• ★ Mao, Balladur, Jean-Paul II | Le blog de Floréal

    Séduit lui aussi par la folie maoïste qui s’empara de nombre d’intellectuels occidentaux dans les années 70, et qui alla jusqu’à transformer le « grand quotidien de référence » en feuille prochinoise des plus grotesques, Philippe Sollers apporta alors sa contribution au délire : « Notre thèse est qu’ils [les essais philosophiques de Mao] constituent par rapport à la ligne massive des textes de Marx, Engels, Lénine, un « bond en avant » considérable et complètement original de la théorie matérialiste dialectique. » Reconnaissons toutefois, même si sa défense de la veuve Mao ne fit rien pour atténuer ce délire, qu’il lui fallut un peu moins de temps pour reconnaître ses errements que n’en mit Badiou, autre spécimen de l’intellectuel français « engagé », pour exprimer de timides regrets quant à ses propos obscènes sur ses amis les Khmers rouges.
    Plus tard, on vit l’écrivain ex-maoïste s’engager dans la campagne présidentielle de 1995 au côté d’Edouard Balladur, cet autre meneur d’hommes qui toutefois échoua, malgré ce soutien de poids, dans sa tentative de petit bond en avant vers le palais de l’Elysée.

    En 2000, sans qu’on sache bien si la foi venait de lui tomber dessus ou s’il venait simplement demander un petit coup de pouce à Jean-Paul II pour l’aider à être mieux inspiré dans le choix des hommes politiques à soutenir, Philippe Sollers alla s’agenouiller au Vatican pour baiser l’anneau du pêcheur porté par le Saint-Père.
    Etre passé de Mao à Jean-Paul II, après tout, bon. D’autres avant lui ont connu de ces revirements extravagants qui n’empêchent nullement les girouettes d’occuper sans cesse le devant de la scène et font le délice des coteries littéraires parisiennes. Mais passer par Balladur, c’est là où Sollers était très fort et indispensable. Il nous manque déjà.

    #Philippe_Sollers #Mao #maoïsme #Khmers_rouges #Badiou #Balladur #Jean_Paul2...

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    ▶️ https://florealanar.wordpress.com/2023/05/07/mao-balladur-jean-paul-ii

  • Gustave Roud : un poète que j’ai découvert il y a peu, grâce à une correspondance avec Philippe Jaccottet. Une émission aujourd’hui sur RFI (De vives voix) m’inspire ce partage :

    Publication critique des Œuvres complètes du poète, traducteur, critique et photographe Suisse romand, Gustave Roud (1897-1976)

    https://www.fabula.org/actualites/109987/gustave-roud-uvres-completes-sous-la-dir-de-claire-jaquier.html

    – Le volume 1 (1456 pages) comprend les œuvres poétiques : recueils, textes publiés en revue et textes inédits.

    – Le volume 2 (1088 pages) rassemble l’essentiel des Traductions : recueils consacrés à #Novalis, #Hölderlin, Rilke, Trakl dont Roud est un des premiers traducteurs en français ; traductions publiées en revue ou dans des volumes collectifs – notamment de #Wilhelm_Müller, #Goethe, #Clemens_Brentano, #Hildegard_von_Bingen ou encore #Eugenio_Montale.

    – Le volume 3 (1280 pages) livre les notes de journal (1916-1976) dans toute leur diversité archivistique – feuillets épars, manuscrits et dactylogrammes, carnets, cahiers, agendas. Événements du jour, réflexions sur soi, descriptions de paysages, projets, propos sur l’art, poèmes…

    – Le volume 4 (1296 pages) réunit l’ensemble des articles et études critiques que Roud a consacrés, tout au long de sa vie, à des poètes, écrivains et peintres, le plus souvent contemporains.

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    Quand le Journal de Gustave Roud ouvre l’accès à toute l’Oeuvre.
    https://www.revuelepassemuraille.ch/quand-le-journal-de-gustave-roud-ouvre-lacces-a-toute-loeuvre

    Dans les coulisses du chantier Gustave Roud
    Les « Œuvres complètes » du grand écrivain romand sont désormais publiées chez Zoé. Claire Jaquier et Daniel Maggetti évoquent cet ambitieux projet qu’ils ont codirigé.
    https://wp.unil.ch/allezsavoir/dans-les-coulisses-du-chantier-gustave-roud%EF%BF%BC

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    « Œuvres complètes » du poète Gustave Roud, l’amour est dans le blé (Libération)

    « Je marche dans mes rêves anciens, mes pensées anciennes », écrit le poète suisse romand Gustave Roud. Mais où commence le rêve, où démarre la pensée chez cet homme toujours par les chemins du Haut-Jorat, région de collines douces, le berceau de toute une vie ? En janvier 1942, il note dans son journal un rêve tout neuf. Dans la grande ferme de Carrouge, héritée de la famille paysanne maternelle, Roud dort sous les combles. Sa sœur aimée, Madeleine, est là. C’est une « vieille fille », comme lui est « vieux garçon ». Il y a aussi la tante Clara, insupportable par ses bouderies. Gustave Roud endormi voit un homme remplir sa bouche de vers luisants « et une voix me dit que de cette bouche illuminée (que je voyais toute phosphorescente) devait sortir la voix des morts ». Dans sa vie éveillée, le poète né en 1897 cherche aussi à abolir le temps, à effacer ce qui sépare les morts des vivants. « Je suis fait d’absences et de présences », note-t-il et parfois il croit sentir celle de sa mère, disparue en 1933.

    Avec la marche à pied véritable, #Gustave_Roud trouve une manière d’exténuer le corps, état propice à l’illumination poétique. Depuis une « ballade » de quatre jours alors qu’il avait 19 ans, il a pris le goût de cette ivresse, qui le fait se sentir en adhérence avec le paysage, avec les arbres, les bêtes croisées. Il aime s’enfoncer dans la nuit, sa canne à la main et en compagnie de son « ombre trébuchante ». Mais c’est à la lumière du jour, que les paysans du #Haut-Jorat ont pris l’habitude de voir sa mince et longue silhouette vêtue comme à la ville, équipée de calepins – il écrit surtout dehors, assis sur un banc, un tronc – et d’un appareil photo.

    Romantisme allemand

    Gustave Roud est une des voix majeures de la poésie suisse romande. La publication d’un livre de #Philippe_Jaccottet chez Seghers en 1968 lui a permis de dépasser les frontières nationales. Pourtant il reste un peu méconnu en France. La publication cet automne chez Zoé de ses œuvres complètes rend honneur à l’ampleur de son travail d’écriture. Quatre volumes sont présentés en coffret : les œuvres poétiques, le journal, les traductions (les romantiques allemands, #Rilke, #Trakl), et ses critiques artistiques et littéraires. De nombreuses passerelles permettent de circuler entre les volumes, Gustave Roud aimait les reprises et puisait dans son journal pour composer ses recueils.

    Le poète n’était pas aussi reclus qu’on a pu le dire. Ami de Ramuz notamment, autre écrivain du monde rural, il participait à des remises de prix, des jurys et œuvrait dans des revues, à un moment de particulière effervescence de la littérature suisse romande. Pour cela, il effectuait « la traversée », prenait un vieux tram brinquebalant le menant en une heure à Lausanne. Mais le cœur de Gustave Roud, poète à l’inquiétude fondamentale, n’était pas en ville. Ce qui l’intéresse avant tout, ce sont les andains, les rangées d’herbe fauchée, les murs de céréales abattus pendant la récolte, et les personnages qui habitent ces paysages de l’été  : les « moissonneurs fauves ». Il les photographie en plein travail avec leur assentiment, torses nus, ils sont ses amis paysans. Toute sa vie, Gustave Roud, dont l’homosexualité n’a jamais été nommée, ira ainsi d’un amour secret à un autre. Le désir érotique se retrouve clai­rement, exalté, dans sa poésie. Comme dans Bain d’un faucheur du recueil Pour un moissonneur. Premières strophes  : « Un dimanche sans faux comblé de cloches pures / Ouvre à ton corps brûlé la gorge de fraîcheur / Fumante, fleuve d’air aux mouvantes verdures / Où tu descends, battu de branches et d’odeurs. / Ce tumulte de lait dans la pierre profonde / De quel bouillonnement va-t-il enfin briser / L’âpre bond de ta chair ravie au linge immonde / Vers une étreinte d’eau plus dure qu’un baiser  ! »

    Un personnage dénommé Aimé, composite de ses amis paysans, mais surtout inspiré par le premier, Olivier Cherpillod, est au cœur de l’œuvre. La poésie va prendre en charge ce que dans la vie réelle Roud ne pouvait exprimer. Le poète est plus explicite dans le Journal, même s’il se cache derrière la notion d’amitié. Son besoin inassouvi de la présence d’Olivier, Fernand, Robert, René, au total une douzaine d’hommes au long d’une cinquantaine d’années, le renvoie à ce qu’il appelle sa « différence ». Il parle de la beauté des visages, du lisse des torses, des bras gonflés. Il aimerait pouvoir toucher ces épaules, ces mains, mais ne le peut pas. Journal, octobre 1926 : « Tu marches avec des branchages sur un labour aux vives arrêtes de terre sombre […] un linge bleu s’entrebâille sur cette poitrine nue où je voudrais tant poser sans rien dire ma tête écouter battre ce cœur digne de vivre digne d’être heureux. »

    Le poète a laissé un corpus de 13 000 images

    Sous le prétexte de promenades, il se rend chez l’un, chez l’autre (suscitant parfois l’hostilité des femmes de leur famille), il connaît « la honte des bras ballants », parfois il participe un peu aux travaux des champs. Il y a de beaux moments de compagnonnage, en particulier avec Olivier  : Olivier fauchant, Olivier se rasant, Olivier tressant des paniers d’osier. Mais surtout Roud photographie. Le poète a laissé un corpus de 13 000 images. Il a appris par son père, paysan éclairé, le maniement des appareils. Il développe et agrandi lui-même ses clichés dans une petite pièce de la maison de #Carrouge. Du noir et blanc majoritairement, mais aussi des clichés couleur, des autochromes.

    Fernand Cherpillod, neveu d’Olivier Cherpillod, est un modèle de ­premier ordre. Il aime poser, se plie à des mises en scène de paysan au travail. Certains clichés sont typiques, avec leur contre-plongée, d’une esthétique des années 30 célébrant les corps en pleine nature. Pour Roud, au-delà du désir non dit, il y a l’idée toute poétique d’hommes devenus des intercesseurs d’un monde paysan glorifié, d’une harmonie touchant à l’éternité. Dans son dernier recueil, Campagne perdue, il dira tout son désarroi devant la modernisation de l’agriculture, qui tue des gestes ancestraux, casse des accords anciens avec la nature.

    Gustave Roud est alors un homme vieillissant. Il se sent dépossédé, tandis que sa notoriété est grandissante. Des jeunes écrivains font le pèlerinage à Carrouge, comme Jacques Chessex ou Maurice Chappaz. Une photo les montre avec leurs trench-coats, venus sur une « motocyclette » – le bruit effraie Roud. En 1965, il a les honneurs d’un film diffusé à la télévision. Un moyen métrage signé du cinéaste Michel Soutter. La caméra explore la maison : la cuisine, le corridor, le bureau, les murs où sont disposées les photos des amis paysans, le salon. L’ambiance est un peu spectrale. Roud apparaît vulnérable. On le voit à la fin, comme un monsieur Hulot un peu guindé, partir dans le jardin. Michel Soutter interroge la sœur, gauche aussi. Elle parle d’intérêt pour le cosmos. Le jeune romancier suisse Bruno Pellegrino a poursuivi cette piste dans une très belle fiction biographique sur le « couple » Roud. Son roman, sorti en 2019, Là-bas, août est un mois d’automne, redonne une visibilité à Madeleine.

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    #Claire_Jaquier : « Gustave Roud puise dans son journal, en partie son atelier de création »

    Huit chercheurs ont été mobilisés pendant quatre années pour permettre la sortie des Œuvres complètes de Gustave Roud. A leur tête : en codirection avec Daniel Maggetti, Claire Jaquier, professeur émérite de littérature à l’université de Neuchâtel, en Suisse. Libération l’a interviewée.

    Comment est né ce projet de publication ?

    C’était nécessaire, il n’existait pas de véritables œuvres complètes. Un très petit coffret Gustave Roud était paru en 1978 mais il ne comprenait que les dix recueils de poésie, sans aucune note. Des textes sont ensuite sortis en poche de manière très dispersée. Il y a eu aussi des publications de correspondance, de textes critiques et, progressivement, on a pris conscience de l’extrême richesse des archives qui permettent de comprendre cette œuvre. Grâce au Fonds national suisse de la recherche scientifique, notre équipe de chercheurs a pu travailler pendant quatre ans et réunir cet immense matériau documentaire pour mener à bien une édition complète, génétique et critique.

    La découverte du Journal a été présentée comme une surprise à la mort de Roud…

    Philippe Jaccottet, exécuteur testamentaire de l’œuvre, disait qu’il ne savait pas que Roud tenait un journal. Il est probable que Roud ne le lui a pas dit formellement mais il ne pouvait pas l’ignorer car un certain nombre de textes parus dans des revues portent comme titre « Notes de journal ». Je pense que ce qui a incité Jaccottet à tenir un tel propos, c’est que Roud ne lui a donné aucune consigne sur l’avenir de son œuvre et n’a pas dit un mot du Journal. Il était donc un peu mal à l’aise, d’autant plus qu’il s’est rendu compte en le lisant à quel point il y avait des choses intimes qui étaient dites et cela le gênait peut-être lui-même, d’où sa première édition, partielle, en 1982 chez Bertil Galland.

    Pourquoi y trouve-t-on ce doute permanent, cette inquiétude ?

    C’est une œuvre magnifique, mais qui a une couleur sombre. Lorsque j’ai édité le Journal en 2004 avec Anne-Lise Delacrétaz chez Empreintes, en deux volumes couvrant les années 1916 à 1971, j’ai avancé l’hypothèse que cela avait une origine liée au genre diariste. Au XVIIIe siècle, en pays protestant, comme la confession n’existait pas, la pratique du journal était en fait recommandée aux croyants comme exercice d’examen de conscience, on les invitait à creuser leur intimité, leur moi. Et il n’est pas exclu que cette tradition colore le journal de Roud. C’est peut-être ce qui explique qu’il y apparaît chroniquement insatisfait, mais il ne faudrait pas en induire que tout son tempérament était là, il pouvait être gai, espiègle, plein d’humour, on le voit dans sa correspondance.

    Est-il exact que le Journal est le réservoir de tous les autres textes ?

    Ce n’est vrai que pour certains textes. Il constitue une part seulement de l’atelier de création. Roud puise dans son journal, mais souvent il va en tirer juste un paragraphe, quelques phrases, ou un petit texte. Ce qui constitue le corps de beaucoup de recueils de Roud ce sont de longues proses poétiques, dont des premières versions sont parues dans des revues. Il s’est rendu compte très tôt que la stimulation de ces commandes où il était forcé de remettre la copie à temps lui était indispensable. Dans le premier volume de notre édition, Œuvres poétiques, nous donnons 120 textes publiés initialement en revue, et donc devenus inaccessibles.

    On est frappé par le nombre de reprises, au fil de la lecture…

    Il y a beaucoup de reprises, parce que notre parti pris est de privilégier la logique documentaire, les supports. Gustave Roud pour son journal utilisait des cahiers, et aussi des carnets, des feuilles volantes, des agendas. Puisant dans son journal pour écrire des textes, souvent il recopie certaines phrases issues d’années différentes, parfois il dactylographie de grands ensembles de notes, donc on dispose de dactylogrammes. Cela montre que Roud reprenait ce matériau de manière continue. L’atelier de création de Roud, c’est très souvent de la reprise. Il donne lui-même le titre de « Rhapsodie », en 1931, à une sélection de textes réunis, ce qu’aujourd’hui on appellerait le couper-coller. Il aime beaucoup rassembler des textes anciens, ôter quelquefois juste deux phrases et les intégrer dans un nouveau contexte, il fait ça constamment.

    Pour revenir à la #poésie, n’y a-t-il pas un tournant du lyrisme à partir du recueil Adieu ?

    Adieu est très particulier, Roud est encore sous l’influence de la grande poésie symboliste française, il a eu de la dévotion pour #Mallarmé autour de l’âge de 20 ans. Adieu se sent encore de cette influence, la poésie comme haut langage, à la limite de l’hermétisme et puis il se défait de cette influence, il voit que cette pureté ne lui convient pas. Il a abandonné assez vite le vers et adopté cette prose lyrique qui ne va pas vraiment changer. Il y a une signature stylistique de Roud, des phrases amples, mélodieuses, syntaxiquement charpentées, qui produisent un effet de lenteur et de douceur. Je ne fais que redire ce que beaucoup de critiques de l’époque ont dit, l’un d’eux parlait d’une prose d’une obsédante douceur. Il y a aussi une gravité du ton constante. La phrase roudienne, est souvent longue, avec des subordonnées qui s’enchaînent et qui retombent bien, on observe aussi de fréquents jeux avec les sonorités. Même si l’œuvre évolue, si le contenu change, si le lyrisme se modifie, cette voix particulière est reconnaissable du début à la fin.

    #journal_intime #poète #suisse_romande #poésie #littérature

  • Philippe Descola, Bruno Latour et Ramsès II - La Hutte des Classes
    http://www.lahuttedesclasses.net/2022/11/philippe-descola-bruno-latour-et-ramses.html

    (...) j’avais souligné à quel point les positions philosophiques de l’anthropologue Philippe Descola, tout en se gardant de l’assumer trop clairement, ouvraient la porte à un relativisme dévastateur. Et je tentais de montrer que la manière dont il abordait sa classification des «  ontologies  » (le terme lui-même est tout sauf innocent) suggérerait qu’il n’est pas de représentation du monde plus juste, ou plus fidèle, qu’une autre. Il suffit d’un peu de logique pour comprendre que cette position revient à affirmer que la réalité elle-même n’existe pas indépendamment de l’idée qu’on s’en fait – même si, une fois encore, P. Descola se gardait bien de tirer cette conclusion explicitement.

    Or, ce pas avait été franchi sans ambages par son collègue et ami Bruno Latour, qui vient de décéder et qui était considéré depuis longtemps comme un intellectuel majeur par de nombreux chercheurs en sciences sociales (je crois nos collègues des sciences expérimentales globalement beaucoup moins sensibles à sa rhétorique, pour des raisons assez évidentes).

    Parmi les nombreux écrits de B. Latour, il en est un qui possède le mérite d’être bref, relativement simple, et de permettre à tout un chacun de juger des fruits que porte son arbre. Il s’agit d’un article paru en 1998 dans La Recherche, sous le titre «  Jusqu’où faut-il mener l’histoire des découvertes scientifiques  ?  », où l’auteur explique en substance que Ramsès II n’a pas pu mourir de la tuberculose étant donné que le bacille n’a été découvert par Koch qu’au 19e siècle. Je renvoie tous ceux, incrédules, qui pensent que j’invente, que je caricature ou que je déforme ses propos, à l’article en question, en y relevant notamment ce passage  :

    Avant Koch, le bacille n’a pas de réelle existence. Avant Pasteur, la bière ne fermente pas encore grâce à la Saccharomyces cerevisiae. (...) Affirmer, sans autre forme de procès, que Pharaon est mort de la tuberculose découverte en 1882, revient à commettre le péché cardinal de l’historien, celui de l’anachronisme .

    (...) on peut, et on doit, tout autant s’interroger sur les raisons qui font que des positions aussi manifestement absurdes exercent une fascination sur une large fraction du monde intellectuel. Tout comme pour la religion, la persistance (ou la résurgence) d’idées aberrantes ou réfutées depuis longtemps ne peut s’expliquer que par des causes étrangères à leur force de conviction propre  : ces idées satisfont un besoin, et possèdent une fonction sociale.

    #Philippe_Descola #Bruno_Latour #relativisme_généralisé #idéalisme_philosophique

    • Citons le texte de Latour, qui, de mon point de vue, ne dit rien de bien méchant.

      Jusqu’où faut-il mener l’histoire des découvertes scientifiques ?
      https://books.openedition.org/pressesmines/170

      On peut croire que Ramsès II crachait déjà des bacilles de Koch en postillonnant contre Moïse ; on ne peut le savoir avec certitude qu’en le faisant venir au Val de Grâce.

      C’est ce que le journaliste de Paris-Match a si bien compris : 3 000 ans plus tard, « nos savants » rendent enfin Ramsès II malade et mort d’une maladie découverte en 1882 et diagnostiquée en 1976.

      L’an – 1000 se compose, par exemple, d’un Pharaon mort de cause inconnue, et, à partir de l’année 1976, d’un Pharaon mort de cause parfaitement connue. Toutes les années – 1000 produites « à partir » de 1976 vont comporter ce trait nouveau : un Ramsès II dont la bouche était remplie de bacilles de Koch.

      L’an – 1000, solidement ancré, grâce au Val de Grâce, dans la médecine moderne, comprend dorénavant et jusqu’à preuve du contraire, un bacille qui causa la mort de son plus célèbre Pharaon.

    • Je crois qu’elle sert – et là est la clé de son succès – précisément à ne servir à rien. Son utilité consiste à permettre à qui l’endosse de se perdre dans les infinies circonvolutions et dans les faux-semblants d’une prétendue profondeur, sans jamais l’engager à quelque confrontation que ce soit avec le réel. Elle sert, par essence, à prendre des poses.

    • Ramsès II à Paris :

      Sa momie, gravement endommagée par des parasites, avait besoin d’une sérieuse restauration. Les savants français ont été choisis pour en être les maîtres d’œuvre.

      Où l’on voit que « Bruno » ne voyait que ce qu’il voulait voir, puisque ce n’est pas la tuberculose qui amenait le pharaon à Paris mais une exposition et des parasites.

      Donc @lyco, tout comme il fait dire à James des choses qu’il ne dit pas, Nono le sacro-saint, fait dire à Paris Match des choses qu’il ne dit pas et tous les graphiques du monde n’y changeront rien, dans le passé ou le présent, quel que soit le moment de la découverte (ou redécouverte donc) de ses raccourcis expéditifs ravageurs.

      Ce ne serait pas bien méchant, si certains milieux, notamment artistiques et culturels, ne lisaient pas de travers en plus, ses idées ou leurs succédanés pour achever une dépolitisation encore plus grande de ces espaces sociaux, et finir par mettre sur le même plan des chamans et des laboratoires d’analyses médicales. Ou dire que les virus ne sont qu’une question de point de vue.

      https://www.lhistoire.fr/rams%C3%A8s-ii-%C3%A0-paris

    • mais aussi sans doute @supergeante qu’il a récemment remis en cause son relativisme généralisé en raison d’un contexte de catastrophe écologique. en venir, par exemple, à évoquer Schmitt pour ne défendre la nécessité de ne pas rester neutre dans un polythéisme des valeurs où le climatonégationnisme (comme le déni de la pandémie) aurait non seulement une existence mais une légitimité.

      le souci, pour s’en tenir à un pragmatisme des effets, c’est que la réception fait l’oeuvre (d’où l’utilité du papier de Jeanpierre), et que des artistes aux académiques, des journalistes aux révolutionnaires (LM et d’autres), ça baigne dans un brouet de confusion qui crée des conflits superflus et nuisibles au lieu d’orienter une écologie politique consistante (cf. encore, le déni de la pandémie, entre autres).

    • Y’a beaucoup de choses à redire sur Latour, c’est dommage d’aller l’asticoter sur Ramses (j’étais sûr que c’était déjà sorti sur ST, mais j’ai dû rêver). Pour moi ça se résume à : Un événement datant de -1000 a été écrit de plusieurs façons depuis ; en 1976 on a fait une découverte importante sur cet événement qui ne nous fera plus l’écrire de la même façon ; cette découverte ne doit pas pour autant justifier de tout réécrire rétrospectivement, au risque d’aplatir l’histoire et d’en faire perdre la dimension sédimentaire. Ca me semble assez banal comme propos.

      Quand il dit : Grâce à la science moderne on sait maintenant avec certitude que Ramsès 2 est mort de la tuberculose, le gars conclut : Latour ne tient aucun compte des faits, il se fout de la réalité. Je comprends pas…

      Alors y’a cette phrase citée qui vient du début du texte de Latour :

      Affirmer, sans autre forme de procès, que Pharaon est mort de la tuberculose découverte en 1882, revient à commettre le péché cardinal de l’historien, celui de l’anachronisme.

      L’important là-dedans c’est « sans autre forme de procès ». Bien sûr que les petits gènes du bacille de Koch n’ont pas attendu Koch pour avoir une existence matérielle. Ce serait en effet stupide de dire le contraire (et c’est pour ça que personne ne dit le contraire – vaut toujours mieux partir du principe que personne n’est stupide). Mais Latour rejette cette idée que l’action des scientifiques ne consiste qu’à lever le voile sur une réalité déjà là à côté de nous. Pas parce qu’il n’y a rien à côté de nous, mais parce que les scientifiques ne lèvent pas de voile – ils produisent des faits. Et c’est bien plus compliqué. (C’est d’ailleurs parce qu’il sait que c’est plus compliqué qu’il met en valeur la découverte scientifique faite au val de grâce - c’est aussi pour ça qu’il ne discute pas les faits scientifiques, qu’il fait confiance à l’institution et qu’il prône le recours positif à l’argument d’autorité, etc.) Et ces faits ont une histoire, etc.

      Bref, je vois pas où ça peut se résumer à « tout se vaut » ou « tout n’est qu’une question de point de vue ».

      Par contre je sais que sur seenthis y’a plein de critiques intéressantes de Latour (le Latour écolo dernière période), par exemple ce très bon texte de LM (j’arrange pas mon cas) : https://seenthis.net/messages/699971

      ... où d’autres, de Frédéric Neyrat ou Andréas Malm :
      https://seenthis.net/messages/492604
      https://seenthis.net/messages/772354

    • De même qu’il n’y a de visible qu’indexé à un point de vue, il n’y a de vrai qu’ancré dans des épreuves et dans les réseaux qui le soutiennent : il n’y a de vérité que conjonctive.

      Nous touchons ici au cœur du malentendu que Bruno Latour a suscité au cours de sa carrière, à savoir son « relativisme ». On le lui a reproché au point de le faire passer pour un mystificateur. Pourtant, loin de s’en défendre, il revendiquait ce relativisme – « le contraire est l’absolutisme », avait-il pour habitude de rétorquer. Le quiproquo était parfait : lui et ses détracteurs ne s’accordaient pas même sur la signification du terme « relativisme ».

      #Dominique_Linhardt, « No Sociology ! »
      https://revuepragmata.wordpress.com/les-numeros/6-2023

  • À Landunvez, la porcherie géante s’approche d’une régularisation douteuse | Splann !
    https://splann.org/landunvez-porcherie-avel-vor

    Malgré des avis défavorables, des jugements contraires et même un accident mortel sur son exploitation, Philippe Bizien, président du comité régional porcin, a pu agrandir sa porcherie pour en faire l’une des plus grandes de France, sur la commune littorale de Landunvez, dans le Finistère.
    Le rapport d’enquête publique commandé par le préfet en vue d’une régularisation de l’élevage est entaché d’erreurs factuelles et de commentaires fallacieux.
    Cette politique du fait accompli en matière agro-industrielle se met en place avec la complicité de l’État, en dépit des préconisations environnementales. Nous avons identifié 25 situations similaires en France.

    #porc #élevage_porcin #agro-alimentaire #agro-industrie #pollution

  • Chassé-croisé de l’été. Le nombre de bouchons recule un peu sur les routes après un pic à 862 km
    https://www.ouest-france.fr/info-trafic/chasse-croise-de-l-ete-le-point-sur-la-situation-sur-les-routes-et-dans

    Après un vendredi déjà chargé, de nombreux vacanciers sont sur les routes ce week-end. Après un pic à 862 km 11 h 30, plus de 600 km de bouchons sont toujours recensés. Concernant les trains, un incendie dans la Drôme a provoqué des retards.

    Apparemment, dans les écoles de journalisme, le thème du pic qu’on-a-passé est devenu la nouvelle façon d’aborder n’importe quel sujet.

  • Hillary Clinton a approuvé un plan de désinformation Trump/Russie, selon son directeur de campagne
    https://www.les-crises.fr/hillary-clinton-a-approuve-un-plan-de-desinformation-trump-russie-selon-s

    Son directeur de la campagne de 2016 déclare qu’elle a approuvé un plan pour diffuser auprès d’un journaliste une fausse information concernant la Russie. Source : Wall Street Journal Traduit par les lecteurs du site Les-Crises Le récit de 2016 et au-delà de la collusion entre Trump et la Russie était le sale coup du […]

  • Philippe Godard, Ce monde qui n’est plus le nôtre, 2015
    https://sniadecki.wordpress.com/2022/05/08/godard-monde

    Si la chimiothérapie « soigne » le cancer, il existe aussi des chamanes qui guérissent à partir de plantes.

    Qui guérissent quoi, qui, combien ?

    Il parle du chaman Raoult là non ? Celui qui guérit du covid à partir « d’un remède depuis longtemps éprouvé » ?

    Tout ce genre d’assertions n’a aucun sens, même si je suis plutôt d’accord avec une bonne partie du texte, dommage.

    #Philippe_Godard #Science #Recherche #nucléaire

  • UN ARCHIPEL DES SOLIDARITÉS

    « À ceux que les tempêtes politiques, qui menacent nos archipels, continuent de fracasser. À ceux qui ont la puissance solidaire d’affronter ces tempêtes. »
    Cet ouvrage est issu d’un travail de terrain mené en #Grèce entre juillet 2017 et janvier 2020 par la philosophe #Christiane_Vollaire et le photographe #Philippe_Bazin. Il associe #photographie documentaire critique et philosophie de terrain autour de la force vive des #solidarités.
    Un archipel des solidarités présente la puissance des réseaux de solidarité, face à des politiques globales destructrices. Il induit ainsi une réflexion sur « un autre possible politique » et une énergie du commun.

    http://www.editionsloco.com/UN-ARCHIPEL-DES-SOLIDARITES
    #livre #solidarité #commun

    ping @isskein @karine4

  • « un idéologue à l’école » : les connexions avec l’extrême droite et l’enseignement privé ainsi que sur la main-mise opérée sur la haute administration.


    https://www.politis.fr/articles/2022/02/jean-michel-blanquer-un-ideologue-a-lecole-44067
    Autoritaire et sensible aux idéologies d’extrême droite, Jean-Michel Blanquer a patiemment tissé ses réseaux.

    Avec la rédaction de #Politis, nous avons dressé le bilan réel de la macronie. Après 5 ans de #blanquérisme, l’école et ceux qui la font vivre se sentent usés, relégués, méprisés. Mais sous les cendres de la fatigue et du renoncement, la braise de la résistance est encore vive.

    Comment la #macronie a abimé l’école !

    • « Quel drôle de signal, à deux mois de la présidentielle, que de mettre en lumière un inspecteur général de philosophie manifestement très préoccupé par la place du christianisme dans le champ éducatif »

      https://www.telerama.fr/debats-reportages/conseil-superieur-des-programmes-blanquer-tend-il-le-baton-pour-se-faire-ba

      L’image du ministre de l’éducation ne risque pas de s’améliorer : il a nommé Mark Sherringham à la tête de la stratégique instance. L’homme, controversé, avait plaidé pour la réintroduction du christianisme dans l’école publique.

      Maso, le ministre de l’Éducation ? On va finir par croire que Jean-Michel Blanquer a décidé de se saborder, accablé par une année 2022 qui lui file entre les doigts. Rien ne va plus depuis ce dimanche 2 janvier où il réserva la primeur de l’annonce d’un nouveau protocole sanitaire – conçu à Ibiza – aux lecteurs du Parisien. Une grève monstre des enseignants est venue pointer sa méthode de gouvernance. Ces derniers jours, le recul problématique du nombre d’heures de mathématiques dispensées au lycée remet en cause ses réformes elles-mêmes.

      Et voilà que le ministre nomme à la tête du Conseil supérieur des programmes un ancien conseiller de Raymond Barre, François Fillon et Xavier Darcos, connu pour vanter « l’idéal civilisateur du christianisme » et plaider pour sa réintroduction dans l’école publique. L’annonce a déclenché l’indignation sur les réseaux sociaux.

      Drôle de signal

      Nous ne ferons pas ici le procès de Mark Sherringham, nous ignorons ses intentions. Mais tout de même, quel drôle de signal, à deux mois de la présidentielle, que de mettre en lumière un inspecteur général de philosophie manifestement très préoccupé par la place du christianisme dans le champ éducatif. On le sait, le Conseil supérieur des programmes, créé en 2013 par la loi Peillon, est une instance hautement stratégique.

      « C’est un outil pour imprimer une marque idéologique sur les programmes », dénoncent régulièrement les syndicats enseignants. Assurément le théâtre de vives tensions, particulièrement sous le mandat de la philosophe Souâd Ayada qui, avant de laisser sa place à Mark Sherringham, aura rudement bataillé contre les « pédagos », ces partisans de l’Éducation nouvelle honnis par Jean-Michel Blanquer. On doute que son successeur change de cap.

    • Tiens Ali Baddou a invité le macroniste #Philippe-Aghion sur #franceinter : en direct du monde parallèle de la macronie ; sur l’#éducation un programme disruptif : réinventer les gadgets sarkozystes pour imposer l’autonomie des établissements, gérer les écoles sur le modèle de la compétitivité, donner une allocation de 800 euros aux jeunes sortis du foyer fiscal mais conditionnée à la réussite et financée par l’allongement de l’âge de départ à la retraite...

      On lui fait remarquer que sa proposition est décalé par rapport à ce que propose Macron, il répond « vous n’avez pas vu encore son programme ! »

      Aghion :"j’ai cru à la réforme par points et j’ai eu tort ". « Les enseignants ont eu bien raison de pas croire au système par points, ils ont vu tout de suite qu’ils se faisaient avoir, moi je ne l’avais pas vu. »

      Aghion veut rétablir la propédeutique ! il s’est pas aperçu que parcours sup et la réforme du lycée conduit à des logiques d’orientation précoces et inégalitaires ! Aghion est visiblement un adepte de « l’entreprise organique » un peu comme le startuper millionnaire principal financeur de la #primairepop.

      « Le quinquennat précédent a été celui de la libéralisation, le prochain doit être celui de l’investissement ».

      « les inégalités ont explosé » Aghion : « mais pas chez nous », « le modèle social a tenu ».

      Le modèle social ne doit rien ni à Macron ni à Aghion qui ne cessent de le dégrader !

      Aghion professeur d’une pseudo science prétentieuse « ce qui est nouveau c’est qu’on confronte les théories avec les données »

      Ce clown d’Aghion comme d’habitude depuis 5 ans nous dit que le macronisme sera social, dans un futur proche.

      https://rf.proxycast.org/d8c1ea2d-cc72-4de1-b707-f45ba366a37c/18558-12.02.2022-ITEMA_22931027-2022F30378S0043-22.mp3


      à partir de 55.53 (jeunesse retraite éducation)

      Emission du samedi 12 février de 12h à 14h.

      ► Philippe Aghion, économiste et professeur au Collège de France (titulaire de la chaire Economie des institutions, de l’innovation et de la croissance) et à la London School of Economics, est l’invité de cette édition autour du thème : La République a l’épreuve des inégalités : comment réinventer le modèle social français ?

  • L’impact des passes sanitaires sur le taux de vaccination, la Santé, et L’économie
    https://www.cae-eco.fr/limpact-des-pass-sanitaires-sur-le-taux-de-vaccination-la-sante-et-leconomie
    Avec un résumé en français !
    Le Conseil d’Analyse Économique est un organisme qui dépend du gouvernement.

    Résumé de l’arnaque intellectuelle du #CAE :

    1/2 - Ils supposent (et non pas prouvent) que la vaccination empêche de tomber malade et de mourir.
    - Ils constatent que le passe sanitaire force les gens à accepter la vaccination.
    - Ils concluent que le passe sanitaire sauve des vies.

    2/2 et préserve l’économie en empêchant de tomber malade.

    C’est donc le sophisme habituel : si je suppose que ça fonctionne, alors je conclue que ça fonctionne (mais j’ai fait des graphiques et des modèles mathématiques au milieu pour noyer le poisson)

    https://twitter.com/decoder_l/status/1484091837124169729?cxt=HHwWgsC-3bXqxpgpAAAA

    • mais c’est é-vi-dent que si on sait pas / veut pas faire de campagne vaccination publique sans faire un pass et que celui-ci entraîne des vaccinations, il sauve des vies. pas besoin du cae pour savoir ça. et moins besoin encore de le nier parce que donc c’est puisque c’est le cae. tu cavale après pas mal de leurres que tu te crée. arrête toi un moment, respire par le nez, médite, rêvasse, ça peut être - qui sait ? - l’occasion d’arriver à s’orienter.

    • Arrête toi un moment, respire par le nez, médite, rêvasse, ça peut être - qui sait ? ...

      C’est fait ! 17 km de ski fond seule sur les pistes ensoleillées ! Neige parfaite ! Super Glisse ! Le plein de vitamines D et C !
      Là je me détends en regardant la course individuelle masculine de Biathlon en savourant une tranche de Bescoing du coin tout en étant connectée à mes comptes préférés !

      J’ai pas l’impression d’être désorientée ! :)) @colporteur !

    • La vaccination n’empêche pas d’être malade, protège seulement des formes graves du Covid et de finir en réa. C’est peut-être déjà beaucoup mais ce n’est pas suffisant.
      Je suis consternée par tous les triples-dosés bientôt les quadruples injectées qui continuent de s’infecter en présentant pour la plupart certes de faibles symptômes.

      Pour évaluer l’impact du pass vaccinal dans chacun de ces pays, nous construisons des #contrefactuels c’est‐à‐dire que nous modélisons ce que la dynamique de #vaccination aurait été sans la mise en place du pass. Pour cela, nous utilisons une #estimation basée sur la théorie de diffusion des innovations qui permet de quantifier la manière dont une innovation – ici la vaccination – est graduellement adoptée par la population. En effet, une partie de l’augmentation du taux de vaccination dans les trois pays considérés aurait eu lieu même sans #pass-sanitaire.

      En utilisant les données disponibles sur l’impact de la vaccination (en distinguant entre première et seconde doses) sur les admissions à l’hôpital ainsi que sur le nombre de décès Covid, on peut aussi estimer l’impact du pass sur ces variables de santé. On estime ainsi le nombre de décès évités dans les trois pays : environ 4 000 en France, 1 100 en Allemagne et 1 300 en Italie.

      C’est surtout par rapport au procédé de faire accepter le #passe-vaccinal en utilisant la formule on suppose, on estime, ça fonctionne, que je réagis !

    • Je me demandais d’où venaient le chiffre wtf de 4000 vies épargnées par le pass sanitaire cité par Castex !
      Il vient d’une étude menée par des gens qui ont pris conseil auprès d’Arnaud Fontanet, #Philippe-Aghion, économiste,et #Patrick-Artus, économiste, directeur de la recherche et des études de Natixis et administrateur de Total, qui gravitent tous autour de Macron
      Voilà…

      https://twitter.com/realmarcel1/status/1484288645754499080?cxt=HHwWkMC9pZiqoJkpAAAA
      #Castex19


      ( Source Libé)

  • En Bretagne, l’étrange business « bio » de l’ex-patron du GIGN — Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/291221/en-bretagne-l-etrange-business-bio-de-l-ex-patron-du-gign

    Ancien commandant du GIGN et acteur du drame d’Ouvéa en 1988, Philippe Legorjus veut créer dans le Finistère la plus grande exploitation industrielle d’algues en Europe. Avec l’aval des autorités, ce projet labellisé bio se développe en dépit des risques et contre l’avis de nombreux habitants.

  • A Paris, inauguration en grande pompes d’un laboratoire de la philantropie
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/09/30/a-paris-inauguration-en-grande-pompes-d-un-laboratoire-de-la-philantropie_60


    Le Philanthro Lab, dans le 5e arrondissement de Paris. STEPHANE LAGOUTTE/CHALLENGES-REA

    ÉCONOMIE FRANÇAISE

    Le tout premier Philanthro-Lab, un environnement entièrement consacré aux projets philanthropiques, sera inauguré par Anne Hidalgo, Valérie Pécresse et Gabriel Attal ce jeudi 30 septembre dans le 5e arrondissement de #Paris.

    C’est Phillipe Journo (Compagnie de Phalsbourg) qui régale

    « Philippe Journo est un patron « très exigeant », « sur le terrain en permanence » mais « loyal et généreux, c’est son côté méditerranéen » et -« profondément humain », confient ses collaborateurs, qui lui doivent une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre « voire quarante-huit heures sur vingt-quatre ». (...) J’ai alors découvert qu’être investisseur dans l’immobilier commercial, c’était le rêve »

    https://justpaste.it/7oe88

    Présenté comme un self made man à la Tapie, ce fils d’instituteur et de petit commerçant s’est lancé avec 500 000 francs fournit par son père, commerçant pas si « petit » semble-t-il.

    #immobilier #centres_commerciaux #Philippe_Journo #philantropie

  • #Belgique : Inondations de 1953 : Quand le papa de Geluck caricaturait les manquements du gouvernement Adrian Thomas - Solidaire
    https://www.solidaire.org/articles/inondations-de-1953-quand-le-papa-de-geluck-caricaturait-les-manquements-

    Les récentes inondations ne sont pas les premières que notre pays ait subies. On pense à celles de 1926, 1987, 1993 ou encore 2011. Le raz-de-marée de février 1953 a défrayé la chronique pour son bilan meurtrier (2 551 morts) et les dégâts causés. Mais aussi parce que les actions du gouvernement n’ont pas été à la hauteur des besoins des nombreux sinistrés. Ces insuffisances n’avaient pas échappé au crayon du caricaturiste Diluck, le papa de Philippe Geluck, le dessinateur de la célèbre BD « Le chat ».


    Didier Geluck (1924-2011), ici avec le réalisateur soviétique Andréï Tarkovski, dessine quotidiennement dans Le Drapeau rouge dans les années 1950. Il devient dès 1955 directeur de Progrès films, distributeur de films du bloc de l’Est. (Photo D.R.)

    En 1953, Didier Geluck (1924-2011) croque l’actualité dans Drapeau rouge, le quotidien du Parti communiste de Belgique (PCB). Quand surviennent les inondations en février, Diluck n’y va pas de main morte dans ses dessins. Une tempête en mer du Nord fait alors céder les digues. L’eau envahit les terres et noie 1 836 villageois néerlandais. Le Royaume-Uni est aussi très atteint. Quant aux Belges, 28 sont tués en Flandre, le long de la Côte et de l’estuaire de l’Escaut. 10 000 familles sinistrées se retrouvent sans abri, en plein hiver.

    La solidarité de la classe travailleuse
    Très vite, la solidarité se met en marche. La Croix-Rouge et le PCB, entre autres, récoltent des fonds, des vêtements, des couvertures et des vivres. Comme en 2021, des centaines de volontaires affluent pour apporter leur aide aux victimes de la catastrophe. Par exemple, les ouvriers des ACEC cèdent collectivement le salaire d’une journée et acheminent à Ostende un camion rempli de literie.

    De son côté, le gouvernement rase les murs. Le PCB exige que le Premier ministre Jean Van Houtte (PSC, ancien cdH) rende compte au fur et à mesure de l’aide délivrée aux sinistrés. Mais bien vite, le Parti social-chrétien, seul au gouvernement, s’en lave les mains. En accordant à peine dix millions de francs (un peu moins de 250 000 euros) à la Croix-Rouge et en refusant d’indemniser les victimes.

    C’est que cette calamité tombe mal : le ministre des Finances Albert-Édouard Janssen (qui est également banquier) a prévu une hausse des impôts afin de financer une « armée européenne ». Avec la guerre de Corée (1950-1953), la Guerre froide s’est en effet fortement réchauffée et menace de dégénérer. Les Américains poussent donc les nations ouest-européennes à s’unir, en premier lieu militairement, dans l’éventualité d’une troisième Guerre mondiale contre l’Union soviétique et la Chine.

    L’inaction gouvernementale caricaturée
    Dans ses caricatures pour Drapeau rouge, Diluck tourne en dérision le cynisme du gouvernement, qui s’obstine à défendre coûte que coûte son budget. « Ah non, rien à faire, les sinistrés n’en auront pas un sou ! », fait-il dire au Premier ministre.

    « Prendre l’argent dans le budget de la guerre ? Vous êtes fou, mon brave ! Et nos tanks… et nos traitements ? », prête Diluck à un général obtus.

    Sur un autre dessin, deux ministres calculent : « Nous augmentons les impôts de 5%. Les sinistrés paient les impôts, n’est-ce pas ? Ils paient donc les dégâts subis par l’État. Il ne restera plus rien pour les indemniser, dites-vous ? Et la charité publique, alors ? », concluent les « margoulins ».

    Diluck raille aussi Baudouin. Le roi est sur la Côte d’Azur et rechigne à revenir de vacances. Il va tardivement saluer des sinistrés devant les photographes mais retourne aussitôt à Antibes.

    Son antipathie passe mal en Belgique. La presse se déchaîne. Des journaux étrangers évoquent même la reprise de la récente Question royale, conclue de justesse en 1950 par l’abdication de Léopold III. C’est suite aux gaffes de Baudouin que le Palais créera un service pour la presse. Quant à l’armée européenne (CED), le projet va échouer.

    Concernant les inondations, les autorités se voient bien obligées d’investir dans l’élévation des digues. Ainsi naît le Plan sigma (programme de gestion des inondations et de l’écosystème, le long de l’Escaut, en Flandre). Des digues qu’il faut sans cesse rehausser. Jusqu’où ? En revanche, les sinistrés, eux, ne verront jamais l’ombre d’une aide gouvernementale.

    Geluck #Philippe_Geluck #caricatures #Famille #inondations #gouvernement #baudouin #europe #UE #union_européenne guerre_de_Corée Guerre_froide #sinistrés #sinistrés #CED #Histoire

  • Chaque jour cent fleurs | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/marie-cosnay/blog/220721/chaque-jour-cent-fleurs

    Merci à Marie Cosnay pour ce très beau texte d’amitié avec Philippe Aigrain, ses combats et sa volonté.

    Philippe Aigrain (15 juillet 1949-11 juillet 2021). D’Interdemos, de peuple à peuple, à Lucrèce, en passant par #JALE, J’accueille l’étranger. Notre chagrin immense.

    L’ordinateur restait fermé. Impossible de faire autrement. Quand je pourrais, j’irais y chercher, pour continuer la conversation avec lui, les documents rédigés avec Philippe Aigrain. Ceux en attente, sur Framapad. Déjà anciens, dont nous n’avions rien fait de précis, où nous prolongions la réflexion : peut-être, rétrospectivement, dans cette mise en attente, verrons-nous la preuve que la machine à maltraiter, comme l’écrivait Philippe dans un de ses billets de blog sur Mediapart, nous n’avons pas su l’enrayer à temps. C’est ce que nous pensions, ces derniers mois. Sans que le découragement nous empêche de faire, de faire autrement, là où nous étions, auprès des jeunes gens que nous connaissions, suivant leurs parcours, nous réjouissant de leurs succès.

    Dans ce billet de blog que je cite, à plusieurs titres Philippe est visionnaire. Il l’a écrit il y a trois ans. En juin 2018. Quelque temps après que nous eûmes lancé, avec Mireille, Jane, Louise, tant d’autres, le collectif JALE, qui nous avait donné l’espoir d’affirmer ce qui disparaissait, tranquillement mais sûrement, des discours publics. Bien avant la crise sanitaire et la fermeture des frontières nationales à l’intérieur de l’espace Schengen. Pragmatique, Philippe cherchait où les possibilités de soulèvement étaient possibles. Il partait de l’ahurissant règlement Dublin III, de l’imposition faite aux demandeurs d’asile de rester dans les premiers pays d’arrivée, et de ce corollaire : l’impossibilité de passer les frontières intérieures quand on n’était pas un ressortissant de l’espace Schengen, alors que la liberté de circulation était au coeur de l’idée européenne. Ici, une possibilité de soulèvement. Du corps et de l’esprit, écrivait Philippe. Bien sûr, c’était une étape, visant à nous réunir, nous rassembler, afin que nous construisions un mouvement fort capable de « réinstaller dans les textes juridiques et dans les faits les droits à l’accueil des étrangers, de tous ceux qui pour ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans l’Union ». Il n’était pas question, Philippe l’explique très clairement, et nous en avions parlé, des heures, avenue Ledru Rollin, il n’était pas question de ne regarder que ce qui se passait à l’intérieur de l’UE, pas question de justifier l’externalisation des frontières, les accords avec les pays de départ, tout ce qui permettait exploitations et tortures des personnes en déplacement. Mais il nous fallait partir de ce point ahurissant de transformation de l’idée européenne. On ne pouvait qu’être suivis.

    Trois ans plus tard, Philippe, les frontières Schengen étaient fermées pour tout le monde. Nous avions, au téléphone, en 2020, plaisanté quelques fois, pour supporter l’insupportable : seuls les gens qui n’ont pas de papiers, pas de titres de séjour, pas de visa, passent nos frontières condamnées. Ce n’était pas complètement vrai, nous le savions tous les deux. Récemment, je te l’avais dit, Yaya Karamoko, jeune homme ivoirien de 28 ans, avait traversé la Bidassoa, à Irun, et s’y était noyé. Je n’ai pas eu le temps de te raconter la suite.

    Ce que je ne t’ai pas dit pèse lourd.

    Je t’ai dit que l’attentat de Nice, par un jeune homme passé par Lampedusa, a été suivi, directement, immédiatement, alors même que les îles Canaries, espagnoles, s’ouvraient, résistaient à l’Europe, par cette annonce : on garderait, virus ou pas, les frontières fermées, et à Irun des unités mobiles arrivaient, gardant chacun des ponts et chacun des abri bus menant à Bayonne et vers le nord. Les gendarmes et policiers ramenaient en Espagne, de l’autre côté de la frontière, les personnes contrôlées en fonction de la couleur de leur peau. Je te l’ai dit ? Je te l’ai dit. Parlant au téléphone, longeant l’Adour, pendant l’heure de sortie de confinement. Tu étais à Argelès. Tu marchais, et jardinais, et écrivais.

    Nous choisissions de parler de Lucrèce, dont tu lisais ma traduction, tu te demandais comment concilier cette nature des choses, où chaque chose choisissait son lieu (et puis ça recommençait, en une pluie d’atomes), avec le sentiment d’impermanence, de flux des formes, de passage d’une espèce à une autre, que tu relisais chez Ovide.

    Ce qui n’était pas très loin de nos autres questions.
    Ce qui serait tout près de la mienne, ce 11 juillet 2021 : Philippe, mais où es-tu donc passé ?

    Comment allons-nous faire, maintenant ?

    11 juillet 2021, c’est le moment où je fais tout, et j’ai hâte de te le raconter, avec le président de la communauté musulmane d’Irun, pour tenter, malgré les nombreux obstacles, d’enterrer Yaya Karamoko. Je veux te dire : comme on traite les vivants, on maltraite les morts. Je veux te dire : tu te souviens de ce que tu disais de l’invisibilité ? Je veux te dire : faire pour un, au cas par cas. Jusqu’au bout. C’est au moment où les corps de plus de cent personnes sans papiers s’exposent, en grève de la faim, pour obtenir de la Belgique la seule réponse possible, la régularisation (nous travaillons ici, nous vivons ici, nous restons ici, et il n’y a pas de raisons pour que nous y restions esclaves), c’est à ce moment que j’apprends, le dimanche dans l’après midi, que tu as trébuché sur une pierre, dans la montagne que tu aimes. Je veux absolument donner du sens à la pierre, celle d’achoppement, je sais que c’est inutile et que ça fourvoie, je relis ce que tu m’avais dit être seulement capable d’écrire en ces moments, le carnet de confinement en Angleterre, auprès de tes enfants et petits enfants, comme tout y est précis et intelligent, je veux donner du sens, je veux chercher du sens, pour ce faire c’est à toi que je veux parler, à toi. Je te dirai cette conjonction : toi, la pierre, la montagne, la Belgique, les corps soulevés, exposés, le corps en jeu, jusqu’au bout, le corps disparu, même après la mort, on ne ne peut pas enterrer Yaya, toi, la pierre, la montagne.

    Je veux te le dire, à toi.

    Sur un de nos documents Framapad, où nous faisions des projets, des plans, tu écrivais, en une sorte de petit encart : « le monde que nous croyions encore nôtre bascule dans un autre qui ne nous laisse que le choix entre pleurer et nous soulever, et qui semble nous avoir privés de tous les instruments d’un soulèvement ». Tu le disais en vrai.

    Pleurer ou nous soulever.

    Tu nous laisses pleurer.

    Je voulais t’offrir bientôt Des îles, à paraître, texte auquel tu avais participé, en quelque sorte : tu l’avais lu, tu avais commenté, tu savais ce que j’y avais développé. Quand j’étais revenue de Lesbos, fatiguée, tu étais à l’aéroport, m’attendant, personne encore n’était masqué - je sais exactement ce qu’avec Mireille, le soir, à table, nous racontions, le camp de Moria, la honte de l’Europe, notre défaite, les résistances malgré tout, et cette maladie qui semblait ne pas vouloir rester en Chine, qu’est-ce que cela allait donner, tu développerais, après, sur ton autre blog, de débats, des analyses qui m’ont guidée plus que toutes les autres.

    Notre découragement, qui n’empêchait pas de faire pour un, un autre, encore ceci, ici, là, qui empêchait pas de penser, je le lis dans notre long document Framapad. Notre tristesse, je dirais. Que Lucrèce, ses atomes en constructions, le monde entier, nous a donné de consoler un peu. « L’immense tristesse et la révolte encore impuissante qui a saisi tant d’entre nous ces dernières semaines vient de la révélation que la corruption des systèmes politiques et l’incapacité où ils sont de traiter les défis écologiques, sociaux et culturels de notre époque est telle qu’ils ne reculeront devant rien pour agiter les peurs, créer des ennemis à combattre et maltraiter ceux qui sont ainsi dépouillés de leurs droits humains élémentaires. ».

    Voilà, tu le savais, Philippe. Et tu avais raison.

    Tu m’écrivais, à propos de Lucrèce : « (…) Ce n’est pas que l’idée même de métamorphose soit étrangère à Lucrèce. Il écrit ainsi, en proposant une définition de la vie comme commun (Livre III, 989-998, trad. Lefèvre, 1899) :

    Grande et forte leçon ! Tout est métamorphoses ;
    Toujours un flot nouveau chasse les vieilles choses ;
    Et l’échange éternel rajeunit l’univers.
    Rien ne roule au Tartare, au gouffre des enfers.
    Pour les peuples à naître il faut de la matière ;
    Ils vivront à leur tour et verront la lumière.
    Les uns nous précédaient, les autres nous suivront.
    C’est un cercle éternel que nul effort ne rompt ;
    Et la vie à jamais se transmet d’âge en âge :
    Elle n’est à personne, et tous en ont l’usage.

    Mais les métamorphoses dont il s’agit ici ne sont que celles permises par l’infinie recombinaison des éléments primordiaux en de nouvelles formes qu’il a décrit au livre I. Tout au plus fondent-elles une forme de métempsychose, mais pas la transformation d’un corps en celui d’une autre espèce, une autre sorte d’existant.

    Plus haut (Livre III, 807-816, trad. Marie Cosnay), Lucrèce a écrit :

    Enfin, dans le ciel, pas un arbre, en haute mer pas de nuages, pas de poissons dans les champs,
    ni de sang dans les bois, ni de jus dans la roche.
    Est certaine et ordonnée, chaque chose qui est et croît.

    Comment pourrait-elle donc se muer dans une autre enveloppe physique alors qu’elle serait prisonnière de sa constitution ? »

    Tu cherchais l’autre forme, Philippe.
    Une autre enveloppe physique.
    Les passages, la liberté de devenir la fleur.
    L’animal, le caillou.

    Je te répondais, le 20 novembre 2020, par mail :
    « La traduction de Lefèvre est vraiment libre ! Les vers que tu cites arrivent après la prosopopée de la nature. Tout le passage engage à la mort, comme tranquillité. Vois ma traduction de la suite :

    Une chose d’autre chose ne cesse jamais de naître,
    la vie n’est pas donnée à un acheteur, mais à tous, pour usage.
    Regarde : ce n’est rien, pour nous, l’ancienneté passée
    du temps éternel, avant notre naissance.
    C’est un miroir du temps futur que la nature nous
    expose à la fin, celui d’après notre mort.
    Y a-t-il quelque chose d’horrible qui paraît, quelque chose
    de triste ? N’est-ce pas plus tranquille que le sommeil ? »

    Aujourd’hui, 22 juillet, les phrases de Lucrèce, que nous avions échangées, dont nous avions commenté les traductions, afin de comprendre comment le philosophe antique pensait le changement, devrait, sinon me consoler de l’atroce manque, m’apaiser ? Plus tranquille que le sommeil ? Ton futur, miroir de nos passés ? Du temps éternel d’avant nos naissances ?

    Le 10 juillet 2021, la veille de la pierre sur le sommet, tu as fait une photo, jaune, de fleurs d’onagres (je ne connaissais ni le nom de la fleur ni la fleur). Tu cherchais l’autre forme, la beauté. Tu pensais l’autre forme, la beauté, tu n’étais qu’au début de le penser, et cela me remplit de chagrin.

    "Chaque jour cent fleurs" : le 10 juillet, on en avait, des jours et des fleurs devant nous.

    2017, à l’hiver. Ici, nous rencontrions Saâ. Il arrivait à Paris et grâce à lui nous apprenions, toi et moi, et Vincent, et Mireille, et Jane, et Michèle, et Sarah, et Nouho, nous apprenions tous combien les adolescents étrangers étaient maltraités. C’était le début d’une prise de conscience. "Ce n’est pas pour rien que Philippe est venu me chercher à gare d’Austerlitz", a dit Saâ vendredi, le jour où à Argelès on essayait de te dire au revoir. Pas pour rien que Philippe a lu le code civil guinéen, proposant des interprétations de certains articles, ce qui permettait une belle jurisprudence, mettant en échec, ponctuellement bien sur, les départements jugeant que les extraits d’acte de naissance des jeunes n’étaient pas conformes. Pas pour rien. Le dernier message que j’ai reçu de Philippe, par Signal, c’est la photo du mariage de Trésor. Trésor Bomenga, qu’il continuait à aider, depuis qu’en 2014 celui-ci avait réussi à échapper à la rétention administrative, prolongée qui, avant Tsipras, sévissait dans les centres grecs. J’avais rencontré Trésor en 2014, à Corinthe. Philippe à peine un peu plus tard, à Paris. Je ne sais pas si des formes remplacent les formes mais je sais la force des liens. Grèce, 2015, et ce que nous mettions en place, Philippe en tête, avec Mireille, Sophie, Laure, Michel, Catherine, Dimitris, en place, Interdemos. Entre les peuples. De peuple à peuple. Il faudra y revenir.

    Le chagrin est immense

    #Philippe_Aigrain #Marie_Cosnay

  • In memoriam Philippe Aigrain (1949-2021) – La Quadrature du Net
    https://www.laquadrature.net/2021/07/15/in-memoriam-philippe-aigrain-1949-2021
    https://www.laquadrature.net/wp-content/uploads/sites/8/2021/07/philippe.jpg

    C’est avec une immense tristesse que nous avons appris lundi le décès de Philippe Aigrain en montagne, près de sa maison dans les Pyrénées.


    Photo : Jérémie Zimmermann

    Informaticien et grand humaniste, militant infatigable, chercheur et intellectuel qui aidait à y voir clair dans ces temps troublés, Philippe a fait partie en 2008 des cofondateurs historiques de La Quadrature du Net. Il fut président de l’association de 2013 à 2017. Tout jeune, il avait été actif lors du soulèvement de mai 1968. Il fut ensuite un compagnon de route des radios libres dans les années 1970, avant d’explorer les potentialités démocratiques d’Internet et de devenir un ardent défenseur des logiciels libres et des biens communs. Ces dernières années, il travaillait à l’accueil solidaire des exilés et dirigeait la maison d’édition publienet, tout en faisant paraître ses poèmes et, plus récemment, son premier roman, intitulé Sœur(s).

    Philippe était de ces personnes qui forcent d’emblée le respect et l’admiration par ses qualités humaines exceptionnelles, son immense gentillesse et sa grande sensibilité, mais aussi par la profondeur de sa réflexion, sa curiosité, sa générosité, sa capacité à conjuguer les savoirs à travers une pensée proprement interdisciplinaire. Tout cela lui permettait non seulement de naviguer entre des communautés militantes, intellectuelles et artistiques de par le monde, mais aussi d’y apporter des contributions précieuses et de tisser des ponts entre tous ces gens.

    À La Quadrature, il a été un modèle pour nombre d’entre nous, un mentor et un ami qui se montrait toujours curieux, ouvert, mais aussi très encourageant avec les personnes fraîchement arrivées au sein du collectif. Il était l’un des piliers qui nous permettait de tenir et de traverser les moments difficiles. Nous admirions sa capacité d’indignation, la rigueur et la richesse de ses analyses, la manière dont il savait mettre à distance certains réflexes militants pour appréhender une situation dans toute sa complexité. Lors qu’on risquait de se perdre dans les détails d’un dossier, il savait aussi nous inviter à prendre de la hauteur et à revenir aux questions politiques fondamentales. Par exemple, lors d’un débat interne fin 2016, nous discutions de notre position sur la création du fichier biométrique TES, que le gouvernement présentait alors comme une manière de lutter contre la fraude à l’identité… on fourbissait des arguments un peu trop techniques et juridiques à son goût, et il avait mis tout le monde d’accord en évoquant la Résistance et en rappelant que des documents d’identité infalsifiables étaient tout simplement contraires aux formes de vie démocratiques.

    Philippe avait également insisté dès le début pour que La Quadrature soit force de propositions positives. Il avait ainsi envisagé un système complet pour permettre au public et aux créateurs et créatrices de se rencontrer autour de leurs œuvres en permettant le partage libre de celles-ci, tout en soutenant et encourageant financièrement la création. Il fut à l’origine de la Contribution Créative, une idée avant-gardiste permettant autant l’accès généralisé à la culture que le soutien matériel à la création. En lien avec Lionel Maurel, il compila ces pistes de réforme dans les propositions positives de réforme du droit d’auteur, publiées par La Quadrature suite au rejet de l’accord commercial anti-contrefaçon ACTA, à l’été 2012.

    Durant toutes ces années, Philippe nous a surtout appris par l’exemple qu’on peut conjuguer un regard lucide sur le monde et une grande exigence dans l’engagement politique, sans pour autant se départir ni du soin de soi et des autres, ni de la joie et de la poésie.

    Nous allons prendre le temps d’honorer sa mémoire. Nous ferons vivre son héritage en continuant nos combats, que ce soit pour les droits humains dans l’environnement numérique, pour le partage des savoirs ou tout simplement pour plus de beauté et d’humanité dans ce monde.

    Pour l’heure, nos pensées endeuillées vont à sa femme Mireille, à ses filles et à ses petits-enfants.

    Sœur(s), un roman abordant les enjeux liés à la surveillance, et publié en septembre 2020 aux éditions Publienet.
    Sharing, Culture and the Economy in the Internet Age, un plaidoyer en faveur du droit au partage non-marchand des oeuvres culturelles, publié en 2011 aux presses de l’université d’Amsterdam.
    Cause commune, un essai en faveur des biens communs informationnels et contre la propriété intellectuelle, publié en 2005 aux éditions Fayard.
    Quelques Poèmes de Philippe à retrouver ici

    #Philippe_Aigrain #La_Quadrature_du_Net

  • Philippe Aigrain, le « penseur des communs », est mort
    https://www.nouvelobs.com/societe/20210715.OBS46565/philippe-aigrain-le-penseur-des-communs-est-mort.html#modal-msg

    Il était une figure emblématique de la sphère d’Internet, défenseur des « biens communs » et des libertés numériques. Philippe Aigrain, « penseur des communs, chercheur, poète et romancier », est décédé dimanche 11 juillet à 71 ans d’un accident de montagne, a annoncé lundi la maison d’édition Publie.net, qu’il présidait.

    Docteur en informatique, Philippe Aigrain a notamment participé dès les années 1970 à la revue « Interférences », qui a accompagné le mouvement des radios libres. Vingt ans plus tard, il a travaillé de 1996 à 2003 avec la Commission européenne et y a développé des politiques de soutien aux logiciels libres.

    Quadrature du net et migrants

    Il a également été l’un des cofondateurs la Quadrature du Net, association créée en 2008 qui « défend les droits fondamentaux et les libertés dans l’espace numérique et promeut des propositions assurant la synergie entre les libertés d’échange sur internet et le financement de la création », décrit-il sur son site Internet.
    « Splendeurs et misères du cybermonde », par Michaël Fœssel

    Pour atteindre cet équilibre entre propriété et biens communs, il a détaillé sa pensée dans plusieurs livres, dont l’un intitulé « Cause commune, l’information entre bien commun et propriété » (Fayard, 2005). L’ouvrage est (sans surprise) disponible gratuitement sur son blog.

    En dehors de la sphère d’Internet, Philippe Aigrain était aussi un fervent défenseur de la cause des migrants. Il a été l’un des initiateurs de la campagne « J’accueille l’étranger », qui propose de rendre visible la cause des exilés par le port d’un badge.

    #Philippe_Aigrain

  • Nouveaux témoignages accablants pour Patek Philippe
    https://www.letemps.ch/economie/nouveaux-temoignages-accablants-patek-philippe

    Le décor n’a pas changé : une salle de la permanence d’Unia à Genève. Sauf que cette fois, aucun témoin direct n’est là pour décrire le climat de travail jugé « toxique » chez Patek Philippe. « La plupart des personnes qui nous ont contactés suite à la conférence de presse du 8 juin travaillent encore dans l’entreprise. Elles ont peur pour leur emploi et ne sont pas en mesure de parler pendant les heures de travail », indique aux médias présents Alexis Patiño, secrétaire syndical chargé de l’horlogerie chez Unia Genève.


    Début juin, six personnes avaient raconté aux journalistes, sous couvert de l’anonymat, les situations de harcèlement, de mobbing et de discrimination qu’elles estimaient avoir subies en travaillant pour la prestigieuse marque horlogère. Certaines d’entre elles avaient aussi fait part de leur incompréhension : en faisant remonter des possibles dysfonctionnements, elles s’étaient retrouvées elles-mêmes fragilisées au sein de l’organisation.

    Pressions, racisme et sexisme
    « Nous pensions que ces problèmes concernaient surtout un ou deux secteurs, signale Alexis Patiño. Le nombre de réactions que notre première intervention a suscitées nous a réellement surpris. Elle montre que le problème est plus grave que nous ne le croyions. » Le syndicat dit avoir reçu une cinquantaine de témoignages. Il en a retenu une quarantaine et en a transmis 17 à l’Office cantonal genevois de l’inspection et des relations du travail (OCIRT)

    Alerté par des employés, l’office est déjà intervenu une première fois en début d’année. Pointant des risques « psychosociaux » dans une division, il a demandé à la direction de la manufacture une mise en conformité. Le droit du travail impose en effet à l’employeur de veiller à la santé et à l’intégrité de ses employés. Chez Patek Philippe, ils sont quelque 1600, sur le site de Plan-les Ouates.

    Que se passe-t-il dans les ateliers et les bureaux de l’horloger ? Pressions, remarques sexistes ou dévalorisantes, harcèlement, propos racistes… Le spectre des critiques est large. Leur dénominateur commun paraît être une grande souffrance ressentie par une partie de son personnel. Il en résulte des démissions, des licenciements et des arrêts maladie prolongés. Comme il l’avait fait en juin, Unia insiste sur la passivité dont la direction semble faire preuve dans le traitement de ces dysfonctionnements.

    Sollicitée par Le Temps, l’entreprise a également envoyé une prise de position en début de soirée. Tout en se montrant « surprise » par ces nouvelles révélations, elle dit regretter « toute atteinte à la personnalité qui a pu se produire dans son entreprise et présente ses excuses aux personnes qui ont pu souffrir de comportements inadéquats ». Patek Philippe assure par ailleurs que tout sera mis en oeuvre pour comprendre pourquoi ses outils de prévention n’ont pas permis d’identifier les problèmes signalés. 

    Confiance rompue
    Mandatés par certains employés, Unia a désormais qualité de partie dans la procédure, ce qui implique qu’il pourra consulter le dossier monté par l’OCIRT. Alexis Patiño ne cache pas trouver ce dernier un peu « frileux », surtout parce que les personnes chargées de prendre des mesures sont celles en qui les employés n’ont plus confiance. « Peut-être faudrait-il un audit externe comme cela a été le cas par exemple à la RTS », ajoute le syndicaliste. Celui-ci dit ne pas forcément vouloir que des têtes tombent au sein de l’entreprise, mais surtout voir la situation réglée. 

    Le service cantonal est lié par le secret de fonction et ne peut s’exprimer sur cette affaire, a-t-il indiqué au Temps. Il a pour mission d’identifier pourquoi une situation a créé de la souffrance au travail et d’aider à mettre en place le dispositif adéquat pour résoudre le problème. « C’est à l’entreprise d’identifier les facteurs qui ont amené à une situation conflictuelle, mais nous posons des jalons de l’analyse à faire et fixons ensuite les mesures à mettre en place », souligne Christina Stoll, directrice générale de l’office.

    Les décisions managériales sont en revanche de la compétence de l’employeur. « Nous, nous fixons des délais pour mettre en œuvre les mesures et nous contrôlons que cela soit fait », ajoute la responsable. Dans son communiqué, Patek Philippe dit « procéder actuellement à des travaux d’analyse des risques psychosociaux avec la collaboration de la commission du personnel et l’aide d’une société spécialisée externe ». 

    A ce stade, aucune nouvelle action en justice n’est entreprise, même si de telles options ne sont pas exclues, certaines personnes ayant vu leur licenciement suspendu à la suite d’un arrêt maladie. Pour mémoire, le tribunal des prud’hommes a été saisi pour deux licenciements opérés par l’horloger genevois. Une première séance en conciliation vient d’échouer.

    Le #management par la #terreur et le #harcèlement c’est aussi dans le #luxe
     #sexisme #travail #suisse #violence #domination #pouvoir#Surveillance #violence #dévalorisation #racisme #Philippe_Patek

  • Philippe Aigrain, 15 juillet 1949 - 11 juillet 2021
    https://www.nextinpact.com/lebrief/47736/philippe-aigrain-15-juillet-1949

    « Philippe avait été mon inspiration pour mes recherches sur les brevets sur les logiciels lorsque j’étais étudiant. Plus tard nous avons co-fondé La Quadrature du Net ensemble. En plus d’un être incroyablement généreux et sensible, d’un formidable ami, Philippe était un brillant penseur, philosophe, écrivain, programmeur, stratège, poète... Quelle perte pour le monde... :(((( » réagit Jérémie Zimmerman, sur Twitter.

    Pour Sophian Fanen, Auteur de « Boulevard du stream : du MP3 à Deezer, la musique libérée », « Philippe Aigrain a été un acteur majeur des débats sur la propriété intellectuelle à l’époque du MP3 et des premières lois internet (Dadvsi, Hadopi), puis un moteur des débats sur une contribution créative et les échanges hors marché. Un homme passionnant ».

    Autre réaction, celle de Lionel Morel, juriste et bibliothécaire, auteur du blog S.I.Lex : « Un grand monsieur nous quitte, défenseur inlassable des libertés, des communs culturels, du domaine public et du partage à l’heure du numérique ».

    Patrick Bloche, l’un des mousquetaires de la bataille Hadopi a salué « un militant infatigable des Biens Communs, qui a si fortement inspiré la poignée de parlementaires investis sur les enjeux d’Internet à la fin des années 1990 ».

    Pour Martine Billard, « Philippe a énormément apporté à la réflexion sur le numérique J’ai en mémoire notre coopération alors que j’étais députée ».

    Philippe Aigrain, chercheur, romancier, poète, libriste... et cofondateur de la Quadrature du Net s’en est donc allé ce week-end. Il présidait depuis une maison d’édition, Publie.net. Il a notamment été, entre 2014 et 2015, membre de la commission parlementaire de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge numérique.

    Il fut l’auteur de plusieurs ouvrages de référence, dont Sharing en 2012 et Internet & Création quatre ans plus tôt. Il avait notamment proposé la contribution créative à l’époque des débats Hadopi. Une solution qui, dans sa rédaction mise sur la table, aurait permis « d’expérimenter les bénéfices de la libération des échanges en termes de diversité culturelle et de rémunération de la création et des acteurs à valeur ajoutée qui y contribuent », indiquait-il dans les colonnes de Libération, sous la plume d’Astrid Girardeau.

    #Philippe_Aigrain

  • affordance.info : Faut-il se désabonner des morts ?
    https://www.affordance.info/mon_weblog/2021/07/se-desabonner-des-morts.html
    https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef0282e11026d8200b-600wi

    Par Olivier Ertzscheid

    13 juil 2021
    Faut-il se désabonner des morts ?

    [Pour Philippe Aigrain]

    Nos vies numériques sont aussi tissées de fils soudainement coupés. D’amis, de connaissances, et de ceux-là de nos hérauts que nous suivions sans les connaître vraiment, et qui soudainement ont la mauvaise idée d’aller jacter avec la camarde.

    Axel Kahn fit récemment le récit digne de sa mort à venir, de son inéluctable. Il disait « L’humus de mon corps, quand il sera putréfié, permettra de participer, peut-être, dans la terre, à l’éclosion d’une marguerite. Et l’idée qu’il y ait un peu de molécules d’Axel Kahn dans une pâquerette, cela me réjouit. »

    Faut-il se désabonner des morts ?

    Cette fois c’est Philippe Aigrain qui nous quitte, d’un accident de montagne. Je le connaissais peu. Et l’admirais beaucoup. Si sa disparition me touche autant c’est qu’à chaque rencontre, à chaque échange, il n’était que gentillesse, discrétion, et convictions remarquables et remarquablement défendues.

    Je l’avais croisé pour la dernière fois dans la cave de chez C&F Editions. Il y a des gens, et ils sont rares, avec qui tu sais que tu ne pourras qu’être d’accord, précisément parce qu’ils ont une certaine vibration, une musique, un accord, et que cet accord se dégage de l’ensemble de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Du peu que j’en ai vu, il me semble que Philippe Aigrain était de ceux-là. Il avait cet accord, celui qui engage nécessairement le vôtre.

    1200px-Philippe_Aigrain_-_Journée_du_domaine_public_2012

    Faut-il se désabonner des morts ?

    Il y a longtemps c’est un autre modèle devenu copain des réseaux, Jean Véronis, qui filait à l’anglaise. Et puis la copine collègue Louise Merzeau aussi. Deux espiègles chacun à leur façon. Et maintenant Philippe Aigrain. Les traces qu’ils laissent.

    Faut-il se désabonner des morts ?

    Il y a aussi ces étudiantes et ces étudiants, en presque 20 ans on en croise des vies, on en voit aussi hélas qui se terminent bien trop tôt.

    Faut-il se désabonner des morts ?

    Ceux qu’on déteste aussi, et ceux que l’on combat. Il ne faut pas souhaiter la mort des gens. Même de ceux-là.

    Faut-il se désabonner des morts ?

    Chaque réseau social sa mémoire, son rappel, ses rites, ses mémoires. Les anniversaires Facebook de ceux qui ne sont plus, ce rappel incongru qui tape au coeur qui tachycarde à l’inattendu. Faut-il se désabonner des morts ? Les mentions Twitter de comptes qui se sont tus, qui rappellent qu’ils existaient et que nous les suivons toujours. Faut-il se désabonner des morts ? Les blogs aussi dont certains avaient choisi d’y tenir le récit de leur vie maladie. Le récit mal à dire. L’impudeur de ces récits de fin de vie, ou de ces thérapies à ciel ouvert et lourd et tant d’issues incertaines, cette impudeur transpire la pudeur refusée et déniée à ces corps auscultés, perforés, amputés dans la tranchée de la maladie qui nous fait parfois si mal à lire et peut-être à elles et eux, certainement même, qui est leur mal en dit.

    Faut-il se désabonner des morts ?

    Philippe Aigrain, en son accord, était aussi un poète. J’aime beaucoup sa série « Fissures », dont le 20ème poème commence ainsi :

    « la terre assoiffée rétractant sa croûte révèle un pavage secret d’hexagones cabossés »

    #Philippe_Aigrain

  • Mort de Philippe Aigrain, figure historique de la lutte pour les « communs » - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/130721/mort-de-philippe-aigrain-figure-historique-de-la-lutte-pour-les-communs

    Pionnier de la lutte pour les libertés numériques, cofondateur de La Quadrature du Net, penseur et écrivain respecté, Philippe Aigrain a été l’un des principaux promoteurs de la notion de « biens communs ».

    Le monde de l’« hacktivisme » était en deuil, lundi 12 juillet, après l’annonce de la mort, la veille dans un accident de montagne, de Philippe Aigrain, intellectuel et l’une des figures tutélaires de la défense des libertés numériques en France.

    Né le 15 juillet 1949, Philippe Aigrain s’était engagé dès la fin des années 1970 dans le mouvement des radios libres, notamment en participant à Interférences, une revue de réflexion critique sur les technologies ayant eu une influence importante sur de nombreux militants.

    Titulaire d’un doctorat en informatique obtenu à l’université Paris-VII-Diderot, il était devenu, en 1986, directeur de recherche à l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT), avant de rejoindre, en 1996, un programme de recherche sur les technologies de l’information de la Commission européenne.

    Quelques autres photos de Philippe, que j’ai prises entre 2009 (lors de son 60ème anniversaire) et 2011. Sentez-vous libres de les réutiliser comme bon vous semble, pas d’attribution nécessaire.

    =~((
    pic.twitter.com/5O1SDA7AqL
    — Jérémie Zimmermann 💗 🎶 🧀 (@jerezim)
    July 12, 2021

    Durant sept années, Philippe Aigrain s’est battu au sein des institutions européennes pour la mise en place de programme de soutien du logiciel libre. Il est également devenu l’un des principaux défenseurs des « biens communs », une notion qu’il définit dans une tribune publiée le 25 août 2003 dans Libération.

    « Informatique, télécommunications puis biotechnologies ont précipité notre monde depuis trente ans dans deux mouvements contradictoires », y explique-t-il. « L’un vers la concentration de valeur, de pouvoir et d’influence à travers la capitalisation de l’information et de sa manipulation. L’autre vers la production coopérative de nouveaux biens communs informationnels et leur usage social. »

    Ce mouvement des « biens communs », poursuivait Philippe Aigrain, « nous donne les logiciels et les publications scientifiques libres, la coopération scientifique ouverte à l’échelle mondiale, de nouvelles coalitions militantes thématiques mondiales (environnement, développement, commerce équitable, altermondialistes), les médias coopératifs, de nouvelles formes artistiques ».

    Il concluait en appelant à la création d’une « coalition pour les droits communs » au niveau européen qui pourrait « rassembler non seulement l’essentiel de la gauche et des écologistes, mais des courants non négligeables des libéraux politiques et la partie des républicains et des sociaux-chrétiens à qui la nouvelle droite néo-conservatrice fait horreur ».

    Philipe Aigrain avait par la suite développé ses réflexions et ses propositions dans un livre, Cause commune, l’information entre bien commun et propriété (Fayard, 2005), disponible, conformément à ses convictions, en téléchargement gratuit sur son site sous contrat Creative commons.

    Il fait également partie du groupe de militants à l’origine de la création, en 2008, de La Quadrature du Net, la principale association de défense des libertés numériques qui s’illustre dans son combat contre le projet de loi de lutte contre le téléchargement instaurant la loi Hadopi, alors en cours de discussion.

    Impliqué dans la plupart des grands débats politiques sur le numérique, il avait notamment été membre, en 2015, de la Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique mise en place à l’Assemblée par les députés Christian Paul et Christiane Féral-Schuhl.

    « Philippe nous a montré par l’exemple qu’on peut conjuguer un regard lucide sur le monde et une grande exigence dans la réflexion et l’engagement politique, sans pour autant se départir ni du soin de soi et des autres, ni de la joie et de la bonne humeur », a réagi, sur Twitter, Félix Tréguer, un des membres fondateurs de La Quadrature du Net.

    « Philippe avait été mon inspiration pour mes recherches sur les brevets sur les logiciels lorsque j’étais étudiant », a de son côté écrit sur Twitter Jérémie Zimmermann, un des autres cofondateurs de La Quadrature du Net. Il « était un ardent défenseur du Logiciel libre, qu’il vivait et pensait comme un indispensable humanisme. Il aimait les Humains et l’Humanité toute entière ! Il jouait des arts, jouissait de connaissance, se remplissait de partage ».

    Philippe Aigrain avait en effet de multiples activités, en plus de son engagement pour les communs et les libertés numériques. En 2017, il avait ainsi été à l’origine, avec l’écrivaine Marie Cosnay, de la campagne « J’accueille l’étranger » appelant les citoyens à afficher leur soutien aux migrants par le port d’un badge.

    Amoureux de littérature et de poésie, Philippe Aigrin était également le cofondateur du site littéraire Nonfiction et présidait la société d’édition littéraire Publie.net qui a annoncé son décès lundi matin. Il était enfin un passionné de nature et de randonnées.

    Philippe et l’initiative J’accueille l’étranger. 2017.
    pic.twitter.com/XuEzxdMHbG
    — Louise Moulin (@LouiseLibre)
    July 12, 2021

    #Philippe_Aigrain

  • Philippe Aigrain, le sens du commun – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/philippe-aigrain-le-sens-du-commun-20210712_WSLMCXM33BFAVFHZVGUTAT6LAE
    https://www.liberation.fr/resizer/WdJlToNjUGzjs9lQhQC9z2x9vUI=/1200x630/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/5ZDN3X4P4ZAFZJJSHRZCPZUTBM.jpg

    Le cofondateur de l’association la Quadrature du Net, infatigable promoteur du partage culturel et des « biens communs » numériques, est décédé dimanche, à l’âge de 71 ans.

    par Amaelle Guiton
    publié le 12 juillet 2021 à 22h07

    Pour celles et ceux qui l’ont croisé ou côtoyé, il fut un regard pétillant, une générosité palpable, une curiosité jamais démentie. Pour celles et ceux qui se sont plongés ces quinze ou vingt dernières années dans l’analyse des mutations sociales et culturelles provoquées par l’avènement d’Internet – et c’étaient en bonne partie les mêmes –, il incarnait une réflexion féconde, que pourraient résumer les titres de deux de ses ouvrages : Cause commune et Sharing (« partage »). Infatigable militant du partage de la culture, penseur des « biens communs » numériques, cofondateur de l’association de défense des libertés La Quadrature du Net, Philippe Aigrain, 71 ans, est décédé dimanche. C’est la maison d’édition Publie.net, dont il présidait la société éditrice, qui l’a annoncé ce lundi sur Twitter.

    Nous avons eu la tristesse d’apprendre le décès hier de Philippe Aigrain en montagne. Penseur des communs, chercheur, poète et romancier, il dirigeait la maison d’édition depuis 2016. Nous sommes bouleversés. Nos pensées à Mireille, sa compagne, ses filles et ses petits-enfants. pic.twitter.com/jDFDSbqH5r
    — publienet (@publienet) July 12, 2021

    « C’est lui qui a importé en France la pensée des “communs„ », ces ressources qui ne relèvent ni de l’Etat ni de la propriété individuelle exclusive, souligne la chercheuse Valérie Peugeot, qui a rencontré Philippe Aigrain pour la première fois en 2003 à l’occasion d’une journée de débats organisée par le réseau associatif I3C (Internet créatif, coopératif et citoyen). Ce docteur en informatique, passé par l’université de Berkeley en Californie et par l’Institut de recherche en informatique de Toulouse, vient alors de quitter le programme de recherche de la Commission européenne dédié aux technologies de l’information, où il a travaillé sept ans, et s’apprête à créer sa propre entreprise de développement de logiciels libres. Il va devenir au cours des années suivantes l’un des principaux acteurs des débats, ô combien vifs, sur la propriété intellectuelle à l’ère numérique, alors que les industries culturelles et les sociétés de gestion des droits d’auteur sont vent debout, à l’époque, contre la massification de la circulation des fichiers musicaux mp3…

    « Contribution créative »

    C’est Philippe Aigrain qui, en 2008, développe l’idée d’une « contribution créative », soit un financement mutualisé, par les internautes, de la création culturelle, qui permettrait de légaliser le partage d’œuvres en ligne : « un vrai système de redistribution permettant de sortir de l’alternative entre le piratage et le renforcement systématique de la propriété intellectuelle », résume Valérie Peugeot. La « contribution créative » ne verra pas le jour, mais cette réflexion marquera durablement une génération de militants des libertés sur Internet. Lesquels ont été aussi nourris de ses analyses et travaux sur les biens communs numériques, des logiciels libres à l’encyclopédie en ligne Wikipédia, en passant par les licences Creative Commons et l’accès ouvert aux travaux de la recherche publique.

    L’homme était aussi poète, éditeur – depuis 2016, il dirigeait les éditions Publie.net, créées huit ans plus tôt par l’écrivain François Bon – et militant. Il avait ferraillé en 2006 contre la loi Dadvsi (droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), trois ans plus tard contre la loi Hadopi, plus récemment contre la loi renseignement de 2015, la création l’année suivante du « mégafichier » TES (titres électroniques sécurisés)… « J’admirais sa faculté d’indignation inébranlable face aux désordres du monde et en même temps la rigueur de ses analyses, la manière dont il savait mettre à distance certains réflexes militants pour appréhender une situation dans toute sa complexité », écrit à Libé Félix Tréguer, chercheur associé au Centre internet et société du CNRS, qui a rejoint la Quadrature du Net en 2009, peu de temps avant que l’association « sabre le champagne » après la censure d’une bonne partie de la loi Hadopi par le Conseil constitutionnel.

    « Un éternel émerveillé »

    « Sa curiosité, sa capacité à conjuguer les savoirs » lui permettaient « de naviguer entre des communautés militantes, intellectuelles, artistiques [et] entre les pays », poursuit Félix Tréguer, qui loue aussi la capacité de ce père de deux filles et quatre fois grand-père à ne jamais « se départir du soin de soi et des autres ». Sur Twitter, Jérémie Zimmermann, cofondateur et ex-porte-parole de l’association, salue « un éternel émerveillé, un amoureux de tout », à la « passion contagieuse ». Qui aura eu « le mérite, en permanence, d’incarner ses idées », souligne Valérie Peugeot. Et qui aura nourri les réflexions et les pratiques des amoureux d’un Internet libre et coopératif, dessinant, malgré les désillusions, d’autres possibles.
    Cause commune. L’information entre bien commun et propriété, Fayard, 2005 ; Sharing. Culture and the Economy in the Internet Age (« Partage. La culture et l’économie à l’âge d’Internet), Amsterdam University Press, 2012.

    #Philippe_Aigrain