l’antisémitisme : la question coloniale. Les juifs ont été, pendant des siècles, le paradigme de l’altérité au sein du monde occidental, au cœur de l’Europe et de sa culture, en devenant un marqueur négatif dans le processus de construction des identités nationales ; les colonisés ont été le paradigme d’une altérité située en dehors de la « civilisation, une altérité dont l’Europe avait besoin afin de légitimer sa domination et de dessiner son autoportrait de culture et de race supérieures. Ces deux paradigmes ont été complémentaires mais ils étaient dissociables. Les juifs émancipés pouvaient s’assimiler et franchir la « ligne de couleur ». Ainsi, Cesare Lombroso pouvait apporter sa contribution aux doctrines du racisme fin-de-siècle, dans un ouvrage intitulé L’Homme blanc et l’Homme de couleur (Lombroso, 1892), et Theodor Herzl, quelques années plus tard, mettre en avant les bienfaits du sionisme en Palestine : « Pour l’Europe, nous constituerions là-bas un avant-poste contre l’Asie, nous serions l’avant-garde de la civilisation contre la barbarie » (Herzl).

    L’adhésion des juifs au racisme rencontrait l’obstacle puissant de l’antisémitisme qui, en dépit de leur culture et de leurs choix, les renvoyait dans le camp des dominés ou les faisait apparaître comme des intrus dans le camp dominant. Cela avait créé les conditions d’une rencontre entre les juifs et les colonisés, dans une sorte d’osmose d’antifascisme et d’anticolonialisme. Pendant la guerre d’Algérie, en faisant écho à La Question d’Henri Alleg, Jean Améry voyait dans la torture plutôt que dans les chambres à gaz l’essence du nazisme, et le photographe Adolfo Kaminsky expliquait pourquoi il s’était mis à fabriquer des faux papiers pour les militants du FLN : la chasse aux Algériens et les contrôles au faciès dans les rues de Paris étaient intolérables pour un homme qui, seulement quelques années plus tôt, avait connu les mêmes pratiques mises en œuvre par la Gestapo contre les juifs."

    Enzo Traverso

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2014/01/de-lalliance-judeo-noire.html