• #Pierre_Gaussens, sociologue : « Les #études_décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur »

    Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les #fondements_théoriques des études décoloniales.

    S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue #Gaya_Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « #stratégie_de_rupture ».

    Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

    Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien #Anibal_Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin #Walter_Mignolo, l’anthropologue américano-colombien #Arturo_Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine #Enrique_Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la #colonisation_européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de #pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « #colonialité », axe de #domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le #savoir, le #genre, la #culture.

    Sa substance est définie par l’autre concept phare des études décoloniales, l’#eurocentrisme, désignant l’hégémonie destructrice qu’aurait exercée la pensée occidentale, annihilant le savoir, la culture et la mythologie des peuples dominés. Le courant décolonial se fonde sur ce diagnostic d’ordre intellectuel, mais en revendiquant dès le début une ambition politique : ce groupe cherchait à se positionner comme une avant-garde en vue d’influencer les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche latino-américains. Il est ainsi né en critiquant les #études_postcoloniales, fondées dans les années 1980 en Inde avant d’essaimer aux Etats-Unis. Les décoloniaux vont leur reprocher de se cantonner à une critique « scolastique », centrée sur des études littéraires et philosophiques, et dépourvue de visée politique.

    Pourquoi avoir élaboré cet ouvrage collectif visant à critiquer la « #raison_décoloniale » ?

    Ce projet venait d’un double ras-le-bol, partagé avec ma collègue Gaya Makaran, de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Nous étions d’abord agacés par les faiblesses théoriques des études décoloniales, dont les travaux sont entachés de #simplisme et de #concepts_bancals enrobés dans un #jargon pompeux et se caractérisant par l’#ignorance, feinte ou volontaire, de tous les travaux antérieurs en vue d’alimenter une stratégie de #rupture. Celle-ci a fonctionné, car la multiplication des publications, des revues et des séminaires a permis au mouvement de gagner en succès dans le champ universitaire. Ce mouvement anti-impérialiste a paradoxalement profité du fait d’être basé dans des universités américaines pour acquérir une position de force dans le champ académique.

    La seconde raison tenait à notre malaise face aux effets des théories décoloniales. Que ce soient nos étudiants, les organisations sociales comme les personnes indigènes rencontrées sur nos terrains d’enquête, nous constations que l’appropriation de ces pensées menait à la montée d’un #essentialisme fondé sur une approche mystifiée de l’#identité, ainsi qu’à des #dérives_racistes. Il nous semblait donc crucial de proposer une critique d’ordre théorique, latino-américaine et formulée depuis une perspective anticolonialiste. Car nous partageons avec les décoloniaux le diagnostic d’une continuité du fait colonial par-delà les #décolonisations, et le constat que cette grille de lecture demeure pertinente pour saisir la reproduction des #dominations actuelles. Notre ouvrage, paru initialement au Mexique en 2020 [Piel Blanca, Mascaras Negras. Critica de la Razon Decolonial, UNAM], présente donc un débat interne à la gauche intellectuelle latino-américaine, qui contraste avec le manichéisme du débat français, où la critique est monopolisée par une droite « #antiwoke ».

    Le cœur de votre critique se déploie justement autour de l’accusation d’« essentialisme ». Pourquoi ce trait vous pose-t-il problème ?

    En fétichisant la date de #1492, les études décoloniales procèdent à une rupture fondamentale qui conduit à un manichéisme et une réification d’ordre ethnique. L’Occident, porteur d’une modernité intrinsèquement toxique, devient un ectoplasme destructeur. Cette #satanisation produit, en miroir, une #idéalisation des #peuples_indigènes, des #cosmologies_traditionnelles et des temps préhispaniques. Une telle lecture crée un « #orientalisme_à_rebours », pour reprendre la formule de l’historien #Michel_Cahen [qui vient de publier Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept, Karthala, 232 pages, 24 euros], avec un #mythe stérile et mensonger du #paradis_perdu.

    Or, il s’agit à nos yeux de penser l’#hybridation et le #métissage possibles, en réfléchissant de façon #dialectique. Car la #modernité a aussi produit des pensées critiques et émancipatrices, comme le #marxisme, tandis que les coutumes indigènes comportent également des #oppressions, notamment patriarcales. Cette #focalisation_ethnique empêche de penser des #rapports_de_domination pluriels : il existe une #bourgeoisie_indigène comme un #prolétariat_blanc. Cette essentialisation suscite, en outre, un danger d’ordre politique, le « #campisme », faisant de toute puissance s’opposant à l’Occident une force par #essence_décoloniale. La guerre menée par la Russie en Ukraine montre à elle seule les limites d’une telle position.

    En quoi le positionnement théorique décolonial vous semble-t-il gênant ?

    La stratégie de rupture du mouvement conduit à plusieurs écueils problématiques, dont le principal tient au rapport avec sa tradition théorique. Il procède à des récupérations malhonnêtes, comme celle de #Frantz_Fanon (1925-1961). Les décoloniaux plaquent leur grille de lecture sur ce dernier, gommant la portée universaliste de sa pensée, qui l’oppose clairement à leur geste critique. Certains se sont rebellés contre cette appropriation, telle la sociologue bolivienne #Silvia_Rivera_Cusicanqui, qui a accusé Walter Mignolo d’avoir détourné sa pensée.

    Sur le plan conceptuel, nous critiquons le galimatias linguistique destiné à camoufler l’absence de nouveauté de certains concepts – comme la « colonialité », qui recoupe largement le « #colonialisme_interne » développé à la fin du XXe siècle – et, surtout, leur faiblesse. Au prétexte de fonder un cadre théorique non eurocentrique, les décoloniaux ont créé un #jargon en multipliant les notions obscures, comme « #pluriversalisme_transmoderne » ou « #différence_transontologique », qui sont d’abord là pour simuler une #rupture_épistémique.

    Votre critique s’en prend d’ailleurs à la méthode des études décoloniales…

    Les études décoloniales ne reposent sur aucune méthode : il n’y a pas de travail de terrain, hormis chez Arturo Escobar, et très peu de travail d’archives. Elles se contentent de synthèses critiques de textes littéraires et théoriques, discutant en particulier des philosophes comme Marx et Descartes, en s’enfermant dans un commentaire déconnecté du réel. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune grande figure du mouvement ne parle de langue indigène. Alors qu’il est fondé sur la promotion de l’#altérité, ce courant ne juge pas nécessaire de connaître ceux qu’il défend.

    En réalité, les décoloniaux exploitent surtout un #misérabilisme en prétendant « penser depuis les frontières », selon le concept de Walter Mignolo. Ce credo justifie un rejet des bases méthodologiques, qui seraient l’apanage de la colonialité, tout en évacuant les critiques à son égard, puisqu’elles seraient formulées depuis l’eurocentrisme qu’ils pourfendent. Ce procédé conduit à un eurocentrisme tordu, puisque ces auteurs recréent, en l’inversant, le « #privilège_épistémique » dont ils ont fait l’objet de leur critique. Ils ont ainsi construit une bulle destinée à les protéger.

    Sur quelle base appelez-vous à fonder une critique de gauche du colonialisme ?

    En opposition aux penchants identitaires des décoloniaux, nous soutenons le retour à une approche matérialiste et #dialectique. Il s’agit de faire dialoguer la pensée anticoloniale, comme celle de Frantz Fanon, avec l’analyse du #capitalisme pour renouer avec une critique qui imbrique le social, l’économie et le politique, et pas seulement le prisme culturel fétichisé par les décoloniaux. Cette #intersectionnalité permet de saisir comment les pouvoirs néocoloniaux et le capitalisme contemporain reproduisent des phénomènes de #subalternisation des pays du Sud. Dans cette perspective, le #racisme n’est pas un moteur en soi, mais s’insère dans un processus social et économique plus large. Et il s’agit d’un processus historique dynamique, qui s’oppose donc aux essentialismes identitaires par nature figés.

    « Critique de la raison décoloniale » : la dénonciation d’une « #imposture »

    Les études décoloniales constitueraient une « #contre-révolution_intellectuelle ». L’expression, d’ordinaire réservée aux pensées réactionnaires, signale la frontalité de la critique, mais aussi son originalité. Dans un débat français où le label « décolonial » est réduit à un fourre-tout infamant, cet ouvrage collectif venu d’Amérique latine apporte un bol d’air frais. Copiloté par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, chercheurs basés au Mexique, Critique de la raison décoloniale (L’Echappée, 256 pages, 19 euros) élève le débat en formulant une critique d’ordre théorique.

    Six textes exigeants, signés par des chercheurs eux-mêmes anticoloniaux, s’attachent à démolir ce courant, qualifié d’« imposture intellectuelle ». Les deux initiateurs du projet ouvrent l’ensemble en ramassant leurs griefs : l’essentialisation des peuples à travers un prisme culturel par des auteurs qui « partagent inconsciemment les prémisses de la théorie du choc des civilisations ». Les quatre contributions suivantes zooment sur des facettes des études décoloniales, en s’attaquant notamment à la philosophie de l’histoire qui sous-tend sa lecture de la modernité, à quelques-uns de ses concepts fondamentaux (« pensée frontalière », « colonialité du pouvoir »…) et à son « #ontologie de l’origine et de la #pureté ». Un dernier texte plus personnel de la chercheuse et activiste Andrea Barriga, ancienne décoloniale fervente, relate sa désillusion croissante à mesure de son approfondissement de la pensée d’Anibal Quijano, qui lui est finalement apparue comme « sans consistance ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/24/pierre-gaussens-sociologue-les-etudes-decoloniales-reduisent-l-occident-a-un
    #décolonial

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    • En complément :
      https://lvsl.fr/pourquoi-lextreme-droite-sinteresse-aux-theories-decoloniales

      L’extrême droite veut décoloniser. En France, les intellectuels d’extrême droite ont pris l’habitude de désigner l’Europe comme la victime autochtone d’une « colonisation par les immigrés » orchestrée par les élites « mondialistes ». Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », a même fait l’éloge des grands noms de la littérature anticoloniale – « tous les textes majeurs de la lutte contre la colonisation s’appliquent remarquablement à la France, en particulier ceux de Frantz Fanon » – en affirmant que l’Europe a besoin de son FLN (le Front de Libération Nationale a libéré l’Algérie de l’occupation française, ndlr). Le cas de Renaud Camus n’a rien d’isolé : d’Alain de Benoist à Alexandre Douguine, les figures de l’ethno-nationalisme lisent avec attention les théoriciens décoloniaux. Et ils incorporent leurs thèses, non pour contester le système dominant, mais pour opposer un capitalisme « mondialiste », sans racines et parasitaire, à un capitalisme national, « enraciné » et industriel.

      Article originellement publié dans la New Left Review sous le titre « Sea and Earth », traduit par Alexandra Knez pour LVSL.

    • Les pensées décoloniales d’Amérique latine violemment prises à partie depuis la gauche

      Dans un livre collectif, des universitaires marxistes dénoncent l’« imposture » des études décoloniales, ces théories qui tentent de déconstruire les rapports de domination en Amérique latine. Au risque de la simplification, répondent d’autres spécialistes.

      PourPour une fois, la critique ne vient pas de la droite ou de l’extrême droite, mais de courants d’une gauche marxiste que l’on n’attendait pas forcément à cet endroit. Dans un livre collectif publié en cette fin d’année, Critique de la raison décoloniale (L’échappée), une petite dizaine d’auteur·es livrent une charge virulente à l’égard des études décoloniales, tout à la fois, selon eux, « imposture », « pensée ventriloque », « populisme » et « contre-révolution intellectuelle ».

      Le champ décolonial, surgi dans les années 1990 sur le continent américain autour de penseurs comme Aníbal Quijano (1928-2018), reste confidentiel en France. Ce sociologue péruvien a forgé le concept de « colonialité du pouvoir », qui renvoie aux rapports de domination construits à partir de 1492 et le début des « conquêtes » des Européens aux Amériques. Pour ces intellectuel·les, les vagues d’indépendances et de décolonisations, à partir du XIXe siècle, n’ont pas changé en profondeur ces rapports de domination.

      La première génération des « décoloniaux » sud-américains, autour de Quijano, de l’historien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023) et du sémiologue argentin Walter Mignolo (né en 1941), a développé à la fin des années 1990 un programme de recherche intitulé « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (M/C/D). Ils ont analysé, souvent depuis des campus états-uniens, la « colonialité », non seulement du « pouvoir », mais aussi des « savoirs » et de « l’être ».

      Pour eux, 1492 est un moment de bascule, qui marque le début de la « modernité » (le système capitaliste, pour le dire vite) et de son revers, la « colonialité » : le système capitaliste et le racisme sont indissociables. Selon ces auteurs, « le socle fondamental de la modernité est le “doute méthodique” jeté sur la pleine humanité des Indiens », doute qui deviendra un « scepticisme misanthrope systématique et durable » jusqu’à aujourd’hui, expliquent Philippe Colin et Lissell Quiroz dans leur ouvrage de synthèse sur les Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, publié en 2023 (éditions de La Découverte).

      « Au-delà des indéniables effets de mode, la critique décoloniale est devenue l’un des paradigmes théoriques incontournables de notre temps », écrivent encore Colin et Quiroz. Depuis la fin des années 1990, cette manière de critiquer le capitalisme, sans en passer par le marxisme, s’est densifiée et complexifiée. Elle a été reprise dans la grammaire de certains mouvements sociaux, et récupérée aussi de manière rudimentaire par certains gouvernements étiquetés à gauche.

      C’est dans ce contexte qu’intervient la charge des éditions L’échappée, qui consiste dans la traduction de six textes déjà publiés en espagnol (cinq au Mexique en 2020, un autre en Argentine en 2021). Parmi eux, Pierre Gaussens et Gaya Makaran, deux universitaires basé·es à Mexico, l’un Français, l’autre Polonaise, s’en prennent à ces « discours académiques qui veulent parler à la place des subalternes » et dénoncent une « représentation ventriloque des altérités ».

      Préoccupé·es par l’influence grandissante des théories décoloniales dans leur milieu universitaire, Gaussens et Makaran veulent exposer leurs « dangers potentiels ». Dont celui de contribuer à « justifier des pratiques discriminatoires et excluantes, parfois même ouvertement racistes et xénophobes, dans les espaces où celles-ci parviennent à rencontrer un certain écho, surtout à l’intérieur du monde étudiant ».

      Les critiques formulées par ces penseurs d’obédience marxiste sont légion. Ils et elles reprochent une manière de penser l’Europe de manière monolithique, comme un seul bloc coupable de tous les maux – au risque d’invisibiliser des luttes internes au continent européen. Ils contestent la focalisation sur 1492 et jugent anachronique la référence à une pensée raciale dès le XVe siècle.

      De manière plus globale, ils dénoncent un « biais culturaliste », qui accorderait trop de place aux discours et aux imaginaires, et pas assez à l’observation de terrain des inégalités économiques et sociales ou encore à la pensée de la forme de l’État au fil des siècles. « L’attention qu’ils portent aux identités, aux spécificités culturelles et aux “cosmovisions” les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples “non blancs”, dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne », écrit le journaliste Mikaël Faujour dans la préface de l’ouvrage.

      Ils critiquent encore le soutien de certains auteurs, dont Walter Mignolo, à Hugo Chávez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie – ce que certains avaient désigné comme une « alliance bolivarienne-décoloniale », au nom de laquelle ils ont pu soutenir des projets néo-extractivistes sur le sol des Amériques pourtant contraires aux intérêts des populations autochtones.

      Dans une recension enthousiaste qu’il vient de publier dans la revue Esprit, l’anthropologue Jean-Loup Amselle parle d’un livre qui « arrive à point nommé ». Il critique le fait que les décoloniaux ont « figé », à partir de 1492, l’Europe et l’Amérique en deux entités « hypostasiées dans leurs identités respectives ». « Pour les décoloniaux, insiste Amselle, c’est le racisme qui est au fondement de la conquête de l’Amérique, bien davantage que les richesses qu’elle recèle, et c’est le racisme qui façonne depuis la fin du XVe siècle le monde dans lequel on vit. »

      La parole d’Amselle importe d’autant plus ici qu’il est l’un des tout premiers, depuis la France, à avoir critiqué les fondements de la pensée décoloniale. Dans L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Seuil, 2008), il consacrait déjà plusieurs pages critiques en particulier de la pensée « culturaliste », essentialiste, de Walter Mignolo lorsque ce dernier pense le « post-occidentalisme ».

      À la lecture de Critique de la raison décoloniale, si les critiques sur les partis pris téléologiques dans certains travaux de Walter Mignolo et Enrique Dussel visent juste, la virulence de la charge interroge tout de même. D’autant qu’elle passe presque totalement sous silence l’existence de critiques plus anciennes, par exemple sur le concept de « colonialité du pouvoir », en Amérique latine.

      Dans une recension publiée dans le journal en ligne En attendant Nadeau, l’universitaire David Castañer résume la faille principale du livre, qui « réside dans l’écart entre ce qu’il annonce – une critique radicale de la théorie décoloniale dans son ensemble – et ce qu’il fait réellement – une lecture du tétramorphe Mignolo, Grosfoguel [sociologue d’origine portoricaine – ndlr], Quijano, Dussel ». Et de préciser : « Or, il y a un grand pas entre critiquer des points précis des pensées de ces quatre auteurs et déboulonner cette entité omniprésente que serait le décolonial. »

      Tout se passe comme si les auteurs de cette Critique passaient sous silence la manière dont ce champ s’est complexifié, et avait intégré ses critiques au fil des décennies. C’est ce que montre l’ouvrage de Colin et Quiroz dont le dernier chapitre est consacré, après les figures tutélaires des années 1990 – les seules qui retiennent l’attention de Gaussens et de ses collègues –, aux « élargissements théoriques et militants ».
      Méta-histoire

      L’exemple le plus saillant est la manière dont des féministes, à commencer par la philosophe argentine María Lugones (1944-2020), vont critiquer les travaux de Quijano, muets sur la question du genre, et proposer le concept de « colonialité du genre », à distance du « féminisme blanc », sans rejeter pour autant ce fameux « tournant décolonial ».

      Idem pour une pensée décoloniale de l’écologie, à travers des chercheurs et chercheuses d’autres générations que celles des fondateurs, comme l’anthropologue colombien Arturo Escobar (qui a critiqué le concept de développement comme une invention culturelle d’origine occidentale, et théorisé le « post-développement ») ou l’Argentine Maristella Svampa, devenue une référence incontournable sur l’économie extractiviste dans le Cône Sud.

      La critique formulée sur la fixation problématique sur 1492 chez les décoloniaux ne convainc pas non plus Capucine Boidin, anthropologue à l’université Sorbonne-Nouvelle, jointe par Mediapart : « Les auteurs décoloniaux font une philosophie de l’histoire. Ils proposent ce que j’appelle un méta-récit. Ce n’est pas de l’histoire. Il n’y a d’ailleurs aucun historien dans le groupe des études décoloniales. Cela n’a pas de sens de confronter une philosophie de l’histoire à des sources historiques : on ne peut qu’en conclure que c’est faux, incomplet ou imprécis. »

      Cette universitaire fut l’une des premières à présenter en France la pensée décoloniale, en invitant Ramón Grosfoguel alors à l’université californienne de Berkeley, dans un séminaire à Paris dès 2007, puis à coordonner un ensemble de textes – restés sans grand écho à l’époque – sur le « tournant décolonial » dès 2009.

      Elle tique aussi sur certaines des objections formulées à l’égard d’universitaires décoloniaux très dépendants des universités états-uniennes, et accusés d’être coupés des cultures autochtones dont ils parlent. À ce sujet, Silvia Rivera Cusicanqui, une sociologue bolivienne de premier plan, connue notamment pour avoir animé un atelier d’histoire orale andine, avait déjà accusé dès 2010 le décolonial Walter Mignolo, alors à l’université états-unienne Duke, d’« extractivisme académique » vis-à-vis de son propre travail mené depuis La Paz.

      « Contrairement à ce que dit Pierre Gaussens, nuance Capucine Boidin, Aníbal Quijano parlait très bien, et chantait même, en quechua. C’était un sociologue totalement en prise avec sa société. Il a d’ailleurs fait toute sa carrière au Pérou, à l’exception de voyages brefs aux États-Unis durant lesquels il a échangé avec [le sociologue états-unien] Immanuel Wallerstein. Pour moi, c’est donc un procès d’intention qui fait fi d’une lecture approfondie et nuancée. »
      L’héritage de Fanon

      Au-delà de ces débats de spécialistes, les auteur·es de Critique de la raison décoloniale s’emparent avec justesse de nombreux penseurs chers à la gauche, de Walter Benjamin à Frantz Fanon, pour mener leur démonstration. Le premier chapitre s’intitule « Peau blanche, masque noire », dans une référence au Peau noire, masques blancs (1952) de l’intellectuel martiniquais. Le coup est rude : il s’agit d’accuser sans détour les décoloniaux d’être des « blancs » qui se disent du côté des peuples autochtones sans l’être.

      Pierre Gaussens et Gaya Makaran insistent sur les critiques formulées par Fanon à l’égard du « courant culturaliste de la négritude », qu’ils reprennent pour en faire la clé de voûte du livre. « Si le colonisé se révolte, ce n’est donc pas pour découvrir une culture propre ou un passé glorieux, ni pour prendre conscience de sa “race”, mais parce que l’oppression socio-économique qu’il subit ne lui permet pas de mener une existence pleine et entière », écrivent-ils.

      Dans l’épilogue de sa biographie intellectuelle de Fanon (La Découverte, 2024), Adam Shatz constate que des critiques de l’antiracisme contemporain, depuis le marxisme notamment, se réclament parfois du Martiniquais. « Ce qui intéressait Fanon n’était pas la libération des Noirs, mais celle des damnés de la Terre », confirme-t-il. Mais Shatz se montre aussi plus prudent, alors que « l’horizon de la société post-raciale [que Fanon appelait de ses vœux – ndlr] s’est considérablement éloigné » par rapport à 1961, année de sa mort à 36 ans à peine.

      À lire Shatz, Fanon menait une critique des pensées binaires telles que certains universalistes et d’autres identitaires la pratiquent. La nature de son œuvre la rend rétive aux récupérations. Il juge aussi que les décoloniaux, et des mouvements comme Black Lives Matter, qui se revendiquent tout autant de Fanon que les marxistes critiques de l’antiracisme, « sont plus fidèles à la colère » du psychiatre martiniquais, avec « leur style d’activisme imprégné d’urgence existentielle ».

      Aussi stimulante soit-elle, la publication de Critique de la raison décoloniale témoigne surtout, en creux, de la trop faible circulation des textes originaux des théories décoloniales en France, et du trop petit nombre de traductions disponibles en français (parmi les exceptions notables, la publication aux PUF en 2023 de Philosophie de la libération, de Dussel, classique de 1977). Le livre des éditions de L’échappée est une entreprise de démontage d’un champ encore peu documenté en France, ce qui donne à sa lecture un abord inconfortable.

      Et ce, même si Mikaël Faujour, collaborateur au Monde diplomatique, qui a traduit une partie des textes du recueil en français, avec l’essayiste partisan de la décroissance Pierre Madelin, insiste, dans une préface périlleuse, sur une clé de lecture française, qui complique encore la réception de l’ouvrage. Le journaliste s’inquiète des « cheminements » de la pensée décoloniale dans l’espace francophone, d’abord via les revues Multitudes et Mouvements, puis à travers le parti des Indigènes de la République (PIR) autour notamment de Houria Bouteldja, jusqu’à déplorer « le rapprochement, à partir de 2019, entre les décoloniaux autour du PIR et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».

      La charge n’est pas sans rappeler le débat suscité en 2021 par le texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, sur le « tournant identitaire » dans les sciences sociales françaises. Au risque d’ouvrir ici une vaste discussion plus stratégique sur les gauches françaises, qui n’a que peu à voir avec les discussions théoriques posées par les limites des premières vagues de la théorie décoloniale en Amérique latine ?

      Joint par Mediapart, Faujour assure le contraire : « Il n’y a pas d’étanchéité entre les deux espaces [français et latino-américain]. D’ailleurs, le livre [original publié en 2020 au Mexique] contenait un texte critique de Philippe Corcuff sur les Indigènes de la République. Par ailleurs, Bouteldja salue Grosfoguel comme un “frère”. Dussel et Grosfoguel sont venus en France à l’invitation du PIR. Tout l’appareillage lexical et conceptuel, la lecture historiographique d’une modernité débutée en 1492 unissant dans la “colonialité”, modernité, colonialisme et capitalisme, mais aussi la critique de la “blanchité”, entre autres choses, constituent bel et bien un fonds commun. »

      Mais certain·es redoutent bien une confusion dans la réception du texte, dans le débat français. « Pierre Gaussens et Gaya Makaran travaillent depuis le Mexique, avance Capucine Boidin. Je comprends une partie de leur agacement, lorsqu’ils sont face à des étudiants latino-américains, de gauche, qui peuvent faire une lecture simplifiée et idéologique de certains textes décoloniaux. D’autant qu’il peut y avoir une vision essentialiste, romantique et orientaliste des cultures autochtones, dans certains de ces écrits. »

      « Mais en France, poursuit-elle, nous sommes dans une situation très différente, où les études décoloniales sont surtout attaquées sur leur droite. Manifestement, Pierre Gaussens est peu informé des débats français. Ce livre arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec le risque de donner à la droite des arguments de gauche pour critiquer les études décoloniales. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/les-pensees-decoloniales-d-amerique-latine-violemment-prises-partie-depuis

  • L’#homme_mesuré

    « L’homme mesuré » sortira dans les prochaines semaines en Allemagne. Premier film à raconter l’histoire du massacre des #Hereros et de #Namas en #Namibie par l’armée coloniale allemande au début du XXe siècle.

    C’est un film très attendu outre-rhin. Ça s’appelle « L’homme mesuré », réalisé par #Lars_Kraume, et présenté il y a un mois au festival de Berlin.

    C’est la première fois que cette page de l’#histoire peu connue de l’#Allemagne sera portée à l’écran : le massacre de 60 000 hereros et de 10 000 namas, deux #peuples_indigènes de Namibie, internés en camp de concentration et tués par l’armée coloniale allemande entre 1884 et 1915.

    Un génocide que l’Allemagne n’a reconnu qu’en 2021. Une page très sombre éclipsée pendant des décennies par les crimes nazis.

    Le réalisateur de « L’homme mesuré », Lars Kraume, espère que « ce film permettra une #prise_de_conscience de cette #histoire_refoulée. » L’Allemagne ajoute t-il a nié son #passé_colonial pendant 120 ans, la plupart des gens ignorent cette partie de l’histoire, ce n’est même pas enseigné dans les écoles."

    Un génocide désormais reconnu par l’Etat allemand

    Ce génocide est donc désormais reconnu par l’Etat allemand, qui a passé un accord financier il y a deux ans avec la Namibie pour aider les descendants des familles Hereros et Namas. Un milliard d’euros de soutien financier.

    Pas question de parler de réparation ni même de prononcer d’excuses. Un accord remis en question à l’heure actuelle par la Namibie, qui l’estime insuffisant.

    Ces dernières semaines, le réalisateur s’est rendu en Namibie pour projeter son film grâce à un cinéma mobile alimenté par de l’énergie solaire. Il doit sortir au cinéma dans quelques semaines en Europe.

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sous-les-radars/le-bruit-du-monde-sous-les-radars-du-mercredi-22-mars-2023-7410141
    #film #peuples_autochtones #massacre #génocide #histoire #camps_de_concentration

    ping @reka

  • L’extractivisme en récits
    https://laviedesidees.fr/L-extractivisme-en-recits.html

    À propos de : Anna Lowenhaupt Tsing, Friction : délires et faux-semblants de la globalité, La Découverte,. Pourquoi le #capitalisme est-il si chaotique ? demande Anna Tsing depuis les montagnes de Bornéo saccagées par l’exploitation. Aborder les connexions globales et les idéaux universalistes comme de puissantes mises en récit permet de comprendre et de résister.

    #International #nature #écologie
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20210714_friction.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210714_friction.pdf

  • ‘We’ve Already Survived an Apocalypse’: Indigenous Writers Are Changing Sci-Fi - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2020/08/14/books/indigenous-native-american-sci-fi-horror.html

    Dimaline, along with Waubgeshig Rice, Rebecca Roanhorse, Darcie Little Badger and Stephen Graham Jones, who has been called “the Jordan Peele of horror literature,” are some of the Indigenous novelists reshaping North American science fiction, horror and fantasy — genres in which Native writers have long been overlooked.

    Their fiction often draws on Native American and First Nations mythology and narrative traditions in ways that upend stereotypes about Indigenous literature and cultures. And the authors are gaining recognition in a corner of the literary world that has traditionally been white, male and Eurocentric, rooted in Western mythology.

    Some authors say that sci-fi and fantasy settings allow them to reimagine the Native experience in ways that wouldn’t be possible in realistic fiction. Writing futuristic narratives and building fantasy worlds provide a measure of freedom to tell stories that feel experimental and innovative, and aren’t weighted down by the legacies of genocide and colonialism.

    “We’ve already survived an apocalypse,” said Roanhorse, who is of Ohkay Owingeh Pueblo descent.

    For Indigenous authors, writing themselves into sci-fi and fantasy narratives isn’t just about gaining visibility within popular genres. It is part of a broader effort to overcome centuries of cultural misrepresentation.

    “What most people know about Native people was created by outsiders, so it’s no surprise that it’s faulty,” said Debbie Reese, who is tribally enrolled at Nambé Pueblo and founded the site American Indians in Children’s Literature, which analyzes representations of Native people and beliefs in children’s books.

    While Indigenous writers are still underrepresented in the literary world, especially in genre fiction, their work is having an outsize impact. Roanhorse won two of the genre’s most prestigious awards, the Hugo and the Nebula, for her 2017 short story, “Welcome to Your Authentic Indian Experience™,” and the Locus Award for best first novel for “Trail of Lightning.” Both works have been optioned for screen adaptations.

    Dimaline’s novel, “The Marrow Thieves,” which unfolds in a dystopian future where Indigenous people are hunted for their bone marrow, won the Kirkus prize for young adult literature and is being adapted into a television series. She and Roanhorse have signed multi-book deals with major publishing houses in recent years.

    #Lecture #Science_fiction #Peuples_indigènes

  • Appel des peuples indigènes : « Depuis l’élection de Jair Bolsonaro, nous vivons les prémices d’une apocalypse »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/10/appel-des-peuples-indigenes-depuis-l-election-de-jair-bolsonaro-nous-vivons-

    Dans une tribune au « Monde », treize représentants de peuples indigènes de différents continents, dont ceux de l’Amazonie brésilienne, lancent un appel à protéger le caractère « sacré » de la nature et à s’opposer aux projets du président du Brésil.

    Les peuples indigènes ont toujours pris soin de la Terre Mère et de l’humanité. Nous représentons 370 millions de personnes dans le monde, répartis sur 22 % de la planète et couvrant 80 % de la biodiversité mondiale.

    Nous appelons l’humanité à prendre des mesures pour protéger le caractère sacré de l’eau, de l’air, de la terre, du feu, du cycle de la vie et de tous les êtres humains, végétaux et animaliers. Il est vital de transformer notre approche de la nature en l’envisageant non comme une propriété, mais un sujet de droit, garante de la vie.

    Partout dans le monde les droits des peuples indigènes et de la nature sont bafoués, des leaders indigènes sont assassinés. Des millions de nos frères et sœurs ont été tués pour prendre le contrôle de leurs territoires et on continue à nous détruire avec de belles paroles et de l’argent, cette malédiction du monde.

    Nous appelons à des solutions concrètes qui reconnaissent les droits des peuples indigènes et de la nature pour la survie de tous. Nous appelons les dirigeants du monde, les Etats, les Nations unies et la société civile à amorcer une réflexion visant à abandonner progressivement les systèmes capitalistes et juridiques hérités de l’époque coloniale pour les remplacer par de nouveaux principes. Nous devons évoluer vers un paradigme basé sur la pensée et la philosophie indigènes, qui accorde des droits égaux à la Nature et qui honore l’interrelation entre toute forme de vie. Il n’y a pas de séparation entre les droits des peuples indigènes et les droits de la Terre Mère.

    Il est plus que jamais urgent que le monde adopte une Déclaration universelle des droits de la Terre Mère, et que tous les Etats ratifient et appliquent rigoureusement la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail, qui garantit à tous les peuples indigènes une consultation libre, préalable et éclairée sur les sujets qui les concernent.

    #Communs #Terre_Mère #Peuples_indigènes

  • Les Amazoniens
    http://www.le-cartographe.net/publications/367-les-amazoniens

    L’#Amazonie se meurt. On connaît l’antienne, mais elle prend une dimension dramatique depuis une quinzaine d’années. #Déforestation, front agricole, garimpeiros, barrages, routes, trafics en tous genres, réforme du code forestier, modification des droits d’exploration minière… jamais les saignées n’ont été aussi profondes et menaçantes. Certains #peuples_indigènes résistent, d’autres dépérissent peu à peu ou se fondent dans une urbanisation effrénée et homogénéisante. Quant aux caboclos, ces métis à l’identité insaisissable et qui forment la plus grande communauté amazonienne, ils rappellent qu’ils ont, eux aussi, besoin de la nature pour survivre. Ce monde amazonien laisse entrevoir l’image inquiétante d’une grande plaie ouverte, comme un mal contagieux infectant lentement mais sûrement la planète tout entière. Une terre en proie à des bouleversements d’une ampleur inédite mais qui porte encore, et à chaque instant, l’humanité en apprentissage. Pour combien de temps ?

    #peuples_autochtones #anthropocène #livre

  • Sacred land, unholy uranium: Canada’s mining industry in conflict with First Nations - The Ecologist
    http://www.theecologist.org/campaigning/2987418/sacred_land_unholy_uranium_canadas_mining_industry_in_conflict_with_fi

    Saskatchewan is generally known for prairie farmland, but its northern half presents quite a different picture. A vast blanket of forest covers the north and here you will find the Athabasca Basin, which yields the world’s purest uranium ore.

    The dense dark rock called pitchblende can be found with uranium levels reaching 18%, which is unparalleled anywhere else in the world. Both government and industry seek to expand uranium mining activities in the name of progress and profit, yet there are indigenous peoples here who present a different perspective.

    The Denesuline have occupied this region for thousands of years and have a right to question the extraction of this mineral from their traditional lands. They have grave concerns about the impacts and the violation of their territories.

    Saskatchewan’s Athabasca Basin currently supplies about 20% of the global uranium market. It is mined out in ore 10 to 100 times more uranium rich than any other deposits found on Earth. This is of much interest to industry and government as it results in the creation of several thousand jobs and significant impacts on the economy.

    Some years the value of production has exceeded one billion dollars, which nets about 100 million dollars in royalties for the provincial government. With such high stakes, it is easy to see how any aboriginal opposition might be unwelcome, yet there have always been some who, from the perspective of traditional ecological values, question the practice of uranium mining.

    #peuples_indigènes #territoires #extraction #nucléaire

  • An AIDS Epidemic Is Decimating the Indigenous Warao Community in Venezuela · Global Voices
    https://globalvoices.org/2016/01/21/an-aids-epidemic-is-decimating-the-indigenous-warao-community-in-venez

    Doctors also concluded that the communities with the highest rate of HIV infection are Jobure de Guayo, Usido, and San Francisco de Guayo, that men are more prone to infection than women, and that the highest HIV rates are among the 15-24-year-old age group. The mortality rate of HIV infection of the past eight years is high, and the HIV infection rate in the communities studied has been constant for the past three years.

    In 2007, the Venezuelan Red Cross had identified 15 cases of HIV in the San Francisco de Guayo community and its surroundings (Murako, Jobure, Jobure Island, Ajimurina, Merejina, Kuamujo, La Mora, and Guayaboroina). Today, HIV is present in 26 Warao communities. The leaders of the Jeukubaca community disappeared two years ago when the majority of its inhabitants died of AIDS. This was confirmed by a list of statistics of the deceased maintained by the Guayo hospital. Most were men. The women who remained abandoned the town.

    #Venezuela #sida #peuples_indigènes

  • #Soja, #viande et #sucre qui nous arrivent du Brésil : « Tachés du sang de nos enfants » hurlent des tribus amérindiennes - RTL Info
    http://www.rtl.be/info/monde/international/une-agriculture-tachee-du-sang-des-enfants-indigenes-les-indiens-du-bresil-appel

    Les Etats-Unis, l’Asie et l’Europe doivent savoir qu’une partie du soja, de la viande et du sucre de canne qui leur parvient est tachée du sang des enfants indigènes. Continuer à les consommer, c’est entraîner plus de crimes contre nos peuples", a assuré à l’AFP Lindomar Terena, coordinateur de l’Articulation des #peuples_indigènes du #Brésil (#Apib).

    L’appel au #boycott, lancé il y a quelques jours, provient de six peuples indigènes, appuyés par des dizaines de mouvements sociaux, syndicaux et de l’église brésilienne ainsi qu’Amnesty International.

    Les Amérindiens demandent aux acheteurs étrangers de cesser d’acquérir, via des géants brésiliens comme JBS, Marfrig, Bunge ou encore ADM, des produits agricoles du Mato Grosso do Sul.

    ...

    Cette région, à la frontière avec le Paraguay, est le théâtre d’un conflit meurtrier entre les Indiens, notamment Guaranis, et les agriculteurs. Certains pâturages et plantations sont reconnus comme terres indigènes mais la justice tarde à y réintégrer les tribus.

    Condamnés à vivre au bord des routes ou dans des bidonvilles, certains Amérindiens réoccupent des territoires, ce qui fait monter la tension.

    Plus de 40 #assassinats d’indigènes ont eu lieu dans le Mato Grosso do Sul en 2014 d’après les chiffres de l’ONG CIMI, qui dénonce un « génocide ». Le dernier meurtre en date, celui d’un jeune leader guarani, remonte à fin août. Le taux de suicide dans cette population est par ailleurs l’un des plus élevés au monde, d’après l’ONG Survival International : 232 pour 100.000 en 2013.

    #terres #agro-industrie

  • The rise of Africa’s super vegetables : Nature News & Comment
    http://www.nature.com/news/the-rise-of-africa-s-super-vegetables-1.17712

    Now, indigenous vegetables are in vogue. They fill shelves at large supermarkets even in Nairobi, and seed companies are breeding more of the traditional varieties every year. Kenyan farmers increased the area planted with such greens by 25% between 2011 and 2013. As people throughout East Africa have recognized the vegetables’ benefits, demand for the crops has boomed.

    Recipes for African super vegetables

    This is welcome news for agricultural researchers and nutritional experts, who argue that indigenous vegetables have a host of desirable traits: many of them are richer in protein, vitamins, iron and other nutrients than popular non-native crops such as kale, and they are better able to endure droughts and pests. This makes the traditional varieties a potent weapon against dietary deficiencies. “In Africa, malnutrition is such a problem. We want to see indigenous vegetables play a role,” says Mary Abukutsa-Onyango, a horticultural researcher at Jomo Kenyatta University of Agriculture and Technology in Juja, Kenya, who is a major proponent of the crops.

    ...

    For Abukutsa, indigenous vegetables bring back memories of her childhood. Cow’s milk, eggs and some fish made her ill, so doctors advised her to avoid all animal protein. Instead, the women in her family made tasty dishes out of the green vegetables that grew like weeds around her house. Her mother often cooked the teardrop-shaped leaves of African nightshade (Solanum scabrum), as well as dishes of slimy jute mallow (Corchorus olitorius) and the greens of cowpeas, known elsewhere as black-eyed peas (Vigna unguiculata). One grandmother always cooked pumpkin leaves (Cucurbita moschata) with peanut or sesame paste. Abukutsa relished them all and ate the greens with ugali, a polenta-like dish common in East Africa.

    #légumes #végétaux #alimentation #peuples_indigènes #tradition #culture

    déjà signalé mais je le reposte :))

  • Explotan a niños indígenas en campos agrícolas de #Guanajuato

    Diez horas de trabajo diarias, sin días de descanso, laboran menores de edad y adolescentes en el corte de chile en Guanajuato. Ganan unos 20 pesos por costal –que pesan unos 30 kilos– y, en promedio, cortan más de 150 kilos por jornada.


    http://www.jornada.unam.mx/2015/08/03/politica/017n1pol

    #peuples_indigènes #exploitation #enfants #droits_de_l'enfant #travail_infantile #agriculture #poivrons #Mexique

  • Land & Rights Watch: 3 killings every 2 weeks due to land conflicts and struggles | PANAP
    http://www.panap.net/campaigns/land-food-rights/noland-nolife/post/2625

    From January to June 2015, there have been about 56 cases of human rights violations related to land conflicts and struggles in Asia and Latin America, with around 510 victims. The victims are mostly indigenous peoples (461 victims or 90% of the total) while the remaining are land activists/community leaders and farmers and agricultural workers.

    The data are from the Land & Rights Watch (LR Watch), the latest initiative of PAN Asia Pacific (PANAP) to closely monitor and expose human rights abuses against communities opposing land and resource grabbing.

    #terres #peuples_indigènes #droits_humains

  • Faire et défaire les #frontières indigènes : #Terres et #Corumbiara

    Le présent article analyse et compare deux #films brésiliens contemporains dans l’intention d’approfondir la réflexion à propos de différentes manières dont le cinéma s’est emparé des frontières amazonienne situées dans des régions habitées par des #peuples_indigènes. Dans le documentaire intitulé Terres, dont la plasticité est originale et minutieuse, les frontières sont vouées à être oblitérées par des interactions à la fois humaines et de la nature environnante. Sa « poétique de l’imbrication » semble, toutefois, renier les tensions géopolitiques présentes dans l’histoire des lieux représentés dans le film. À son tour, le film Corumbiara subordonne le souci esthétique à l’engagement vis-à-vis des droits des populations indigènes, mobilisant les outils cinématographiques afin d’imposer une frontière aux avancées des propriétaires fonciers vers les terres habitées par des populations autochtones. Il s’agit de prendre parti dans l’affrontement de forces disproportionnées qui transforment inlassablement le territoire en question. Le cinéma, de Terres à Corumbiara, est affirmé aussi bien comme un agent du pluriculturalisme croissant que comme un vecteur destiné à d’assurer le respect de l’Autre et de ses limites territoriales.

    http://seer.ufrgs.br/index.php/PolisePsique/article/view/53666
    #cinéma #Amazonie #peuples_autochtones #Brésil

  • En Australie, la colère des Aborigènes face au « mépris » de leur culture
    http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/03/19/en-australie-la-colere-des-aborigenes-face-au-mepris-de-leur-culture_4596549

    1788, « l’instant fondateur »

    Cette philosophie se retrouvait sur les pancartes des manifestants, jeudi, sous la forme d’une citation de Tom Dystra, représentant de la communauté : « Nous cultivons notre terre, mais d’une manière différente de l’homme blanc. Nous nous efforçons de vivre avec la terre, tandis qu’il s’évertue à vivre d’elle ». Ce rapport à la terre est d’ailleurs inscrit au sein même des lois du « Native Title Act », qui régissent depuis 1993 les droits des #Aborigènes en #Australie.

    « Si on les force à quitter leur village, ils risquent de perdre leur droit même à faire partie de la communauté », met en garde Tammy Solonec. Même le conseiller aux affaires indigènes de Tony #Abbott, Warren Mundine, lui-même Aborigène, avait affirmé en novembre que fermer des communautés revenait à instaurer un « #apartheid au niveau des infrastructures ».

    Une « méconnaissance de l’importance des obligations culturelles » qui dénote, plus globalement, d’un « #mépris affiché de plus en plus ouvertement par le gouvernement », selon Ben Wyatt, porte-parole de l’opposition sur la minorité aborigène.

    #culture #déculturation #peuples_indigènes #xénophobie

  • Des indigènes péruviens gagnent une bataille juridique contre une multinationale pétrolière
    http://multinationales.org/Des-indigenes-peruviens-gagnent-une-bataille-juridique-contre-une-m

    Le peuple Achuar d’Amazonie péruvienne a accepté un règlement à l’amiable des poursuites judiciaires qu’il avait intenté contre la firme pétrolière américaine Occidental Petroleum (Oxy). Les indigènes avaient déposé plainte aux États-Unis en 2007 suite à la grave pollution occasionnée par les activités d’Oxy sur leur territoire depuis les années 1970. Les termes précis de l’accord sont confidentiels, mais les représentants Achuar ont indiqué d’Oxy s’était engagée à contribuer aux fonds de développement (...)

    Actualités

    / #The_Guardian, #Industries_extractives, #Pérou, #Industries_extractives, Occidental Petroleum (Oxy), #Pluspetrol, #impact_sur_l'environnement, #santé_environnement, #communautés_locales, responsabilité juridique des (...)

    #Occidental_Petroleum_Oxy_ #responsabilité_juridique_des_entreprises
    « http://amazonwatch.org/work/achuar »
    « http://www.theguardian.com/environment/2015/mar/05/indigenous-peruvians-amazon-pollution-settlement-us-oil-occidental »
    « http://www.earthrights.org/media/peruvian-indigenous-communities-pleased-settlement-pollution-lawsuit-ag »
    « http://amazonwatch.org/news/2011/0301-dozens-of-new-oil-spills-in-the-northern-peruvian-amazon »

  • Ethiopie : un barrage accule une tribu à la famine
    http://www.survivalfrance.org/actu/10696

    Ethiopie :
    Les Kwegu de la vallée inférieure de l’Omo meurent de faim suite à la destruction de leur forêt et à l’assèchement de leur rivière.

    © Survival International

    Survival International, le mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes, a reçu des rapports alarmants indiquant que la famine frappe l’une des tribus les plus réduites et les plus vulnérables de la vallée inférieure de l’Omo en Ethiopie, suite à la déforestation et à l’assèchement de la rivière dont elle dépend.

    Les Kwegu, qui ne sont qu’un millier, vivent de la chasse, de la pêche et et de l’agriculture le long des berges de l’Omo. Mais le barrage Gibe III, associé à l’irrigation à grande échelle de plantations lucratives sur leur territoire, mettra fin aux crues naturelles et détruira le stock de poissons dont ils dépendent. Des images satellites récentes montrent que le gouvernement éthiopien a commencé à remplir le réservoir du barrage Gibe III.

    #Éthiopie #culture #nations_premières ##peuples_indigènes

  • Forest Guardians: Examples of communities protecting and managing forests
    http://news.mongabay.com/community-forests

    Local and indigenous communities play an important role managing and protecting forests. Research published in 2014 by World Resources Institute and the Rights and Resources Initiative concluded that community-managed forests experienced an average deforestation rate that is 11 times lower than land outside their borders. Legally recognized, community-managed forest amounts to 513 million hectares or an eighth of the world’s forests, and there are many more community-managed forests that have yet to receive legal recognition, but should be provided that recognition by the government.

    To showcase some examples of community-managed forests, Mongabay’s Indonesia team is developing a series of case studies in Indonesia. Each of these will be posted on the map below.

    For more news stories on community conservation projects, see this map.

    #forêt #peuples_indigènes #cartographie

  • Les Nations-Unies condamnent le traitement infligé aux #Bushmen du Botswana - Survival International
    http://www.survivalfrance.org/actu/10596

    Suite à sa visite dans le pays le mois dernier, le Rapporteur spécial des Nations-Unies pour les droits culturels a condamné le traitement infligé aux derniers chasseurs bushmen par le gouvernement botswanais.

    Farida Shaheed a exprimé sa préoccupation face aux restrictions imposées aux Bushmen quant à l’accès à leur territoire ancestral dans la Réserve du #Kalahari central et quant à la politique contradictoire du gouvernement qui expulse les Bushmen au nom de la conservation tout en poursuivant l’exploitation minière et en encourageant le tourisme à l’intérieur de la réserve.

    ‘La crainte du groupe affecté est qu’une fois disparus les aînés de la communauté, plus personne n’aura le droit de vivre dans la réserve. De plus, en insistant sur le fait que les gens sont expulsés de la réserve pour la conservation de la faune, le gouvernement est en contradiction avec sa volonté de poursuivre des activités minières et de favoriser le tourisme’, écrit Farida Shaheed dans son rapport, exigeant du gouvernement botswanais qu’il ‘clarifie la question’.

    Malgré une décision de la Haute Cour en 2006 qui a confirmé le droit des Bushmen à vivre et chasser à l’intérieur de la réserve, la majorité d’entre eux est obligée de demander un permis d’entrée à partir de l’âge de 18 ans.

    #peuples_indigènes

  • UN : Industrial Agriculture Endangering Indigenous Right to Land | News | teleSUR
    http://www.telesurtv.net/english/news/UN-Industrial-Agriculture-Endangering-Indigenous-Right-to-Land-20141128-0

    The soy-exporting model is particularly threatening indigenous peoples’ cultures and survival, said the UN special rapporteur.

    Over 40 percent of indigenous communities of Paraguay have no access to land, while those who do suffer from the invasions by ranchers and soy-producers, said a United Nations official Friday.

    Victoria Tauli Corpuz, the U.N. special rapporteur for the rights of indigenous peoples, spent a one week visit in the South American country.

    “Almost half of the indigenous communities informed me that they lacked land and even when they have property titles, the security of owning land is not guaranteed,” said Tauli Corpuz to journalists in Asuncion, the Paraguayan capital.

    She mentioned the case of the only original people from Paraguay, called Ayoreo Totobiegosode, which includes uncontacted members. Their representatives repeatedly denounced the illegal wood cutting taking place on their ancestral lands.

    #soja #peuples_indigènes #déforestation #agrobusiness #paraguay

  • Un nouveau rapport révèle la face cachée de la conservation - Survival International
    http://www.survivalfrance.org/actu/10550

    Un nouveau rapport lancé par Survival International – le mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes – révèle comment la #conservation a conduit à l’expulsion de millions d’#autochtones de ‘zones protégées’.

    Plusieurs organisations de conservation parmi les plus importantes au monde, telles que le WWF et The Nature Conservancy sont impliquées dans ce scandale. Et United for Wildlife, l’organisation fondée par le prince William et le prince Harry, ignore les appels qui lui ont été lancés visant à garantir les droits des peuples indigènes à vivre sur leurs terres ancestrales et à y pratiquer la chasse de subsistance.

    Le lancement du rapport ‘Parcs ou peuples ?’ coïncide avec la Conférence mondiale des parcs naturels qui a lieu à Sydney, une conférence sur la conservation des aires protégées qui se tient chaque décennie et qui prècède le lancement de United for Wildlife par le Prince William et sa femme Kate aux États-Unis le mois prochain.

    Le rapport de Survival montre que la plupart des #zones_protégées sont, ou ont été, les terres ancestrales de peuples indigènes qui en dépendent et qui les gèrent depuis des millénaires. En dépit de cela, au nom de la ‘conservation’ :

    • Des #peuples_indigènes sont illégalement expulsés de ces terres.
    • Ils sont accusés de ‘braconnage’ parce qu’ils chassent pour se nourrir.
    • Ils sont confrontés aux arrestations, aux coups, à la #torture et à la mort aux mains de brigades anti-braconnage.
    • Si les autochtones ont été expulsés de leurs terres, on y accueille les touristes, et même dans certains cas, des chasseurs de gros gibier.

  • De ’violentes attaques’ forcent des #Indiens à sortir de leur isolement - Survival International
    http://www.survivalfrance.org/actu/10364

    Des Indiens isolés extrêmement vulnérables qui ont récemment émergé de la forêt près de la frontière entre le #Brésil et le #Pérou ont déclaré qu’ils fuyaient les attaques violentes au Pérou.

    La FUNAI, le Département des Affaires indigènes du Brésil, a annoncé que le groupe d’Indiens isolés était retourné dans sa forêt. Il y a trois semaines, 7 Indiens sont entrés en contact de manière pacifique avec une communauté indigène #asháninka installée près du rio Envira dans l’Etat d’Acre, au Brésil.

    Une équipe médicale du gouvernement a été envoyée et a traité sept Indiens atteints de la grippe. La FUNAI a annoncé qu’elle allait réouvrir un poste de surveillance sur le rio Envira, lequel avait été fermé en 2011 après avoir été envahi par des trafiquants de drogue.

    Cette information a été qualifiée d’’extrêmement préoccupante’ par Survival International, le mouvement mondial pour les droits des #peuples_indigènes, car des épidémies de grippe, à laquelle les Indiens isolés n’ont aucune immunité, ont déjà anéanti des tribus entières par le passé.

    Des experts brésiliens estiment que les Indiens, qui appartiennent au groupe linguistique pano, ont traversé la frontière en raison des pressions exercées par les bûcherons illégaux et les #trafiquants de drogue sur leurs terres.