« Produit conjoint d’un travail photographique et d’un travail philosophique de terrain », effectués en juillet 2008 dans des centres de rétention ou d’hébergement en Pologne, ce livre est né de la volonté de montrer l’irrationalité et le caractère foncièrement destructeur des politiques d’immigration contemporaines. L’unité qui résulte de l’articulation de ces deux travaux, cependant, ne réside pas dans un rapport d’illustration, où la photographie serait au service du texte, pas plus que dans un rapport de théorisation, où le texte aurait pour tâche d’expliciter une théorie sous-jacente aux images.
La proposition faite par cet ouvrage repose en effet sur l’idée que c’est la différence radicale qu’il y a entre le texte philosophique et l’image photographique qui rend possible un assemblage qui, précisément parce qu’il n’est pas de l’ordre de la répétition, permet d’approfondir et d’interroger chacun des deux : le texte par l’image, et l’image par le texte. Unité dynamique ou chiasme, donc, que l’on peut lire à même la répartition des objets, le texte se concentrant sur la parole des personnes interrogées (à partir d’entretiens réalisés avec cent cinq réfugiés), là où les photographies donnent à voir les lieux de leur détention.
Mais à chaque fois, il s’agit d’une même visée : rendre « visible » par les photographies de Philippe Bazin, « audible » par le texte de Christiane Vollaire ce que les politiques migratoires européennes vouent à la clandestinité ou l’invisibilité, c’est-à-dire, en fait, à l’inexistence publique et politique. D’où, du côté de la photographie comme de l’écriture philosophie, le choix de refuser un certain mode de représentation médiatiquement dominant, et qui vise justement à occulter la violence de la situation qui est celle du réfugié.