person:tristan garcia

  • Pourquoi le monde n’existe pas ? approche critique de Markus Gabriel et du nouveau réalisme

    http://philitt.fr/2014/11/07/pourquoi-le-monde-nexiste-pas-approche-critique-de-markus-gabriel-et-du-nouv

    “Tout, absolument tout existe. Excepté le monde. Pour l’Allemand Markus Gabriel et l’Italien Maurizio Ferraris, porte-drapeaux du nouveau réalisme, notre planète, nos rêves, l’évolution, les chasses d’eau, la démocratie, les licornes arcs-en-ciel ou encore l’espoir ont une existence bien réelle. Or, le « monde », ce concept historique et traditionnel de la philosophie doit disparaître puisqu’il est la cause des errances malheureuses de la pensée occidentale. Plongeons-nous dans cet ouvrage en forme d’OVNI philosophique.”

    “Qu’est-ce que le Nouveau Réalisme ? Le nouveau réalisme cherche à poursuivre une interrogation de Thomas Nagel dans son livreThe View from Nowhere :
    « Ce livre parle d’un seul problème : comment combiner la perspective d’une personne particulière à l’intérieur du monde avec une vue objective de ce même monde susceptible d’inclure la personne et son point de vue. C’est un problème que rencontre tout être vivant qui possède la capacité et la tendance à transcender son point de vue particulier et à concevoir le monde comme un tout ».
    Pour y répondre, Markus Gabriel donne la définition suivante du nouveau réalisme : « Double thèse selon laquelle, premièrement, nous sommes susceptibles de connaître des choses et des faits en soi et, deuxièmement, choses et faits en soi n’appartiennent pas qu’à un seul domaine d’objets [le monde] ». Le nouveau réalisme propose de penser que tout existe, à part le monde. Seul existe ce qui est dans la multiplicité, dans le plan d’immanence, pour reprendre le vocable de Deleuze, dont s’inspirent Gabriel et Ferraris. Le monde représente l’Unité, le Tout, ce qui subsume l’ensemble de ce qui devient sous un seul concept qui est. Markus Gabriel affirme que l’on retrouve déjà à l’état brut cette idée dans un pan de la philosophie française contemporaine, chez Mehdi Belhaj Kacem, Tristan Garcia ou Jean-Clet Martin pour ne citer qu’eux, mais dans un style bien moins théorisé et systématisé, sans rejet radical de l’idée demonde. Le nouveau réalisme a su saisir une tendance qui est en passe de se généraliser dans la pensée philosophique, épistémologique, mais aussi, d’une certaine manière, politique.”

    “Dans un premier balayage du texte, il est significatif de remarquer que la destruction qu’il opère sur la philosophie traditionnelle est calquée sur la destruction à laquelle procéda Heidegger contre l’ontologie traditionnelle, démontrant que la philosophie était l’histoire de l’oubli de l’être. Markus Gabriel veut nous faire voir que l’histoire de la philosophie est fondée sur une méprise fondamentale : la croyance en l’existence du monde, d’un monde. Toutefois, la critique majeure d’où découlent toutes les autres déconstructions du constructivisme (depuis le début du XXème siècle jusqu’à nos jours) est dressée contre la phrase de Nietzsche formulée au paragraphe 481 de La Volonté de Puissance : « Il n’y a pas de faits, seulement des interprétations ». Est opéré un retournement : le nouveau réalisme défend qu’il n’y a pas d’interprétation, mais que des faits, des faits en soi.Autrement dit, l’objet perçu n’est pas une construction du sujet qui possèderait en arrière-plan une « chose-en-soi », mais l’objet tel qu’il est. Par là-même, Markus Gabriel cherche à réduire à néant l’idée kantienne que les choses ne font qu’apparaître dans le réel, et que la chose-en-soi est cachée et inatteignable ; pour parler savamment, exterminer la proposition que notre intuition sensible n’a à faire qu’à des phénomènes, jamais à des noumènes. Or, Gabriel suggère que le réel correspond à l’équation suivante : phénomène = noumène. C’est pourquoi on retrouve une critique fondamentale de la phénoménologie et de son héritage philosophique dans la philosophie continentale.

    Dans De Dieu qui vient à l’idée, Levinas définit la phénoménologie de la manière suivante : « La phénoménologie ce n’est pas ériger les phénomènes en chose-en-soi, mais c’est ramener les choses-en-soi à l’horizon de leur apparaître, de leur phénoménalité, c’est faire apparaître l’apparaître lui-même derrière ce qui apparaît ». Le nouveau réalisme ne cherche pas à trouver des « apparaîtres » cachés derrière des apparences : il n’y a rien de caché, de calfeutré, étant donné que la chose-en-soi est la chose réelle. Elle apparaît telle qu’elle est – elle appar-est. Il procède ici à quelque chose de plus radical qu’un retournement de la phénoménologie, il la refuse, il la réfute.”

    “Malheureusement, de multiples objections et corrections sont nécessaires après la lecture du Manifeste du nouveau réalisme et de Pourquoi le monde n’existe pas. Le nouveau réalisme ne satisfait pas à l’authentique originalité qu’il revendique. Le philosophe Jean-Clet Martin le montre dans son article sur Deleuze intitulé Le Dieu du labyrinthe ou le réalisme transcendantal dans lequel il explique que le néo-réalisme qui fait fureur était déjà inscrit dans les œuvres de Deleuze. Il dit qu’on retrouve, notamment avec l’expression d’ « expérience réelle », « non pas un réalisme spéculatif, mais un sensualisme en lequel le réel nous apparaît sans l’embarras de toutes les chicanes spéculatives – toutes ces prothèses idéatives étant tenues à distance par l’obstination de nos sens à explorer un boyau où l’on ne peut rentrer avec aucun instrument qui relèverait encore d’une intuition axiomatique. Et ce qui se lève dans une expérience déliée, ce sont sans doute des monstres plus que des mondes, une pluralité de singularités qui secouent les univers sensibles autant que les points réguliers du psychisme ». Markus Gabriel évite outrageusement de parler de Deleuze ; quant à Maurizio Ferraris, il parle de « tout », sauf de cette idée de multiplicité et de plan d’immanence, concepts auxquels je faisais référence et révérence quelques lignes plus haut.”

    #épistémologie #réalisme #nouveau_réalisme

  • https://zilsel.hypotheses.org/2103


    LE RÉALISME KITSCH

    Dans le présent texte consacré à des réflexions contemporaines sur la question du réalisme, Pascal Engel pointe les limites de différentes perspectives philosophiques, qui, à défaut de partager les fantasmagories anthropologico-sociologiques des postmodernes susnommés, partagent toutefois avec ces derniers un goût prononcé pour le kitsch. L’auteur de La Dispute et de La norme du vrai vise en effet à montrer, avec une certaine efficacité nous semble-t-il, et après avoir identifié les principales acceptions de la notion philosophique et épistémologique de « réalisme », que le « carnaval ontologique » dans lequel s’illustrent cette fois-ci le « réalisme spéculatif » de Quentin Meillassoux, les « réalismes accueillants » de Markus Gabriel, de Tristan Garcia ou de Bruno Latour[3], et, dans une moindre mesure, le « réalisme contextualisé » de Jocelyn Benoist ou encore le « nouveau réalisme » de Maurizio Ferraris, ne sont en réalité ni particulièrement « réalistes » (ils semblent bien plutôt incarner diverses formes d’idéalisme), ni ne sont spécialement « nouveaux » — sauf peut-être en ce qui concerne, pour les premiers d’entre eux, une aptitude particulière à la grandiloquence, elle-même favorisée par des moyens de médiatisation jusqu’alors inédits en philosophie (blogs, conférences sur internet, réseaux sociaux électroniques, etc.).

    Il y a une chose au moins dont les nouveaux réalistes ne semblent pas dépourvus, c’est du sens de la publicité.

    Un Beaujolais nouveau n’est pas nécessairement du Beaujolais (cela peut être de la piquette). De même un réalisme nouveau n’est pas nécessairement nouveau : ce qui peut sembler nouveau à l’un peut apparaître comme une vieille lune à l’autre, et on ne sait jamais si ce qui nous apparaît nouveau maintenant sera considéré comme nouveau plus tard. Le problème est que, plus encore que la plupart des termes philosophiques, celui de « réalisme » est d’une plurivocité qui défie les classifications. Sans parler des sens de ce terme en art, qui sont légion, bien des philosophes dans le passé ont été ou se sont appelés « réalistes », même si ce terme n’est vraiment entré dans le vocabulaire qu’après Kant : Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Descartes, Locke, Reid, Bolzano, Frege, Brentano, Ingarden, Bertrand Russell, Moore, Mackie, Smart, Armstrong, etc. Une école de philosophie américaine, aujourd’hui bien oubliée, s’est jadis appelée « New Realism » (R.B. Perry, R.W.Sellars et alii). Mais on est très rarement « réaliste » tout court. La plupart du temps on est en philosophie un réaliste dans tel ou tel domaine ou sujet : quant au monde extérieur, quant aux universaux, quant aux entités mathématiques ou scientifiques, quant aux valeurs morales ou esthétiques, quant aux vérités logiques ou quant aux vérités juridiques (on parle de « réalisme scandinave » en droit), etc. On est rarement réaliste globalement, et dans tous les domaines, et un même auteur peut être réaliste dans un domaine et pas dans un autre. Platon par exemple est dit « idéaliste » quant aux Idées, mais aussi réaliste quant à sa conception des entités abstraites. Aristote est réaliste en éthique, mais ne l’est pas quant aux entités mathématiques. On est aussi réaliste relativement à un problème. Par exemple on classe souvent Descartes et Locke comme des réalistes indirects quant à la perception, et Reid comme un réaliste direct. Le réalisme généralisé est une notion tout aussi incongrue que celle de « génie universel » ou de couteau suisse intégral. De plus, la notion de ce qui est réel ou pas est, comme nous le rappelle le dialogue d’Alice avec Tweedledum et Tweedledee, souvent égarante :

    “You know very well you’re not real.”

    “I am real !” said Alice, and began to cry.

    “You won’t make yourself a bit realler by crying,” Tweedledee remarked : “there’s nothing to cry about.”

    “If I wasn’t real,” Alice said – half laughing through her tears, it all seemed so ridiculous – “I shouldn’t be able to cry.”

    “I hope you don’t suppose those are real tears ?” Tweedledum interrupted in a tone of great contempt.

    La situation n’est pas plus claire pour les philosophes que chez Alice. Comme l’a remarqué Crispin Wright : « S’il y a jamais eu un consensus sur le mot “réalisme” comme terme philosophique technique, ce consensus s’est indubitablement fragmenté sous les pressions exercées par les divers débats – en sorte qu’un philosophe qui viendrait affirmer qu’il est un réaliste en sciences, ou en éthique, n’aurait sans doute, pour la plupart des publics philosophiques, fait rien de plus que se racler la gorge

    Les nouveaux réalistes d’aujourd’hui entendent manifestement réagir, de près ou de loin, au postmodernisme. Ils ont peur de ce dont Rorty n’avait pas peur, d’avoir « perdu le monde »[10]. Mais en même temps, ce qui frappe, dans leurs livres, c’est que les doctrines dont ils nous disent qu’elles portent la marque du réalisme paraissent souvent, pour ceux qui ont une éducation classique en philosophie, assez peu conformes à l’image courante du réalisme. Comment un auteur qui nous dit qu’il n’y a qu’une nécessité, c’est la contingence, un autre qui nous dit que tout existe sauf le monde, un autre qui nous dit que l’activité scientifique ne porte que sur une réalité qui a son mode d’existence propre alors que d’autres discours ont le leur, ou d’autres encore qui nous disent que le vrai réalisme n’a pas à se prononcer sur la réalité de quoi que ce soit, sont-ils encore des réalistes ? N’a-t-on pas envie de leur dire, à la manière de Régis Laspalès dans un sketch fameux : « Tu m’embrouilles ! »

    #philosophie #epistemologie #realisme #french_theory #relativisme #Bruno_Latour #affaire_maffesoli

  • « Forme et objet un traité des choses » un livre ardu et passionnant (pour qui aime la philo et les vertiges métaphysiques) du philosophe #Tristan_Garcia paru aux éditions PUF
    Une leçon magistral des travaux qui ont donnés naissance au livre
    http://vimeo.com/24514566

    Cet exposé introduisant à la révision que nous proposons de certains concepts (ceux de « chose », de « forme », de « possible », par exemple) et à l’introduction de termes nouveaux que nous nous efforçons de construire (comme ceux de « chance » et de « prix ») sera illustré d’exemples vivants et de discussions avec d’autres savoirs destinés à sensibiliser à l’importance concrète des problèmes apparemment abstraits qui seront les nôtres : comment désubstantialiser tout à fait notre monde, pour regagner des choses à connaître, sur lesquelles agir et au milieu desquelles être ? Comment débarrasser de résidus « compacts » les objets et l’univers que nous découpons autour de nous et au sein duquel nous nous découpons nous-mêmes, sans pour autant hériter d’un environnement postmoderne, habité seulement de flux, d’événements, d’actes sans aucun support objectif ? Comment quitter le cosmos classique compact sans embrasser le monde moderne vide ? En recherchant, comme nous espérons y inciter, un modèle de choses toujours pleines d’autre chose que d’elles-mêmes et emplissant toujours autre chose qu’elles-mêmes, c’est-à-dire en renonçant au soi, à la substance antique et classique comme au self creux d’aujourd’hui. »
    Tristan Garcia.

    Une présentation de l’ouvrage :
    http://www.lesinrocks.com/2011/12/10/livres/forme-et-objet-un-traite-des-choses-tristan-garcia-en-grand-metaphysicie

    “Comment élaborer un modèle nouveau de découpage des choses, des choses autour de nous, des choses en nous, de nous parmi les choses ?” : tel est le pari de ce traité, dont la première partie, baptisée “Formellement”, est un tour de force réflexif, dépouillé de toute référence explicite à l’histoire de la philosophie (à l’inverse de la seconde partie, “Objectivement”, nourrie de ses lectures savantes). Plutôt qu’une “métaphysique de l’accès”, qui vise à penser notre accès aux choses, Tristan Garcia se propose de “penser les choses” et de développer ce qu’il appelle une “ontologie plate” des choses, c’est-à-dire une pensée qui ne hiérarchise pas les entités du monde à partir de substances ou de principes transcendantaux, mais qui présuppose “une égale dignité ontologique à tout ce qui est individé”. N’importe quelle chose, stricto sensu, en vaut une autre. Il faut ainsi prêter une attention égale à tout ce qui est quelque chose, quoi que ce soit.

    #Philosophie #Métaphysique #Substance #Chose #Phénoménologie #Sujet #Être #Histoire #Structuralisme #Dialectique #Peinture #Art #Politique #Economie #Marchandise #Travail #Modernité #Hegel #Pascal #Descartes #Marx...
    #Livre #Audio

  • Le Garcia de la honte (Didier Lestrade)
    http://didierlestrade.blogspot.com/2011/12/le-garcia-de-la-honte.html

    De toutes les tuiles qui me sont tombées dessus en 2008, une des plus perverses aura été la sortie de La meilleure part des hommes de Tristan Garcia. J’ai dit ce que je pensais de ce livre dans des interviews pour la presse étrangère, là et là, mais en France j’ai pratiquement fermé ma grande gueule. J’étais tellement écœuré que je n’arrivais pas à exprimer ce que je ressentais. Source : Didier Lestrade