person:tim steiner

  • Enchères et en os
    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/ad3129ac-1237-11e2-ae93-607a56226934/Ench%C3%A8res_et_en_os

    A chaque vernissage, il se dénude jusqu’à la taille. Puis il s’assoit sur un socle, dos au public, en attendant un visiteur qu’il ne verra jamais et qu’il ne veut pas entendre. Se protéger des remarques assassines et des blagues cruelles grâce à un bon vieux lecteur MP3 fait partie du rituel. Tim Steiner, régulièrement exposé dans des galeries et des musées, n’a jamais craqué publiquement. Mais à l’intérieur, dit-il, « c’est la tempête », tendance ouragan.

    Il y a six ans, Wim Delvoye, savant fou belge, amateur de coups du siècle, l’a tatoué. Il a fait de son dos une œuvre d’art en le signant au-dessus de la fesse droite. Aucun intérêt a priori. Sa vente, elle, a fait grand bruit : 150 000 euros partagés en parts égales entre la galerie, l’artiste et le porteur. Le titre que Delvoye lui donne laisse croire que l’homme est l’œuvre : Tim, 2006.

    Tim Steiner, Suisse de 36 ans au crâne rasé de M. Propre, vit depuis six ans dans un monde d’oisiveté surréaliste. Il partage son temps entre Zurich où il est baby-sitter occasionnel et les beaux quartiers de Londres où travaille sa fiancée, employée de la prestigieuse galerie Haunch of Venison.

    La première fois qu’ils se rencontrent, Wim Delvoye montre à Tim Steiner une peau de cochon tatouée qui servira de modèle. L’artiste veut un dessin qui ne représente rien pour Steiner, à l’opposé de la démarche du tatoué lambda. Il tatoue une madone surmontée d’une tête de mort à la mexicaine, des chauves-souris, des hirondelles, un parterre de roses rouges et bleues. Les deux hommes font de légères modifications dont l’abandon heureux d’un dessin de singe ouvrant les fesses. « Pile dans la nuque ! ricane Tim. J’ai refusé. » En 2008, une galerie zurichoise finit par vendre la pièce à un jeune collectionneur de Hambourg pour 150 000 euros. Allemand comme Ilse Koch, femme de nazi qui collectionnait les peaux tatouées prélevées sur des prisonniers juifs. « Les gens ont fait le lien. C’était inévitable, remarque Delvoye. Mais nous n’avions rien prévu. »

    Sa vente n’aurait pu avoir lieu en France. La transaction s’est faite en Suisse, dans le cadre de la loi sur la prostitution, autorisée chez les Helvètes. Tim peut être exposé plusieurs fois par an. Mais personne ne peut le contraindre à faire quoi que ce soit qu’il refuserait. A sa mort, il sera dépecé, tanné et encadré. Sa famille a dû donner son accord. Lui dit de ne pas être attaché à ce qui lui arrivera après sa mort.

    En 2008, Delvoye voulait faire de son œuvre une critique du marché. Dans les allées des foires, les critiques se sont élevées au nom de la dignité humaine bafouée. « Est-ce qu’on peut tout faire au nom de l’art ? interroge l’artiste gantois. On peut spéculer sur lui, le vendre, le revendre. Même la façon dont il mourra est enjeu de spéculation ! S’il meurt d’un cancer de l’estomac, ce n’est pas grave. S’il meurt seul dans une maison, c’est plus embêtant. Ça joue sur le prix car le dessin sera abîmé. Mais évidemment on ne veut pas qu’il lui arrive quoi que ce soit car on l’aime beaucoup. »

    c’est horrible ! #tatouage