• PAC : la Commission européenne propose une nouvelle politique agricole avec beaucoup moins de contraintes environnementales
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/15/la-commission-europeenne-detricote-le-verdissement-de-la-pac_6222117_3210.ht

    L’exécutif communautaire doit annoncer, vendredi, un retour en arrière, de manière définitive, sur une partie des acquis verts de la politique agricole commune, au nom de la simplification et de l’allègement des tâches administratives.

  • #Chlordécone : l’Assemblée nationale reconnaît symboliquement la responsabilité de l’État dans l’empoisonnement des Antilles - Outre-mer la 1ère
    https://la1ere.francetvinfo.fr/chlordecone-l-assemblee-nationale-reconnait-symboliquement-la-re

    Malgré les réticences de la majorité présidentielle, les députés ont largement voté en faveur de la proposition de loi défendue par Elie Califer, jeudi 29 février. Le texte, qui devra désormais passer devant le Sénat, reconnaît le rôle de l’État dans les préjudices sanitaires, environnementaux et économiques subis en #Guadeloupe et en #Martinique, où le #pesticide a été autorisé jusqu’en 1993. Mais sa portée reste très limitée.

    • Chlordécone : les députés reconnaissent la responsabilité de l’État
      https://reporterre.net/Chlordecone-les-deputes-reconnaissent-la-responsabilite-de-l-Etat

      Un nouveau volet s’ouvre dans le dossier des Antilles empoisonnées au chlordécone. Les députés ont adopté en première lecture, le 29 février, une proposition de loi reconnaissant symboliquement la « responsabilité » de l’État, et visant à indemniser les victimes.

      Le chlordécone est un insecticide très toxique, qui a été utilisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, alors que ce produit avait été qualifié de « cancérogène possible » dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé. Faisant fi de ces alertes, la France ne l’a interdit qu’en 1990. Il a même été utilisé en Guadeloupe et en Martinique jusqu’en 1993, à cause de dérogations signées par les ministres de l’Agriculture de l’époque.

      La proposition de loi reconnaissant la responsabilité de l’État, portée par le député de Guadeloupe Elie Califer, a été votée à l’unanimité des 101 votants. Les députés de la majorité se sont abstenus. Le texte va désormais être transmis au Sénat.
      Toxique pour le système nerveux, reproductif et hormonal

      La responsabilité pénale de l’État avait précédemment été discutée devant le tribunal. Après de nombreuses années de bataille judiciaire, le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Paris avait finalement signé une ordonnance de non-lieu, le 2 janvier. Il avait certes reconnu un « scandale sanitaire », mais avait estimé qu’il était trop difficile de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés ».

      En 2019, une expertise pesticides et santé de l’Inserm a conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition de la population au chlordécone et le risque d’apparition d’un cancer de la prostate. Reconnue comme perturbateur endocrinien, la molécule est aussi toxique pour le système nerveux, reproductif, hormonal et le fonctionnement de plusieurs organes. D’après une étude de Santé publique France, plus de 90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais adultes sont aujourd’hui contaminés au chlordécone.

  • « La vraie #souveraineté_alimentaire, c’est faire évoluer notre #modèle_agricole pour préparer l’avenir »

    Professeur à l’université Paris-Saclay AgroParisTech, l’économiste de l’environnement #Harold_Levrel estime que le concept de « souveraineté alimentaire » a été détourné de sa définition originelle pour justifier un modèle exportateur et productiviste.

    Hormis les denrées exotiques, dans la plupart des secteurs, la #production_agricole nationale pourrait suffire à répondre aux besoins des consommateurs français, sauf dans quelques domaines comme les fruits ou la volaille. Or, les #importations restent importantes, en raison d’un #modèle_intensif tourné vers l’#exportation, au risque d’appauvrir les #sols et de menacer l’avenir même de la production. D’où la nécessité de changer de modèle, plaide l’économiste.

    Comment définir la souveraineté alimentaire ?

    Selon la définition du mouvement altermondialiste Via Campesina lors du sommet mondial sur l’alimentation à Rome en 1996, c’est le droit des Etats et des populations à définir leur #politique_agricole pour garantir leur #sécurité_alimentaire, sans provoquer d’impact négatif sur les autres pays. Mais les concepts échappent souvent à ceux qui les ont construits. Mais aujourd’hui, cette idée de solidarité entre les différents pays est instrumentalisée pour justifier une stratégie exportatrice, supposée profiter aux pays du Sud en leur fournissant des denrées alimentaires. Le meilleur moyen de les aider serait en réalité de laisser prospérer une #agriculture_vivrière et de ne pas les obliger à avoir eux aussi des #cultures_d’exportation. Au lieu de ça, on maintient les rentes de pays exportateurs comme la France. Quand le gouvernement et d’autres parlent d’une perte de souveraineté alimentaire, ça renvoie en réalité à une baisse des exportations dans certains secteurs, avec un état d’esprit qu’on pourrait résumer ainsi : « Make French agriculture great again. » Depuis le Covid et la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire est devenue l’argument d’autorité pour poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures.

    Nous n’avons donc pas en soi de problème d’#autonomie_alimentaire ?

    Ça dépend dans quel domaine. Les défenseurs d’un modèle d’exploitation intensif aiment à rappeler que notre « #dépendance aux importations » est de 70 % pour le #blé dur, 40 % pour le #sucre, et 29 % pour le #porc. Mais omettent de préciser que nos taux d’auto-approvisionnement, c’est-à-dire le rapport entre la production et la consommation françaises, sont de 123 % pour le blé dur, 165 % pour le sucre, et 99 % pour le porc. Ça signifie que dans ces secteurs, la production nationale suffit en théorie à notre consommation, mais que l’on doit importer pour compenser l’exportation. Il y a en réalité très peu de produits en France sur lesquels notre production n’est pas autosuffisante. Ce sont les fruits exotiques, l’huile de palme, le chocolat, et le café. On a aussi des vrais progrès à faire sur les fruits tempérés et la viande de #volaille, où l’on est respectivement à 82 et 74 % d’auto-approvisionnement. Là, on peut parler de déficit réel. Mais il ne serait pas très difficile d’infléchir la tendance, il suffirait de donner plus d’aides aux maraîchers et aux éleveurs, qu’on délaisse complètement, et dont les productions ne sont pas favorisées par les aides de la #Politique_agricole_commune (#PAC), qui privilégient les grands céréaliers. En plus, l’augmentation de la production de #fruits et #légumes ne nécessite pas d’utiliser plus de #pesticides.

    Que faire pour être davantage autonomes ?

    A court terme, on pourrait juste rebasculer l’argent que l’on donne aux #céréaliers pour soutenir financièrement les #éleveurs et les #maraîchers. A moyen terme, la question de la souveraineté, c’est : que va-t-on être capable de produire dans dix ans ? Le traitement de l’#eau polluée aux pesticides nous coûte déjà entre 500 millions et 1 milliard d’euros chaque année. Les pollinisateurs disparaissent. Le passage en #bio, c’est donc une nécessité. On doit remettre en état la #fertilité_des_sols, ce qui suppose d’arrêter la #monoculture_intensive de #céréales. Mais pour cela, il faut évidemment réduire certaines exportations et investir dans une vraie souveraineté alimentaire, qui nécessite de faire évoluer notre modèle agricole pour préparer l’avenir.

    https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/la-vraie-souverainete-alimentaire-cest-faire-evoluer-notre-modele-agricol
    #agriculture_intensive #industrie_agroalimentaire

  • #Pesticides : pourquoi l’indicateur d’usage choisi par le gouvernement est contesté par les #ONG et les #chercheurs
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/22/pesticides-pourquoi-l-indicateur-d-usage-choisi-par-le-gouvernement-est-cont
    #ecophyto

    Pour comprendre, il faut saisir l’étendue des différences d’approche entre le NODU et le HRI-1. « Le "NODU mesure l’intensité du recours aux pesticides en se fondant, pour chaque substance, sur la #dose maximale homologuée à l’hectare », explique M. Barbu. Dix kilogrammes d’un produit appliqué sur une culture auront ainsi le même poids, dans le NODU, qu’un seul kilogramme d’une autre #molécule qui serait dix fois plus efficace. « On reproche souvent au NODU de ne pas tenir compte du risque inhérent à chaque #substance active, ajoute le chercheur. Techniquement, c’est exact, mais on comprend bien que l’efficacité d’une molécule est aussi une mesure des risques inhérents à son usage, même si cette mesure est imparfaite. »

    Au contraire, le #HRI-1 ne tient pas compte des doses d’application homologuées pour chaque molécule. « L’une des limites majeures de cet indicateur est de cumuler des quantités de substances actives utilisées à quelques grammes à l’hectare, avec d’autres utilisées à plusieurs kilogrammes à l’hectare », explique Jean-Noël Aubertot, agronome à l’Inrae et président du CST du plan Ecophyto. « C’est un peu comme si on additionnait les poids de bombes A et de bâtons de dynamite, illustre M. Barbu. Cela n’a pas grand sens. »

    Le HRI-1 a bien un système de pondération des quantités utilisées, en fonction des substances, mais il ne s’appuie pas sur leur efficacité. Il divise en quatre catégories les pesticides : ceux considérés à faible risque, ceux qui sont approuvés sans être à faible risque, ceux qui sont considérés comme problématiques et devant être remplacés et enfin ceux qui ne sont plus approuvés car trop dangereux. Des facteurs multiplicatifs sont appliqués aux quantités de pesticides selon leur classement dans ces quatre catégories : 1 pour les #produits appartenant à la première, 8 pour la deuxième, 16 pour la troisième et 64 pour la quatrième.

    Comment ces facteurs de pondération ont-ils été établis ? « Apparemment au doigt mouillé, répond M. #Barbu. Il n’y a aucune justification scientifique derrière ces facteurs de pondération, puisqu’ils ne tiennent compte que du statut réglementaire des molécules, et non des risques réels liés à leur usage, qui peuvent en outre être très différents selon qu’on parle de risques sanitaires ou environnementaux. »

    • Corentin Barbu donne un exemple. « Aujourd’hui, le glyphosate représente environ 50 % des usages herbicides en France, et il est homologué pour une application de 1,6 kilogramme à l’hectare, explique le chercheur. Une nouvelle molécule herbicide en cours d’évaluation pourrait arriver prochainement sur le marché et son taux d’application est de l’ordre de 1 gramme par hectare, soit 1 600 fois moins. »

      Le simple remplacement du glyphosate par cette nouvelle substance induirait une réduction considérable de l’indice HRI-1. « Or une telle substitution ne changerait fondamentalement rien à l’usage réel des pesticides, ni aux risques pour la biodiversité, dit M. Barbu. Si ce n’est qu’on remplacerait le glyphosate par une molécule nouvelle, sur laquelle on n’a aucun recul. »

      En dépit des limites du HRI-1, le NODU n’est pas parfait. Le CST suggère ainsi des améliorations de l’indice plutôt que son remplacement. « Nous allons continuer à travailler dans les prochains mois sur la question, dit M. Aubertot. L’indice idéal serait calculable au niveau européen, tiendrait compte des risques pour la santé et la biodiversité, mais aussi des doses d’application des substances actives, c’est-à-dire de leur efficacité. » La question est surtout de savoir si cet indice « idéal » serait politiquement désirable.

  • Widespread contamination of soils and vegetation with current use pesticide residues along altitudinal gradients in a European Alpine valley

    Pesticides are transferred outside of cropland and can affect animals and plants. Here we investigated the distribution of 97 current use pesticides in soil and vegetation as central exposure matrices of insects. Sampling was conducted on 53 sites along eleven altitudinal transects in the Vinschgau valley (South Tyrol, Italy), in Europe’s largest apple growing area. A total of 27 pesticides (10 insecticides, 11 fungicides and 6 herbicides) were detected, originating mostly from apple orchards. Residue numbers and concentrations decreased with altitude and distance to orchards, but were even detected at the highest sites. Predictive, detection-based mapping indicates that pesticide mixtures can occur anywhere from the valley floor to mountain peaks. This study demonstrates widespread pesticide contamination of Alpine environments, creating contaminated landscapes. As residue mixtures have been detected in remote alpine ecosystems and conservation areas, we call for a reduction of pesticide use to prevent further contamination and loss of biodiversity.


    https://www.nature.com/articles/s43247-024-01220-1
    #montagne #Alpes #Tyrol_du_sud #contamination_du_sol #sols #sol #pollution #agriculture #pollution_du_sol #pommes #pesticides #Sud-Tyrol #Italie #cartographie #visualisation

  • « Sur l’environnement, le divorce entre la Macronie et la communauté scientifique est désormais consommé », Stéphane Foucart
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/18/sur-l-environnement-le-divorce-entre-la-macronie-et-la-communaute-scientifiq

    Que le pouvoir en place bloque la publication d’un rapport d’expertise n’est jamais anodin. En des temps pas si reculés, cette rupture d’une forme de pacte démocratique entre la #science et l’expertise, d’une part, et les responsables aux affaires, de l’autre, apparaissait même comme une transgression majeure et inacceptable, au point d’alimenter l’indignation des revues scientifiques internationales. A l’automne 1997, on se souvient que Nature avait consacré une couverture sans concession aux tentatives de Claude Allègre, alors ministre de la recherche, de bloquer la publication du rapport d’expertise de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur l’amiante.

    Un quart de siècle s’est écoulé, et les mêmes manœuvres apparaissent désormais si normales et bénignes que leurs auteurs présumés ne prennent même plus la peine de les démentir. Le ministre de l’agriculture, Marc ["tu as vu, j’ai dit du bien des pesticides"] Fesneau, est ainsi, depuis mi-janvier, en possession d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’#alimentation, de l’#environnement et du travail (#Anses) sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques, autrement appelées « nouveaux OGM ».

    De longue date, l’Anses avait annoncé la publication de cette expertise pour début février, c’est-à-dire avant que les députés européens ne se prononcent sur les conditions d’un assouplissement réglementaire de ces nouvelles cultures (ce qu’ils ont fait le 7 février).

    Multiplication de tribunes

    Sur cette question controversée, des lettres ouvertes signées par des centaines de scientifiques circulent et s’opposent, certaines favorables, d’autres hostiles à la dérégulation des nouvelles techniques génomiques. Dès lors, donner accès à une expertise en bonne et due forme sur le sujet aurait été nécessaire à un vote éclairé des eurodéputés. Cela n’a pas été le cas. Selon nos informations, ce rapport de l’Anses a été bloqué sur pression politique et, à l’heure où ces lignes sont écrites, il n’est toujours pas public. On ignore ce qu’il contient, mais il est fort probable qu’il ne soit pas aussi enthousiaste que l’aurait désiré le gouvernement, favorable au déploiement de ces « nouveaux #OGM ». Interrogé le 8 février par Le Monde, le cabinet de M. Fesneau n’a pas démenti le blocage du rapport de l’Anses, se bornant à répondre, deux relances et quarante-huit heures plus tard : « Pas de commentaires pour nous pour l’instant. »

    C’est un autre signe que, sur l’environnement, le divorce entre la Macronie et la communauté scientifique est désormais consommé. Il suffit de parcourir les pages « Débats » des journaux pour réaliser l’étendue de ce désamour. Le 7 février, dans Le Monde, près de 80 chercheurs des organismes publics (CNRS, Inrae, Inserm…), spécialistes des impacts des #pesticides sur l’environnement et la #santé, dénonçaient « une mise au placard des connaissances scientifiques » sur leurs sujets d’expertise.

    La veille, dans L’Obs, plus de 500 chercheurs estimaient que les décisions du gouvernement pour sortir du conflit avec les #agriculteurs contournent les questions structurelles posées par le mouvement et ne font que « préparer la prochaine crise » du secteur. Deux jours plus tard, dans La Croix, 140 autres contestaient la mise à l’arrêt du plan national de réduction des pesticides, expliquant que « l’impact délétère [de ceux-ci] sur la santé et sur l’environnement n’est pas une opinion mais un fait scientifique ». Un peu plus tôt, près de 1 600 scientifiques demandaient, dans une lettre ouverte, l’abandon du chantier de l’A69, l’autoroute entre Toulouse et Castres (Tarn). D’autres prises de position collectives, sur la gestion de l’eau notamment, ne devraient pas tarder.

    Pilule amère pour les chercheurs

    Pour les chercheurs qui constatent que des années d’efforts et de travail, de publications scientifiques et de rapports d’expertise ne servent, en définitive, à rien d’autre qu’à alimenter les indices bibliométriques de leurs organismes, la pilule est amère. Au point que la direction scientifique d’un organisme comme l’Inrae a pris sa plus belle plume pour adresser à tous ses chercheurs engagés dans le programme « Cultiver et protéger autrement » un mot « de soutien, et d’encouragement à continuer nos recherches ».

    Un message d’une nature inédite, qui en dit long sur le moral des troupes. Le directeur scientifique pour l’agriculture de l’Inrae, Christian Huyghe, leur rappelle l’utilité et la nécessité de leurs travaux. « La recherche publique est au bon endroit en pensant loin », leur écrit-il, citant quelques résultats récents montrant l’insoutenabilité du #modèle_agricole dominant actuel. M. Huyghe cite en particulier une étude publiée à l’été 2023 indiquant une chute de 95 % de la biomasse d’insectes au cours des vingt-quatre dernières années, dans les zones de grandes cultures allemandes. Des résultats inquiétants, même s’il est plus terrifiant encore de penser que ceux qui décident aujourd’hui de l’agriculture de demain n’en ont aucune connaissance, n’en comprennent manifestement pas la gravité ou, peut-être, s’en moquent complètement.

    A la seule évolution de son rapport aux sciences de l’environnement, on mesure toute l’amplitude de la trajectoire du macronisme le long du spectre politique. On s’en souvient : en 2017, l’un des gestes forts du premier quinquennat d’Emmanuel Macron fut d’opposer au MAGA (« Make America great again ») de Donald Trump, le Mopga (« Make our planet great again ») du chef de l’Etat français – programme dont le but premier était d’accueillir en France des scientifiques brimés aux Etats-Unis, parce que travaillant sur le climat ou sur la biodiversité. En moins de dix ans, le renversement aura donc été total. Le Mopga, glisse un chercheur désabusé pastichant les codes du marketing politique de la Macronie, est devenu une sorte de Mopdaa (« Make our planet dead after all », « Faire mourir notre planète finalement »).

    #écologie

    • Comment une partie du CNRS a relayé une campagne d’influence en faveur des « nouveaux OGM »
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/09/comment-une-partie-du-cnrs-a-relaye-une-campagne-d-influence-en-faveur-des-n


      Des membres de l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) de Strasbourg posent avec un message en faveur des nouvelles techniques génomiques. Photo postée le 5 février 2023 sur X par le compte de l’IBMP. @CNRS_IBMP / X

      Le vote des eurodéputés sur la législation encadrant les nouvelles #techniques_génomiques, le 7 février, a donné lieu à une opération de communication impliquant des instances de l’organisation scientifique. Au grand dam de nombre de ses chercheurs.
      Par Stéphane Foucart, le 09 février 2024

      Le recours à l’#autorité_scientifique est un levier politique puissant. En amont du vote des eurodéputés, mercredi 7 février, sur les conditions d’autorisation en Europe des « nouveaux OGM » (organismes génétiquement modifiés), l’organisation WePlanet a orchestré sur les réseaux sociaux une campagne d’influence fondée sur la mise en avant de chercheurs favorables à la dérégulation de la diffusion de ces plantes, issues des nouvelles techniques génomiques (#NGT pour New Genomic Techniques). L’organisation, qui se présente comme une « ONG éco-moderniste » et milite pour le nucléaire, les OGM et le développement de l’alimentation cellulaire, a bénéficié d’un appui appréciable en France : celui d’une partie du Centre national de la recherche scientifique (#CNRS).

      Deux jours avant le vote, de hautes instances du vaisseau amiral de la recherche française ont, selon les informations du Monde, invité les chercheurs de l’#institut_de_biologie, l’un des dix départements principaux du CNRS, à participer à la campagne de WePlanet, en leur transmettant les éléments de communication concoctés par l’organisation : hashtags, tweets prérédigés, consignes d’interpellation des parlementaires, etc.
      Daté du 5 février, le courriel est adressé par le secrétariat de l’institut de biologie du CNRS à une quinzaine de directeurs d’unités. Sa fuite, dans des listes de diffusion de chercheurs d’universités et d’organismes publics, alimente de nombreux commentaires. Interrogée, la direction de la communication du CNRS assure que la décision de relayer la campagne de WePlanet relève d’une décision de son institut de biologie, « adressée uniquement aux chercheurs de cet institut ».

      « Hold-up »

      « Le CNRS est en faveur d’un assouplissement de la réglementation des OGM sur les NGT afin d’accélérer la recherche et l’innovation à partir de ces nouvelles techniques, lit-on dans le message. A l’occasion de ce débat, #WePlanet a coordonné l’écriture d’une lettre ouverte, notamment signée par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, Prix Nobel de chimie 2020, et envoyée aux membres du Parlement européen pour les inciter à voter en faveur d’une réglementation assouplie pour les nouvelles techniques génomiques. »
      Le message relaie la proposition de WePlanet aux scientifiques « de se prendre en photo devant leur laboratoire et de publier leur image sur les réseaux sociaux en utilisant le #GiveGenesAChance [“Donnez une chance aux gènes”] et #NGTs ».

      La lettre ouverte coordonnée par l’organisation WePlanet et relayée par l’institut de biologie du CNRS appelle les parlementaires européens à « examiner attentivement les avantages de l’adoption des NGT », à « rejeter les ténèbres de l’alarmisme anti-science et à se tourner vers la lumière de la prospérité et du progrès ».
      Le texte a été signé par environ 1 500 scientifiques européens, souvent chercheurs en biologie moléculaire ou en génétique végétale, dont un peu moins d’une vingtaine déclarant une affiliation au CNRS. Les NGT sont toutefois l’objet de grandes divergences d’opinions au sein de la communauté scientifique, souvent selon les champs disciplinaires.

      En écologie et évolution, parmi de nombreux chercheurs interrogés par Le Monde, ou s’étant exprimés sur des listes de diffusion scientifiques, la stupéfaction et la réprobation dominent. « Un hold-up de quelques-uns sur la voix et la réputation de nos institutions », grince un professeur du Muséum national d’histoire naturelle. « Consterné par une prise de position publique de certains acteurs au CNRS qui prend en otage l’ensemble de l’établissement », confie au Monde un écologue, directeur de recherche au CNRS. « Hallucinant et scandaleux », dit un autre, généticien à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

      « Texte partisan »

      Le biologiste François Parcy, médaille d’argent du CNRS, a pour sa part signé la lettre ouverte de WePlanet et a posté sur son compte X une photo en faveur des NGT. « Je l’ai fait par adhésion au message véhiculé, sans avoir reçu ce mail d’invitation du CNRS, dit-il. Cette démarche est surprenante au regard de la frilosité de nos organismes sur ces sujets, mais je trouve bien que l’institut de biologie [du CNRS] s’engage sur ce sujet, alors que de nombreux chercheurs favorables à ces technologies n’osent pas prendre la parole publiquement. »

      « Ce texte apparaît partisan et néglige les données scientifiques en écologie et en évolution sur les conséquences désastreuses pour l’environnement des OGM, qui n’ont fait qu’augmenter les quantités de pesticides répandues sans améliorer les rendements et ont permis de l’appropriation du vivant par des brevets », fait valoir une chercheuse en génétique et écologie évolutives, directrice de recherche au CNRS et membre de l’Académie des sciences.

      L’institut de biologie du CNRS dit ne pas disposer d’« informations précises » sur l’association. Les responsables de WePlanet assurent, eux, que leur organisation a été fondée en février 2022. Installée à Bruxelles, elle dispose de représentants dans plusieurs pays européens – sa représentante en France est une ex-cadre d’Areva, fondatrice de l’association Voix du nucléaire.

      « Permettre un débat contradictoire »

      Selon l’institut de biologie, « la position officielle du CNRS [en faveur d’une dérégulation des NGT] a été établie au terme de réunions avec cinq autres instituts de recherche européens ». La direction du CNRS reconnaît cependant que cette position n’est pas le fruit d’une confrontation pluridisciplinaire de points de vue.
      La juriste Christine Noiville, directrice de recherche au CNRS et présidente de son comité d’éthique (Comets), dit comprendre que, derrière la position du CNRS, « il y a le spectre des arrachages d’OGM qui plane encore et la nécessité de respecter la liberté académique ». Mme Noiville rappelle toutefois l’un des avis récents du Comets selon lequel « si le CNRS venait à décider de s’engager en tant qu’institution, c’est-à-dire s’il prenait des positions publiques et normatives sur des sujets de société, (…) il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux #chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent – et permettre un débat contradictoire au sein de l’institution ».

      La physicienne Michèle Leduc, directrice de recherche émérite au CNRS, ancienne présidente du Comets, se dit pour sa part très surprise par cette initiative de l’institut de biologie, qui « s’adresse directement à ses directeurs de laboratoire avec des injonctions précises et sans justifier ses options, sur un sujet qui fait l’objet de vifs débats scientifiques, non totalement tranchés et porteurs de graves enjeux politiques ». Elle rappelle « la nécessité du #débat_démocratique éclairé par les scientifiques sur les questions économiques et sociétales ».

      Cet article a été modifié samedi 10 février 2024 pour supprimer les propos d’une chercheuse qui ne souhaite pas être citée.

  • Suspension du plan #Écophyto : « On ne s’attendait pas à un tel recul » | #Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/090224/suspension-du-plan-ecophyto-ne-s-attendait-pas-un-tel-recul?userid=ef6c592

    Le souci est-il généralisé ?

    On en vient à se demander s’il y a des endroits sur Terre qui ne sont pas contaminés. J’ai comparé des sols cultivés avec des sols de prairies. Ce sont des prairies qui le sont depuis toujours de mémoire d’agriculteur, donc sans beaucoup d’activité agricole, et dans lesquelles on retrouve tout de même des résidus de produits phytosanitaires.

    On entend beaucoup parler de l’impact des pesticides sur la santé humaine. Mais quel est-il sur la biodiversité ?

    On sait que ces produits sont toxiques quand on les applique sur des organismes ou qu’on donne à manger des produits contaminés à des organismes en laboratoire. Sur le terrain, c’est plus compliqué. Je n’ai jamais observé d’impact létal direct sur les espèces. Mais ce sont des impacts dits sublétaux, plus insidieux.

    Par exemple, dans un travail récent, j’ai étudié deux populations de vers de terre de la même espèce et de la même lignée génétique. En comparant une population qui a été dans des sols gérés en agriculture biologique et l’autre en conventionnel, durant plus de vingt ans.

    On se rend compte que l’expression de leur génome s’est différenciée. En imageant, on peut expliquer que le système métabolique des espèces exposées aux produits phytosanitaires est en surchauffe. Cela laisse entendre que le ver de terre dépense beaucoup d’énergie à faire face, à se décontaminer.

    Concernant les oiseaux dont le régime alimentaire est principalement composé de graines, il y a aussi un déclin, car ils mangent des graines de semences qui sont enrobées de néonicotinoïdes. On sait que cela agit. Mais ce qu’on ne peut pas déterminer, c’est quelle proportion exacte de la baisse du nombre d’oiseaux est directement liée aux produits, puisque d’autres causes entrent en jeu, comme la destruction d’habitats, le manque de haies.

    Mais on découvre encore énormément de conséquences de l’usage des #phytosanitaires

    On cumule quand même pas mal de données sur les concentrations qui existent dans le milieu naturel. Il y a beaucoup de réseaux d’analyses dédiés à l’eau par exemple. En revanche, pour ce qui est des sols, c’est un peu plus récent. Pour moi, cette étude des sols a été délaissée parce qu’on considérait peut-être comme normal de trouver des pesticides, parce que c’était le réceptacle normal des produits en question.

    Maintenant qu’on y prête attention, on a des surprises. Au niveau européen, il y a une étude très récente qui indique que trois quarts des sols sont pollués et contiennent des #pesticides. Et ce n’est pas pollué qu’avec une molécule, c’est un cocktail de #molécules

    Est-ce possible de prévenir les conséquences phytosanitaires sur la biodiversité autrement qu’en réduisant leur usage global ?

    Depuis des années, l’idée est de tendre vers des molécules moins toxiques. Mais cela rend le travail encore plus complexe. Avant, à la sortie de la guerre, les molécules étaient tellement toxiques qu’on voyait des organismes qui pouvaient mourir par intoxication directe. Maintenant, c’est une atteinte à bas bruit qui touche aussi la dynamique des populations. Chez le ver de terre, par exemple, un modèle que je connais bien, cela favorise un retard de croissance, qui implique un retard dans la maturité sexuelle. 

    Par extension, sur une vie de ver de terre, il va moins se reproduire qu’en temps normal. Il y a un déclin des populations parce qu’il y a des effets qui entravent la reproduction de l’espèce.

    On trouve des traces de contamination dans la terre, dans les plantes, dans l’eau, mais aussi dans l’air ?

    Quand l’agriculteur pulvérise son champ, on estime qu’il n’y a que 25 % du produit qui atteint directement la plante. Une partie pénètre dans le sol et atteint la biodiversité et l’eau, et puis le reste part avec le vent. Cette dispersion par le vent est d’ailleurs une des pistes qui expliquerait que l’on retrouve des traces de ces produits y compris dans des parcelles qui n’ont jamais été pulvérisées.

    Puisque beaucoup de travail reste à faire, quelles sont les questions encore en suspens dans l’analyse des produits phytosanitaires ?

    C’est vraiment d’évaluer la #toxicité réelle, en conditions réelles et sur le long terme. C’est le point critique, d’aller vers ce que l’on ne voit pas. On s’intéresse toujours à ce qu’on voit, mais ce qu’on ne voit pas, ce sont les effets sublétaux. Parce qu’en fait, on ne peut pas se contenter de tests. Tout est basé sur des tests qui n’ont aucune réalité et aucune pertinence écologique. 

    Le problème, c’est que maintenant, on veut tout, tout de suite, et on veut le résultat alors que l’expérimentation n’a pas commencé. On fait du court terme. Il nous faut davantage de données sur les conséquences à long terme des produits phytosanitaires sur la biodiversité. Par exemple sur les effets multigénérationnels de ces produits sur les organismes. On doit pouvoir étudier ces effets sur au moins trois générations pour être complets.

    #plan_ecophyto

    • Comme dit #linguisticae :

      Si on vient de baisser les normes phytosanitaires à celles de la Bulgarie. Qu’est ce qui nous empêche d’acheter bulgare ?

      Je trouve ca tellement juste.

      Leurs demandes portaient maladroitement (merci FNSEA) sur les salaires et sur les normes environnementales. Ils ont obtenu le point environnement. Mais ca les met d’autant plus en concurrence avec leurs concurrents, de ce fait. Tout perdu, meme pour eux.

  • #Pesticides : « Le prochain #indicateur d’#Écophyto va endormir les gens »

    Le nouvel indicateur qui pourrait être utilisé dans le plan Écophyto est « trompeur », défend François Veillerette, de #Générations_futures, pour qui le gouvernement a cédé à une demande de la #FNSEA.

    À la suite des manifestations agricoles de ces dernières semaines, le gouvernement a déclaré le 1er février mettre « en pause » le #plan_Ecophyto de réduction de 50 % des pesticides. L’annonce a suscité l’indignation des associations écologistes ainsi que d’associations d’agriculteurs victimes de ces produits. Cette pause « n’est pas la marche arrière » et doit permettre de retravailler sur plusieurs points du plan, et en particulier sur l’indicateur de suivi, a néanmoins précisé Marc Fesneau sur LCI le 4 février.

    Le ministre de l’Agriculture envisage ainsi de remplacer l’indicateur actuel, le #Nodu (#nombre_de_doses_unités), par l’indicateur actuellement en construction au niveau européen, le #HRI1 (#indicateur_de_risque_harmonisé). Cette évolution, réclamée de longue date par le syndicat productiviste la FNSEA, inquiète les associations écologistes. Si elle paraît à première vue relever du détail technique, elle risque en réalité de ruiner pour longtemps toute efficacité du plan Écophyto, explique François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures.

    Reporterre — Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré que la France allait changer d’indicateur d’utilisation des pesticides au profit, sans doute, de « l’indicateur européen ». Pourquoi le présentez-vous comme trompeur ?

    François Veillerette — L’indicateur HRI1 européen est censé figurer une sorte d’évolution de la dangerosité des pesticides. Le plan Écophyto, lui, a toujours eu comme objectif de réduire de 50 % l’usage des pesticides. Ce n’est pas du tout la même chose.

    En plus, l’utilisation de l’indicateur HRI1 introduit des biais. Le premier, c’est la fausse réduction des pesticides. Quand on regarde l’évolution du Nodu, l’indicateur utilisé actuellement en France dans Écophyto, et du HRI1 entre 2011 et 2019, le premier indique une baisse de 12 % de l’utilisation des pesticides et le second une baisse de 40 %. On voit bien que cette baisse de 40 % est trompeuse. On comprend mieux pourquoi la FNSEA et l’industrie des pesticides aiment bien cet indicateur, qui laisse à penser que l’objectif du plan Écophyto est quasiment atteint.

    Le second biais, c’est une évaluation trompeuse des risques. Pour venir à bout de la tavelure de la pomme, une affection fongique, vous pouvez utiliser au choix de la levure chimique, à faible risque et utilisable en agriculture biologique, ou du difénoconazole, classé plus dangereux. Seulement, il faut utiliser tellement plus de levure que de traitement chimique que le traitement bio obtiendra un moins bon score HRI1 que le produit dangereux. C’est complètement aberrant.

    Enfin, la mesure du risque n’est d’ailleurs pas toujours très précise. Aujourd’hui, on va croire qu’un produit n’est pas dangereux. Dans deux ans, on dira qu’on s’est trompés et qu’il l’était. Ça arrive tout le temps. On se met à retirer des produits du marché parce que la science progresse. Regardez les discussions sur le glyphosate : dangereux, pas dangereux ? Les agences ne sont pas d’accord.

    Il est très étrange que la France se mette à défendre le HRI1, alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé le 6 janvier d’enterrer le règlement SUR de réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides d’ici 2030, déjà flingué par le Parlement européen sous la pression des conservateurs d’extrême droite et des syndicats agricoles. La France avait toujours défendu le Nodu au niveau européen. Cette conversion subite est évidemment liée au mouvement des agriculteurs, alors que cela fait quinze ans que la FNSEA refuse cet indicateur.

    En quoi le Nodu, utilisé jusqu’à présent en France, était-il plus satisfaisant ?

    Le Nodu français compte le nombre de doses standards par hectare. Il a été négocié au lancement du plan Écophyto en 2009, juste après le Grenelle de l’environnement. Il est impitoyable, très robuste. Même si les produits évoluent avec le temps, qu’ils sont actifs à des doses plus faibles, l’indicateur ne va pas baisser si le nombre de traitements reste le même. Il cherche clairement à évaluer l’évolution de l’usage, donc de la dépendance du système agricole aux pesticides. S’il n’y a pas de baisse du Nodu, il n’y a pas de baisse de la dépendance.

    Avec le HRI1, on ne voit rien de tout cela. Si l’on retourne sur l’évolution des courbes entre 2011 et 2019, on voit une augmentation de 25 % du Nodu entre 2017 et 2018. La courbe HRI1, elle, reste plate. On a l’impression que tout va bien. Cet indicateur sert à endormir les gens, à faire croire qu’on a déjà fait le boulot de réduction et qu’on n’a surtout rien à changer. C’est absolument inacceptable pour nous.

    Cet indicateur, c’était une demande dans la liste de courses de la FNSEA. Le gouvernement, qui ne voulait pas se fâcher avec le syndicat, lui a donné raison tout en faisant croire qu’il allait protéger l’environnement et continuer à travailler.

    Si l’utilisation des pesticides en France a légèrement augmenté depuis 2009, le gouvernement tend plutôt à communiquer sur une baisse en se basant sur la quantité des produits épandus…

    Le gouvernement a toujours montré qu’il préférait utiliser l’indicateur qui l’arrange. Il parle de quantités de substances actives, sépare dans les courbes les produits de synthèse et ceux utilisables en bio ou en biocontrôle... Dans les dernières notes de suivi, on a un mal de chien à trouver le Nodu. Il est sournoisement invisibilisé sous la pression de la FNSEA. Quand Stéphane Le Foll était ministre de l’Agriculture [de 2012 à 2017], le syndicat agricole avait tenté un putsch contre cet indicateur, en inventant un indicateur d’impact. Il ne tenait pas la route et n’est pas passé, mais les pressions avaient été énormes et elles continuent.

    Le Premier ministre a notamment annoncé aux agriculteurs la mise en pause du plan Écophyto, alors que des annonces devraient être faites à son sujet d’ici le Salon de l’agriculture, qui débute le 24 février...

    Ce qui nous inquiète, ce n’est pas la mise en pause du plan Écophyto pour trois semaines, mais ce qu’il va devenir ensuite. Un comité opérationnel de suivi est prévu. Je ne sais pas s’ils vont inviter la société civile ou s’ils vont se réunir entre eux. Car les annonces de Gabriel Attal sont également un scandale sur la forme : le Premier ministre a fermé le ban sans concertation avec les parties prenantes, sous la pression de la FNSEA. C’est assez dramatique.

    On attend maintenant que le gouvernement se reprenne en main. De toute manière, dans 20 ou 30 ans, les pesticides ne fonctionneront plus. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inrae. On ne trouve plus de nouveaux modes d’action et le vivant s’habitue aux molécules existantes, de plus en plus de résistance apparait. On le voit déjà dans le Bordelais, où plein de fongicides ne fonctionnent plus très bien.

    https://reporterre.net/Pesticides-Le-prochain-indicateur-d-Ecophyto-va-endormir-les-gens
    #Ecophyto #agriculture #industrie_agro-alimentaire

  • Pesticides : « Nous, chercheurs et chercheuses, dénonçons une mise au placard des connaissances scientifiques »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/07/pesticides-nous-chercheurs-et-chercheuses-denoncons-une-mise-au-placard-des-

    En 2021 et en 2022, nous avons présenté les conclusions de trois synthèses des connaissances scientifiques sur les impacts des produits phytopharmaceutiques (« pesticides ») et les solutions alternatives. Conduits dans le cadre du plan Ecophyto à la demande du gouvernement pour éclairer sa prise de décision, ces travaux, coordonnés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) sont inédits par la centaine d’experts mobilisés et les plus de 11 000 publications analysées.

    Nos expertises scientifiques collectives ont démontré l’ampleur des impacts des #pesticides sur la #santé humaine et l’#environnement, et mis en évidence des alternatives agroécologiques capables de répondre aux enjeux environnementaux tout en préservant la production agricole. Nos travaux ont aussi identifié les verrous socio-économiques et institutionnels qui limitent le déploiement des alternatives, et les leviers pour les dépasser. Nos conclusions ont alimenté des travaux parlementaires soulignant le besoin de renforcer le plan #Ecophyto, car il n’a pas permis de réduire l’usage des pesticides. Pourtant, le gouvernement a choisi de suspendre ce plan pour apaiser le conflit avec une partie du monde agricole.
    Nous, chercheurs et chercheuses, manifestons ici notre inquiétude face à cette décision, symptomatique du traitement disjoint des enjeux agricoles et environnementaux. Nous dénonçons une mise au placard des connaissances scientifiques et réaffirmons la nécessité d’une politique multisectorielle d’envergure et de long terme, en faveur d’une #agriculture économiquement viable et respectueuse de la santé et de l’environnement.

    Enjeux de santé publique et animale

    Tous les milieux (sols, #eau, #air), même éloignés des zones d’application, sont contaminés par des pesticides. Des liens existent entre pesticides et santé humaine chez les #agriculteurs, les autres professionnels manipulant ces produits, et les #enfants exposés pendant la grossesse : maladies respiratoires, troubles cognitifs, maladie de Parkinson, troubles du développement neuropsychologique et moteur, cancers. L’usage généralisé de pesticides favorise les résistances chez les organismes qu’ils sont censés éliminer – compromettant l’efficacité des produits à plus long terme – et chez des organismes responsables de maladies – soulevant de nouveaux enjeux de santé publique et animale.
    Les pesticides contribuent à l’effondrement de la #biodiversité : déclin des invertébrés terrestres (vers de terre, insectes…) et aquatiques, des oiseaux, etc. Ils altèrent certains processus naturels, tels que la #pollinisation, la régulation des ravageurs et des maladies des cultures. Or, ces services que la biodiversité rend gratuitement aux agriculteurs leur sont essentiels pour gagner en durabilité et en autonomie.

    Des solutions existent pour protéger les cultures autrement : semer des mélanges variétaux, cultiver plusieurs espèces dans un même champ, allonger les #rotations ou encore pratiquer l’#agroforesterie. Toutes ces pratiques concourent à contrôler les ravageurs et les maladies des cultures.

    Par exemple, les associations de cultures aident à contrôler les adventices, tandis que les #haies, bandes fleuries et #prairies abritent des oiseaux, des chauves-souris, des araignées et des insectes auxiliaires de culture qui se nourrissent des ravageurs et pollinisent les plantes cultivées. La littérature scientifique signale la baisse de l’usage des pesticides dans les systèmes qui mettent en œuvre ces pratiques.
    De plus, un paysage avec une diversité de cultures et au moins 20 % de végétation non cultivée (haies, prairies, bosquets…) offre des refuges à la biodiversité tout en limitant la dispersion des pesticides. Un autre levier d’action est l’amélioration de l’évaluation des risques liés aux pesticides, notamment en s’appuyant sur les connaissances scientifiques robustes les plus récentes, en renforçant la surveillance postautorisation et en continuant à se fonder sur l’expertise des agences de sécurité sanitaire.

    Les agriculteurs supportent une très grande part du poids des réglementations, alors que leurs choix de pratiques sont contraints par les filières en amont et en aval : #semenciers, conseil agricole, #industries_agroalimentaires, #grande_distribution… En dehors de la certification « Agriculture biologique », les initiatives pour produire de façon rentable sans pesticides de synthèse sont marginales.
    Pour opérer un changement à large échelle, l’ensemble des maillons des filières doit évoluer. Cette évolution doit s’accompagner d’une meilleure évaluation et d’une meilleure répartition des coûts et des bénéfices des pratiques agricoles. Alors que les coûts de l’usage des pesticides sont essentiellement supportés à bas bruit par les contribuables (dépenses de santé, coûts de dépollution…), les cobénéfices de pratiques respectueuses de l’environnement et de la santé restent insuffisamment rémunérés aux agriculteurs.

    Rôle-clé des politiques publiques

    Le succès de la politique agricole commune [PAC] pour moderniser l’agriculture au sortir de la seconde guerre mondiale témoigne du rôle-clé des politiques publiques dans une transition d’envergure. Garantir durablement la sécurité alimentaire en préservant les écosystèmes est possible à condition de se doter de politiques cohérentes qui gèrent simultanément les enjeux sanitaires, agricoles, environnementaux et alimentaires.
    Ces politiques doivent tenir compte des effets du #changement_climatique. Les rendements des systèmes intensifs sont d’ailleurs plus affectés par les épisodes de sécheresse ou d’inondations que ceux des systèmes diversifiés.

    Ces politiques doivent concerner l’ensemble des filières agricoles et alimentaires, de la réorientation de la sélection variétale à la création de débouchés rémunérateurs pour les systèmes vertueux. Elles doivent accompagner les agriculteurs dans la transition en favorisant les relations entre recherche, conseil et pratique. Enfin, elles doivent inciter à l’évolution des comportements alimentaires vers des régimes favorables à la santé et à l’environnement.
    L’objectif de réduction de l’usage de pesticides est atteignable sans opposer agriculture et environnement. Sans nier les imperfections du plan Ecophyto, nous estimons que sa mise en pause est un signal à l’encontre de cet objectif. Le moment n’est-il pas opportun pour construire des politiques publiques audacieuses appuyées sur les connaissances scientifiques ?

    Premiers signataires : Cécile Chevrier, épidémiologiste, Inserm ; Xavier Coumoul, toxicologue, université Paris Cité ; Clémentine Fritsch, écotoxicologue, CNRS ; Vincent Martinet, économiste, Inrae ; Wilfried Sanchez, écotoxicologue, Ifremer ; Aude Vialatte, agroécologue, Inrae.

    #alimentation #économie #science #maladies_respiratoires #troubles_cognitifs #maladie_de_Parkinson #troubles_du_développement_neuropsychologique_et_moteur #TDN #cancers #écologie #agroécologie

  • 🌿 🌳 🌼 Agriculture : décryptage des annonces de Gabriel Attal sur l’environnement | France Nature Environnement

    « L’analyse du discours du Premier ministre sur l’environnement démontre que sa vision de l’agriculture se résume à la seule agriculture industrielle... »

    #productivisme #capitalisme #pesticides #NonAuxPesticides #écologie #environnement

    https://fne.asso.fr/actualites/agriculture-decryptage-des-annonces-de-gabriel-attal-sur-l-environnement

  • #Productivisme et destruction de l’#environnement : #FNSEA et #gouvernement marchent sur la tête

    Répondre à la #détresse des #agriculteurs et agricultrices est compatible avec le respect de l’environnement et de la #santé_publique, expliquent, dans cette tribune à « l’Obs », les Scientifiques en rébellion, à condition de rejeter les mesures productivistes et rétrogrades du duo FNSEA-gouvernement.

    La #crise de l’agriculture brasse croyances, savoirs, opinions, émotions. Elle ne peut laisser quiconque insensible tant elle renvoie à l’un de nos #besoins_fondamentaux – se nourrir – et témoigne du #désarroi profond d’une partie de nos concitoyen·nes qui travaillent pour satisfaire ce besoin. Reconnaître la #souffrance et le désarroi du #monde_agricole n’empêche pas d’examiner les faits et de tenter de démêler les #responsabilités dans la situation actuelle. Une partie de son #traitement_médiatique tend à faire croire que les agriculteurs et agricultrices parleraient d’une seule voix, celle du président agro-businessman de la FNSEA #Arnaud_Rousseau. Ce directeur de multinationale, administrateur de holding, partage-t-il vraiment la vie de celles et ceux qui ne parviennent plus à gagner la leur par le travail de la terre ? Est-ce que les agriculteur·ices formeraient un corps uniforme, qui valoriserait le productivisme au mépris des #enjeux_environnementaux qu’ils et elles ne comprendraient soi-disant pas ? Tout cela est difficile à croire.

    Ce que la science documente et analyse invariablement, en complément des savoirs et des observations de nombre d’agriculteur·ices, c’est que le #modèle_agricole industriel et productiviste conduit à une #catastrophe sociale et environnementale. Que ce modèle concurrence dangereusement les #alternatives écologiquement et socialement viables. Que cette agriculture ne s’adaptera pas indéfiniment à un environnement profondément dégradé. Qu’elle ne s’adaptera pas à un #réchauffement_climatique de +4 °C pour la France et une ressource en #eau fortement diminuée, pas plus qu’à une disparition des #insectes_pollinisateurs.

    Actuellement, comme le rappelle le Haut Conseil pour le Climat (HCC), l’agriculture représente le deuxième secteur d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre, avec 18 % du total français, derrière les transports. La moitié de ces émissions agricoles (en équivalent CO2) provient de l’#élevage_bovin à cause du #méthane produit par leur digestion, 14 % des #engrais_minéraux qui libèrent du #protoxyde_d’azote et 13 % de l’ensemble des #moteurs, #engins et #chaudières_agricoles. Le HCC rappelle aussi que la France s’est engagée lors de la COP26 à baisser de 30 % ses émissions de méthane d’ici à 2030, pour limiter le réchauffement climatique. L’agriculture, bien que répondant à un besoin fondamental, doit aussi revoir son modèle dominant pour répondre aux enjeux climatiques. De ce point de vue, ce qu’indique la science, c’est que, si l’on souhaite faire notre part dans le respect de l’accord de Paris, la consommation de #viande et de #produits_laitiers doit diminuer en France. Mais la solidarité avec nos agriculteur.ices ainsi que l’objectif légitime de souveraineté et #résilience_alimentaire nous indiquent que ce sont les importations et les élevages intensifs de ruminants qui devraient diminuer en premier.

    Côté #biodiversité, la littérature scientifique montre que l’usage des #pesticides est la deuxième cause de l’effondrement des populations d’#insectes, qui atteint 80 % dans certaines régions françaises. Les #oiseaux sont en déclin global de 25 % en quarante ans, mais ce chiffre bondit à 60 % en milieux agricoles intensifs : le printemps est devenu particulièrement silencieux dans certains champs…

    D’autres voies sont possibles

    Le paradoxe est que ces bouleversements environnementaux menacent particulièrement les agriculteur·ices, pour au moins trois raisons bien identifiées. Tout d’abord environnementale, à cause du manque d’eau, de la dégradation des sols, des événements météorologiques extrêmes (incendies ou grêles), ou du déclin des insectes pollinisateurs, qui se traduisent par une baisse de production. Sanitaires, ensuite : par leur exposition aux #produits_phytosanitaires, ils et elles ont plus de risque de développer des #cancers (myélome multiple, lymphome) et des #maladies_dégénératives. Financière enfin, avec l’interminable fuite en avant du #surendettement, provoqué par la nécessité d’actualiser un équipement toujours plus performant et d’acheter des #intrants pour pallier les baisses de production engendrées par la dégradation environnementale.

    Depuis des décennies, les #traités_de_libre-échange et la compétition intra-européenne ont privé la grande majorité des agriculteur·ices de leur #autonomie, dans un cercle vicieux aux répercussions sociales tragiques pouvant mener au #suicide. Si la FNSEA, les #JA, ou la #Coordination_rurale réclament une forme de #protectionnisme_agricole, d’autres de leurs revendications portent en revanche sur une baisse des #contraintes_environnementales et sanitaires qui font porter le risque de la poursuite d’un modèle délétère sur le long terme. Ce sont justement ces revendications que le gouvernement a satisfaites avec, en particulier, la « suspension » du #plan_Ecophyto, accueilli par un satisfecit de ces trois organisations syndicales rappelant immédiatement « leurs » agriculteurs à la ferme. Seule la #Confédération_paysanne refuse ce compromis construit au détriment de l’#écologie.

    Pourtant, des pratiques et des modèles alternatifs existent, réduisant significativement les émissions de gaz à effet de serre et préservant la biodiversité ; ils sont déjà mis en œuvre par des agriculteur·ices qui prouvent chaque jour que d’autres voies sont possibles. Mais ces alternatives ont besoin d’une réorientation des #politiques_publiques (qui contribuent aujourd’hui pour 80 % au #revenu_agricole). Des propositions cohérentes de politiques publiques répondant à des enjeux clés (#rémunération digne des agriculteur·ices non soumis aux trusts’de la grande distribution, souveraineté alimentaire, considérations climatiques et protection de la biodiversité) existent, comme les propositions relevant de l’#agroécologie, qu’elles émanent du Haut Conseil pour le Climat, de la fédération associative Pour une autre PAC, de l’IDDRI, ou encore de la prospective INRAE de 2023 : baisse de l’#élevage_industriel et du cheptel notamment bovin avec soutien à l’#élevage_extensif à l’herbe, généralisation des pratiques agro-écologiques et biologiques basées sur la valorisation de la biodiversité (cultures associées, #agro-foresterie, restauration des #haies favorisant la maîtrise des bio-agresseurs) et arrêt des #pesticides_chimiques_de_synthèse. Ces changements de pratiques doivent être accompagnés de mesures économiques et politiques permettant d’assurer le #revenu des agriculteur·ices, leur #accès_à_la_terre et leur #formation, en cohérence avec ce que proposent des syndicats, des associations ou des réseaux (Confédération paysanne, Atelier paysan, Terre de liens, Fédérations nationale et régionales d’Agriculture biologique, Réseau salariat, …).

    Nous savons donc que les politiques qui maintiennent le #modèle_agro-industriel sous perfusion ne font qu’empirer les choses et qu’une réorientation complète est nécessaire et possible pour la #survie, la #dignité, la #santé et l’#emploi des agriculteur·ices. Nombre d’enquêtes sociologiques indiquent qu’une bonne partie d’entre elles et eux le savent très bien, et que leur détresse témoigne aussi de ce #conflit_interne entre le modèle productiviste qui les emprisonne et la nécessité de préserver l’environnement.

    Une #convention_citoyenne

    Si le gouvernement convient que « les premières victimes du dérèglement climatique sont les agriculteurs », les mesures prises démontrent que la priorité gouvernementale est de sanctuariser le modèle agro-industriel. La remise en cause du plan Ecophyto, et la reprise en main de l’#Anses notamment, sont en totale contradiction avec l’urgence de s’attaquer à la dégradation environnementale couplée à celle des #conditions_de_vie et de travail des agriculteur·ices. Nous appelons les citoyen·nes et les agriculteur·rices à soutenir les changements de politique qui iraient réellement dans l’intérêt général, du climat, de la biodiversité. Nous rappelons que le sujet de l’agriculture et de l’#alimentation est d’une redoutable complexité, et qu’identifier les mesures les plus pertinentes devrait être réalisé collectivement et démocratiquement. Ces mesures devraient privilégier l’intérêt général et à long-terme, par exemple dans le cadre de conventions citoyennes dont les conclusions seraient réellement traduites dans la législation, a contrario a contrario de la précédente convention citoyenne pour le climat.

    https://www.nouvelobs.com/opinions/20240203.OBS84041/tribune-productivisme-et-destruction-de-l-environnement-fnsea-et-gouverne
    #tribune #scientifiques_en_rébellion #agriculture #souveraineté_alimentaire #industrie_agro-alimentaire

  • « Si “réarmement agricole” il y a, c’est surtout d’un “réarmement chimique” de l’agriculture qu’il est question »

    Le surgissement et la diffusion éclair de certains mots, qui sculptent tout à coup le débat public, a quelque chose de fascinant. Ainsi du vocabulaire martial subitement apparu le 31 décembre 2023 dans la parole présidentielle et, depuis, inlassablement commenté, répercuté, repris, répété, et surtout raccommodé jusqu’à l’indigestion par les membres du gouvernement : il faut se réarmer, il faut tout #réarmer.
    L’armement, les armes sont devenus en quelques semaines la métrique de toute chose. « Réarmement démographique », « réarmement civique », « réarmement moral », « réarmement des services publics »… C’est donc dans le contexte d’une propagation rapide – et assez inquiétante – de cette terminologie guerrière, que le premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, ont annoncé, jeudi 1er février, la mise en branle des grandes manœuvres du « #réarmement agricole ».
    Si « réarmement agricole » il y a, c’est surtout d’un « réarmement chimique » de l’agriculture qu’il est question. A l’heure où l’#infertilité et les #maladies_chroniques s’envolent dans la population générale, où environ un tiers des foyers français reçoivent au robinet une eau non conforme aux critères de qualité pour cause de métabolites de #pesticides, où sans doute plus de 80 % de la #biomasse d’insectes volants et 60 % des oiseaux des champs ont disparu en quarante ans, on se plaît à imaginer le fou rire nerveux d’hypothétiques historiens qui chercheraient, dans les prochaines décennies, à décrire et surtout comprendre la logique de ce qui se produit ces jours-ci.

    Le plan #Ecophyto est d’abord mis à l’arrêt, le temps, comme l’a dit M. Attal, de « mettre en place un nouvel indicateur ». Bénigne en apparence, cette annonce signe en réalité la mort du plan destiné à réduire l’usage des pesticides en France. Mais après tout qu’importe, peut-on objecter, puisque le plan Ecophyto a, depuis son lancement en 2008, complètement échoué à atteindre ses objectifs.
    Ce n’est pas si simple. D’abord, malgré sa relative inefficience, le plan était l’incarnation d’une volonté partagée de réduire la pression des pesticides sur l’environnement et la #santé. Ensuite et surtout, il reposait sur un indicateur stable – le NODU (nombre de doses unités) – reflétant la réalité des usages de « phytos » et de leur évolution dans le temps.

    C’est une question bien plus importante et subtile qu’il n’y paraît. Une expérience de pensée toute simple permet de comprendre pourquoi. Figurez-vous un indicateur principalement lié à la quantité des différents produits utilisés sur les parcelles. Si vous remplacez 10 kilogrammes de DDT (un insecticide organochloré) épandus sur un champ, par 1 kg d’imidaclopride (un insecticide #néonicotinoïde) utilisés sur ce même champ, votre indicateur vous dira que vous avez fait baisser le recours aux #insecticides de 90 %. Vous serez donc très satisfait et vous pourrez annoncer ce chiffre sans craindre de démenti. Mais cette diminution de 90 % correspondrait en réalité à une aggravation des dommages sur les pollinisateurs d’environ 80 000 %, puisque 1 gramme d’imidaclopride peut tuer autant d’abeilles que 8 kg de DDT.

    Il ne fait ainsi aucun doute que le démantèlement du NODU et la coconstruction d’un nouvel indicateur d’usage – avec l’aimable concours des syndicats agricoles productivistes –, signerait la mort du plan Ecophyto, donc la fin d’une ambition.

    Tutelle politique

    Dans ce plan de « réarmement chimique » de l’#agriculture française, il y a plus inquiétant que la destruction du thermomètre. Il y a les pressions sur ceux qui sont chargés, au sein des institutions publiques, de le lire et de l’interpréter. Gabriel Attal a ainsi mis en cause, sans la nommer, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (#Anses), chargée d’évaluer les risques sanitaires et environnementaux des pesticides et de leur octroyer (ou leur retirer) leur autorisation de mise sur le marché. Le premier ministre annonce de facto vouloir placer l’agence – coupable selon lui d’interdire des molécules en France avant qu’elles ne soient interdites dans l’Union européenne –, sous une forme de tutelle politique.
    Pour Dominique Potier, agriculteur de métier et député (Parti socialiste) de Meurthe-et-Moselle, rapporteur de la commission d’enquête sur les pesticides tenue en 2023, il s’agit là « d’un recul de l’Etat de droit ». « Dans une démocratie, la remise en cause par le pouvoir politique d’une autorité scientifique constituée n’est pas un acte banal, dit au Monde cet élu peu coutumier des outrances et des vociférations d’Hémicycle. C’est un moment de bascule. »

    Bien sûr, l’expertise peut – et doit – être constamment interrogée dans sa rigueur, son indépendance, dans ses choix de tenir compte de tel ou tel élément plutôt que de tel autre. Mais elle doit l’être avec les instruments intellectuels de la disputatio savante, et il va sans dire que l’injonction politique n’en fait pas partie. La volonté de contrôle de la science et de l’expertise est un trope des régimes césaristes ou à tentation autoritaire. De fait, on se souvient que parmi les premières décisions de Donald Trump, à son arrivée à la présidence des Etats-Unis, figuraient la reprise en main de l’Agence fédérale américaine pour la protection de l’environnement (EPA) et sa mise sous tutelle par le pouvoir.
    Le « réarmement chimique » de l’agriculture française et ses modalités ne sont donc pas seulement une catastrophe environnementale et sanitaire dont les effets seront irréversibles à brève ou moyenne échéance. Ils s’inscrivent, comme pour la question migratoire, dans un mouvement de ratification culturelle de l’#extrême droite : est-ce vraiment une bonne idée ?

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/03/si-rearmement-agricole-il-y-a-c-est-surtout-d-un-rearmement-chimique-de-l-ag

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • Décrypter le mouvement des agriculteurs
    https://lundi.am/Decrypter-le-mouvement-des-agriculteurs

    [...] les dirigeants de la #FNSEA, c’est vraiment les 1% contre les 99%. Arnaud Rousseau, c’en est vraiment la caricature, c’est un grand patron de l’agro industrie, extrêmement riche, qui possède 700 ou 800 hectares, ce qui n’est vraiment pas le cas des 99% d’adhérents aux FDSEA. Il y a donc une déconnexion de plus en plus grande entre cette toute petite élite qui est très proche du gouvernement, qui prend les décisions main dans la main avec lui et les gens, syndiqués ou non, sur le terrain, qu’ils soient dans les modèles bio ou pas. Je peux prendre l’exemple de mes voisins, ils ont 100 hectares et pourtant ils galèrent. En Bretagne, par exemple, quand tu as 50 hectares, tu as deux choix : soit tu passes en bio, mais ça ça valait le coup il y a 5 ans, soit tu rachètes la ferme de ton voisin et tu prends 50 hectares et 50 vaches de plus pour faire plus de volume, travailler comme des malades nuit et jour et tenter de rester à flot. Et l’option du #bio devient aussi une impasse car on a de plus en plus de mal à vendre nos produits depuis la crise du Covid et on les vend à des tarifs très proches du celui du circuit conventionnel. Donc quelques soient les choix que les uns et les autres ont fait, quand ont fait partie des 99% on partage vraiment la même galère.

    Après il y a de vraies questions sur les produits que l’on utilise. Dans notre modèle économique de libre-échange, si on n’utilise plus de #pesticides, on se retrouve à ne plus être compétitifs. Et donc il y a ce faux choix : se suicider économiquement ou se suicider avec les produits qu’on utilise. Parce que concrètement, on sait qu’en utilisant des pesticides on a de très fortes chances de tomber malades. Cela se dit pas beaucoup dans les campagnes mais ça se sait ; quand on emprunte le circuit des pesticides, on sait qu’on a de grandes chances de mourir entre 55 et 65 ans.

    Mais c’est parce qu’on est coincés dans cette alternative que certains arrivent à défendre le glyphosate ou les méga-bassines. Nous ce qu’on dit c’est que la seule solution, c’est de sortir des accords de libre-échange et de l’injonction à la compétitivité mondiale.

    #confédération_paysanne #modèle_agricole #agriculture

  • Aux racines de la mobilisation agricole, des années d’incohérence politique | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/220124/aux-racines-de-la-mobilisation-agricole-des-annees-d-incoherence-politique

    La mobilisation continue dans le monde agricole, avec de nouvelles manifestations annoncées cette semaine. Derrière les revendications pour de la « simplification » et « moins de normes » se cache un problème de fond : une profession peu rémunérée et une politique confuse vis-à-vis de la nécessaire transition écologique.
    Amélie Poinssot
    22 janvier 2024 à 19h16


    L’explosion de colère couvait depuis des semaines. Initié à l’automne par le syndicat des Jeunes #agriculteurs, le mouvement « On marche sur la tête », avec le retournement des panneaux d’entrée dans les communes rurales, est parti des retards de paiement de certaines aides européennes de la #PAC (Politique agricole commune), et de l’opposition à une hausse des taxes sur les #pesticides et la consommation d’#eau. Le syndicat a obtenu gain de cause : les subventions ont été versées, et en décembre, le gouvernement a abandonné le projet d’augmentation des prélèvements.

    La vague de manifestations outre-Rhin, l’approche des élections européennes, l’offensive du RN et la perspective des élections professionnelles qui auront lieu dans le monde agricole l’an prochain ont cependant remobilisé les rangs syndicaux de la famille majoritaire – FNSEA et JA (55 % aux élections de 2019) – mais aussi, encore plus à droite, de la Coordination rurale (21 %).

    https://justpaste.it/f2t7n

    #blocage #manifestations #droite #extrême_droite

  • #Agriculture et #écologie : « En France, on ne peut pas parler de #surtransposition des #normes_européennes » - Public Sénat
    https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/colere-des-agriculteurs-en-france-on-ne-peut-pas-parler-de-surtransposit

    Selon la base de données sur les pesticides dans l’Union européenne, 383 substances actives sont autorisées par l’EFSA et 283 peuvent être commercialisées en France. Un total qui est loin de placer la France dans les pays les plus restrictifs sur la question puisque l’Allemagne n’en autorise que 262. Souvent considérée comme une menace pour les agriculteurs français, la Pologne autorise moins de pesticides que la France (265). La France apparaît même comme l’un des pays autorisant le plus de substances actives (seuls l’Italie, la Grèce et l’Espagne en autorisent davantage) .

    « Il est difficile de trouver beaucoup d’exemples de surtransposition et donc des produits interdits en France avant de l’être dans l’Union européenne », estime Sophie Thoyer, directrice de recherche à l’INRAE et professeure à Montpellier SupAgro. « Il y a eu une époque, notamment dans la première partie de la décennie 2010, où la France avait pour habitude de procéder à des interdictions de #pesticides avant l’#Union_européenne, cela a été le cas pour les néonicotinoïdes ou le diméthoate », note Benoît Grimonprez, professeur de droit rural à l’Université de Poitiers.

    #droit_européen

  • Le CHU d’Amiens met en place la première consultation « pesticides et pathologies pédiatriques »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/11/le-chu-d-amiens-met-en-place-la-premiere-consultation-pesticides-et-patholog

    Inauguré il y a trois mois, le dispositif vise à faire reconnaître l’exposition professionnelle des parents, afin qu’ils puissent prétendre au Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides.
    Par Florence Traullé (Lille, correspondante)

    Lorsqu’il naît en septembre 2016, à la maternité du centre hospitalier universitaire (#CHU) d’#Amiens, le fils d’Emilie, originaire de la Somme (elle n’a pas souhaité donner son nom de famille), se voit diagnostiquer un hypospadias, une malformation du pénis qui nécessite une reconstruction. Après l’opération, l’équipe médicale suggère alors aux parents que cette déformation pourrait être en lien avec le travail du père, agriculteur, et potentiellement exposé aux #pesticides. « On ne nous avait jamais dit qu’ils pouvaient être dangereux pour un bébé pendant la grossesse. On est tombés des nues. »
    Sur les conseils de l’équipe médicale, Emilie retourne alors au CHU d’Amiens, où a ouvert, en octobre 2023, au sein du centre régional de pathologies professionnelles et environnementales (CRPE) des Hauts-de-France, la première consultation pédiatrique spécialisée dans les pathologies repérées comme pouvant être en lien avec l’utilisation de pesticides (leucémies, tumeurs cérébrales, becs-de-lièvre, hypospadias ou troubles du neurodéveloppement, principalement).
    Le docteur Sylvain Chamot, à l’origine de la création de cette consultation, explique vouloir « faire valoir les droits des agriculteurs qui sont d’abord des victimes, ainsi que leurs enfants ». Outre les constats médicaux réalisés, les parents remplissent des questionnaires permettant d’établir si la mère a été exposée aux pesticides dans le cadre de son activité professionnelle pendant sa grossesse ou si le père l’a été dans les six mois précédant la naissance.

    « Liens de causalité »

    « On a des arguments de fréquence et des études qui pointent des liens de causalité avec une exposition du père ou de la mère aux pesticides », explique la professeure Hélène Haraux, chirurgienne pédiatrique, qui travaille aux côtés du docteur Chamot. « L’exposition paternelle est un sujet très intéressant et nouveau, il faut que la recherche avance là-dessus », ajoute-t-elle.
    Les données collectées ici permettront d’alimenter des bases anonymes pour de futures études qui ne se limiteront pas aux agriculteurs, mais porteront aussi sur les enfants « dont les parents travaillent le bois, sur les voies ferrées, dans les espaces verts », précise le docteur Chamot.

    L’idée de créer cette consultation lui est venue après avoir découvert le très faible nombre de dossiers déposés au Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (#FIVP). Depuis sa création en 2020, seules dix-sept demandes concernant des victimes périnatales ont été faites, sur toute la France, auprès de ce fonds alimenté par la taxe sur la vente de produits phytosanitaires. Rien que pour la Picardie, territoire agricole, le docteur Chamot évalue à une centaine le nombre d’enfants potentiellement concernés.

    Auditionnée par une commission d’enquête parlementaire en novembre 2023, Christine Dechesne-Céart, la directrice de la réglementation du FIVP, précisait que « cinq cas seulement [avaient] été indemnisés pour des enfants d’âge divers, pas nécessairement mineurs » et qu’« une victime, exposée enfant, [était] aujourd’hui âgée de 54 ans ». Parmi les indemnisés, Théo Grataloup, aujourd’hui adolescent, dont la mère travaillant sur un terrain d’équitation a utilisé un désherbant, un générique du Roundup, pendant sa grossesse. Théo, né sans cordes vocales, souffre – entre autres – d’une malformation (atrésie) de l’œsophage et a dû subir 54 opérations chirurgicales, la première vingt-quatre heures après sa naissance.

    Mme Dechesne-Céart justifiait, devant les magistrats, l’écart entre la population identifiée comme potentiellement concernée par une indemnisation (de l’ordre de 10 000 personnes adultes et enfants confondus) et le nombre de dossiers instruits (environ 600) par un déficit de communication et par le fait que « le fonds est encore dans sa phase de lancement », trois ans après sa création.

    Ce déficit d’information est également constaté par le docteur Chamot qui, dans sa consultation, prend du temps pour expliquer aux parents les raisons probables des maladies de leurs enfants, ainsi que leurs droits. Mais « il faut que les professionnels de santé soient mieux informés, car c’est surtout eux qui peuvent nous adresser des patients ».

    Réticences des familles à déclencher l’indemnisation

    Au-delà de la difficulté à faire passer les bons messages, le député de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier (PS), rapporteure de la récente commission d’enquête parlementaire sur l’usage des pesticides en France, s’inquiète aussi de ce que les conditions d’indemnisation ne tiennent pas compte de « la vie domestique [qui] peut constituer une source de contamination importante. Les vêtements portés au travail et nettoyés à la maison peuvent contaminer une femme enceinte même si elle n’est pas, elle-même, agricultrice. » Il y voit un « trou dans la raquette ».
    Antoine Lambert, président de l’association Phyto-Victimes, déplore ces lacunes, pointant notamment la responsabilité de la presse professionnelle agricole, très peu disserte sur le fonds. Il s’inquiète aussi des réticences des familles à déclencher celui-ci et parle de « l’immense difficulté des professionnels à admettre qu’une pathologie puisse découler de leur activité. Cette difficulté est encore plus grande quand il s’agit de leurs enfants dont les handicaps plus ou moins lourds seraient le fruit de leur travail. »

    Emilie le reconnaît : « Mon mari l’a très mal pris. C’est dur de se dire qu’on peut être responsable de la souffrance de son enfant. » Elle aurait préféré ne pas témoigner anonymement « parce que c’est important pour faire changer les choses mais mon mari n’a pas voulu. J’en ai aussi parlé à mon grand garçon qui veut travailler dans l’agriculture. Il n’a pas accepté non plus. Il faudrait que ça change tout ça », conclut-elle.

    #santé

  • #Inde : dans les champs du #Pendjab, la colère s’enracine

    Depuis leur soulèvement en 2021, les paysans du sous-continent sont revenus aux champs. Mais dans le grenier à #blé du pays, la révolte gronde toujours et la sortie de la #monoculture_intensive est devenue une priorité des #syndicats_agricoles.

    « Nous sommes rassemblés parce que la situation des agriculteurs est dans l’impasse. Dans le Pendjab, les paysans sont prisonniers de la monoculture du blé et du #riz, qui épuise les #nappes_phréatiques », explique Kanwar Daleep, président du grand syndicat agricole #Kisan_Marzoor. À ses côtés, ils sont une centaine à bloquer la ligne de train qui relie la grande ville d’Amritsar, dans le Pendjab, à New Delhi, la capitale du pays. Au milieu d’immenses champs de blé, beaucoup sont des paysans sikhs, reconnaissables à leur barbe et à leur turban.

    C’est d’ici qu’est parti le plus grand mouvement de contestation de l’Inde contemporaine. Pour s’opposer à la #libéralisation du secteur agricole, des paysans du Pendjab en colère puis des fermiers de toute l’Inde ont encerclé New Delhi pacifiquement mais implacablement en décembre 2020 et en 2021, bravant froids hivernaux, coronavirus et police. En novembre 2021, le premier ministre Narendra Modi a finalement suspendu sa #réforme, dont une des conséquences redoutées aurait été la liquidation des tarifs minimums d’achat garantis par l’État sur certaines récoltes.

    « Depuis cette #révolte historique, les agriculteurs ont compris que le peuple avait le pouvoir, juge #Sangeet_Toor, écrivaine et militante de la condition paysanne, basée à Chandigarh, la capitale du Pendjab. L’occupation est finie, mais les syndicats réclament un nouveau #modèle_agricole. Ils se sont emparés de sujets tels que la #liberté_d’expression et la #démocratie. »

    Pour Kanwar Daleep, le combat entamé en 2020 n’est pas terminé. « Nos demandes n’ont pas été satisfaites. Nous demandons à ce que les #prix_minimums soient pérennisés mais aussi étendus à d’autres cultures que le blé et le riz, pour nous aider à régénérer les sols. »

    C’est sur les terres du Pendjab, très plates et fertiles, arrosées par deux fleuves, que le gouvernement a lancé dans les années 1960 un vaste programme de #plantation de semences modifiées à grand renfort de #fertilisants et de #pesticides. Grâce à cette « #révolution_verte », la production de #céréales a rapidement explosé – l’Inde est aujourd’hui un pays exportateur. Mais ce modèle est à bout de souffle. Le père de la révolution verte en Inde, #Monkombu_Sambasivan_Swaminathan, mort en septembre, alertait lui-même sur les dérives de ce #productivisme_agricole forcené.

    « La saison du blé se finit, je vais planter du riz », raconte Purun Singh, qui cultive 15 hectares près de la frontière du Pakistan. « Pour chaque hectare, il me faut acheter 420 euros de fertilisants et pesticides. J’obtiens 3 000 kilos dont je tire environ 750 euros. Mais il y a beaucoup d’autres dépenses : l’entretien des machines, la location des terrains, l’école pour les enfants… On arrive à se nourrir mais notre compte est vide. » Des récoltes aléatoires vendues à des prix qui stagnent… face à un coût de la vie et des intrants de plus en plus élevé et à un climat imprévisible. Voilà l’équation dont beaucoup de paysans du Pendjab sont prisonniers.

    Cet équilibre financier précaire est rompu au moindre aléa, comme les terribles inondations dues au dérèglement des moussons cet été dans le sud du Pendjab. Pour financer les #graines hybrides et les #produits_chimiques de la saison suivante, les plus petits fermiers en viennent à emprunter, ce qui peut conduire au pire. « Il y a cinq ans, j’ai dû vendre un hectare pour rembourser mon prêt, raconte l’agriculteur Balour Singh. La situation et les récoltes ne se sont pas améliorées. On a dû hypothéquer nos terrains et je crains qu’ils ne soient bientôt saisis. Beaucoup de fermiers sont surendettés comme moi. » Conséquence avérée, le Pendjab détient aujourd’hui le record de #suicides de paysans du pays.

    Champs toxiques

    En roulant à travers les étendues vertes du grenier de l’Inde, on voit parfois d’épaisses fumées s’élever dans les airs. C’est le #brûlage_des_chaumes, pratiqué par les paysans lorsqu’ils passent de la culture du blé à celle du riz, comme en ce mois d’octobre. Cette technique, étroitement associée à la monoculture, est responsable d’une très importante #pollution_de_l’air, qui contamine jusqu’à la capitale, New Delhi. Depuis la route, on aperçoit aussi des fermiers arroser leurs champs de pesticides toxiques sans aucune protection. Là encore, une des conséquences de la révolution verte, qui place le Pendjab en tête des États indiens en nombre de #cancers.

    « Le paradigme que nous suivons depuis les années 1960 est placé sous le signe de la #sécurité_alimentaire de l’Inde. Où faire pousser ? Que faire pousser ? Quelles graines acheter ? Avec quels intrants les arroser ? Tout cela est décidé par le marché, qui en tire les bénéfices », juge Umendra Dutt. Depuis le village de Jaito, cet ancien journaliste a lancé en 2005 la #Kheti_Virasat_Mission, une des plus grandes ONG du Pendjab, qui a aujourd’hui formé des milliers de paysans à l’#agriculture_biologique. « Tout miser sur le blé a été une tragédie, poursuit-il. D’une agriculture centrée sur les semences, il faut passer à une agriculture centrée sur les sols et introduire de nouvelles espèces, comme le #millet. »

    « J’ai décidé de passer à l’agriculture biologique en 2015, parce qu’autour de moi de nombreux fermiers ont développé des maladies, notamment le cancer, à force de baigner dans les produits chimiques », témoigne Amar Singh, formé par la Kheti Virasat Mission. J’ai converti deux des quatre hectares de mon exploitation. Ici, auparavant, c’était du blé. Aujourd’hui j’y plante du curcuma, du sésame, du millet, de la canne à sucre, sans pesticides et avec beaucoup moins d’eau. Cela demande plus de travail car on ne peut pas utiliser les grosses machines. Je gagne un peu en vendant à des particuliers. Mais la #transition serait plus rapide avec l’aide du gouvernement. »

    La petite parcelle bio d’Amar Singh est installée au milieu d’hectares de blé nourris aux produits chimiques. On se demande si sa production sera vraiment « sans pesticides ». Si de plus en plus de paysans sont conscients de la nécessité de cultiver différemment, la plupart peinent à le faire. « On ne peut pas parler d’une tendance de fond, confirme Rajinder Singh, porte-parole du syndicat #Kirti_Kazan_Union, qui veut porter le combat sur le plan politique. Lorsqu’un agriculteur passe au bio, sa production baisse pour quelques années. Or ils sont déjà très endettés… Pour changer de modèle, il faut donc subventionner cette transition. »

    Kanwar Daleep, du Kisan Marzoor, l’affirme : les blocages continueront, jusqu’à obtenir des garanties pour l’avenir des fermiers. Selon lui, son syndicat discute activement avec ceux de l’État voisin du Haryana pour faire front commun dans la lutte. Mais à l’approche des élections générales en Inde en mai 2024, la reprise d’un mouvement de masse est plus une menace brandie qu’une réalité. Faute de vision des pouvoirs publics, les paysans du Pendjab choisissent pour l’instant l’expectative. « Les manifestations peuvent exploser à nouveau, si le gouvernement tente à nouveau d’imposer des réformes néfastes au monde paysan », juge Sangeet Toor.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/inde-dans-les-champs-du-pendjab-la-colere-s-enracine
    #agriculture #monoculture #résistance

  • Phytosanitaires : le constat d’une action publique insuffisante, au terme des travaux de la commission d’enquête | LCP - Assemblée nationale
    https://lcp.fr/actualites/commission-enquete-phyto-247817

    Président et rapporteur de la commission d’enquête ont mutuellement souligné une défaillance structurelle dans l’élaboration de la politique de réduction des pesticides : l’absence de pilotage ministériel efficace depuis le premier plan Ecophyto.

    Mais bon c’est pas trop grave puisqu’en 2030 tout sera résolu. Promis !

    Malgré cela, le rapport s’attache à souligner des « avancées positives » durant la décennie écoulée, notamment par un « effort de recherche inédit » à l’échelle française et européenne, la création d’un fonds d’indemnisation des personnes victimes de produits phytosanitaires par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2020 et, surtout, « le retrait de la grande majorité des molécules les plus toxiques » - « autant de points d’appui » pour le prochain plan Ecophyto 2030, actuellement en discussion.

    Pour le « pilotage » de la cellule Demeter par contre il y a du monde.
    #pesticides #foutage_de_gueule

  • Les #Agences_de_l’eau en mode essorage

    Indépendantes de l’État, ces structures décisives dans la gestion de la ressource sont pourtant l’objet de multiples #pressions pour financer le #lobby agricole.

    Depuis quelques jours, les grands acteurs des guerres de l’eau en France jouent aux chaises musicales. On a ainsi vu mercredi dernier, le 6 décembre, #Arnaud_Rousseau, le président de la #FNSEA (#Fédération_nationale_des_syndicats_d’exploitants_agricoles), annoncer lui-même depuis le perron de Matignon que le gouvernement renonçait d’une part à taxer les agriculteurs qui polluent les sols et les eaux en utilisant des #pesticides et d’autre part à augmenter la #redevance de ceux qui irriguent tant et plus. La Première ministre, Élisabeth Borne, s’est contentée d’observer sagement la scène. Ce mardi, à Rennes, d’autres agriculteurs ont exprimé leur colère. Ils ont manifesté et même occupé des bâtiments de l’État pour demander, entre autres, l’arrêt du glyphosate et la taxation des pesticides. Évidemment, ils étaient pour la plupart affiliés à la Confédération paysanne. Ils revendiquaient surtout le paiement de plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions qui leur ont été promis et qui doivent financer des mesures agro-écologiques dans leurs fermes. Le grand perdant de ce jeu de chaises musicales, où chacun semble prendre une place inattendue ? Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui n’a visiblement aucune assise. Il laisse la parole à la FNSEA, et il laisse – vous le verrez, c’est un document que se sont procuré Les Jours – son homologue chargé de l’Agriculture, Marc Fesneau, lui remonter les bretelles sur un dossier qui concerne pourtant de très près l’environnement et des établissements publics dont il a la charge, les Agences de l’eau.

    Pour comprendre cette situation, il faut vous présenter un peu plus ces mastodontes aussi importants que méconnus. La France compte six Agences de l’eau, dont les territoires sont délimités en fonction de l’écoulement des eaux : chacune règne sur un grand bassin hydrographique. Les personnes qui connaissent bien ces assemblées – et elles sont plutôt rares – en sont fières et les surnomment les « parlements de l’eau ». Car, en théorie, ces agences dotées d’un budget conséquent – plus de 12 milliards d’euros sur la période 2019-2024 – sont indépendantes de l’État et gérées par des collèges représentants tous les utilisateurs de la ressource : consommateurs, collectivités, industriels, agriculteurs, pêcheurs… Chacun de ces acteurs finance le budget des Agences via des taxes appelées « redevances » et, ensemble, ils doivent parvenir à concilier trois objectifs de plus en plus difficiles à atteindre : que chacun dispose de suffisamment d’eau, que les cours d’eau et les êtres qui y vivent soient en bonne santé, mais aussi que l’eau soit suffisamment peu polluée pour pouvoir être bue par tous.

    Depuis au moins une décennie, ces belles intentions sont largement mises à mal. En 2015, un rapport de la Cour des comptes dénonçait déjà le noyautage des Agences de l’eau par ceux qui la polluent – les industriels, notamment –, ainsi que par ceux qui en usent tant qu’ils en sont les plus grands consommateurs du pays : les agriculteurs… qui parfois polluent aussi. Le rapport pointait notamment le poids de plus en plus important pris par la FNSEA dans les décisions concernant la ressource. La situation ne s’est pas améliorée depuis. Un autre rapport de la même Cour des comptes, publié en juillet dernier et consacré à la gestion de l’eau face au changement climatique, regrettait, lui, que les redevances soient réparties de façon extrêmement inégale. Les consommateurs paient plus de 70 % des taxes via leur facture d’eau, quand les agriculteurs irrigants ne payent que 6 % de ces redevances et les agriculteurs consommateurs de pesticides à peine 4 %. Une situation d’autant plus injuste que l’impact de l’agriculture sur le coût de l’eau est de plus en plus grand : peu à peu, on se rend compte que l’eau potable est ainsi très largement contaminée par les résidus de pesticides, et que la dépollution va coûter une fortune aux collectivités.

    En prime, beaucoup d’agents et responsables des Agences de l’eau ont l’impression qu’on tape dans leurs caisses. Car depuis les années 2010, l’État a régulièrement décidé de ponctionner leur budget pour financer des mesures censées être favorables à l’environnement. Avec des conséquences lourdes sur les moyens de ces établissement mais aussi sur la taille des couleuvres à avaler : en 2018 a par exemple été instaurée une « contribution financière des Agences de l’eau à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage » d’un montant de 20 millions d’euros. Une somme qui permettait de compenser la perte de budget de ce dernier Office due à la promesse présidentielle – celle-là même qui avait poussé Nicolas Hulot à la démission – de diviser par deux le prix des permis de chasse. C’est ainsi que l’argent des parlements de l’eau a depuis été utilisé pour faciliter la pratique du fusil en milieu rural.

    En avril dernier, le même Emmanuel Macron a annoncé du côté du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, son « plan eau », censé porter des objectifs de sobriété. Cette feuille de route, que Les Jours décrivaient comme très favorable aux agriculteurs (lire l’épisode 2, « Tu cherches un plan eau près de chez toi ? »), devait en partie être financée via les deux taxes auxquelles le gouvernement vient donc de renoncer. Une annulation vécue comme une injustice de trop pour le président du comité de bassin de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, Thierry Burlot (pourtant ex-candidat macroniste aux régionales). Il se dit « abasourdi » : « On a construit ce plan eau pendant des mois. On s’était mis d’accord sur le financement, de façon collective. On a imaginé une taxe sur les pesticides qui, au regard du coût de la pollution, est franchement minime. Et on découvre que la FNSEA est allée négocier seule à Paris, dans le dos de tout le monde. On découvre qu’ils ne veulent même pas payer pour financer un plan dont ils sont de très loin les plus grands bénéficiaires. C’est trop, cette décision va générer beaucoup de tension. »

    À Rennes, l’élu PS et vice-président d’Eau du bassin rennais Ludovic Brossard tance : « On n’est même plus face à du renoncement, on est face à un choix idéologique du gouvernement de soutenir le fonctionnement actuel de l’économie agricole plutôt que de donner une réponse aux enjeux environnementaux. » Du côté des agents de ces Agences, la déception est tout aussi grande. Élue au Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), Delphine Jacono déplore qu’« une fois de plus, on constate un arbitrage au profit des intérêts agricoles et au détriment de l’intérêt général. Ces taxes sont prévues pour abonder des budgets, mais doivent aussi faire changer les pratiques. Y renoncer est dommageable pour tout le monde ».

    Et ce n’est pas le seul dossier financier chaud qui divise les Agences de l’eau et le monde agricole. Les agents rennais de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt l’ont découvert ce mardi en voyant débarquer une centaine d’agriculteurs en colère. L’objet de leur courroux est né de plusieurs échanges épistolaires entre membres de la majorité. Fin octobre, une flopée de parlementaires bretons écrivent au ministre l’Économie Bruno Le Maire et à Marc Fesneau. Ils alertent : des agriculteurs de la région se sont engagés à prendre dans leurs exploitations des « mesures agro-environnementales et climatiques » (Maec) en échange de subventions, et ils attendent leur dû. Victimes de leur succès, ces aides ont explosé les plafonds prévus. Près de 3 000 agriculteurs bretons attendraient aujourd’hui un montant global de 53 millions d’euros. Qui peut les payer ?

    Dans un courrier que « Les Jours » se sont procuré, Marc Fesneau exige de Christophe Béchu que les Agences de l’eau sortent le chéquier. Encore

    Cette missive a été bien reçue et entendue par Marc Fesneau. Selon un document que Les Jours se sont procuré, ce dernier a renvoyé quelques jours plus tard la patate chaude à Christophe Béchu. Son courrier évalue les besoins de financements à 143 millions d’euros à l’échelle nationale et se termine ainsi : « Cette insuffisance de financement provient des Agences de l’eau qui sont sous votre tutelle. » En clair, Marc Fesneau veut encore que lesdites agences sortent le chéquier. Il l’a fait savoir directement à leurs dirigeants, précise Thierry Burlot : « Marc Fesneau a invité les présidents de comité de bassin il y a un mois pour nous le dire. On n’était pas au courant de cet arbitrage, on ne savait pas que c’était à nous de le payer. Je vais être tout à fait clair sur ma position : je suis favorable au financement des Maec. Mais je ne peux pas les payer. On ne peut payer que si on a de l’argent dans la caisse. »

    Sur le terrain, on avance enfin un autre argument, de poids : il faudrait veiller à ne pas subventionner tout et n’importe quoi sous la pression du ministère de l’Agriculture. Un anonyme contrôleur de la Politique agricole commune (PAC), qui a évalué de très nombreux dossiers de Maec, détaille : « Les Maec sont censées inciter à un changement de pratiques et compenser une perte de rendement. Une partie sont très intéressantes, mais dans une majorité de dossiers, on finance des pratiques déjà existantes ou pas forcément pertinentes. » Delphine Jacono, du SNE-FSU, confirme qu’« il y a Maec et Maec, avec des ambitions environnementales très variables ». Elle alerte donc sur le fait que « faire du saupoudrage indifférencié serait une nouvelle atteinte aux objectifs environnementaux et climatiques ».

    Thierry Burlot, qui craint que l’affaire ne décourage les agriculteurs partisans d’un changement de modèle, se veut, lui, beaucoup plus conciliant avec les Maec. Quant à Ludovic Brossard, qui est allé à la rencontre des agriculteurs en colère ce mardi, il assure que la grande majorité de ces exploitants s’engagent dans des mesures vraiment intéressantes pour l’environnement. « Ces agriculteurs se disent qu’il leur manque des millions d’euros et que quelques jours plus tôt la FNSEA a été écoutée en déversant du lisier sur les préfectures. Forcément, ils se disent que les choses marchent comme ça. » Mais n’est pas la FNSEA qui veut : ce mardi soir, les agriculteurs de la Confédération paysanne ont été évacués avec force par la police.

    https://lesjours.fr/obsessions/eau-guerres/ep9-agences-eau-fnsea
    #eau #France #lobbying #agriculture #industrie_agro-alimentaire #indépendance #irrigation #pollution #taxe #glyphosate #Confédération_paysanne #subventions #agro-écologie #Marc_Fesneau #Christophe_Béchu #cour_des_comptes #eau_potable #prix #coût #contamination #dépollution #plan_eau #économie_agricole #mesures_agro-environnementales_et_climatiques (#Maec)

  • « Pour la première fois, toute l’Union européenne a enclenché la marche arrière sur l’environnement »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/26/pour-la-premiere-fois-toute-l-union-europeenne-a-enclenche-la-marche-arriere

    La plupart des textes-clés du Pacte vert européen, annoncé par Bruxelles en 2019, ont été reportés, rejetés ou vidés de leur substance. Longtemps garantes du verdissement des Etats membres, les institutions communautaires opèrent un recul général sur la question environnementale, estime Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

    Le torpillage du projet sur la restauration de la nature, le report sine die de la réforme de la réglementation sur les produits chimiques, la réautorisation pour une décennie du glyphosate, le vote d’un règlement sur les emballages perclus d’exemptions et, enfin, le rejet du règlement SUR sont d’autant plus signifiants qu’ils surviennent au terme d’une législature dont le Green Deal (le Pacte vert) devait être le pilier, comme l’avait promis en 2019 la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
    Bataille d’amendements

    Les planètes se sont alignées suivant un autre axe : au sein de la Commission, les directions générales les plus hostiles à l’environnement ont pris la main, la majorité des Etats-membres ont freiné des quatre fers et le Parlement s’est laissé dominer par les droites extrêmes. Pour la première fois, toute l’Union européenne – institutions et Etats membres – a enclenché la marche arrière sur l’environnement.

    Est-ce vraiment la fin d’un cycle ? Les plus optimistes assurent que ce n’est que partie remise et que les textes-clés du Green Deal seront sans doute adoptés au cours de la prochaine législature. C’est en réalité bien peu probable. Le revirement de l’Union européenne sur les questions de santé et d’environnement n’est autre que l’un des stigmates de la droitisation des opinions sur le Vieux Continent, aiguillonnées par des droites populistes qui ont fait de la lutte contre les politiques environnementales l’un des pivots de leurs discours.
    Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés L’écologie, ce nouveau clivage politique que le Rassemblement national compte exploiter

    Bien plus qu’une simple évolution des choix politiques, il y a sans doute là quelque chose qui relève d’une révolution anthropologique, la victoire d’un individualisme radical qui va de pair avec une lente altération de ce que George Orwell appelait notre « décence commune » (common decency).

    #Europe #Ecologie #Crise_morale

    • Le patient détricotage, puis le rejet surprise par le Parlement de Strasbourg du règlement européen sur les #pesticides (SUR) marquent probablement la fin d’une époque, la conclusion de ce qui a constitué, au cours des trois dernières décennies, une sorte d’évidence. Tout au long de cette période qui prend fin, l’Union européenne a généralement été garante d’une amélioration à peu près constante de la préservation de l’#environnement et de la #santé, à travers la construction de normes communautaires et l’introduction dans les droits nationaux de nombreux instruments de protection de la nature et de la santé publique.
      Les esprits chagrins peuvent estimer que certains dossiers restent encalminés, que ce mouvement a été lent, pusillanime et parfois chaotique, qu’il a été contradictoire avec d’autres politiques mises en œuvre par l’Union (que l’on songe à la politique agricole commune ou aux accords de libre-échange) : il n’en reste pas moins que le cap a jusqu’ici été globalement fixé par l’état de la connaissance scientifique et la recherche de l’intérêt général. Il est aussi remarquable de constater qu’en dépit des luttes internes à la technocratie bruxelloise, de la volonté souvent vacillante des Etats et de la couleur politique changeante du Parlement, l’objectif de protection de l’environnement a toujours plus ou moins prévalu.

      Ce temps est révolu.

      https://archive.is/l3e99#

      #droitisation #nature #pesticides #agriculture #industrie #produits_chimiques #glyphosate #emballages .

  • Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • Guerre de l’eau en Ile-de-France : l’hiver du patriarche

    Le processus de renouvellement et d’attribution à un opérateur privé du plus grand marché européen de distribution d’eau, évalué à 4,3 milliards d’euros sur une durée de 12 ans, tourne au chemin de croix pour le syndicat présidé depuis 1983 par André Santini, ancien ministre et maire d’Issy-les-Moulineaux (92), et dont Veolia est concessionnaire sans discontinuer depuis 1923.

    Lire la suite :

    https://blog.mondediplo.net/guerre-de-l-eau-en-ile-de-france-l-hiver-du