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    Robert Crumb, l’homme qui aimait les rondes
    Par Thomas Bauder| 9 août 2012

    Longtemps incomprise, la représentation du corps féminin par Robert Crumb est enfin mise en valeur dans une rétrospective d’ampleur au Musée d’art moderne de la ville de Paris.

    Il fut un temps, pas si éloigné de nous, où les sites pornographiques du web n’existant tout simplement pas, où les salles de cinéma X étant interdites au moins de dixhuit ans, où l’abonnement à Canal plus constituant encore l’apanage d’une élite sociale dotée des moyens financiers suffisants pour suivre le film hard du samedi soir, il ne restait à l’adolescent hétérocentré, en pleine montée hormonale, et désireux de découvrir la terrae incognitae de l’Être féminin que deux solutions. Soit le recours aux magazines de photographies plus ou moins soft qui s’échangeaient sous les parkas à la sortie du bahut, soit la lecture de bandes dessinées « pour adultes ». Alors qu’il ne faisait aucun doute, même pour le pubère moyen non conscientisé, que la première option ne proposait rien d’autre que la reproduction ad nauseum d’un seul et même schéma symbolique, la bédé offrait, elle, une variété de représentations de personnages féminins. Aux côtés d’auteurs tels Guido Crépax, Georges Pichard ou Milo Manara, Robert Crumb tint, dans ce joyeux enfer, une place à part. D’abord parce que le représentant le plus éminent de l’art séquentiel underground, ne se faisait pas, contrairement aux dessinateurs sus cités, une spécialité de la bédé de cul, ensuite parce que l’ironie, l’autodérision, la désacralisation de la représentation du corps masculin avec ces types chétifs et malingres, introduisait dans ses planches une distanciation critique salutaire vis-à-vis de sa propre vision graphique du corps féminin. Pour autant le travail de Robert Crumb se caractérise par une monomanie flagrante pour les corps particulièrement galbés. Femmes corpulentes, géantes aux jambes robustes, nanas poilues, filles dotées de culs proéminents, la représentation de la femme selon Crumb a tout de la fixette fétichiste. Pourtant, derrière ce qui put apparaître aux féministes américaines de l’époque, comme un regard torve tout aussi aliénant que la vision dominatrice masculine, il faut reconnaître à Crumb d’avoir rendu in fine possible la perception d’un contre-modèle féminin, de la possibilité d’un rapport alternatif au (x) corps. Revoir Crumb aujourd’hui, c’est prendre toute la mesure de la tendresse qu’il exprime dans ses traits de crayons hachurés. C’est le découvrir aussi comme le Rodin underground qu’il n’aura jamais cessé d’être. Un classique au Musée d’art moderne.