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  • #Michelle_Fe_Santiago, la voix des #domestiques abusées

    Dans les pays du Golfe, la maltraitance des employées de maison fait souvent la « une ». Basée au #Koweït depuis 1999, la journaliste philippine Michelle Fe Santiago porte la #mémoire de la violence qui frappe sa communauté.

    « Love to the max… max, max, max ! », claironne gaiement un jingle. Michelle Fe Santiago, dite Maxi, prend place dans le studio. Cette journaliste philippine, au visage jovial, anime la matinale de Pinoy Arabia, radio en ligne créée en octobre 2014 pour divertir une audience majoritairement composée de compatriotes. Une communauté importante au Koweït qui regroupe pas moins de 222 000 Philippins, dont 62% officient comme domestiques. « Je passe quelques chansons d’amour. Parfois je réponds à des commentaires d’auditeurs, je relaie des dédicaces et diffuse quelques actualités », relate Michelle derrière son écran.

    La journaliste, en poste au Koweït depuis 1999, couvre les actualités de l’Emirat pour Arab Times en parallèle à sa fonction de correspondante au Moyen-Orient pour la chaîne de télévision philippine ABS-CBN. En presque vingt ans d’expatriation, Maxi sait combien il n’est pas aisé pour les Philippines de vivre et de travailler dans les pays du Golfe, et particulièrement au Koweït. Un nouveau jingle passe : « Live is short, love to the max (La vie est courte, aimez au maximum, ndlr) ». « Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il m’est arrivé de couvrir des faits divers… », Maxi se retient d’un sourire gêné.

    Lourd à porter

    Il y a sept ans, elle est prévenue de l’hospitalisation d’une domestique philippine trouvée inanimée dans l’arrière-pays désertique, poignardée. « Elle a rampé longtemps, mais a survécu. Un policier l’avait violée à l’arrière de sa voiture et avait voulu la faire disparaître. » Dans les colonnes de Kuwait Times, Michelle est la première journaliste à couvrir le drame. Son article trouve un écho auprès d’une avocate koweïtienne qui se porte volontaire pour représenter la domestique gratuitement. « Le policier a été arrêté, jugé, puis condamné à perpétuité », hoche-t-elle de la tête solennellement.

    Des cas comme cette domestique, Maxi en a couvert une multitude. Un exercice qui laisse des marques. « Parfois quand j’entends leur histoire, j’ai envie de pleurer, mais en tant que journaliste vous ne pouvez pas montrer vos émotions. C’est contraire à l’éthique de pleurer devant ses interlocuteurs. J’ai appris à contrôler mes larmes. Quand je rentre chez moi, il m’arrive cependant de littéralement m’effondrer. »

    L’ambassade des Philippines au Koweït estime à plus de 2500 par an les cas de domestiques violentées physiquement ou sexuellement. Un chiffre qui ne reflète pas la réalité, selon plusieurs associations locales d’aide aux travailleurs étrangers. C’est le cas de Kuwait Society for Human Rights. En 2018, l’ONG a reçu quelque 5400 plaintes de travailleurs étrangers, majoritairement des domestiques.

    Même écho pour Sandigan, collectif de Philippins basé au Koweït connu pour ses évacuations spectaculaires d’employées de maison. Ces travailleurs sociaux disent recevoir des centaines de messages d’appel à l’aide par mois. Salaires impayés, défenestrations de fuite, maltraitances, violences sexuelles, manque de nourriture ; les domestiques philippines font face à l’impunité des ménages koweïtiens auxquels la police locale a difficilement accès.

    Difficile également de dénoncer. Car si le Koweït est l’unique pays à se targuer d’avoir un parlement et un débat politique où il est possible de remettre en cause et critiquer le gouvernement, la liberté d’expression reste relative quand elle touche à l’image du pays. « Ici vous devez parfois trouver des moyens détournés de couvrir un sujet. Mais je ne peux pas non plus garder les yeux fermés. Alors je m’assure que l’autocensure que j’exerce sur mon travail ne sacrifie pas la véracité et les faits », sourit la journaliste.
    Appels à l’aide

    A l’occasion des élections de mi-mandat, Maxi délivre quelques conseils pratiques pour aller voter sur les ondes de Pinoy Arabia entre quelques dédicaces de parents philippins dédiées à leurs enfants exilés au Koweït. L’an dernier, alors qu’un énième meurtre d’une domestique philippine faisait les gros titres de la presse locale, le président philippin Duterte actait une interdiction, durant quatre mois, pour tout nouveau ressortissant de venir travailler au sein de l’Emirat. Une mesure très critiquée au Koweït, et une période de forte tension diplomatique, qui a néanmoins débouché sur un accord. « Pinoy Arabia a collaboré avec l’ambassade pour aider toutes celles qui voulaient quitter le Koweït pendant cette période-là. »

    Si la radio fondée par Maxi n’a aucune vocation politique, et ne sert majoritairement qu’à divertir son audience, elle est un formidable moyen de prendre le pouls de la communauté philippine. « Même si les conditions de mes compatriotes se sont améliorées depuis l’accord, je reçois encore des messages d’appel à l’aide. Je ne fais jamais de sauvetage moi-même. Mon rôle est de me coordonner avec l’ambassade quand cela arrive. »

    Pris de gros risque

    Après une longue présence sur le sol koweïtien, Maxi a certes acquis une popularité chez les siens et a pu couvrir entre autres l’invasion américaine en Irak, mais la journaliste philippine grimace à l’idée de rester une nouvelle décennie dans l’Emirat. « Ce n’était pas du tout prévu que je fasse une partie de ma carrière ici. J’étais simplement venue passer un Noël avec des proches. »

    Née de deux parents instituteurs, à Zamboanga, ville située dans l’ouest de l’île de Mindanao, Michelle dit avoir toujours eu la fibre journalistique et n’avoir jamais pensé un jour à s’exiler dans un autre pays, comme plus de 10% de la population des Philippines – soit 11 millions de personnes. « J’ai pris de gros risques en venant m’installer ici car je gagnais bien ma vie aux Philippines. Dans cinq ans, je pense rentrer. Pourquoi ne pas faire des documentaires sur des problèmes sociaux qui existent dans mon pays ? »

    https://lecourrier.ch/2019/07/28/michelle-fe-santiago-la-voix-des-domestiques-abusees
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