person:thomas deschamps

  • J – 25 : Daniel,

    Admettons, pour commencer, que quand je dis Désordre , avec un D majuscule et en italique, je parle de mon travail, que quand j’écris « désordre » sans italique et sans majuscule, je parle d’une situation désordonnée et que quand j’écris « desordre » (sans accent et tout en minuscules), généralement à l’intérieur d’une graphie de ce genre http://www.desordre.net , je donne le chemin de quelques vérifications possibles en ligne. Le Désordre est curieusement affaire d’appeler les choses par leur nom, d’appeler un chat un chat.html.

    Daniel, tu me demandes un texte de quelques pages à propos du Désordre . Cela arrive de temps en temps que l’on me demande un telle chose, la dernière fois c’était pour le Festival de littérature de Solothurn en Suisse, d’où j’avais rapporté un très mauvais livre à propos de Proust, quelques secondes de films d’animation réalisées avec de la pâte à modeler dans le cadre luxueux de ma chambre d’hôtel dans laquelle je me suis ennuyé ferme pendant deux jours, et dans laquelle j’ai hérité d’une colonie de punaises de lit qui auront empoisonné mon existence pendant presque six mois. La Suisse. La semaine dernière j’ai reçu deux textes d’un jeune universitaire qui a décidé, il y a deux ans, d’étudier le Désordre , je pourrais être sans vergogne et tout pomper sur de telles études sérieuses, mais voilà elles sont exprimées dans une langue que ni toi ni moi ne parlons. Et puis ce serait ignorer que la générosité est le sentiment qui a le plus cours entre nous deux. Le Désordre est un flux, il se modifie sans cesse, il s’augmente sans cesse.

    Je pourrais, j’en suis sûr, écrire une fiction à propos de ce site, une sorte de nouvelle à tiroirs et il y en a quelques-uns, des tiroirs, dans ce site et dans son histoire périphérique, celle de mon existence finalement, quelques rebondissements ont connu leurs premières secousses à l’intérieur même du site, en les agençant un peu différemment de la façon dont ils se sont produits, je parviendrais bien à quelque chose, mais j’ai compris que ce n’était pas ce que tu attendais. Pourtant le Désordre est une fiction. La mienne.

    Je pourrais, je finirais par en trouver le moyen, créer une manière de site dans le site qui permettrait de canaliser, fixer, un parcours dans le site et qui serait, de ce fait, une sorte de fiction aussi, mais alors j’aurais le sentiment de trahir quelques-unes de mes intentions premières dès le début de la construction du site, à savoir rendre le parcours aussi chaotique, désordonné et aléatoire que possible, au point que, désormais, plus personne ne peut vraiment faire le même parcours dans ce fichu site et lorsque des personnes échangent à son propos, je ris sous cape qu’ils ne savent pas qu’ils ne peuvent pas parler de la même chose, qu’ils n’ont pas vu la même chose et pourtant ils semblent s’entendre. Ce sont les visiteurs du Désordre qui font le Désordre .

    Je pourrais à l’inverse, j’en ai les moyens, en programmation, rien de plus facile, ajouter du désordre au Désordre , donner à l’aléatoire une plus grande part encore, mais alors cela pourrait très bien être en vain, le nombre de possibilités existantes est déjà très grand, on parle de nombre gogol et de nombre gogolplex qui sont des nombres qui tutoient l’infini (un gogol est égale à 10 puissance 100, et un gogolplex est égale à 10 puissance gogol), en fait pour tout te dire, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le nombre de combinaisons possibles dans l’agencement des presque 300.000 fichiers du Désordre est pour ainsi dire aussi grand que le nombre d’atomes que l’on pourrait serrer dans l’univers connu. Personne ne s’apercevrait de cette aggravation du Désordre . C’est si grave que cela. Le Désordre est au-delà du vaste, il n’est pas infini, bien sûr, mais il est asymptotique à l’infini. Chuck Norris a compté jusqu’à l’infini. Deux fois.

    Je pourrais aussi, avec force copies d’écran te décrire le Désordre vu de l’intérieur et te montrer comment pour atteindre une telle dimension de Désordre , en donner le sentiment, il convient, pour moi, pour m’y retrouver, d’ordonner les choses avec un soin maniaque quand ce n’est pas totalitaire, il y a là un paradoxe très étonnant, bien que facile à comprendre, je pense que tu en as eu un aperçu quand nous avons travaillé ensemble dans le garage pour ton recueil du poèmes visuels dans le Désordre , sans doute l’une des plus belles réalisations du Désordre et quel plaisir c’était, pour moi, de t’offrir de telles possibilités, dans une confiance désormais acquise et mutuelle, même si de haute lutte par le passé. J’ai fait du chemin depuis Barjavel, non ? http://www.desordre.net est parfaitement rangé et ordonné, pour mieux donner une impression de désordre, laquelle est grandement obtenue par des effets de programmation. Le désordre est un programme en soi. Et il est paradoxal.

    Je pourrais, je vais le faire, c’est désormais un peu de cette manière que je procède en toutes chose, inclure ce texte, que tu me demandes, à l’intérieur même d’un projet en cours, qui est lui-même un projet qui surplombe le Désordre , Qui ça ? sorte de chronique de la catastrophe en cours et pour laquelle je refuse désormais d’avoir le moindre regard, elle est inévitable, avant qu’elle ne se produise, agissons et prenons l’habitude désormais d’agir selon notre guise, tout comme je le dédicace à cet ami poète, Laurent Grisel, nos agissements sont tellement plus précieux que les actes misérables qui nous gouvernent, et alors ce serait un tel plaisir de tisser depuis ce texte que je suis en train d’écrire le faisceau abondant des liens hypertextes qu’il suscite, et tu serais bien embêté plus tard pour tâcher de trouver le moyen d’accueillir tout cela dans la cadre restreint d’une revue papier, NUIRe. Plus j’y pense et plus je me dis que c’est ce que je devrais faire, rien que pour te mettre un peu dans l’embarras, pour t’embêter gentiment. Le Désordre n’est pas plat, il compte des épaisseurs, une profondeur qui doivent concourir au sentiment de désordre. Le Désordre est une mise en abyme. http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/index_186.htm

    Je pourrais, je dois le faire, rappeler utilement que je ne suis pas le seul contributeur du Désordre , par exemple il est important de savoir que j’ai commencé à travailler au Désordre en 1999, mais qu’à partir de 2003 j’ai reçu de temps en temps, à ma demande, l’aide précieuse de mon ami Julien Kirch - @archiloque - qui a su fabriquer pour moi des outils remarquables pour mieux semer le désordre. Que tout au long de la construction j’ai reçu les avis éclairés et avisés d’autres personnes, notamment L.L. de Mars, que j’ai fait partie de collectifs qui ont nourri mon travail, le Terrier , remue.net, Le Portillon , seenthis.net et que le Désordre m’a permis aussi de travailler (et de les rencontrer) avec des musiciens d’exception, Dominique Pifarély et Michele Rabbia, que le Désordre a connu un développement inattendu dans le numéro 109 de Manière de voir et quel plaisir cela a été de rencontrer et de travailler avec @fil, @mona et Alice, que d’une façon plus ou moins directe il m’a permis de trouver un éditeur, grâce soit rendue à Sarah Cillaire, Hélène Gaudy et Mathieu Larnaudie, les parrain et marraines d’ Une Fuite en Egypte et enfin, et surtout, que le Désordre accueille aussi en son sein les travaux remarquables d’amis, parmi lesquels, Jacky Chriqui, Hanno Baumfelder, L.L. de Mars, Martin Bruneau, Isa Bordat, Karen Sarvage, Ray Martin, Barbara Crane et Robert Heinecken, Thomas Deschamps (qui a composé l’une des plus belles pages du Désordre), Eric Loillieux, Vincent Matyn, Pierre Masseau, Jean-Luc Guionnet, Stéphane Rives, Lotus Edde Khouri et, donc, toi, Daniel, Daniel Van de Velde, devande. Le Désordre c’est aussi une histoire de mes amitiés et de ce qu’elles m’ont apporté d’immenses richesses et de communes préoccupations, regarde, en tête de ce texte, qui passait par l’infini, je n’ai pas hésité longtemps pour ce qui est du choix d’une image, pouvait-il y avoir de plus remarquable illustration, le mot est mal choisi, qu’une photographie de l’une de tes merveilleuses sculptures au travers desquelles on jurerait voir l’infini.

    Je pourrais rappeler que l’une des dimensions supérieures du Désordre c’est une manière de sauvegarde des joies et des beautés du quotidien. Tu as dit à propos de ce texte, que tu me demandes, que tu pourrais m’aider à y contribuer, je pense que sur le sujet de ce quotidien, de son ressassement heureux, enchanté par moments, et d’un certain arbre du bois de Vincennes, tu sauras dire quelques très belles choses, je laisse donc quelques lignes blanches pour toi.



















    Je pourrais faire la liste des erreurs et des ratages du Désordre , il y en a eu quelques-unes, et même quelques errements, et des obstinations de ma part qui ont parfois fait courir de grands périls à l’ensemble, des fois je suis allé trop loin, d’ailleurs rien ne m’assure que cela ne soit pas déjà le cas. En fait chaque fois que je travaille au Désordre je cours le risque de tout faire échouer ou encore d’ajouter des éléments faibles qui ne rendent pas justice aux autres réalisations, plus réussies, du Désordre et cela fait presque dix-huit ans maintenant que le Désordre menace presque tous les jours de s’effondrer. Le Désordre est fragile. Et il aura une fin. Elle ne sera pas nécessairement heureuse, ni réussie.

    Je pourrais écrire n’importe quoi, dire du Désordre des choses qui ne seraient pas vraies, qui ne seraient pas entièrement fausses non plus, en quelque sorte des choses qui ne me concerneraient pas. Et cela permettrait, nul doute, de faire diversion, d’attirer le regard vers des directions opposées à celles qui sont en fait au cœur du site, notamment le combat, le combat pour la vie, pour la survie, le combat pour Nathan, le combat pour les enfants, le combat pour faire accepter certaines manières de faire les choses, de voir le monde, d’y participer, le combat politique en somme, le combat ce n’est pas la partie la plus visible du Désordre et pourtant elle est là, jamais très loin, et jamais en grattant beaucoup, on y voit mon corps et mon cœur fatigués tous les deux par le combat, mais mon corps et mon cœur heureux, cela oui aussi. Le Désordre est un combat perdu d’avance, mais qu’on ne peut pas refuser. C’est mon côté Don Quichotte du Val-de-Marne.

    En tout cas c’est un combat qui me laisse désormais sans force. Un jour que des lycéens, dans le cadre de je ne sais plus quelle expérience de leur cursus - guidés en cela par leur excellent professeur de philosophie, mon ami Alain Poirson, qui a été, aussi, pour moi, un professeur de philosophie, et quel ! -, m’avaient soumis au questionnaire de Proust, à la question comment est-ce que j’aimerais mourir, j’avais répondu sans hésiter : épuisé. Ça finira par arriver un jour, c’est sûr.

    Im freundschaft, mein lieber Daniel, im Freundschaft.

    #qui_ca

  • J – 60 : Le désordre dans le garage s’augmente parfois paradoxalement du désordre dans mon ordinateur. Je tente d’y remettre un peu de raison. Et je tombe par exemple sur le scan de ce dessin que j’avais fait pour le camarade @archiloque pour une page un peu curieuse du Désordre , l’Algorithme de la faim (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/bouquets/011.htm), un récit de science-fiction, pourtant pas mon genre, encore que je songe, de plus en plus, à écrire la Passagère , d’après Passengers — vous devinez sans mal que l’idée serait de reprendre ce film qui n’est fait ni à faire et prendre comme point de départ que ce soit une femme et non un homme qui soit accidentellement réveillée — et en même temps, dans une répertoire voisin je tombe sur des schémas que j’avais brouillonnés pour une demande de Barbara Crane (http://barbaracrane.desordre.net) qui souhaitait que je fasse une sorte de mini site à l’intérieur de son site et qui mette en avant un certaine nombre de ses si nombreux travaux. Les deux pensées se télescopent et je souris à l’idée de faire plus ou moins la même chose avec le Désordre , non pas nécessairement une compilation de ses réalisations les plus saillantes, non, plutôt le contraire, une ballade au travers de quelques pages oubliées, même par moi, et pour cela il me suffit de reprendre les pages d’archives de la nouveauté (sic). Et au passage, dans cet inventaire, si je vois des éléments qui pourraient être améliorés, je ne me gêne pas.

    Misfortune de mon ami Greg Ligman.
    Solo et 100 raisons de l’Ami des blés.
    Les Vœux de Georges Perec. Passez vite votre chemin si vous êtes allergique aux calembours.
    Mail Pornography (et je donnerai cher pour savoir où j’ai bien pu ranger les originaux — quelque part dans le garage n’en doutons pas).
    20030422.txt (sur le mode de l’Adam Project de Timothy Rolin
    Les jeux de Memory (première collaboration avec Julien — @archiloque)
    Les deux chroniques de deux concerts de l’ensemble du Ryôan-Ji
    Libre comme le plomb de Jacky Chriqui
    Finalement une nouvelle écrite sous vos yeux. Ce qui quelques années plus tard devient simplement une nouvelle, pas sûr d’ailleurs que quiconque l’ai vue écrite sous ses yeux. C’est l’intention qui compte.
    Le Wiki du Désordre et je devrais sans doute essayer de reprendre ce truc, c’était assez marrant à faire, en plus c’était un truc que je pouvais faire depuis n’importe où, par exemple depuis le travail.
    Ma modeste contribution de graphiste au projet des professeurs Harmuth et Sanders de l’Université de Carlisle dans l’Etat de New York
    La page de liens du Désordre. Sur une idée de Julien.
    L’Autoportrait en carrés (et le temps que j’ai pu y passer)
    Le plan du Désordre qui a longtemps servi de page d’accueil, je devrais peut-être l’inclure dans les possibilités de tirage au sort de la page actuelle.
    Je me souviens de Robert Heinecken , un hommage à mon maître. Un de mes maîtres. Comme j’étais triste d’apprendre sa mort.
    Trois girafes et deux limaces de Thomas Deschamps l’une des plus belles pages du Désordre n’est pas de moi.
    Quoi maintenant ?
    Surexposé.
    Le petit journal
    Formes d’une guerre , la partition visuelle.
    Pechakucha à la bibliothèque de Bagnolet
    Les Apnées
    La dernière debout , sur une idée jetée en l’air et reprise de volée par Julien
    L’Image enregitrée
    Les Fruits mûrs
    Considère la fin avec une musique de L.L. de Mars et C. de Trogoff
    Demain sera aujourd’hui même si tout s’arrête .
    Contre
    L’immuable en question
    Bataille avec Pierre Massaud
    Fracture d’âme avec Dominique Pifarély
    Le Quotidien (neuf années de photographies quotidiennes, cela fait 9X365 images que j’ai combinées de 365x364x363x362x361x360x359x358x357 manières différentes).
    Grille de lecture avec Daniel Van De Velde
    Carroussel
    Les Sillons , peut-être ce que je préfère dans tout le Désordre
    Les Images de l’accumulateur (avec L.L. de Mars)

    Tenez, je crois que je vais appeler cela le Tour du Désordre en 36 jours .

    http://www.desordre.net/labyrinthe/tour/index.htm

    #qui_ca

    • Cher Philippe de Jonckheere,

      Je me permets de vous contacter car dans le cadre de ma thèse (en littérature contemporaine - elle porte sur l’anarchie dans la création contemporaine ; vous pouvez voir différentes réflexions que j’ai menées sur ce site : https://uclouvain.academia.edu/CorentinLahouste) je travaille sur votre oeuvre (Désordre). Cela fait quelques mois que j’ai entamé une réflexion sur votre pratique artistique et, comme j’ai eu l’occasion de le faire avec les deux autres auteurs sur l’oeuvre desquels je travaille (Marcel Moreau et Yannick Haenel), je voulais savoir s’il était envisageable que l’on se rencontre afin que je puisse vous poser l’une ou l’autre question relative à Désordre et à votre travail artistique/littéraire.
      Rien ne presse quant à cette éventuelle rencontre (je suis de toute façon à Montréal jusque début juin), mais ça pourrait être vraiment super intéressant pour l’avancée de mes recherches que de pouvoir vous rencontrer et discuter avec vous.
      D’avance merci pour votre réponse,
      À bien vite j’espère !

      Corentin

  • Thomas Deschamps passe devant ma centrale nucléaire en train de retour de Clermont, du coup, la photographie, me l’envoie en me disant qu’il a pensé à moi, ce qui répond à cette question que je me posais chaque fois, à quoi tu penses ? Et du coup j’en profite pour aller voir ce qu’il fait dernièrement. Ben c’est drôlement bien :

    http://thomasdeschamps.tumblr.com

    Evidemment je trouve un peu dommage que plutôt que d’utiliser une de ces plate-formes sociales, il ne se fasse pas des pages lui-même, d’autant qu’il sait très bien le faire, tissant des effets de narration en html que je trouve très réussis, comme dans Trois girafes et deux limaces que l’on peut voir ici

    http://www.desordre.net/invites/thomas_deschamps/girafesetlimaces.htm

    J’en profite pour vous dire que je suis à la recherche de films sous-titrés dans lesquels on voit un personnage demander à un autre A quoi tu penses ? (merci d’indiquer si possible à quel moment du film cela intervient)