• L’Union européenne épinglée pour sa politique de « #dissuasion_mortelle » en matière d’immigration et d’asile

    Pour l’association #Human_Rights_Watch, qui vient de publier son #rapport annuel, le monde a échoué à faire respecter les droits humains en 2024. Y compris les démocraties.

    Le ton de Tirana Hassan est cinglant quand elle introduit le rapport annuel de l’association Human Rights Watch (HRW), dont elle est la directrice exécutive. « Les gouvernements du monde entier sont appelés à démontrer leur engagement en faveur des droits humains, de la démocratie et de l’action humanitaire. Nombreux sont ceux qui ont échoué à ce test. » Le verdict, sans appel, est annoncé d’emblée pour la centaine de pays analysés dans le compte rendu de 500 pages paru ce jeudi.

    « Les démocraties libérales ne sont pas toujours des défenseurs fiables des #droits_humains » (Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch)

    Les pays européens n’y échappent pas (la Belgique non plus, bien qu’aucun chapitre ne lui soit dédié). En effet, « l’année écoulée a une fois de plus mis en lumière une réalité souvent ignorée, poursuit Tirana Hassan. Les démocraties libérales ne sont pas toujours des défenseurs fiables des droits humains, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger. » Beaucoup d’États membres sont pointés durement dans le rapport : France, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce, Hongrie, Pologne…

    Une grande partie du chapitre sur l’#Union_européenne (#UE) se penche sur sa #politique_migratoire. « Il existe un fossé entre la #rhétorique de l’Union européenne sur les droits humains et les lois et #pratiques souvent inadéquates, et parfois abusives, des États membres », peut-on lire dans le rapport. L’année 2024 a en effet été marquée par l’entrée en vigueur du #Pacte_sur_la_migration_et_l'asile, qui sera pleinement applicable à partir de juin 2026. #HRW cible, entre autres, le mécanisme de #relocalisation – ou #délocalisation – dans un pays tiers des migrants pour soulager un État membre sous pression.

    #Traitement_inhumain des migrants

    Pour l’association, une telle mesure « encourage les États membres à renvoyer les personnes vers des pays de transit situés en dehors de l’UE, où elles risquent d’être victimes d’abus ou d’être refoulées en chaîne ». Le rapport explique que des « atrocités [sont] commises à grande échelle contre les migrants en Libye » (détentions arbitraires, torture, travail forcé), que les enfants réfugiés n’ont pas accès aux écoles publiques en Égypte et que des « expulsions collectives illégales et abusives de centaines de migrants » sont opérées par la Tunisie aux frontières algériennes et libyennes.

    HRW accuse l’UE de s’être « largement abstenue de dénoncer les violations des droits des migrants dans [ces] pays avec lesquels elle a conclu [des] #partenariats » pour contrôler le flux des migrants. Le tout avec la #complicité de #Frontex, l’Agence européenne de surveillance des frontières, qui est également épinglée dans le rapport. Cette dernière s’est félicitée mardi d’avoir enregistré une baisse de 38 % des franchissements irréguliers des frontières en 2024 (soit 239 000 entrées, le niveau le plus bas depuis 2021) « malgré une pression migratoire persistante ». HRW estime que c’est « avec le soutien des avions de Frontex » que l’Italie et Malte (pour ne citer que ces deux pays) ont réussi, en coopérant avec les forces libyennes, à intercepter et renvoyer des bateaux de migrants. En d’autres termes, à mettre en place une stratégie de #refoulement illégal, car contraire au droit international et à la convention de Genève relative au statut des réfugiés.

    « Dissuasion mortelle »

    Benjamin Ward, directeur européen de HRW, estime que « les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés sont confrontés à la #violence […] et même à la #mort en raison de l’accent mis par l’UE sur les politiques de dissuasion et d’#externalisation ». Le rapport dénonce une politique migratoire européenne « de plus en plus axée sur la dissuasion mortelle ». L’association s’inquiète du manque d’enquêtes appropriées et indépendantes sur la #non-assistance aux migrants en détresse, les #mauvais_traitements et les #abus constatés en #Méditerranée. Elle dénonce par exemple le verdict d’un tribunal grec qui, en mai dernier, a acquitté, pour défaut de compétence, neuf personnes accusées d’avoir provoqué en 2023 le naufrage d’un navire transportant 750 migrants, qui a pourtant fait des centaines de morts.

    Le 7 janvier, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné pour la première fois la Grèce à indemniser une demandeuse d’asile d’un refoulement illégal vers la Turquie

    Notons néanmoins que le 7 janvier, la #Cour_européenne_des_droits_de_l'Homme (#CEDH), elle, a condamné pour la première fois la Grèce à indemniser d’une somme de 20 000 euros une demandeuse d’asile d’un refoulement illégal vers la Turquie. La Hongrie a également été condamnée par la CEDH en juin, souligne le rapport. Elle était accusée d’avoir illégalement détenu et affamé des demandeurs d’asile, dont un enfant de cinq ans, en 2017 et 2019, dans la zone de transit mise en place à la frontière serbe. La #Cour_de_justice_de_l'Union européenne, pour sa part, l’a condamnée à payer une amende de 200 millions d’euros pour les restrictions qu’elle continue d’imposer au droit d’asile, devenu pratiquement impossible à obtenir à cause d’une loi de 2020.

    La #justice, solide rempart

    Les tribunaux italiens, eux aussi, remettent en question la gestion migratoire de Rome, qui externalise le contrôle des migrations vers la #Libye. HRW évoque par exemple la condamnation de deux capitaines, l’un par la Cour de cassation italienne (la plus haute juridiction pénale), l’autre par un tribunal civil de Rome, pour avoir chacun renvoyé une centaine de personnes en Libye. L’un d’eux doit, avec les autorités italiennes, octroyer une indemnisation financière aux victimes qui avaient porté l’affaire en justice.

    Les Nations unies se sont assurés que l’Italie va évacuer 1 500 personnes depuis la Libye d’ici à 2026

    Des juges italiens ont également estimé illégale la détention de deux groupes d’hommes secourus en mer par l’Italie et envoyés en Albanie. Depuis, ces hommes ont été transférés en Italie. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) s’est également assurée que l’Italie va évacuer ou réinstaller 1 500 personnes, cette fois-ci depuis la Libye, d’ici à 2026.

    Protection des droits ici et ailleurs

    La justice ne laisse donc pas tout passer. Mais est-elle suffisante toute seule ? « Les dirigeants de l’UE doivent abandonner ces stratégies néfastes […] et créer des itinéraires sûrs et légaux pour les personnes en quête d’asile et de sécurité, insiste Benjamin Ward. À l’heure où une grande partie du monde est en crise, la nécessité d’un leadership fondé sur les droits humains en Europe est plus grande que jamais. »

    « Lorsque les droits sont protégés, l’humanité s’épanouit » (Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch)

    Face à ce constat affligeant, Iskra Kirova, directrice du plaidoyer auprès de la division européenne de HRW, appelle les citoyens européens à se rappeler de leurs valeurs, « à savoir la protection des droits humains et le #droit_international. Il existe de nombreuses informations erronées sur les personnes migrantes, colportées à des fins politiques pour susciter de la #peur. Nous ne devons pas nous laisser induire en erreur. Les personnes qui méritent une protection devraient se voir offrir cette option. C’est la seule chose humaine à faire. Je pense que la plupart des Européens seront d’accord avec cela ».

    Tirana Hassan conclut le message de HRW en affirmant que « la tâche qui nous attend est claire : les gouvernements ont la responsabilité de s’opposer aux efforts qui font reculer [les droits humains]. Lorsque les droits sont protégés, l’humanité s’épanouit ».

    https://www.lalibre.be/international/europe/2025/01/16/lunion-europeenne-epinglee-pour-sa-politique-de-dissuasion-mortelle-en-matie
    #dissuasion #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #frontières #dissuasion_meurtrière

    ping @karine4

    • Union européenne. Événements de 2024

      Il existe un fossé entre le discours de l’Union européenne sur les droits humains et les lois et pratiques souvent inadéquates et parfois abusives de ses États membres. Ce fossé est particulièrement marqué s’agissant de politiques de migration et d’asile, de lutte contre le racisme et de protection de l’État de droit.
      Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

      La politique de l’UE en matière de migration et d’asile se concentre de plus en plus sur une dissuasion meurtrière, comme l’illustrent en 2024 de nouvelles règles qui portent gravement atteinte aux droits des migrants et des demandeurs d’asile arrivant aux frontières de l’UE ainsi que des mesures pour intensifier la délocalisation des responsabilités vers des pays extérieurs à l’UE.

      Le Pacte de l’UE sur la migration et l’asile, adopté en mai, comprend des dispositions qui, une fois mises en œuvre, restreindront considérablement les droits. Les nouvelles règles rendront plus difficile le dépôt d’une demande d’asile et permettront aux gouvernements de prendre plus facilement des décisions hâtives sur les demandes d’asile. Elles augmenteront également le nombre de personnes détenues aux frontières de l’UE. Les pays de l’UE pourront refuser le droit de demander l’asile dans des situations vaguement définies d’« afflux massif » ou d’« instrumentalisation » de la migration par des pays tiers. Ces changements encouragent les États membres de l’UE à renvoyer les personnes vers des pays de transit situés hors de l’UE, où elles risquent d’être victimes d’abus ou de refoulements en chaîne. Le pacte ne contribue guère à améliorer le partage des responsabilités entre les pays de l’UE. En octobre, 17 États membres de l’UE ont signé un document informel appelant à une nouvelle proposition législative visant à accroître les retours.

      En 2024, l’UE a annoncé de nouveaux partenariats migratoires avec l’Égypte et la Mauritanie et a augmenté le financement de la gestion des frontières pour ces deux pays ainsi que pour le Liban, faisant suite à un accord avec la Tunisie en 2023 et à un soutien continu au contrôle des migrations pour les autorités libyennes et marocaines, sans véritables garanties en matière de droits humains. L’UE a poursuivi ces partenariats malgré les atrocités généralisées contre les migrants et les réfugiés en Libye, ainsi que les abus et le manque de protection auxquels sont confrontés les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés au Liban, en Tunisie, en Égypte, en Mauritanie, et au Maroc. L’UE a largement omis de dénoncer les violations des droits des migrants dans les pays avec lesquels elle a conclu de tels partenariats.

      L’Italie et Malte, avec l’appui des avions de Frontex, ont continué de faciliter les interceptions d’embarcations transportant des migrants et des réfugiés par les forces libyennes, et leur renvoi, au risque de graves abus. Avec le soutien de la Commission européenne, la Tunisie a déclaré en juin une zone de Recherche et de Sauvetage, qui risque d’accroître les interceptions et les renvois vers des zones d’abus en Tunisie au lieu d’améliorer la protection de la vie et la sécurité en mer.

      L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a constaté que les violations généralisées des droits aux frontières de l’UE (absence d’assistance aux migrants en détresse, mauvais traitements et abus) ne font pas l’objet d’enquêtes appropriées. L’agence a appelé à une surveillance rigoureuse aux frontières et à des mécanismes de responsabilisation plus solides. La Médiatrice européenne a déclaré que Frontex avait besoin de directives claires pour évaluer les urgences maritimes et émettre des appels de détresse pour les bateaux en difficulté, et elle a appelé à la création d’une commission d’enquête indépendante sur les décès en mer Méditerranée. En octobre, des dirigeants de l’UE ont exprimé leur soutien à la Pologne après qu’elle a annoncé qu’elle suspendrait l’accès à l’asile à la frontière biélorusse, une décision qui pourrait enfreindre le droit international et européen.

      De nombreux pays de l’UE ont exprimé leur intérêt pour des mesures visant à délocaliser la responsabilité des demandeurs d’asile ou ont approuvé ces mesures. En octobre et novembre, l’Italie a transféré les deux premiers groupes vers l’Albanie dans le cadre d’un accord en vertu duquel les hommes originaires de pays considérés comme « sûrs » et secourus ou interceptés en mer par l’Italie sont emmenés en Albanie pour le traitement de leurs demandes d’asile. L’avenir de cet accord est incertain après qu’un tribunal italien a ordonné la libération des deux groupes parce que leurs pays d’origine ne peuvent pas être catégoriquement considérés comme sûrs et a renvoyé la question à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La CJUE avait statué début octobre qu’un pays ne peut pas être considéré comme sûr s’il existe des exceptions.

      En septembre, le commissaire allemand aux migrations a suggéré que l’Allemagne pourrait envoyer certaines personnes au Rwanda, tandis que le ministre danois de l’immigration s’est rendu en Australie et à Nauru, également en septembre, pour en savoir plus sur la politique australienne abusive de traitement des demandes d’asile « offshore ». En mai, 15 États membres de l’UE ont demandé à la Commission européenne d’étudier les moyens de transférer le traitement des demandes d’asile hors de l’UE, notamment en facilitant l’envoi de personnes vers des « pays tiers sûrs ».

      Les statistiques révèlent un changement des routes migratoires, avec une augmentation significative des arrivées aux îles Canaries espagnoles ainsi qu’aux frontières terrestres de l’est de l’UE et une baisse des traversées en Méditerranée et dans les Balkans occidentaux. Au cours des neuf premiers mois de 2024, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a recensé au moins 1 452 personnes qui ont disparu ou sont décédées en mer Méditerranée et plus de 700 sur la route de l’Atlantique vers les Canaries.
      Discrimination et intolérance

      En 2024, les gouvernements européens ont exprimé leur inquiétude face à la montée des partis d’extrême droite — bien que les partis traditionnels ont imité leurs politiques et leur discours— ainsi qu’à l’augmentation des niveaux de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée. L’environnement politique à l’approche des élections européennes de juin a vu une banalisation accrue des propos racistes, islamophobes, anti-migrants et d’extrême droite.

      Cela s’est produit alors que les conséquences de l’attaque menée par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et les hostilités qui ont suivi entre Israël et les forces armées palestiniennes ont conduit à une « montée alarmante » en Europe de la haine contre les Juifs et contre les Musulmans et les personnes perçues comme telles.

      En juillet, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a publié sa troisième enquête sur la discrimination et les crimes haineux contre les Juifs dans l’UE, qui date d’avant le 7 octobre. Elle illustre les expériences et les perceptions des personnes juives concernant les « niveaux élevés d’antisémitisme » en Europe.

      En octobre, la FRA a publié « Être musulman dans l’UE », un rapport basé sur une enquête menée dans 13 pays de l’UE auprès des musulmans sur leur expérience de discrimination, notamment de crimes haineux et de mauvais traitements infligés par la police. Près de la moitié des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de racisme.

      En 2024, le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et sa Commission européenne contre le racisme et l’intolérance ont ajouté leur voix aux préoccupations internationales concernant la montée de la haine antisémite et antimusulmane. En octobre, le Conseil de l’UE a adopté une déclaration sur la promotion de la vie juive et la lutte contre l’antisémitisme, soulignant l’importance de l’éducation et de la protection des victimes de toutes les formes d’antisémitisme, de racisme et d’autres formes de haine.

      Le rapport annuel 2024 de la FRA a constaté que l’intolérance générale « s’accroît dans toute l’Europe, touchant de nombreux groupes, notamment les musulmans, les personnes d’origine africaine, les Roms et les migrants », notant que « la désinformation et les plateformes en ligne ont amplifié les comportements racistes et la polarisation des attitudes. » Une enquête de la FRA a révélé qu’une personne LGBT sur trois a indiqué avoir été victime de discrimination, tandis qu’ILGA-Europe a noté une hausse des discours anti-LGBT à l’approche des élections à travers l’Europe.

      L’UE continue de manquer d’une stratégie spécifique en matière d’égalité des âges pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge.

      En mars, le Conseil de l’Europe, qui regroupe tous les États de l’UE, a adopté une Stratégie pour l’égalité des genres pour 2024-2029, portant notamment sur la violence à l’égard des femmes et des filles, l’égalité d’accès à la justice et leur participation à la vie politique, publique, sociale et économique.

      En mai, l’Union européenne a adopté une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Cette directive prévoit des mesures visant à prévenir, protéger et améliorer l’accès à la justice des victimes de violences faites aux femmes, mais elle n’adopte pas de définition du viol fondée sur le consentement au niveau de l’Union européenne. Elle ne reconnaît pas non plus la stérilisation forcée comme un crime. La stérilisation forcée touche de manière disproportionnée les femmes et les filles handicapées et reste légale dans au moins 12 États membres de l’UE, dont la Bulgarie, le Danemark et le Portugal.

      En mai, le Conseil de l’Union européenne a adopté une nouvelle directive établissant des normes minimales pour améliorer la mise en œuvre par les États membres des lois anti-discrimination nationales et européennes.

      En septembre, la Commission européenne a présenté son rapport sur la mise en œuvre du Plan d’action de l’UE contre le racisme 2020-2025. Selon la Commission, 11 États membres de l’UE ont adopté des plans d’action nationaux spécifiques contre le racisme, mais des défis subsistent même dans ces États en raison du manque de fonds affectés à la mise en œuvre et de l’absence de ventilation des données par origine raciale et ethnique permettant d’éclairer les politiques.

      En juillet, Ursula von der Leyen, présidente reconduite de la Commission européenne, a annoncé qu’une nouvelle stratégie de lutte contre le racisme serait élaborée pour le mandat 2024-2029 de la Commission. En septembre, elle a également annoncé que les travaux sur l’égalité et la non-discrimination seraient intégrés au mandat du Commissaire chargé de la préparation et de la gestion des crises — un recul étant donné que l’égalité bénéficiait auparavant d’un commissaire dédié. En décembre, Ursula von der Leyen a reclassé les coordinateurs sur l’antisémitisme et la haine antimusulmane, en leur donnant un accès direct au bureau du président de la Commission, mais a négligé de faire de même pour le coordinateur de la lutte contre le racisme.
      Pauvreté et inégalité

      Les données de l’UE de juin 2024 ont montré que 94,6 millions de personnes (21,4 % de la population) étaient « menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale » en 2023, dont 29,3 millions ont connu de graves privations matérielles ou sociales. Les femmes restent touchées de manière disproportionnée.

      Les taux de pauvreté et d’exclusion sociale en Roumanie et en Bulgarie, les deux États de l’UE les plus touchés, ont dépassé 30 %, et ces taux sont restés supérieurs à 25 % en Grèce, en Espagne et en Lettonie, les trois autres États les plus touchés.

      En août, alors que les prix de l’énergie ont chuté, atténuant ainsi la crise du coût de la vie, l’inflation moyenne à l’échelle de l’UE est tombée à 2,2 %.

      Les gouvernements européens et les autorités intergouvernementales ont réitéré publiquement leur engagement en faveur d’une meilleure mise en œuvre et réalisation des « droits sociaux », notamment les droits protégés par la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe dans la déclaration de Vilnius en février, et les questions relevant du Socle européen des droits sociaux de l’UE dans la déclaration de La Hulpe en avril.

      Les résultats d’une enquête menée à l’échelle de l’UE et publiée en avril ont montré que 88 % des Européens considèrent que les droits sociaux, tels qu’un niveau de vie, des conditions de travail et des soins de santé adéquats, sont importants.

      En janvier, la Commission européenne a publié son cadre de suivi de la Garantie européenne pour l’enfance. Cet instrument politique européen de 2021, axé sur la lutte contre la pauvreté infantile, exige des États qu’ils garantissent d’ici 2030 un accès gratuit à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance, à un repas sain gratuit chaque jour d’école, aux soins de santé et au logement pour tous les enfants confrontés à l’exclusion sociale ou à d’autres désavantages. Les organisations de défense des droits de l’enfant ont attiré l’attention sur l’ampleur du défi, ont noté une mise en œuvre et un suivi inégaux des plans nationaux par les gouvernements et ont appelé à une meilleure collecte de données.

      Une évaluation commandée par l’UNICEF en 2024 portant sur deux décennies de stratégies européennes d’inclusion des Roms et de droits de l’enfant a appelé les autorités de l’UE et les gouvernements nationaux à adapter la Garantie européenne pour l’enfance afin d’inclure des mesures urgentes et ciblées pour lutter contre la pauvreté des enfants roms.

      Un rapport de 2024 de la Commission européenne et du Comité de la protection sociale, un organe consultatif de l’UE, a attiré l’attention sur l’écart persistant entre les pensions de retraite des hommes et des femmes (26 % d’écart entre les revenus de retraite des hommes et des femmes en 2022), résultant des inégalités de rémunération et d’emploi, et du fait que les femmes sont plus susceptibles d’interrompre leur carrière ou de travailler à temps partiel, notamment pour s’occuper de leurs proches. Les organisations de la société civile ont appelé à des systèmes de crédits de retraite plus uniformes pour remédier aux disparités, attirant particulièrement l’attention sur les niveaux élevés de pauvreté chez les femmes de plus de 75 ans.

      En juillet, la Directive européenne sur le devoir de diligence des entreprises en matière de développement durable est entrée en vigueur, obligeant les grandes entreprises à prévenir les violations des droits humains et à y remédier dans leurs chaînes d’approvisionnement. En décembre, l’UE a publié une loi interdisant la vente dans l’UE de produits fabriqués par le travail forcé.
      État de droit

      Les institutions de l’Union européenne ont continué de se concentrer sur l’État de droit et les institutions démocratiques dans les États membres, notamment par la création d’un nouveau poste de Commissaire à la démocratie, à la justice et à l’État de droit, mais les mesures concrètes visant à répondre aux préoccupations les plus graves n’ont pas été à la hauteur.

      La Hongrie continue d’être soumise à un examen au titre de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne (TEU), l’instrument du traité de l’UE qui permet de traiter les violations graves de l’État de droit par le dialogue et d’éventuelles sanctions. Le Conseil de l’UE a tenu sa septième audition sur la Hongrie, mais malgré des « insuffisances graves persistantes » dans la plupart des domaines soulevés dans l’action du Parlement européen de 2018 qui a déclenché la procédure, les États membres de l’UE n’ont pas émis de recommandations au gouvernement hongrois ni organisé de vote sur la question de savoir si la Hongrie risquait de violer gravement les valeurs de l’UE.

      En mars, le Parlement européen a intenté une action contre la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne, lui demandant de contrôler la légalité de la décision de la Commission de décembre 2023, selon laquelle la Hongrie avait satisfait aux critères liés à l’indépendance de la justice et pouvait accéder à 10,2 milliards d’euros de fonds de cohésion de l’UE. La CJUE n’avait pas encore statué au moment de la rédaction du présent rapport.

      En février, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction et en octobre elle a renvoyé la Hongrie devant la CJUE au sujet de sa loi sur la défense de la souveraineté nationale (voir le chapitre sur la Hongrie) pour violation du droit de l’UE.

      La Commission européenne et plusieurs États membres ont annoncé en juillet un boycott partiel de la présidence hongroise du Conseil en raison du voyage du Premier ministre Viktor Orbán à Moscou pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine, suspect faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international de la CPI.

      En mai, la Commission européenne a décidé de mettre fin à la procédure de l’article 7 contre la Pologne, bien que son gouvernement nouvellement élu n’ait pas mis en œuvre toutes les réformes nécessaires. Cette décision précipitée s’appuyait principalement sur les « engagements » du gouvernement polonais, arrivé au pouvoir en décembre 2023.

      Dans une première résolution sur l’État de droit en Grèce, adoptée en février, le Parlement européen a fait part de ses inquiétudes concernant la liberté de la presse, les poursuites judiciaires abusives et la surveillance des journalistes, le traitement à l’encontre des migrants et les attaques contre les défenseurs des droits humains. La résolution demandait à la Commission d’évaluer le respect par la Grèce de ses obligations en matière de droits fondamentaux pour accéder aux fonds de l’UE.

      Le rapport annuel 2024 de l’UE sur l’État de droit a souligné le rôle essentiel des organisations de la société civile, mais n’a pas identifié l’intimidation et l’ingérence dans leur travail en France, en Grèce, en Italie, en Hongrie, en Allemagne et ailleurs comme une menace majeure. Dans un contexte de preuves croissantes de restrictions de l’espace civique, les autorités de certains pays européens semblent également restreindre de manière disproportionnée la liberté d’expression et de réunion des manifestants propalestiniens et des manifestants pour le climat.

      Les risques de stigmatisation des organisations de la société civile financées par des fonds étrangers se sont accrus avec l’adoption de nouvelles lois de type « influence étrangère » dans certains États membres de l’UE et alors que l’UE continuait de débattre d’une proposition de directive sur la transparence de la représentation d’intérêts pour le compte de pays tiers. Un avis rendu en septembre par des experts de l’ONU a déclaré que la directive de l’UE pourrait avoir un effet dissuasif sur la société civile et restreindre indûment les libertés d’expression, de réunion et d’association protégées par le droit international des droits humains.

      La loi européenne sur l’IA a été approuvée en mai 2024 et marque une avancée majeure dans la réglementation de l’IA et des technologies associées. Elle prévoit notamment l’interdiction de la notation sociale, des limitations sur les technologies de surveillance biométrique à distance et l’obligation d’évaluer les risques pour les droits humains en cas d’utilisations « à haut risque ». Cependant, elle comporte également d’importantes lacunes en matière de sécurité nationale, de maintien de l’ordre et de contrôle des frontières, et accorde la priorité aux risques de responsabilité des entreprises par rapport aux risques pour les droits humains. De nombreux membres du Parlement européen ont déclaré avoir été la cible de logiciels espions en 2024. L’UE n’a pas encore pris de mesures pour maitriser le développement, la vente et l’utilisation de cette technologie.

      https://www.hrw.org/fr/world-report/2025/country-chapters/european-union

  • L’enseignement supérieur au temps de l’IA...

    J’ai vécu mes premières soutenances « #IA_générative » cette année, c’était une expérience très perturbante. J’en parlerai plus en détail à l’occasion (parce que là : dodo), mais c’était totalement dingue.

    Or donc : dans une UE de master 2, nous demandons aux étudiant.e.s de lire un article scientifique (à choisir dans une liste constituée par nous, les enseignant.e.s).

    Iels doivent le comprendre, et ensuite nous restituer cela sous forme d’une présentation de 10 minutes où iels nous expliquent la problématique abordée, son contexte, l’état de l’art, la méthode proposée, la nature de l’évaluation des résultats, etc.

    Ils ont plusieurs semaines pour faire ça (genre au moins deux mois...)

    Evidemment, il y a toujours de supers étudiant.e.s qui ont tout pigé, sont super clair.e.s, répondent à nos question, et on est content.e.s... et des glandu.e.s qui n’ont pas fichu grand chose, qui ont une compréhension vague et superficielle de l’article, et finissent avec une pas très bonne note, bref, la vie d’enseignant.e.

    J’étais dans l’un des jurys qui a fait passer ces soutenances hier, et on a eu pour la première fois des présentations « systèmes d’IA génératifs » :

    Premier cas : la présentation n’est constitué que de gros blocs de texte (genre 10 lignes par diapo), que l’étudiant.e annone sans même regarder le jury.

    Pendant 10 minutes.

    Aucune illustration issue de l’article (ni de l’architecture du système proposé, du dispositif robotique expérimental utilisé pour les tests, ni des graphes et figures de résultats : rien), juste du texte.

    Et pas n’importe quel texte : juste un résumé très vague, disant à peine plus que le résumé des auteurs en début d’article.

    Le collègue et moi on a passé un très mauvais moment, c’était atroce d’assister à ça.

    Mon hypothèse : la personne n’a pas lu l’article, à demandé à ChatGPT de le résumer en deux pages et a ensuite copié-collé le résultat sur 10 diapos.

    Seule certitude après les questions : cette personne n’avait rien compris du papier.

    Deuxième exemple, et pire truc que j’aie jamais vu dans un tel examen : la présentation IA générative totale !

    Les diapos ont été générées par Gamma, aucun doute là dessus : c’était écrit dans un coin des slides.

    Je vous laisse visiter le site web qui correspond : https://gamma.app/fr

    En gros, vous fournissez du contenu, un système d’IA à la con vous génère des diapos.

    Le rêve humide de tout le middle-management linkedinien.

    Sauf que le contenu fourni devait aussi sortir de plusieurs systèmes d’IA générative :
    Un texte confus, vague, avec les bon mots-clefs mais un peu dans le désordre. Aucune équation, aucun algorithme, juste des fancy bullet points.
    Et des images, des putains d’images, sur chaque putain de diapos. De ces images atroces générées par des systèmes d’IA, avec ce style dégueulasse qu’on reconnait à 100 m.

    Un article scientifique en Intelligence Artificielle, pour celleux d’entre-vous qui n’en sont pas familier, ça regorge de contenu graphique : description du système avec des boîtes et des flèches, algorithme en pseudo-code, courbes de résultats...

    Bref, dans l’exercice dont je vous parle ce soir, il va de soi que ce contenu va être copié et intégré à la présentation, pour appuyer les explications.

    Là non : plein d’images, aucune issue de l’article.

    Et puis des diagrammes à la con, du genre un de ces trucs qui de loin ressemble à 4 axes avec éléments positionnés de manière qualitative, du genre le mème classique ci-dessous.

    Sauf que là les noms des axes ont un vague rapport avec l’article, et les items disposés sont des mots-clefs de l’article, mais qui n’ont aucun rapport avec les axes. Du pur charabia graphique qui sent son IA générative à plein nez.

    Et puis la personne qui parle, en mode linkedin x ChatGPT : les mots sont là, mais pas vraiment dans l’ordre. C’est vraiment comme quand tu demandes à ChatGPT de parler d’un sujet technique que tu connais bien : ça semble, superficiellement, parler du truc, mais rien n’est vraiment vrai, rien n’est clair, des truc à moitiés faux... à croire qu’on nous a envoyé non pas un humain, mais un androïde connecté à internet.

    J’oublie de préciser : sur l’unique diapo qui présente les résultats de l’article, il y a des bullet points (pas clairs, et mentionnant des chiffres dont je ne suis même pas sûr qu’ils soient dans l’article) et...

    ...

    une image générée par une IA représentant un graphe scientifique générique. Je vous le reproduis ci-dessous tellement j’ai halluciné.

    Il y a 10 figures de vrais résultats scientifique dans l’article, mais l’étudiant.e nous colle une fausse figure scientifique.

    Pour... Pour montrer à des scientifiques (nous, dans le jury) à quoi ressemble un graphe scientifique en général ?

    A quoi ça rime ?

    (à rien)

    Démonstration finale qu’on avait bien affaire à un LLM incarné et pas à un humain : doutant sérieusement de la compréhension du papier, et après quelques questions sans réponse, ou avec réponse fausse, je demande : « c’est quoi la fonction schmürz* ? »

    Le schmürz en question, c’est un truc hyper classique, utilisé dans l’article et que l’étudiant.e a mentionné plusieurs fois pendant la présentation confuse qui avait précédé les questions.

    * : cette fonction a demandé à garder l’anonymat

    Là, au lieu de dire juste « je sais pas », l’étudiant.e prend une craie se tourne vers le tableau et écrit « schmürz = » et s’arrête là.

    Comme si écrire ces deux mots allait nécessairement permettre de prédire le prochain item le plus probable et donc de finir l’explication...

    Ces deux spécimens se sont retrouvés dans une série de 4 soutenance vraiment pas terribles, à la pause qui a suivie, mon collègue et moi nous sommes demandés ce qui se passait, si s’en était fini de l’enseignement supérieur, si par hasard c’était pas une caméra cachée... on n’avait jamais vécu un truc pareil.

    https://mastodon.zaclys.com/@LegalizeBrain/113800866669708129

    #IA #AI #intelligence_artificielle #enseignement #université #fac #ESR #mémoires #chatGPT
    #horreur #peur

  • Dans l’Indre, un maire enterre « la mort dans l’âme » un projet de centre d’accueil de demandeurs d’asile

    Après deux ans de vives tensions alimentées par l’extrême droite politique et groupusculaire, le projet d’ouvrir un #Cada à #Bélâbre, dans l’Indre, a été abandonné. Menacé de mort, le maire de la commune, #Laurent_Laroche, revient sur cette décision, qu’il regrette.

    Le 18 décembre, Laurent Laroche, maire de la petite commune de Bélâbre (#Indre) a annoncé, aux côtés du préfet, l’#abandon du #projet de création d’un #centre_d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Depuis deux ans, la transformation d’une ancienne usine de chemises abandonnée en structure d’accueil a provoqué de vives tensions, dans le sillage de l’extrême droite partisane et groupusculaire.

    Le médiatique avocat #Pierre_Gentillet, candidat du Rassemblement national (RN) aux élections législatives de 2024 dans une circonscription voisine, a utilisé ses réseaux pour attirer la lumière sur ce projet, tandis que des militants d’extrême droite promettaient de faire de Bélâbre « un nouveau #Callac ». En 2023, un projet d’accueil de familles réfugiées a été abandonné dans cette commune bretonne, après une campagne de protestation et de harcèlement des élu·es par l’extrême droite.

    Après deux ans à porter l’initiative avec son conseil municipal, le maire divers gauche de Bélâbre, Laurent Laroche, revient sur l’épilogue de ce projet. Amer, il regrette que la mobilisation de l’extrême droite et les difficultés financières de l’association en charge du futur Cada aient mis un terme à ce projet d’accueil, qui aurait permis de redynamiser la petite commune.

    Mediapart : Pourquoi le projet de Cada a-t-il finalement été abandonné fin décembre ?

    Laurent Laroche : L’association #Viltaïs, qui était en charge du projet, rencontrait d’importantes difficultés financières, malgré sa reprise par le groupe SOS. Les travaux de rénovation de l’ancienne chemiserie étaient trop coûteux. À l’été, nous avions fait une proposition alternative à Viltaïs : transformer un ancien hôtel de Bélâbre en Cada, un projet moins coûteux, à plus petite échelle.

    J’en avais parlé au préfet de l’Indre, qui l’a très mal pris. J’ai été vraiment blessé par ses propos, il disait qu’il n’était pas favorable à ce projet, que ça allait raviver les tensions et réveiller les opposants alors qu’il avait ramené la paix à Bélâbre. On a fini par se voir le 18 décembre, et on a enterré le projet en actant l’incapacité de Viltaïs à le mener à bien. La mort dans l’âme.

    Les opposants au projet revendiquent un succès, à l’image de Pierre Gentillet, qui savoure la victoire d’« une communauté enracinée » qui fait « plier la volonté de gouvernants déconnectés ». Comment réagissez-vous ?

    On était inquiets depuis longtemps, quand on est élu on sait que ce qui compte, c’est quand on pose la dernière pierre d’un projet. Toute cette histoire nous avait un peu préparés à cette issue. Mais l’amertume que j’ai aujourd’hui, c’est de voir les opposants qui disent qu’ils ont gagné. Ils n’ont pas gagné, on cède face à la situation économique que rencontre l’association Viltaïs. Même si dans mon for intérieur, je me dis que l’État a quand même un peu cédé à la pression de l’extrême droite. Ce qui me rend amer, c’est que je n’aurais pas l’occasion de prouver aux Bélabrais que l’installation des demandeurs d’asile aurait pu très bien se passer.

    Aujourd’hui, le préfet, lui, est enchanté, il peut maintenant se glorifier en disant qu’il a ramené le calme à Bélâbre. Mais dans l’Indre, il nous a annoncé qu’on risquait 200 fermetures de classes d’ici 2030. Ce projet de Cada, il servait aussi à ça, à redynamiser le territoire. On ne s’est pas levés un matin avec le conseil municipal en se disant « tiens, si on ouvrait un centre pour accueillir des demandeurs d’asile », on y a réfléchi.

    Quel bilan tirez-vous de ces deux années de tension autour de ce projet de centre d’accueil ?

    Personnellement, je pense que l’erreur qu’on a commise, c’est que ce projet a été bien préparé mais qu’on aurait pu mieux communiquer dessus. On a sous-estimé qu’au lendemain d’une élection présidentielle où le RN fait des très gros scores sur la commune, forcément, il y a un habitant sur trois qui vote RN. Et la campagne présidentielle s’est beaucoup faite sur l’immigration, sur le rejet de l’autre. Moi, je me disais que ce vote s’expliquait beaucoup par la désertification médicale, le retrait des services publics, et j’ai sous-estimé cet aspect.

    Il y a eu un noyau d’opposants, pas très nombreux mais très bons en #communication, qui a réussi à entraîner des gens, de l’#attention_médiatique et qui a profondément divisé la commune. On s’est retrouvés avec les caméras de #Valeurs_actuelles, des militants du #RN et de #Reconquête, c’était beaucoup.

    Comment avez-vous vécu personnellement cette période ?

    Je suis peut-être naïf, mais j’ai été très surpris par l’ampleur que cette histoire a prise. Tout ça pour ça… L’extrême droite nous a inscrits, dès le début, comme une commune avec des élus « à abattre », le but était de faire « un nouveau Callac », c’était très inquiétant. On a reçu des centaines de #menaces, de courriers, de mails, d’appels téléphoniques injurieux ou menaçants, évidemment je ne peux pas dire que je l’ai bien vécu. On n’avait jamais vu ça, on s’est retrouvés sur notre petite commune avec des manifestations encadrées par 80 gendarmes.

    Le moindre fait divers impliquant un demandeur d’asile ou un étranger était instrumentalisé, des militants de l’#Action_française de Poitiers sont même venus s’introduire dans la chemiserie, faire des tags et poser avec une banderole « Stop immigration ».

    J’ai reçu des #menaces_de_mort et j’ai été placé sous #protection_policière. Une personne avait appelé à mon domicile pour me menacer, elle a été condamnée, tout comme une autre qui avait menacé de venir brûler ma maison. J’ai également eu un suivi psychologique, que j’ai toujours un peu, grâce à l’Association des maires de France.

    Mon erreur, c’est qu’au plus fort de la crise, quand on avait des #manifestations tous les mois et qu’on m’insultait en permanence, j’ai refusé de porter #plainte. J’étais encore dans une sorte de #déni, et je ne voulais pas porter plainte contre des habitants de la commune. C’était un tort, les gendarmes m’ont conseillé de le faire mais j’ai refusé. Ça aurait peut-être permis de dissuader les gens, de calmer un peu le jeu. L’imbécile qui a appelé chez moi au mois d’octobre ne l’aurait peut-être pas fait si j’avais déposé plainte plus tôt.

    Ces événements vous ont-ils fait vous poser la question de la démission ?

    La question de la démission m’a effleuré l’esprit évidemment, j’étais parfois au trente-sixième dessous. C’est grâce à l’équipe du conseil municipal que j’ai pu tenir aussi, j’ai des amitiés qui sont nées de ce combat, ça a été important. Et démissionner aurait fait trop de plaisir aux opposants au Cada.

    Pour la suite, les élections municipales de 2026, ma décision n’est pas encore prise. La cheffe de file des anti-Cada a déjà annoncé sa candidature, soutenue par le RN. Mais même si je ne fais pas de troisième mandat, j’essaierai de m’investir pour qu’une liste émerge de l’équipe municipale actuelle.

    Si je n’ai pas encore pris ma décision, c’est aussi qu’il reste encore beaucoup de projets à mener. L’objectif de l’extrême droite, ils le disaient, c’était de nous « pourrir la vie ». Des gens me l’ont dit en face. Leur but c’était de me faire #peur, de me pousser à la démission ou à ne pas me représenter, et de paralyser la vie de la commune.

    Certes, on n’a pas mené le projet de Cada jusqu’au bout et ça nous rend tristes. Mais on a ouvert une maison médicale avec trois médecins en plein désert médical, on a un projet de médiathèque... La vie communale ne s’est pas arrêtée pour autant. On a réussi ça, on a continué à mener des projets.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020125/dans-l-indre-un-maire-enterre-la-mort-dans-l-ame-un-projet-de-centre-d-acc
    #accueil #réfugiés #migrations #France #extrême_droite

    via @karine4

  • « Les Syriens ont des craintes, mais sont heureux pour la première fois depuis des décennies »

    De la Syrie nous n’avons trop souvent que des images éparses. Celles d’un régime sanguinaire en place pendant cinq décennies, qui fut longtemps un partenaire privilégié de la France ; les images des révolutions populaires de 2011 réprimées dans le sang par l’ancien pouvoir ; la destruction des plus grandes villes du pays sous les bombes de #Bachar_al-Assad et des Russes ; les images des djihadistes de l’État islamique, ceux qui ont fomenté des attentats en France depuis la ville de Raqqa, dont le groupe terroriste avait fait sa capitale.

    Depuis une semaine, nous voyons désormais d’autres clichés, ceux d’un peuple en joie d’avoir renversé le tyran. Mais aussi les portraits des nouveaux maîtres de la Syrie, biberonnés au djihadisme, et dont nous ne savons pas quoi penser.

    Et puis il y a des images manquantes, celles de ces dizaines ou centaines de milliers de fantômes, des opposant·es, des artistes, des intellectuel·les ou des manifestant·es, embastillé·es et disparu·es : des noms sur des registres, dont les familles recherchent aujourd’hui les traces dans les sous-sols des prisons du régime.

    Qui sont les nouveaux maîtres de la Syrie ? Quel peut être l’avenir du pays dans un Moyen-Orient en plein bouleversement ? Les Syriennes et les Syriens dont les proches ont été tué·es ou torturé·es par le régime connaîtront-ils un jour la vérité ? Obtiendront-ils justice ?

    Nos invité·es :

    - Sana Yazigi, créatrice du site Mémoire créative de la révolution syrienne (https://creativememory.org), autrice de Chroniques de la révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015 (Presses de l’Ifpo) : https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0 ;
    - Hanane et Obeida Dabbagh, proches de disparus syriens, qui ont obtenu la condamnation à perpétuité de trois officiels de l’ex régime syrien pour complicité de crimes contre l’humanité, en mai 2024 ;
    - Ziad Majed, politiste, enseignant à l’université américaine de Paris, auteur de Syrie, la révolution orpheline et coauteur de Dans la tête de Bachar al-Assad (éditions Actes Sud) : https://www.actes-sud.fr/dans-la-tete-de-bachar-al-assad ;
    – Gilles Dorronsoro, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique, coauteur de Syrie. Anatomie d’une guerre civile (éditions du CNRS) : https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    https://www.youtube.com/watch?v=NWXnsQRUtyo


    #Syrie #peur #statues #prisons #système_carcéral #Assad #surveillance #torture #dictature #terreur #clientélisme #clan #solidarité_de_corps #Russie #Iran #atrocités #répression #disparus #renaissance #armes_chimiques #justice #purge #colère #poursuites_judiciaires #HTS #Tahrir_al-Sham #al-Julani #Abu_Mohammad_al-Julani #sanctions #Kurdes #Turquie #souveraineté #Israël #Etat_islamique #Golan #USA #Etats-Unis #influences_étrangères #auto-détermination #complexité #kurdes_syriens #fédéralisme #baasisme #constitution #élections #bases_américaines #milices_turques #libération #procès #crimes_contre_l'humanité #affaire_Dabbagh #prisons_syriennes #destruction_des_corps #arrestations #résistance #révolution_syrienne #impunité #amnistie #détention #charniers #massacres #prisons_secrètes #tortionnaires

    • Creative memory

      Mémoire Créative est un projet à but non lucratif qui vise à documenter, archiver et protéger les œuvres et les événements de l’#oubli, de la #négligence et du #déni. Il s’agit là d’un engagement effectué dans la volonté de témoigner de l’effervescence culturelle et artistique née de la révolution syrienne. Celui-ci s’effectue dans un contexte instable de guerre, de destruction et de remodelage du tissu social. Le projet vise à témoigner, en ces temps troubles, de la construction d’une mémoire de sa révolution ainsi que de la création d’un patrimoine et d’une nouvelle identité culturelle, sociale et politique.

      Toutes les œuvres sont documentées sur le site telles qu’elles sont mentionnées dans leurs sources originales, avec les auteurs respectifs et tous les détails adhérents, y compris les éventuelles erreurs linguistiques. Des liens présents sur notre site, actifs au moment de l’archivage des sources y correspondant, peuvent avoir été désactivés, et ce pour des raisons indépendantes de notre volonté. Nous ne sommes donc pas responsables des suppressions des sources, des modifications et des erreurs qui se produisent après l’archivage.

      https://creativememory.org/fr/archive
      #archive #mémoire #culture #art #caricatures #dessins_de_presse #art_et_politique

    • Chroniques de la #révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015

      Ce livre est une invitation à explorer un pays qui, pris dans une spirale de #violence inouïe, est fragmenté au point d’être devenu étranger à lui-même. Il présente, sous forme documentaire, cinquante villes, villages, communes, banlieues et quartiers syriens qui se sont révoltés en 2011. Ces Chroniques reviennent sur le début du mouvement de révolte, ses vecteurs de mobilisation et ses dynamiques internes. Elles témoignent que le soulèvement initié en mars 2011 a généré une importante créativité et un monde d’initiatives et de projets sociétaux.

      https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0
      #livre #révolution

    • Syrie. Anatomie d’une #guerre_civile

      Voici la première étude sur la guerre civile syrienne faite à partir d’entretiens réalisés en Syrie même et dans les pays voisins.

      #2011 : des centaines de milliers de Syriens de toutes confessions et origines ethniques manifestent pacifiquement pour réclamer la démocratisation du régime. Au bout de quelques mois, la violence de la répression les contraint à prendre les armes et à organiser une contre-société avec des institutions embryonnaires et à regrouper des unités militaires improvisées au sein de l’Armée syrienne libre.

      Après 2013, cette logique inclusive et unanimiste cède progressivement devant la montée des groupes transnationaux comme le PKK et l’État islamique. L’insurrection se fragmente alors avec une polarisation croissante alimentée de l’extérieur. Les groupes les plus modérés sont marginalisés au profit de l’islam politique qui prend des formes de plus en plus radicales et de revendications ethno-nationales kurdes.

      Quels sont les effets de la guerre sur la société syrienne ? Quelles nouvelles hiérarchies communautaires et sociales résultent de la violence généralisée ? Comment les trajectoires sociales des Syriens pris dans la guerre sont-elles affectées ? Comment se structure l’économie de guerre alors que le pays est divisé entre le régime, l’insurrection, le PKK et l’État islamique ?

      Un livre unique qui combine une recherche de terrain – rare sur le confit syrien – et une réflexion théorique novatrice sur les situations de guerre civile.

      https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    • Affaire Dabbagh

      L’affaire Dabbagh est une affaire criminelle concernant la disparition forcée et la mort sous la torture de #Mazzen_Dabbagh, conseiller principal d’éducation au Lycée français de Damas, et de son fils, #Patrick_Dabbagh, étudiant. Tous deux sont des citoyens franco-syriens, arrêtés à leur domicile à Damas en 2013 par les services de renseignement, victimes de disparition forcée pendant 5 années puis déclarés mort en 2018 par les autorités syriennes.

      En 2024, trois dignitaires syriens sont reconnus coupables de complicité de crime contre l’humanité par la justice française pour l’arrestation arbitraire, la torture et la privation de la vie de Mazzen et Patrick Dabbagh.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Dabbagh

  • Un climat managérial brutal dénoncé par des salariés des Papillons Blancs mobilisés à Douai Myriam Schelcher - france3-regions

    Mobilisation ce jeudi après-midi devant le siège des Papillons Blancs à Sin-Le-Noble, près de Douai. Des salariés de l’association au service des enfants et adultes déficients intellectuels se sont réunis pour défendre l’un des leurs, convoqué avant une sanction injustifiée selon eux. Ils dénoncent un climat de menaces et de pressions depuis l’arrivée il y a deux ans d’un nouveau directeur.

    Une convocation disciplinaire qui met le feu aux poudres. Christophe, agent technique depuis une dizaine d’années, et élu au CSE des Papillons Blancs de Douai, était convoqué ce jeudi après-midi pour un entretien préalable avant sanction « pour avoir eu le courage de dénoncer en réunion les abus de pouvoir et le mépris envers les représentants du personnel » , selon les termes du communiqué de presse envoyé par les élus du personnel.

    À 15h, ils étaient donc une quarantaine à se mobiliser en soutien à leur collègue devant le siège des Papillons blancs à Sin-Le-Noble.

    Plus généralement, ils dénoncent un management brutal mis en place depuis l’arrivée en octobre 2022 d’un nouveau directeur à la tête de la structure. Lequel est aussi président du CSE, l’instance représentative du personnel.

    _ « Il se défoule sur nous en réunion. Christophe l’a interpellé de façon virulente, c’est vrai, mais après qu’il m’a hurlé dessus dernièrement » , raconte Céline Micelli, secrétaire CFDT du CSE. « Christophe a pas mal pris la parole ces derniers temps pour dénoncer certaines incohérences du projet de restructuration du service des agents techniques. Il parle trop fort. Aujourd’hui, il est convoqué. » , s’indigne la représentante du personnel. Qui dénonce avec ses collègues les intimidations, les pressions, les menaces, les atteintes aux droits des salariés, bref _ « une gestion par la peur » ¨subie depuis deux ans.

    Avec pour preuve le bilan social des Papillons Blancs du Douaisis. Sur un total de 900 salariés, l’association est passée de 35 départs en 2021, à 72 en 2022, puis 67 en 2023. Soit un doublement des sorties pour démission, licenciement ou rupture conventionnelle. *
    . . . . .
    #agression #violence #management par la #peur

    Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/douai/un-climat-managerial-brutal-denonce-par-des-salaries-de

  • Au #procès des folles

    « Les violences sont déplacées dans le champs du #fantasme »

    Victimes de violences physiques et psychologiques de la part de leurs ex conjoints, Anouk et Marie doivent être expertisées par des psychologues et psychiatres suite aux #démarches_juridiques qu’elles entament, au pénal et au civil. Elles racontent leurs expériences traumatisantes face à des expertes qui minimisent les faits, remettent en doute leurs paroles, symétrisent les comportements ou encore les accusent d’être hystériques et masochistes. Ces psys considèrent qu’Anouk et Marie « y sont sans doute pour quelque chose », compte tenu de leurs profils psychologiques.

    De très nombreuses femmes vivent les mêmes expériences, source de nouveaux traumatismes, devant la justice, mais aussi dans les cabinets libéraux. Cet épisode décrypte le processus de #psychologisation de la violence (des victimes, mais aussi des agresseurs) qui permet de mieux l’occulter. Avec les analyses de psychologues et d’avocates qui tentent de faire changer ces pratiques.

    https://www.arteradio.com/son/61684896/au_proces_des_folles
    #justice #violence #procès_pénal #procès #traumatisme #masochisme #hystérie #occultation #invisibilisation #psychologie #anxiété #VSS #violences_sexuelles #expertise #peur #honte #répétition #larmes #humiliation #culturalisation #religion #histoire_familiale #hystérie #suspicion #intimité #expertise_psychologique #enquête_de_crédibilité #crédibilité #toute_puissance #traumatisme #post-traumatisme #consentement #colère #tristesse #témoignage #anxiété_généralisée #traumatisme_de_trahison #troubles_du_stress_post-traumatique (#TSPT) #subjectivité #psychanalyse #névrose #masochisme #analyses_paradoxales #présomption_de_masochisme #présomption #concepts #mise_en_scène #jeu #mensonge #manipulation #exagération #répétition #co-responsabilité #dépsychologisation #féminisme #violences_politiques #vulnérabilité #expertises_abusives #maltraitance_théorique #théorie #rite_de_domination #violences_conjugales #analyse_sociale #psychologisation_de_la_violence #patriarcat #domination #violence_systémique #féminicide #sorcière #pouvoir #relation_de_pouvoir #victimisation #violences_conjugales #crime_passionnel #circonstances_atténuantes #injustice #haine #haine_contre_les_femmes #amour #viol #immaturité #homme-système #empathie #désempathie #masculinité #masculinité_violente #violence_psychologique #humiliations #dérapage #déraillement #emprise_réciproque #reproduction_de_la_violence #émotions #récidive #intention #contexte #figure_paternelle #figure_maternelle #imaginaire #violence_maternelle #materophobie #mère_incenstueuse #parentalité_maternelle #parentalité_paternelle #dénigrement

    #audio #podcast

    ping @_kg_

    • Merci
      Cette émission a fait un écho tremblant aux accusations et dénigrements de psychologues dont j’avais requis les compétences pour m’aider (croyais-je) alors que j’étais en soin pour un cancer du sein métastasé. La première, je n’ai pas ouvert la bouche que déjà elle me dit que je me suis assise de façon présomptueuse et un autre moment elle rit en me disant qu’elle voudrait bien voir mon enfant pour savoir comment il s’en sort d’avoir une mère comme moi. Une autre, à qui j’ai demandé d’agir en relais le temps des soins pour mon enfant qui débute ses études, et qui présente des phases dépressives suite à des maltraitances de son père, lui conseille d’aller vivre chez lui devenu SDF à 600km de là et me donne un rdv où j’apprends qu’il sera présent, refusant de m’entendre alors que c’est moi qui l’ai toujours payé. Tellement choquée que je pars en voir une autre pour lui demander si il est normal d’agir ainsi. Cette fois, en sortant, j’étais responsable du cancer qui m’avait fait perdre mon sein dû à des problèmes psys de maternité non résolu, j’allais détruire mon entourage, mon enfant également et j’avais juste envie de me suicider.
      J’ai quand même repris trois mois plus tard un suivi par une psychologue de la clinique qui m’a cette fois réellement écoutée et aidée. Jamais eu le courage cependant de retourner voir les 3 autres pour dénoncer leur incompétence et leurs humiliations.

      #psychologues #violences_psychologiques #maternophobie #courage_des_femmes

  • Face au pire, nos aveuglements contemporains

    « La #polarisation a empêché l’#information d’arriver. » Iryna Dmytrychyn est parvenue à cette conclusion après avoir disséqué ce que la presse écrivait sur l’Holodomor, la grande famine de 1932-1933 en Ukraine, au moment où elle avait lieu.

    Malgré tous les efforts du pouvoir soviétique, quelques reporters avaient réussi à rendre compte de la catastrophe en cours, le plus célèbre étant le Gallois Gareth Jones et la plus effacée peut-être Rhea Clyman, une journaliste canadienne. En France, Suzanne Bertillon avait publié le témoignage circonstancié d’un couple de paysans américains d’origine ukrainienne dans le journal d’extrême droite Le Matin.

    Dans le paysage médiatique des années 1930, terriblement clivé selon l’orientation politique, la #presse d’extrême droite couvre la famine, tandis que les titres liés au Parti communiste, à commencer par L’Humanité, la taisent voire la nient. Dans les deux cas, la lecture politique des événements s’impose.

    Les #faits comptent moins que les #opinions : selon que l’on soit communiste ou anticommuniste, on croit ou non à l’existence de la famine, comme si les personnes affamées relevaient d’un point de vue. « Au-delà des faits, c’était une question de #foi », résume Iryna Dmytrychyn dans son livre. Peu importe le réel, ce qui fait « foi », c’est l’idée que l’on veut s’en faire.

    Si la presse fasciste a eu raison, c’était parce que les circonstances l’arrangeaient. Et encore, tous les journaux de l’extrême droite n’ont pas couvert cette gigantesque famine avec la même intensité : l’Ukraine, périphérie d’un empire colonial, avait moins d’importance aux yeux de Rivarol ou de L’Action française que ce régime communiste honni pour ne pas rembourser les emprunts russes, remarque Iryna Dmytrychyn.

    #Dissonance_cognitive

    « La presse du centre n’en parle pas car elle manque d’informations ou considère n’en avoir pas suffisamment », ajoute la chercheuse. L’approche sensationnaliste, quant à elle, exacerbe les récits déjà terribles. Des millions de morts sur des terres fertiles, en paix, des cas de cannibalisme… « Une disette peut se concevoir, mais manger ses enfants ? L’entendement se dérobe, conclut Dmytrychyn en reprenant la formule de l’historien Jean-Louis Panet. Notre cerveau ne pouvait l’admettre. »

    L’écrivain hongrois Arthur Koestler fut l’un des rares compagnons de route du parti communiste à être lucide sur l’#Holodomor, parce qu’il s’est rendu sur place. Il a fait l’expérience de cette « trieuse mentale » qui le poussait à refuser ce qui heurtait ses convictions. Il en va de même, aujourd’hui, pour les catastrophes en cours : les dizaines de milliers de morts aux frontières de l’Europe, les guerres meurtrières plus ou moins oubliées (au Soudan, à Gaza, en Ukraine, en Éthiopie…), ou encore le changement climatique. Ce dernier fait l’objet de nombreuses recherches pour tenter d’expliquer l’apathie, l’indifférence, voire le déni, qu’il suscite, comme d’autres catastrophes.

    La philosophe Catherine Larrère propose de reprendre le concept de dissonance cognitive, développé dans les années 1950 par le psychologue Leon Festinger. « Notre vie suppose une forme de #croyance dans l’avenir car cette #confiance nous permet d’agir. Quand quelque chose met en question ces #certitudes, on préfère trouver une autre #explication que de remettre en cause nos croyances. On préfère croire que le monde dans lequel on vit va continuer », résume l’intellectuelle.

    Les #neurosciences confirment le « coût » biologique de renoncer à ce qu’on pensait établi. « Lorsque les faits contredisent nos représentations du monde, le cerveau envoie un signal d’erreur en produisant des “#hormones_du_stress” », décrit Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho. Créer des stratégies pour s’adapter à la nouvelle donne nécessite d’activer d’autres parties du cerveau, dont le cortex préfrontal, ce qui est « très consommateur d’énergie », poursuit le chercheur.

    Plutôt que de procéder à ces remises en cause, la première réaction consiste à s’en prendre au messager. « Les porteurs de mauvaises nouvelles, on les met à mort, au moins symboliquement », note le psychanalyste Luc Magnenat, qui a publié La Crise environnementale sur le divan en 2019. « On impute aux écologistes la #responsabilité de ce qui arrive parce qu’ils en parlent », précise Catherine Larrère, en suggérant nombre d’illustrations tirées de l’actualité : les inondations dans le nord de la France seraient causées par l’interdiction de curer les fossés afin de protéger les batraciens, et non par le changement climatique qui provoque des pluies diluviennes… Ou encore les incendies seraient dus « à des incendiaires », et non à la sécheresse.

    « Être écologiste, c’est être seul dans un monde qui ne veut pas entendre qu’il est malade », reprend Luc Magnenat en citant Aldo Leopold, le père de l’éthique environnementale. Dans sa chanson From Gaza, With Love, le rappeur franco-palestinien Saint Levant le dit dans son refrain : « Continuez à parler, on vous entend pas. »

    Cette difficulté à dire une catastrophe que personne ne veut entendre est étudiée dans l’ouvrage collectif Violence et récit. Dire, traduire, transmettre le génocide et l’exil (Hermann, 2020). « La #violence limite toute possibilité de #récit, mais aussi toute possibilité d’#écoute et de réception. Elle hante une société d’après-guerre peu encline à admettre la dimension impensable du #génocide […]. Elle se traduit par l’#effroi : d’un côté la #négation de ceux dont le récit ne peut pas se dire ; de l’autre le déni et la #peur d’une société qui ne veut pas être témoin de la #cruauté_humaine dont atteste le récit. Comment dire et entendre les rafles, les morts de faim ou sous la torture dans les prisons ou sur les routes d’Arménie ou dans les camps nazis ? […] Le témoignage met des décennies à pouvoir se tisser, le temps de sortir du #silence_traumatique et de rencontrer une #écoute possible », pose en introduction la directrice de l’ouvrage, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, à la tête de l’Institut Convergences Migrations du CNRS.

    #Responsabilités_collectives

    Anthropologue et psychologue clinicienne, elle s’est concentrée sur la parole des personnes exilées, qui subissent une « triple violence » : une première fois sur le lieu du départ, ce qui constitue souvent la cause de l’exil (opposition politique, risques en raison de son identité, etc.) ; lors de la #migration pour éviter les risques inhérents à la clandestinité ; à l’arrivée en France où l’#administration impose un cadre qui ne permet pas à la #parole de s’exprimer librement.

    La possibilité du récit disparaît donc dans la société qui ne veut pas l’entendre, car elle se retrouverait sinon face à ses responsabilités dans ces violences. « Les #morts_aux_frontières relèvent de l’intentionnel, c’est une politique économique qui érige des murs », synthétise Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky.

    Refuser d’« attester de la violence » est l’une des formes du déni, qui en revêt d’autres. « Plus l’#angoisse est forte, plus le déni est fort », relève Luc Magnenat.

    Au-delà de son intensité, il trouve différentes manifestations. Dans son livre States of Denial (non traduit, « les états du déni »), le sociologue Stanley Cohen propose une typologie : le déni peut être littéral (cet événement ne s’est pas produit), interprétatif (la signification des faits est altérée), implicatif (les conséquences et implications sont minimisées). Surtout, Stanley Cohen sort le déni du champ psychologique en montrant qu’il peut relever de #politiques_publiques ou de #pratiques_sociales.

    Dans ses recherches sur les massacres des opposants politiques dans les prisons iraniennes en 1988, l’anthropologue Chowra Makaremi a observé ces « reconfigurations du discours du déni ». Après des décennies de négation pure et simple, le régime iranien a, sous la pression d’une mobilisation de la société civile, tenté d’en minimiser l’ampleur, puis a dénié aux victimes leur statut en considérant qu’elles n’étaient pas innocentes, avant de se présenter lui-même en victime agissant prétendument en légitime défense.

    Indispensable « #reconnaissance »

    Sortir du déni n’est pas un phénomène linéaire. S’agissant du #changement_climatique, Sébastien Bohler a observé une prise de conscience forte en 2018-2019. À ce « grand engouement », incarné notamment par les manifestations pour le climat, a succédé « un retour du climato-rassurisme », « nouvelle tentative de ne pas poursuivre la prise de conscience ».

    La théorie d’un #effondrement global simultané, qui a connu un nouvel essor à ce moment-là, a constitué un « #aveuglement », estime pour sa part Catherine Larrère dans le livre Le pire n’est jamais certain (Premier Parallèle), coécrit avec Raphaël Larrère, parce qu’elle empêchait de regarder la « multiplicité des catastrophes locales déjà en cours ». « La fascination pour le pire empêche de voir ce qui est autour de soi », en déduit la philosophe.

    Malgré les retours en arrière, des idées progressent inexorablement : « Au début des années 1990, il allait de soi que le progrès et les innovations techniques allaient nous apporter du bien-être. C’était l’évidence. Ceux qui émettaient des réserves passaient pour des imbéciles ou des fous. Aujourd’hui, c’est l’inverse, la croyance dans l’évidence du progrès fait passer pour étrange. »

    Le mur du déni se fissure. Ce qui l’abattra, c’est le contraire du déni, c’est-à-dire la reconnaissance, selon Stanley Cohen. Indispensable, la connaissance des faits ne suffit pas, ils doivent faire l’objet d’une reconnaissance, dans des modalités variables : procès, commissions vérité et réconciliation, compensation, regrets officiels…

    L’Ukraine a dû attendre la chute de l’URSS pour qualifier officiellement l’Holodomor de génocide, une reconnaissance qui a pris la forme d’une loi adoptée par le Parlement en 2006. Après l’invasion de son territoire par la Russie le 24 février 2022, plusieurs États européens, dont la France, ont fait de même, reconnaissant, 90 ans après, que cette famine organisée par le pouvoir soviétique n’était pas une « disette », ni une « exagération colportée par les ennemis du régime », mais bel et bien un génocide.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/180824/face-au-pire-nos-aveuglements-contemporains

    #déni #aveuglement

    • Violence et récit. Dire, traduire, transmettre le génocide et l’exil

      Face au désastre, peut-il y avoir un récit ? Au sortir du camp de Buchenwald, à l’heure des dizaines de milliers de morts en Méditerranée, que dire, que traduire, que transmettre ? Le récit peut-il prendre forme lorsqu’il s’agit d’attester du mal et de la cruauté, dont la conflagration mine l’écrit ? La violence empêche le récit lorsque les mots manquent radicalement pour dire l’expérience génocidaire ou exilique. Elle l’abîme, tant sa transmission et son écoute sont hypothéquées par le déni et le silence de la société qui le recueille. À travers l’étude de plusieurs formes de récits – chroniques de ghetto, récits de guerre ou poèmes et fictions – émerge l’inconscient de l’Histoire qui ne cesse de traduire les expériences de domination et de persécution de populations marginalisées. Comment décentrer la violence pour rendre le récit audible ? Les dispositifs d’écoute, d’interprétariat et de transmission se renouvellent. Ce livre apporte une lecture inédite des récits de violence, en proposant un parallèle entre les violences génocidaires et les exils contemporains dans une perspective résolument pluridisciplinaire.

      https://www.editions-hermann.fr/livre/violence-et-recit-marie-caroline-saglio-yatzimirsky

      #livre

    • States of Denial: Knowing about Atrocities and Suffering

      Blocking out, turning a blind eye, shutting off, not wanting to know, wearing blinkers, seeing what we want to see ... these are all expressions of ’denial’. Alcoholics who refuse to recognize their condition, people who brush aside suspicions of their partner’s infidelity, the wife who doesn’t notice that her husband is abusing their daughter - are supposedly ’in denial’. Governments deny their responsibility for atrocities, and plan them to achieve ’maximum deniability’. Truth Commissions try to overcome the suppression and denial of past horrors. Bystander nations deny their responsibility to intervene.

      Do these phenomena have anything in common? When we deny, are we aware of what we are doing or is this an unconscious defence mechanism to protect us from unwelcome truths? Can there be cultures of denial? How do organizations like Amnesty and Oxfam try to overcome the public’s apparent indifference to distant suffering and cruelty? Is denial always so bad - or do we need positiv...

      https://www.wiley.com/en-us/States+of+Denial%3A+Knowing+about+Atrocities+and+Suffering-p-9780745623924

  • Préjugé ! « Les immigrés veulent islamiser l’Europe »

    Derrière le préjugé de « l’#islamisation » de l’Europe se trouvent des stéréotypes anciens contre l’islam et les musulmans ainsi que des enjeux mémoriels autour de la colonisation et de la décolonisation. À cela s’ajoutent des théories d’extrême droite complotistes, comme celle du « grand remplacement ».

    Voici les ingrédients du cocktail :
    Mettre une bonne dose de crainte de la #mondialisation (sans trop savoir pourquoi, ça fait drôlement peur).
    Ajouter une grosse pincée de #racisme.
    Arroser le tout de #religion.
    Saupoudrer d’un peu de « grand remplacement ».
    Et vous obtenez un préjugé : « Les immigrés veulent islamiser l’Europe ».

    L’Europe à l’aune des décolonisations

    « Derrière cette peur d’une islamisation de la France ou de l’Europe par une ’#invasion' d’immigrés musulmans, il y a, sous-jacent, un certain nombre de préjugés : l’islam ne serait pas compatible avec la #culture_européenne, les musulmans constitueraient un groupe homogène qui chercherait à imposer sa culture et sa religion aux pays hôtes », explique l’historien #John_Tolan. À ces #stéréotypes anciens contre l’islam et contre les musulmans s’ajoute une #mémoire, encore vive et pas tout à fait pacifiée, celle de la #colonisation et de la #décolonisation. Ce préjugé, comme bien souvent, se nourrit d’histoire. Il mobilise #Charles_Martel qui arrête les Arabes à #Poitiers en #732, les #Ottomans qui font le #siège_de_Vienne en #1529 et #Charles_de_Gaulle, en 1962, qui craint que #Colombey-les-Deux-Églises ne devienne « #Colombey-les-Deux-Mosquées ».

    La peur d’une islamisation de l’Europe naît au lendemain de la #Seconde_Guerre_mondiale, quand l’industrie européenne en manque de main d’œuvre bon marché fait venir en masse des immigrés, bien souvent issus des anciennes colonies : des Indiens et des Pakistanais vers le Royaume-Uni, des Maghrébins et des Sénégalais vers la France, et des Turcs, vers la Belgique et l’Allemagne. Les mêmes questionnements surgissent : faut-il les intégrer à la communauté nationale ou les laisser à part, dans l’idée d’un départ à plus ou moins court terme ?

    Le « grand remplacement », une théorie complotiste

    La question se pose différemment à partir des années 1970, quand s’affirme un #islam_politique. De nouvelles craintes apparaissent, attisées par des délires complotistes. Les élites européennes, évidemment corrompues, favoriseraient ce mouvement, prêtes à vendre leur civilisation pour une poignée de pétro-dollars. Un pacte secret aurait même été signé avec la Ligue arabe afin d’islamiser l’Europe. Une littérature raciste et complotiste alimente ces théories. C’est là que l’on retrouve l’essayiste d’extrême droite #Renaud_Camus, qui publie en 2011 Le Grand Remplacement.

    Ces théoriciens, issus de l’#extrême_droite conspirationniste, ne visent pas seulement les musulmans mais aussi ceux qu’ils considèrent comme leur complices, qu’ils appellent les #islamo-gauchistes. Leurs écrits conduisent à de terribles passages à l’acte, comme par exemple, toujours en 2011, #Anders_Breivik qui attaque de jeunes militants travaillistes sur l’île d’Utøya en Norvège et provoque la mort de 85 personnes. Breivik ne visait pas des musulmans mais celles et ceux qui, selon lui, organisaient la « #colonisation_islamique » de l’Europe.

    La théorie complotiste du « grand remplacement », en soit intenable, repose sur une idée fausse : une Europe historiquement homogène par sa population, sa religion. « Il est certain que l’Europe de 2072 ne sera pas celle de 2022, tout comme celle de 2022 n’est pas celle de 1972. Mais l’Europe ne sera submergée ni par l’immigration ni par l’islamisation », explique John Tolan. Sinon par une invasion de #peurs et de préjugés !

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/histoire-des-prejuges/prejuge-les-immigres-veulent-islamiser-l-europe-4609034
    #préjugés #idées_reçues #migrations #islam #grand_remplacement #croyances #narration #islamo-gauchisme #complotisme #idées-reçues

  • We keep hearing about ‘legitimate concerns’ over immigration. The truth is, there are none

    Immigrants aren’t to blame for a society designed to benefit the richest – and it’s time Labour started telling the public so.

    Immigration is why your wages are low, or why you can’t get a decent job. It’s why you feel anxious about where you live, and why so many feel the pace of change has been too quick. People arriving on small boats are unlikely to subscribe to “British values” and Muslims need to integrate better – “they” aren’t like you.

    These statements make up the longstanding political orthodoxy on immigration. It is a doctrine that refuses to budge but must be tackled head-on – especially if politicians are as outraged by the recent violence as they say they are. The situation demands it. In the past two weeks, hotels housing people seeking asylum were set ablaze in Rotherham and Tamworth, a racial checkpoint was set up in Middlesbrough, and immigration advice centres were placed on a far-right target list.

    Most mainstream politicians agree that these are the actions of an extreme group of racists. But what they miss is the wider political atmosphere that bred such a violent, racist politics – which didn’t just come about because of videos from Stephen Yaxley-Lennon (Tommy Robinson). Westminster must take a long, hard look at itself: what many politicians now condemn, they also had a hand in manufacturing.

    The political “centre” usually reacts to the far right by denouncing its methods and distancing themselves from its coarse, racist rhetoric – but ultimately conceding to its underlying argument. In the days after the general election, Tony Blair advised Keir Starmer that to ward off the far right, he should celebrate what is good about immigration but be sure to “control” it. No matter how respectable and sensible such advice may seem to some within our political classes, the sentiment that “controlling” immigration is a way to appease socially conservative voters is one cause of the corrosiveness.

    Why? Because it implies that a fear of immigration is a legitimate concern, and that reducing immigration is the appropriate method to assuage that fear. It is this sentiment that could shape what comes next. One Conservative commentator has already suggested that reducing immigration is at least part of the picture in responding to the violence. In an acutely uncomfortable TV interview about the riots with the independent MP Zarah Sultana (recently suspended from Labour for voting to scrap the two-child benefit cap), Ed Balls maintained that “if you fail to control and manage immigration properly then things go wrong”.

    Are concerns about immigration “legitimate”? Demonstrably, no. People who arrive in the UK aren’t to blame for an economy designed to benefit the richest while exploiting and abandoning the poorest – immigration is not a significant causal factor of low wages and it’s not why people have insecure jobs. Anti-immigrant feeling isn’t a natural, inevitable reaction to change either. One study found areas with low levels of immigration had some of the highest proportion of leave voters in them – a vote that was at least partly motivated by anti-immigrant concerns. No: it is mainstream politicians and certain sections of the media that summon these feelings. They characterise certain groups of people, usually those who aren’t white (or not-quite-white), as a cultural threat – often targeting Muslims, no matter where they were born.

    The “legitimate concerns” in this case are illegitimate. Admitting this doesn’t mean dismissing what people are saying. Equally, engaging people with these views need not lead to legitimisation. The choice is not ignore or accept. Politics is about persuading people of another way; to think this can’t be done is patronising as well as dangerous.

    The government could change the narrative by making the history of empire and migration a statutory party of the curriculum, and by actively countering racism in the press, among opposition parties and within its own ranks. But it could also use this moment to change people’s material circumstances by getting rid of “hostile environment” policies and providing safe routes of travel (one of the only viable solutions to stop people from having to cross the Channel). It could also make visas cheaper, provide better housing, simplify labyrinthine Home Office processes and end temporary, exploitative visas, giving people the ability to come here on decent terms and stay if they want to.

    This boldness should be extended beyond immigration. The government should tax the richest, invest in public services and do what’s needed for a just transition from fossil fuels. This all matters in and of itself to improve people’s lives, but it is also a necessary response to what has happened. It would be a mistake to characterise the far-right riots as a cry of desperation from the poor: that ignores the racism at play and the many working-class people who are actively opposed to this kind of politics, including minorities. But making the country a fairer place, that is easier and better to live in, would help create a future for people to invest in – an alternative to the xenophobic, inward-looking allure of the right.

    This would, though, require a quite remarkable change of tack. The Labour government is gearing up for cuts, and one of the party’s attack lines in the election was that the ultra-hostile Tories were too liberal on immigration. But they should take notes from the vibrant anti-racist demonstrations, which project a more positive vision of the kind of country we can be.

    The reasons behind the recent violence are many and complex – it cannot be neatly chalked up to the immigration debate alone. But the anti-immigrant sloganeering needs to stop: whether it’s the appeasing of “legitimate concerns”, a commitment to “stop the boats” or the more-acceptable-in-polite-society promises to put “controls on immigration”. They have all played their part in leading us here. If politicians want to understand the far-right violence, this is one of the places they must start.

    https://www.theguardian.com/commentisfree/article/2024/aug/13/immigration-immigrants-society-rich-labour-public

    #problème #migrations #vérité #aucun_problème #réfugiés #idées_reçues #narration #contre-narration #bouc_émissaire #peur #économie #politique #environnement_hostile #hostile_environment #pauvres #riches #racisme #UK #Angleterre #stop_the_boats

    via @freakonometrics

    ping @karine4 @_kg_

    • #Hostile_Environment: How Immigrants Became Scapegoats

      How migrants became the scapegoats of contemporary mainstream politics

      Longlisted for the 2019 Jhalak Prize. From the 1960s the UK’s immigration policy - introduced by both Labour and Tory governments - has been a toxic combination of racism and xenophobia. Maya Goodfellow tracks this history through to the present day, looking at both legislation and rhetoric, to show that distinct forms of racism and dehumanisation have produced a confused and draconian immigration system. She examines the arguments made against immigration in order to dismantle and challenge them. Through interviews with people trying to navigate the system, legal experts, politicians and campaigners, Goodfellow shows the devastating human costs of anti-immigration politics and argues for an alternative.

      This new edition includes an additional chapter, which explores the impacts of the 2019 election and the ongoing immigration enforcement during the coronavirus pandemic.

      https://www.versobooks.com/products/777-hostile-environment

      #livre

  • https://mariewyttenbach.com/desinfox

    –—
    Sur les doubles/triples comptages des passages aux #frontières :




    voir aussi :
    #Seeing_double ? How the EU miscounts migrants arriving at its borders
    https://seenthis.net/messages/705957

    Sur l’appel d’air...

    #préjugés #migrations #réfugiés #immigration #BD #bande_dessinée #fact-checking #ressources_pédagogiques #afflux #invasion #immigration_massive #liquide #vagues #discours #chiffres #statistiques #Frontex #passages #mondialisation #globalisation #sur-médiatisation #surestimation #perception #chiffres_relatifs #chiffres_absolus #welfare_state #aides_sociales #shopping_social #appel_d'air #protection_sociale #accès_aux_soins #régularisation #sans-papiers #à_lire #économie #peur #fantasmes

    ping @karine4 @_kg_

    –-

    ajouté à la métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration... des arguments pour détruire l’#idée_reçue : « Les migrants profitent (voire : viennent POUR profiter) du système social des pays européens »...
    https://seenthis.net/messages/971875

    • Welfare and social protection: What is the link with secondary migration? Evidence from the 2014-crisis hit Italian region of Lombardy

      Evidence on the relationship between secondary international migration and welfare state (or formal protection) support is currently limited. Also, the experience of financial support from semiformal and informal social protection networks has seen limited inclusion in current reflections on secondary mobility patterns such as onward and return migration. Our study analyses the relationship between support from formal, informal and semiformal social protection and short-term secondary migration intentions. The study uses open-access data from the Regional Observatory for Integration and Multiethnicity of Lombardy (Italy) and adopts a competing-risk framework through multinomial logistic regression. Our data do not support the hypothesis of an ex-post “magnetic effect” of the Italian formal social protection on its beneficiaries: individuals on formal welfare are more prone to onward and return migration. However, the positive relationship observed between welfare entitlements and onward migration intentions cannot rule out any effect of welfare magnetism from more generous welfare systems. Monetary aid received from Italian friends is negatively related to return intention. At the same time, economic support from foreign-born friends is correlated to return migration. We interpret results according to social network theory. Economic support and social capital from bridging networks can act as an ex-post integration-driven magnet. Bonding social capital from ties with migrants in Italy cannot secure the migrants’ stay in Italy. However, it can support return migration. Networks providing bonding transnational social capital, and expressed in the form of financial support from relatives living abroad, are instead positively correlated to both forms of secondary migration.

      https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/psp.2469

    • Immigration et appel d’air : anatomie d’un fantasme
      https://www.youtube.com/watch?v=XnRPLS8Crnk


      #Clément_Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 12 novembre : le début de l’examen au Sénat du projet de loi immigration. Parmi les mesures phares de ce texte : la régularisation des immigrés sans papiers qui travaillent dans les métiers « en tension ».

      C’est l’une des mesures les plus discutées au sein du projet de loi immigration : l’article qui prévoit la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Les parlementaires Les Républicains en ont fait une ligne rouge : en aucun cas ils ne voteront le texte si cette mesure en fait partie. Or, la Première ministre a besoin de leur soutien si elle désire s’éviter un nouveau 49-3. Autant dire que les négociations s’annoncent serrées.

      Ce qui est intéressant, ce sont les arguments qui sont utilisés pour pourfendre cette mesure. Et notamment un argument, répété ad nauseam par les élus LR, mais aussi par le Rassemblement national : régulariser les immigrés sans papiers qui travaillent d’ores et déjà sur le territoire, cela créerait un « appel d’air », voire une « pompe aspirante », qui inciterait toujours plus d’exilés à tenter de rentrer illégalement sur notre territoire.

      Aucun accroissement des flux migratoires

      Il se trouve que cette question a été bien travaillée par la science politique. Nous avons, par exemple, un article très important qui a été publié en décembre 2020 par trois chercheurs : Joan Monras, Elias Ferran, Javier Vazquez-Grenno. Il a même été mise à jour en avril 2023, pour intégrer les données les plus récentes. Ce papier se penche sur la décision, prise par le gouvernement espagnole en 2005, de régulariser 600 000 exilés extra-européens. Bilan : près de 20 ans plus tard, aucun accroissement des flux migratoires n’a été constaté. Aucun appel d’air. Mêmes observations pour ce qui s’est produit aux Etats-Unis en 1986 : l’Immigration Reform and Control Act a permis à trois millions d’immigrés de régulariser leur situation. Résultat : toutes les études ont montré que cette décision n’avait pas entraîné une augmentation de l’immigration.

      Plus généralement, aucun article de recherche n’a jamais montré l’existence d’un prétendu « appel d’air » à la suite d’une campagne de régularisation. D’autant qu’il faut, en l’occurrence, être précis sur la mesure proposée par le gouvernement. Les individus concernés doivent justifier de trois ans de présence sur le territoire, avoir travaillé huit mois au cours des derniers 24 mois, dans un secteur en tension, le tout pour obtenir un titre de séjour d’un an renouvelable : cela n’a rien d’une régularisation massive !

      Ceux qui s’opposent à cette mesure mettent aussi en avant un risque pour l’économie. Mais là aussi, cette question a été tranchée. Un gros travail de synthèse a été réalisé, pour Sciences Po, par Hélène Thiollet et Florian Oswald. On observe que, certes, pour les emplois les moins qualifiés, l’immigration peut entraîner, à court terme, une pression sur les salaires. Mais ce n’est ni systématique, ni pérenne. À l’échelle de l’économie dans son ensemble, l’immigration a au contraire un impact soit neutre, soit positif. Quant aux campagnes de régularisation, elles ont un effet bénéfique pour les finances publiques, puisqu’elles font rentrer un surcroît de cotisations patronales dans les caisses de l’Etat. En plus, bien sûr, de sortir de la précarité des hommes et des femmes qui travaillent, sont intégrés, bien souvent payent des impôts, et contribuent à la vie de notre société.
      Peurs et fantasmes

      C’est précisément tout le problème des débats sur l’immigration : certaines positions ne sont étayées ni par des faits, ni par des preuves, mais par des peurs et des fantasmes. On pourrait d’ailleurs évoquer le cas de l’AME, l’aide médicale d’Etat pour les immigrés sans papiers, dont le Sénat vient aussi de voter la suppression – au motif, là aussi, qu’elle créerait un appel d’air. On sait pourtant que le vrai problème de l’AME, c’est plutôt que ceux qui devraient en bénéficier ne la demandent pas : d’après le dernier rapport de Médecins Du Monde, plus de 80% des personnes éligibles à l’AME n’y ont pas recours. Avec des conséquences évidemment dramatiques pour ces personnes, qui finissent par accumuler de graves retards de soin. Mais aussi des conséquences négatives pour notre système de santé et pour les finances publiques, puisque, comme l’ont rappelé de nombreux médecins, il vaut toujours mieux prendre en charges les pathologies le plus tôt possible.

      Tout le problème, c’est que le gouvernement a tendance à céder devant ces arguments, aussi contestables soient-ils. Le président Macron a d’ores et déjà restreint l’AME, en 2019, quand il a décidé d’en conditionner l’accès au fait de prouver trois mois de présence sur le territoire, contre l’avis des professionnels de santé. Nous verrons bien quel sera le texte qui ressortira, in fine, des débats parlementaires. Mais si l’on se fie à la manière dont ils ont commencé, on peut craindre que les passions n’y triomphent, hélas, sur la raison.

      https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/chronique-immigration-et-appel-d-air-anatomie-d-un-fantasme_6150630.htm

    • Politique économique : le Nouveau Front populaire dessine un #changement_de_cap

      Le programme du Nouveau Front populaire, présenté le 14 juin, indique une direction de politique économique claire : il s’agit de reprendre le chemin d’une #politique_sociale et d’investissement (public et privé), articulée à une #politique_fiscale qui vise à (re)remplir les caisses et à instaurer davantage de #justice_fiscale. C’est une #réorientation marquée par rapport à la politique actuelle.

      Est-ce que les #mesures sont crédibles ? Oui, les pistes de #financement aussi. Est-ce que tout pourra être mis en œuvre et selon quel calendrier ? On verra bien. Dans tous les cas, la situation économique est incertaine et ce, quel que soit le gouvernement qui sera nommé.

      La bonne question n’est pas celle du « #sérieux » – la politique actuelle à maints égards n’est pas sérieuse, ni socialement, ni économiquement, ni budgétairement – mais de savoir quel cap de politique économique nous choisissons pour faire face aux incertitudes et répondre aux questions écologiques et sociales qui se posent. Car oui, il y a le choix.

      Le débat sur le #réalisme est à côté du sujet

      On pourrait résumer le programme du NFP ainsi : suspendre l’application des réformes antisociales, redonner du pouvoir d’achat aux ménages, renforcer les #services_publics, récupérer de l’argent sur le #patrimoine, et générer en retour des #effets_économiques vertueux.

      Cette politique tourne le dos à celle mise en œuvre depuis 2017 dont l’orientation principale, revendiquée par Bruno Le Maire, est la baisse des prélèvements obligatoires et l’horizon la réduction du rôle de la #protection_sociale et des services publics. Cette politique menée à un rythme rapide, comme une fuite en avant, une recherche vaine d’un retour de la #croissance, ne récolte qu’une baisse de la #productivité.

      Une large partie des critiques sur le sérieux du programme du NFP provient de commentateurs pour qui le seul débat économique valable est de savoir s’il faut d’abord définancer les retraites, l’école, les deux en même temps, ou si on n’ajouterait pas encore un peu de baisse de prélèvements sur les entreprises, pour la route.

      Et lorsque ces réformes sont évaluées scientifiquement, qu’on en démontre le #coût_social ou le peu d’#efficacité_économique, le plus souvent ces personnes haussent les épaules et passent à la suivante. Evidemment, une autre politique économique est possible.

      Des mesures sociales tout à fait à portée de main

      Si on considère les principales mesures proposées par le Nouveau Front populaire, elles apparaissent tout à fait envisageables. Elles sont sans doute d’ailleurs un peu plus modérées que celles du programme de la Nupes en 2022, pour tenir compte de la dégradation depuis des comptes publics.

      Pour ne prendre que quelques mesures sur les sujets que je connais le mieux : suspendre la réforme des #retraites de 2023 pour revenir à 62 ans immédiatement est faisable, d’autant que la réforme a à peine commencé d’être appliquée. Cela représente environ 0,8 point de PIB en 2032 pour le système de retraite et c’est en grande partie financé par la hausse prévue des cotisations de 0,6 point pour les employeurs et 0,6 point pour les salariés, selon un chiffrage réalisé d’après le simulateur du COR.

      Il est prudent de ne pas s’engager trop avant sur le droit à la retraite à 60 ans pour toutes et tous, même s’il apparaît évident que pour certaines personnes et certains métiers pénibles qui ne sont aujourd’hui quasiment pas reconnus, la baisse de l’âge de départ devrait être appliquée rapidement.

      Annuler les réformes de l’#assurance_chômage est également très facilement réalisable, la précédente n’étant même pas encore complètement montée en charge et la prochaine n’étant pas encore appliquée.

      Revaloriser le #point_d’indice de la fonction publique de 10 % est un #choix_budgétaire non négligeable dont il s’agit de mesurer l’ampleur, à hauteur de 0,8 point de PIB, selon certaines estimations. Cette priorité constitue bien une partie de la réponse aux graves difficultés de recrutement que connaissent actuellement les services publics.

      C’est particulièrement vrai pour les deux plus importants que sont la santé et l’éducation, dont les concours ne font plus, du tout, le plein. Cela sera sans doute plus utile pour l’avenir que la baisse de la fiscalité pour les ménages les plus aisés.

      L’indexation des salaires, elle, existe sous une certaine forme chez nos voisins Belges, qui ne s’en plaignent pas, et cela mériterait qu’on s’y penche pour en affiner les caractéristiques techniques.

      Aller plus loin sur les recettes

      Côté recettes, là aussi les pistes sont claires : récupérer des moyens sur les patrimoines des millionnaires et milliardaires par le retour à un impôt sur la fortune et l’instauration d’un impôt élevé sur les très hautes #successions. Il est également urgent de revenir sur certaines #niches_fiscales ayant peu d’effet positif et très coûteuses.

      C’est peut-être de ce côté-là d’ailleurs que le programme mériterait d’être approfondi. Un passage en revue systématique de la politique fiscale depuis 2017 pourrait donner des pistes de financement utiles. En effet, depuis cette date, les baisses de prélèvements obligatoires décidées par les différents gouvernements s’élèvent à près de 70 milliards d’euros par an.

      Ces 70 milliards ont eu deux contreparties : une baisse (ou un ralentissement du financement) des protections collectives (retraite, chômage, services publics), mais également un creusement du #déficit_public. Selon l’OFCE, de l’ordre de 40 milliards d’euros de baisse de recettes n’ont jamais été compensés depuis sept ans. Alors que le déficit s’est élevé à 5,5 % du PIB en 2023, ces mesures non compensées représentent environ 1,4 point de PIB, ce qui n’est budgétairement pas très « sérieux ».

      Selon la même logique, revenir sur le #CICE et le #pacte_de_responsabilité, mis en place sous François Hollande, ou sur la baisse de la #cotisation_sur_la_valeur_ajoutée des entreprises (#CVAE) plus récente, pourrait donner davantage de marge de manœuvre. Certes, ce n’est pas parce que ces mesures fiscales étaient contestables, qu’on peut les supprimer toutes, et d’un coup : les entreprises, même si elles n’en avaient pas besoin, s’y sont accoutumées. Mais il y a de la marge pour commencer tout de suite, et récupérer des montants conséquents.

      C’est pour cela qu’une revue paraît opportune afin de savoir jusqu’où et à quel rythme on peut remonter la pente dévalée au cours des dernières années. De manière intéressante, certains amendements aux dernières lois de finances de la majorité présidentielle, le rapport Bozio-Wasmer en cours de rédaction, ou encore la Cour des comptes, esquissent déjà des pistes en ce sens.

      N’esquivons pas le débat démocratique sur la politique à mener

      Ce qui serait « sérieux », et démocratique, c’est que les médias d’information utilisent le temps de cette élection pour mettre en perspective les #visions de politiques économiques alternatives des trois pôles : la baisse des prélèvements et des dépenses sociales de LREM, espérant faire revenir de la croissance, sa version amplifiée par le RN assortie d’une politique économique xénophobe motivée par des orientations racistes, et le changement de cap proposé par le Nouveau Front populaire qui fait le pari d’une réorientation écologique et sociale, appuyée par la fiscalité et dans une perspective keynésienne.

      Si le Nouveau Front populaire gagne, il aura alors à sa disposition tous les moyens de l’Etat pour calibrer, orchestrer, séquencer les mesures de son programme, et proposer des décisions à arbitrer. La feuille de route est suffisamment explicite pour que cela démarre vite, l’administration sait faire. Un programme est là pour définir un cap, le début du chemin et un horizon. En l’espèce, celui du NFP trace des perspectives sans ambiguïtés et enthousiasmantes.

      https://www.alternatives-economiques.fr/michael-zemmour/politique-economique-nouveau-front-populaire-dessine-un-changement-de-cap/00111532
      #crédibilité

  • « Des électeurs ordinaires » : à la découverte de la vision racialisée du monde des partisans du RN

    Le sociologue Félicien Faury décortique la mécanique du vote Rassemblement national, après un travail de terrain réalisé entre 2016 et 2022 dans le sud-est de la France.

    [...]

    Ses conversations avec les électeurs donnent à voir des « logiques communes », un rapport au monde qui oriente vers le vote Le Pen. « Les scènes fiscales, scolaires et résidentielles deviennent les théâtres de compétitions sociales racialisées, dans lesquels les groupes minoritaires, construits et essentialisés en tant que tels, sont perçus et jugés comme des concurrents illégitimes », décrit l’auteur. La prégnance de cette vision du monde dans le quartier ou au travail conduit à légitimer le vote Le Pen, à le priver de son stigmate de l’extrémisme et, in fine, à le renforcer.

    A l’automne 2023, un débat avait opposé deux interprétations du vote populaire pour le RN, que l’on peut ainsi schématiser : d’un côté, les économistes Julia Cagé et Thomas Piketty, auteurs d’une somme de géographie électorale (Une histoire du conflit politique, Seuil, 2023), pour qui les inégalités socio-économiques sont le principal déterminant du vote RN ; de l’autre, le sondeur de l’Institut français d’opinion publique, Jérôme Fourquet, qui, dans La France d’après. Tableau politique (Seuil, 2023), soulignait le primat de la question identitaire.

    Le travail de terrain de Félicien Faury invite à pencher fortement en faveur de la seconde analyse. Il dissèque la manière dont les expériences de classe de l’#électorat RN rejoignent toutes la question raciale. Le chercheur prend toujours soin de situer cette vision raciste dans le contexte d’une société où se perpétuent les processus de racialisation. De la part d’électeurs en risque de déclassement social, écrit-il, « le vote RN doit aussi se concevoir comme un vote produit depuis une position dominante sur le plan racial, dans l’objectif de sa conservation ou de sa fortification ».
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/24/des-electeurs-ordinaires-a-la-decouverte-de-la-vision-racialisee-du-monde-de

    https://justpaste.it/a4997

    #extrême_droite #RN #racisme #livre

    • Dans l’électorat du RN, « le racisme s’articule à des expériences de classes » | entretien avec Félicien Faury
      https://www.mediapart.fr/journal/politique/010524/dans-l-electorat-du-rn-le-racisme-s-articule-des-experiences-de-classes

      Ce que j’essaie de démontrer dans mon livre, c’est que le vote RN est une modalité parmi d’autres de participation aux processus de #racialisation. Il est le fruit d’une vision raciste qui s’articule à une expérience de classe particulière, de sorte qu’elle est politisée de manière spécifique en direction de ce parti.

      https://justpaste.it/51uy6
      #islamophobie

    • Félicien Faury, politiste : « Pour les électeurs du RN, l’immigration n’est pas uniquement un sujet identitaire, c’est aussi une question socio-économique »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/06/14/felicien-faury-politiste-pour-les-electeurs-du-rn-l-immigration-n-est-pas-un

      Le vote #RN, à la fois protestataire et conservateur, exprime un attachement inquiet à un ordre que ses électeurs estiment menacé, explique le chercheur, spécialiste de l’extrême droite.
      Propos recueillis par Anne Chemin

      Rattaché au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, rattaché au CNRS, le sociologue et politiste Félicien Faury travaille sur l’extrême droite. Il est l’auteur de Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (Seuil, 240 pages, 21,50 euros), un ouvrage adossé à une enquête de terrain de six ans (2016-2022), qui analyse l’implantation électorale et partisane du Front national, puis du Rassemblement national (RN), dans un territoire du sud-est de la France.

      Comment analysez-vous le geste politique d’Emmanuel Macron qui provoque des élections législatives ?

      Comme beaucoup l’ont souligné avant moi, ce choix repose sur la volonté d’imposer un clivage opposant un parti « central », incarné par Renaissance, et l’extrême droite – avec le présupposé que la gauche sera faible ou divisée. Dans un contexte où le président de la République suscite toujours davantage de défiance, ce clivage a pour effet de faire du RN l’alternative principale au macronisme. Cette situation explique sans doute pourquoi la #dissolution était une demande explicite de Jordan Bardella et de Marine Le Pen – et pourquoi cette annonce a été accueillie par des cris de joie, lors des soirées électorales du RN.

      On dit souvent que les électeurs du RN sont très sensibles aux questions sociales – en particulier au pouvoir d’achat –, mais votre ouvrage montre la place centrale qu’occupe le racisme dans leurs choix électoraux. Comment cette « aversion envers les minorités ethnoraciales », selon votre expression, se manifeste-t-elle ?

      Il faut en fait articuler les deux phénomènes. Les questions sociales comme le pouvoir d’achat sont toujours entremêlées avec des thématiques comme l’immigration et la place des #minorités_ethnoraciales dans la société française. Pour les électeurs du RN, l’immigration n’est pas uniquement un sujet « identitaire » : c’est aussi, et peut-être surtout, une question pleinement socio-économique. Lorsque les immigrés sont spontanément associés au #chômage et aux #aides_sociales, l’immigration se trouve liée, par le biais des impôts et des charges à payer, à la question du pouvoir d’achat. Ce qu’il faut chercher à comprendre, ce n’est donc pas ce qui « compte le plus » – préoccupations de classe ou racisme –, mais selon quels raisonnements ces enjeux sont reliés.

      S’agit-il d’un racisme ouvertement exprimé ou du racisme « subtil » dont on parle parfois pour qualifier, par exemple, le racisme « systémique » ?

      Tout dépend, bien sûr, des profils des personnes interrogées et du contexte de l’interaction, mais il s’agit souvent de propos assez clairs et explicites dans leur hostilité aux minorités ethnoraciales. C’était un enjeu important dans l’écriture de mon livre : il me paraissait nécessaire de rendre compte du racisme qui s’exprime dans beaucoup de discours, mais il fallait aussi prendre garde à ne pas redoubler, dans l’écriture, la violence des propos dans une sorte de voyeurisme malsain. J’ai donc cherché à me limiter à ce qui était nécessaire à l’analyse sociologique.

      Par ailleurs, il existe effectivement des formes plus « subtiles » d’expression du racisme. Le racisme est un fait social multiforme et transversal : on le trouve dans tous les milieux sociaux, mais selon des formes différentes – certaines sont claires, d’autres sont plus policées ou plus discrètes. L’extrême droite et ses électorats n’ont en rien le monopole du racisme : il y a du racisme dans le vote RN, mais ce vote n’est qu’une forme parmi d’autres de participation aux inégalités ethnoraciales qui continuent à exister dans notre pays.

      Vous évoquez, pour expliquer le sentiment d’injustice et de fragilité ressenti par les électeurs du RN, la notion de « conscience sociale triangulaire » forgée par le chercheur Olivier Schwartz. Comment décririez-vous cette représentation du monde social ?

      La #conscience_sociale_triangulaire désigne le sentiment d’être pris en tenaille entre une pression sociale « par le haut » et une autre « par le bas ». Sur mon terrain, cette double pression est particulièrement ressentie dans sa dimension résidentielle. Les électeurs du RN ont l’impression de se faire « rattraper » par les « quartiers », où logent des #classes_populaires_précarisées souvent issues de l’immigration, mais ils regardent aussi avec inquiétude l’appropriation de certains territoires par des groupes très dotés économiquement. Dans le Sud-Est, beaucoup de familles prospères viennent, en effet, s’installer ou acheter des résidences secondaires, ce qui a pour effet d’engendrer une forte pression immobilière.

      Le « haut » et le « bas » ne sont pas politisés de la même façon chez ces électeurs du RN. La pression par le haut suscite de l’amertume, mais aussi beaucoup de fatalisme. Par contraste, la pression par le bas est considérée comme scandaleuse et évitable, notamment lorsqu’elle est racialisée : les électeurs du RN estiment qu’on aurait pu et dû limiter, voire stopper, une immigration qui est jugée responsable de la dégradation des #quartiers environnants. C’est sans doute un effet du racisme que de faire regarder vers le bas de l’espace social lorsqu’il s’agit de politiser ses aversions.

      L’inquiétude vis-à-vis de l’avenir des électeurs du RN concerne finalement moins l’emploi que des domaines que l’on évoque plus rarement dans le débat public, comme le logement ou l’école. Comment ces thèmes se sont-ils imposés ?

      C’est une spécificité des électeurs du Sud-Est que j’ai interrogés : bénéficiant d’un statut socioprofessionnel relativement stable, leurs craintes ne portent pas spécifiquement sur la question de l’emploi et du chômage. Ils ont des préoccupations socio-économiques bien réelles, mais elles concernent la valeur de leur logement, les impôts et les charges, les aides sociales perçues ou non, ou l’accès à des services publics de qualité.

      La question résidentielle est centrale, surtout dans cette région Provence-Alpes-Côte d’Azur caractérisée par une concurrence exacerbée entre les territoires. La question scolaire, elle aussi, revient souvent dans les entretiens : les électeurs du RN ont le sentiment que l’#école publique « se dégrade », ce qui engendre des inquiétudes d’autant plus vives qu’ils sont souvent peu diplômés : ils ont moins de ressources que d’autres pour compenser les défaillances de l’école. Beaucoup se résignent d’ailleurs à scolariser leurs enfants dans le privé.

      Les électeurs du RN qui estiment que leur situation sociale est fragile comptent-ils sur l’aide de l’Etat ?

      Oui. On est, en France, dans une situation assez différente des Etats-Unis, où l’extrême droite est imprégnée par une idéologie libertarienne. Les électeurs RN croient en l’#Etat et ses missions de protection sociale, mais ils sont très critiques vis-à-vis de ses performances et de ses principes de redistribution. S’agissant des enjeux de redistribution, cette déception s’accompagne d’un sentiment d’injustice qui est souvent racialisé : la croyance selon laquelle la puissance publique privilégierait les « immigrés » et les « étrangers » dans l’octroi des aides sociales est particulièrement répandue.

      Diriez-vous que l’attachement des électeurs du RN au monde stable, familier et rassurant qu’ils disent avoir connu dans le passé fait d’eux des conservateurs ?

      Effectivement, le vote RN est à la fois #protestataire et #conservateur. C’est un vote qui s’exprime depuis la norme : les électeurs ont l’impression qu’elle est fragilisée et qu’il faut la défendre. « C’est pas normal » est l’expression que j’ai le plus souvent entendue. Les électeurs ont le sentiment que « leur » normalité est en train de vaciller peu à peu. Le vote RN exprime un attachement inquiet à un ordre encore existant mais menacé.

      Si le vote en faveur du RN est massif, c’est aussi parce que, dans les territoires que vous avez étudiés, il est « banalisé », dicible, voire légitime. Comment fonctionne cette normalisation progressive du vote RN ?

      La normalisation du RN passe beaucoup par son acceptation progressive au sein du champ politique et de l’espace médiatique, mais aussi par les discussions du quotidien et les interactions ordinaires entre amis, voisins, collègues, en famille. Ce vote est validé par les proches, par les gens qui comptent ou, plus simplement, par les gens qui se ressemblent socialement. Cette normalisation est cependant très loin d’être achevée : pour une part encore très importante de la population, le RN reste un vote illégitime, voire un vote repoussoir. Il n’y a donc rien d’irréversible.

      Beaucoup voient dans le succès du RN un vote de colère, protestataire, voire « dégagiste ». Ce n’est pas votre analyse. Pourquoi ?

      Ce n’est pas faux, bien sûr, mais cette explication m’a toujours semblé incomplète. D’une part, _[et Ruffin devrait accepter d’y penser, ce qui le conduirait peut-être à mettre en cause sa propre aversion pour les étrangers...] la colère exprimée n’est pas une colère « aveugle » qui se distribue au hasard : elle vise prioritairement certains groupes sociaux – je pense notamment aux minorités ethnoraciales, aux « assistés » et à certaines fractions des élites culturelles, médiatiques et politiques. D’autre part, les électeurs n’ont pas toujours un comportement « dégagiste » : la majorité des mairies conquises par le FN en 2014 ont été reconduites lors des élections suivantes, souvent dès le premier tour, avec des scores très impressionnants. C’est peut-être une leçon pour les législatives à venir : lorsque l’extrême droite parvient au pouvoir, souvent, elle s’y maintient. Ses victoires lui permettent de solidifier ses soutiens électoraux et de « transformer l’essai » lors des élections suivantes. Beaucoup d’exemples étrangers abondent dans ce sens.

      Pensez-vous que le RN peut remporter une majorité relative, voire absolue, aux élections des 30 et 7 juillet ?

      Il est très important, pour les chercheurs en science politique, de savoir reconnaître leur ignorance faute d’éléments suffisants. Aujourd’hui, on ne dispose pas de suffisamment d’indices sur la manière dont vont se structurer l’opinion publique et l’offre politique au niveau local pour pouvoir en tirer des conclusions sérieuses.

    • Chez les classes moyennes, un vote marqué par la #peur du #déclassement
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/23/mais-maman-on-est-pauvres-les-classes-moyennes-a-l-heure-du-declassement_624

      Frappées de plein fouet par l’inflation, exclues des dispositifs d’aide destinés aux plus modestes et sans perspectives d’ascension sociale, les classes moyennes se tournent vers le Rassemblement national, traditionnellement plutôt ancré dans les milieux populaires.
      Par Béatrice Madeline

      « Pour nous, la victoire du Rassemblement national [RN], c’est tout sauf une surprise », confie Yvon Le Flohic, médecin généraliste dans un cabinet médical de Ploufragan, dans l’agglomération de Saint-Brieuc. Un morceau de France ordinaire, où le #revenu annuel moyen était de 23 010 euros en 2021, presque identique à la moyenne nationale (23 160 euros). En 2020, on y comptait un quart de retraités. Parmi les personnes en activité, 20 % d’ouvriers, 30 % d’employés, 30 % de professions intermédiaires et 13 % de cadres ou professions supérieures. Le tout, au cœur d’une Bretagne historiquement imperméable aux extrêmes, affectée ni par la désindustrialisation, ni par le chômage ou l’insécurité.

      Pourtant, le 9 juin au soir, la liste de Jordan Bardella est arrivée en tête aux élections européennes dans les Côtes-d’Armor, avec 28,21 % des suffrages (27,11 % à Ploufragan). En 2019, Renaissance était en tête, et Marine Le Pen obtenait 19 % des voix. « Dans notre cabinet, on voit défiler tout le monde, poursuit le médecin. Nous étions sûrs du résultat. Ici, les gens ont la sensation de ne plus être pris en compte, de ne pas être représentés, ils ne croient plus aux institutions. Et cela ne date pas d’hier. »
      A l’échelle du pays, ces classes moyennes ont exprimé ce ressentiment le 9 juin, lors des élections européennes, certains par l’abstention, et beaucoup d’autres en votant en faveur du RN, traditionnellement plutôt ancré dans les milieux populaires. Selon l’analyse réalisée par OpinionWay, 41 % des ménages gagnant entre 1 000 et 2 000 euros par mois ont voté pour Jordan Bardella, et 33 % de ceux aux revenus compris entre 2 000 et 3 500 euros. Une percée sociologique : parmi les employés, le RN a gagné dix points entre 2019 et 2024, et quinze points parmi les professions intermédiaires.

      De plein fouet

      A ce malaise s’est ajouté un ouragan appelé #inflation, qui a fait vaciller les modes de vie et les certitudes. « On n’avait pas vu une telle hausse des prix depuis quarante ans, et à l’époque, tous les salaires étaient indexés sur les prix, rappelle Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyses et prévisions à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est la première fois qu’on vit une telle crise inflationniste sans cette protection. »

      Prises de plein fouet par la flambée des produits de base – l’alimentaire a connu une hausse de 20 % en deux ans, l’électricité de 70 % en cinq ans –, exclues des dispositifs d’aide destinés aux plus modestes, les classes moyennes ont vu leurs habitudes et leurs modes de consommation bouleversés, comme le raconte Elisabeth (elle a préféré garder l’anonymat), 56 ans, installée sur la côte varoise : « Depuis plusieurs années, j’ai pris l’habitude de compter chaque euro lors de mes courses, et je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule. Je vois aussi des hommes parcourir les rayons la calculette en main. Et ce n’est pas tout. Chaque dépense est planifiée, je ne peux plus partir en vacances, ni épargner. »

      Les « périurbains » et les ruraux ont été plus pénalisés que les autres. On comptait, au plus fort de la crise, trois points d’écart dans la hausse moyenne du coût de la vie entre eux et ceux vivant dans les centres-villes, selon l’OFCE. Certes, les loyers sont plus élevés dans les métropoles, mais les périurbains ou les ruraux sont bien plus tributaires de leur voiture au quotidien et dépensent davantage en chauffage pour leur logement, souvent une maison individuelle.

      Sous pression, les ménages ont du mal à boucler leurs fins de mois, une fois payées les charges fixes, l’électricité, le carburant, les assurances, et l’alimentation, et encore, en supprimant souvent les produits les plus coûteux. « Aujourd’hui, je ne vais plus au restaurant, à peine au cinéma, encore moins à l’opéra. Je voyage en rêve, je suis à découvert le 15 du mois, je paie mon garagiste en trois fois, et j’achète mes vêtements en seconde main », résume Anne, 50 ans, professeure certifiée à temps partiel et un enfant à charge.

      Des dettes impossibles à apurer

      Pour certains, la crise inflationniste s’est traduite par des dettes impossibles à apurer. « On voit arriver des gens qui n’auraient jamais passé notre porte avant, confirme Laetitia Vigneron, conseillère financière à l’Union des associations familiales (UDAF) du Cher. Des personnes qui travaillent, qui ont des crédits immobiliers ou des crédits voiture. » Entre janvier et mai, le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la Banque de France a augmenté de 6 % par rapport à 2023. « Le prix des courses a explosé. Les gens n’arrivent plus à s’en sortir. On voit des dossiers de surendettement constitués uniquement de dettes de charges courantes : loyers, assurances, électricité », renchérit Céline Rascagnères, également conseillère financière pour l’UDAF, dans l’Aude.
      Pour ces personnes ni riches ni pauvres, la dégringolade ne se fait pas ressentir uniquement dans le train de vie. Elle est aussi symbolique. « Dans ma tête, un prof faisait partie des classes moyennes supérieures, il pouvait s’offrir deux-trois restos mensuels, des voyages pour le plaisir, des loisirs pour se cultiver, une petite maison pour la retraite et de l’argent pour les enfants, explique Anne, la professeure. Je suis déclassée. » Un sentiment partagé par bon nombre de ses semblables.

      Audrey, une Parisienne de 44 ans, éducatrice spécialisée, gagne 2 100 euros par mois (salaire, prime et pension alimentaire), pour la faire vivre avec son fils : « Le déclassement social, je le vis de la façon suivante : un salaire insuffisant au regard de mes études et de mes responsabilités professionnelles ; le fait de ne pas avoir les moyens de scolariser mon fils dans le privé ; deux semaines de vacances seulement pour moi et une colonie de vacances, en partie financée par la ville, pour mon fils ; la perte de la valeur travail et l’absence d’ascenseur social. »

      Michel, un retraité de 69 ans, est en colère : déposé en février 2024, le dossier de retraite de son épouse, atteinte d’une maladie neurologique, est toujours à l’étude. « En attendant, nous sommes confrontés à des problèmes financiers et à des problèmes de santé, mais nous n’avons aucune aide, car l’on considère que l’on gagne trop ! A ce jour, nous ne faisons qu’un repas sur deux, en mangeant des pâtes et des œufs, et encore, pas toujours. Quel plaisir d’avoir cotisé cinquante-deux ans pour en arriver là ! »

      Précarité nouvelle

      Le sentiment de déclassement s’exprime aussi au travers du regard d’autrui. Installée à Nantes, Catherine, bac + 5, est chargée de communication indépendante, avec des revenus autour de 2 500 euros par mois, « sans aucune perspective de progression ». Elle travaille chez elle, réfléchit depuis deux ans à changer sa voiture sans pouvoir franchir le pas, et ses dernières vacances se résument à une semaine à l’été 2023 dans un village éloigné du Limousin. Mais c’est face à sa fille que la conscience de sa précarité nouvelle la taraude le plus. « L’autre jour, elle a voulu que je lui achète un pull à 90 euros, à la mode chez ses copines. J’ai dit non. Elle s’est exclamée : “Mais, maman, on est pauvres ?” »

      Anne, Audrey et Catherine incarnent la fragilisation financière des familles monoparentales, essentiellement des mères célibataires. Un tiers des pensions alimentaires reste impayé, et le taux de pauvreté dans leurs rangs atteint 32,3 %, contre 14,5 % pour l’ensemble de la population, selon des données de la Caisse d’allocations familiales ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques. Faut-il y voir un lien ? Parallèlement, le vote RN a progressé de manière spectaculaire chez les femmes : dix points entre 2019 et 2024, contre trois seulement chez les hommes, indique Ipsos. « Tenant à distance l’héritage viriliste et sexiste de son père, Marine Le Pen se présente comme une femme moderne, mère de famille, divorcée, travaillant, affichant sa “sensibilité à la cause féminine” », rappelait la philosophe Camille Froidevaux-Metterie dans une tribune du Monde du 13 juin.

      Le sentiment de déclassement se voit parfois dans le regard des enfants, mais se mesure toujours par rapport à la génération précédente. « Moins bien que mes parents », déplore Tim, ingénieur dans la fonction publique, quand il parle de l’appartement de 68 mètres carrés qu’il a « difficilement » pu acquérir à Grenoble avec le fruit de son travail. Et il craint que sa propre descendance ne vive la même mésaventure. « Malgré une vie peu dépensière, je peine à épargner et à financer pour mes enfants des études équivalentes à celles que j’ai pu suivre, enchaîne-t-il. En somme, je vis moins bien que mes parents, et la dynamique est à la dégradation. »

      « L’absence de perspectives, la difficulté de dessiner une trajectoire ascendante » font partie des désillusions des classes moyennes, souligne Nicolas Duvoux, sociologue à l’université Paris-VII, qui évoque l’érosion des « possibilités de vie ». Une érosion qui va en s’accentuant, s’inquiète le chercheur. « La précarité sur le marché du travail est devenue la norme, explique-t-il, particulièrement pour les jeunes. Or, la précarité dans l’emploi se traduit par l’impossibilité de construire sa vie de manière durable. Cela ronge le corps social. »

      En vain

      Confrontés à cette précarisation, les jeunes se sentent en outre comme rejetés des villes où ils ont parfois grandi, et souhaiteraient vivre. A 35 ans, Antoine, Bordelais, salarié dans l’associatif, voudrait acheter un 40 mètres carrés dans sa ville : « Impensable avec un smic seul. » Parisiens, Patrick et son épouse, deux enfants, cherchent à s’agrandir. En vain. « Impossible pour nous, couple d’ingénieurs, d’avoir plus de trois pièces. Même les logements sociaux auxquels nous avons droit sont au-dessus de notre budget. Nous voilà moins bien lotis qu’un ouvrier des années 1960 », tranche l’homme de 35 ans. Le problème est encore aggravé dans les régions très touristiques, où les résidences secondaires et autres meublés assèchent le marché pour les locaux, contraints d’aller habiter loin de leur travail – et d’avoir une voiture, qui plombe définitivement le budget.

      Au fond, les classes moyennes « ont une vision ternaire de la société, décrypte le politologue Jérôme Fourquet : « Pour eux, il y a en bas les plus pauvres, les assistés, et au-dessus les riches qui se gavent. Ils ont le sentiment d’être trop riches pour être aidés, trop pauvres pour s’en sortir, et d’être taxés pour financer un modèle social auquel ils n’ont plus accès. Le pacte social implicite, qui est de payer ses impôts mais, en retour, d’en avoir pour son argent, est rompu. »

      Or la gauche, elle, oppose aujourd’hui une vision « binaire », estime M. Fourquet, qui repose sur l’idée du peuple contre les élites – un schéma dans lequel les catégories intermédiaires ne se retrouvent pas : « Le RN, en faisant par exemple de la #voiture un thème politique, a réussi à créer une proximité avec les classes moyennes, qui se sentent enfin prises en compte. »

    • https://www.youtube.com/watch?v=93arJxoN0js&t=80s

      Ti conosco troppo poco
      questa è solo per te
      vorrei dirti che è sbagliato
      ma ogni volta sento che
      la nottata è troppo torva
      le risorse inconsistenti
      la violenza è ad ogni curva
      e alla fine dei conti
      la paura vince sempre

      Non sarei quello che speri
      Non sarei quello che vuoi

      Non sarei il tuo sostegno
      non risponderei al bisogno
      non potrei darti la calma
      come deve fare mamma
      Non sarei la tua colonna
      il supporto che ti spetta
      perché io sono imperfetta
      perché io vacillo ancora
      la paura mi divora
      Non sarei quello che cerchi
      Non sarei quello che vuoi

      Ho paura di sbagliare
      ho paura di impazzire
      di impedirti di volare
      di non darti da mangiare
      di dimenticare tutto
      di lavarti di abbracciarti
      di cambiare le lenzuola
      di lasciarti la merenda
      di dimenticarti a scuola

      Non sarei quello che speri
      Non sarei quello che vuoi

      Ho paura di punirti
      e poi di voler lasciarti
      perché lo ha detto che
      io dovrei per forza amarti
      tutto questo mi impedisce
      mi trattiene mi allontana
      ed ormai è poco il tempo
      che a me è stato donato
      e tu non sei mai esistito

      Non sarei quello che speri
      Non sarei quello che vuoi

      #maternité #choix #peur #berceuse #chanson #musique

  • Je suis au pays avec ma mère

    C’est dans le cadre d’une psychothérapie qu’Irene de Santa Ana a rencontré Cédric ; Cédric, jeune requérant, sort de plusieurs mois d’#errance, dormant dans des parcs après avoir essuyé un premier refus à sa demande d’asile. Le statut de « débouté » prive Cédric de bien des droits accordés aux êtres humains, et le plonge dans d’épaisses limbes administratives, mais également existentielles. Au pays, plus rien ne l’attend ; en Suisse, l’espoir de pouvoir rester est plus que ténu. De cette psychothérapie, Irene de Santa Ana va faire un article, et c’est de cet article qu’Isabelle Pralong s’est emparée pour Je suis au pays avec ma mère. Isabelle Pralong s’est intéressée plus particulièrement aux rêves de Cédric, qu’elle met ainsi en image. Le texte de l’article, complètement repensé et réécrit par Irene de Santa Ana, vient ici introduire, commenter voire compléter les pages dessinées. Eminemment métaphorique, porteuse de sens, cette matière onirique rend compte à sa façon de l’état psychologique dans lequel doit évoluer et (sur)vivre Cédric, la complexité de son ressenti, de ses sentiments. Livre singulier dans une bibliographie singulière, Je suis au pays avec ma mère s’immisce dans des territoires politiques et sociaux sans une once de misérabilisme, et tente d’aborder autrement une question de société toujours irrésolue.

    https://atrabile.org/catalogue/livres/je-suis-au-pays-avec-ma-mere

    #Suisse #asile #déboutés #traumatisme #identité #disparition #clandestinité #peur #insoumission #désobéissance #clandestinisation #SDF #sans-abris
    #BD #bande_dessinée #livre

  • #Lo_stupro: il monologo di #Franca_Rame violentata da un commando di neofascisti nel 1973

    Franca Rame venne sequestrata il 9 marzo 1973. All’epoca molto impegnata insieme al marito, Dario Fo, non solo nell’attività teatrale, ma anche in favore dei carcerati e in particolare dei detenuti di estrema sinistra, venne quel giorno, in Via Nirone a Milano, fatta salire a forza su un furgone, sottoposta a violenza carnale e successivamente abbandonata in un parco.

    https://www.youtube.com/watch?v=8XsAScSWLog


    #viol #monologue #violences_sexuelles #kidnapping #viol_de_groupe #fascistes #témoignage #peur #théâtre #cigarettes #humiliation #extrême_droite #Italie

  • Statement of the Board of the German Association of Social and Cultural Anthropology (GASCA) on Academic Freedom in Germany

    As the Executive Board of the German Society of Social and Cultural Anthropology (GASCA), we would like to voice our grave concern over the fact that researchers working in Germany are finding their fundamental rights to academic freedom and freedom of expression increasingly restricted. Both, research and international academic exchange are at risk of being impaired if renowned researchers who work internationally and who come to Germany with different political commitments and persuasions are told that they cannot freely pursue their work or make public statements in Germany.

    We emphasize the absolute necessity of combating antisemitism, racism and islamophobia in Germany and worldwide. However, this cannot be achieved through the surveillance of academics, their academic work or statements they make as private persons, as has now been brought to our attention in several cases from Germany, Austria and Switzerland. We are concerned to see how academics, in particular those who come to Germany from contexts where political discussions are held differently, and/or those who are precariously employed, have to fear for their reputation or feel restricted in their freedom of expression when they comment on the Israel/Palestine conflict. Disputes over the Israel/Palestine conflict cannot be understood exclusively by means of theories of critiques of antisemitism. It is necessary and legitimate to take into account the historical, political, religious, cultural, economic, ethnic and nationalist dimensions of the conflict. The marginalization of academics who exercise their academic freedom and freedom of opinion as enshrined in German Basic Law must not become the vehicle through which debates are shaped in this country; on the contrary, these acts of marginalization prevent necessary debates.

    The terror, war and destruction in Israel/Palestine and the immeasurable suffering on all sides has provoked an intensification of political positioning and polarized public debate. This is particularly true of debates on social media platforms such as Facebook and X (formerly known as Twitter). These intensifications can become problematic if they reduce complex discussions to a few characters and are instrumentalized for simplistic, often tendentious attacks. We are seeing our public sphere shaped by reductionist judgements of socially complex conflict dynamics and indiscriminate accusations of antisemitism that lead increasingly to the breakdown of conversations. This is why we insist that one of the core tasks of universities, research institutes and cultural institutions must be to maintain spaces for difficult discussions in highly polarized social moments. Linked to these tasks is the responsibility to take a stand against all forms of antisemitism, racism and islamophobia, all of which destroy the foundations of democratic coexistence and cooperation. If universities and research institutions do not succeed in cultivating spaces for discussion, including also discussions where we might disagree with each other, and if they cannot counter hasty condemnations with open debates, they contribute to destroying trust in democratic publics and play right into the hands of extremist populism.

    We are deeply concerned over the attacks that renowned and internationally respected intellectuals such as Masha Gessen and Ghassan Hage are facing in Germany. As social and cultural anthropologists in Germany, we are convinced that debates in academic and civil society circles need to renew their commitment to discussion, dissent, and cooperation across difference in order to enable constant shifts in perspective and to challenge epistemic and political certainties. We urge universities and research institutions to commit themselves to building and maintaining spaces for discussion and encounter, which welcome plurality and contradiction. Only in such spaces can variously positioned, carefully reasoned and empirically founded perspectives be developed and mutually criticised, in order for us to learn from each other.

    https://www.dgska.de/stellungnahme-des-vorstands-zur-wissenschaftsfreiheit-in-deutschland
    #liberté_d'expression #Allemagne #liberté_académique #libertés_académiques #recherche #université #Autriche #Suisse #Israël #Palestine #peur #réputation #marginalisation #réseaux_sociaux #Masha_Gessen #Ghassan_Hage

  • En Serbie, rendre invisibles les exilés

    La Serbie est le dernier pays non-membre de l’Union européenne de la route des Balkans. Traversée depuis des siècles, elle l’est aujourd’hui encore par de nombreux étrangers venus de Syrie, d’Afghanistan, de Turquie, même du Maroc… Car la Serbie reste le dernier rempart de la forteresse Europe. Ce petit pays de presque 7 millions d’habitants, entouré de huit frontières dont quatre avec l’Union européenne, applique une politique migratoire orchestrée par celle-ci.

    En effet, la Serbie demande son adhésion depuis plus de dix ans.

    Depuis le mois de décembre, après un contexte politique tendu, ce pays de transit tente de rendre invisibles les exilés, déjà soumis aux passeurs et aux lois en matière d’asile et d’immigration. En plein cœur de l’hiver, reportage entre Belgrade et la frontière croate de l’Europe.

    https://www.rfi.fr/fr/podcasts/grand-reportage/20240219-en-serbie-rendre-invisibles-les-exil%C3%A9s

    #emprisonnement #Serbie #asile #migrations #réfugiés #Belgrade #route_des_Balkans #Balkans #squat #opération_policière #peur #sécurité #insécurité #Sid #Šid #frontières #Croatie #transit #invisibilisation #Frontex #passeurs #frontières_extérieures #externalisation #visas #camps #solidarité #camps_de_réfugiés #refoulements #push-backs #migration_circulaire #game #the_game
    #audio #podcast

  • #Lina_Soualem et #Hiam_Abbass : « Faire exister l’humanité du peuple palestinien »

    Après Leur Algérie, explorant la branche familiale paternelle, la réalisatrice Lina Soualem poursuit l’introspection du double exil qu’elle porte : l’Algérie mais aussi la Palestine. Bye bye Tibériade, son second documentaire, sort en salles mercredi 21 février. Bouleversant de tristesse mais aussi de joie, il raconte comment la lignée de femmes de sa famille maternelle, dont sa mère l’actrice Hiam Abbass, a été percutée par les violences de l’histoire.

    À travers elles, c’est l’histoire du peuple palestinien qui se déploie sur plusieurs décennies, un peuple qui subit une injustice historique et qui est revenu au cœur de l’actualité de la plus sanglante des manières. La sortie de Bye Bye Tibériade survient en pleine guerre à Gaza, où Israël mène, depuis le 7 octobre 2023 et les massacres du Hamas qui ont fait 1 160 morts, une riposte militaire. Celle-ci a tué plus de 29 000 personnes, dont 70 % sont des femmes et des enfants, dans l’enclave palestinienne.

    En explorant les douleurs de la mémoire familiale et collective à travers le prisme des femmes, Lina Soualem questionne aussi admirablement l’universel qui nous percute et nous rassemble : l’amour, l’exil, la famille, la terre, les racines.

    https://www.youtube.com/watch?v=9vsnwCDc1Ww

    #film #Palestine #cinéma #documentaire #film_documentaire #dépossession #héroïsme #arrachement #exil #identité #droit_à_la_complexité #culture #nakba #intimité #négation #histoire_familiale #parcours_de_vie #silence #art #récits_de_vie #mémoire_collective #peur_de_la_perte #maison #douleurs_du_passé #transmission #force_féminine #vie #humour #liberté #rupture #exil_forcé #patriarcat #poésie

  • Pour l’#agriculture_palestinienne, ce qui se passe depuis le 7 octobre est « un #désastre »

    À #Gaza sous les bombes comme en #Cisjordanie occupée, l’#eau est devenue un enjeu crucial, et le conflit met en évidence une #injustice majeure dans l’accès à cette ressource vitale. Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS.

    Des cultures gâchées, une population gazaouie sans eau potable… Et en toile de fond de la guerre à Gaza, une extrême dépendance des territoires palestiniens à l’eau fournie par #Israël. L’inégal accès à la ressource hydrique au Proche-Orient est aussi une histoire d’emprise sur les #ressources_naturelles.

    Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS, qui a fait sa thèse sur les enjeux politiques de l’eau dans les territoires palestiniens et a contribué à l’initiative de Genève, plan de paix alternatif pour le conflit israélo-palestinien signé en 2003, pour laquelle elle avait fait, avec son collègue David Brooks, une proposition de gestion de l’eau entre Israéliens et Palestiniens.

    Mediapart : L’#accès_à_l’eau est-il un enjeu dans le conflit qui oppose Israël au Hamas depuis le 7 octobre ?

    Julie Trottier : Oui, l’accès à l’eau est complètement entravé à Gaza aujourd’hui. En Cisjordanie, la problématique est différente, mais le secteur agricole y est important et se trouve mal en point.

    Il faut savoir que l’eau utilisée en Israël vient principalement du #dessalement d’eau de mer. C’est la société israélienne #Mekorot qui l’achemine, et elle alimente en principe la bande de Gaza en #eau_potable à travers trois points d’accès. Mais depuis le 7 octobre, deux d’entre eux ont été fermés, il n’y a plus qu’un point de livraison, au sud de la frontière est, à #Bani_Suhaila.

    Cependant, 90 % de l’eau consommée à Gaza était prélevée dans des #puits. Il y a des milliers de puits à Gaza, c’est une #eau_souterraine saumâtre et polluée, car elle est contaminée côté est par les composés chimiques issus des produits utilisés en agriculture, et infiltrée côté ouest par l’eau de mer.

    Comme l’#électricité a été coupée, cette eau ne peut plus être pompée ni désalinisée. En coupant l’électricité, Israël a supprimé l’accès à l’eau à une population civile. C’est d’une #violence extrême. On empêche 2,3 millions de personnes de boire et de cuisiner normalement, et de se laver.

    Les #stations_d’épuration ne fonctionnent plus non plus, et les #eaux_usées non traitées se répandent ; le risque d’épidémie est considérable.

    On parle moins de l’accès aux ressources vitales en Cisjordanie… Pourtant la situation s’aggrave également dans ces territoires.

    En effet. Le conflit a éclaté peu avant la saison de cueillette des #olives en Cisjordanie. Pour des raisons de sécurité, craignant de supposés mouvements de terroristes, de nombreux colons ont empêché des agriculteurs palestiniens d’aller récolter leurs fruits.

    La majorité des villages palestiniens se trouvent non loin d’une colonie. En raison des blocages sur les routes, les temps de trajet sont devenus extrêmement longs. Mais si l’on ne circule plus c’est aussi parce que la #peur domine. Des colons sont équipés de fusils automatiques, des témoignages ont fait état de menaces et de destruction d’arbres, de pillages de récoltes.

    Résultat : aujourd’hui, de nombreux agriculteurs palestiniens n’ont plus accès à leurs terres. Pour eux, c’est un désastre. Quand on ne peut pas aller sur sa terre, on ne peut plus récolter, on ne peut pas non plus faire fonctionner son système d’#irrigation.

    L’accès à l’eau n’est malheureusement pas un problème nouveau pour la Palestine.

    C’est vrai. En Cisjordanie, où l’eau utilisée en agriculture vient principalement des sources et des puits, des #colonies ont confisqué de nombreux accès depuis des années. Pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière...

    Avant la création d’Israël, sur ces terres, l’accès à chaque source, à chaque puits, reposait sur des règles héritées de l’histoire locale et du droit musulman. Il y avait des « #tours_d’eau » : on distribuait l’abondance en temps d’abondance, la pénurie en temps de pénurie, chaque famille avait un moment dans la journée pendant lequel elle pouvait se servir. Il y avait certes des inégalités, la famille descendant de celui qui avait aménagé le premier conduit d’eau avait en général plus de droits, mais ce système avait localement sa légitimité.

    À l’issue de la guerre de 1948-1949, plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs terres. Celles et ceux qui sont arrivés à ce qui correspond aujourd’hui à la Cisjordanie n’avaient plus que le « #droit_de_la_soif » : ils pouvaient se servir en cruches d’eau, mais pas pour irriguer les champs. Les #droits_d’irrigation appartenaient aux familles palestiniennes qui étaient déjà là, et ce fut accepté comme tel. Plus tard, les autorités jordaniennes ont progressivement enregistré les différents droits d’accès à l’eau. Mais ce ne sera fait que pour la partie nord de la Cisjordanie.

    À l’intérieur du nouvel État d’#Israël, en revanche, la population palestinienne partie, c’est l’État qui s’est mis à gérer l’ensemble de l’eau sur le territoire. Dans les années 1950 et 1960, il aménage la dérivation du #lac_de_Tibériade, ce qui contribuera à l’#assèchement de la #mer_Morte.

    En 1967, après la guerre des Six Jours, l’État hébreu impose que tout nouveau forage de puits en Cisjordanie soit soumis à un permis accordé par l’administration israélienne. Les permis seront dès lors attribués au compte-gouttes.

    Après la première Intifida, en 1987, les difficultés augmentent. Comme cela devient de plus en plus difficile pour la population palestinienne d’aller travailler en Israël, de nombreux travailleurs reviennent vers l’activité agricole, et les quotas associés aux puits ne correspondent plus à la demande.

    Par la suite, les #accords_d’Oslo, en 1995, découpent la Cisjordanie, qui est un massif montagneux, en trois zones de ruissellement selon un partage quantitatif correspondant aux quantités prélevées en 1992 – lesquelles n’ont plus rien à voir avec aujourd’hui. La répartition est faite comme si l’eau ne coulait pas, comme si cette ressource était un simple gâteau à découper. 80 % des eaux souterraines sont alors attribuées aux Israéliens, et seulement 20 % aux Palestiniens.

    L’accaparement des ressources s’est donc exacerbé à la faveur de la #colonisation. Au-delà de l’injustice causée aux populations paysannes, l’impact du changement climatique au Proche-Orient ne devrait-il pas imposer de fonctionner autrement, d’aller vers un meilleur partage de l’eau ?

    Si, tout à fait. Avec le #changement_climatique, on va droit dans le mur dans cette région du monde où la pluviométrie va probablement continuer à baisser dans les prochaines années.

    C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Israël a lancé le dessalement de l’eau de mer. Six stations de dessalement ont été construites. C’est le choix du #techno-solutionnisme, une perspective coûteuse en énergie. L’État hébreu a même créé une surcapacité de dessalement pour accompagner une politique démographique nataliste. Et pour rentabiliser, il cherche à vendre cette eau aux Palestiniens. De fait, l’Autorité palestinienne achète chaque année 59 % de l’eau distribuée par Mekorot. Elle a refusé toutefois une proposition d’exploitation d’une de ces usines de dessalement.

    Il faut le souligner : il y a dans les territoires palestiniens une #dépendance complète à l’égard d’Israël pour la ressource en eau.

    Quant à l’irrigation au goutte à goutte, telle qu’elle est pratiquée dans l’agriculture palestinienne, ce n’est pas non plus une solution d’avenir. Cela achemine toute l’eau vers les plantes cultivées, et transforme de ce fait le reste du sol en désert, alors qu’il faudrait un maximum de biodiversité sous nos pieds pour mieux entretenir la terre. Le secteur agricole est extrêmement consommateur d’eau : 70 à 80 % des #ressources_hydriques palestiniennes sont utilisées pour l’agriculture.

    Tout cela ne date pas du 7 octobre. Mais les événements font qu’on va vers le contraire de ce que l’on devrait faire pour préserver les écosystèmes et l’accès aux ressources. L’offensive à Gaza, outre qu’elle empêche l’accès aux #terres_agricoles le long du mur, va laisser des traces de #pollution très graves dans le sol… En plus de la tragédie humaine, il y a là une #catastrophe_environnementale.

    Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/pour-l-agriculture-palestinienne-ce-qui-se-passe-depuis-le-7-octobre-est-u

    #agriculture #Palestine

    • Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

  • "Le #populisme sordide de #Macron

    Pour justifier sa loi immigration, le #président de la #République en appelle soudainement aux sondages et aux « Français ». Piétinant des valeurs fondamentales, il surfe sur un invariant humain : la #peur de l’autre qui, dans sa version ultime, s’appelle le #racisme. (...)"



    #politique #France #confusion #déliquescence #démagogie #spéculation #langue_de_bois #double_langage #société #seenthis #vangauguin

    https://www.politis.fr/articles/2023/12/le-populisme-sordide-de-macron

  • Quei bambini chiusi in trappola a Gaza. Il racconto di #Ruba_Salih
    (une interview de Ruba Salih, prof à l’Université de Bologne, 5 jours après le #7_octobre_2023)

    «Mai come in queste ore a Gaza il senso di appartenere a una comune “umanita” si sta mostrando più vuoto di senso. La responsabilità di questo è del governo israeliano», dice Ruba Salih antropologa dell’università di Bologna che abbiamo intervistato mentre cresce la preoccupazione per la spirale di violenza che colpisce la popolazione civile palestinese e israeliana.

    Quali sono state le sue prime reazioni, sentimenti, pensieri di fronte all’attacco di Hamas e poi all’annuncio dell’assedio di Gaza messo in atto dal governo israeliano?

    Il 7 ottobre la prima reazione è stata di incredulità alla vista della recinzione metallica di Gaza sfondata, e alla vista dei palestinesi che volavano con i parapendii presagendo una sorta di fine dell’assedio. Ho avuto la sensazione di assistere a qualcosa che non aveva precedenti nella storia recente. Come era possibile che l’esercito più potente del mondo potesse essere sfidato e colto così alla sprovvista? In seguito, ho cominciato a chiamare amici e parenti, in Cisgiordania, Gaza, Stati Uniti, Giordania. Fino ad allora si aveva solo la notizia della cattura di un numero imprecisato di soldati israeliani. Ho pensato che fosse una tattica per fare uno scambio di prigionieri. Ci sono più di 5000 prigionieri palestinesi nelle carceri israeliane e 1200 in detenzione amministrativa, senza processo o accusa. Poi sono cominciate da domenica ad arrivare le notizie di uccisioni e morti di civili israeliani, a cui è seguito l’annuncio di ‘guerra totale’ del governo di Netanyahu. Da allora il sentimento è cambiato. Ora grande tristezza per la quantità di vittime, dell’una e dell’altra parte, e preoccupazione e angoscia senza precedenti per le sorti della popolazione civile di Gaza, che in queste ore sta vivendo le ore piu’ drammatiche che si possano ricordare.

    E quando ha visto quello che succedeva, con tantissime vittime israeliane, violenze terribili, immagini di distruzione, minacce di radere al suolo Gaza?

    Colleghi e amici israeliani hanno cominciato a postare immagini di amici e amiche uccisi – anche attivisti contro l’occupazione- e ho cominciato dolorosamente a mandare condoglianze. Contemporaneamente giungevano terribili parole del ministro della Difesa israeliano Gallant che definiva i palestinesi “animali umani”, dichiarando di voler annientare la striscia di Gaza e ridurla a “deserto”. Ho cominciato a chiamare amici di Gaza per sapere delle loro famiglie nella speranza che fossero ancora tutti vivi. Piano piano ho cominciato a cercare di mettere insieme i pezzi e dare una cornice di senso a quello che stava succedendo.

    Cosa può dirci di Gaza che già prima dell’attacco di Hamas era una prigione a cielo aperto?

    Si, Gaza è una prigione. A Gaza la maggior parte della popolazione è molto giovane, e in pochi hanno visto il mondo oltre il muro di recinzione. Due terzi della popolazione è composto da famiglie di rifugiati del 1948. Il loro vissuto è per lo più quello di una lunga storia di violenza coloniale e di un durissimo assedio negli ultimi 15 anni. Possiamo cercare di immaginare cosa significa vivere questo trauma che si protrae da generazioni. Gli abitanti di Gaza nati prima del 1948 vivevano in 247 villaggi nel sud della Palestina, il 50% del paese. Sono stati costretti a riparare in campi profughi a seguito della distruzione o occupazione dei loro villaggi. Ora vivono in un’area che rappresenta l’1.3% della Palestina storica con una densità di 7000 persone per chilometro quadrato e le loro terre originarie si trovano a pochi metri di là dal muro di assedio, abitate da israeliani.

    E oggi?

    Chi vive a Gaza si descrive come in una morte lenta, in una privazione del presente e della capacità di immaginare il futuro. Il 90% dell’acqua non è potabile, il 60% della popolazione è senza lavoro, l’80% riceve aiuti umanitari per sopravvivere e il 40% vive al di sotto della soglia di povertà: tutto questo a causa dell’ occupazione e dell’assedio degli ultimi 15 anni. Non c’è quasi famiglia che non abbia avuto vittime, i bombardamenti hanno raso al suolo interi quartieri della striscia almeno quattro volte nel giro di una decina di anni. Non credo ci sia una situazione analoga in nessun altro posto del mondo. Una situazione che sarebbe risolta se Israele rispettasse il diritto internazionale, né più né meno.

    Prima di questa escalation di violenza c’era voglia di reagire, di vivere, di creare, di fare musica...

    Certo, anche in condizioni di privazione della liberta’ c’e’ una straordinaria capacità di sopravvivenza, creatività, amore per la propria gente. Tra l’altro ricordo di avere letto nei diari di Marek Edelman sul Ghetto di Varsavia che durante l’assedio del Ghetto ci si innamorava intensamente come antidoto alla disperazione. A questo proposito, consilgio a tutti di leggere The Ghetto Fights di Edelman. Aiuta molto a capire cosa è Gaza in questo momento, senza trascurare gli ovvi distinguo storici.

    Puoi spiegarci meglio?

    Come sapete il ghetto era chiuso al mondo esterno, il cibo entrava in quantità ridottissime e la morte per fame era la fine di molti. Oggi lo scenario di Gaza, mentre parliamo, è che non c’è elettricità, il cibo sta per finire, centinaia di malati e neonati attaccati alle macchine mediche hanno forse qualche ora di sopravvivenza. Il governo israeliano sta bombardando interi palazzi, le vittime sono per più della metà bambini. In queste ultime ore la popolazione si trova a dovere decidere se morire sotto le bombe in casa o sotto le bombe in strada, dato che il governo israeliano ha intimato a un milione e centomila abitanti di andarsene. Andare dove? E come nel ghetto la popolazione di Gaza è definita criminale e terrorista.

    Anche Franz Fanon, lei suggerisce, aiuta a capire cosa è Gaza.

    Certamente, come ho scritto recentemente, Fanon ci viene in aiuto con la forza della sua analisi della ferita della violenza coloniale come menomazione psichica oltre che fisica, e come privazione della dimensione di interezza del soggetto umano libero, che si manifesta come un trauma, anche intergenerazionale. La violenza prolungata penetra nelle menti e nei corpi, crea una sospensione delle cornici di senso e delle sensibilità che sono prerogativa di chi vive in contesti di pace e benessere. Immaginiamoci ora un luogo, come Gaza, dove come un rapporto di Save the Children ha riportato, come conseguenza di 15 anni di assedio e blocco, 4 bambini su 5 riportano un vissuto di depressione, paura e lutto. Il rapporto ci dice che vi è stato un aumento vertiginoso di bambini che pensano al suicidio (il 50%) o che praticano forme di autolesionismo. Tuttavia, tutto questo e’ ieri. Domani non so come ci sveglieremo, noi che abbiamo il privilegio di poterci risvegliare, da questo incubo. Cosa resterà della popolazione civile di Gaza, donne, uomini bambini.

    Come legge il sostegno incondizionato al governo israeliano di cui sono pieni i giornali occidentali e dell’invio di armi ( in primis dagli Usa), in un’ottica di vittoria sconfitta che abbiamo già visto all’opera per la guerra Russia-Ucraina?

    A Gaza si sta consumando un crimine contro l’umanità di dimensioni e proporzioni enormi mentre i media continuano a gettare benzina sul fuoco pubblicando notizie in prima pagina di decapitazioni e stupri, peraltro non confermate neanche dallo stesso esercito israeliano. Tuttavia, non utilizzerei definizioni statiche e omogeneizzanti come quelle di ‘Occidente’ che in realtà appiattiscono i movimenti e le società civili sulle politiche dei governi, che in questo periodo sono per lo più a destra, nazionalisti xenofobi e populisti. Non è sempre stato così.

    Va distinto il livello istituzionale, dei governi e dei partiti o dei media mainstream, da quello delle società civili e dei movimenti sociali?

    Ci sono una miriade di manifestazioni di solidarietà ovunque nel mondo, che a fianco del lutto per le vittime civili sia israeliane che palestinesi, non smettono di invocare la fine della occupazione, come unica via per ristabilire qualcosa che si possa chiamare diritto (e diritti umani) in Palestina e Israele. Gli stessi media mainstream sono in diversi contesti molto più indipendenti che non in Italia. Per esempio, Bcc non ha accettato di piegarsi alle pressioni del governo rivendicando la sua indipendenza rifiutandosi di usare la parola ‘terrorismo’, considerata di parte, preferendo riferirsi a quei palestinesi che hanno sferrato gli attacchi come ‘combattenti’. Se sono stati commessi crimini contro l’umanità parti lo stabiliranno poi le inchieste dei tribunali penali internazionali. In Italia, la complicità dei media è invece particolarmente grave e allarmante. Alcune delle (rare) voci critiche verso la politica del governo israeliano che per esempio esistono perfino sulla stampa liberal israeliana, come Haaretz, sarebbero in Italia accusate di anti-semitismo o incitamento al terrorismo! Ci tengo a sottolineare tuttavia che il fatto che ci sia un certo grado di libertà di pensiero e di stampa in Israele non significa che Israele sia una ‘democrazia’ o perlomeno non lo è certo nei confronti della popolazione palestinese. Che Israele pratichi un regime di apartheid nei confronti dei palestinesi è ormai riconosciuto da organizzazioni come Amnesty International e Human Rights Watch, nonché sottolineato a più riprese dalla Relatrice speciale delle Nazioni Unite sui territori palestinesi occupati, Francesca Albanese.

    Dunque non è una novità degli ultimi giorni che venga interamente sposata la retorica israeliana?

    Ma non è una novità degli ultimi giorni che venga interamente sposata la narrativa israeliana. Sono anni che i palestinesi sono disumanizzati, resi invisibili e travisati. Il paradosso è che mentre Israele sta violando il diritto e le convenzioni internazionali e agisce in totale impunità da decenni, tutte le forme di resistenza: non violente, civili, dimostrative, simboliche, legali dei palestinesi fino a questo momento sono state inascoltate, anzi la situazione sul terreno è sempre più invivibile. Persino organizzazioni che mappano la violazione dei diritti umani sono demonizzate e catalogate come ‘terroristiche’. Anche le indagini e le commissioni per valutare le violazioni delle regole di ingaggio dell’esercito sono condotte internamente col risultato che divengono solo esercizi procedurali vuoti di sostanza (come per l’assassinio della reporter Shereen AbuHakleh, rimasto impunito come quello degli altri 55 giornalisti uccisi dall’esercito israeliano). Ci dobbiamo seriamente domandare: che cosa rimane del senso vero delle parole e del diritto internazionale?

    Il discorso pubblico è intriso di militarismo, di richiami alla guerra, all’arruolamento…

    Personalmente non metterei sullo stesso piano la resistenza di un popolo colonizzato con il militarismo come progetto nazionalistico di espansione e profitto. Possiamo avere diversi orientamenti e non condividere le stesse strategie o tattiche ma la lotta anticoloniale non è la stessa cosa del militarismo legato a fini di affermazione di supremazia e dominio di altri popoli. Quella dei palestinesi è una lotta che si inscrive nella scia delle lotte di liberazione coloniali, non di espansione militare. La lotta palestinese si collega oggi alle lotte di giustizia razziale e di riconoscimento dei nativi americani e degli afro-americani contro società che oggi si definiscono liberali ma che sono nate da genocidi, schiavitù e oppressione razziale. Le faccio un esempio significativo: la prima bambina Lakota nata a Standing Rock durante le lunghe proteste contro la costruzione degli olelodotti in North Dakota, che stanno espropriando e distruggendo i terre dei nativi e inquinando le acque del Missouri, era avvolta nella Kuffyah palestinese. Peraltro, il nazionalismo non è più il solo quadro di riferimento. In Palestina si lotta per la propria casa, per la propria terra, per la liberazione dalla sopraffazione dell’occupazione, dalla prigionia, per l’autodeterminazione che per molti è immaginata o orientata verso la forma di uno stato laico binazionale, almeno fino agli eventi recenti. Domani non so come emergeremo da tutto questo.

    Emerge di nuovo questa cultura patriarcale della guerra, a cui come femministe ci siamo sempre opposte…

    Con i distinguo che ho appena fatto e che ribadisco – ossia che non si può mettere sullo stesso piano occupanti e occupati, colonialismo e anticolonialismo -mi sento comunque di dire che una mobilitazione trasversale che aneli alla fine della occupazione deve essere possibile. Nel passato, il movimento femminista internazionalista tentava di costruire ponti tra donne palestinesi e israeliane mobilitando il lutto di madri, sorelle e figlie delle vittime della violenza. Si pensava che questo fosse un legame primario che univa nella sofferenza, attraversando le differenze. Ci si appellava alla capacità delle donne di politicizzare la vulnerabilità, convinte che nella morte e nel lutto si fosse tutte uguali. La realtà è che la disumanizzazione dei palestinesi, rafforzata dalla continua e sempre più violenta repressione israeliana, rende impossibile il superamento delle divisioni in nome di una comune umanità. Mentre i morti israeliani vengono pubblicamente compianti e sono degni di lutto per il mondo intero, i palestinesi – definiti ‘terroristi’ (anche quando hanno praticato forme non-violente di resistenza), scudi-umani, animali (e non da oggi), sono già morti -privati della qualità di umani- prima ancora di morire, e inscritti in una diversa classe di vulnerabilità, di non essenza, di disumanità.

    Antropologa dell’università di Bologna Ruba Salih si interessa di antropologia politica con particolare attenzione a migrazioni e diaspore postcoloniali, rifugiati, violenza e trauma coloniale, genere corpo e memoria. Più recentemente si è occupata di decolonizzazione del sapere e Antropocene e di politiche di intersezionalità nei movimenti di protesta anti e de-coloniali. Ha ricoperto vari ruoli istituzionali tra cui membro eletto del Board of Trustees del Arab Council for the Social Sciences, dal 2015 al 2019. È stata visiting professor presso varie istituzioni tra cui Brown University, University of Cambridge e Università di Venezia, Ca’ Foscari.

    https://left.it/2023/10/12/quei-bambini-chiusi-in-trappola-a-gaza-il-racconto-di-ruba-salih

    #Gaza #Israël #Hamas #violence #prison #Palestine #violence_coloniale #siège #trauma #traumatisme #camps_de_réfugiés #réfugiés #réfugiés_palestiniens #pauvreté #bombardements #violence #dépression #peur #santé_mentale #suicide #crime_contre_l'humanité #apartheid #déshumanisation #résistance #droit_international #lutte #nationalisme #féminisme #à_lire #7_octobre_2023

    • Gaza between colonial trauma and genocide

      In the hours following the attack of Palestinian fighters in the south of Israel Western observers, bewildered, speculated about why Hamas and the young Palestinians of Gaza, born and bred under siege and bombs, have launched an attack of this magnitude, and right now. Others expressed their surprise at the surprise.

      The Israeli government responded by declaring “total war”, promising the pulverization of Gaza and demanding the inhabitants to leave the strip, knowing that there is no escape. Mobilising even the Holocaust and comparing the fighters to the Nazis, the Israeli government engaged in an operation that they claim is aimed at the destruction of Hamas.

      In fact, as I am writing, Gaza is being razed to the ground with an unbearable number of Palestinian deaths which gets larger by the hour, with people fleeing under Israeli bombs, water, electricity and fuel being cut, hospitals – receiving one patient a minute – on the brink of catastrophe, and humanitarian convoys prevented from entering the strip.

      An ethnic cleansing of Palestinians in Gaza is taking place with many legal observers claiming this level of violence amounts to a genocide.

      But what has happened – shocking and terrible in terms of the number of victims – including children and the elderly – creates not only a new political scenario, but above all it also imposes a new frame of meaning.

      Especially since the Oslo accords onwards, the emotional and interpretative filter applying to the “conflict” has been the asymmetrical valuing of one life over the other which in turn rested on an expectation of acquiescence and acceptance of the Palestinians’ subalternity as a colonised people. This framing has been shattered.

      The day of the attack, millions of Palestinians inside and outside the occupied territories found themselves in a trance-like state – with an undeniable initial euphoria from seeing the prison wall of Gaza being dismantled for the first time. They were wondering whether what they had before their eyes was delirium or reality. How was it possible that the Palestinians from Gaza, confined in a few suffocating square kilometres, repeatedly reduced to rubble, managed to evade the most powerful and technologically sophisticated army in the world, using only rudimentary equipment – bicycles with wings and hang-gliders? They could scarcely believe they were witnessing a reversal of the experience of violence, accustomed as they are to Palestinian casualties piling up relentlessly under Israeli bombardments, machine gun fire and control apparatus.

      Indeed, that Israel “declared war” after the attack illustrates this: to declare war assumes that before there was “peace”. To be sure, the inhabitants of Sderot and southern Israel would like to continue to live in peace. For the inhabitants of Gaza, on the other hand, peace is an abstract concept, something they have never experienced. For the inhabitants of the strip, as well as under international law, Gaza is an occupied territory whose population – two million and three hundred thousand people, of which two thirds are refugees from 1948 – lives (or to use their own words: “die slowly”) inside a prison. Control over the entry and exit of people, food, medicine, materials, electricity and telecommunications, sea, land and air borders, is in Israeli hands. International law, correctly invoked to defend the Ukrainian people and to sanction the Russian occupier, is a wastepaper for Israel, which enjoys an impunity granted to no other state that operates in such violation of UN resolutions, even disregarding agreements they themselves signed, never mind international norms and conventions.

      This scaffolding has crucially rested on the certainty that Palestinians cannot and should not react to their condition, not only and not so much because of their obvious military inferiority, but in the warped belief that Palestinian subjectivity must and can accept remaining colonised and occupied, to all intents and purposes, indefinitely. The asymmetry of strength on the ground led to an unspoken – but devastatingly consequential – presumption that Palestinians would accept to be confined to a space of inferiority in the hierarchy of human life.

      In this sense, what is happening these days cannot be understood and analysed with the tools of those who live in “peace”, but must be understood (insofar as this is even possible for those who do not live in Gaza or the occupied Palestinian territories) from a space defined by the effects of colonial violence and trauma. It is to Franz Fanon that we owe much of what we know about colonial violence – especially that it acts as both a physical and psychic injury. A psychiatrist from Martinique who joined the liberation struggle for independence in Algeria under French colonial rule, he wrote at length about how the immensity and duration of the destruction inflicted upon colonised subjects results in a wide and deep process of de-humanisation which, at such a profound level, also compromises the ability of the colonised to feel whole and to fully be themselves, humans among humans. In this state of physical and psychic injury, resistance is the colonised subject’s only possibility of repair. This has been the case historically in all contexts of liberation from colonial rule, a lineage to which the Palestinian struggle belongs.

      It is in this light that the long-lasting Palestinian resistance of the last 75 years should be seen, and this is also the key to understanding the unprecedented events of the last few days. These are the result, as many observers – including Israeli ones – have noted, of the failure of the many forms of peaceful resistance that the Palestinians have managed to pursue, despite the occupation, and which they continue to put into play: the hunger strikes of prisoners under “administrative detention”; the civil resistance of villagers such as Bil’in or Sheikh Jarrah who are squeezed between the separation wall, the expropriation of land and homes, and suffocated by the increasingly aggressive and unstoppable expansion of settlements; the efforts to protect the natural environment and indigenous Palestinian culture, including the centuries-old olive trees so often burnt and vandalised by settlers; the Palestinian civil society organisations that map and report human rights violations – which make them, for Israel, terrorist organisations; the struggle for cultural and political memory; the endurance of refugees in refugee camps awaiting implementation of their human rights supported by UN resolutions, as well as reparation and recognition of their long term suffering; and, further back in time, the stones hurled in resistance during the first Intifada, when young people with slingshots threw those same stones with which Israeli soldiers broke their bones and lives, back to them.

      Recall that, in Gaza, those who are not yet twenty years old, who make up about half the population, have already survived at least four bombing campaigns, in 2008-9, in 2012, in 2014, and again in 2022. These alone caused more than 4000 deaths.

      And it is again in Gaza that the Israeli tactic has been perfected of firing on protesters during peaceful protests, such as those in 2018, to maim the bodies – a cynical necropolitical calculation of random distribution between maimed and dead. It is not surprising, then, that in post-colonial literature – from Kateb Yacine to Yamina Mechakra, just to give two examples – the traumas of colonial violence are narrated as presence and absence, in protagonists’ dreams and nightmares, of amputated bodies. This is a metaphor for a simultaneously psychic and physical maiming of the colonised identity, that continues over time, from generation to generation.

      Despite their predicament as colonised for decades and their protracted collective trauma, Palestinians inside and outside of Palestine have however shown an incredible capacity for love, grief and solidarity over time and space, of which we have infinite examples in day-to-day practices of care and connectedness, in the literature, in the arts and culture, and through their international presence in other oppressed peoples’ struggles, such as Black Lives Matter and Native American Dakota protestors camps, or again in places such as the Moria camp in Greece.

      The brutality of a 16 years long siege in Gaza, and the decades of occupation, imprisonment, humiliation, everyday violence, death, grief – which as we write happen at an unprecedented genocidal intensity, but are in no way a new occurrence – have not however robbed people of Gaza, as individuals, of their ability to share in the grief and fear of others.

      “Striving to stay human” is what Palestinians have been doing and continue to do even as they are forced to make inhumane choices such as deciding who to rescue from under the rubbles based on who has more possibility to survive, as recounted by journalist Ahmed Dremly from Gaza during his brief and precious dispatches from the strip under the heavy shelling. This colonial violence will continue to produce traumatic effects in the generations of survivors. Yet, it has to be made clear that as the occupied people, Palestinians cannot be expected to bear the pain of the occupier. Equal standing and rights in life are the necessary preconditions for collective shared grief of death.

      Mahmoud Darwish wrote, in one of his essays on the “madness” of being Palestinian, written after the massacre of Sabra and Shatila in 1982, that the Palestinian “…is encumbered by the relentless march of death and is busy defending what remains of his flesh and his dream…his back is against the wall, but his eyes remain fixed on his country. He can no longer scream. He can no longer understand the reason behind Arab silence and Western apathy. He can do only one thing, to become even more Palestinian… because he has no other choice”.

      The only antidote to the spiral of violence is an end to the occupation and siege, and for Israel to fully comply with international law and to the UN resolutions, as a first and non-negotiable step. From there we can begin to imagine a future of peace and humanity for both Palestinians and Israelis.

      https://untoldmag.org/gaza-between-colonial-trauma-and-genocide
      #colonialisme #traumatisme_colonial #génocide

    • Can the Palestinian speak ?

      It is sadly nothing new to argue that oppressed and colonised people have been and are subject to epistemic violence – othering, silencing, and selective visibility – in which they are muted or made to appear or speak only within certain perceptual views or registers – terrorists, protestors, murderers, humanitarian subjects – but absented from their most human qualities. Fabricated disappearance and dehumanisation of Palestinians have supported and continue to sustain their physical elimination and their erasure as a people.

      But the weeks after October 7th have set a new bar in terms of the inverted and perverse ways that Palestinians and Israel can be represented, discussed, and interpreted. I am referring here to a new epistemology of time that is tight to a moral standpoint that the world is asked to uphold. In that, the acts of contextualising and providing historical depth are framed as morally reprehensible or straight out antisemitic. The idea that the 7th of October marks the beginning of unprecedented violence universalises the experience of one side, the Israeli, while obliterating the past decades of Palestinians’ predicament. More than ever, Palestinians are visible, legible, and audible only through the frames of Israeli subjectivity and sensibility. They exist either to protect Israel or to destroy Israel. Outside these two assigned agencies, they are not, and cannot speak. They are an excess of agency like Spivak’s subaltern,[1] or a ‘superfluous’ people as Mahmoud Darwish[2] put it in the aftermath of the Sabra and Chatila massacre. What is more is the persistent denying by Israel and its Western allies, despite the abundant historical evidence, that Palestinian indigenous presence in Palestine has always been at best absented from their gaze – ‘a problem’ to manage and contain – at worse the object of systemic and persistent ethnic cleansing and erasure aiming at fulfilling the narcissistic image of “a land without a people for a people without a land.” Yet, the erasure of Palestinians, also today in Gaza, is effected and claimed while simultaneously being denied.

      A quick check of the word “Palestine” on google scholar returns one million and three hundred thousand studies, nearly half of them written from the mid 1990s onwards. Even granting that much of this scholarship would be situated in and reproducing orientalist and colonial knowledges, one can hardly claim scarcity of scholarly production on the dynamics of subalternity and oppression in Palestine. Anthropology, literary theory, and history have detected and detailed the epistemological and ontological facets of colonial and post-colonial erasure. One might thus ask: how does the persistent denial of erasure in the case of Palestinians work? We might resort to psychoanalysis or to a particular form of narcissistic behaviour known as DAVRO – Deny, Attack, and Reverse Victim and Offender[3] – to understand the current pervading and cunning epistemic violence that Israel and its allies enact. Denying the radical obstructing and effacing of Palestinian life (while effecting it through settler-colonialism, settler and state violence, siege, apartheid, and genocidal violence in Gaza) is the first stage in Israel’s and western allies’ discursive manipulation. Attacking historicisation and contextualisation as invalid, antisemitic, propaganda, hate speech, immoral, outrageous, and even contrary to liberal values is the second stage. Lastly is the Reversing Victim and Offender by presenting the war on Gaza as one where Israel is a historical victim reacting to the offender, in response to demands that Israel, as the colonial and occupying power, takes responsibility for the current cycle of violence.

      This partly explains why the violent attack that Hamas conducted in the south of Israel last October, in which 1200 people were killed, is consistently presented as the start date of an ‘unprecedented’ violence, with more than 5000 Palestinians killed in carpet bombings of Gaza until 2022 doubly erased, physically and epistemically. With this, October 7th becomes the departure point of an Israeli epistemology of time assumed as universal, but it also marks an escalation in efforts to criminalise contextualisation and banish historicisation.

      Since October 7th, a plurality of voices – ranging from Israeli political figures and intellectuals, to mainstream and left-leaning journalists – has condemned efforts to inscribe Gaza into a long term history of colonialism as scurrilous justification for the killing of Israeli civilians. Attempts to analyse or understand facts through a historical and political frame, by most notably drawing attention to Gazans’ lived experience over the past 16 years (as a consequence of its long term siege and occupation) or merely to argue that there is a context in which events are taking place, such as General UN director Guterres did when he stated that October 7th “did not happen in a vacuum,” are represented as inciting terrorism or morally repugnant hate speech. In the few media reports accounting for the dire and deprived conditions of Palestinians’ existence in Gaza, the reasons causing the former are hardly mentioned. For instance, we hear in reports that Palestinians in Gaza are mostly refugees, that they are unemployed, and that 80% of them are relying on aid, with trucks of humanitarian aid deemed insufficient in the last few weeks in comparison to the numbers let in before the 7th of October. Astoundingly, the 56 years old Israeli occupation and 17 years old siege of Gaza, as root causes of the destruction of the economy, unemployment, and reliance on aid are not mentioned so that the public is left to imagine that these calamities are the result of Palestinians’ own doing.

      In other domains, we see a similar endeavour in preventing Palestine from being inscribed in its colonial context. Take for instance the many critical theorists who have tried to foreclose Franz Fanon’s analysis of colonial violence to Palestinians. Naming the context of colonial violence and Palestinians’ intergenerational and ongoing traumas is interpreted as morally corrupt, tantamount to not caring for Israeli trauma and a justification for the loss of Israeli lives. The variation of the argument that does refer to historical context either pushes Fanon’s arguments to the margins or argues that the existence of a Palestinian authority invalidates Fanon’s applicability to Palestine, denying therefore the effects of the violence that Palestinians as colonised subjects have endured and continue to endure because of Israeli occupation, apartheid, and siege.

      But perhaps one of the most disconcerting forms of gaslighting is the demand that Palestinians should – and could – suspend their condition of subordination, their psychic and physical injury, to centre the perpetrators’ feelings and grief as their own. In fact, the issue of grief has come to global attention almost exclusively as an ethical and moral question in reaction to the loss of Israeli lives. Palestinians who accept to go on TV are constantly asked whether they condemn the October 7th attack, before they can even dare talk about their own long history of loss and dispossession, and literally while their families are being annihilated by devastating shelling and bombing and still lying under the rubbles. One such case is that of PLO ambassador to the UK Hussam Zomlot, who lost members of his own family in the current attack, but was asked by Kirsty Wark to “condemn Hamas” on screen. To put it another way: would it even be conceivable to imagine a journalist asking Israeli hostages in captivity if they condemn the Israeli bombardments and the war on Gaza as a precondition to speak and be heard?

      “Condemning” becomes the condition of Palestinian intelligibility and audibility as humans, a proof that they share the universal idea that all human life is sacred, at the very moment when the sacrality of human life is violently precluded to them and when they are experiencing with brutal clarity that their existence as a people matters to no one who has the power to stop the carnage. This imperative mistakes in bad faith the principle that lives should have equal worth with a reality that for Palestinians is plainly experienced as the opposite of this postulate. Israel, on the other hand, is given “the extenuating circumstances” for looking after Israelis’ own trauma by conducting one of the most indiscriminate and ferocious attacks on civilians in decades, superior in its intensity and death rate to the devastation we saw in Afghanistan, Iraq, and Syria, according to the New York Times. Nearly 20.000 killed – mostly children, women, and elderly – razed, shelled, bulldozed while in their homes or shelters, in an onslaught that does not spare doctors, patients, journalists, academics, and even Israeli hostages, and that aims at making Gaza an unlivable habitat for the survivors.

      Let us go back to the frequently invoked question of “morality.” In commentaries and op-eds over the last few weeks we are told that any mention of context for the attacks of October 7th is imperiling the very ability to be compassionate or be moral. Ranging from the Israeli government that argues that a killing machine in Gaza is justified on moral grounds – and that contextualisation and historicisation are a distraction or deviation from this moral imperative – to those who suggest Israel should moderate its violence against Palestinians – such as New York times columnist Nicholas Kristof who wrote that “Hamas dehumanized Israelis, and we must not dehumanize innocent people in Gaza” – all assign a pre-political or a-political higher moral ground to Israel. Moreover, October 7th is said to – and is felt as – having awakened the long historical suffering of the Jews and the trauma of the Holocaust. But what is the invocation of the Holocaust – and the historical experience of European antisemitism – if not a clear effort at historical and moral contextualisation? In fact, the only history and context deemed evocable and valid is the Israeli one, against the history and context of Palestinians’ lives. In this operation, Israeli subjectivity and sensibility is located above history and is assigned a monopoly of morality with October 7th becoming an a-historical and a meta-historical fact at one and the same time. In this canvas Palestinians are afforded permission to exist subject to inhabiting one of the two agencies assigned to them: guardian of Israeli life or colonised subject. This is what Israeli president Herzog means when he declares that there are no innocents in Gaza: “It’s an entire nation out there that is responsible. This rhetoric about civilians not aware, not involved, it’s absolutely not true. They could’ve risen up, they could have fought against that evil regime”. The nearly twenty thousand Palestinian deaths are thus not Israel’s responsibility. Palestinians are liable for their own disappearance for not “fighting Hamas” to protect Israelis. The Israeli victims, including hundreds of soldiers, are, on the other hand, all inherently civilians, and afforded innocent qualities. This is the context in which Heritage Minister Amichai Eliyahu, of Itamar Ben Gvir’s far-right party in power, can suggest nuking Gaza or wiping out all residents: “They can go to Ireland or deserts, the monsters in Gaza should find a solution by themselves”. Let us not here be mistaken by conceding this might just be a fantasy, a desire of elimination: the Guardian and the +972/Local call magazines have provided chilling evidence that Palestinian civilians in Gaza are not “collateral” damage but what is at work is a mass assassination factory, thanks to a sophisticated AI system generating hundreds of unverified targets aiming at eliminating as many civilians as possible.

      Whether Palestinians are worthy of merely living or dying depends thus on their active acceptance or refusal to remain colonised. Any attempts to exit this predicament – whether through violent attacks like on October 7th or by staging peaceful civil tactics such as disobedience, boycott and divesting from Israel, recurrence to international law, peaceful marches, hunger strikes, popular or cultural resistance – are all the same, and in a gaslighting mode disallowed as evidence of Palestinians’ inherent violent nature which proves they need taming or elimination.

      One might be compelled to believe that dehumanisation and the logic of elimination of Palestinians are a reaction to the pain, sorrow, and shock generated by the traumatic and emotional aftermath of October 7th. But history does not agree with this, as the assigning of Palestinians to a non-human or even non-life sphere is deeply rooted in Israeli public discourse. The standpoint of a people seeking freedom from occupation and siege has consistently been reversed and catalogued as one of “terror and threat” to Israeli state and society when it is a threat to their colonial expansive or confinement plans, whether the latter are conceived as divinely mandated or backed by a secular settler-colonial imaginary. In so far as “terrorists” are birthed by snakes and wild beasts as Israeli lawmaker Ayelet Shaker states, they must be exterminated. Her words bear citation as they anticipate Gaza’s current devastation with lucid clarity: “Behind every terrorist stand dozens of men and women, without whom he could not engage in terrorism. They are all enemy combatants, and their blood shall be on all their heads”. Urging the killing of all Palestinians women, men, and children and the destruction of their homes, she continued: “They should go, as should the physical homes in which they raised the snakes. Otherwise, more little snakes will be raised there. They have to die and their houses should be demolished so that they cannot bear any more terrorists.” This is not an isolated voice. Back in 2016 Prime Minister Netanyahu argued that fences and walls should be built all around Israel to defend it from “wild beasts” and against this background retired Israeli general and former head of Intelligence Giora Eiland, in an opinion article in Yedioth Aharonoth on November 19, argues that all Palestinians in Gaza die of fast spreading disease and all infrastructure be destroyed, while still positing Israel’s higher moral ground: “We say that Sinwar (Hamas leader in Gaza, ndr) is so evil that he does not care if all the residents of Gaza die. Such a presentation is not accurate, since who are the “poor” women of Gaza? They are all the mothers, sisters, or wives of Hamas murderers,” adding, “And no, this is not about cruelty for cruelty’s sake, since we don’t support the suffering of the other side as an end but as a means.”

      But let us not be mistaken, such ascription of Palestinians to a place outside of history, and of humanity, goes way back and has been intrinsic to the establishment of Israel. From the outset of the settler colonial project in 1948, Palestinians as the indigenous people of the land have been dehumanised to enable the project of erasing them, in a manner akin to other settler colonial projects which aimed at turning the settlers into the new indigenous. The elimination of Palestinians has rested on more than just physical displacement, destruction, and a deep and wide ecological alteration of the landscape of Palestine to suit the newly fashioned Israeli identity. Key Israeli figures drew a direct equivalence between Palestinian life on the one hand and non-life on the other. For instance, Joseph Weitz, a Polish Jew who settled in Palestine in 1908 and sat in the first and second Transfer Committees (1937–1948) which were created to deal with “the Arab problem” (as the indigenous Palestinians were defined) speaks in his diaries of Palestinians as a primitive unity of human and non-human life.[4] Palestinians and their habitat were, in his words, “bustling with man and beast,” until their destruction and razing to the ground in 1948 made them “fossilized life,” to use Weitz’ own words. Once fossilised, the landscape could thus be visualised as an empty and barren landscape (the infamous desert), enlivened and redeemed by the arrival of the Jewish settlers.

      Locating events within the context and long durée of the incommensurable injustices inflicted upon the Palestinians since 1948 – which have acquired a new unimaginable magnitude with the current war on Gaza – is not just ethically imperative but also politically pressing. The tricks of DARVO (Denying Attacking and Reversing Victim and Offender) have been unveiled. We are now desperately in need of re-orienting the world’s moral compass by exposing the intertwined processes of humanisation and dehumanisation of Jewish Israelis and Palestinians. There is no other way to begin exiting not only the very conditions that usher violence, mass killings, and genocide, but also towards effecting the as yet entirely fictional principle that human lives have equal value.

      [1] Spivak, G. “Can the Subaltern Speak?” (1988). In Lawrence Grossberg and Cary Nelson, eds., Marxism and the Interpretation of Culture, pp. 271–313. Urbana: University of Illinois Press; Basingstoke: Macmillan.

      [2] Mahmoud Darwish, “The Madness of Being a Palestinian,” Journal Of Palestine Studies 15, no. 1 (1985): 138–41.

      [3] Heartfelt thanks to Professor Rema Hamami for alerting me to the notion of DAVRO and for her extended and invaluable comments on this essay.

      [4] Cited in Benvenisti M (2000) Sacred Landscape: The Buried History of the Holy Land since 1948. Berkeley: University of California Press. pp.155-156.

      https://allegralaboratory.net/can-the-palestinian-speak
      #violence_épistémique #élimination #in/visilité #nettoyage_ethnique #oppression #DAVRO

  • #François_Héran : « A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix, on provoquera l’inverse »

    Le professeur au Collège de France estime, dans une tribune au « Monde », que la #régularisation « au compte-gouttes » des étrangers prévue dans la loi adoptée le 19 décembre finira en réalité par accroître l’immigration irrégulière, tant l’offre et la demande de travail sont fortes.

    La #loi_sur_l’immigration votée mardi 19 décembre n’est ni de droite ni de gauche. Quoi qu’en dise le président de la République, elle a sa source à l’#extrême_droite. Lors des débats du mois de mars, les sénateurs Les Républicains (LR) avaient repris en chœur les formules outrancières du Rassemblement national (RN) :« #submersion_migratoire », « #chaos_migratoire », « #immigration_hors_de_contrôle », « #explosion » des demandes d’asile, etc. Or les #données disponibles, rassemblées par Eurostat et l’ONU, ne disent rien de tel. C’est entendu, en France, comme dans le reste de l’Occident libéral, la migration progresse depuis l’an 2000, de même que la demande de refuge, mais de façon linéaire et non pas exponentielle quand on fait la part de la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.

    Comment peut-on soutenir que la #migration_familiale vers notre pays serait une « #pompe_aspirante » qu’il faudrait réduire à tout prix, alors qu’elle est en recul depuis dix ans à force d’être prise pour cible par les lois antérieures ? Au sein de ce courant, une faible part relève du « #regroupement_familial » stricto sensu, soit 14 000 personnes par an environ, conjoints ou enfants mineurs, réunis en vertu d’un droit qui n’a rien d’automatique, contrairement à une légende tenace. Mais l’#erreur la plus flagrante, celle qui alimente largement la nouvelle loi, consiste à vouloir priver les étrangers, selon les mots prononcés par Eric Ciotti, le patron des Républicains, à l’issue du vote, des avantages « du modèle social le plus généreux d’Europe, qui fait de la France la #destination_privilégiée pour les migrants ». Il s’agit là d’une #croyance jamais démontrée.

    Marchands d’#illusion

    Il ne suffit pas, en effet, de constater que tel dispositif d’#aide_sociale existant en France au bénéfice des migrants est sans équivalent à l’étranger ou affiche un montant supérieur, pour qu’on puisse en conclure que la France serait plus « attractive ». Ceci vaut pour tous les dispositifs visés par la loi : allocation pour demandeur d’asile, aide médicale d’Etat, aide au logement, droit du sol, accès à la naturalisation…

    La seule démonstration qui vaille consiste à examiner les « #préférences_révélées », comme disent les économistes, c’est-à-dire à vérifier si les demandeurs de séjour ou d’asile ont effectivement privilégié la France comme destination depuis cinq ou dix ans, dans une proportion nettement supérieure à celle de son poids démographique ou économique au sein de l’Union européenne. Or, il n’en est rien, au vu des données d’Eurostat rapportées à la population et à la richesse de chaque pays. La France réunit 13 % de la population de l’Union européenne et 18 % de son PIB, mais n’a enregistré que 5 % des demandes d’asile déposées en Europe depuis 2013 par les réfugiés du Moyen-Orient, et 18 %, pas plus, des demandes d’origine africaine. Comment croire qu’elle pourra durablement se défausser sur les pays voisins après la mise en œuvre du Pacte européen ? Les politiciens qui font cette promesse à l’opinion sont des marchands d’illusions.

    Trop de loi tue la loi. A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix au lieu de la réguler de façon raisonnable, on provoquera l’inverse du résultat recherché. Loin de tarir l’afflux des immigrés en situation irrégulière, la régularisation au compte-gouttes finira par l’accroître, tant sont fortes l’offre et la demande de travail. On a beau multiplier les effectifs policiers aux frontières, les entrées irrégulières ne cessent de progresser, quitte à se frayer de nouvelles voies.

    S’il est heureux que la régularisation des travailleurs sans papiers ne dépende plus du bon vouloir de l’employeur, le renforcement des pouvoirs du préfet dans la décision finale va dans le mauvais sens. A l’heure actuelle, déjà, comme l’a rappelé un avis sur la loi de finances 2023, un tiers au moins des préfets n’utilisent pas la #circulaire_Valls sur les #admissions_exceptionnelles_au_séjour, par idéologie ou par manque de moyens. La nouvelle loi fera d’eux plus que jamais des potentats locaux, en creusant l’#inégalité_de_traitement entre les territoires. Dans son rapport de 2013 sur le « #droit_souple », le Conseil d’État avait salué la circulaire Valls, censée rapprocher les critères de régularisation d’une #préfecture à l’autre au profit de l’« #équité_de_traitement ». C’est le contraire qui s’est produit, et l’ajout de critères civiques n’atténuera pas le caractère local et subjectif des décisions.

    Le contraire du #courage

    On nous oppose l’#opinion_publique, la fameuse « attente des Français » véhiculée par les sondages. Faut-il rappeler que la #démocratie ne se réduit pas à la #vox_populi et à la « #sondocratie » ? Elle implique aussi le respect des minorités et le respect des #droits_fondamentaux. Les enquêtes menées avec rigueur sur des échantillons suffisamment solides révèlent que les opinions recueillies sur le nombre des immigrés, leur utilité ou leur comportement dépendent fortement des affiliations politiques : les répondants ne livrent pas des #constats mais des #jugements.

    Dès que les questions précisent les contextes et les situations, comme c’est le cas de l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les opinions se font plus nuancées, le niveau de tolérance augmente. Mais les recherches qui font état de ces résultats ne peuvent s’exposer dans les limites d’une tribune, et rares sont les quotidiens qui font l’effort de les exposer.

    Osera-t-on enfin porter un regard critique sur les formules magiques ressassées ces derniers mois ? La « #fermeté », d’abord, affichée comme une qualité positive a priori, alors que la fermeté n’a aucune #valeur indépendamment du but visé : de grands démocrates ont été fermes, mais de grands autocrates aussi. Il en va de même du « #courage », tant vanté par les LR (le projet de loi initial « manquait de courage », le nouveau texte est « ferme et courageux », etc.), comme s’il y avait le moindre courage à caresser l’opinion publique dans le sens de ses #peurs.

    La #démagogie est le contraire du courage ; la parole « décomplexée » n’est qu’un discours sans scrupule. Le vrai courage aurait été de rééquilibrer les discours destinés à l’opinion publique en exposant les faits, si contrastés soient-ils. Le président de la République avait souhaité « un compromis intelligent au service de l’intérêt général » : il a entériné une #compromission irréfléchie qui lèse nos #valeurs_fondamentales.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/francois-heran-a-vouloir-comprimer-la-poussee-migratoire-a-tout-prix-on-prov

    #loi_immigration #France #19_décembre_2023 #chiffres #statistiques #fact-checking #afflux #idées_reçues #propagande #discours

    voir aussi cet extrait :
    https://mastodon.social/@paul_denton/111617949500160420

    ping @isskein @karine4