person:vanessa codaccioni

  • Vanessa Codaccioni : « Maintenant, beaucoup de gens savent ce qu’est la répression » - Radio Parleur
    https://radioparleur.net/2019/05/03/codaccioni-repression

    À notre micro, elle identifie les tactiques et les techniques mises en place par le pouvoir politique face aux mobilisations. La politiste décortique ces principaux dispositifs et éclaire l’une de leurs logiques majeures : la sémantique. Le vocable mis en œuvre par la communication gouvernementale pour qualifier les manifestants – de « vandales » à « foule haineuse » – vise à vider leurs actions de leur substance. Assimilé au terrorisme ou à la criminalité de droit commun, l’activisme se retrouve dépolitisé. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner déclarait ainsi devant le Sénat, le 19 mars 2019 : « Ceux qui ont manifesté samedi et qui ont cassé n’ont aucune revendication, si ce n’est celle de faire tomber la République. »

    Dans le même temps, cette croisade langagière vise à remettre en cause la rationalité des militant.es. Le « casseur » est décrit dans le langage étatique comme animé uniquement par la haine et la volonté de détruire, brûler, tuer, dépassant largement les frontières de la raison. Mais attention, prévient Vanessa Codaccioni, même le plus grotesque, le plus absurdement nihiliste de ces individus ne saurait être considéré comme fou. Car aux yeux de la justice française, le fou est celui qui n’est pas responsable de ses actes. Or c’est à l’exact opposé qu’appelle les responsables politiques, exigeant de fermes condamnations par la justice des activistes. Irrationnel mais pas fou : une psychologisation des manifestant.es qui efface la dimension éminemment politique de leurs actes.

    https://file.ausha.co/ep0VKh8EGLL52zMcXC60R6Gui10OhRtTq3LnSfgm.mp3

    • Copier-coller de la lettre d’info de @paniersalade reçue hier :

      Interview

      Vanessa Codaccioni est chercheuse en sciences politiques à l’Université Paris-8. Elle est spécialisée dans la justice pénale et la répression. Elle a publié en avril Répression, l’État face aux contestations politiques chez Textuel. Dans le livre, elle revient sur la criminalisation de l’action politique et la dépolitisation de l’activisme. Elle a répondu à nos questions.
      Le Panier à salade : Ces dernières semaines, des militant·es « décrocheurs » ont été jugé·es à Bourg-en-Bresse (Ain) pour « vol en réunion et par ruse », un militant animaliste qui filmait un élevage de porcs a été condamné pour « violation de domicile » et des pompiers qui manifestaient pour « entrave à la circulation ». Qu’illustrent ces exemples récents ?

      Vanessa Codaccioni : Il y a une invisibilisation du combat politique. Aujourd’hui, on constate une multiplication des formes de répressions. Dans de nombreux procès – notamment en comparution immédiate, le plus important ce sont les infractions reprochées : de quoi sont accusées les personnes mises en examen ? Elles sont jugées pour des délits de droit commun : outrages, diffamation, exhibition sexuelle… L’aspect politique des gestes sanctionnés n’est pas reconnu.

      Lors du procès des « Décrocheurs », si le juge a laissé un espace à la revendication politique, il a refusé en revanche les témoignages de chercheurs et associatifs. Quelle est la place de l’engagement politique au tribunal ?

      VC : Aujourd’hui, les procès ne peuvent plus être une tribune politique ; les juges ne reconnaissent plus la parole politique. La plupart des militant·es sont jugé·es en comparution immédiate – 29 minutes d’audience en moyenne, sans vraiment le temps de préparer sa défense – ou au tribunal correctionnel, qui est le tribunal des petites affaires.

      Si dans les tribunaux correctionnels, les peines sont plus légères, il y a cependant une impossibilité d’en faire une tribune politique. Ces procès ne permettent pas de faire des déclarations politiques, ils n’autorisent pas les avocats à plaider en longueur ou comme ils le souhaiteraient, ou encore à faire défiler des témoins. Les défilés de témoins ont toujours été importants dans les procès politiques. En cour d’assises ou en tribunal spécial, l’exercice serait plus simple, mais les peines y sont plus lourdes.

      Plusieurs voix se sont élevées pour réclamer une amnistie des « Gilets jaunes ». Le premier ministre s’y est opposé. Mais la correctionnalisation des actions politiques n’aide pas non plus à une telle amnistie.

      VC : Le président de la République pourrait faire une amnistie sociale. Cependant, ça voudrait dire qu’il reconnaît que les actes des manifestant·es sont des actes politiques. Et tout le jeu du gouvernement a été de diviser entre les bons manifestant·es d’un côté, et « les casseurs » de l’autre.

      En plus, comme il n’y a pas de délit politique comme on l’a vu, l’amnistie deviendrait complexe à mettre en œuvre. Il faudrait définir l’un après l’autre les délits qui seraient amnistiés.

      La journée « Ripostons à l’autoritarisme » rassemblait des militant·es d’horizon différents, des quartiers populaires à Bure (Meuse) en passant par les « Décrocheurs ». La plupart d’entre eux a expliqué qu’ils passaient plus de temps à parler de leur déboires judiciaires et policiers que de leur cause.

      VC : C’est précisément ce que j’explique dans mon livre. La stratégie de l’État, c’est que la répression force les militants à dépenser toute leur énergie et tout leur argent dans leur défense judiciaire. Quitte à avoir moins de temps pour la cause pour laquelle ils et elles se battent. C’est un des effets de la répression.

      Vous avez également travaillé sur la question de la légitime défense. Le procureur de la République à Paris, Rémy Heitz, a annoncé qu’en cas d’usage illégitime de la force, des policiers seraient poursuivis. Cela a suscité une levée de bouclier du côté des syndicats.

      VC : C’est très compliqué de juger des policiers aujourd’hui ; la plupart ne le sont pas. Et lorsqu’ils le sont, ils bénéficient de verdict de clémence. C’est à dire soit des non-lieux, des acquittements ou des peines de prison avec sursis.

      Les forces de l’ordre, et notamment les syndicats de police, souhaiteraient, en plus, qu’il n’y ait aucune procédure judiciaire contre un policier. Un policier qui tue ne devrait pas être jugé, selon eux.

      Ils ont une revendication forte en faveur la présomption de légitime défense. Ils seraient ainsi déclarés en état de légitime défense, jusqu’à ce qu’on prouve le contraire. Pour l’instant, c’est au policier de montrer qu’il a agit en état de légitime défense.

      Le syndicat Unité-SGP Police-FO a demandé l’instauration d’un tribunal dédié, avec des magistrats spécialisés. Les policiers font déjà l’objet d’enquête menées par leurs pairs au sein de l’IGPN…

      VC : La police et la plupart des syndicats policiers n’aiment pas que des juges s’immiscent dans leurs affaires. Ils souhaiteraient être jugés par leur pairs. C’est finalement l’équivalent de ce qu’ont les hommes et femmes politiques, qui sont jugés principalement par des parlementaires, au sein de la Cour de justice de la République.

      Quant à l’IGPN, celle-ci ne sanctionne que très rarement l’usage des armes par un policier ou la gestion du maintien de l’ordre. Il faut un comportement exceptionnellement grave, notamment en dehors de la fonction, pour que l’IGPN ne prononce une sanction.

      On a appris récemment qu’un policier pourrait aller devant les assises pour avoir éborgné un manifestant en 2016.

      VC : C’est exceptionnel qu’un policier aille devant les assises. Ça n’arrive que très rarement. En général, ils y échappent, sauf dans les cas mortels où la légitime défense n’est pas évidente. C’est en effet encore plus rare pour un acte non mortel. Si le renvoi est confirmé, cela fera peut-être jurisprudence.

      L’ouvrage de Vanessa Codaccioni :

      https://www.editionstextuel.com/livre/repression

  • Semaine internationale de la rébellion
    Face au militantisme, “nous sommes revenus à un système de répression des années 1960 et 1970”

    Lycéens fichés S, écolos entendus par la police, Gilets jaunes renvoyés en correctionnelle : Vanessa Codaccioni explique comment l’#antiterrorisme a contaminé l’appareil répressif. Et comment la France a fait un bond de 40 ans en arrière.

    La chercheuse en sciences politiques Vanessa Codaccioni s’inquiète de la #criminalisation croissante du #militantisme. En refusant la #politisation des mouvements de #contestation, le pouvoir va jusqu’à les assimiler à du #terrorisme. Suite et fin de notre série d’articles consacrée à la Semaine internationale de la rébellion qui se déroule du 12 au 19 avril.

    https://www.telerama.fr/idees/face-au-militantisme,-nous-sommes-revenus-a-un-systeme-de-repression-des-an


    illustration photo : Abdulmonam Eassa/AFP : Manifestation des Gilets jaunes, à Paris, le 1er décembre 2018.

    En quatre mois de mobilisation des Gilets jaunes, 8 645 personnes ont été placées en garde à vue, 2 000 ont été condamnées, et 1 800 sont en attente de jugement. A titre de comparaison, environ 11 000 individus avaient été arrêtés pendant les grèves de mineurs sous Thatcher entre 1984 et 1985. Ce qui est inédit, c’est ce niveau de contestation politique, ou la vigueur de la punition ?

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    ++ SEMAINE DE LA REBELLION, MODE D’EMPLOI
    C’est quoi : la Semaine internationale de la rébellion a été lancée par Extinction Rebellion, https://extinctionrebellion.fr, un mouvement né en Angleterre en octobre 2018 et qui depuis essaime dans de nombreux pays – parmi lesquels la France, l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis. L’idée : mener des actions de #désobéissance civile non-violente afin d’intensifier la protestation contre l’inaction politique en matière de lutte contre le changement climatique et la disparition des espèces. D’autres organisations environnementales ont annoncé qu’elles participeraient à cette semaine internationale de la rébellion.
    C’est quand : la semaine internationale de la rébellion se déroule du 12 au 19 avril.
    Quelles actions : Impossible de tenir un agenda précis. Car si certains collectifs communiquent depuis plusieurs semaines sur leurs prochaines actions pour s’assurer une médiatisation maximale, d’autres cultivent au contraire le secret, afin d’amplifier l’effet de surprise.
    En France, citons une « action contre l’industrie du textile et la fast fashion » menée par #Extinction #Rebellion, qui s’est déroulée le vendredi 12 avril. Et « bloquons la République des pollueurs », une action en Ile-de-France organisée par les Amis de la Terre, ANV-COP21 et Greenpeace. Des actions de « swarming » (blocages éphémères de la circulation) sont annoncées à travers le monde…
    Marc Belpois

    #répression

  • Maintien de l’ordre ou criminalisation de la contestation ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/maintien-de-lordre-ou-criminalisation-de-la-contestation



    Des CRS lors d’une manifestation de Gilets Jaunes à Paris le 12 janvier 2019
    Crédits : Ludovic Marin - AFP

    A la veille d’un 21ème samedi de mobilisation pour les Gilets Jaunes, rendez-vous avec Vanessa Codaccioni, politiste et maîtresse de conférences à Paris-VIII, auteure de "Répression. L’État face aux contestations politiques" (Textuel, avril 2019).

    Dans l’actualité des idées aujourd’hui, la question du maintien de l’ordre telle qu’elle se pose depuis le mouvement des Gilets Jaunes et au-delà. La France est-elle en train de criminaliser sa contestation ?

    Notre invitée est la politologue et sociologue Vanessa Codaccioni, à l’occasion de la publication de Répression, l’Etat face aux contestations politiques (Textuel, 3 avril 2019). Un essai qui dénonce la répression exercée par l’Etat sur l’indignation politique, notamment par un processus de dépolitisation.

    En dialogue avec Joachim Barbier du magasine Society qui revient en une sur les violences policières de ces dernières semaines à travers le témoignage du journaliste David Dufresne (@davduf) , qui, sur son fil twitter « Allô, Place Beauvau ? » et sur Mediapart, signale chaque débordement ou bavures des forces de l’ordre.

    C’est à la fois un travail de journaliste d’investigation et de militant que mène David Dufresne, pour qui la police relève avant tout d’une affaire politique.

    Pour Vanessa Codaccioni, c’est justement cette dimension politique de la contestation que les acteurs de la répression tendent à invisibiliser.

    L’Etat français refuse de dire que les personnes réprimées sont des ennemis politiques. On leur enlève toute rationalité en les traitant de casseurs, de terroristes. C’est une manière de dépolitiser leur engagement pour illégitimer leur lutte. (Vanessa Codaccioni)

  • Dans ce texte, l’auteure fait un parallèle très intéressant entre la légitime défense et ses justifications et la gestion des migrants.

    Aux frontières de la légitime défense – les deux visages de notre xénophobie – L’HISTOIRE EST À NOUS
    https://historiaesnuestra.wordpress.com/2019/01/06/aux-frontieres-de-la-legitime-defense-les-deux-visages-

    il s’agit de comprendre les variations et les ajustements incessants produits par le jeu, au sens mécanique, entre Justice et vengeance privée. C’est un invariant dans nos sociétés qu’une frange radicale et hostile au droit commun exerce une pression sur la Justice en essayant d’exploiter cette brèche pour arracher des marges de tolérance en faveur de la violence privée, qu’elle soit appelée autodéfense ou légitime défense.

    En analysant ces mouvements pour la légitimation de la violence privée, Vanessa Codaccioni retrace la généalogie de la notion de légitime défense : « depuis toujours, la légitime défense est une affaire d’hommes, ceux qui usent de la violence physique et ceux qui disposent des armes, notamment par le biais de la chasse » (p.37). Ceux qui s’en réclament le font au nom d’un soi-disant « droit à la légitime défense » (expression contradictoire puisqu’il s’agit d’une exception au droit), qui désigne en réalité un droit à l’autodéfense. Elle met en évidence des invariants dans les stratégies de légitimation de cette violence et leurs conséquences judiciaires, sociales et politiques (le titre complet de son livre est tout un programme : Légitime défense – homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières).

    Notre modeste hypothèse est que ces stratégies ne sont pas sans rapport avec celles qui servent à la légitimation d’une autre forme de violence, celle que l’on organise et déchaîne contre les migrant.e.s. Non pas donc le crime de sang que l’on commet soi-même directement mais la violence souvent létale qu’on nous enjoint à accepter si l’on veut vivre. Car c’est sur elle que se fondent nos privilèges. Elle serait donc fatalement inévitable. Une sorte de violence archaïque fondamentale (qui peut rappeler celle du geste même de la fondation de la cité avec la constitution d’un monopole de la violence) mais qui serait désormais repoussée à nos frontières (et symbolisée par celles-ci) et légitimée par son caractère défensif. On verra qu’il y a ici une superposition de deux paradigmes, de deux idéologies et de deux imaginaires dont le point commun est peut-être la mobilisation de la notion d’ « instinct de survie ».
    instinct de conservation

    Dans le 3ème chapitre (« Autodéfense, incitation à la violence et usages sécuritaires des armes à feu »), dans le sous-chapitre « instinct de conservation, préservation de la race, guerre contre le crime », Vanessa Codaccioni rappelle que pour légitimer la violence au nom d’un droit à la légitime défense, ses partisans ont historiquement fait appel à la notion d’« instinct de conservation ». Cet « instinct de conservation » leur sert à naturaliser le recours à la violence et à le politiser pour « souligner l’urgence d’un sursaut collectif visant à éradiquer la délinquance violente » (p.109). Quand les partisans de l’autodéfense parlent de légitime défense, ils développent un « discours de biologisation du crime qui le compare à un « fléau » ou à une « maladie », [et qui] s’inscrit dans la tradition du positivisme scientifique qui, à la fin du XIXème siècle, fait du criminel un ennemi du corps social et y voit l’un des facteurs de dégénérescence de la société. Mais il vise également à réinscrire la légitime défense dans le cadre des « lois de la nature » et dans une perspective évolutionniste, à en faire le résultat d’une lutte mortelle des espèces »

  • La légitime défense, une « arme au service des dominants »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/071118/la-legitime-defense-une-arme-au-service-des-dominants

    Dans Légitime défense. Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières (CNRS éditions, septembre 2018), Vanessa Codaccioni retrace l’évolution de cette notion, montrant comment l’État français a réussi, par une politique volontariste, à faire diminuer depuis les années 1990 ces homicides en légitime défense. L’historienne met également en garde contre la tentation, sur le modèle du Canada, d’étendre cette notion aux femmes battues qui tuent leur compagnon. Entretien.

    Vous décrivez un véritable Far West français dans les années 1980-1990. Comment expliquer cette multiplication des homicides présentés en légitime défense ?

    Vanessa Codaccioni : Il y a plusieurs raisons. La politisation de l’insécurité par le gouvernement, les médias ainsi que le marché de l’autodéfense va se conjuguer à la hausse des atteintes aux biens, qui débute dans les années 1950. Dans les années 1970, on atteint un pic de vols et cambriolages. De cette utilisation des chiffres du crime et de la peur du crime résulte une augmentation du sentiment d’insécurité de la population.

    Il y a une popularisation de la notion de légitime défense, qui était tombée en désuétude. Dans les archives du magistrat Étienne Bloch, fondateur du Syndicat de la magistrature, j’ai trouvé une petite note qui disait : « On ne parlait plus de la légitime défense et aujourd’hui on ne parle que de ça. » En 1978, une association nommée Légitime défense va médiatiser ce sujet, en appelant les citoyens à s’armer contre les délinquants, les voleurs, à leur tirer dessus, en leur promettant l’acquittement. Cette association fait croire qu’existe un droit à la légitime défense, ce qui est faux, et qu’en plus, il y a une impunité à tuer un supposé cambrioleur.

    Pourquoi la légitime défense n’est-elle pas un droit ?

    Historiquement, elle a toujours été considérée comme un droit. Si vous êtes attaqué, vous vous défendez, vous pouvez même tuer pour protéger votre vie. C’est un droit à l’autoconservation. Mais au Moyen Âge, une rupture se produit : on considère que ces actes de légitime défense sont assimilables à une forme de justice privée. Or la construction de l’État et d’une justice publique suppose l’éradication de cette justice privée. Les actes de légitime défense deviennent un crime excusé. Les juges vont vérifier qu’il y a bien eu légitime défense.

    C’est aussi un moyen pour le roi de disciplinariser les nobles. À partir du XVIe siècle, si un noble tue et se déclare en état de légitime défense, il doit demander le pardon du roi et des juges dans une cérémonie où il se met à genoux. On passe ainsi d’un droit à un crime excusable. Dans le premier code pénal de 1810, la légitime défense devient une cause d’irresponsabilité pénale, comme la folie. Si vous êtes reconnu en état de légitime défense, vous n’êtes pas jugé, vous êtes libre et n’allez même pas en prison.

    Un personnage relie votre précédent travail sur la justice d’exception et ce livre sur la légitime défense : François Romerio, ex-président de la Cour de sûreté de l’État et créateur de l’association Légitime défense.

    C’est un personnage incroyable. François Romerio est un juge de l’exception : un juge qui a toujours exercé des fonctions d’exception ou qui a toujours recherché la proximité avec les politiques. Cet ancien juge colonial a exercé en Indochine, où il mettait en œuvre une justice coloniale. Il était donc déjà habitué à des pratiques arbitraires. Il a été président des assises, puis de la Cour de sûreté de l’État de 1965 à 1975. Pendant dix ans, il a jugé les ennemis politiques : l’OAS [Organisation armée secrète], les manifestants de mai 1968, les maos de la Gauche prolétarienne, les premiers indépendantistes corses, basques, bretons. Et dans ses mémoires, François Romerio fait une distinction très claire entre les ennemis politiques et les droits-communs, pour lesquels il a une véritable aversion. Ce qui va se manifester dans la création de l’association Légitime défense, clairement dirigée contre ce qu’il appelle la « racaille » et la « vermine ».

    À la Cour de sûreté de l’État, avait-il une pratique aussi sévère ?

    Non, au contraire, il avait presque une forme d’admiration pour les ennemis politiques déférés devant ce tribunal d’exception [créé en 1963 et dissous en 1981 – ndlr]. Par exemple, il leur permettait de parler pendant des heures. Il acceptait que des militants du FLNC fassent de longues déclarations politiques. Les journalistes n’avaient jamais vu ça. En revanche, après son départ à la retraite, son discours devient extrêmement répressif. Il diffuse une idéologie sécuritaire très conservatrice. Il a un discours d’animalisation du délinquant : c’est un loup, c’est un chien, une bête sauvage. Et si c’est une bête, ce n’est donc pas un homme, on peut le tuer. Son discours est presque d’eugénisme : le délinquant ronge la société française. Il faut assainir la société, presque dans une perspective évolutionniste.

    Et, chose importante, François Romerio considérait que le délinquant n’est pas récupérable. Pour la droite et l’extrême droite, la criminalité ne peut s’expliquer par des facteurs sociaux – enfance difficile, parcours scolaire difficile, précarité – mais uniquement par l’égoïsme. C’est pour cela qu’il existe toujours un lien entre la légitime défense et la peine de mort. Vu que les délinquants ne sont pas récupérables, il faut les tuer par la peine de mort ou par la légitime défense. Quand on a commencé à évoquer l’abolition de la peine de mort, à la fin des années 1970, François Romerio a prévenu qu’il resterait la légitime défense, perçue comme un palliatif à cette abolition.

    Comment ce Far West se traduit-il dans les faits ?

    Entre 1978 et 1980, uniquement en termes de crimes sécuritaires, il y a 41 cambrioleurs ou voleurs supposés qui périssent dans le cadre de la légitime défense en France. La plupart sont des faux cas de légitime défense.

    Outre ces crimes sécuritaires, parmi les nombreux cas présentés comme des « affaires de légitime défense » par la presse, beaucoup sont en réalité, selon vous, des bavures policières et des « crimes racistes ». Comment l’expliquez-vous ?

    L’association Légitime défense naît d’un comité de soutien au brigadier de police Marchaudon qui, en 1977, a vidé son chargeur sur un jeune Algérien de 21 ans, Mustapha Boukhezer, qui rôdait autour d’un bureau de poste. En 1974, ce brigadier avait déjà tué un jeune Algérien de trois balles dans le dos, au métro Anvers. C’est un récidiviste.

    À partir des années 1970, les affaires de bavure policière sont beaucoup plus médiatisées. Les policiers ont toujours beaucoup tué, mais on parlait finalement peu de ces homicides. Pensez au silence qui a entouré le 17 octobre 1961. Mon hypothèse est qu’on en parle davantage parce que ces affaires sont dites « en légitime défense », qui est alors un sujet d’actualité.

    L’un des cas les plus connus est celui, en 1972, de Mohamed Diab, un chauffeur de poids lourd algérien tué d’une rafale de pistolet-mitrailleur par un sous-brigadier, au prétexte qu’il se serait rebellé dans le commissariat. Sauf que le sous-brigadier a dit, avant de le mitrailler : « Oui, je te tue, sale race, je te tue. » Le sous-brigadier ne sera jamais jugé, il bénéficiera d’une ordonnance de non-lieu. Il y a quelques rares procès de policiers, qui sont pour la plupart acquittés.

    Puis, parmi les homicides dits en légitime défense, il y a ce que j’appelle les homicides querelleurs. Ce sont des hommes qui se disputent, le beau-père et son ex-beau-fils, deux personnes en conflit dans une petite ville, et ça finit mal. Enfin, il y a énormément de crimes racistes qui sont justifiés par la légitime défense à partir de la fin des années 1970.

    Pour comprendre la légitime défense, vous vous intéressez au profil tant des auteurs que des victimes. Quel est-il ?

    Ceux qui tuent en état de légitime défense sont toujours des hommes. De 1978 au milieu des années 1990, il n’y a qu’un seul cas de femme, c’est l’affaire de la boulangère de Reims qui, en 1989, tue d’une balle dans la tête Ali Rafa parce qu’il aurait voulu voler des pains au chocolat. Le phénomène des femmes battues qui retournent la violence contre leur conjoint, à l’image de Jacqueline Sauvage, est extrêmement récent.

    Mon point de départ est de vouloir déconstruire cette idée selon laquelle la légitime défense est une arme pour les plus faibles. C’est le discours tenu historiquement par les juristes, les hommes politiques, les criminologues. Or, quand on regarde qui tue et qui est tué, on voit très bien que c’est l’inverse. La légitime défense est une arme au service des dominants, c’est-à-dire ceux qui ont toujours monopolisé la violence. Ce n’est qu’une disposition de plus qui permet aux détenteurs du monopole de la violence de tuer presque en impunité : des hommes qui ont des armes, des chasseurs, des policiers, des vigiles.

    Toujours des hommes d’âge mûr, blancs, qui exercent des professions qui peuvent leur attirer de la sympathie – commerçants, artisans, garagistes – ou dites respectables comme les policiers, les vigiles. Ce profil d’honnêtes gens leur sert au moment du procès. Ces hommes n’étaient pas prédestinés à tuer. Alors, s’ils sont des honnêtes gens, ce sont les personnes en face qui n’étaient pas des gens respectables. Cela joue en miroir contre ceux qui sont tués.

    Qui sont-ils ?

    Ce sont plutôt des jeunes en situation d’exclusion sociale, soit au chômage, soit exerçant des petits boulots précaires, souvent vivant en banlieue et souvent racisés, noirs ou arabes. Dans la période 1978-1990 sur laquelle j’ai travaillé, ce sont souvent des jeunes de banlieue issus de l’immigration maghrébine. La moyenne d’âge est de 22 ans. Certains sont très jeunes. Ce sont des « délinquants », des « racailles », donc, dans cette façon de penser, ils sont tuables, quel que soit leur âge. Il y a presque deux idéotypes opposés : les honnêtes gens ou les bons flics, et la racaille. Souvent, les personnes tuées avaient un passé de délinquance, étaient connues des services de police ou avaient un casier judiciaire. Et ça va justifier leur mort.

    De façon étonnante, vous racontez que l’association Légitime défense va militer pour faire passer ces procès du tribunal correctionnel aux assises.

    Les affaires de légitime défense sont des procès qui vont toujours être politisés. Il y a toujours un enjeu politique derrière : le droit de posséder des armes, de défendre sa vie, ses biens, son commerce, etc. Les affaires de légitime défense ont toujours été jugées au tribunal correctionnel, qu’il s’agisse de policiers ou de citoyens. Mais ce n’est pas la bonne juridiction pour politiser la légitime défense, car c’est un petit tribunal, qui ne permet pas de faire des grandes plaidoiries politiques, des grands défilés de témoins. Et les magistrats professionnels du tribunal correctionnel sont plutôt sévères envers les auteurs de légitime défense. Ils condamnent souvent symboliquement à du sursis ou à une peine d’amende pour signifier qu’il y a eu mort d’homme.

    Or le fait qu’un auteur d’homicide dit défensif soit condamné, même à du sursis, est inacceptable pour les avocats de Légitime défense. Ils vont demander que leurs clients soient passibles des assises, ce qui est du jamais-vu : des avocats qui demandent à aggraver la situation pénale de leurs clients. Ils disent : ce n’est pas un homicide involontaire puisque mon client avait vraiment l’intention de tirer sur cette personne. C’est très risqué, car les peines en cour d’assises peuvent être beaucoup plus lourdes. Mais c’est une stratégie payante : les jurys vont acquitter très majoritairement les tireurs.

    Au début des années 1980, l’État veut être de plus en plus sévère contre les auteurs de légitime défense en les traduisant devant les cours d’assises. Deux camps opposés, qui réclament l’un la limitation de la légitime défense, l’autre son extension, vont se retrouver sur la juridiction où les tireurs doivent être jugés, la cour d’assises.

    Comment les cours d’assises traitent-elles ces homicides ?

    Ma thèse est que la légitime défense impose aux jurés d’assises une problématique particulière. On passe de la question habituelle : « L’accusé est-il coupable ou innocent ? », à une autre question : « L’accusé a-t-il tiré en état de légitime défense ? ». Ce qui modifie complètement les questions des juges, la plaidoirie des avocats, la perception des jurés.

    Le juré d’assises va toujours s’identifier avec celui qui a tiré parce qu’il y a des proximités en termes de classe sociale et de vision du monde. Les jurés d’assises ont toujours été très sévères envers les atteintes aux biens. Dans une société où on martèle qu’il y a de l’insécurité, les jurés ont tendance à acquitter celui qui a tiré sur un voleur supposé, aperçu sur un toit, en train de s’enfuir dans leur jardin.

    Il y a cette croyance qu’on peut défendre ses biens par les armes, alors qu’en France l’atteinte aux biens a toujours été exclue des crimes de sang. On peut être excusé si on tue en état de légitime défense, quand on protège sa vie, mais pas quand on protège un bien, sauf si on entre chez vous la nuit ou qu’on essaie de vous voler avec une extrême violence.

    Le profil de la victime semble également déterminant. Qu’attend-on d’une bonne victime ?

    Les jurys d’assises ne jugent pas tant celui qui a tiré que celui qui a été tué. C’est le mort qui est en procès : avait-il une bonne vie ? Était-il un délinquant ? Était-il en train de commettre un crime ou un délit ? Dans ces procès, on assiste à une criminalisation post mortem de la personne tuée. Cela débouche souvent sur deux affirmations : soit « il l’a bien mérité », soit « il est responsable de son propre décès », s’il commettait un délit au moment où il a été tué. Par exemple, quand un voleur est tué, les avocats du tireur diront que ce sont les risques du métier.

    Les bonnes victimes de la légitime défense sont très rares. Il n’y a que trois configurations où les tireurs sont condamnés et où la famille de la victime peut obtenir justice. Premier cas, les jurés ne peuvent vraiment pas croire que la personne était en état de légitime défense parce qu’elle a inventé une menace ou a maquillé la scène du crime. Les jurés ne peuvent alors pas croire à sa peur.

    Deuxième cas, lorsque le tireur a un rapport problématique aux armes, est un fanatique des armes. C’est le cas du gardien de supermarché qui a tué Moussa Mezzogh, qui venait de dérober des blousons. Il a été condamné à cinq ans de prison, dont trois avec sursis. La police avait trouvé chez lui un arsenal.

    Le troisième cas, c’est lorsque le racisme est reconnu comme le mobile unique. Dans les crimes racistes, pour que la question du racisme apparaisse lors des audiences, il faut qu’il n’existe aucune autre possibilité. Pour que la thématique du racisme apparaisse, il faut que la personne tuée soit « blanche comme neige », si je peux me permettre l’expression : qu’elle n’ait aucun passé délinquant et ne fasse absolument rien au moment où elle est tuée.

    Les médias ont un rôle très important, car ils participent à l’idéologie de l’insécurité en mettant l’accent sur les faits divers. Et ils ont tendance à participer à la criminalisation post mortem de la victime. Soit ils ne parlent pas de la personne tuée, qui est invisibilisée, soit ils insistent sur sa mauvaise conduite.

    Aujourd’hui, hors quelques cas médiatisés comme celui du bijoutier de Nice, en 2013, les homicides en légitime défense ont diminué. Comment l’expliquer ?

    Il y a effectivement de moins en moins de cas de légitime défense mortels. Entre 2015 et 2017, il y a eu une cinquantaine de cas où l’argument de la légitime défense est avancé au procès, dont moins d’une dizaine mortels. Donc, moins de dix cas mortels en deux ans contre quarante cas mortels juste pour des cambriolages ou des vols en 1978 et 1980.

    Cela rentre dans un processus plus général de pacification des mœurs, mais aussi dans une politique volontariste de l’État français pour réduire la légitime défense. Il limite les ventes d’armes d’autodéfense les plus utilisées, notamment la carabine 22 long rifle. Dans les années 1980, on achetait ces armes à la FNAC, au BHV, sur catalogue à La Redoute, etc.

    Mais l’État ne pourra jamais limiter l’une des principales armes de légitime défense : le fusil de chasse. Les cas récents montrent que c’est ce fusil de chasse qui est utilisé dans les affaires mortelles dites de légitime défense.

    À partir de 1994, il inclut dans le code pénal des critères, issus de la jurisprudence, qui encadrent la légitime défense : l’immédiateté, la simultanéité, la proportionnalité et la nécessité d’avoir une menace réelle et non imaginaire. Et l’État impose ce qu’est une bonne autodéfense : appeler la police, ne pas garder d’argent chez soi, s’assurer contre le vol, ne pas ouvrir quand on frappe, être très méfiant. L’État français construit un sujet résilient, acteur de sa propre sécurité, qui développe des sentiments de suspicion envers autrui mais qui a confiance envers la police.

    Reste l’exception policière : les policiers ont eux, au contraire, connu ces deux dernières années une extension du champ de la légitime défense, au nom de la menace terroriste.

    La légitime défense policière s’analyse comme un dispositif d’exception qui, après les attentats du 13 novembre 2015 et après l’état d’urgence, est devenu permanent. J’ai découvert que la France avait déjà étendu la légitime défense pour les policiers à deux reprises, sous Vichy et pendant la guerre d’Algérie, en leur permettant d’utiliser plus facilement leurs armes. Ce sont les moments les plus répressifs de notre histoire récente, où on a inventé le plus de dispositifs d’exception et dans lesquels on va puiser des mesures aujourd’hui, dans le cadre de la lutte antiterroriste.
    Sous Vichy et pendant la guerre d’Algérie, on avait déjà aligné la légitime défense policière sur les règles d’ouverture du feu militaires, dans un cas, pour abattre plus facilement des résistants, dans l’autre, pour abattre des indépendantistes ou leurs soutiens. Mais après Vichy et après la guerre d’Algérie, on avait refermé cette parenthèse. La légitime défense policière était redevenue ordinaire.

    Après les attentats, au contraire, on a étendu par deux lois, en 2016 et 2017, la possibilité pour les policiers de tirer. C’était une très vieille revendication, à la fois des syndicats de policiers et de la droite et de l’extrême droite, au moins depuis le début des années 1980. Et tous les chefs d’État, gouvernements, tous les ministres de l’intérieur s’y étaient toujours opposés. Même Charles Pasqua, connu pour avoir couvert de graves bavures policières, était contre, car il disait que c’était trop dangereux. En 2015, dans le contexte traumatique post 13-Novembre et de l’état d’urgence où l’État a beaucoup demandé aux policiers, il a accédé à leurs revendications.

    Cela a-t-il eu un impact sur le nombre de personnes tuées par la police ?

    Je ne crois pas. Il y a eu 14 morts l’an dernier, or on sait que la police a tué plus de 450 personnes en 40 ans [de juillet 2017 à mai 2018, 14 personnes ont été tuées lors d’opérations policières, selon un recensement inédit de l’IGPN, qui ne comptabilisait pas ces morts auparavant – ndlr]. En revanche, il y a une augmentation exponentielle du nombre de tirs policiers. En 2017, la police a tiré 394 fois, soit une augmentation de 54,5 % par rapport à 2016. Il va falloir observer les effets de ces lois sur le temps long.

    Après les attentats à Londres de 2005, les officiers de Scotland Yard ont adopté la théorie du shooting to kill, qui vise à abattre le plus rapidement possible un potentiel terroriste avant qu’il ne déclenche une possible ceinture d’explosifs. Quelques semaines après l’adoption de cette doctrine, en juillet 2005, un électricien brésilien, Jean Charles de Menezes, a été tué de sept balles dans la tête, dans le métro londonien, par deux policiers qui l’avaient pris pour un suspect pakistanais. Cela a été considéré comme une affaire de légitime défense.

    Une nouvelle problématique s’est mise en place, qui est celle du « faire mourir le terrorisme ». Michel Foucault parlait des techniques du « faire mourir » et du « laisser vivre ». Aujourd’hui, il me semble que nous sommes dans une réflexion sur le « faire mourir les terroristes ». Comment les tuer ? À quel moment ? Cela répond à la militarisation de la police, qui fait suite à cette expression entendue partout après le 11 septembre 2001 : « On est en guerre. » Si nous sommes en guerre, alors la police doit pouvoir tuer, comme l’armée, et avoir une possibilité de tir plus étendue sans être inquiétée par la justice.

    Et chez nos voisins européens, comment cette législation sur la légitime défense évolue-t-elle ?

    C’est assez inquiétant. Nos voisins européens sont dans une démarche totalement différente de la nôtre sur la légitime défense citoyenne. Au début des années 2000, le Royaume-Uni a par exemple entamé une réflexion sur la possibilité d’étendre la légitime défense pour les particuliers, notamment quand il s’agit de cambriolage. En 2008, une loi a mis en place la légitime défense subjective, qui a toujours été refusée en France. C’est considérer que quelqu’un qui croyait honnêtement être en légitime défense ne sera pas inquiété par la justice. Celle-ci s’applique aussi aux policiers.

    Le pire à venir est en Italie. La Ligue du Nord a fait de la légitime défense un enjeu central de ses campagnes en politisant les affaires de vols, de cambriolages. En 2015, elle a réussi à la faire étendre. Et le ministre de l’intérieur Matteo Salvini, qui porte des tee-shirts en faveur de la légitime défense [comme ici, en mai 2017 – ndlr], défend des propositions de loi pour aller plus loin. Ce qui est très préoccupant, car il y a énormément d’armes en circulation en Italie, avec un fort lobby des armes. Et ce n’est pas un hasard si, depuis quelques mois, on assiste à une multiplication des fusillades racistes visant des Noirs.

    Sans parler de la République tchèque, qui dit qu’il faut s’armer contre les terroristes islamistes. Avec notre État centralisé très fort qui veut centraliser la violence, nous sommes un peu une exception par rapport à nos voisins.

    Aujourd’hui, certaines féministes revendiquent une extension de la légitime défense aux femmes battues, comme c’est déjà le cas au Canada, au vu notamment du cas de Jacqueline Sauvage, condamnée pour le meurtre de son mari. Cela vous semble-t-il souhaitable ?

    En France, les femmes battues ne sont jamais reconnues en état de légitime défense, car deux critères leur font défaut quand elles tirent. Celui de la simultanéité : il faut que la femme tue son compagnon violent au moment même où elle est battue, ce qui est extrêmement rare. C’était le cas d’Alexandra Lange qui, en 2009, a poignardé son mari au moment où il l’étranglait. Elle a été acquittée en avril 2012. Mais souvent, les femmes les tuent après la séquence de violence conjugale, soit d’une balle dans le dos, soit dans leur sommeil. Et il y a celui de la proportionnalité : peut-on tirer sur quelqu’un qui vous a donné une gifle ?

    Le cas le plus ahurissant est celui de Fatiha Taoui, condamnée en mars 2018 à cinq ans de réclusion criminelle, dont trois ferme, aux assises de la Haute-Vienne. Elle a été battue pendant plusieurs années, son mari avait été condamné trois fois pour violences conjugales et harcèlement, il avait des injonctions à ne pas s’approcher du domicile. Il défonçait sa porte à coups de hache, il la menaçait de mort, elle et ses enfants. Un soir, il est arrivé avec un fusil de chasse chez elle et elle l’a tué. Les juges ont trouvé son discours incohérent, car elle a affirmé l’avoir abattu dans un corps à corps, alors qu’elle a utilisé un fusil long. C’est représentatif, car les femmes qui tuent leur conjoint ne sont quasiment jamais reconnues en état de légitime défense.

    Au Canada, en 1990, une législation a créé la légitime défense différée. Elle supprime ce critère de simultanéité. Un expert décide si la femme qui a tué est atteinte d’un syndrome de la femme battue (SFB). Ce qui est une manière aussi de pathologiser ces femmes, mais cela leur permet de pouvoir mobiliser la légitime défense comme les hommes. On considère qu’elles ont tellement été battues qu’elles ne sont plus en état de décider si c’est bien ou mal au moment où elles tirent.

    Est-ce transposable en France ?

    Je suis réservée parce que la légitime défense a été faite pour les hommes, ceux qui disposent des armes, qui monopolisent la violence, qui vont à la chasse, qui sont inscrits dans un club de sport de tir. Ne faut-il pas laisser la légitime défense aux hommes et imaginer autre chose ?

    En tout cas, il faut être extrêmement prudent dès qu’on parle d’extension de la légitime défense, pour deux raisons. En Angleterre, on a étendu la légitime défense citoyenne. Immédiatement, ça s’est appliqué aux policiers. En 2014, Christian Estrosi (LR) et Éric Ciotti (LR) avaient déposé une proposition de loi pour étendre la légitime défense pour les commerçants. Ils ont justifié cette extension en prenant l’exemple des femmes battues au Canada ! C’est-à-dire que les causes féministes peuvent être utilisées pour justifier la légitime défense des dominants et des hommes.

  • « La légitime défense. Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières » | Les oreilles loin du front
    http://www.loldf.org/spip.php?article656

    La légitime défense est au cœur de l’actualité politique et judiciaire : multiplication du nombre de femmes battues qui tirent sur leur mari ou leur compagnon violent, mobilisations pour soutenir des commerçants qui ont tué des voleurs, et, plus récemment, facilitation de l’usage des armes par la police dans le cadre du renforcement de la lutte antiterroriste. Cette semaine, on en a parlé avec Vanessa Codaccioni, chercheuse spécialiste de la justice pénale et de la répression, qui vient de publier « La légitime défense - Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières » aux Editions du CNRS. Durée : 1h12. Source : Fréquence Paris (...)

    http://loldf.org/archives/18.10.24.legitime.defense.vanessa.codaccioni.mp3

  • Etienne Ambroselli, avocat des anti-Cigéo mis en garde à vue : « On cherche à nous terroriser »
    27 juin 2018 Par La rédaction de Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/270618/etienne-ambroselli-avocat-des-anti-cigeo-mis-en-garde-vue-cherche-nous-ter

    Conversation avec Élodie Tuaillon Hibon, avocate au barreau de Paris, Vanessa Codaccioni, maîtresse de conférences en science politique à Paris 8, spécialiste de justice pénale, et Étienne Ambroselli, avocat des militants de Bure perquisitionné le 20 juin.

    https://www.youtube.com/watch?v=M_Hf6pV5FfA


    #Bure

  • La répression par l’exception. Entretien avec Vanessa Codaccioni
    http://loveliveminimal.tumblr.com/post/146111410855/la-répression-par-lexception-entretien-avec

    À partir d’une enquête sur une juridiction singulière, la Cour de sûreté de l’État, Vanessa Codaccioni s’interroge, dans son livre Justice d’exception, sur la gestion étatique des illégalismes politiques et sur l’utilisation, en temps de paix, d’outils répressifs réservés aux situations de guerre. Dans cet entretien, elle revient sur la genèse de cette juridiction et sur le flou entourant la catégorie « d’ennemis publics » ou « d’ennemi intérieur futur ». Elle aborde enfin la question des …

  • La répression par l’exception. Entretien avec Vanessa Codaccioni
    http://www.contretemps.eu/interviews/r%C3%A9pression-par-exception-entretien-vanessa-codaccioni

    À partir d’une enquête sur une juridiction singulière, la Cour de sûreté de l’État, Vanessa Codaccioni s’interroge, dans son livre Justice d’exception, sur la gestion étatique des illégalismes politiques et sur l’utilisation, en temps de paix, d’outils répressifs réservés aux situations de guerre. Dans cet entretien, elle revient sur la genèse de cette juridiction et sur le flou entourant la catégorie « d’ennemis publics » ou « d’ennemi intérieur futur ». Elle aborde enfin la question des usages contemporains de la justice d’exception, question d’une actualité brûlante depuis les événements du 13 novembre 2015. Source : (...)

    • La gestion étatique des ennemis intérieurs répond en effet à deux logiques répressives a priori contradictoires mais qui se complètent très bien pour parfaire leur répression. D’un côté, une politisation de la répression qui s’exprime dans plusieurs phénomènes : inculper des individus pour des crimes ou des délits en lien avec la sûreté de l’État, les déférer devant des juridictions politiques, les faire juger par des magistrats proches du pouvoir, etc. Il s’agit pour le pouvoir central de surcriminaliser des militants et de les soumettre à un régime policier, judiciaire, parfois carcéral, plus sévère, précisément en raison de leurs actes d’opposition à l’État. Autrement dit, c’est parce que ce sont des activistes que des individus sont soumis à la justice d’exception. Ce type de répression, bien que plus radicale et discriminatoire, reconnaît néanmoins le caractère politique des mobiles, des intentions et des actes commis. Or, les gouvernements rechignent le plus souvent à faire de leurs ennemis politiques des opposants, à leur reconnaître ce statut symbolique officiellement, et mettent donc en œuvre des stratégies de dépolitisation de la répression.

      Trois phénomènes illustrent ces tentatives de dépolitisation. Premier exemple, au lieu de déférer des activistes devant une juridiction politique, on va considérer que leurs gestes militants doivent être jugés par des tribunaux ordinaires. A priori cette issue judiciaire est favorable aux inculpés qui échappent à la justice politique. Or il ne faut pas oublier que ce type de décision est une décision politique (jusqu’en 1981, comme je l’ai dit plus haut, c’est le garde des Sceaux qui choisit arbitrairement les tribunaux compétents pour juger les militants), et, surtout, qu’il s’agit là d’une assimilation : activistes = criminels de droit commun ou délinquants. Dans certaines affaires, comme celles impliquant des membres de la Gauche prolétarienne ou d’Action directe, on va même séparer le groupe en deux : certains sont jugés par le tribunal correctionnel et traités comme des délinquants ; d’autres comparaissent devant la Cour de sûreté de l’État et sont traités comme des opposants. Ce qui est aussi une manière de diviser les collectifs militants.

      Autre exemple, celui des examens psychiatriques sur lesquels j’ai beaucoup insisté dans mon livre. À partir de 1963, date d’institutionnalisation de la justice d’exception, tous les ennemis intérieurs sont examinés par des psychiatres et des psychologues. Les rapports d’examen psychiatrique sont à ce titre édifiants puisque sans pour autant relier des passages à l’acte militants à des névroses ou à des psychoses, toute explication politique est rejetée. Au contraire les experts vont insister sur les problèmes familiaux, affectifs, sur les frustrations professionnelles, sur des trajectoires chaotiques. Ce n’est pas pour dénoncer et lutter contre l’État colonial que des membres du FLNC déposent des bombes artisanes mais parce qu’ils ont un attachement problématique à la terre corse, lui-même induit par une carence affective maternelle. Ce n’est pas par conviction politique que des individus deviennent membres d’Action directe mais parce qu’ils ont un « problème d’identité ». Ce n’est pas parce qu’ils croient en la justice populaire et à la Révolution que s’engagent des maoïstes mais parce qu’ils sont psychorigides. Etc. L’examen psychiatrique, qui personnalise à l’extrême les affaires judiciaires, individualise les actions commises et insiste sur les traits de personnalité des inculpés, est donc un puissant facteur de dépolitisation du militantisme oppositionnel.

  • Vanessa Codaccioni : « L’antiterrorisme est l’héritier direct de la justice politique d’exception » | L’Humanité
    http://www.humanite.fr/vanessa-codaccioni-lantiterrorisme-est-lheritier-direct-de-la-justice-polit

    De la Cour de sûreté de l’État à la cour d’assises spécialement composée, les tribunaux d’exception représentent une tradition française de la lutte antiterroriste. Pour la politologue Vanessa Codaccioni, qui vient de publier Justice d’exception (CNRS éditions), cette action est systématiquement détournée contre les militants, et autres « ennemis de l’intérieur » d’un pouvoir exécutif qui se veut tout-puissant…

  • État d’urgence :

    un rappel du programme pour le ouiquende à venir à Rennes :

    VENDREDI 12 FEVRIER 18h

    –Introduction-

    Arthur Quesnay proposera un État de la guerre au Moyen-Orient et analysera les mécanismes de confessionalisation des conflits. En outre, il abordera le contexte de formation de l’Etat Islamique et le rôle de celui-ci en tant que force politique au sein de insurrection irakienne et syrienne. Enfin, il essayera de répondre à la question : Que signifie à l’heure actuelle, « être en guerre » en France ?

    Dans un second temps, échanges avec l’intervenant. Questions/discussion.

    SAMEDI 13 FEVRIER 14h – 18h

    Thomas Deltombes déconstruira les figures contemporaines de l’Islam dans les médias. Ce faisant, il dressera le tableau de l’islamophobie en France et de son usage politique.

    Moment d’échanges avec l’intervenant. Question/Discussion.

    PAUSE

    Laurent Borredon, au travers de leurs aspects techniques et juridiques, reviendra sur l’ensemble des lois « sécuritaires » et particulièrement sur l’histoire de l’état d’urgence depuis la Guerre d’Algérie.

    Moment d’échanges avec l’intervenant. Question/Discussion.

    DIMANCHE 14 FEVRIER 14h-18h

    Vanessa Codaccioni approfondira la question de l’état d’urgence par l’angle de la justice d’exception et de ses conséquences : criminalisation des oppositions politiques et tentatives de redéfinition des bornes du politique.

    Moment d’échanges avec l’intervenant. Question/Discussion.

    Des inculpés de « l’affaire de Tarnac » viendront parler de leur situation et analyseront le paradigme sécuritaire comme une nouvelle forme de gouvernement.

    Moment d’échanges avec l’intervenant. Question/Discussion.

    PAUSE

    Discussion : A l’aune de ces trois jours, et de diverses expériences présentées, comment réussir à penser ce que pourrait être une politique radicale adéquate ?

    Si vous voulez en savoir plus sur les intervenants et les détails du programme :

    Maison de la Grève - état d’urgence, état du monde
    https://maisondelagreve.boum.org/etat-d-urgence

  • Justice d’exception
    Entretien avec Vanessa Codaccioni conduit par Mathieu Trachman

    " Les juridictions d’exception naissent toujours dans des contextes de crise, et plus précisément dans des contextes de fortes conflictualités politique et sociale, des situations de guerre ou de sorties de conflits. Les cas de Vichy, de la Libération ou de la guerre d’Algérie, où se sont succédé de multiples tribunaux spéciaux, sont les exemples-types de ces moments où la radicalisation de la lutte contre des « ennemis intérieurs » se traduit par l’instauration d’un régime répressif d’exception. Dans ce dernier, les tribunaux spéciaux sont centraux car ils permettent de réprimer très rapidement et plus sévèrement une « population cible » dont les membres sont soumis à un processus de pénalisation dérogatoire au droit commun."

    http://alencontre.org/europe/france/france-une-justice-dexception-pourquoi-quelle-justification.html

    http://www.laviedesidees.fr/Comment-juger-les-ennemis-de-l-Etat.html

    Compte rendu de lecture / 2016
    Vanessa Codaccioni, Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, par Joana Falxa
    https://lectures.revues.org/19903

    #Justice_d'exception #Vanessa_Codaccioni #Revues.org #laviedesidees.fr #alencontre.org

  • #Vanessa_Codaccioni : « La condamnation des #Goodyear est un avertissement au monde du travail »
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/150116/vanessa-codaccioni-la-condamnation-des-goodyear-est-un-avertissement-au-mo

    La condamnation de huit anciens Goodyear à neuf mois de prison ferme est « un avertissement » envoyé au monde du travail, ouvrier, syndical, pour la politiste Vanessa Codaccioni, spécialiste de la #répression. Entretien.

    #Economie #criminalisation_des_mouvements_sociaux #patronale #syndicale

  • Comment juger les ennemis de l’État ?
    http://www.laviedesidees.fr/Comment-juger-les-ennemis-de-l-Etat.html

    En abordant la question de la #justice d’exception de manière historique, Vanessa Codaccioni éclaire les débats récents autour des luttes antiterroristes. Elle montre que ces dispositifs s’enracinent dans une histoire longue, et qu’il s’agit moins d’opposer la sécurité à la liberté que de comprendre des pratiques changeantes, incarnées dans des institutions, qui éclairent les enjeux ordinaires de la justice.

    Livres & études

    / #crime_d'Etat, justice, #terrorisme

    #Livres_&_études

  • Depuis le début de l’état d’urgence samedi dernier, nombre de perquisitions administratives conduites le sont pour des affaires relevant du droit commun, sans aucun lien avec la lutte antiterroriste, et préfigurent un État policier que la prorogation de trois mois risque de banaliser.

    http://www.politis.fr/Les-perquisitions-administratives,33035.html
    #terrorisme #France #police #répression #état_d'urgence
    via #La_Quadrature_du_Net

    • « Nous profitons de ce dispositif pour terminer des procédures que nous n’arrivons pas à judiciariser », raconte Christophe Rouget, responsable de communication au Syndicat des cadres de la sécurité intérieure CFDT (SCSI-CFDT). (...)

      C’était d’ailleurs l’ambition clairement affichée par Didier Guillaume, président du groupe socialiste au Sénat, lundi après-midi au Congrès. « Profitons de ce moment pour nettoyer la France, et certains territoires de France qui sont attaqués ! »
      Des affaires de droit commun noyées dans le rouleau compresseur de l’état d’urgence, c’est ce que craignent les professionnels de la justice. « Ce serait comme si le Code de procédure pénale était bon à jeter à la poubelle, nous entrerions dans un État policier, s’inquiète Florian Borg, président du Syndicat des avocats de France. Il est important qu’un juge anti-terroriste soit saisi pour garantir l’application de la procédure. »

      Selon le Syndicat de la magistrature, toutes ces investigations étaient par ailleurs possibles hors du cadre de l’état d’urgence. « Rien n’empêche la police judiciaire de demander une perquisition si elle a un soupçon. La législation antiterroriste donne également des pouvoirs très larges aux parquets, qui rendent possible ce type d’enquête, rappelle Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature, qui s’inquiète que ces opérations sortent du contrôle de la justice. S’il n’y a pas de soupçons, on est dans l’arbitraire »

      Les meilleurs flics ne portent pas l’uniforme.
      Aujourd’hui le capitaine de pédalo a fait voter la réforme et la prolongation de l’état d’urgence à toute l’ass. nat. , P"C"F et FdG compris, sauf 6 députés ( trois écologistes - Noël Mamère, Isabelle Attard et Sergio Coronado - et trois socialistes - Pouria Amirshahi, Gérard Sebaoun et Barbara Romagnan).

      En 1940, 80 parlementaires n’avaient pas voté les pleins pouvoirs à Pétain.
      En mars 1956, lors de la Guerre d’Algérie, des « pouvoirs spéciaux » sont votés au gvt du socialiste Guy Mollet par 455 voix, y compris celles des 146 députés du Parti « Communiste » Français, contre 76.

    • Merci Sergio !

      Nul besoin d’état d’urgence pour lutter contre les terroristes ! ‹ Sergio Coronado
      http://sergiocoronado.fr/2015/11/nul-besoin-detat-durgence-pour-lutter-contre-les-terroristes

      L’état d’urgence n’est pas en lui-même, malheureusement, de nature à écarter le danger. Il sert surtout à montrer que l’on agit, sans que son efficacité supérieure n’ait été démontrée. Les garanties de l’état de droit ne sont pas un obstacle à la lutte contre le terrorisme. La mise à l’écart de l’institution judiciaire est un risque pour notre démocratie. Alors qu’environ 2500 personnes travaillent au renseignement, à peine 150 personnes le font du côté judiciaire. Ce déséquilibre signifie que les juges n’ont pas les moyens de traiter les renseignements qui leur sont transmis.

      Parce que mon intime conviction est que l’état d’urgence n’offre aucune supériorité opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme, qu’il représente tout au contraire une suspension de notre état de droit, et donc des risques pour nos libertés, j’ai décidé de voter contre le projet de loi qui proroge l’état d’urgence.

    • Or, les mesures prises dans l’urgence avec des arguments similaires à ceux utilisés par les défenseurs des perquisitions administratives sont peu à peu institutionnalisées, observe Vanessa Codaccioni, politologue à Paris 8, qui vient de conclure une étude sur la Justice d’exception [2].

      « Ce qui se passe en ce moment est typique des situations de crise et des circonstances exceptionnelles : les gouvernements déclarent le pays en état de “légitime défense“ pour faire passer des mesures d’exception. Et ils élargissent le contour de leur politique répressive, car les gens ne sont pas trop regardants tant que l’État agit très vite. »