person:yvan blot

  • Un ex-conseiller de Sarkozy prend la tête de Rusal, le géant russe de l’aluminium
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/28/un-ex-conseiller-de-sarkozy-prend-la-tete-de-rusal-le-geant-russe-de-l-alumi


    Jean-Pierre Thomas, en juin 2018.
    VALDAI DISCUSSION CLUB

    Une nouvelle vie, assez inattendue, s’ouvre pour Jean-Pierre Thomas. L’ex-député des Vosges et trésorier du Parti républicain, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, s’apprête à prendre la tête de #Rusal, le premier producteur d’aluminium au monde. Le groupe industriel russe a annoncé vendredi 28 décembre sa nomination comme président du conseil d’administration à partir du 1er janvier.
    Jean-Pierre Thomas, 61 ans, était déjà membre du conseil d’administration de Rusal depuis juin, et rien ne laissait prévoir qu’il allait en prendre la présidence. Mais la crise russo-américaine au centre de laquelle s’est trouvé Rusal a bouleversé la donne.

    Début avril, Donald Trump a en effet dévoilé des sanctions américaines contre 24 oligarques et responsables politiques russes proches du président Vladimir Poutine, et contre 14 groupes et entreprises soupçonnés d’être liés à des « activités malveillantes » envers les démocraties occidentales. Cible numéro un : Oleg Deripaska, 50 ans, le « roi de l’aluminium » avec son groupe Rusal.

    Pour le producteur d’aluminium, qui réalisait jusqu’alors 14 % de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis, ces sanctions représentaient une très forte menace. Le groupe industriel craignait de perdre une partie de ses marchés, et de ne pas pouvoir honorer les échéances sur sa dette. A la Bourse de Hongkong, où le groupe est coté, l’action a immédiatement encaissé le choc, avec une baisse de 50,4 % en une journée, le lundi 9 avril.

    • La bio WP de Jean-Pierre Thomas
      (et aussi ancien trésorier du Parti républicain)

      Jean-Pierre Thomas — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Thomas

      Jean-Pierre Thomas est un homme d’affaires et ancien homme politique français, né le 29 mars 1957 à Gérardmer (Vosges). Fondateur de vendôme Investments, et ancien associé-gérant de la Banque Lazard, il est un des spécialistes de l’économie russe. Il a reçu du Président de la république, Nicolas Sarkozy avec l’accord des autorités russes, une mission officielle afin de développer les relations économiques entre la France et la Russie.

    • L’étrange Monsieur Russie de Sarkozy
      https://www.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20120104.OBS8073/l-etrange-monsieur-russie-de-sarkozy.html
      §6/01/12)


      Jean-Pierre Thomas, ex-trésorier du Parti républicain, condamné en 2005 pour financement illégal du parti a été chargé par Nicolas Sarkozy d’un misssion économique à Moscou.
      AFP

      Les dessous d’une nomination qui inquiète diplomates et patrons. Par Odile Benyahia-Kouider et Vincent Jauvert.

      C’est une lettre restée jusqu’ici secrète. Un courrier de président à président. Le 17 janvier 2011, Nicolas Sarkozy écrit à son homologue russe, Dmitri Medvedev, pour vanter les mérites d’un homme dont il a décidé de faire son émissaire en Russie. Un homme qui, souligne-t-il, « jouit de toute [sa] confiance » et qui est « une personnalité économique respectée en France ». Un homme qui a « une connaissance intime des milieux économiques français et russe avec lesquels il travaille depuis des années ».

      Le président de la République, qui a fait du rapprochement avec Moscou un des axes majeurs de sa politique étrangère, précise qu’il va ordonner aux autorités françaises d’apporter « leur soutien » à son représentant et demande à son « ami Dmitri » de lui ouvrir les portes du Kremlin et des grandes entreprises de son pays.

      Qui est donc ce « Monsieur Russie », dont la nomination n’a fait l’objet d’aucun communiqué officiel ? L’homme dont Nicolas Sarkozy tresse ainsi les louanges s’appelle Jean-Pierre Thomas. Ce n’est pas tout à fait un inconnu. Son nom a fait la une des gazettes il y a quelques années, à l’occasion d’une affaire sulfureuse. Ex-trésorier du Parti républicain - le mouvement de Gérard Longuet, Alain Madelin et François Léotard, aujourd’hui intégré à l’UMP -, Jean-Pierre Thomas a été condamné en 2005 à quinze mois de prison avec sursis pour financement illégal de parti.

    • Enfin,
      Club #Valdaï — Wikipédia
      (article à mettre à jour, la dernière rencontre décrite est Valdaï 2013
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_Valda%C3%AF

      Le club de discussion Valdaï (en russe Международный дискуссионный клуб « Валдай ») est un forum international annuel qui vise à rassembler des experts pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde.

      La mission du club est de créer une plateforme internationale pour permettre aux élites russes de débattre du développement du pays et de son rôle dans le monde, avec des experts étrangers issus du monde académique, de la politique et des médias.

      Le club Valdaï défend la vision d’un monde multipolaire, par opposition à un monde unipolaire dominé par les États-Unis d’Amérique.

      Historique
      Le club a été créé en 2004 par l’agence de presse RIA Novosti et d’autres publications russes. Il a été nommé d’après le lieu de la première rencontre à Novgorod, près du lac Valdaï.

      Un des principaux conseillers du Club Valdaï est l’ancien député européen (FN) Yvan Blot. Cet ancien cadre du FN, puis du MNR (Mouvement national républicain) de Bruno Mégret, fut aussi le cofondateur du Club de l’horloge, un think tank réunissant des hauts fonctionnaires de droite et d’extrême droite.

    • Loir-et-Cher : Maurice Leroy, de l’Assemblée nationale au Grand Moscou – actu.fr
      https://actu.fr/politique/loir-cher-maurice-leroy-lassemblee-nationale-grand-moscou_20352196.html

      Le député du Loir-et-Cher, Maurice Leroy, a annoncé sa démission pour devenir directeur général adjoint du Grand Moscou, en Russie.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Leroy

      https://twitter.com/MauriceLeroy

  • #Mediapart #fafs #faf

    "Ils voulaient redresser la France, ils vont passer leur première nuit en garde à vue. Dès 6 heures, ce dimanche matin, dix hommes, dont un ancien haut fonctionnaire et un ancien gendarme, ont été interpellés en région parisienne, mais aussi en Corse, en Gironde, dans la Vienne ou encore en Charente. Ils font partie d’un groupe clandestin issu des rangs de l’ultra-droite, du groupe Action des forces opérationnelles (AFO), qui préparait des attaques contre des musulmans pour se venger des attentats commis par des djihadistes en France ces dernières années.

    D’après la chaîne LCI, qui a la première sorti l’information, plusieurs armes à feu ont été découvertes en perquisition. Selon nos sources, un laboratoire clandestin de fabrication d’explosifs a été découvert chez l’un des suspects arrêtés. C’est l’existence dudit laboratoire qui a précipité la vague d’interpellations dans le cadre d’une enquête menée dans le plus grand secret depuis plusieurs mois.

    C’est la concrétisation judiciaire de ce que Mediapart révélait le 9 avril dernier : la DGSI s’inquiétait de la résurgence de la mouvance de l’ultra-droite et avait « une cinquantaine de policiers, gendarmes et militaires » parmi ses « objectifs » suivis pour leurs liens avec « l’extrême droite violente ».

    Depuis 2015 et le début de la vague d’attentats qui ensanglantent la France, plusieurs groupuscules d’autodéfense se sont constitués dans le but de lutter contre « le péril islamique » et de se substituer à un État défaillant, en se préparant à recourir à la violence dans la perspective d’une guerre civile. « Même s’ils restent embryonnaires, ces groupuscules claironnent leur volonté de riposter et nous suivons cela de très près », avait concédé en avril un haut gradé des services de renseignement. Une litote.

    D’après nos informations, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mais aussi d’autres services de renseignement du ministère de l’intérieur et de la défense enquêtaient déjà depuis plusieurs mois sur les Volontaires pour la France (VPF), et notamment sa branche dissidente, qui compte parmi ses membres des gendarmes et des militaires issus des forces spéciales et des chasseurs alpins.

    Créés mi-2015, les VPF ont réellement été mis sur orbite au lendemain des attentats du 13-Novembre – l’un de ses membres fondateurs a perdu sa fille au Bataclan. Ayant pour objectifs de « défendre l’identité française » et de « combattre l’islamisation du pays », ils comptent une cinquantaine de militaires et de membres des forces de l’ordre.

    Contacté début avril, le groupuscule revendiquait « près de 800 membres, parmi lesquels de nombreux militaires en retraite, dont un certain nombre d’officiers supérieurs et de généraux ». Sur sa page Facebook, l’organisation assure que ce combat doit se mener « par tous les moyens légaux uniquement ». Mais certains membres sont plus virulents : en novembre 2015, l’un d’eux parlait de « combattre par des actions concrétes[sic] l’islamisation du pays ». « Préparez vous si il faut que les barricades soit montées [sic] qu’il en soit ainsi ce ne sera pas l’état qui se chargera de l’islam », commentait un jeune homme, en juillet 2016.

    Une première enquête de la DGSI à l’été 2016 avait poussé les VPF à se constituer en association. Depuis, ce mouvement se pare des oripeaux de la légalité. Ses deux figures de proue affichent leurs photos et leurs curriculum vitae sur le site internet des VPF. Antoine Martinez est un général retraité de l’armée de l’air résidant à Nice, « spécialiste du renseignement » autoproclamé et président du comité de soutien au général à la retraite Christian Piquemal, qui avait, en février 2016, défrayé la chronique en s’impliquant dans une manifestation non autorisée contre la politique migratoire. L’ancien parachutiste et ex-commandant de la Légion étrangère avait été relaxé par la justice mais radié des cadres de l’armée.

    Le second coprésident, l’ancien député européen (FN) Yvan Blot, revendique, lui, dans sa biographie être un « ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur en charge des affaires de terrorisme ». Cet ancien cadre du FN, puis du MNR (Mouvement national républicain) de Bruno Mégret, fut aussi le cofondateur du Club de l’horloge, un think tank réunissant des hauts fonctionnaires de droite et d’extrême droite. Il serait désormais, selon la réponse des VPF adressée début avril à Mediapart, « conseiller du Club Valdaï, proche du Kremlin ».

    Sur le site des VPF, on peut lire que « les Volontaires peuvent se former, s’instruire, s’entraîner grâce à des journées, des week-ends ou des séminaires de formation organisés par les cadres de l’organisation et animés par des spécialistes dans tous les domaines ». Dans le mail de réponses adressé à Mediapart, les VPF assuraient n’être « en aucun cas une milice », ni être « affiliés ou associés à aucun parti politique ». « Nous sommes des pères et des mères de famille lucides et précautionneux, conscients des dangers et de l’utopie du vivre ensemble avec un islam conquérant, pour les avoir déjà vécus sur des théâtres d’opérations extérieures (Liban, Kosovo…) », concluait l’association dans sa réponse.

    En réalité, ce vernis de respectabilité génère quelques frustrations et tensions. Là où les dirigeants, de peur de poursuites pénales, insistent pour inscrire leur action dans le respect de la loi, leurs militants, frustrés par la routine de la vie associative et désireux de passer à l’action, ne l’entendent pas de cette oreille.

    À l’automne 2017, Dominique Copain et Guy Sibra, deux recruteurs des VPF, ont créé une structure baptisée Action des forces opérationnelles (AFO), destinée à mener de réelles opérations clandestines. Selon nos informations, les deux hommes font partie des dix gardés à vue. Le second, vendeur de matériels militaires déclassés domicilié en Nouvelle-Aquitaine, avait pris « Richelieu » pour pseudo.

    Dans la foulée, des figures du groupuscule, Guy Boisson, responsable des VPF dans la région Hauts-de-France, et Michel Herbreteau, à la tête de la région du Var, ont rejoint cette nouvelle cellule pensée comme une résurgence du SAC. À l’inverse, Romain Petit, monsieur Sécurité des VPF, a décliné la proposition, préférant pour sa part créer une société de sécurité privée aux côtés de Gérard Hardy, le fondateur des Volontaires pour la France. Messieurs Boisson, Herbreteau, Petit et Hardy ne sont pas concernés par la vague d’interpellations.

    Désormais, l’Action des forces opérationnelles se vit comme une dissidence des VPF. Son accès est d’ailleurs interdit aux militants des VPF. Très professionnels, les membres de la cellule communiquent via la messagerie cryptée Proton – dont les serveurs basés en Suisse diffusent des courriels impossibles à partager avec des tiers et répondent aux ordres de leurs « commandants de département », qui obéissent eux-mêmes à leurs « commandants de région ».

    La première action de ce groupuscule ne portait pas trop à conséquence – la constitution de stocks pharmaceutiques de première urgence, en cas d’affrontements généralisés –, mais témoignait des convictions profondes de ses membres de l’imminence d’une guerre civile. Une initiative motivée par la participation de représentants de professions médicales, par ailleurs liés à des organismes de sécurité civile.

    Dans une note interne que Mediapart a pu consulter, le responsable de la formation, qui se fait appeler « Garbo », un sous-officier de la gendarmerie encore en activité sur l’aéroport de Mérignac, souligne que la liste envoyée constitue le « matériel de première urgence » tel que défini dans les stages de secourisme de l’armée et est destinée « à faire face à des blessures hémorragiques dites de guerre ». Le même Garbo dispensait récemment des fiches de « formation self-defense » ayant « vocation de proposer des solutions pour se dégager rapidement d’une personne positionnée dans votre zone intime ».

    Plus préoccupant, l’Action des forces opérationnelles cherchait ces derniers mois à s’équiper en armes et explosifs pour passer à l’action. Les services de renseignement suspectent que plusieurs caches d’armes auraient été disséminées dans les 11 régions où cette cellule clandestine est présente. Et la DRSD (Direction du renseignement et de la sécurité de défense, la police militaire) s’intéresse à plusieurs militaires appartenant à cette cellule dans le cadre de son enquête interne concernant un casse sur la base aérienne 125 d’Istres, en septembre 2016. Plusieurs dizaines de pistolets et d’armes longues y avaient été dérobés. À ce jour, l’affaire n’a pas été résolue, ni les armes retrouvées.

    Des militaires traumatisés à leur retour d’Irak et d’Afghanistan

    Les services de renseignement ont alerté les autorités que cette cellule n’excluait plus le recours à la violence. Plus généralement, comme Mediapart l’avait révélé, ils avaient même à l’automne 2017 prévenu que le risque de voir « la mouvance dite de l’ultra-droite » passer à l’action violente était « évalué à la hausse pour la période à venir ». Les services voyaient d’un très mauvais œil, dans ce contexte de conflit larvé, les VPF et les AFO draguer les membres de services de sécurité, construisant leurs discours à leur attention, veillant à valoriser chaque nouvelle recrue issue des rangs de la gendarmerie ou de l’armée. Des professionnels recherchés à la fois pour leur savoir-faire en matière de maintien de l’ordre et d’opérations coup de poing.

    À telle enseigne que les services de renseignement ont dû sensibiliser à ce sujet plusieurs administrations, parmi lesquelles les différents corps d’armée, la police, la gendarmerie, les douanes, ainsi que l’administration pénitentiaire. Cela afin d’améliorer l’échange d’informations sur les fonctionnaires suspects mais aussi de prévenir le recrutement de tout nouveau policier ou militaire déjà recensé comme figurant dans cette mouvance. L’« entrisme » de « l’extrême droite violente » au sein des forces de sécurité préoccupe la DGSI, les Renseignements territoriaux (RT) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris.

    Rencontré en mars, un ponte de la lutte antiterroriste confirmait : « L’ultra-droite se structure de façon assez inquiétante. Et c’est vrai que l’on retrouve beaucoup de militaires ou d’anciens militaires. » « Ce sont souvent des militaires de retour de mission en Afghanistan ou en Irak, complétait un ancien des services. Ils rentrent traumatisés, il faut les surveiller pour ne pas qu’ils continuent leur combat individuel. Certains créent des groupes sur les réseaux sociaux, ou se radicalisent à travers eux, d’autres peuvent passer à l’action. »

    L’exemple de l’Action des forces opérationnelles rappelle le réseau néonazi découvert au sein des forces armées belges en 2006. Dix-sept personnes, dont dix militaires, avaient été interpellées. Leur chef appartenait au groupuscule flamand BBET (Sang-Sol-Honneur et Fidélité). Des armes, des explosifs et des détonateurs avaient été trouvés lors de perquisitions.

    La France n’est pas non plus exempte de précédents. En 2013, la mère du sergent de l’armée de l’air Christophe Lavigne (deux missions en Afghanistan à son actif) prévient la police : elle redoute la radicalisation de son fils de 23 ans. L’ancien militaire est neutralisé en 2013 par la DGSI, qui le suspecte de projeter d’attaquer une mosquée à côté de Lyon. Un an plus tôt, l’ancien militaire avait jeté un cocktail Molotov sur la mosquée de Libourne (Gironde), ce qui lui avait valu une condamnation pour « dégradation d’un lieu de culte en relation avec une entreprise terroriste ».

    Le 24 mars 2013, six activistes néofascistes avaient aussi été interpellés près du campus de Talence (banlieue de Bordeaux), armés de poings américains et de manches de pioches. Ils venaient de taguer des mots d’ordre anti-immigrés. Dans le groupe, figurait un ex-cadre de la DPSD, le colonel Mochel, dont le rôle reste à expliquer. Des faits similaires ont été relevés à Arras et à Annecy – où des Chasseurs du 27e BCA ont été impliqués dans l’incendie d’une mosquée.

    Lors des rassemblements contre le « mariage pour tous » en 2013, certains militaires radicalisés avaient déjà témoigné de leurs velléités. Le collectif Printemps français avait ainsi tenté d’occuper les Champs-Élysées – une idée impulsée par Philippe Darantière, un ancien officier parachutiste reconverti dans l’intelligence économique. Parallèlement, une publication d’extrême droite avait appelé des hauts gradés catholiques – tel Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris – à provoquer un coup d’État.

    En fait, depuis l’équipée sauvage de Mohammed Merah, qui tua trois militaires de Montauban et Toulouse (c’était la première fois, depuis la guerre d’Algérie et les exactions de l’#OAS, que des soldats français en permission étaient abattus à l’intérieur des frontières de l’Hexagone), l’ultra-droite a ajusté sa propagande au sein des régiments parachutistes basés dans le Sud-Ouest. Plusieurs notes de renseignement ont signalé des tentatives de récupération au sein du 1er RTP (Toulouse) et le 3e RPIMA (Carcassonne) où avait servi Victor L. – qui avait intégré le service d’ordre du Bloc identitaire et son cercle toulousain après avoir quitté l’armée.

    Aujourd’hui, l’institut Civitas mène une action en profondeur en direction de certains milieux militaires catholiques, sous la houlette notamment du général Chrissement, qui fut, avant sa retraite, chef d’état-major interarmées chargé de la gestion de crise au sein de la zone de défense Île-de-France. Civitas veut s’inspirer de l’ancienne Cité catholique, qui fournit nombre de ses cadres à l’OAS. À l’époque, la Cité catholique avait organisé des cellules dans certaines unités présentes en Algérie avec l’aide des 5e bureaux et des Services d’action psychologique."

  • Forces de l’ordre liées à l’#ultra-droite violente : la #DGSI s’inquiète - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/090418/forces-de-l-ordre-liees-l-ultra-droite-violente-la-dgsi-s-inquiete

    Les #services de renseignement s’inquiètent de la proportion grandissante de membres des forces de sécurité ayant rejoint des #groupuscules_d'autodéfense. Parmi les « objectifs de la DGSI » suivis pour leurs liens avec « l’extrême droite violente », on recense une cinquantaine de policiers, gendarmes et militaires. Les autorités de tutelle ont été alertées à l’automne dernier.

    Ces derniers jours, des membres de cette mouvance se sont manifestés en commettant des exactions à l’intérieur des facultés, que ce soit à Montpellier (ici et là), à Lille, à Angers, à Strasbourg, ou encore au lycée autogéré de Paris. Mais ce n’est pas cette branche-là de l’ultra-droite qui inquiète le plus les services. D’après nos informations, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a récemment souligné la proportion grandissante de militaires ou de membres des forces de l’ordre ayant intégré des groupuscules d’autodéfense nés dans la foulée des attentats. Comme nous l’ont confirmé plusieurs sources, une cinquantaine d’objectifs de la DGSI sont… des fonctionnaires, membres des services de sécurité, en activité ou à la retraite.

    À telle enseigne que les services de renseignement ont dû sensibiliser à ce sujet plusieurs administrations. Parmi lesquelles les différents corps d’armée, la police, la gendarmerie, les douanes ainsi que l’administration pénitentiaire. Cela afin d’améliorer l’échange d’informations sur les fonctionnaires suspects mais aussi afin de prévenir le recrutement de tout nouveau policier ou militaire déjà recensé comme figurant dans cette mouvance. L’« entrisme » de « l’extrême droite violente » au sein des forces de sécurité préoccupe la DGSI, les Renseignements territoriaux (RT) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris.

    Selon une source, certains membres des forces de l’ordre seraient même sollicités pour accéder aux informations confidentielles que recèlent les fichiers de police et de gendarmerie.

    Au premier rang de ces groupuscules de défense civile, Les Volontaires pour la France (VPF), apparus au lendemain du 13-Novembre et ayant pour objectifs de « défendre l’identité française » et de « combattre l’islamisation du pays ». Sur les quelque 200 militants disséminés en France, les VPF comptent une cinquantaine de militaires et de membres des forces de l’ordre à la retraite. Contacté, le groupuscule revendique « près de 800 membres, parmi lesquels de nombreux militaires en retraite dont un certain nombre d’officiers supérieurs et de généraux ».

    Antoine Martinez, l’un des co-présidents de ce groupe désormais constitué en association, est d’ailleurs un ancien général de l’armée de l’air, « spécialiste du renseignement » autoproclamé, et président du comité de soutien au général à la retraite Christian Piquemal qui avait, en février 2016, défrayé la chronique en s’impliquant dans une manifestation non autorisée contre la politique migratoire. L’ancien parachutiste et ex-commandant de la Légion étrangère avait été relaxé par la justice mais radié des cadres de l’armée.

    Le second co-président des VPF, l’ancien député européen (#FN) Yvan Blot, revendique, lui, dans sa biographie être un « ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur en charge des affaires de terrorisme ». Il serait désormais, selon la réponse des VPF adressée à Mediapart, « aujourd’hui conseiller du Club Valdaï, proche du Kremlin ».

    Rencontré, un ponte de la lutte antiterroriste confirme : « L’ultra-droite se structure de façon assez inquiétante. Et c’est vrai que l’on retrouve beaucoup de militaires ou d’anciens militaires. En revanche, au sein des forces de l’ordre, ce n’est pas flagrant », tempère ce haut gradé… des forces de l’ordre. « Les dangers sont en province et non à Paris. Ce sont souvent des militaires de retour de mission en Afghanistan ou en Irak, complète un ancien des services. Ils rentrent traumatisés, il faut les surveiller pour ne pas qu’ils continuent leur combat individuel. Certains créent des groupes sur les réseaux sociaux, ou se radicalisent à travers eux, d’autres peuvent passer à l’action. »

    • Tout à fait caractéristique d’un régime proto-fasciste. Toutes les conditions se mettent en place pour l’affrontement qui s’annonce et Macron est le dirigeant adéquat pour permettre d’arriver au stade supérieur vu l’énième aggravation de la violence des rapports sociaux qu’il facilite.
      @ant1 C’est possible d’avoir un copier coller de l’article en entier ?

    • @ninachani
      es services de renseignement ont alerté à l’automne leurs autorités de tutelle. Atone depuis le démantèlement du groupe skinhead « Troisième Voie », dont des sympathisants avaient tué en 2013 le militant d’extrême gauche Clément Méric, la mouvance dite de l’ultra-droite est de retour et, estiment les services, le risque de la voir passer à l’action violente est « évalué à la hausse pour la période à venir » selon les uns, « demeure élevé » selon les autres.

      Ces derniers jours, des membres de cette mouvance se sont manifestés en commettant des exactions à l’intérieur des facultés, que ce soit à Montpellier (ici et là), à Lille, à Angers, à Strasbourg, ou encore au lycée autogéré de Paris. Mais ce n’est pas cette branche-là de l’ultra-droite qui inquiète le plus les services. D’après nos informations, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a récemment souligné la proportion grandissante de militaires ou de membres des forces de l’ordre ayant intégré des groupuscules d’autodéfense nés dans la foulée des attentats. Comme nous l’ont confirmé plusieurs sources, une cinquantaine d’objectifs de la DGSI sont… des fonctionnaires, membres des services de sécurité, en activité ou à la retraite.

      À telle enseigne que les services de renseignement ont dû sensibiliser à ce sujet plusieurs administrations. Parmi lesquelles les différents corps d’armée, la police, la gendarmerie, les douanes ainsi que l’administration pénitentiaire. Cela afin d’améliorer l’échange d’informations sur les fonctionnaires suspects mais aussi afin de prévenir le recrutement de tout nouveau policier ou militaire déjà recensé comme figurant dans cette mouvance. L’« entrisme » de « l’extrême droite violente » au sein des forces de sécurité préoccupe la DGSI, les Renseignements territoriaux (RT) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris.

      Capture d’écran du manifeste des réseaux Rémora. © DR
      Capture d’écran du manifeste des réseaux Rémora. © DR
      Depuis 2015 et le début de la vague d’attentats qui ensanglantent la France, plusieurs groupuscules affiliés à l’extrême droite radicale se sont constitués dans le but de lutter contre « le péril islamique » et de se substituer à un État défaillant, en se préparant à recourir à la violence dans la perspective d’une guerre civile. « Même s’ils restent embryonnaires, ils claironnent leur volonté de riposter et nous suivons cela de très près », concède un autre haut gradé des services de renseignement.

      Déjà en mai 2016, Patrick Calvar, le patron d’alors de la DGSI, avait tiré la sonnette d’alarme lors d’une audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées à l’Assemblée nationale : « Les extrémismes montent partout et nous sommes, nous, services intérieurs, en train de déplacer des ressources pour nous intéresser à l’ultra-droite qui n’attend que la confrontation […]. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires. » Ce que n’avait alors pas encore perçu son service, c’est l’influence grandissante de certains de leurs propres collègues au sein des groupuscules.

      Car, dans ce contexte de conflit larvé, ces milices qui ne disent pas leur nom draguent les membres de services de sécurité, construisent leurs discours à leur attention, veillent à valoriser chaque nouvelle recrue issue des rangs de la police, de la gendarmerie ou de l’armée. Des professionnels recherchés à la fois pour leur savoir-faire en matière de maintien de l’ordre et d’opérations coups-de-poing ainsi que pour leurs réseaux. Selon une source, certains membres des forces de l’ordre seraient même sollicités pour accéder aux informations confidentielles que recèlent les fichiers de police et de gendarmerie.

      Au premier rang de ces groupuscules de défense civile, Les Volontaires pour la France (VPF), apparus au lendemain du 13-Novembre et ayant pour objectifs de « défendre l’identité française » et de « combattre l’islamisation du pays ». Sur les quelque 200 militants disséminés en France, les VPF comptent une cinquantaine de militaires et de membres des forces de l’ordre à la retraite. Contacté, le groupuscule revendique « près de 800 membres, parmi lesquels de nombreux militaires en retraite dont un certain nombre d’officiers supérieurs et de généraux ».

      Antoine Martinez, l’un des co-présidents de ce groupe désormais constitué en association, est d’ailleurs un ancien général de l’armée de l’air, « spécialiste du renseignement » autoproclamé, et président du comité de soutien au général à la retraite Christian Piquemal qui avait, en février 2016, défrayé la chronique en s’impliquant dans une manifestation non autorisée contre la politique migratoire. L’ancien parachutiste et ex-commandant de la Légion étrangère avait été relaxé par la justice mais radié des cadres de l’armée.

      Le second co-président des VPF, l’ancien député européen (FN) Yvan Blot, revendique, lui, dans sa biographie être un « ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur en charge des affaires de terrorisme ». Il serait désormais, selon la réponse des VPF adressée à Mediapart, « aujourd’hui conseiller du Club Valdaï, proche du Kremlin ». Sur le site des VPF, on peut lire que « les Volontaires peuvent se former, s’instruire, s’entraîner grâce à des journées, des week-ends ou des séminaires de formation organisés par les cadres de l’organisation et animés par des spécialistes dans tous les domaines ». Toujours dans le mail à Mediapart, les VPF assurent n’être « en aucun cas une milice », ni être « affiliés ou associés à aucun parti politique ». « Nous sommes des pères et des mères de famille lucides et précautionneux, conscients des dangers et de l’utopie du vivre ensemble avec un islam conquérant, pour les avoir déjà vécus sur des théâtres d’opérations extérieures (Liban, Kosovo...) », conclut l’association dans sa réponse.

      Sur le site internet des Volontaires pour la France (VPF).
      Sur le site internet des Volontaires pour la France (VPF).
      À la tête des réseaux Rémora, on retrouve... un ancien inspecteur des renseignements généraux (RG). Âgé de 68 ans, passé par le Bloc identitaire puis le Front national, le militant Luc Sommeyre appelle, sur internet, « la société civile tout entière » à anticiper « la désespérance prévisible de nos Soldats, de nos Gendarmes et de nos Policiers », faute d’être en nombre suffisant pour répondre à des « attentats multiples et coordonnés par Daesh ». Pour ce faire, il invite les « patriotes » à constituer quinze cellules, composées « à l’idéal » de quatre à sept personnes, réparties sur l’ensemble du territoire afin d’« apporter leur connaissance parfaite du terrain et leur soutien aux unités de l’armée, de la gendarmerie et de la police qui pourraient être amenées à intervenir hors de leurs bases naturelles » en cas d’attaques des « islamo-terroristes ».

      Il s’agit de collecter du renseignement opérationnel, comme identifier « l’emplacement des stocks de nourriture et d’eau potable, […] des transformateurs électriques et autres sources d’approvisionnement énergétique » mais aussi localiser « les centres de réunion des individus qui se déclarent ouvertement ennemis de notre Patrie, comme les mosquées salafistes », dénombrer et identifier « les personnes physiques qui manifestent une hostilité ouverte ou larvée à l’encontre de notre Pays et des nôtres ». En clair, procéder à un fichage d’individus et de lieux de culte, autant de procédés qui ne doivent pas tout à fait correspondre avec le « respect absolu de la loi républicaine » affiché en capitales sur le site qui héberge le manifeste fondateur des réseaux Rémora. Une douzaine de cellules seraient néanmoins constituées, remplissant leurs missions « avec sérieux et discrétion ». Luc Sommeyre revendique « plusieurs centaines de femmes et d’hommes répartis sur l’ensemble du territoire national et en Europe ».

      Apparus en Finlande en 2015, les Soldats d’Odin – du nom du roi des dieux dans la mythologie nordique – proposent, eux, des patrouilles de rue afin de lutter contre les migrants et la délinquance que ceux-ci sont supposés occasionner. Un an plus tard, ce mouvement scandinave a le droit à sa déclinaison française avec les « Soldats d’Odin Breizh », basés dans le Finistère. Ils auraient également essaimé à Bordeaux et dans le nord de la France.

      Photo postée sur la page Facebook des Soldats d’Odin avec la légende suivante : « AG 2018 soldats d’Odin officiel France ».
      Photo postée sur la page Facebook des Soldats d’Odin avec la légende suivante : « AG 2018 soldats d’Odin officiel France ».

      « On ignore tout du facho des champs »

      La réédition du livre de Piero San Giorgio.
      La réédition du livre de Piero San Giorgio.
      À l’origine de cette régénérescence : Piero San Giorgio, un officier de réserve suisse dont le best-seller Survivre à l’effondrement économique, réédité en « édition de combat », se revendique « manuel de survie ». L’écrivain, qui a donné des conférences avec Alain Soral, prédit un état de guerre généralisé d’ici à 2025 et propose de développer des zones rurales autosuffisantes pour survivre. Certains militants veulent s’inspirer de son mode d’emploi pour créer des groupes de survie, sorte de « Tarnac de droite ». À Guerlesquin, dans le Finistère, les identitaires avaient déjà créé leur propre lieu, Ty Breizh, qui a depuis été mis en vente.
      Rencontré, un ponte de la lutte antiterroriste confirme : « L’ultra-droite se structure de façon assez inquiétante. Et c’est vrai que l’on retrouve beaucoup de militaires ou d’anciens militaires. En revanche, au sein des forces de l’ordre, ce n’est pas flagrant », tempère ce haut gradé… des forces de l’ordre. « Les dangers sont en province et non à Paris. Ce sont souvent des militaires de retour de mission en Afghanistan ou en Irak, complète un ancien des services. Ils rentrent traumatisés, il faut les surveiller pour ne pas qu’ils continuent leur combat individuel. Certains créent des groupes sur les réseaux sociaux, ou se radicalisent à travers eux, d’autres peuvent passer à l’action. »

      Lors des rassemblements contre le « mariage pour tous » en 2013, certains militaires radicalisés avaient déjà témoigné de leurs velléités. Le collectif Printemps français avait ainsi tenté d’occuper les Champs-Élysées – une idée impulsée par Philippe Darantière, un ancien officier parachutiste reconverti dans l’intelligence économique. Parallèlement, une publication d’extrême droite avait appelé des hauts gradés catholiques – tel Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris – à provoquer un coup d’État.

      Ce sont aussi des hauts gradés que l’on retrouve dans des clubs prônant un « réarmement moral », non violent, comme le cercle Renaissance, parfois comparé à une sorte de « maçonnerie blanche ». En février, le colonel Éric du Réau a ainsi remis leur prix 2018 à un ancien aumônier militaire, Jean-Paul Argouarc’h. Dans les années 2000, du Réau a milité sous les couleurs du Front national, où il a notamment fait du rabattage de parrainages pour Jean-Marie Le Pen auprès d’anciens militaires.

      Les « patrouilles » des Soldats d’Odin. © Page Facebook "Soldats d’Odin Officiels France"
      Les « patrouilles » des Soldats d’Odin. © Page Facebook "Soldats d’Odin Officiels France"
      La multiplicité de ces structures complique la tâche des services. « Dans les grandes villes comme Lyon par exemple, c’est facile, nos clients sont sous nos yeux, considère un analyste. Mais on ignore tout du facho des champs… » Selon un vétéran des services, les groupes violents se montent « là où l’extrême droite est la moins suivie » ou bien où « le maillage gendarmesque est allégé ».
      Dans le Grand Ouest, entre Nantes et Angers, les actions violentes de jeunes d’extrême droite liés aux identitaires ou au GUD ont connu une forte résurgence : « Nez de cochons » pour s’opposer à la construction de la mosquée ; descentes en ville ciblant les personnes noires et arabes aux cris d’« À mort les Arabes, à mort les Noirs », avec une matraque de 25 centimètres, propos suprémacistes et racistes, chasse aux antifascistes, tournée de salons du livre dans l’Ouest pour s’en prendre aux stands des « rouges ». Comme « un faux air d’Orange mécanique » dans le Maine-et-Loire, notaient Le Monde et Ouest-France. À Angers, un bar associatif d’extrême droite est depuis le début de l’année le lieu de réunions de militants et a déjà reçu la visite de la police.

      En Loire-Atlantique, le département voisin, des actes de violence ciblant les migrants, non élucidés, inquiètent aussi : cocktails Molotov contre un squat occupé par des réfugiés ici, coups de feu sur un centre d’accueil là. « À Nantes, cette mouvance est plus visible qu’il y a quelques années », avait réagi le directeur départemental de la police, Jean-Christophe Bertrand.

      Dans le nord de l’Hexagone, à Calais, toute l’ultra-droite semble s’être donné rendez-vous ces dernières années, développant des collectifs et milices en réaction aux camps de migrants. On y a vu, pêle-mêle, le général Piquemal, l’ex-policier Luc Sommeyre, ou encore le groupe « Sauvons Calais » de Kevin Reche, un militant issu du Parti de la France (créé par d’ex-FN) dont le tatouage d’une division SS a fait polémique. En 2016, un épisode avait été très médiatisé : un Calaisien lié à l’extrême droite radicale avait brandi un fusil contre des manifestants lors d’une marche en soutien aux réfugiés.

      À Calais, en janvier 2016, un homme brandit un fusil contre des manifestants lors d’une marche en soutien aux réfugiés.
      À Calais, en janvier 2016, un homme brandit un fusil contre des manifestants lors d’une marche en soutien aux réfugiés.
      À Marseille, le retour des violences de l’ultra-droite est venue des rangs des royalistes de l’Action française (AF), avec des actions coups-de-poing et l’installation en 2014 d’un local dans le fief des antifascistes, suscitant des affrontements. Depuis, l’arrivée de Bastion social, d’inspiration néofasciste, est venue cristalliser les tensions (ce sera l’objet du second volet de notre enquête).

      Ce foisonnement n’est pas sans générer quelques frustrations et tensions. Là où les dirigeants, de peur de poursuites pénales, insistent pour inscrire leur action dans un cadre plus ou moins légal, leurs militants ne l’entendent pas de cette oreille. Ainsi, certains groupes d’autodéfense connaîtraient déjà une hémorragie de leurs effectifs, des membres faisant sécession afin de créer des cellules destinées à mener de réelles opérations clandestines.

      Différentes sources au sein des services de renseignement et de la lutte anti-terroriste soulignent « la faiblesse » induite par les scissions successives de ces groupuscules et surtout leur « amateurisme ». « D’un point de vue opérationnel, ils sont mauvais. Mais mauvais… », s’amuse le responsable de la lutte antiterroriste précité. « D’ailleurs, lors de leurs manifestations, on ne dénombre pas de représentants de pays voisins. Il n’y a pas de coopération internationale, de convergence des luttes comme on le constate avec les mouvements de l’ultra-gauche. » Un haut gradé des services de renseignement insiste sur le fait que les groupes de l’ultra-droite, au fil de leurs dissensions successives, ont « perdu de leur superbe ».

      En revanche, ces mêmes sources constatent avec une certaine appréhension que différents groupuscules incitent leurs membres à s’armer, par un biais légal, en leur recommandant de pratiquer la chasse ou le tir sportif. En octobre 2017, la sous-direction antiterroriste (SDAT) et la DGSI démantelaient une cellule constituée autour d’un certain Logan Nisin. Selon nos informations, on recense parmi ses complices présumés un fils de gendarme, un fils de policier ainsi qu’un élève de l’école de formation des sous-officiers de l’armée de l’air.

      Cette « organisation d’ultra-droite à visée terroriste, la première depuis plusieurs dizaines d’années en France », comme la qualifiera un rapport de la SDAT, projetait des actions violentes contre des migrants, des trafiquants de drogue puis des assassinats politiques – Jean-Luc Mélenchon, puis Christophe Castaner avaient été envisagés comme cibles – dans les Bouches-du-Rhône. Sur l’une de ses pages Facebook, dédiée au terroriste norvégien Anders Breivik, on pouvait lire : « Rebeus, blacks, dealers, migrants, racailles, jihadistes, si toi aussi tu rêves de tous les tuer, nous en avons fait le vœu, rejoins-nous ! » Comme l’avait révélé Le Monde (ici et là), plusieurs suspects avaient à leur domicile des armes « toujours détenues légalement », nombre d’entre eux étant des pratiquants de tir sportif ou des amateurs d’airsoft (un jeu d’équipes en plein air avec des répliques d’armes à feu).

      Cette volonté de s’armer fait craindre aux services « des passages à l’acte ». Avant Logan Nisin, il y a eu le précédent du sergent de l’armée de l’air Christophe Lavigne (deux missions en Afghanistan à son actif). En 2013, sa mère prévient la police : elle redoute la radicalisation de son fils de 23 ans. L’ancien militaire est neutralisé en 2013 par la DGSI, qui le suspecte de projeter d’attaquer une mosquée à côté de Lyon. Un an plus tôt, l’ancien militaire avait jeté un cocktail Molotov sur la mosquée de Libourne (Gironde), ce qui lui avait valu une condamnation pour « dégradation d’un lieu de culte en relation avec une entreprise terroriste ».

      En garde à vue, il avait notamment indiqué qu’il voulait créer des émeutes semblables à celles de 2005 en banlieue. Pour le procureur, l’ancien militaire s’était « testé » pour voir s’il était capable de mener « un projet de plus grande ampleur ». En février 2016, Christophe Lavigne est à nouveau condamné, pour “détention d’armes” : des armes et 200 kilos de munitions ont été saisis chez lui et chez son père, lors d’une perquisition administrative dans le cadre de l’état d’urgence. D’après Le Monde, le jeune homme ne figurait sur aucun fichier de renseignement, n’était encarté dans aucune organisation, mais ne cachait pas, sur Facebook, sa sympathie pour la mouvance identitaire.
      Désormais, l’apport de vrais professionnels de la sécurité se fait sentir. La mouvance apprend à mieux cloisonner ses réseaux. Les membres des groupuscules sont invités à protéger leurs communications en ayant recours à des messageries cryptées. « Cette précaution élémentaire réduira à néant la nocivité des taupes qui ne manqueront pas de tenter de s’infiltrer », explique le site d’un de ces groupes. « Attention : on ne joue plus… »

      Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.

      Depuis octobre 2017, Mediapart a interrogé des représentants des différents services de renseignement dépendants de la place Beauvau ainsi que des sources à l’intérieur de divers groupuscules afin d’établir un état des lieux de cette mouvance. C’est au cours de cette enquête que nous avons découvert, incidemment, l’influence grandissante des membres de sécurité au sein des groupuscules de l’ultra-droite.

      Contacté, Luc Sommeyre, le dirigeant des Réseaux Rémora, n’a pas répondu. Sollicité par l’intermédiaire de son avocat Xavier Nogueras, Christophe Lavigne n’a pas souhaité faire de commentaires. Nous avons cité de longs passages du mail de réponse de l’association des Volontaires pour la France (VPF).

  • CONTRE LA CONSTITUANTE
    La démocratie directe sans le peuple ?

    « C’est ainsi qu’avance l’histoire, en se bouchant la mémoire comme on se bouche les oreilles. (…) Mais quoi ? L’histoire n’est amère qu’à ceux qui l’attendent sucrée... »
    Sandor Krasna, Sans Soleil, Chris Marker, 1983

    Depuis quelques années, le relatif regain d’intérêt pour la démocratie directe a engendré une multitude d’initiatives, essentiellement par l’intermédiaire de sites web, de blogs, de forums ou de listes de diffusion indépendants des groupuscules et partis politiques. Ces individus ou collectifs, issus ou non du mouvement des « indignés » français du printemps 2011, pourraient à l’avenir former un milieu politique fertile, à condition de rompre leur isolement réciproque pour éprouver leurs positions1.
    Depuis peu s’y développe un courant d’idées bien particulier, gravitant autour d’une idée centrale : la voie vers la démocratie directe passerait par la convocation d’une assemblée Constituante composée de personnes tirées au sort parmi la population et chargées d’établir une nouvelle constitution française.
    Cette approche rompt, salutairement, mais sans le dire, avec de nombreux présupposés idéologiques hérités des mouvements politiques qui ont ravagé le XXe siècle et qui visaient, eux aussi, un changement radical de société. Mais c’est, nous semble-t-il, pour retomber dans d’autres illusions. C’est donc à la discussion de celles-ci que ce texte voudrait inviter.

    LE COURANT PRO-CONSTITUANTE

    La nébuleuse dont il est ici question paraît largement s’inspirer d’Étienne Chouard. Celui-ci s’est politisé et fait connaître lors du référendum pour le Traité Constitutionnel Européen de 2005. Il avait alors présenté un contre-argumentaire qui avait rencontré un écho important. Prenant acte de la victoire du « non », et à rebours du vide politico-intellectuel contemporain, il a depuis entrepris une réflexion visant à avancer une alternative à l’Europe techno-bureaucratique. Cela l’a amené, de manière très cohérente et en découvrant l’histoire politique de la Grèce Antique, à cette proposition de Constituante tirée au sort, moyennant un blog prolifique (« Le plan C » 2). Peu à peu, d’autres initiatives lui ont emboîté le pas (« Le Mes — sage », « Gentils Virus », etc.) ou s’en sont inspiré plus ou moins explicitement (« Vraie démocratie », « Objectif démocratie », « La Constituante en marche », « La démocratie », « Les citoyens constituants », etc.) 3.
    Ce courant nous est proche à trois égards : d’abord, il part d’une critique du régime actuel, du mode électoral et du gouvernement représentatif, perçus comme l’expression politique de l’oligarchie qui domine la société. Cette contestation se fait dans des termes très proches de ceux que nous employons depuis des années. De même, sa référence à la Grèce Antique lui fait très clairement concevoir la démocratie directe à travers des notions oubliées : assemblées générales souveraines, mandats impératifs, destitution des délégués, tirage au sort, rotation des siège ou reddition des comptes. Enfin, son approche détone d’avec l’encombrant héritage marxiste-léniniste qui imbibe toujours, mezzo voce, les franges gauchisantes rêvant d’un Grand Soir organisé pour porter au pouvoir quelques détenteurs de la Vérité historique – ou d’avec son symétrique, un spontanéisme anarchisant misant angéliquement sur le surgissement soudain de rapports sociaux harmonieux et apaisés. Ces formes de messianisme allant de pair avec le fait de remettre toujours à plus tard la conception d’une autre organisation de la société, leur refus permet donc – à nous comme au courant pro-Constituante – l’ouverture de véritables chantiers politiques.

    PROJET ET CRITIQUES

    Pour autant, à l’examen, le projet de ces militants pro-Constituante présente une multitude de lacunes, d’incohérences ou de contradictions – que les contre-argumentaires proposés ne font qu’approfondir et multiplier4 – et qui ne peuvent que discréditer leurs porteurs et notre visée politique. Ce sont elles que nous allons pointer en suivant, étape par étape, le protoscénario que l’on peut déduire de leurs écrits. Résumons celui-ci en quelques mots :
    1) La Constituante est convoquée par un moyen ou un autre (référendum, initiative du Chef de l’État...) ;
    2) les délégués sont tirés au sort parmi la population ;
    3) ils travaillent durant un temps déterminé à l’élaboration d’une nouvelle constitution française instaurant la démocratie directe ; 4) cette Constitution est soumise à ratification par référendum.

    Voilà le projet, tel qu’il se présente dans sa version la plus répandue, et la plus sérieuse. Mais avant d’entrer dans le détail, livrons d’emblée l’axe principal de notre critique : Les proConstituantes veulent la démocratie directe, mais sans l’activité foisonnante d’un peuple visant une transformation sociale, idée à laquelle ils associent sans doute le déchaînement de la violence, alors que nous y entendons toute autre chose : l’auto-organisation des gens, c’est-à-dire la formation d’institutions autonomes locales se substituant aux pyramides hiérarchiques actuelles. Ce refus du soulèvement populaire et de l’élaboration d’une autre société par les premiers concernés amène paradoxalement les pro-Constituante à évincer de leur scénario le principal acteur : le peuple. Option sans doute renforcée par la conscience, ou du moins l’intuition, que les aspirations de nos contemporains sont sensiblement éloignées de ces visées.
    Cette éviction tacite des gens ordinaires porte donc les pro-Constituante à viser une action uniquement institutionnelle, légaliste et technique, sans qu’il ne soit jamais exigé du peuple, relégué au statut d’entité abstraite, autre chose qu’une adhésion formelle à l’idée surplombante d’une Constituante tirée au sort5. Jamais, nulle part, n’est envisagée sérieusement une pratique autonome des gens telle qu’elle a pu se déployer dans toutes les révolutions depuis deux ou trois siècles, en s’opposant à d’autres forces sociales. C’est pourtant par ce processus constituant que la collectivité invente une autre organisation sociale, et se crée elle-même en tant que sujet politique.
    En ne citant qu’à titre d’illustration l’histoire, l’héritage et l’expérience de la démocratie directe léguée théoriquement par les Lumières, puis pratiquement par les révolutions, le mouvement ouvrier et ses suites, nos pro-Constituante en évacuent le trait essentiel : la praxis, ce lien indissoluble entre la pensée et l’action politique populaire, qui fonde la légitimité de chacun à s’occuper des affaires de tous. Leur approche, on le verra, ne protège des crises et de la violence qu’au prix de l’échec et de la récupération politique. Elle s’interdit de penser réellement une autotransformation radicale de la société, qui ne peut demeurer à cette heure, faut-il le préciser, qu’une interrogation ouverte.

    Avant d’avancer quelques pistes en conclusion, nous évoquerons les soubassements idéologiques de cette mouvance qui prône une « révolution par le haut », à l’instar des tenants du « revenu garanti », qui apporteront quelques éléments de compréhension quant à l’aveuglement d’É. Chouard et de ses plus proches défenseurs vis-à-vis des milieux d’extrême droite ou complotistes6.

    1 – Processus de convocation de la Constituante

    Tel que le présentent les pro-Constituante, le processus amenant à la formation de l’assemblée Constituante est très flou : il est question de « pression populaire » et/ou de l’élection d’un Président de la République qui s’engagerait à convoquer ladite Constituante, sans plus de détail, comme beaucoup l’ont fait depuis (Mélenchon, Montebourg,...). Un peu plus conséquents et sérieux, des sites évoquent, mais par des processus identiques, l’établissement préliminaire de Référendums d’Initiatives Populaires, consultations initiées par une part significative de l’électorat, dont le modèle suisse est le plus connu.

    Improbabilité du Référendum d’Initiative Populaire (RIP)
    Ce 19 novembre 2013, l’Assemblée Nationale a bel et bien adopté le RIP... mais en le rendant totalement inapplicable7 ! Cet épisode laisse entrevoir ce qu’une telle initiative peut devenir dans le contexte actuel, avec d’un côté un pouvoir en panne de légitimité et de l’autre une population marquée par le chacun-pour-soi et qu’aucun projet commun ne rassemble plus. Les dominants seront d’autant plus enclins à récupérer ce type de consultation que dans les années qui viennent, les réactions de la population vont aller croissant face à la dégradation permanente de ses conditions de vie. Ces référendums ne seront alors qu’un moyen d’acheter momentanément la paix sociale au prix de quelques concessions, au coup par coup et sans remettre en question l’ordre social existant. Cela peut aussi devenir un moyen efficace de s’allier la population par un chantage à « l’unanimisme républicain » face aux multiples crises qui convergent et commencent à faire sentir leurs effets très concrètement. De son côté, une population conservatrice et paniquée peut transformer ce genre de consultation populaire en instrument au service du maintien de ses privilèges ou à l’adoption de mesures réactionnaires. L’exemple suisse, sans être univoque, est tout de même instructif.
    C’est pourquoi faire du RIP un fétiche est particulièrement mal venu. L’essentiel ici est moins le dispositif en lui-même que l’état d’esprit de la population, qui s’en empare (ou pas) pour en faire en fait (ou pas) un instrument démocratique au service du bien commun.

    Improbabilité d’un référendum sur une Constituante tirée au sort
    Mais passons sur les modalités de déclenchement d’un tel référendum, et abordons la question des résistances que pourrait soulever une question référendaire ne portant sur rien moins qu’un changement de régime politique.
    Il semble évident que toute initiative mettant sérieusement en cause les échelles de souveraineté en place verra se mobiliser contre elle l’État et tous ses services officiels ou secrets, tous les lobbys économiques internationaux, les médias et les personnalités et bien entendu tous les appareils politiques et syndicaux qui ne peuvent être qu’oligarchiques par essence8. Si jamais une campagne de référendum pour la désignation d’une assemblée Constituante tirée au sort a lieu, elle subira une offensive de dénigrement telle qu’on en a rarement vu dans l’histoire, renouant avec des pratiques immémoriales, mais oubliées des Européens repus (à noter que la société est à ce point délabrée qu’il suffirait même au pouvoir de suspendre simplement ses activités de maintien de l’ordre pour voir s’instaurer une terreur par en bas et susciter une panique sociale). À moins qu’elle ne subisse un escamotage ultérieur : l’expérience, inaugurale pour certains, du référendum de 2005 sur la constitution européenne finalement imposée deux ans plus tard par le parlement parle est édifiante. Que la population se révolte alors et le pays se retrouvera dans une situation de crise politique inédite. Son issue est prévisible : l’oligarchie en sortira par la voie royale ouverte par les contestataires eux-mêmes en convoquant effectivement une Constituante, mais composée cette fois de personnalités nommées par élections.
    C’est ce que propose par exemple actuellement le Parti de Gauche, qui y trouvera l’occasion d’y placer de nouvelles têtes fraîchement encartées et fermement tenues par la nomenklatura. Rien n’en sortira hormis la consolidation du pouvoir de quelques-uns. L’exemple, tant vanté, de « la révolution islandaise », et notamment sa Constituante invalidée en 2011 après trois mois de travail, devrait servir de leçon tant le feuilleton des forfaitures des briscards de la politique y est paradigmatique.

    2 – Désignation des délégués

    Mais admettons que le principe initial d’une Constituante tirée au sort soit finalement adopté. Un tel mode de désignation, résolument novateur dans la France d’aujourd’hui, pose un certain nombre de problèmes, et notamment celui de la représentativité, qui est pourtant le principal argument de ses partisans.

    L’autosélectivité des délégués
    Soit ce tirage se fait a priori au sein du corps électoral, soit il se fait parmi une liste de volontaires. Plaçons-nous dans le second cas (ou dans les deux en admettant le refus de siéger serait scrupuleusement respecté et qu’il sera un recours d’autant plus utilisé que chacun saura qu’il s’agit d’une magistrature absolument déterminante pour l’histoire du pays et que chacun sera au centre de toutes les attentions) : le filtre de l’autodésignation sera un biais inévitable.
    Nous retrouverons donc ces biais déjà bien connus par les jurés d’assises, mais démultipliés au centuple : ne siégeront que ceux qui considèrent leurs opinions présentables et s’estiment aptes à siéger, c’est-à-dire à faire partie de l’élite qui de facto dessinera l’avenir pour des décennies. Faut-il alors préciser que l’assemblée sera en majorité composée par la classe moyenne, masculine, blanche, éduquée, insérée, valide, citadine, etc.9 ? Les exceptions seront ramenées à leurs statuts de déviants lors des toutes premières délibérations solennelles par les mécanismes bien connus de disqualification et de conformisme groupal. Telle est la société actuelle et telle sera l’assemblée Constituante, si aucun processus ne vient bousculer au sein du peuple lui-même les représentations sociales qui maintiennent l’organisation sociale telle qu’elle est.

    Représentativité problématique
    Mais faisons momentanément fi de ces considérations psychosociologiques, et admettons que les quelques milliers de délégués seront « représentatifs » de la société actuelle, au pourcentage près – on attendra pour savoir les critères de cette « représentativité »... Ils compteront alors, comme le pointe par exemple très pertinemment « Objectif Démocratie » sans y répondre convenablement, 7 % d’illettrés et près de 30 % ne maîtrisant pas la lecture, facteurs qui ne disqualifient certainement pas à l’exercice démocratique, mais qui rend éminemment problématique un travail constitutionnel de type parlementaire. Bien plus : la Constituante sera, à l’image du pays, profondément et irrécusablement divisée entre classes sociales, classes d’âge, affiliation idéologiques voire appartenances religieuses ou ethniques, corporations, lobbys, etc.

    Sans aucun remaniement des opinions provoqué, comme en mai 68, par la créativité collective d’un bouillonnement social de la société, d’un peuple expérimentant et mettant à l’épreuve par son action même les idées, les principes et les affiliations les plus diverses, sans l’immense effort populaire nécessaire pour sortir des impasses idéologiques en inventant des idées nouvelles et en se réappropriant les expériences du passé, les débats de l’assemblée Constituante ne pourront que s’embourber dans tous les faux clivages contemporains ou en créer de nouveaux dans lesquels la population ne se reconnaîtra pas.

    3 – Travail de la Constituante

    Mais passons outre une fois de plus : voilà nos délégués lambda assis sur leurs sièges de l’assemblée, travaillant pour le bien du peuple, mais sans aucun contrôle de celui-ci... La situation rappelle celle dénoncée : Car on retrouve ici intacte l’idée selon laquelle le pouvoir de décision repose toujours entre les mains de quelques-uns, tandis que le peuple est invité
    à perdurer dans sa passivité, selon le principe fondamental du système représentatif10.

    Des délégués incontrôlables
    Car que la population se passionne pour ces débats ou en attende patiemment des solutions à ses problèmes, elle n’a rien à en dire, ces tirés au sort étant absolument souverains de leur jugement, s’informant, délibérant et décidant en leur for intérieur. Il faut être clair : Ils ont été nommés, eux, pour élaborer une nouvelle constitution, et on ne voit pas au nom de quoi ils auraient des comptes à rendre quant à leurs choix, ni à qui, pendant leur mandat comme après. Certes, certains parlent « d’ateliers constituants locaux » composés de citoyens chargés d’épauler les délégués dans leur travail. Mais si ces délégués décident sous influence, alors ces « ateliers », qu’ils soient de gauche ou d’extrême droite, seront de bien peu de poids face aux pressions extraordinaires auxquelles seront soumis nos élus, de la part de tout ce que l’oligarchie compte de think tanks, de groupes d’intérêts, de réseaux d’influence, de lobbys plus ou moins officiels, de circuits de corruption, de pressions mafieuses, etc. C’est, très exactement, ce qu’ont vécu les Tunisiens, ou même les Français devant le spectacle régulier de l’ascension hiérarchique dans l’entreprise ou dans les institutions républicaines... À moins d’isoler totalement les délégués de toute influence, donc de les couper radicalement d’une vie sociale qui faisait d’eux autre chose que des professionnels de la politique.

    Une constitution enfin démocratique ?
    Ces quelques milliers de personnes chargées d’écrire « seules » une constitution pour la France ont été désignés parce qu’elles ne sont justement pas spécialistes de la politique. Sans aucune préparation et provenant d’un peuple vivant dans l’apathie depuis des générations, sans aucune expérience du pouvoir réellement démocratique, ni même de pratiques sociales ou politiques un tant soit peu dégagée de la mentalité oligarchique, elles auront à fixer l’organisation de la vie politique d’un pays habité par 70 millions d’habitants et comptant parmi les dix grandes puissances mondiales. Enfants de De Gaulle, de Mitterrand et de Sarkozy, on voit mal nos délégués systématiser l’amateurisme en politique, instituer des assemblées souveraines, et démanteler l’État comme organe séparé du corps social, requisit minima pour parler raisonnablement de démocratie directe.
    Il y a fort à parier que nos représentants ne façonneront qu’une constitution qui ressemblera fort à celles que nous avons connues, sans doute agrémentée de quelques organes consultatifs ou contre-pouvoirs citoyens – c’est d’ailleurs la perspective explicite d’E. Chouard lui-même11.

    4 – Résultats possibles de cette Constituante & ratification

    Mais passons là encore et imaginons qu’enfin l’assemblée soit parvenue à se mettre d’accord sur un texte, et que celui-ci soit soumis à ratification à la population par référendum. De quoi cette Constituante sans révolution peut-elle accoucher ?

    Une constitution parfaite, mais inapplicable
    Commençons par le meilleur des cas : la constitution finale pose les principes d’une véritable démocratie directe, prononçant la dissolution de tous les corps oligarchiques qui régissent le pays, des ministères aux médias en passant par les trusts, et instaurant assemblées générales, contrôle des délégations, tirage au sort, autonomies locales, tribunaux populaires, etc. Supposons que la population française l’adopte par référendum et voici donc nos 40 millions de citoyens,
    à qui l’on a demandé d’attendre patiemment depuis le début, se réveillant un beau matin, conviés par injonctions gouvernementales à intervenir dans des assemblées où ils n’ont jamais mis les pieds, à prendre en charge des tâches dont ils n’ont même jamais entendu parler, contrôlant des délégués à l’aide de dispositifs jamais expérimentés, invité à réinventer un travail qu’ils n’ont jamais osé remettre en cause, à appliquer des lois incompréhensibles, etc. sans même parler des conséquences concrètes, matérielles et économiques des choix faits par leurs délégués, si jamais ceux-ci avaient pris conscience de l’inéluctable déplétion énergétique et opté pour une décroissance...
    Évidence première : une constitution ne vaut que si elle répond, peu ou prou, aux aspirations du peuple – et une démocratie directe imposée par en haut rappellerait de bien mauvais souvenirs, celui de Khadafi et de son funeste Livre vert pour ne citer que le plus caricatural, et parmi les derniers d’une longue série. Il y aurait, bien sûr, la possibilité d’une ratification article par article. Mais en ce cas les débats, tardifs, mais passionnés, qui se dérouleront alors ne manqueront pas de pousser à la réécriture du texte final, ne serait-ce que pour lui donner une orientation cohérente et significative. Il ne serait pas étonnant qu’une majorité de la population renvoie plutôt une nouvelle Constituante au travail, et continue à vaquer à ses occupations – en espérant que tous ceux qui voient tout ce processus d’un mauvais œil depuis le début veuillent bien garder l’arme au pied.

    Une crise politique sans précédent
    Car tel est l’enjeu : si la nouvelle constitution opère un réel changement vers un partage élargi du pouvoir, il y a fort à parier que ses opposants n’en resteront pas là, et ouvriront une crise politique profonde, sinon un affrontement, que les proConstituantes cherchent justement à contourner. Un bref regard sur le déclenchement de la guerre civile espagnole à l’été 1936 montre que les puissants se laissent rarement déposséder avec le fair-play souhaité.
    Plus grave encore : cela fait des décennies que les crises multiples qui traversent nos sociétés s’amplifient et commencent à interagir dangereusement. Et cela fait des décennies que les populations demandent massivement à d’autres de les résoudre. Qu’il s’agisse du chaos économique, des tensions internationales, de la fragmentation des territoires12, d’émeutes nihilistes ou de retour aux archaïsmes religieux, le contexte inévitablement précaire dans lequel travaillera la Constituante sera extrêmement anxiogène. Ni la population, encore une fois dépossédée des moyens de s’approprier la situation, ni l’Assemblée Constituante, rivée à sa tâche, n’auront de marge de manœuvre. La magie qui nimbe aujourd’hui le terme de « démocratie » pourrait bien se dissiper au contact de réalités désagréables – sans même évoquer les « opérations Condor » que des puissances étrangères, les milieux militaires et autres « services » français pourraient bien déclencher. Avaliser la nouvelle constitution sera alors plutôt une manière de faire cesser une dangereuse instabilité. Le cas égyptien de ce mois de janvier 2014 est encore instructif de ce point de vue.

    Retour à la normale
    Mais les idéologies contemporaines n’ayant jamais été remises en causes et l’époque des « trente glorieuses » restant l’horizon implicite de tous les comportements, tout porte plutôt à croire que l’assemblée accouchera d’une constitution sans grandes ruptures avec les précédentes. Bien sûr seront insérés ici ou là des articles novateurs, contrebalançant quelques profondes régressions dont notre époque a le secret. Mais le but final, avoué ou non, n’est-il pas essentiellement la réconciliation du peuple avec lui-même et avec ses élites enfin « moralisées » ?

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    « Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple le veut, mais, qu’à certaines conditions, le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice. »
    Note sur la suppression générale des partis politiques, Simone Weil, 1940, Climats, 2006.

    On le voit, de la convocation de l’assemblée Constituante au texte final, ce protoscénario est grevé d’approximation, d’illusions et de problèmes insolubles dans le cadre dans lequel il est posé. Ces insuffisances nous semblent faire système et révéler des biais idéologiques dont il faudrait dégager la réflexion.

    LES BIAIS IDÉOLOGIQUES DE LA DÉMARCHE

    On pourrait résumer les critiques précédentes à travers trois contradictions.

    L’écriture d’une constitution n’est pas adaptée à la situation actuelle.
    La question d’une autre constitution peut être un processus invitant chacun à envisager une autre société, à partir des expériences concrètes de chacun, mais elle ne peut qu’être l’amorce d’une réflexion générale sur le monde que nous voulons, et, avant toute chose, sur le monde tel qu’il est. En désignant la constitution comme « la cause des causes » (n’ont-ils jamais entendu parler du Royaume-Uni ?), les proConstituantes relaient la mystification des Modernes qui veut que le fonctionnement d’un pays se résume à quelques pages imprimées, conjurant la réalité immaîtrisable d’une collectivité s’autodéfinissant perpétuellement dans les comportements quotidiens de tout-un-chacun13. Une constitution est le condensé d’une destinée qu’un peuple se donne, en acte, l’avenir qu’une population vit, sinon déjà, du moins en puissance. La confusion mentale actuelle, la sénilité sans fin des vieilles lunes idéologiques, les mirages consuméristes, l’interpénétration voulue de la vie avec les réseaux étatiques, la renaissance des peurs et des haines archaïques, tout cela forme une pensée éclatée très éloignée de ce que requiert un projet de société populaire et vivant. Maintenir, hic et nunc, que la priorité doit être l’écriture d’une Constitution, quelles qu’en soient les modalités, c’est le faire, inéluctablement par contumace du peuple.

    Le tirage au sort n’est pas adapté à la société telle qu’elle est. Dispositif égalitaire, le tirage au sort des délégués, plus que tout autre, sous-entend une collectivité entièrement travaillée par la perspective individuelle et collective de l’exercice du pouvoir. Alors que les proConstituantes ne l’entendent que comme un moyen de créer une représentation vraiment représentative, le tirage au sort est autant un processus de désignation qu’un moyen d’autoéducation d’un peuple : il nécessite la régularité, la rotation des mandats et la généralisation, non seulement pour être représentatif au fil du temps, mais surtout pour devenir mode de gouvernement, et culture particulière d’une société qui fait corps avec ses institutions et s’édifie par leur entremise. Sinon, il n’est que déguisement de l’autodésignation des plus aptes, paravent à l’influence déterminante de quelques « conseillers », c’est-à-dire maintien des mécanismes de domination sous couvert de nomination de « bons élus », jaillis miraculeusement d’une plèbe perpétuellement passive. La diversité de son usage dans l’histoire14, et l’intérêt que lui portent les apprentis oligarques contemporains devrait faire réfléchir15.

    Le tirage au sort pour l’écriture d’une constitution. L’importance écrasante qu’est l’écriture d’une constitution est difficilement compatible avec son écriture par quelques délégués tirés au hasard et non contrôlés. À moins de supposer, perspective cauchemardesque, une population homogène et unanime – auquel cas la Constituante est une formalité de quelques jours – la discussion des grands principes politiques et philosophiques, la décision des grandes orientations du pays, la prévision des macro-mécanismes organisant l’essentiel de la société, la mise au point des dispositifs d’exercice et de contrôle du pouvoir, tout cela ne peut qu’avoir eu lieu au sein du peuple lui-même, engageant la quasi-totalité des individus dans une confrontation tous azimuts d’opinions. Les grands clivages de celles-ci doivent alors pouvoir se retrouver dans l’organe constituant et les délégués le composant doivent pouvoir être sommés de rendre régulièrement des comptes, sans que le hasard puisse donner l’avantage aux uns ou aux autres contre l’argumentation rationnelle et la délibération collective. Lier tirage au sort et écriture d’une constitution c’est, quel que soit le contexte, livrer l’avenir d’un pays aux mains de quelques-uns, aussi bien intentionnés soient-ils.

    UNE DÉMOCRATIE DIRECTE SANS PEUPLE

    Les proconstituantes reprennent donc des éléments propres à la démocratie directe, mais sans les extirper des fondements de ce qu’on appelle la « philosophie politique » moderne, qui allie le formalisme juridique, le système représentatif et l’aphonie du peuple. Plus grave encore : ils avalisent l’amnésie du XIXe siècle et entérinent le déni du XXe, en ignorant l’histoire moderne des peuples en quête de liberté. L’image qui se dégage de tout cela est bien celle d’une révolution sans peuple, guidée pacifiquement par quelques bons élus garantis par la seule technique du tirage au sort16. C’est là la solution trouvée pour contourner deux obstacles qui se dressent inévitablement face à quiconque se réclame de l’émancipation de tous et de chacun.

    C’est d’abord l’héritage inassumable de tous les courants marxistes-léninistes du XXe siècle, qui ont noyé l’aspiration à l’autonomie dans l’autoritarisme, la logomachie et la fossilisation, rivalisant avec les barbaries17 nazies, empêchant toute réappropriation des expériences populaires d’auto-institution de la société. Mais l’oubli n’est pas le deuil, et cette occultation, on l’a vu, condamne les proconstituantes à une terrible cécité.

    C’est, ensuite, l’époque contemporaine où les tenants de la démocratie directe se trouvent face à un peuple qui n’en veut que dans la mesure où elle sera la garante de petites jouissances privées que la crise économique, le pillage de la planète et l’attrait du modèle occidental condamnent à plus ou moins long terme18. Les mouvements qui se sont produits, qu’il s’agisse des mouvements sociaux français ou des « indignés » français ou grecs, sont marqués par la réaction face à la disparition progressive d’un monde qui promettait abondance et sécurité19. Cette réaction prend parfois des formes démocratiques, mais peut aussi s’incarner – et c’est de plus en plus souvent le cas – dans des mouvements d’extrême droite, nationaliste comme en Grèce, ou religieuses comme en régions musulmanes. Face à ce fait massif, nos proConstituantes tentent de faire l’économie de ce peuple trop incertain, de la même manière qu’à l’opposé, les démagogues par vocation hallucinent une population idéalisée et sans contradictions20. Dans les deux cas, une question, primordiale à nos yeux, n’est pas posée : celle du type d’individu que forme la société, qu’elle exige pour son maintien, qu’il s’agisse de l’individu actuel, son comportement, sa mentalité, ses réflexes, ses désirs et ses représentations, ou de l’individu requis pour et par une société démocratique21.

    Finalement, on peut inscrire cette idée d’une Constituante tirée au sort dans le courant des doctrines réformistes qui émergent systématiquement en période d’oligarchie délégitimée et de risques de déclassements massifs pour les classes moyennes en plein désenchantement : il y est question, à chaque fois, d’aménager le cadre existant en empruntant froidement quelques techniques ou dispositifs démocratiques plus ou moins radicaux, pour que se dégage une élite responsable capable de remettre le pays dans le droit chemin du progrès et de maintenir le niveau de vie. Ainsi, il n’y aurait qu’a convaincre chacun de la pertinence d’une Constituante tirée au sort, la magie du dispositif fera le reste, et si débat, conflit, déchirure ou violence il y a, ce sera dans l’enceinte feutrée d’une assemblée rassemblant ce peuple miniature que l’on pourra toujours congédier si d’aventure la pièce tournait mal. De ce point de vue, il est possible de comprendre les relations baroques qu’É. Chouard entretient avec des milieux nationalistes, antisémites ou complotistes : elles relèvent sans doute moins d’une volonté confuse de renouer avec une population depuis longtemps abandonnée par la gauche et l’extrême-gauche22 ou de tendances personnelles inavouées que de l’idée que tous les clivages seront surplombés et transmués par les séances de l’Assemblée Constituante, véritable boîte noire chargée (et sans doute investie tel par la population) de résoudre par procuration les problèmes colossaux que nous posent un XXIe siècle qui ne s’annonce pas chantant.

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    « Lorsque les hommes se rassemblent constamment par petits groupes et se parlent à l’oreille, le général a perdu la confiance de l’armée »
    Sun Tzu, L’art de la guerre

    Le lecteur sera déçu : il n’y aura pas, en conclusion, de Grande Solution proposée. Non pas que la question de l’avenir souhaitée ne se poserait pas, ou que le chemin menant à des sociétés viables et vivables ne se pose pas : tout au contraire, nombre de nos écrits depuis des années insistent, et traitent, de l’importance de ces interrogations hier si décriées. C’est plutôt que les réalités contemporaines, hétérogènes, enchevêtrées, complexes et instables, ne permettent aucun raisonnement toutes choses égales par ailleurs. Notre seule certitude – qui traverse tout ce texte : la transformation de la société visant la démocratie directe ne peut être qu’une autotransformation des institutions comme de l’individu, indissolublement lié, par l’action autonome des gens, ce qui revient à dire qu’elle doit être désirée, travaillée, mûrie dans le quotidien de chacun, qu’elle exige la lente autoformation d’un peuple à travers une myriade de contre-institutions. C’est ce que montre l’histoire bien comprise de la Grèce Antique comme celle des révolutions de ces derniers siècles23, et c’est ce qui semble être le point aveugle des proconstituantes.

    Il n’y a pas de Solution. Mais il y a une foule d’expériences historiques qu’il nous est impossible d’ignorer. On peut évoquer les sections révolutionnaires de 1789 et la Commune de Paris, bien sûr, mais même si on s’en tient au XXe siècle, on peut citer les soviets russes de 1905 et 1917, les Rätes allemands de 1918-1919, les collectivités révolutionnaires de l’Espagne de 1936, les conseils d’insurgés hongrois de 195 624, les comités de quartiers de mai 68. Plus récemment, en 2011, il y a eu les comités de sécurité du soulèvement tunisien25, les assemblées générales grecques26, espagnoles et mêmes américaines27. Que nous disent ces expériences ? Que l’aspiration du peuple à l’autogouvernement part toujours de formes d’organisation élémentaires, que les gens commencent toujours par élaborer une société à leur échelle, avec leurs moyens et la réflexion pratique qui est la leur.

    Il s’agit alors, d’abord et avant tout, d’un vaste mouvement de (re) socialisation, de libération de la parole dans les espaces les plus quotidiens, la rue, le quartier, le travail, la famille. La formation spontanée de ces groupes restreints rompt avec l’ordre ancien, relations sociales, réflexes conformistes, automatismes mentaux. Elle permet de faire le point sur la situation, de discuter de la marche à suivre et d’assurer un minimum de sécurité physique et affective pour chacun. Si le mouvement s’étend et prend de l’ampleur, progressivement, la coalition de ces petits groupes en assemblées locales institue une auto-organisation qui conduit à une gestion matérielle, par les gens eux-mêmes, des lieux d’habitation, de travail et de ravitaillement. Ces assemblées deviennent alors également le lieu de la confrontation, de l’élaboration et de la diffusion des opinions de tous, de la mise au point de formes d’action visant partout la destitution des dirigeants, l’auto-organisation de la population et la protection des personnes. L’étape suivante, la révolution proprement dite, la rupture d’avec l’ordre institutionnel existant, prend des formes différentes en fonction des lieux et des époques : il s’agirait pour nous de regrouper d’abord toutes ces collectivités en assemblées communales souveraines puis de les articuler les unes aux autres à des échelles plus grandes sous forme de fédérations puis de confédérations, déposant un à un tous les pouvoirs en place et s’y substituant, selon les principes de contrôle des délégués et de rotation des tâches.
    Ce n’est qu’alors que la question d’une nouvelle constitution pourra se poser, entérinant un fonctionnement inventé, fondé, expérimenté, et compris par tous.

    Ce processus28 ne garantit certainement pas l’instauration d’une démocratie directe. Les problèmes qui surgiront face à une population s’engageant dans une telle voie sont énormes – mais ce seront les nôtres. Il dessine, selon nous, la possibilité pour le peuple de se reconstituer en tant que corps et que sujet politique, de changer ses institutions en même temps qu’il se change lui-même, autotransformation individuelle et collective sans laquelle la démocratie directe n’est qu’un vain mot.

    Collectif Lieux Communs juin 2013 - janvier 2014
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    1 On lira à ce propos l’Introduction générale dans la brochure Démocratie directe : principes, enjeux, perspectives, première partie : Contre l’oligarchie, ses fondements politiques, sociaux et idéologiques, Avril 2013, disponible sur note site : https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article679

    2 cf. http://etienne.chouard.free.fr/Europe

    3 cf. Dans l’ordre http://www.le-message.org, http://projetgentilsvirus.ouvaton.org/index.php/Accueil, http://lavraiedemocratie.fr, http://objectifdemocratie.org/pages/03alhome.html, http://laConstituanteenmarche.net, http://www.la-democratie.fr, http://lescitoyensconstituants.com

    4 On lira par exemple « Objections contre une Assemblée Constituante tirée au sort »
    http://projetgentilsvirus.ouvaton.org/index.php/Affichage_Objections_contre_le_Tirage_au_Sort

    5 Un site calcule par exemple qu’il suffirait de moins d’un an et demi pour convaincre toute la population française, si chaque militant convertissait 4 personnes par mois... C’est aussi le sens de l’initiative « Gentils Virus » ainsi dénommée pour propager la bonne nouvelle, comme si devenir partisan de la démocratie directe ne demandait finalement aucune grande remise en question quant au mode de vie actuel, et pas plus de temps que celui d’une contagion.

    6 Même sans avaliser l’hystérie collective des prétendus « antifascistes » qu’unit la haine gauchiste pour les réalités populaires, il est difficile d’admettre que l’intéressé refuse explicitement de clarifier ses positions vis-à-vis de gens tels qu’Alain Soral, Robert Ménard, Yvan Blot ou encore Robert Faurisson, par exemple.

    7 cf. l’article de Hélène Bekmezian dans Le Monde du 19.11.13 (repris sur notre site : https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article714), sobrement intitulé : « Le référendum d’initiative partagée, trop compliqué pour être vraiment efficace », et celui de Roseline Letteron du site Contrepoints.org dont l’intitulé est plus évocateur : « Adoption du référendum d’initiative populaire, sans initiative populaire ». La nouvelle n’a étrangement pas été relayée sur les sites en question.

    8 Voir l’inusable R. Michels Les partis politiques — Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, (1914, Flammarion,
    1971), dont un chapitre est disponible sur notre site.

    9 On lira par exemple avec intérêt « La Cour d’assises en examen. Réflexion-témoignage d’un juré sociologue » d’André-Marcel d’Ans, paru dans la revue Droit et Société n° 54, 2003, pp. 403 – 432, consultable ici : http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds54/ds054-07.pdf

    10 On nous pardonnera de renvoyer les proConstituantes à leur bible, Principes du gouvernement représentatif de B. Manin (1995, Flammarion 1996), qui, rappelons-le, comporte plusieurs parties, dont certaines traitent de « la marge d’indépendance des gouvernements ».

    11 « Les grands principes d’une bonne Constitution, qui prouveraient la guérison de notre démocratie », octobre 2005 – 2007, pp.
    7 sqq. consultable ici : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Bonne_Constitution_Guerison_Democratie.pdf. Ou alors, comme l’intéressé l’envisage, nos délégués n’auront pas à se « renseigner » eux-mêmes sur toutes ces questions, mais seront
    « conseillés » par « des parlementaires et ministres » (id.)... Est-ce sérieux ?

    12 On lira par exemple le très stimulant Fractures françaises de C. Guilluy (Flammarion 2010), ou encore La crise qui vient, la nouvelle fracture territoriale de L. Davezies, (Seuil 2012), qui renouvellent l’approche de la « question sociale », cantonnée depuis des décennies, et à dessein par le pouvoir, à celle des « banlieues » et des critères ethno-raciaux.

    13 Ainsi, la constitution française de 1958 ne fait qu’entériner le déclin des conflits sociaux et politiques tels qu’ils ont bouleversé le continent depuis des siècles – et certainement pas le décréter. Le baptême du feu se fera dix ans plus tard, en mai 68, dont l’échec la consacrera.

    14 On lira par exemple de Yves Sintomer, « Petite histoire du tirage au sort en politique. D’Athènes à la Révolution française », La Vie des idées, 9 avril 2012. http://www.laviedesidees.fr/Petite-histoire-du-tirage-au-sort.html

    15 Voir par exemple « Au sort, citoyens ! », article de Pierre-André Achour (ancien secrétaire régional des Verts-Lorraine, président de Forum les débats) dans Libération du 11 avril 2013 (https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article691) qui laisse imaginer une dérive à la florentine, où les dispositifs égalitaires comme le tirage au sort étaient l’objet de tous les soins
    de l’oligarchie qui en tirait sa légitimité. cf. sur ce point le clan des Médicis. Comment Florence perdit ses libertés
    (1200-1500) de J. Heers (Perrin 2008).

    16 Les variantes, comme l’organisation de constituantes départementales ou même municipales, maintiennent étrangement les mêmes principes, comme si c’était précisément la délibération populaire qu’il fallait éviter.

    17 cf. « Devant l’abîme de l’anéantissement, le pas de côté des hommes modernes », de L. Leylavergne, disponible sur le site.

    18 Voir à ce propos « Keynésianisme improbable » de Guy Fargette « Le Crépuscule du XXe siècle » n° 25, décembre 2012, disponible sur le site.

    19 Sur les premiers on lira « Notes sur le mouvement social d’octobre 2010 », brochure n° 16 une lutte à la croisée des chemins, mars 2011, sur les seconds notre tract « Mouvements des “’indignés”’ : potentialités, limite, perspectives », et sur les troisièmes :
    « Enjeux politiques et anthropologiques du mouvement grec pour la démocratie directe », dans la brochure n° 18bis le mouvement grec pour la démocratie directe. Octobre 2011, textes disponibles sur notre site.

    20 C’est ainsi qu’il faut comprendre le second volet de l’entreprise anxiolytique de E. Hazan & Kamo, Premières mesures révolutionnaires (La fabrique 2013), qui fait suite à l’antidépressif L’insurrection qui vient (La fabrique 2007). On s’interrogera au passage sur l’utilisation du pseudonyme Kamo, notoirement porté par un bolchévique compagnon de Staline.

    21 Et que laisse totalement dans l’ombre la formule de J.Rancière qui définit la démocratie comme « Le gouvernement de n’importe qui » : l’individu démocratique tel qu’il est apparu dans l’histoire, et tel qu’il disparaît sous nos yeux, n’est précisément pas n’importe qui.

    22 On lira à ce sujet l’œuvre de J.-C. Michéa, et notamment Les mystères de la gauche : de l’idéal des Lumières au triomphe du capitalisme absolu (Climats 2013), ou C. Guilluy, op.cit., et particulièrement le chapitre « La gauche française dans le ghetto ».

    23 Sur le lien entre les deux on lira, largement inspirée de C. Castoriadis, « Les anciens et les modernes », p. 41 sqq. dans l’article
    « La démocratie directe contre la “’démocratie représentative”’ » de notre brochure Démocratie directe... op. cit.

    24 Sur cet événement méconnu et recouvert par les héritiers des régimes totalitaires « de Gauche », cf. La source hongroise, de C.
    Castoriadis (1976), ainsi que Sur les conseils ouvriers de Hongrie, de H. Arendt (1958), regroupés en brochure sur notre site, rubrique « Brochures ».

    25 Voir « Retours de Tunisie », dans la brochure n° 17bis, Les soulèvements arabes face au vide occidental, L’exemple tunisien, seconde partie, mai 2011. À noter l’initiative Doustourna, « Notre constitution » (http://doustourna.org), qui visait l’établisse — ment d’une constitution à partir de délégués relayant les avis de la population rencontrée à travers une multitude d’assemblées tenues dans le pays.

    26 Voir les brochures n° 18 & 18bis, Le mouvement grec... op.

    27 On lira à ce propos de très bon article de Thomas Frank « Occuper Wall Street, un mouvement tombé amoureux de lui-même.
    Le piège d’une contestation sans revendication » (Le Monde Diplomatique janvier 2013) qui montre très bien un autre exemple de fétichisme qui vient combler un vide culturel et politique, et sans doute plus grave, une absence déréelle volonté de transformer les choses. Texte disponible sur le site.

    28 Ce thème sera largement traité dans le troisième volet (à paraître courant 2014) de notre brochure Démocratie directe : Principes, enjeux et perspectives, troisième partie : Ce que serait une société démocratique.

    • Le problème de Soral, c’est qu’il est sur un fantasme de dévoilement. Le problème c’est que son dévoilement est totalement orienté. Ce mec est totalement obsédé par l’anti-sionisme. C’est n’importe quoi. Et son propos sur les femmes, c’est fou. On s’est engueulé avec un ami qui m’est cher, Etienne Chouard, à cause de son lien vers Egalité et Réconciliation [NDLR : le site d’Alain Soral]. On a discuté avec Etienne, avec Frédéric Lordon, Bernard Friot, François Ruffin. On a essayé de dire à Etienne d’enlever ses liens vers Egalité et Réconciliation. Mais Etienne, c’est un self made man. Il n’est dans aucune organisation politique, il n’a pas de base politique et il défend la liberté d’expression comme Chomsky qui disait « les négationnistes ont le droit de s’exprimer ». Et Etienne, qui est un type gentil, c’est aberant qu’il se prenne les anti-fas sur la gueule. Mais je comprends que ça lui arrive. Etienne dit « il y a certaines choses que dit Soral que les autres ne disent pas ». Donc il pointe des trucs très particuliers. Sur la critique de l’anti-sionisme, il va chercher des israëliens de gauche, d’extrême gauche qui sont anti-sionistes, mais il met Soral. Nous, on dit « Soral n’est pas un intellectuel ! C’est un chef de parti ! Dégage Soral de ton sôte ! » et lui nous répond « Je refuse ! D’abord, je ne veux pas m’adresser qu’à la gauche mais aussi aux gens d’extrême-droite ! » En même temps, ce que fait Etienne Chouard c’est magnifique ! Ce qu’il a fait avec le traité constitutionnel de 2005, puis sur le tirage au sort, puis sur les ateliers constituants. Il fait écrire des ateliers constituants. Il dit aux gens : « Vous prenez un article de la constitution, n’importe lequel et on l’écrit ensemble ! Une constitution, ça sert à limiter les pouvoirs. » Les gens écrivent les articles de la Consitution ! Ça c’est de l’éducation populaire ! Moi je tire mon chapeau à Etienne. Pour l’instant, il se prend tous les anti-fas sur la tronche à cause de Soral. Mais Soral c’est un piège. Qu’est-ce que tu veux dire d’un piège ? Le principe même de Soral est qu’il est piégeant. Quand je tractais sur les marchés contre le traité constitutionnel européen, il y avait aussi d’autres gens qui tractaient contre : c’était les fachos. On était tous les deux pour le non, mais pas pour les mêmes raisons. Ce qui me pose un autre problème, c’est que je suis associé parfois sur certain site à Dieudonné. Je ne tape plus jamais mon nom sur Internet, ça me fait peur ! On dit « Dieudonné, Lepage, deux humoristes politiques » ! Je ne suis pas humoriste. C’est là où le système est très fort car s’il me récupère comme humoriste, c’est que je ne suis plus dangereux. Je suis un mec qui raconte une expérience dans un ministère et je trouve ça subversif. Mais si tu dis humoriste alors ça va, c’est tranquille…

      Soral, c’est très efficace, c’est flippant et le problème de l’extrême-droite c’est qu’il joue avec des arguments simples qu’on ne peut contrer qu’avec des raisonnements compliqués. C’est pour ça que l’extrême-droite y arrive. L’extrême-droite dit : « trois millions d’arabes, trois millions de chômeurs. » Si tu veux prouver que c’est faux, il faut que tu expliques le marché du travail. Pour ça, il faut faire de l’éducation populaire. Et l’éducation populaire, c’est long ! C’est long ! Donc Soral ne fait pas de l’éducation populaire mais des raccourcis.

      https://nagerentredeuxchaises.wordpress.com/2014/02/03/franck-lepage-le-pave-soral-cest-un-piege-quest-ce-