person:thierry merret

  • Double jeu

    Faire une série de retours sur l’histoire de la #FNSEA, nous permet de mieux comprendre la dose de violence et d’impunité consentie par l’État aux agriculteurs. La FNSEA a toujours eu un comportement ambigu ; d’un côté, elle attise la colère des agriculteurs, et de l’autre, elle se pose en médiatrice incontournable entre eux et l’État pour régler les crises à sa façon ; quitte à se faire huer par sa base comme ce fut le cas à Paris en septembre 2015 pour Xavier Beulin, homme d’affaires et capitaliste notoire(1) et président de ladite FNSEA.

    Dès sa fondation, en 1946, la FNSEA domine le paysage syndical. Par la suite, ni le MODEF(2) (d’orientation socialiste), ni le CNJA (centre national des jeunes agriculteurs) ne pourront sérieusement menacer le monopole de la FNSEA. Depuis le début, ce leadership convient parfaitement à l’État dont c’est l’unique interlocuteur. La France agricole de l’après-guerre vit une profonde mutation puisque en moins de vingt-cinq ans se met en place un modèle d’agriculture intensive qui fera de l’État français l’une des premières puissances agricoles d’Europe. La FNSEA a toujours soutenu cette orientation et, pour parvenir à ses fins, elle a, dès 1961, mis en œuvre l’emploi de la violence en organisant des manifestations particulièrement musclées dont les premières du genre se déroulèrent en Bretagne. Cette politique se révéla payante car les pouvoirs publics y cédèrent sur une série de revendications majeures.

    Dans les décennies suivantes, au gré des crises (surproduction, sécheresse, etc), caillassages de préfectures, blocus de gares, descentes dans les supermarchés, etc deviendront monnaie courante. Le paroxysme sera atteint en 1976, quand des viticulteurs en colère tueront un commandant de CRS à la carabine approvisionnée en munitions pour gros gibier et en blesseront 28 autres. L’enquête n’aboutira jamais, conformément à une tradition d’impunité solidement ancrée et qui resurgira avec les bonnets rouges .

    En 2013, la FDSEA(3), encouragée par son président, Thierry Merret, met en mouvement les légumiers de Bretagne mécontents des contraintes fiscales et administratives. Ils incendient le centre des impôts et les locaux de la MSA de Morlaix ; ils vont jusqu’à retarder l’arrivée des pompiers par un ballet de tracteurs et en leur déversant des tonnes d’artichauts sous les pieds. Ils ont droit alors aux plus vives félicitations de Thierry Merret (alors qu’au regard du droit, certains faits sont d’une extrême gravité). Trois jours plus tard, conjointement rédigé par le syndicat et la chambre d’agriculture de Bretagne, un communiqué hypocrite tout à la fois regrettait « le recours à des actions violentes » et les justifiait en affirmant que « La profession tout entière n’encourage pas à l’excès, mais elle ne sait plus comment se faire entendre afin que des mesures efficaces et rapides soient prises ! ». En fait, notre impression est qu’elle sait trop bien comment se faire entendre ! Malgré l’enquête, Thierry Merret ne sera pas inquiété et les forces de l’ordre feront mine de ne pas pouvoir identifier les auteurs des faits.

    A l’image de feu X. Beulin, les dirigeants FNSEA sont des notables souvent de droite, maires de leurs villages, administrateurs de coopératives, de la MSA et/ou du crédit agricole. Malgré que les manif’ organisées par la FNSEA aient causé des centaines de millions FF de dégâts, François Guillaume, après de bons et loyaux services (1979 à 1986) comme président de la FNSEA, devient ministre de l’agriculture sous Chirac, entre 1986 et 1988. Cette nomination est un signal clair en direction de la FNSEA et de ses méthodes. C’est une reconnaissance pure et simple, par l’État, de ses actions violentes ; pour le passé et l’avenir.

    Au fur et à mesure, la FNSEA s’est professionnalisée et aujourd’hui son expertise est appréciée jusqu’à Bruxelles. Elle est devenue une entreprise capitaliste plus soucieuse de ses parts de marchés et de ses profits que du monde agricole et des agriculteurs. Si les agriculteurs de la Fédération nationale des jeunes exploitants familiaux (FNJEF), liée au Modef, déclarent : « Si le système ne fonctionne pas, il faut changer le système » et que la Confédération paysanne déclare que « les plans d’allégements des charges ne changent rien car on ne s’attaque pas aux racines du mal », nous savons qu’ils sont uniquement motivés par une volonté de s’assurer des privilèges. Si nous sommes d’accord sur le principe qu’il faut changer de système, nous ne sommes pas, pour autant, d’accord avec les objectifs corporatistes poursuivis par les différentes organisations d’agriculteurs.

    Adhérer à la FNSEA, c’est aussi bénéficier de réductions diverses, façon comité d’entreprise, avec la « carte moisson » (réductions pour matchs de foot, pour décathlon, etc), y compris chez… le grand ennemi (carrefour & co). Les fédérations encaissent, au passage, un pourcentage sur les ventes ; ce qui revient à pratiquer ce que la FNSEA, elle-même, dénonce, à savoir, les marges arrières. Bien entendu, les exploitants agricoles ne se doutent pas des rétrocessions au profit des FDSEA.

    Lors de la grande grève du lait de 2009, la FNSEA dénonce à grand fracas les marges exorbitantes de la grande distribution. La réalité est toute différente. Entre 2005 et 2009, la marge des transformateurs (mise en boîte du lait, fabricants de beurre ou yaourt) a beaucoup plus augmenté que celle des distributeurs. Selon le ministère de l’agriculture, sur le prix de vente au public d’une brique de lait, la grande distribution s’octroie 18 %, le producteur reçoit moins de 30 % et le transformateur en prend la moitié ! Or, ce qui est le « plus amusant », c’est que si, parmi ces transformateurs, il y a des industriels, il est à noter qu’il y a aussi de nombreuses coopératives tenues par des organisations membres de… la FNSEA ! Par exemple, la plus importante de France, la société SODIAAL, avait comme président de son conseil d’administration Damien Lacombe, fils d’un Raymond du même nom qui fut président de la FNSEA de 1986 à 1992 !…

    Ce double jeu ayant été éventé, nombre d’agriculteurs quittèrent la FNSEA et continuèrent à livrer leur lait à des coopératives laitières qui, en fait, adhèrent à la FNCL (Fédération nationale des coopératives laitières) qui n’est autre qu’une antenne de la FNSEA qui, à l’évidence, centralise le pouvoir. Ce mécontentement, palpable chez les producteurs, se traduisit par quelques déboires électoraux avec la perte, par exemple, du contrôle d’une chambre d’agriculture au profit de la coordination rurale. Cependant, le monopole de la FNSEA demeure solide ; d’autant plus que cette dernière sait se rendre indispensable sur le front juridique et bancaire. Beaucoup d’exploitants agricoles sont empêtrés dans des situations difficiles, criblés de dettes et de problèmes juridiques. Coincés, ils sont souvent obligés d’adhérer à la FNSEA malgré leur aversion car c’est elle qui octroie prêts et « facilités ». La baisse continuelle du nombre d’agriculteurs depuis un demi siècle est la preuve d’une politique délibérée d’asservissement et d’une guerre d’usure contre les petits paysans. La FDSEA n’hésite pas à les mobiliser contre leurs intérêts tout en les manœuvrant dans des actions spectaculaires afin d’entretenir chez eux l’illusion d’actions efficaces, sauf que l’efficacité est, en définitive, destinée à promouvoir une politique de grands propriétaires. La FNSEA est, également, bien implantée au niveau des commissions d’installation ce qui lui permet de favoriser ceux qui y adhèrent ; obligeant ceux qui souhaiteraient rester indépendants ou qui voudraient se tourner ailleurs, à la rejoindre.

    Le nombre d’exploitants agricoles ayant été divisé par quatre entre 1955 et 2015, il est aujourd’hui inférieur à 500 000. C’est là le résultat de la politique agricole menée par l’État et la FNSEA qui s’est faite au bénéfice des agriculteurs les plus riches, dirigeants ou membres importants de ce syndicat. Ces dirigeants sont les gagnants de cette politique car ils ont pu moyennant les aides du Crédit Agricole (où ils ont leurs entrées) agrandir leurs propriétés en rachetant les terres abandonnées par leurs anciens collègues et en même temps s’enrichir en profitant, en tant que notables, du formidable développement du système coopératif agricole. Le crédit agricole, au niveau bancaire, et les coopératives, au niveau de l’agro-industrie, sont des puissances économiques de premier ordre.

    Malgré les manifestations fréquentes et spectaculaires, il y a une profonde identité de vue entre l’État et la FNSEA sur un objectif à long terme, connu sous le terme de PAC et fixé par la loi de modernisation de l’agriculture française de 1962 : Bâtir une agro-industrie puissante, centralisée et fortement capitalisée. Si la FNSEA doit prendre quelques libertés avec les règles en chemin pour protéger et développer ce secteur, qu’elle les prenne. Les pouvoirs publics ferment les yeux. Dans une confusion des genres, Bernard Lannes de la Coordination rurale (proche de l’extrême-droite), concurrente de la FNSEA, dénonçait : « … la FNSEA [qui] organise des pseudo-manifestations pour râler contre des décisions prises en cogestion avec l’État ».

    @Anarchosyndicalisme ! n°158 / Mars - Avril 2018
    http://cntaittoulouse.lautre.net

    Notes :

    ₁ En 2011, Xavier Beulin soutenait la proposition de loi du sénateur Christian Demuynck (UMP) visant à transposer un règlement européen de 1994 destiné à protéger les obtentions végétales et dont la conséquence pour les agriculteurs est que, s’ils veulent ressemer leur propre récolte, ils doivent verser une « rémunération aux titulaires des certificats d’obtention végétale » que sont les semenciers. Xavier Beulin était non seulement à la tête de la FNSEA, mais dirigeait également le groupe Sofiproteol qui détient des participations dans plusieurs grands groupes semenciers français (Euralis Semences, Limagrain, RAGT Génétique, Serasem
    – groupe InVivo)

    ₂ Mouvement de défense des exploitant familiaux

    ₃ Fédération Départemental des Syndicats d’Exploitants Agricoles

  • Dans la nuit de mercredi à jeudi à Heuringhem, dans le Pas-de-Calais, un opposant à une ferme-usine de 4 500 porcs se réveille en sursaut : de la paille et un pneu brûlent devant chez lui. Des intimidations qui pourraient être le fait de militants FDSEA, mécontents d’une décision de justice défavorable à la ferme-usine.
    http://reporterre.net/Des-partisans-d-une-ferme-usine-menacent-par-le-feu-l-association-ecolog
    Le projet a été lancé en 2011 mais a subi un coup d’arrêt avec la suspension du permis de construire en octobre 2013. Après un an et demi d’arrêt des travaux, le tribunal administratif de Lille a rendu lundi dernier sa décision : l’annulation partielle du permis de construire.

    Cette décision de justice ne semble pas avoir été acceptée par les défenseurs du projet. Jean-Michel Jedraszak de l’Aives est choqué : « Moi, je m’attaque à un bout de papier ; ça n’a rien à voir avec ce qu’il vient de se passer. » La Confédération paysanne quant à elle ne mâche pas ses mots. Elle condamne « fermement le comportement irresponsable des membres de la FDSEA 62, poussés par leur président à perpétrer des actes qui méritent la qualification de fascistes. »
    Le président de la FDSEA 62, Pierre Hannebique, trouve le terme tranché et il répond qu’« on nous parle des méthodes de la FNSEA mais regardez celles de la Confédération paysanne qui va démonter une salle de traite... » Mettre sur le même plan une action de démontage en plein jour sur le site de la ferme-usine des milles vaches et une autre qui déclenche un feu devant une habitation la nuit ne semble pourtant pas relever du même registre. Le président de la FDSEA 62 le reconnaît, « la réaction à la décision du tribunal est disproportionnée ». Quant aux feux déclenchés dans la nuit de mercredi à jeudi, il ne la revendique pas mais ne la nie pas non plus. « Je comprends que certains soient en colère et agissent ainsi, mais je ne cautionne pas. »
    La réponse n’étonne pas, elle a déjà été entendue à de nombreuses reprises. On se souvient de la #FNSEA qui avait piétiné des ragondins à Nantes. Réaction de Xavier Beulin, le président national : « Je considère que c’est une connerie et je ne cautionne pas ce type de dérapage. »
    Il y avait eu en septembre 2014 l’incendie du centre des impôts et de la Mutualité sociale des agriculteurs dans le Finistère. Déclaration de Xavier Beulin, président national du syndicat qui a temporisé en expliquant que « c’est une action d’une violence certaine qui traduit malheureusement une exaspération, une détresse très forte dans le monde agricole aujourd’hui ». De son côté, le président départemental du syndicat agricole, Thierry Merret, avait carrément soutenu les délinquants, déclarant : « Je tire un coup de chapeau à ceux qui ont osé faire ce qu’ils ont fait. »

    #brown_tech #délinquants #agro-industrie
    voir aussi
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  • La FDSEA 29 réécrit le SDAGE Loire Bretagne
    http://www.eauxglacees.com/La-FDSEA-29-reecrit-le-SDAGE-Loire

    M. Thierry Merret, président de la fédération départementale du syndicat agricole majoritaire du Finistère, pourfendeur enragé depuis des lustres de toute réglementation environnementale vient d’adresser une lettre-circulaire à tous les maires de son département, dans laquelle il leur demande tout bonnement de faire adopter une motion par leur conseil municipal aux fins de faire pression sur l’Agence de l’eau et le comité de bassin, et d’oter au SDAGE en cours d’examen toute ambition environnementale. (...)

  • Dérives fascistes à la FNSEA ?
    http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-cougnoux/210415/derives-fascistes-la-fnsea

    Dérives fascistes à la FNSEA ?

    21 avril 2015 | Par Laurent Cougnoux

    Mais que se passe t-il à la FNSEA ? Les opérations musclées se succèdent, menées par des agriculteurs pour le moins en colère, qui utilisent en toute impunité la violence pour se faire entendre : contre les Roms, contre l’État, contre les Zadistes, contre les écolos… Ne doit on y voir que le mal être de citoyens en proie aux marchés financiers, ayant perdu la considération de l’opinion publique face aux dérives de leurs méthodes de production, ou bien donner un sens politique à toutes ces exactions ?

    En juin 2013, l’opération « récupérons nos terres » (1), organisée par une cinquantaine d’agriculteurs se revendiquant de la FNSEA, délogeaient des familles de gens du voyage qui occupaient un bout de terrain en friche d’une exploitation agricole dans le canton de Houdan (Yvelines), en les aspergeant de tonnes de lisier. L’affaire n’a fait que peu de bruit dans les médias, pourtant de nombreuses associations (2) se sont alors insurgé contre ces méthodes : « C’est à l’État et aux collectivités locales de gérer la situation, pas à une organisation syndicale de « jouer les auxiliaires de police en faisant justice elle-même par une action moralement scandaleuse et syndicalement irresponsable ». La fédération département du syndicat se bornant à dénoncer « une fois de plus l’inertie de l’administration, qui ne remplit pas son rôle de protection de la propriété privée et qui, par là même, cautionne la transgression des lois ».

    En septembre 2013, des agriculteurs syndiqués (FDSEA du Morvan) saccagent le siège du Parc national du Morvan. Ces agriculteurs sont fous de rage à la suite d’une enquête publique relative à des mesures de protection et de restaurations des rives des cours d’eau et des zones humides, s’adressant principalement à des agriculteurs volontaires et financièrement aidés. Pour protester, des tonnes de fumier sont épandues, des tranchées creusées dans des prairies humides, des feux de pneus et de paille allumés. Le journal de l’Environnement relate (3) : « La scène s’est déroulée le 18 septembre dernier dans le domaine de la Maison du parc naturel régional du Morvan, à Saint-Brisson (Nièvre). C’est là que près de 70 engins agricoles et leurs quelque 150 conducteurs, encartés à la FDSEA du département, chez les Jeunes Agriculteurs ou sans étiquette, ont convergé pour quelques heures d’un face-à-face tendu avec les responsables du PNR. Le tout sous le regard placide des gendarmes, qui ont laissé les alentours soignés de la Maison du parc se transformer en terrain vague boueux, pendant que des agents du parc se faisaient prendre à partie par des agriculteurs »

    En septembre dernier, des agriculteurs bretons brûlent les bâtiments de la Mutuelle Sociale Agricole (leur caisse de sécurité sociale) et des Finances Publiques à Morlaix. Le président de la FDSEA du Finistère, Thierry Merret, félicite publiquement les auteurs du saccage de Morlaix dans un communiqué : « Je tire un coup de chapeau à ceux qui ont osé faire ce qu’ils ont fait. Il faut relativiser, il n’y a pas eu mort d’homme, c’est une forme de témoignage pour dire : Écoutez-nous et un raz-le-bol des besogneux qui sont seulement bons pour avoir des contrôles ».

    En ce mois de septembre, 4 actes violents ont eu lieu contre des bâtiments publics, à Morlaix mais aussi Toulouse, Sarrebourg et Questemberg). À ce jour aucune poursuite judiciaire n’a été engagée...