• Pour une pratique critique de la carte en sciences sociales

    Cette communication s’appuie sur un recueil d’arguments convergents pour une mise en critique de la carte en tant que récit sur et de l’homme habitant la Terre. Son objet est initialement une intuition qui a donné lieu au fil des années à une compilation de textes et d’expérimentations cartographiques. La proposition du séminaire a été vue comme une occasion de confronter mon approche, de passer de l’intuition à une première formalisation. La position que je défends ici s’est construite à partir des travaux de l’anthropologue Tim Ingold, des démarches d’appropriation et de déconstruction de la cartographie par l’art et des positionnements de cartographes tels que Philippe Rekacewicz. De cette discussion, je définis plusieurs enjeux qui traversent la pratique cartographique et le recours aux cartes, qui me semblent justifier une pratique critique de la carte en sciences sociales.

    Je suis géographe, j’ai donc derrière moi une formation et une pratique de la cartographie que l’on peut qualifier de “classique” (Beguin et Pumain, 2014). J’ai appris à faire un croquis cartographique des Barkhanes (dunes) du Sahara, à faire un carte dans un tableur Excel (des localisations x, y) puis à analyser de l’information géographique, à écrire de scripts informatiques pour automatiser la mesure et le dessin des déplacements d’enquêtés, ou encore à définir mathématiquement (discrétisation) et esthétiquement (sémiologie graphique) comment représenter une variable sur un fond de carte. De par mon parcours, la carte s’est d’abord révélée être un outil, et même un multi-tool tant la cartographie a vu ses usages s’enrichir et se diversifier avec l’informatique et le développement des SIG (Système d’Information Géographique) et d’outils interactifs par le biais du web et le recours quasi-généralisé aux GPS (Global Positioning System). Cette richesse de pratiques et d’approches qu’il y a derrière la carte rend parfois difficile son appréhension. Il est fréquent, selon les affinités et les parcours des cartographes (et ce terme est très large), que l’attention soit particulièrement portée sur un aspect au détriment d’un autre, de la production de la donnée à la représentation graphique, du questionnement au traitement statistique, de l’intention au public visé. Finalement plus que la carte en elle-même ce qui peut faire défaut ce sont des informations, des indices pour situer la carte, accéder à la carte et lire la carte. Autrement dit : La carte pour qui ? La carte pour quoi ? (Groupe dupont, 1986). Bien que je revienne à ces aspects en fin de discussion, comme tout géographe qui porte une réflexivité sur la carte (Bord 2012), c’est d’abord à partir du livre de Tim Ingold, Une brève histoire des lignes (2011), que je souhaite introduire une lecture critique de la cartographie. Car s’il est particulièrement important pour la discipline géographique de s’interroger sur la normativité de la carte dans la production de connaissances scientifiques en sciences humaines, et d’en interroger le rôle dans sa diffusion croissante dans la société (Beguin et Pumain, 2014), ces questionnements et discussions sont très largement “géographo-centrés” (Groupe Dupont, 1986 ; Roques, 1993 ; Bord, 1997 ; Bavoux, 2009) et l’enjeu est souvent celui de la géographicité de la carte (Verdier, 2015) ou de la carte comme attribut de la géographie (Bord, 2012). Je trouve donc particulièrement opportun de situer ici la réflexion à l’échelle des sciences sociales afin de s’émanciper de ce tropisme disciplinaire.

    C’est donc la carte comme récit qui me semble particulièrement justifier une démarche de déconstruction de l’objet et de sa fabrique : la carte en général contribue à produire une normativité de nos rapports à l’espace et de nos discours sur l’espace. La critique de la fabrique cartographique et de son usage qui émerge de la lecture de Tim Ingold (2011) renvoie effectivement à un positionnement plus général de remise en cause de la science positiviste et de son régime de connaissances. On retrouve par ailleurs cette approche dans l’ouvrage de recension de pratiques artistiques mobilisant la carte, Géo-esthétique : “La cartographie en tant que discipline a été profondément imbriquée dans la production performative des récits de la modernité, de la rationalité et du positivisme mais aussi de l’histoire du colonialisme et des récits nationaux, et qui se trouve aujourd’hui largement re-signifiée par l’intervention de contre-pratiques et de contre-cartographies d’artistes.” (Quiros et Imhoff, 2014, p.6)
    Anthropologie de la ligne

    Tim Ingold est professeur au département d’anthropologie de l’Université d’Aberdeen en Écosse. Sa recherche vise à rompre avec le positivisme et à déconstruire la dualité nature/culture : il pense qu’en tant que scientifiques nous devrions nous appuyer sur nos “travaux pour critiquer, et remettre en cause certains présupposés dissimulés dans nos propres façons de penser” (Descola et al, 2014, p.45). Il invite ainsi à reconsidérer notre façon de produire de la connaissance sur l’expérience d’être au monde, et de ne plus nous percevoir, en tant que scientifiques, comme en dehors des objets que nous décrivons. Dans cette perspective, la cartographie en sciences sociales est, pour lui, une image et un récit qui contribue à “l’aplanissement du monde” (Descola et al, 2014, p.59).

    Dans Une brève histoire des lignes (2011), Tim Ingold se propose de décrypter l’histoire des formes que les hommes produisent en habitant le monde. Pour cela, il a recours à la ligne comme schème pour décrire différents rapports au monde :

    “Mon objectif est de montrer comment au cours de son histoire la ligne s’est progressivement détachée du mouvement qui l’avait fait naître, autrefois tracée d’un geste continu la ligne a été fragmentée sous l’influence de la modernité et transformée en une succession de traits et de points […] cette fragmentation s’est manifestée dans plusieurs domaines connexes : celui du voyage, où le trajet fut remplacé par le transport orienté vers une destination ; celui des cartes, où le croquis cartographique fut remplacé par le plan de route ; et celui de la textualité, où la tradition orale du récit fut remplacée par la structure narrative prédéfinie. La fragmentation a aussi modifié notre conception du lieu : autrefois nœud réalisé à partir d’un entrecroisement de fils en mouvement et en développement il est désormais un point nodal dans un réseau statique de connecteurs.” (Ingold, 2011, p.100).

    Par cette approche, Tim Ingold met en valeur notre distanciation de plus en plus importante vis-à-vis de l’expérience : ainsi, dans la lecture, tout comme dans le récit et le voyage, “c’est en cheminant qu’on se souvient. La mémoire doit donc s’entendre comme un acte : on se souvient d’un texte en le lisant, d’un récit en le racontant et d’un voyage en le faisant” (Ingold, 2011, p.27). Ainsi, Ingold nous invite à mieux entrevoir ce qui fait la trame de notre existence, et à garder une attention aux liens, aux accumulations et aux trajectoires. Il oppose les processus d’occupation et d’habitation de nos environnements pour “mettre en évidence les difficultés contemporaines rencontrées par les hommes obligés d’habiter dans un environnement prévu et expressément construit pour les besoins de l’occupation” (Bessy, 2012).

    A propos des cartes, il montre que sa forme moderne efface la mémoire (Ingold, 2011, p.37). Il explique que ce qui a permis de faire la carte, les expériences des voyageurs, tous ces témoignages, sont totalement absents de la carte moderne. C’est comme si tout avait été assimilé à un passé qui a été recouvert et, reprenant l’expression de Michel de Certeau, “la carte élimine toute trace des pratiques qui l’ont produites, donnant l’impression que la structure de la carte découle directement de la structure du monde” (Certeau, 1980, p.178-179 ; Ingold, 2011, p.37). Cet aplanissement du monde par la carte peut être compris comme une forme de distanciation de la réalité, du rapport au monde dont la carte souhaite témoigner, mais aussi des étapes par lesquelles est passé le cartographe, pour concevoir sa carte, pour en produire les formes. On voit là que la critique s’applique de façon conjointe au contenu et à la forme de la carte, leur dissociation étant justement cette évolution soulignée par Ingold. Finalement le rapport au terrain, à la récolte des données, le choix du cadre ou de son absence, de l’échelle sont autant d’éléments dont la carte tait le processus de construction pour conserver la seule information que l’on souhaite communiquer. Dans cette perspective, les cartes écrasent la richesse et la diversité des expériences, les nuances des vécus et des expressions, celles du cartographe y compris et c’est peut-être par là qu’il faut commencer pour se réapproprier la carte.

    L’enchaînement des gestes qui aboutissent à la carte est peu discuté et encore moins représenté, soit par ignorance soit par manque d’intérêt, même chez les cartographes. Ainsi la distanciation au terrain est très largement sous-estimée voire ignorée, alors qu’elle est, par exemple, un effet direct lié à l’usage massif de données secondaires pour produire des cartes. L’incertitude liée aux données, à leur mise en forme, à la façon dont les informations ont été réunies sont autant d’aspects absents de la carte. Or de ce fait, la distanciation peut s’opérer dès la formulation de la carte dans l’esprit du cartographe. Cela n’est pas sans évoquer les enjeux que renferme une certaine mise en chiffres du monde (voir Alain Desrosières, La Politique des grands nombres : Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993).
    La carte, l’instrument de sa propre critique

    L’opposition de Tim Ingold entre la carte et le croquis cartographique est radicale dans la mesure où il ne laisse pas entrevoir de ponts. C’est pourtant ce que je souhaite revendiquer : il existe une place pour une cartographie indiciaire – en référence au paradigme de l’indice de Carlo Ginzburg (1980) – une cartographie de la trace qui viendrait rendre compte de nos trajectoires dans le monde, des lignes qui tissent une connaissance géographique sur notre “être au monde”, c’est-à-dire une cartographie qui rompt avec le schème de l’occupation et d’exercice du pouvoir sur l’espace (par la fragmentation et l’intégration) pour se positionner dans une connaissance de l’habiter.

    Tim Ingold n’évoque pas de perspectives pour la cartographie de s’émanciper de son caractère normatif. Mais je pense qu’il propose là, sans le formuler lui-même, un cadre à l’émancipation du cartographe en sciences sociales : comprendre le régime de spatialité dans lequel nous nous insérons et chercher à le fissurer, à rendre tangible d’autres rapports à l’espace. Cette approche doit [re]mettre l’expérience au cœur de la démarche cartographique pour déconstruire nos usages de la cartographie. C’est un enjeu central parce qu’il se décline à la fois dans le contenu de la carte, garder les liens avec l’expérience, et à la fois dans sa forme, proposer une expérience cartographique. Plus qu’une définition de ce que serait une cartographie critique, je préfère identifier ici des enjeux à partir desquels chacun peut se positionner. La carte est un récit qu’il convient d’appréhender par ce que l’historien Christian Jacob définit en 1992 (Bord, 2012) comme ses deux dimensions fondamentales : “la matérialisation et la communication”. Or il apparaît nécessaire de resituer ces deux aspects de la carte dans leur contribution à une certaine normativité du rapport à l’espace et de la conception de l’espace même, et, dans les pas de Brian Harley (Gould et Bailly, 1995 in Quiros et Imhoff, 2014, p.6), de considérer les “cartes “scientifiques” […] comme des formes de savoir socialement construites, des fictions esthétiques disciplinant l’espace.” De ce point de vue, la lecture de différents textes du cartographe Philippe Rekacewicz (2010, 2013, 2015) est opportune car il propose notamment des pistes pour une pratique critique de la cartographie qui font écho aux enjeux évoqués jusqu’ici : l’aplanissement du monde, où la carte doit être critiquée pour son rôle dans une spatialité de l’occupation, où les lieux sont intégrés dans des réseaux, les lignes découpent et attribuent des rôles et des fonctions. La carte est alors un objet d’exclusion. Le lien entre l’expérience et la mémoire, où la carte doit être critiquée pour son écrasement des histoires constitutives de son contenu et de sa forme, pour la distanciation qu’elle crée vis-à-vis des expériences qui se cachent derrière les lignes, points, couleurs, données. La carte donne à voir des formes comme si elles préexistaient aux hommes qui en sont les producteurs, alors que c’est l’engagement de nos corps dans le monde qui crée les formes.
    La cartographie expérimentale

    Philippe Rekacewicz est un cartographe qui a longtemps travaillé pour le journal français Le Monde Diplomatique, qui co-anime aujourd’hui le site visionscarto.net avec Philippe Rivière. De par son engagement entre cartographie, art et militance, il a largement communiqué sur ce qu’est la carte et les enjeux que revêt l’acte de cartographier (Rekacewicz, 2010, 2013, 2015, 2016). Pour lui, la carte est un dialogue permanent entre l’imaginaire et le réel, une production qui représente la manière dont le cartographe voit le monde, voire comment le cartographe aimerait que soit le monde (Rekacewicz, 2010) : ce sont des informations qui passent par le filtre de la sensibilité du cartographe. Il revendique ainsi une dimension émotionnelle de la carte, qui produit un effet sur ses lecteurs, comme il en témoigne à partir de la réaction d’une personne lors d’une exposition de ses cartes : “On sent bien que, quand le cartographe a dessiné cette carte, il était très en colère !” (Rekacewicz, 2010). Par ailleurs, Philippe Rekacewicz témoigne de ce que cartographier implique et revendique le besoin de rendre compte d’une certaine forme d’imprécision – du tâtonnement du cartographe – tout comme de l’incertitude inhérente aux données que l’on utilise. Pour lui “l’esquisse permet, si l’on peut dire, de “reproduire fidèlement” l’imprécision, et surtout de la rendre légitime” (Rekacewicz, 2010). On retrouve là la réflexion à propos du croquis cartographique chez Ingold (2011, p.112). Pour Philippe Rekacewicz, c’est une façon de relativiser les connaissances représentées ou produites par la carte. Cela questionne aussi le rôle de la donnée, de la valeur qu’on lui donne, de l’accès au terrain qu’elle permet ou non : quels sont les liens que l’on choisit de conserver vis-à-vis de l’expérience ? Comment rendre compte de la chaîne de production cartographique ? Il est intéressant de souligner que Philippe Rekacewicz y voit aussi un enjeu en termes de travail collectif : une carte est rarement issue d’une seule personne et, à partir du moment où elle mobilise des données secondaires, elle implique les gens qui ont produit ces données (Rekacewicz, 2015).

    Il réfute par ailleurs la carte comme objectivation du monde et revendique une production subjective de la carte, qui est bien plus qu’un objet de référencement pour la science géographique (Rekacewicz, 2010). Dans ce registre, s’il ne rompt pas avec la cartographie régionale, il la met en discussion, à l’instar d’Elisée Reclus (Reclus, 1903 ; Monsaingeon, 2014 ; Chollier et Ferretti, 2016), en soulignant l’existence avant tout cartographique des frontières. Il parle “d’indigente représentation visuelle” à propos de la frontière (le même trait noir ou rouge) qui aplanit une réalité plus complexe et diverse de la frontière “qui divise des peuples, ou les regroupe. Soit elle menace, soit elle protège, ici c’est un mur, là un grillage, parfois une ligne et souvent… rien” (Rekacewicz, 2010). A propos de cet “aplanissement du monde” il y reconnaît également l’expression de l’occupation et de l’autorité : “c’est en tout cas les frontières qui permettent de grouper les pays et d’esquisser une géographie régionale. Mais toujours avec le risque d’exclure l’autre, de nier l’existence de “ceux qui ne sont pas dans le groupe” (Rekacewicz, 2010).

    Enfin, il perçoit dans ces différents mouvements de contre-cartographie “un exercice libre de déconstruction de l’espace et des phénomènes sociaux, pour lequel les protagonistes se permettent de pervertir les conventions les plus classiques.” (Rekacewicz, 2013). Ces pratiques cartographiques d’artistes et leurs postures critiques sont un écho extrêmement consistant et fertile pour se positionner sur les enjeux que j’ai soulevés jusqu’ici. Ces mouvements ne se privent d’ailleurs pas de discuter et de conceptualiser leur approche, dont le projet est ainsi résumé en introduction de l’ouvrage Géo-esthétique : “à travers notamment une critique des articulations entre espace, pouvoir, savoir et des géographies imaginatives, il s’agirait de défaire ces topographies instituées, autant physiques qu’imaginaires, et d’ouvrir les disciplines de l’espace et la “rationalité cartographique” (Farinelli, 2003) à une révision géo-historique.” (Quiros et Imhoff, 2014). C’est la déconstruction des usages de la cartographie et la reconnaissance d’autres formes de représentation qui permettent de se réapproprier la cartographie tout en rappelant sans cesse, dans un écho à Michel de Certeau, que la carte n’est pas le monde.
    Bibliographie

    Bavoux J-J., (2009), « Chapitre 6 – Quels sont les rapports entre la carte et le géographe ? », in Bavoux J-J. (dir), La géographie. Objets, Méthodes, Débats, Paris, Armand Colin, « U », p. 114-133.

    Beguin M. et Pumain D., (2014), La représentation des données géographiques, Paris, Armand Colin.

    Bessy C., (2012), « L’attention aux lignes », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2012/3 (n° 59-3), p. 143-149.

    Bord J-P, (2012) L’univers des cartes. La carte et le cartographe, Paris, Belin.

    Bord J-P., (1997), « Le géographe et la carte. Point de vue et questionnement de la part d´un géographe cartographe, Cybergeo : European Journal of Geography » [En ligne], Cartographie, Imagerie, SIG, document 17.

    Chollier A. et Ferretti F. (éds.), (2016), Élisée Reclus. Écrits cartographiques, Genève, Éditions Héros-Limite.

    Descola Ph., Ingold T., Lussault M., (2014), Être au monde. Quelle expérience commune ?, Lyon, Presses universitaires de Lyon.

    Ginzburg C., (1980), « Signes, traces, pistes. Racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat, 1980/6 n° 6, p. 3-44.

    Gould P. et Bailly A., (1995), Le pouvoir des cartes. Brian Harley et la cartographie. Paris, Economica, Anthopos.

    Groupe DUPONT., (1986), « GÉOPOINT 86 : La Carte pour qui ? La carte pour quoi ? : Cartes et pratiques géographiques. » Colloque Cartes géographiques et cartographie, 26 au 31 mai 1986, Avignon : Groupe DUPONT.

    Ingold T., (2011), Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Editions Zones Sensibles.

    Monsaingeon G., (2014), Mappamundi, art et cartographie, Marseille, Ed. Parenthèses.

    Plourde M-C., (2016), « Compte-rendu de lecture, Philippe Descola, Tim Ingold, Michel Lussault – Être au monde. Quelle expérience commune ? », Revue Emulations [en ligne].

    Quiros K. et Imhoff A. (dirs.), (2014), Géo-esthétique, Paris, Éditions B42.

    Reclus E., (2002), « L’enseignement de la géographie », in J. Cornualt (éd.), Du sentiment de la nature, Charenton, Premières pierres, p. 162-164.

    Rekacewicz Ph., (2010), « La carte, un objet graphique », entretien réalisé par Vincent Casanova et Caroline Izambert, Vacarme, 50/Cahier, pp. 70-72.

    Rekacewicz Ph., (2015), « La cartographie : entre science, art et manipulation », Conférence à l’université de Lille, cycle La Carte invente le monde, le 08/12/2015 à 18:00 | Durée 01:46:18.

    Rekacewicz Ph., (2013), « Cartographie radicale », Le Monde Diplomatique, Février 2013, p.15, [en ligne].

    Rekacewicz Ph. et Tratnjek B., (2016), « Cartographier les émotions », Carnets de géographes 9, [en ligne].

    Roques G., (1992), « La carte, le géographe et le cartographe », Tréma, 1, [en ligne].

    Verdier N., (2015), « Entre diffusion de la carte et affirmation des savoirs géographiques en France. Les paradoxes de la mise en place de la carte géographique au XVIIIe siècle », L’Espace géographique, 44, p. 38-56.

    Wathelet O., (2009), « Tim Ingold, Lines. A Brief History », L’Homme, 190.

    https://cne.hypotheses.org/237
    #carte #cartographie #ressources_pédagogiques #Tim_Ingold #Philippe_Rekacewicz #cartographie_critique #géographicité #géographie #récit #carte_comme_récit #normativité #fabrique_cartographique #modernité #rationalité #positivisme #colonialisme #récits_nationaux #nationalisme #contre-cartographie #art #ligne #mémoire #distanciation #croquis_cartographique #croquis #cartographie_indiciaire #être_au_monde #spatialité #espace #expérience #matérialisation #communication #Christian_Jacob #fictions_esthétiques #imaginaire #réel #sensibilité #émotions #imprécision #tâtonnement #incertitude #esquisse #donnée #données #subjectivité #objectivité #frontière #frontières #aplanissement #occupation #autorité #contre-cartographie

    @reka

  • Vers une nouvelle #guerre_scolaire. Quand les #technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Éducation nationale

    Sous la Ve République, l’unification de l’École, de la maternelle au bac, n’a pas mis fin à la #ségrégation_sociale et aux énormes écarts de #réussite_scolaire. Face à cette situation, les #hauts_responsables de droite et de gauche ont alterné des mesures contradictoires, rendant aléatoire la perspective d’une #démocratisation de l’École. D’autant que, depuis les années 2000, une partie croissante des hauts technocrates de l’Éducation nationale s’est ralliée à l’#agenda_néolibéral. Ils mobilisent dans ce cadre le #numérique et les neurosciences, présentés comme sources de #modernisation, pour accentuer en réalité la #pression sur les enseignants, rogner leurs autonomies professionnelles et leurs pouvoirs d’action.
    C’est ce que démontre avec rigueur, dans cet essai remarquablement documenté, #Philippe_Champy, fin connaisseur du #système_scolaire. Il y analyse les origines de ce grand #reformatage de l’École et, surtout, sa mise en œuvre par Jean-Michel #Blanquer : les attaques contre la #liberté_pédagogique et les #manuels_scolaires, la mise sous tutelle du « #numérique_éducatif », les tentatives de marginalisation des auteurs et éditeurs scolaires, la prise de pouvoir larvée d’un pool de neurochercheurs prétendant dicter leurs #méthodes_pédagogiques aux enseignants, etc. Ce grand #reformatage, qui maintient les privilèges élitaires en l’état, voire les renforce, s’accompagne d’une reprise en mains dirigiste et centralisatrice sans précédent. Il impose à tous les acteurs de l’École une prise de conscience et une réaction d’ampleur, face au risque avéré d’une nouvelle guerre scolaire.


    https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Vers_une_nouvelle_guerre_scolaire-9782348040627.html
    #livre #éducation #éducation_nationale #France #neurosciences #autonomie #néolibéralisme #pédagogie

    • Philippe Champy : « Les beaux discours de Blanquer sur la confiance ne réussiront pas à masquer cette guerre contre les professeurs qui ne dit pas son nom »

      Passionnant et déterminant pour comprendre Blanquer et l’Éducation nationale : tel est l’essai de Philippe Champy Vers une nouvelle guerre scolaire : quand les technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Éducation nationale qui vient de paraître à La Découverte.
      Ingénieur à l’Institut national de recherche pédagogique puis éditeur et enfin directeur des éditions Retz, Philippe Champy, en fin connaisseur du système scolaire, dévoile la nature profonde du grand reformatage de l’école par Blanquer. Partant d’une réflexion sur le manuel scolaire, il démontre combien pour Blanquer la liberté pédagogique est synonyme d’anarchie, combien les neurosciences lui servent d’outil managérial et comment aussi, via l’incroyable entrisme du groupe d’assurance Axa que connaît fort bien Blanquer, se met en place une privatisation déguisée de l’Éducation nationale. Un propos explosif qui ne pouvait manquer de retenir l’attention de Diacritik le temps d’un grand entretien avec Philippe Champy.

      Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre indispensable essai pour comprendre ce que devient aujourd’hui l’Éducation nationale notamment aux mains de Jean-Michel Blanquer. Comment vous en est venue l’idée ? Vous dites, notamment dans l’introduction, que, pour vous être longuement occupé dans votre vie des manuels scolaires, vous avez été frappé par la manière dont le sommet de la pyramide hiérarchique au ministère traite précisément des manuels scolaires : qu’est-ce qui vous a ainsi particulièrement frappé ?

      Effectivement, plusieurs éléments tout au long de ma carrière m’ont alerté sur une posture étonnante de la part de certains dirigeants et prescripteurs au sein de l’Éducation nationale : l’ignorance et la défiance à l’égard des manuels scolaires, voire l’ostracisme ou la volonté de contrôle direct selon les périodes à l’égard des auteurs et éditeurs qui les produisent. Cette double anomalie m’a choqué aussi bien du point de vue de l’histoire politique que d’un point de vue purement pragmatique.

      Comme je le rappelle dans mon livre, c’est en toute conscience que les républicains, qui sont arrivés enfin au pouvoir dans les années 1880, ont rejeté les pratiques des régimes précédents (monarchies et empires) de contrôle a priori de l’Etat sur la production et la sélection des « livres classiques » (comme on désignait les manuels à l’époque) autorisés dans les écoles. C’est à ce moment fondateur pour les libertés publiques qu’a été formulée la doctrine républicaine de la « liberté pédagogique ». Cette doctrine s’oppose à toute idée d’édition scolaire d’Etat et préconise la liberté de publication pour les manuels à l’instar de la liberté de la presse, instaurée aussi à cette époque : pas d’examen ni d’autorisation préalable, aucune labellisation. Elle défend aussi la liberté de choix des enseignants parmi l’offre libre sous réserve de délibérations collectives institutionnalisées et la liberté d’utilisation en classe à leur guise. Les autorités n’ont qu’un droit de regard a posteriori et doivent publiquement justifier une éventuelle mise à l’écart ou interdiction, fait rarissime durant tout le XXe siècle.

      Toute mise en cause, explicite ou larvée, de cette liberté dans sa triple dimension devrait donc s’attacher à justifier cette atteinte à la doctrine fondatrice par des arguments sensés, ce qui n’est jamais le cas. Dans les propos de Jean-Michel Blanquer, pourtant républicain revendiqué, la liberté pédagogique est systématiquement indexée à l’anarchisme, au désordre, jamais à la reconnaissance de la compétence professionnelle des enseignants et aux responsabilités qui en découlent. Cette façon de voir est clairement à contre-courant du républicanisme originel puisqu’elle présente la liberté des acteurs au sein du système comme un danger et non comme un atout et une force, l’expression d’un dynamisme mobilisateur apte à améliorer constamment l’efficacité collective et à s’opposer à toute tutelle idéologique régressive.

      D’un point de vue pragmatique, pour les dirigeants de l’institution Éducation nationale, du moins ceux qui se targuent de rechercher en toute chose l’efficacité (valeur suprême du technocratisme), méconnaître la sphère de production et de diffusion des manuels et laisser cette sphère dans un angle mort revient bizarrement à ignorer une grande partie de ce qui fait la réalité quotidienne des enseignants et des élèves. Au mieux, par pure méconnaissance, on reproduit les préjugés du sens commun sur les manuels dont on ne sait pas exactement qui les produit, dans quel cadre, avec quelles contraintes, quel statut, quelles utilisations, etc. Une défiance s’installe, jamais explicitée ou discutée. Au pire, par hostilité de principe à tout ce qui est extérieur à l’institution, on est conduit à les rejeter en bloc sous prétexte qu’ils sont hors contrôle institutionnel, donc critiquables, douteux, dépassés, voire nocifs. A décrypter certaines remarques, on pourrait penser que c’est moins le manuel en tant qu’outil de travail qui pose problème que son pluralisme et la triple liberté pédagogique qu’il incarne dans le système français. On sent bien que certains hiérarques rêveraient de manuels officiels, nécessairement uniques, édités par le ministère… Il y a d’ailleurs eu au moins une tentative avortée en histoire que je relate dans mon livre. Quelle est la conséquence de cette posture ? C’est assez facile à deviner ! Puisque ce sont les enseignants qui choisissent les manuels et autres ressources, et aussi qui les conçoivent, les sélectionnent et les utilisent à leur gré on imagine sans trop de mal ce que ces dirigeants hostiles à la liberté pédagogique pensent de leurs « ouailles » !

      Dans ma carrière d’éditeur scolaire et pédagogique durant plus de 20 ans, j’ai à plusieurs reprises été stupéfait par les propos de café du commerce que pouvaient tenir de hauts responsables au sujet des manuels scolaires. Comme de leurs positions peu informées sur les débats didactiques que les manuels suscitent ! J’ai ressenti cette méconnaissance moins comme un signe de paresse intellectuelle que comme le symptôme d’un discrédit technocratique pour tout ce qui n’était pas directement dans leur sphère de pouvoir. Grosso modo, c’est l’attitude de responsables qui pensent qu’il n’est pas utile de comprendre la complexité d’une question si elle échappe à leur emprise hiérarchique…

      Le cœur de votre fort propos, c’est la place du manuel scolaire que vous prenez comme paradigmatique d’enjeux polémiques, politiques et économiques pour le moins révélateurs. Vous affirmez ainsi qu’il y a depuis bientôt une vingtaine d’années une volonté de mainmise du ministère sur les manuels scolaires, volonté qui éclate comme jamais avec Blanquer. Pourriez-vous nous dire pourquoi le ministère désire-t-il contrôler les manuels ? N’y a-t-il pas un paradoxe pour un néo-libéral sans frein comme Blanquer à vouloir contrôler la liberté pédagogique ?

      Plutôt que le cœur, je dirais que le manuel scolaire est le point de départ de mon enquête et une sorte de fil rouge qui conduit à se poser des questions fondamentales sur l’autonomie professionnelle des enseignants. Je rappelle en effet au début de mon essai les différentes critiques qui ont été adressées au manuel depuis ses débuts, accompagnant la progressive massification de l’enseignement primaire depuis la loi Guizot de 1833 puis sa généralisation et son encadrement laïque et républicain avec les lois Ferry des années 1880. Quand on fait le tour des critiques en question et des forces qui les portent, on s’aperçoit assez vite que le manuel sert de bouc-émissaire pour viser autre chose. L’enjeu réel des attaques n’est pas le manuel en tant que tel, sauf pour les courants pédagogiques qui le récusent et voient en lui un vecteur d’imposition conformiste qui stériliserait la créativité enseignante et favoriserait la servilité idéologique des élèves (je pense à Célestin Freinet).

      Ces enjeux peuvent être de nature très variée. Par exemple, au début du XXe siècle, avant la Première Guerre mondiale, ce fut le pouvoir des familles (en fait du clergé catholique) sur le choix des manuels d’enseignement de l’école publique. De façon permanente, depuis les lois Ferry, ce sont les contenus d’enseignement eux-mêmes qui sont visés (trop progressistes ou « engagés » pour les conservateurs et leurs lobbies, ou, au contraire, trop stéréotypés ou discriminatoires pour leurs adversaires de multiples obédiences), et, en dernier ressort, ces critiques visent les programmes scolaires, leurs préconisations, la façon dont ils sont conçus, les institutionnels qui les produisent, leurs présupposés idéologiques ou pédagogiques, etc.

      Le ministère lui-même, par la voix des inspections générales depuis la fin des années 1990, n’a pas été avare de critiques, comme une lecture attentive des rapports officiels le montre dans mon livre. Depuis cette époque, il rêve d’imposer aux auteurs et éditeurs scolaires des cahiers des charges pour contrôler leurs productions en amont. Il rêve d’introduire une labellisation avant parution, venant mettre en cause le principe même de la liberté pédagogique. De mon point de vue, cette tendance est une dérive typiquement technocratique dont le renforcement est concomitant avec l’instrumentalisation des évaluations internationales, notamment PISA, depuis 2000. Comme les résultats des élèves français ne sont pas jugés dignes du rang du pays, l’idée s’installe au sommet du ministère que la faute en revient non pas aux structures et à l’organisation inégalitaire et ségrégative du système scolaire dans son ensemble, mais tout simplement aux professeurs et à leurs méthodes d’enseignement. Ce serait non seulement la faute des professeurs du collège (puisque les élèves évalués ont 15 ans), mais aussi ceux du primaire qui ne sauraient pas enseigner les « fondamentaux » aux élèves les plus faibles. Ce sont les mauvais résultats de ces élèves qui plombent le score français. Il faut rappeler ici que PISA évalue un échantillon représentatif d’élèves français (7000 en 2018 « qui défendent les couleurs de la France », comme l’écrit patriotiquement le site du ministère !) et non pas l’ensemble des élèves, comme le font les dernières évaluations lancées par le ministère Blanquer pour l’ensemble des élèves de certains niveaux dans certaines disciplines.

      Cette tendance technocratique a évolué dans ses ambitions au cours des deux dernières décennies avec l’avènement du « numérique éducatif » et l’apparition des neurosciences sur la scène publique. On a assisté à leur accaparement progressif des questions éducatives, comme si, avant elles, les connaissances étaient restées dans une sorte de préhistoire sans valeur et que tout était à inventer ! Avec le numérique, la vieille revendication d’un contrôle institutionnel serré sur les manuels afin de mieux contraindre les professeurs dans leurs pratiques d’enseignement a été élargie à l’ensemble des ressources produites par les institutions publiques et par les enseignants eux-mêmes, grands utilisateurs des outils et réseaux numériques grand public. Fascinés par la « révolution numérique », les hauts technocrates ont prophétisé la marginalisation inéluctable de l’édition scolaire (prétendument liée au papier) avec l’idée de mettre fin en douceur à l’un des piliers de la liberté pédagogique des professeurs… et de faire des économies. (Rappelons que si ce sont les municipalités qui financent les manuels du primaire, les régions désormais ceux des lycées, c’est toujours une subvention d’Etat qui finance ceux des collèges.) Ils ont donc pensé pouvoir reprendre la main sur les outils des enseignants en poussant leur numérisation et leur dépôt sur des plates-formes institutionnelles centralisées et en les soumettant à des formes plus ou moins pernicieuses de labellisation.

      Poursuivant sur la question centrale du manuel, vous avancez également sans attendre qu’un des enjeux majeurs des querelles autour du manuel scolaire consiste à proférer des attaques déguisées contre les profs. Le manuel, et les polémiques souvent nombreuses qui l’entourent, renvoient selon vous aussi au fossé qui existe entre les enseignants et leurs dirigeants, comme si les premiers étaient les victimes des seconds, ce que le numérique et les neurosciences ne feraient qu’accentuer.
      Dans un tel contexte, pourrait-on ainsi dire qu’avec Blanquer, depuis 2017, l’Education nationale fait de ses fonctionnaires ses ennemis et, si oui, pourquoi ?

      Oui, c’est vrai, les critiques contre les manuels visent aussi, de façon plus ou moins déguisée, les professeurs, leur aptitude à décider par eux-mêmes de leurs méthodes et de leurs outils d’enseignement, leur pouvoir de les concevoir librement avec des éditeurs professionnels. Les manuels sont considérés abusivement, par ceux qui critiquent la liberté de publication, comme le fidèle reflet ou le déterminant automatique de ce qui est censé se passer en classe sous la conduite des professeurs. Ils ne comprennent pas la différence entre les programmes qui fixent un cadre général et des objectifs, les méthodes pédagogiques qui relèvent de connaissances et savoir-faire notamment didactiques (ce que j’appelle les savoirs expérientiels des professeurs), et enfin les outils qui sont à leur disposition au sein d’une offre pluraliste, ce que sont les manuels parmi beaucoup d’autres types de ressources éditées. Cette confusion simpliste leur permet de s’affranchir d’une observation fine des pratiques d’enseignement au profit d’un examen purement livresque, souvent superficiel, et fort éloigné des réalités scolaires. A titre d’exemple, c’est le cas de beaucoup d’intervenants dans le vieux débat, relancé par intermittence, sur l’apprentissage de la lecture au CP. Ceux qui ne veulent pas comprendre les réalités scolaires sont obnubilés par telle ou telle page de manuels, supputent des usages ou dérives mais ne savent pas en réalité comment ces manuels sont utilisés en classe, par les professeurs comme par leurs élèves.

      Quand les hauts technocrates du ministère se mettent à critiquer les manuels parce qu’ils échappent à leur autorité directe, comme je l’ai évoqué plus haut, ils élargissent indéniablement le fossé qui existe entre eux et les enseignants. Or, avec Jean-Michel Blanquer, la tendance technocratique (c’est la base qui a tort et le sommet qui sait et qui a raison) se marie avec la prise de pouvoir des néo-libéraux à la tête de l’appareil d’Etat et des institutions publiques. Les hauts technocrates néo-libéraux proviennent des deux côtés de l’échiquier politique en concurrence pour gouverner la Ve République. Cette nouvelle élite administrative pense foncièrement que l’État social, dont l’Ecole publique est l’un des fleurons (avec la Sécurité sociale, l’hôpital public, etc.), est trop développé, trop coûteux, mal géré, en retard, etc. C’est pourquoi les néo-libéraux veulent affaiblir les fonctions sociales de l’Etat, ils veulent le reformater en le concentrant sur les fonctions dites régaliennes et réduire ou privatiser des pans entiers qu’ils jugent négativement.

      Ces dirigeants justifient leur politique par la nécessité d’améliorer la compétitivité du pays dans la course mondiale en laissant plus d’initiatives aux détenteurs de capitaux et en allégeant leurs charges sociales pour accroître d’autant leurs profits. Ils entendent donc reformater l’ensemble de la politique sociale du pays pour raboter les acquis des anciens compromis sociaux. Réduire l’Etat social n’est donc pas incompatible avec la nécessité d’exercer « en même temps » un meilleur contrôle social sur les populations et les acteurs sociaux, allant jusqu’à la remise en cause de certaines libertés publiques. François Sureau, un libéral à l’ancienne pourrait-on dire, en tant qu’avocat défenseur des libertés publiques, vient de publier un opuscule très éclairant à ce sujet (voir Sans la liberté, Gallimard, collection Tracts). C’est dans le cadre de cette politique présidentielle et gouvernementale qu’il faut comprendre les assauts de Jean-Michel Blanquer contre les professeurs.

      Et si l’on veut contrôler les professeurs de façon tatillonne et ultra-dirigiste, au nom de l’efficacité et de la science (les neurosciences), il faut en effet s’attaquer à la tradition de liberté pédagogique et la limiter à un choix entre un petit nombre d’options labellisées par le ministère. Il faut tuer le pluralisme et borner le pouvoir d’agir des professionnels de terrain dans un cadre didactique imposé par des experts dont la compatibilité technocratique est avérée. Le paradoxe de l’étatisme dirigiste néo-libéral n’est donc qu’apparent. Il ne faut pas confondre l’idéologie néo-libérale avec l’idéologie libertarienne qui, elle, prône un capitalisme d’entreprises sans Etat. Il faut aussi noter que le fonctionnariat révulse les néo-libéraux de la « start-up nation » qui n’ont que les mots de « flexibilité » et « agilité » à la bouche. C’est pour eux un legs du passé totalement obsolète, qu’il faut mettre à plat, car ce système engage la puissance publique sur la durée et réduit d’autant la capacité de redéploiement budgétaire ultra rapide que les néo-libéraux réclament selon leurs priorités du moment. Cette façon de gouverner est manifeste dans les mesures brutales d’annulation des dispositifs sociaux qui se sont multipliées dès le début du quinquennat.

      Dans ce même esprit, pourrait-on également parler, par l’usage empressé des nouvelles technologies et les incessantes injonctions du ministère, qu’il existe désormais une forme de maltraitance administrative et numérique des enseignants ? Est-ce que finalement le numérique mais aussi les neurosciences ne servent pas à Blanquer d’outil managérial lui permettant d’opposer le primaire au Secondaire et ainsi, comme vous le dites, de « diviser pour mieux régner » ?

      Je crois qu’il y a deux phénomènes managériaux qui s’additionnent et qui touchent aussi bien les professeurs que tous les administratifs et les non-enseignants, à savoir environ 200 000 professionnels aux côtés de plus de 800 000 enseignants. D’un côté, il y a l’introduction du « new public management » avec la LOLF et la RGPP depuis 2006 dont la tendance est de copier les modes de management des grands groupes privés (gestion budgétaire pilotée par les financiers, individualisation des rémunérations, instauration de primes variables pour les responsables aux différents échelons en fonction d’objectifs décidés par les supérieurs, etc.). De l’autre, il y a l’immixtion directe du ministre dans les pratiques d’enseignement et les options didactiques. Cette immixtion concerne surtout l’enseignement primaire accusé d’être le vrai fautif des échecs du système. Mais le charcutage des programmes concerne aussi l’enseignement secondaire !

      Depuis plus de deux ans, Jean-Michel Blanquer a configuré à sa main le sommet du ministère en créant un Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) totalement dominé par des neuroscientifiques et des quantitativistes, et en reconfigurant le Conseil supérieur des programmes (CSP) au profit de conservateurs dogmatiques. Ce sont deux leviers indispensables à sa prise de pouvoir qui prend chaque jour davantage les allures d’un présidentialisme appliqué à l’Éducation nationale. La loi Blanquer de juillet dernier, la reprise en mains des ESPÉ transformées en INSPÉ (dont les directions sont désormais nommées par le ministre), et celle de l’ESEN (l’école des cadres) en IH2E pour propager la doctrine du ministre et celle du CSEN, la suppression du CNESCO, illustrent brillamment cette domination sans appel. C’est une façon pour lui de s’assurer les pleins pouvoirs dans un système pyramidal et verticalisé à l’excès et de nommer aux postes-clés ses partisans les plus zélés, de moins en moins issus du sérail de l’Education nationale et de plus en plus éloignés de sa culture et de ses valeurs constitutives.

      Quelles sont les conséquences prévisibles de ces deux tendances managériales ? Si l’on chausse les lunettes des spécialistes des relations de travail, on peut sans doute augurer que tous ces changements autoritaires, imposées au pas de charge sans recherche de consensus avec les intéressés ou leurs représentants, produisent les mêmes effets de maltraitance que ceux qu’ont connus les anciennes entreprises publiques lors de leur privatisation sur un fond pathogène de « double lien » (quand les actes des chefs contredisent leurs paroles manipulatrices). Les beaux discours sur la confiance ne réussiront pas à masquer ce conflit fondamental, cette guerre contre les professeurs qui ne dit pas son nom.

      Dans votre analyse de la place que le manuel scolaire occupe désormais, vous ne manquez évidemment pas de rappeler que la mort du manuel scolaire est programmée en haut lieu depuis longtemps notamment au nom de la « révolution numérique ». Pourtant, faites-vous immédiatement remarquer, ce numérique n’est pas la révolution qu’elle prétend être, cachant souvent des leurres sociaux.
      En quoi peut-on dire que, pour l’école, la « révolution numérique » est une illusion ? Peut-elle révolutionner le cœur du métier d’enseignant ? N’y a-t-il pas le rêve au ministère qu’un jour ou l’autre le numérique puisse finalement se substituer au cours même des enseignants par le biais par exemple du MOOC ?

      Dans sa philosophie, le « numérique éducatif » est l’héritier de la cybernétique et de l’enseignement programmé des années 1950. Dans les débuts de l’informatique, c’est le moment où certains ingénieurs et mathématiciens prophétisaient le prochain remplacement des professeurs par les processeurs. Au discours futuriste propre aux « nouvelles technologies » (qui tient souvent de la sur-promesse éhontée) s’ajoute bien souvent un discours de type économique pour attirer des financements vers la recherche technologique. Les « technologues » à tous les âges savent qu’ils doivent faire miroiter aux décideurs et investisseurs d’importantes économies d’échelle à venir : finies les charges fixes d’enseignants et de locaux, fini le papier à stocker, etc., ce sera le règne de l’enseignement à distance ! Et les coûts de substitution sont toujours minorés, dans leurs montants financiers et leurs impacts tant sociaux qu’écologiques. De la même façon, de nombreuses impasses sont volontairement laissées à l’improvisation future en termes de faisabilité. Ce qui compte c’est d’avancer et de couper l’herbe sous le pied des concurrents et de ceux qui occupent déjà le terrain. On pourrait dire que c’est de bonne guerre économique pour qui pense que l’avenir se fonde sur des « destructions créatrices » !

      Le discours de l’adaptative learning se situe dans le droit fil des vieilles prophéties cynernétiques, comme je le rappelle dans mon livre. On nous présente un apprenant pris en main à distance par une machine intelligente capable de détecter en direct les erreurs de conception dans la tête de l’élève et d’adapter les contenus présentés et les exercices proposés pour le remettre sur le droit chemin du savoir d’une façon totalement individualisée. Le e-learning postule que l’élève serait une sorte de Robinson capable d’être connecté directement aux « savoirs universels » grâce au mentorat bienveillant d’un robot. Or l’autodidaxie est un exercice périlleux voire impossible, même avec l’aide distante d’un système supérieurement « intelligent ». Se priver du levier essentiel de l’apprentissage collectif et de la relation humaine entre professeur et élèves est le plus souvent source d’échec. C’est pourquoi d’ailleurs les MOOC relèvent plus du e-teaching que du e-learning puisqu’ils sont en principe pilotés par des enseignants qui gèrent à distance des classes virtuelles d’apprenants réels, dans le respect d’un calendrier et d’une progression imposés, ce qui est plus proche du fonctionnement scolaire ou universitaire habituel. L’isolement et les contraintes d’autogestion de planning par les apprenants eux-mêmes expliquent pourquoi le taux de réussite des MOOC est si faible, beaucoup abandonnant le cursus en cours de route faute d’autorégulation ou d’un étayage social suffisant. Au vu des évolutions actuelles, on peut espérer que les décideurs qui ont pu rêver un temps à un grand remplacement de l’enseignement et des enseignants par des robots revoient leur conception, même si les promesses de l’intelligence artificielle permettent encore de relancer et d’entretenir de nombreux fantasmes à ce sujet.

      S’agissant toujours du numérique, vous avez encore une formule très forte : vous parlez d’un ministère « sous hypnose numérique ». Mais vous faites immédiatement deux remarques sur lesquelles j’aimerais vous interroger. Vous dites, tout d’abord, qu’on ne lie jamais cette déferlante numérique aux stratégies prédatrices des GAFAM que vous choisissez de nommer les « seigneurs numériques ». Quelle serait ainsi selon vous le type de marché que convoitent dans l’Education nationale les seigneurs numériques ?

      Pour répondre à cette question, il faut élargir la focale. Le numérique est un sujet compliqué, par lui-même étant donné son impact massif dans les populations, mais aussi pour l’Etat, les collectivités territoriales et pour les différents acteurs concernés au sein de l’Éducation nationale. Tout le monde est mis sous la pression de l’industrie informatique mondiale qui domine et pilote le marché en fonction de ses intérêts exclusifs. Ce marché où s’affrontent des multinationales en position souvent monopolistique sur leurs créneaux produit un marketing séducteur, extrêmement puissant et très mystificateur. Dans mon livre, j’étudie plus particulièrement les ravages du « marketing du gratuit » chez les enseignants et les élèves.

      C’est donc compliqué de comprendre ce qui se passe réellement, d’autant plus que la « révolution numérique » s’est accompagnée de discours dithyrambiques à la mode qui ont très longtemps laissé dans une coupable obscurité les vrais moteurs économiques et sociaux de cette « révolution », et aussi son contexte géopolitique. On nous a présenté l’avènement du numérique comme une sorte de « révolution civilisationnelle » pour le bien de l’humanité, comme s’il s’agissait d’un phénomène technologique « naturel », du même ordre que le réchauffement climatique, mais en positif ! Horizontalité, agilité, gratuité, connectivité, dématérialisation, désintermédiation furent les plus courus de ses mots-clés. Intuitif, collaboratif, collectif, ses épithètes ô combien rabâchés. A l’instar du discours des neurosciences sur ce qui les précède, celui de la « révolution numérique » dépeint un avant caricatural : avant elle il n’y aurait que verticalité, rigidité, cupidité, isolement, etc. La « révolution » est devenu une rhétorique de marketing, en vigueur aussi bien dans la publicité que dans la vie des idées. Notons que ce révolutionnarisme verbal est proprement infantilisant. Heureusement qu’on perçoit mieux la mystification depuis que les coulisses industrielles et institutionnelles de tout ce storytelling sont mieux connues !

      Un autre élément de confusion est lié aux pratiques de masse qui se sont développées dans tous les usages domestiques et personnels (et là nous sommes toutes et tous concernés dans notre quotidien). Ils ont servi d’écran à la compréhension des effets profonds que le numérique engendre globalement dans l’économie, dans toutes les sphères professionnelles. Au lieu de toucher du doigt ce qui se joue réellement dans la numérisation de l’économie et de la vie sociale, les usages personnels ont servi de mascotte aux bienfaits supposés du numérique en général. Le cas de la tablette à cet égard est symptomatique. Elle a été pronostiquée par des béotiens admiratifs, comme un substitut enrichi du livre qui allait clore à brève échéance l’ère de Gutenberg. Dans l’Education nationale, certains ne jurent encore que par elle, comme on le voit dans certaines régions avec les équipements liés à la réforme des programmes des lycées.

      Quand on étudie les rapports officiels du ministère sur le « numérique éducatif », on ne peut qu’être frappé par l’engouement naïf de leurs auteurs qui adoptent la posture de grands stratèges du futur tout en reprenant à leur compte sans le moindre recul critique le storytelling de l’industrie informatique, les fantasmes de la « startup nation » mobilisée pour faire émerger sa « filière » nationale, tout en occultant les dimensions économiques, géopolitiques et même « bassement » gestionnaires de la question. Ces rapports tracent les grandes lignes d’un « numérique éducatif » centralisé qui viendrait en quelque sorte concurrencer le numérique grand public du cloud que les enseignants utilisent abondamment, y compris pour leurs besoins professionnels. Mais cette toile d’araignée, contrôlée par le ministère sous prétexte essentiel d’assurer la confidentialité des données personnelles, ne peut fonctionner qu’en utilisant le support industriel des seigneurs numériques ! Par exemple, j’ai lu récemment que c’était le cloud d’Amazon qui récupérait, dans ces centres de données en Irlande, les résultats des évaluations nationales des élèves français…

      Les seigneurs numériques à travers leurs innombrables filiales servent donc de prestataires de service au ministère puisque rien (ou presque) n’est possible sans leurs réseaux, leurs centres de données, leurs logiciels, etc. Mais ces groupes gigantesques lorgnent évidemment sur le marché éducatif qui en est encore à ses balbutiements pour des raisons que j’analyse dans mon livre : en termes de ressources, trop fortes disparités des curriculums entre pays qui rendent difficile pour l’enseignement obligatoire (le K12 anglo-saxon) de créer une offre globalisée qu’il n’y aurait plus ensuite qu’à « localiser » dans les différentes langues ; en termes de faisabilité pratique, difficultés aussi à substituer le virtuel au présentiel dans une proportion suffisamment intéressante sur le plan économique, etc. Je pense donc qu’ils sont en embuscade en pratiquant un entrisme discret et en espérant étendre leur mainmise industrielle à chaque étape.

      La deuxième conséquence, politique, est que cette révolution numérique offre en fait à l’Education nationale et à ces hiérarques comme vous le dites « une magnifique opportunité pour reformater sans le modifier le code génétique élitaire », et cela évidemment sans toucher aux causes de la ségrégation scolaire. Comment l’expliquez-vous ?
      Pour aller plus loin dans cette question, évoquant les « réformes » Blanquer du bac, vous êtes l’un des rares à parler de ces réformes comme d’un storytelling et finalement d’autant d’éléments de langage : s’agit-il là pour Blanquer d’éluder la question viscérale de l’inégalité ?

      J’ai déjà évoqué plus haut cette toile d’araignée numérique que le ministère tisse pour contrôler de diverses manières les outils des enseignants et même leurs formations via des modules à distance. Dans mon livre, je reviens sur la pratique des appels d’offre qui transforment les éditeurs scolaires et les producteurs numériques en pures prestataires de service du ministère contraints de se conformer à des cahiers des charges rédigés par les directions ministérielles s’ils veulent emporter le marché. Il y a aussi le nouveau rôle des organismes publics sous tutelle à qui le ministère confie des missions éditoriales pour produire des ressources d’enseignement labellisées par le CSEN. Toutes ces évolutions n’ont pas pour objectif de modifier quoi que ce soit dans l’organisation ségrégative du système mais d’assurer une prise de pouvoir centralisée sur les ressources destinées aux enseignants.

      La question que vous posez à propos de Jean-Michel Blanquer sur son évitement de la question de l’inégalité me permet d’aborder le rôle des neurosciences sur cette question. Ce point peut surprendre. En portant au pinacle la plasticité cérébrale des bébés et des enfants (qui est réelle en effet), les neurosciences dans la version instrumentalisée par Blanquer installent auprès de l’opinion publique et de certains parents l’idée que tous les élèves peuvent réussir de la même façon puisqu’ils ont le même cerveau, puisque c’est le cerveau qui apprend, et que, dès lors qu’il est correctement stimulé selon des méthodes « neuro », la réussite est assurée, l’échec jugulé. C’est ce même discours qu’exploite à sa façon Céline Alvarez et ses fameuses « lois naturelles », dont on connaît l’impact médiatique et publicitaire, même auprès de certains enseignants.

      L’échec scolaire aurait donc essentiellement pour cause l’inaptitude des professeurs (trop ignorants des découvertes « neuro ») pour effectuer ces stimulations comme il faudrait. Là encore, la cause des inégalités ne serait pas pour l’essentiel d’origine sociale, comme le montre de façon détaillée et percutante le dernier livre dirigé par Bernard Lahire (Enfances de classe, de l’inégalités parmi les enfants) mais proviendrait de l’école et des méthodes qu’elle met en œuvre, provoquant des inégalités de réussite entre enfants. Le déni sociologique implicite des « neuros » va si loin que j’ai pu entendre Boris Cyrulnik à France Culture le 3 septembre dernier affirmer qu’« aujourd’hui c’est l’école qui fait les classes sociales ». Conclusion des partisans « neuros » du ministre : en reformatant l’école selon les méthodes « neuro », on pourra assurer « l’égalité des chances ». Dans la même veine, le ministre présente ses mesures de dédoublements des CP comme la principale mesure de politique sociale du quinquennat ! Il laisse entendre aussi que la réforme des études au lycée général a pour but l’épanouissement personnel de chaque lycéen qui pourra échapper aux filières ségrégatives et enfin construire par lui-même son parcours et sa vie réussie. Le recours à la thématique du « développement personnel » à des fins institutionnelles vient ici gommer comme par magie les déterminismes inégalitaires inscrits dans l’organisation même du système. Les établissements sont loin d’être dotés des mêmes ressources et opportunités, sans parler du fossé entre la voie générale et technique et la voie professionnelle !

      Le naturalisme et le scientisme inhérents à l’épistémologie biomédicale des neuroscientifiques pro-Blanquer (que j’analyse en détails dans mon livre) ne sont donc pas les seuls biais qu’on peut relever. L’éviction des déterminants sociologiques est aussi un de leurs traits idéologiques. Cela permet de cantonner la question des inégalités de réussite scolaires dans l’enceinte de l’école, puis de les réduire à une sorte de « pédagogie du cerveau » à quoi se résume la prétention de la « neuro-pédagogie ». Cela permet aussi d’abandonner la question sociale en tant que telle (les inégalités de conditions familiales et sociales décrites par les sociologues) aux registres compassionnel et philanthropique.

      Un des points les plus remarquables également de votre approche du manuel scolaire est la place que le Ministère accorde aux éditeurs. Contrairement à une idée reçue, tenace notamment chez les enseignants, les éditeurs sont, en fait, maltraités comme l’essentiel des autres acteurs. Comment sont ainsi vus les éditeurs de manuels par le ministère ? Pourquoi, appartenant pourtant au privé, les éditeurs ne bénéficient-ils pas selon vous de la tornade néo-libérale qui, depuis l’arrivée de Blanquer, s’abat sur le ministère ?

      Dans le prolongement de ce que j’ai déjà dit, à l’évidence les éditeurs sont vus au mieux comme des prestataires de service s’ils jouent le jeu des appels d’offre. Au pire, comme un reliquat du passé avec lequel il faut composer. Ils ne sont pas vus en tout cas comme des partenaires autonomes dans un système horizontal de liberté pédagogique où collaboreraient de multiples acteurs dont les auteurs (chacun dans son rôle, régulé par une commune référence aux programmes officiels). Du point de vue de l’étatisme à la Blanquer, ils peuvent même être vus comme des opposants s’ils défendent la doctrine républicaine en vigueur depuis 130 ans ! Car c’est un fait historique que l’édition scolaire a été assurée par des entreprises privées depuis le milieu du XIXe siècle dans une logique concurrentielle et pluraliste. Parmi les libertés publiques républicaines, il y a, faut-il le rappeler, la liberté de publication. L’édition scolaire a été l’une des composantes qui a permis l’essor de l’édition puisqu’elle a contribué au développement de la scolarisation et donc de l’accès à la lecture.

      Ce point me permet d’aborder quelques réactions négatives ou dubitatives à l’égard de mon livre puisqu’il a été écrit par un ancien éditeur scolaire qui revendique son expérience. Certains critiques trollesques m’accusent de représenter le lobby de l’édition scolaire et voit dans mes critiques du technocratisme néo-libéral de Jean-Michel Blanquer un prétexte pour dissimuler la défense des rentes et profits (nécessairement faramineux) de l’édition scolaire privée. D’autres, moins négatifs, me reprochent de ne pas croire que le service public serait la seule option progressiste pour les auteurs souhaitant éviter d’être compromis avec la cartellisation de l’économie capitaliste. Contrairement à Ferdinand Buisson, ils ne voient pas les risques liberticides de confier l’édition scolaire à un monopole d’Etat ou à un organisme sous tutelle étatique dont la mission est de répercuter la politique officielle au gré de ses changements d’orientation. Comment gérer un vrai pluralisme de points de vue à l’intérieur d’une telle institution ? D’autres enfin me soupçonnent de mener un combat d’arrière-garde pour défendre un secteur économique condamné par le progrès technologique qu’ils voient incarné par les produits des seigneurs numériques ou les startups prétendument indépendantes (avant rachat par les premiers). Ils pensent que le numérique rend tout un chacun spontanément libre, compétent, collectivement intelligent. A mon sens, toutes ces critiques, parfois teintées d’un halo sulfureux de complotisme (bien qu’elles s’en défendent), ont perdu de vue la philosophie républicaine de la liberté pédagogique. Elles méconnaissent l’histoire et la réalité des entreprises d’édition, leur rôle pour permettre aux auteurs de donner consistance à une liberté chèrement conquise. Elles minorent les dangers de censure et de perte d’autonomie professionnelle pour les acteurs de l’école que recèlent tout affaiblissement de l’édition scolaire concurrentielle, soit lié à des limitations étatiques, soit lié à une trop forte concentration capitalistique.

      Le ministre, en tacticien roué, sait qu’il peut jouer sur l’esprit de loyauté des professeurs envers l’État employeur et leur attachement au service public, réputé défenseur désintéressé de l’intérêt général. Ses prises de pouvoir institutionnelles s’en trouvent plutôt facilitées, alors que, déposées en d’autres mains extrêmes, elles auraient des conséquences redoutables pour les démocrates. On ne comprend pas encore suffisamment, selon moi, en quoi le ministre joue les apprentis sorciers ! Il peut aussi user à bon compte de la méfiance des enseignants à l’égard des domaines d’activité où l’argent, le commerce, l’entrepreneuriat sont impliqués, autant de figures menaçantes représentant un supposé poison pour l’école publique, ces traits étant associés dans l’esprit des enseignants à une hostilité de principe à l’Etat-providence, ce qui est faux. Mais je sais aussi que cette attitude des professeurs est ambivalente. Ainsi on ne peut les soupçonner de souhaiter que l’édition de littérature, pour prendre un exemple saisissant, soit confiée à l’Etat ou à un organisme public… On peut au contraire penser qu’ils souhaitent qu’elle reste l’apanage d’éditeurs passionnés dans des entreprises ou des collectifs de statuts variés et à taille humaine.

      S’agissant encore du secteur privé et de la place que peut lui accorder un ministre néo-libéral comme Blanquer, vous montrez, et vous êtes le seul, qu’il faut plutôt les chercher du côté des associations et instituts qui rôdent autour de la rue de Grenelle. Vous dénoncez notamment la collusion de la Fondation Axa et son entrisme au ministère via l’association « Agir pour l’école » dont Blanquer a été un temps membre du comité directeur ainsi que l’Institut Montaigne. Pouvez-vous nous dire quels liens et quels rôles ces organismes entretiennent-ils avec l’Education nationale et comment Blanquer use de ces groupes pour mener sa politique ministérielle ?

      Je ne suis pas le seul à pointer les liens entre Jean-Michel Blanquer et la philanthropie du groupe d’assurance Axa. Les hauts technocrates au pouvoir actuellement n’ont plus du tout le profil de leurs devanciers. Ils ont un pied dans la haute fonction publique et un pied dans les directions opérationnelles des grands groupes industriels et financiers. De nombreuses études et enquêtes documentent cette évolution. De sorte qu’il semble tout à fait naturel à ces hauts dirigeants d’ouvrir les portes des organismes publics et des directions ministérielles à des partenariats ou à des actions « philanthropiques ». C’est ainsi que l’Institut Montaigne, financé par la Fondation Axa, explique au ministère comment mener à bien la numérisation de l’école primaire en France. C’est ainsi que l’association Agir pour l’école, financée par le mécénat Axa, a l’autorisation exceptionnelle de mener des expérimentations autour de sa méthode de lecture validée « neuro » dans des classes de l’école publique. Ce ne fut possible que grâce à l’appui discrétionnaire de Jean-Michel Blanquer lorsqu’il était DGESCO puis lorsqu’il devint ministre. La particularité de cette faveur être d’être accordée au plus haut niveau du ministère sans qu’il ne soit vraiment prévu de rendu de compte autre que ceux de l’association elle-même. Évidemment elle vante ses brillants résultats qui s’appuient sur « la science » ! Ce genre d’opération exceptionnelle au sein de l’Education nationale est un fait du prince auquel les enseignants de terrain dans les zones concernées sont tenus de se soumettre sous la pression de leur hiérarchie directe. On déguise en volontariat ce qui relève en fait d’une sorte d’embrigadement hiérarchique pour faciliter un entrisme caractérisé. J’évoque en détails dans mon livre la stratégie d’Agir pour l’école et de ses parrains.

      Il faut comprendre, au vu de cet exemple, que le néo-libéralisme a partie liée avec ce qu’on appelle le « philanthro-capitalisme ». En réduisant drastiquement les impôts des grands groupes privés et des grandes fortunes, il réduit d’autant les budgets publics et impose un rabotage général des dépenses. Faute de financements disponibles liés à une pénurie bien organisée, il favorise l’immixtion du mécénat des mêmes groupes privés et grandes fortunes pour financer des opérations qui auraient dû l’être sur le budget de l’Etat ou des collectivités territoriales. La conséquence est que ce ne sont plus les responsables au sein de l’appareil d’Etat ou des organismes publics sous tutelle qui ont le pouvoir de décider des nouveaux projets à mener. Ce sont des fondations privées externes qui se voient de plus en plus doter de ce pouvoir en décidant elles-mêmes des programmes qu’elles acceptent de financer. Cette prise de pouvoir larvée est une privatisation déguisée, réalisée avec la complicité des hauts technocrates néo-libéraux, censés pourtant défendre l’intérêt général à la tête de la puissance publique. A l’évidence les conflits d’intérêt, à terme, sont patents. Mais tout se fait par petites touches, dans une discrétion complice, par le truchement d’associations sans but lucratif. Les grands groupes peuvent communiquer sans vergogne sur leur remarquable générosité et leur implication citoyenne dans les affaires de la collectivité et afficher, comme retour sur investissement, un républicanisme de bon aloi !

      En parlant d’« Agir pour l’école », il faut aussi évoquer Stanislas Dehaene dont vous nous apprenez qu’il mène une partie de ses recherches en synergie avec cette association. Votre démonstration est implacable : de fait, la place au sein de l’Éducation nationale qu’occupe désormais Stanislas Dehaene, neuroscientifique, ne manque pas d’intriguer tant elle est surprenante. Si, de fait, le ministère avec Blanquer tombe sous la coupe réglée des neurosciences, on ne peut qu’être étonné que ce psychologue cognitiviste, étranger aux sciences de l’éducation notamment, soit président du Conseil scientifique de l’Education nationale. Et on ne peut qu’être étonné surtout des propos, inquiétants il faut le dire, qui sont les siens ainsi que, plus largement, de sa démarche.

      En effet, vous rappelez ses déclarations pour le moins déconcertantes sur les manuels scolaires qu’il considère comme autant de « médicaments ». Vous poursuivez d’ailleurs à très juste titre en disant que cette personne emploie plus généralement des métaphores médicalisées pour parler de l’Education. Vous dites que peut-être bientôt on va appeler les élèves des « malades » ou des « patients ». Posons la question sans détour : est-ce que la place que prennent les neurosciences à l’école n’ouvre pas potentiellement un nouveau marché à l’industrie pharmaceutique : soigner par exemple les enfants dont les tests de positionnement en primaire ou en Seconde révéleraient des difficultés dans l’acquisition de connaissances ?

      Les liens entre Stanislas Dehaene et Jean-Michel Blanquer sont anciens. Bien avant d’être ministre, ce dernier (juriste de formation et professeur de droit public, rappelons-le) a toujours été sur une ligne critique à l’égard des professeurs des écoles qu’il accuse, depuis son premier passage au ministère en 2006 (sous Robien), de ne pas enseigner correctement les « fondamentaux ». On se souvient de la campagne du ministre Robien en faveur de la « méthode syllabique » et déplorant que l’école primaire soit, selon ses dires, infestée par la « méthode globale ». C’était peu de temps après qu’un consensus s’était pourtant formé parmi les spécialistes du lire-écrire sur les facteurs clés de cet apprentissage. Mais, quels que soient les avis des chercheurs, les ministres de droite ont toujours joué sur une communication grand public anti-prof, cherchant à raviver de faux débats, entretenus par tous les chroniqueurs déclinistes, pour se rallier une majorité de parents-électeurs. Jean-Michel Blanquer a tiré les leçons de l’échec de Robien à imposer ses manières de voir rétrogrades. Pour éviter les mêmes déboires, il a cherché des alliés parmi les experts médiatiques et les à trouver chez certains neuroscientifiques, dont le chef de file est Stanislas Dehaene. C’est d’ailleurs dans la collection que dirige ce dernier chez Odile Jacob que le futur ministre a publié ses ouvrages programmatiques sur l’école.

      Comment analyser cette alliance entre le haut fonctionnaire devenu le « vice-président » d’Emmanuel Macron (selon l’hebdomadaire Le Point) et l’éminent neuroscientifique de l’INSERM et du Collège de France qui préside le CSEN instauré début 2018 par le premier ? Quel est le ressort de cette alliance entre un ministre néo-libéral au verbe républicain et le patron d’un pool de spécialistes partageant le même culte du cerveau et de la randomisation ? A mon sens, un nouveau front idéologique s’est constitué là où se retrouve et s’étaye mutuellement le scientisme neurobiologique (foncièrement opposé aux méthodes non strictement quantitativistes des sciences sociales), le technocratisme néo-libéral (foncièrement convaincu de la supériorité des « savoirs experts » randomisés sur les savoirs expérientiels des praticiens) et les intérêts de l’industrie biomédicale qui finance en grande partie les recherches en neurosciences appliquées et, de façon plus large, de l’industrie de la santé et de l’assurance.

      Outre ses puissants réseaux d’influence, la force de cette alliance est sa stratégie de communication qui est fondée sur un storytelling très efficace. Le point de départ est souvent constitué par des éléments de langage qui concourent à dresser un tableau dramatique de la situation, notamment de l’école. Les évaluations internationales de type PISA ou les rapports d’expertise sont instrumentalisées à cette fin. Certains défauts du système sont dûment pointés et mobilisés comme éléments à charge, de sorte que des critiques qui émanent de la gauche de la gauche peuvent aussi être reprises comme arguments recevables et comme force d’appoint dans les instances mises en place. Il s’agit de montrer l’irresponsabilité des anciens gouvernants, la stérilité des débats antérieurs, les contradictions entre les discours et les réalités. Et de conforter finalement les arguments du camp des déclinistes (qui ont peu varié les airs qu’ils entonnent depuis Jules Ferry, sur le niveau qui baisse, la tradition qui est pervertie, la barbarie qui s’installe dans l’école, la nuisance des « pédagogistes », etc.). Cet éclectisme associant des points de vue extrêmes à un pragmatisme qui se veut apolitique est déroutant au premier abord et fait de ce courant opportuniste un attrape-tout.

      A partir de cette mise en scène décliniste, l’alliance « techno+neuro » a beau jeu de se présenter en sauveur de l’école menacée de péril ou de faillite, de prendre des poses de fervente républicaine apte à redresser une situation gravement compromise. Qui peut être contre de tels bienfaiteurs qui font constamment la une des médias, relayant sans beaucoup d’interrogations leurs discours bien huilés, leurs incessants « plans d’action » ? Qui peut s’opposer aux déclarations, en général indexées à gauche, sur la lutte contre l’échec scolaire, la réussite pour tous, l’égalité des chances, l’épanouissement individuel, et même la confiance retrouvée. Cette belle alliance entièrement désintéressée et dévouée au bien commun peut donc espérer gagner le soutien de bords considérés autrefois comme antagonistes, neutraliser les oppositions minoritaires accusées de corporatisme ou d’idéologie nuisible, et dérouler son plan de reformatage des institutions en accaparant tous les pouvoirs, en révisant les anciens compromis sociaux taxés d’immobilisme et, au passage, opérer un hold-up sur les crédits de recherche.

      Il faut comprendre qu’il y a une profonde communauté de vision du monde entre les technocrates et les neuroscientifiques du CSEN : c’est le culte scientiste du quantitatif et de la statistique. Le haut technocrate ne jure que par les indicateurs des multiples tableaux d’analyse qu’il concocte pour comprendre la réalité qu’il doit gérer. Les comparaisons et les variations statistiques appliquées ensuite aux données sont censées lui permettre de comprendre la diversité des situations réelles et proposer des mesures d’ajustement. De façon similaire, le chercheur quantitativiste ne jure que par l’expérimentation randomisée et considère comme pure opinion improuvable les constats qui ressortent de toutes les autres modalités d’observation ou d’enquête.

      La randomisation, qui a contribué à l’attribution du Nobel d’économie à Esther Duflo (membre du CSEN), est la méthode expérimentale utilisée par les quantitativistes des sciences cognitives (mais aussi en économie ou en sociologie) pour valider leurs hypothèses interprétatives et éliminer les variables dues au hasard. Elle consiste à vérifier empiriquement, en comparant des groupes tests et des groupes témoins soumis aux mêmes épreuves dans des conditions différentes, si les indicateurs postulés par la théorisation sont pertinents et permettent de comprendre comment fonctionne le dispositif observé. Cette forme de recherche expérimentale est le décalque des modalités d’expérimentation mises au point par l’industrie pharmaceutique pour tester l’effet des molécules sur des groupes ciblés d’individus affectés de divers troubles ou maladies.

      Il n’est pas surprenant que les neurosciences fassent le pont entre les méthodologies du biomédical et celle de la psychologie cognitive. Leur processus de recherche est le suivant : dans un premier temps elles formulent des hypothèses sur le fonctionnement du cerveau apprenant en observant des individus isolés sous IRM fonctionnel soumis à des tâches. A ce stade, ces recherches se déroulent dans l’environnement de la recherche biomédicale qui utilise les mêmes appareillages et méthodes de retraitement des données. Dans un second temps, elles déduisent de ces hypothèses et paradigmes (qui font l’objet de vifs débats au sein des neuro-chercheurs, ne l’oublions pas !) des prescriptions didactiques qui feront l’objet de tests en classe pour mesurer leur efficacité grâce à des évaluations dûment randomisées. Ces tests pourront en retour servir à relancer les hypothèses initiales, et ainsi de suite. La cherté de ces recherches biomédicales randomisées, comparée à d’autres méthodes d’observation pratiquées en sciences sociales, produit un effet d’évitement constaté par nombre de chercheurs : pour financer une seule recherche « neuro », il faut ne pas financer de nombreuses autres recherches non « neuro » ! Le scientisme biomédical n’est pas seulement une philosophie, c’est aussi un outil politique de gestion de la recherche qui a une tendance à la domination et au monopole, à l’impérium comme je le dénonce dans mon livre.

      Je voudrais m’attarder, si vous me le permettez, sur ces tests de positionnements qui paraissent révélateurs de la politique « neuro-techno » menée par Blanquer. Ma question sera double : est-ce qu’avec ces tests de positionnement de Seconde où les élèves doivent répondre comme à des stimuli et non engager une véritable réflexion, on ne peut pas considérer qu’il s’agit pour les neurosciences à la manœuvre ici de faire des élèves des cobayes ?

      Enfin, et vous le suggérez avec force, n’y a-t-il pas instrumentalisation de la part des neuroscientifiques, et notamment de Dehaene, des élèves pour leur faire passer des tests ? N’expérimentent-ils pas sur les élèves des méthodes afin de financer leurs propres recherches et monnayer leurs résultats pour, par exemple, faire l’acquisition d’IRM et d’appareils d’imagerie médicale sophistiquée afin de continuer à cartographier le cerveau ?

      Comme je l’ai souligné plus haut, l’expérimentation randomisée est la principale méthode qui permet aux recherches de laboratoire en neurosciences de déboucher ensuite sur d’éventuelles applications en classe moyennant la passation de tests contrôlés. Dans les dispositifs d’observation sous IRM, les bébés ou les enfants sont effectivement pris comme des cobayes. Mais c’est peu ou prou le cas de tous les dispositifs de recherche en psychologie cognitive, qu’ils soient effectués en laboratoire ou en milieu ouvert contrôlé. Dans le cas des recherches « neuro », l’ équipement des sujets en capteurs pour enregistrer leurs données d’activité cérébrale renforce cette image dévalorisante du cobaye. Mais, en principe, il n’y a pas de maltraitance ! Sauf, de façon assez courante dans le biomédical semble-t-il, sur les données elles-mêmes et leur interprétation pour pouvoir publier au plus vite des articles dans les revues scientifiques faisant état de résultats tangibles et continuer à se faire financer (je renvoie au livre très documenté Malscience, de la fraude dans les labos de Nicolas Chevassus-au-Louis). Or un nombre significatif de ces articles contient des résultats non reproductibles ou douteux. Il n’est donc pas inutile de se défier de tous les arguments d’autorité du type « la littérature scientifique internationale a montré que… », « la recherche internationale a conclu que… », « la méta-analyse de x recherches a prouvé que… ». L’absence de recul critique sur les conditions de publication de la littérature scientifique favorise le rejet en bloc des travaux scientifiques, ce qui n’est pas souhaitable, car, dégagés des diverses instrumentalisations dont ils sont l’objet, ils sont la source d’apports précieux pour les débats sérieux qui font avancer les connaissances en éducation, à la condition expresse d’intégrer l’ensemble des disciplines de recherche aux méthodologies et points de vue très variés et d’être ouvert aux savoirs expérientiels des praticiens.

      S’agissant toujours enfin de ces tests de positionnement, Blanquer paraît les user pour une fois de plus remettre en cause le métier même d’enseignant. Automatisés, ces tests ne sont pas corrigés par les enseignants qui, parfois, ne les font même pas passer à leurs propres élèves. C’est le rôle même d’enseignant qui est nié purement et simplement, les résultats des tests ne pouvant par ailleurs servir le plus souvent à nourrir le cours ou construire une quelconque séquence d’enseignement. Est-ce que ces tests sont pour Blanquer une nouvelle manière à la fois de nier l’expertise professorale et reconduisent le vieux fantasme moderniste de substituer un micro-processeur au professeur ? Enfin, en quoi accentuer la place du français et surtout des mathématiques, via ces tests, relève, comme vous le mentionnez, du « populisme éducatif » de Blanquer ?

      Le « populisme éducatif » est un concept forgé par le chercheur Xavier Pons pour désigner le fait que « les gouvernants proposent un programme d’action publique qui flatte les attentes perçues de la population sans tenir compte des propositions, des arguments et des connaissances produites dans le cours de l’action par les corps intermédiaires ou les spécialistes du sujet » (voir notamment son interview aux Cahiers pédagogiques). Cela caractérise bien la façon de gouverner de Jean-Michel Blanquer qui n’a tenu aucun compte des rejets massifs de ces réformes par les instances de concertation au sein de l’Education nationale ni des nombreuses critiques ou oppositions des spécialistes, y compris parmi les neuroscientifiques ! Sa manœuvre a consisté à faire croire que les meilleurs experts étaient avec lui. Les membres du CSEN ont une responsabilité particulière dans cette instrumentalisation politique.

      Sur la question des tests de positionnement et des évaluations en général, il faut clairement distinguer trois types de tests. Le premier concerne ce que nous avons vu plus haut, à savoir ces tests dérivés des recherches de laboratoire et destinés à mesurer l’efficacité de dispositifs inspirés des paradigmes théoriques formulés dans les labos. On peut les qualifier de « scientifiques » puisqu’ils ont pour cadre des recherches institutionalisées, une théorisation au sein d’une communauté savante et des retombées applicatives.

      Le deuxième type concerne les évaluations en classe, sur des épreuves calibrées, d’un échantillon d’élèves représentatif d’une population globale afin d’obtenir une image d’ensemble du niveau des élèves, d’effectuer des comparaisons dans le temps et des typologies en fonction de données contextuelles caractérisant les élèves et les établissements. Le but de ce type d’évaluation n’est pas d’intervenir dans la scolarité des élèves en faisant un retour des résultats auprès des classes via les enseignants. C’est d’observer une réalité dans ses multiples composantes pour en obtenir une représentation experte. L’exemple le plus connu de ce type d’évaluation est PISA.

      Le troisième type concerne les évaluations nationales obligatoires telles qu’elles sont mises en place en France depuis 2018. Elles visent à situer chaque élève sur une échelle comparative en identifiant points forts et points faibles et à faire un retour vers l’enseignant pour qu’il adapte son enseignement aux difficultés identifiées de ses élèves, voire l’individualise. Mais n’est-ce pas ce que s’attache déjà à faire les enseignants ? Ces évaluations ont donc un objectif d’ordre pédagogique. Toutefois, la composition des épreuves n’est pas neutre et comporte des choix didactiques implicites qui obligent les enseignants à s’adapter à leurs réquisits au fil des passations. C’est ce que j’appelle le pilotage par l’aval des pratiques pédagogiques. C’est un premier effet caché par le CSEN et les promoteurs de ces évaluations qui ne l’évoquent jamais.

      Un autre biais dissimulé est l’évaluation des enseignants eux-mêmes. Il faut bien voir que les résultats anonymisés et centralisés donnent lieu à des compilations au plan national et local qui permettent d’évaluer les élèves, les classes, les enseignants, les établissements et d’établir des comparaisons voir des classements. Le ministre et le CSEN viennent de se glorifier de l’amélioration des performances de élèves de CP et de CE1 d’une année sur l’autre en utilisant les données compilées ! Ces évaluations ont donc un second objectif déguisé qui consiste à faire comme si l’ensemble des classes du pays d’un même niveau scolaire n’en formait qu’une, toute chose égale par ailleurs, et qu’on pouvait déduire de ces données une forme d’enseignement efficace universelle, valable dans tous les contextes, sans tenir compte des énormes disparités entre les écoles et les établissements, des effets délétères d’un système fortement ségrégatif.

      A mon sens, la stratégie ministérielle ne consiste pas pour l’instant à substituer des tests à de l’enseignement présentiel. Il vise deux choses. D’abord à faire en sorte que la culture du test s’installe dans le paysage scolaire à tous les niveaux possibles, que la réussite aux tests devienne l’objectif premier de l’enseignement, ce qui limite l’autonomie professionnelle des professeurs dont les référentiels traditionnels sont les programmes scolaires et la liberté pédagogique. De ces tests pourront aussi émaner des ressources labellisées substitutives aux manuels et ressources actuelles. L’autre objectif est de pouvoir plus tard confier cet enseignement reconditionné par le CSEN et les instances ministérielles sous la coupe directe du ministre à des personnels recrutés et formés autrement qu’actuellement, beaucoup moins autonomes, davantage isolés et dominés par une hiérarchie technocratique qui pourra évaluer quantitativement leur « mérite » en fonction des résultats aux tests et individualiser les rémunérations en conséquence. C’est une école aux mains des « technos » et des « neuros » qui se dessine, bien différente de l’école publique républicaine et de ses valeurs !

      https://diacritik.com/2019/11/13/philippe-champy-les-beaux-discours-de-blanquer-sur-la-confiance-ne-reussi

  • Voilà un livre qui a l’air passionnant
    Abondance et liberté - Pierre CHARBONNIER - Éditions La Découverte
    https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Abondance_et_libert__-9782348046780.html

    Sous la forme d’une magistrale enquête philosophique et historique, ce livre propose une histoire inédite : une histoire environnementale des idées politiques modernes. Il n’ambitionne donc pas de chercher dans ces dernières les germes de la pensée écologique (comme d’autres l’ont fait), mais bien de montrer comment toutes, qu’elles se revendiquent ou non de l’idéal écologiste, sont informées par une certaine conception du rapport à la terre et à l’environnement.
    Il se trouve que les principales catégories politiques de la modernité se sont fondées sur l’idée d’une amélioration de la nature, d’une victoire décisive sur ses avarices et d’une illimitation de l’accès aux ressources terrestres. Ainsi la société politique d’individus libres, égaux et prospères voulue par les Modernes s’est-elle pensée, notamment avec l’essor de l’industrie assimilé au progrès, comme affranchie vis-à-vis des pesanteurs du monde.
    Or ce pacte entre démocratie et croissance est aujourd’hui remis en question par le changement climatique et le bouleversement des équilibres écologiques. Il nous revient donc de donner un nouvel horizon à l’idéal d’émancipation politique, étant entendu que celui-ci ne peut plus reposer sur les promesses d’extension infinie du capitalisme industriel.
    Pour y parvenir, l’écologie doit hériter du socialisme du XIXe siècle la capacité qu’il a eue de réagir au grand choc géo-écologique de l’industrialisation. Mais elle doit redéployer l’impératif de protection de la société dans une nouvelle direction, qui prenne acte de la solidarité des groupes sociaux avec leurs milieux dans un monde transformé par le changement climatique.

    à ajouter à https://seenthis.net/messages/818991

  • Revue Centraliens, Quels choix technologiques pour une société durable ?, 2016 | Et vous n’avez encore rien vu...
    https://sniadecki.wordpress.com/2019/12/21/revue-centraliens

    Les ingénieurs se sont souvent trouvés à la croisée des innovations technologiques et des évolutions sociétales. A l’heure où la nécessité de construire une société « durable » est devenue criante, dans un monde plus que jamais transformé par les technologies, des Centraliens toujours plus nombreux, de toutes générations, citoyens, parents, consommateurs ou professionnels engagés, se posent la question : nos choix technologiques actuels sont-ils réellement appropriés à la durabilité des sociétés humaines ?

    Ces choix devraient favoriser une consommation réduite ou nulle de ressources rares ou non recyclables, et rechercher non seulement l’efficacité mais aussi la stabilité et la résilience. La high-tech appliquée sans jugement permet-elle cela, ou bien faudrait-t-il privilégier l’articulation appropriée et raisonnée de tous les savoirs et savoir-faire technologiques accumulés, certains à la pointe du progrès comme d’autres à redécouvrir et à recombiner de manière originale (dans une approche low-tech) ?

    #low-tech #critique_techno #écologie #énergie #François_Jarrige #Philippe_Bihouix #Olivier_Rey

  • This Is Not an Atlas - A Documentary on Counter-Cartographies

    “Making #maps is first of all read a lot, be #curious and to find within the society, in all what you see, all what you read, issues that you get #upset to. This is what radical #cartography is”

    Dixit @reka, à partir de la minute 22’30:
    https://www.youtube.com/watch?v=T8-GKyy3j6I&feature=youtu.be

    Et Reka explique que faire de la carto radicale c’est:
    1. déconstruire, décrire
    2. actions pour rétablir la justice

    #cartographie #cartographie_radicale #cartographie_critique #Philippe_Rekacewicz #Reka #ressources_pédagogiques #vidéo #contre-géographie #Denis_Wood

    ping @karine4 @mobileborders

  • Arrêtés antipesticides : Ce vendredi, les maires ont gagné une bataille
    https://www.20minutes.fr/planete/2647471-20191108-arretes-antipesticides-vendredi-maires-gagne-bataille

    Ce coup-ci, ça passe. Le 20 mai dernier, le maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine), Philippe Laurent, avait pris un arrêté interdisant l’utilisation du #glyphosate et d’autres substances chimiques sur le territoire de sa commune. Patrice Leclerc, maire de Genneviliers, avait fait de même quelques semaines plus tard.

    Deux arrêtés attaqués en justice par l’#État, via ses préfets, comme la centaine d’autres similaires déposés depuis mai par des maires de France, dans la lignée de Daniel Cueff, le maire de Langouët (Ile-et-Villaine).

    Mais cette fois-ci, Philippe Laurent et Patrice Leclerc ont gagné une bataille. Dans une décision rendue de vendredi, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) a rejeté les déférés-suspensions du préfet des Hauts-de-Seine relatifs à leurs arrêtés #pesticides. « Je m’attends à ce que l’État fasse appel, confie Philippe Laurent, joint par 20 Minutes. Mais cette première décision fera date, tant sur la forme que le fond. » Petit tour d’horizon.

    #justice #France

    • https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/210919/lutte-de-classe-et-gilets-jaunes-ou-va-t-par-jacques-chastaing

      ...Ce qui est diffus mais pressenti largement, c’est qu’on sait que soit Macron est renversé et avec lui tout son projet de réaction sociale et anti-démocratique soit on se bat dans son coin et on n’aura même pas des miettes. Ce sera table rase des acquis obtenus depuis 1945. Il n’y a pas de négociation possible pour limiter le recul, il n’y a pas d’élections à attendre : chaque jour qui passe où les confédérations ou fédérations syndicales s’acharnent à essayer de "dialoguer" pour obtenir quelques concessions, du « grain à moudre » et où elles sont rejetées, trompées, humiliées en est une preuve de plus...

    • Oui, mais renverser Macron, qui n’est qu’un domestique du capital, ce n’est absolument pas « renverser avec lui tout son projet de réaction sociale et anti-démocratique ». Les hommes à la tête de l’Etat de la bourgeoisie sont là pour obéir aux exigences de cette dernière, soucieuse d’accroître ses marges et profits dans un contexte de crise et de concurrence exacerbée. Car c’est l’exploitation accrue, l’augmentation du chômage et de la précarité qui permettent à la grande bourgeoisie de continuer à augmenter ses profits... Remplacer Macron par un autre, même issu de la gauche, ne changera en rien cette équation, qui est de nature sociale.
      Pour qu’il en soit différemment, il faudra que les travailleurs remettent concrètement en question le pouvoir sur la société et l’économie de cette minorité de grands possédants qui entraine l’humanité dans l’abime.
      Faire miroiter un changement électoral en guise de solution relève de la chimère et de la diversion.

  • Le nouveau conseiller d’Édouard #philippe est un ancien militant de l’extrême-droite italienne
    https://lemediapresse.fr/international/le-nouveau-conseiller-dedouard-philippe-est-un-ancien-militant-de-lext

    Sandro #Gozi, 51 ans, conseiller d’Edouard Philippe depuis ce mois d’août, a été membre d’une formation d’extrême droite italienne dans les années 1980 et 1990. C’est ce que révèle, preuves à l’appui, le journal Il Primato Nazionale, proche de la formation néo-fasciste italienne Casa Pound.

    #International #fascisme #Italie #Lega #M5S #Macron #Matignon #MSI

  • En Marche vers l’État policier
    https://lemediapresse.fr/politique/en-marche-vers-letat-policier

    « L’été, ce moment où les cadavres remontent à la surface de la Loire ». Après Zineb #Redouane, #Steve Maia Caniço, les dizaines d’éborgnés et de #mutilés, la répression des « décrocheurs » de portraits d’Emmanuel #Macron, Denis Robert tente de répondre à une interrogation lancinante : la France est-elle devenue un État policier ?

    #Politique #Social #Castaner #démocratie #Etat #Gilets_Jaunes #Justice #philippe #Police

  • 36 jours... "Ils étaient venus DANSER..." 36 jours qu’on redoute de savoir #OùEstSteve mais qu’on attend de voir les responsables valser. #Chassaing #Dharcourt #Castaner #Belloubet #Philippe #Macron : Démission !
    https://www.flickr.com/photos/valkphotos/48385931387

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    Nantes, le 18 juillet 2019. Depuis samedi 22 juin à 4h40 du matin, Steve Maia Caniço est porté disparu suite à une attaque policière extrêmement violente lors de la fin de la Fête de la Musique, ici même au bord de la Loire, Quai Wilson. Désormais, et devant le déni méprisant des respponsables, la question se pose, partout : OU EST STEVE ? Infos et affiches : frama.link/oueststeve

  • "Je suis tombé par terre, la faute à #Castaner - Le nez dans le ruisseau la faute aux lacrymos" - 33 JOURS !!! #OUESTSTEVE ??? Commissaire #Chassaing ? Prefet #Dharcourt ? #Castaner ? #Philippe ? #Macron ?... Démission !
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    ValK. a posté une photo :

    Depuis samedi 22 juin à 4h40 du matin, Steve Maia Caniço est porté disparu suite à une attaque policière extrêmement violente lors de la fin de la Fête de la Musique, ici même au bord de la Loire, Quai Wilson. Désormais, et devant le déni méprisant des responsables, la question se pose, partout : OU EST STEVE ? . Infos, revue de presse et affiches : frama.link/oueststeve . :camera : #photo (cc-nc-sa) ValK. Nantes, le 18 juillet 2019. :eyes : + de photos : frama.link/valk ℹ infos, liens et soutien : liberapay.com/ValK

  • #OùEstSteve : 32 jours. "De l’amour à la haine il n’y a qu’un CRS..." Oui #Chassaing #Dharcourt #Castaner #Philippe #Macron vous devriez vivre #LaPeurAuVentre...
    https://www.flickr.com/photos/valkphotos/48354459067

    Flickr

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    Depuis samedi 22 juin à 4h40 du matin, Steve Maia Caniço est porté disparu suite à une attaque policière extrêmement violente lors de la fin de la Fête de la Musique, ici même au bord de la Loire, Quai Wilson. Désormais, et devant le déni méprisant des responsables, la question se pose, partout : OU EST STEVE ? . Infos, revue de presse et affiches : frama.link/oueststeve . :camera : #photo (cc-nc-sa) ValK. Nantes, le 18 juillet 2019. :eyes : + de photos : frama.link/valk ℹ infos, liens et soutien : liberapay.com/ValK

  • Assurance-chômage : une #Réforme idéologique – La Chronique Éco
    https://lemediapresse.fr/economie/assurance-chomage-une-reforme-ideologique-la-chronique-eco

    Dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l’économiste atterré Henri Sterdyniak révèle les fondements idéologiques d’une réforme qui se pare des oripeaux de la technicité : celle de l’assurance-chômage.

    #Économie #assedic #chômage #emploi #Gouvernement #libéral #libéralisme #Macron #marché #pénicaud #philippe #Travail #unedic

  • Philippe « Zdar » Cerboneschi, du duo électro #Cassius, pionnier de la #French_Touch, est mort

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/20/philippe-zdar-cerboneschi-du-duo-electro-cassius-pionnier-de-la-french-touch

    Hormis Cassius, Zdar, avec son compère Boom Bass, est derrière le duo #La_Funk_Mob (plutôt #trip-hop)

    https://www.youtube.com/watch?v=Kg5Doe3B8y0

    Mais aussi les deux premiers #MC_Solaar (plutôt #hip-hop)

    https://www.youtube.com/watch?v=RMubvi8hizE

    Avec #Étienne_de_Crécy, il était Motorbass (plutôt #house_music)

    https://www.youtube.com/watch?v=ex4IJn3qQmQ

    Il a également produit les Beastie Boys, The Rapture, Cat Power, Chromeo, Tiga, M, Franz Ferdinand ou encore Kanye West.

    « L’important est d’être appelé pour de bonnes raisons. J’essaie de repérer les managers qui me contactent parce que je suis à la mode et de parler musique avec les artistes. Adam Yauch des #Beastie_Boys, par exemple, avait compris mes racines rock, hip-hop et électro »,

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2011/09/10/derriere-les-albums-de-phoenix-ou-de-rapture-la-patte-de-philippe-zdar_15703

    #Philippe_Cerboneschi

  • « Mime à la Carte » à Paris à l’Hôtel Plaza Athénée

    Hier dimanche il faisait bien chaud : 30° et il me fallait assurer une animation de Mime à la Carte » pour la compagnie « Le Bateau Ivre »... https://www.silencecommunity.com/blog/view/47417/« mime-a-la-carte »-a-paris-a-l’hotel-plaza-athenee

    #artiste_mime #mime #artiste #journal_de_bord #le_bateau_ivre #philippe_pillavoine #pillavoine #paris #palace #hôtel #Plaza_Athénée #event #animation #événementiel #mime_à_la_carte #silence_community

  • « Mime Suiveur » à Cergy (95)

    Le samedi 15 juin 2019, de 13h30 à 17 heures, l’artiste Mime Philippe PILLAVOINE que vous pouvez apercevoir sur la chaîne YouTube de Golden Moustache dans les sketch si justement intitulé « Le Mime », sera à Cergy Pontoise (95) pour présenter son animation de « Mime Suiveur »... https://www.silencecommunity.com/events/event/view/47364/« mime-suiveur »-a-cergy-95

    https://www.youtube.com/watch?v=wqygGD2V8HA

    #artiste_mime #mime #animation #événementiel #cergy #cergy_pontoise #île_de_france #val_d_oise #pillavoine #philippe_pillavoine #mime_suiveur

  • Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle, par Serge Halimi & Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, avril 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/04/HALIMI/59723

    Parmi eux, Le Monde, un quotidien dont les prises de position éditoriales servent alors de référence au reste de la galaxie médiatique française. Sa rédaction, dirigée par Edwy Plenel, admet avoir « fait le choix de l’intervention (2) ». En première page de l’édition du 8 avril 1999, un article de Daniel Vernet annonce : « Ce plan “Fer à cheval” qui programmait la déportation des Kosovars ». Le journaliste reprend les informations dévoilées la veille par le ministre des affaires étrangères allemand, l’écologiste Joschka Fischer. Ce « plan du gouvernement de Belgrade détaillant la politique de nettoyage ethnique appliquée au Kosovo (…) porte le nom de code de plan “Fer à cheval”, sans doute pour symboliser la prise en tenaille des populations albanaises », écrit Vernet, pour qui la chose « paraît faire peu de doutes ».

  • Ca fait des années qu’un véritable lobby magouille auprès d’instances du monde entier (Etats, Pays, Europe, ONU...) pour faire adopter une nouvelle définition de l’antisémitisme, qui inclurait l’antisionisme. En particulier l’#IHRA essaye d’imposer sa définition.

    Tout ça est documenté sur seenthis depuis des années :

    https://seenthis.net/messages/337856
    https://seenthis.net/messages/580647
    https://seenthis.net/messages/603396
    https://seenthis.net/messages/604402
    https://seenthis.net/messages/606801
    https://seenthis.net/messages/690067
    https://seenthis.net/messages/700966
    https://seenthis.net/messages/716567
    https://seenthis.net/messages/718335
    https://seenthis.net/messages/760906

    Le but est donc de défendre l’Etat israélien (et tant pis si ça dévoie l’antisémitisme), et en particulier de criminaliser BDS.

    En France, après plusieurs tentatives, #Alain_Finkielkraut vient de porter le coup de grâce, et a obtenu gain de cause après d’#Emmanuel_Macron :

    La France va intégrer l’antisionisme à sa définition juridique de l’antisémitisme
    Le Figaro, le 20 février 2019
    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/02/20/97001-20190220FILWWW00343-la-france-va-integrer-l-antisionisme-a-sa-definit

    (la même chose là : https://seenthis.net/messages/761768 )

    Sur BDS, il a notamment déclaré hier, lors du 34e dîner du Crif : « il n’y aura aucune complaisance à l’égard des pratiques de boycott et du BDS, plusieurs fois condamnés en France et qu’ils le seront à nouveau »
    https://www.youtube.com/watch?v=4CZPRt2HqOc&feature=youtu.be&t=477

    #antisémitisme #antisionisme #Palestine #censure #Liberté_d'expression #BDS #IHRA #criminalisation_des_militants

  • Arrivera-t-on à nourrir Paris avec des fermes urbaines ?

    Manifestement non, mais jardiland veut bien nous vendre des kits loisir-déco pour potagers d’intérieur.
    https://www.liberation.fr/france/2019/02/14/arrivera-t-on-a-nourrir-paris-avec-des-fermes-urbaines_1709305

    Voici donc Philippe Pont-Nourat, directeur des relations internationales de Sodexo France. Chaque jour, ce leader de la restauration collective nourrit 2,5 millions de personnes en France (dont Libération). Vu la nature de son activité, cette firme n’est pas étanche aux débats du moment. « Et donc, on s’est dit qu’on allait faire un potager sur le toit de notre siège, à Issy-les-Moulineaux [dans les Hauts-de-Seine] », a ainsi annoncé Philippe Pont-Nourat.
    Rendement bas

    Ce n’est pas gratuit, cela coûtera 31 000 euros, y compris les dispositifs de communication. Mais surtout, c’est un métier. « On a commencé au printemps et cette année, le climat n’était pas formidable. En plus, comme on est en hauteur, on n’avait pas prévu l’effet du vent. » Bref, le rendement était tellement bas que « la botte de persil aurait même été trop chère pour un chef étoilé ! »

    Néanmoins, « l’impact sur les salariés a été très intéressant. Ils ont découvert l’hydroponie, allaient voir où en étaient les carottes. Et ils pouvaient réserver des paniers ». On ignore quelle a été la part de ces musettes dans le budget alimentation des salariés de Sodexo.

    A lire aussiEn Seine-Saint-Denis, des fermiers au pied du métro

    Mais pour la population générale, il ne faut pas se faire d’illusions : « Ce n’est pas avec des fermes urbaines que l’on va nourrir des villes comme Paris. » Qui dit ça ? Le directeur général d’InVivo « premier groupe agricole coopératif français » dixit son site, Thierry Blandinières. Certes, admet-il, il existe une forte demande de production locale et « ça permet à beaucoup d’agriculteurs dans des exploitations de petite taille de trouver là un revenu de complément ».
    « Prouesse »

    Cela dit, pour lui, il n’y a aucun doute : « Le tout bio est impossible pour nourrir 9 milliards d’habitants », chiffre probable de la population mondiale à brève échéance (les Nations unies tablent sur une population de 9,7 milliards d’individus en 2050). Mais comme InVivo est aussi propriétaire des jardineries Gamm Vert, Jardiland et Delbard, il n’est pas question de désespérer le client. « Nous avons décidé de réinventer le potager à partir de nos magasins. » Ah oui ? « Nous leur ajoutons des boutiques où l’on trouve les produits des cultivateurs locaux. »

    A lire aussiAgriculture urbaine : plus bêle la ville

    Très bien. D’ailleurs, même le président directeur général de la Semmaris (le marché de Rungis), Stéphane Layani, le reconnaît : « Je suis sûr qu’il y a une demande de produits locaux et de circuits courts. » Au demeurant, « Rungis écoule les deux tiers de la production agricole de l’Ile-de-France ». Mais là encore, pas d’illusions à se faire : « Cela équivaut à 1,2% des besoins alimentaires de l’Ile-de-France. Donc, vous ne nourrirez pas la ville avec des toits plantés. » Et même pas avec le maraîchage de la Seine-et-Marne. Mince.

    Consolons-nous avec « le succès du modèle de Rungis à l’international ». Le site, au sud de Paris, « est plein comme un œuf » mais, son patron l’assure : « Des métropoles viennent nous voir pour reproduire ce modèle. » A savoir : « C’est une prouesse de nourrir chaque jour les Franciliens. Avec notre système d’approvisionnement, qu’il pleuve, qu’il neige, tous les matins, vous aurez du bonheur dans votre assiette ! » Un instant de lyrisme dans un colloque. Très rare.

    #alimentation #industrie #agro-alimentaire #ferme-usines #urbanisme

  • Comment faire face au présent ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/comment-faire-face-au-present


    Nous recevons #Philippe_Descola, professeur au Collège de France, où il occupe la chaire d’Anthropologie de la nature, à l’occasion de la soirée spéciale Nuit des Idées à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Comment affronter le présent, ses enjeux, ses défis, et l’avenir qu’il porte en germe ?

    Pas encore écouté

  • une (rare ?) voix à gauche montrant clairement sa perplexité face à des ambigüité du mouvement des #gilets_jaunes

    Des « gilets jaunes » #composites et des #gauches_embrumées : différences avec Mediapart | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/030119/des-gilets-jaunes-composites-et-des-gauches-embrumees-differences-av

    En-dehors d’un premier article de Dan Israel du 19 novembre 2018, pointant la tendance à un consensus médiatique et politicien favorable aux « gilets jaunes » et quelques dérapages dans le mouvement lui-même, et d’un texte d’Edwy Plenel du 23 décembre 2018, identifiant un double écueil à gauche, celui de « l’attentisme » et celui du « suivisme » (en oubliant toutefois de signaler, dans la logique d’un « penser contre soi-même », que la rédaction de Mediapart a largement participé à ce « suivisme »), la rédaction de Mediapart a livré une vue très globalement positive du mouvement des « gilets jaunes » de manière trop homogène, comme la grande majorité des médias. Par ailleurs, les points de vue intellectuels sollicités ont été unilatéralement favorables. Des éclairages plus nuancés, davantage en adéquation avec les valeurs de Mediapart, n’auraient-ils pas pu souligner des tendances majoritaires effectives (surgissement de la question sociale à travers l’expression de sentiments de dignité face à l’injustice dans des secteurs des milieux populaires et des couches moyennes, critique des pentes oligarchiques des régimes représentatifs faussement appelés « démocratiques », formes d’auto-organisation citoyenne…), tout en informant davantage sur des zones d’ombre minoritaires (par exemple, sont remontées des canaux militants, y compris de personnes favorables au mouvement, la tenue de propos anti-migrants sur des barrages comme la circulation entre des barrages d’une prose conspirationniste via Facebook) au sein d’un mouvement composite ?