• Onfray : fin de partie - Le Grand Continent
    https://legrandcontinent.eu/fr/2020/07/01/onfray-fin-de-partie

    Oui, je rejoins l’approche d’Élisabeth Roudinesco. L’érudition, la précision des connaissances, ne sont pas des détails dans les différends qui nous opposent à Onfray et aux autres falsificateurs. De mon côté, je suis intervenu sur une petite chose, Charlotte Corday, parce qu’elle relevait de ma spécialité, mais aussi parce qu’elle me permettait de poser une question infiniment plus large : au fond, il s’agissait de démontrer par la preuve qu’Onfray, qui se présentait comme un démythificateur, était en réalité un falsificateur qui, au lieu d’émanciper son public comme il prétendait le faire, le manipulait en réalité. Dans un livre paru chez Galilée en 20094, Onfray se travestissait en historien, pour proposer un éloge de la meurtrière de Marat, Charlotte Corday. Au cours de ma thèse, j’avais identifié Corday comme une des figures importantes de la droite conservatrice et royaliste du XIXe siècle, puis de l’extrême droite du XXème siècle. Une figure dont il faut rappeler qu’elle a assassiné un journaliste et député. Quoiqu’on pense de Marat, faire l’éloge de Charlotte Corday, censée représenter « tous ceux qui, aujourd’hui, opposent la vertu à la corruption politique » (p. 81), est d’une violence innommable. Comme Élisabeth Roudinesco, j’ai par ailleurs été surpris par la même tendance à la falsification et à la mystification. Dans son livre, Onfray inventait de toutes pièces des citations de Marat, semblait croire sérieusement que le cannibalisme était une pratique fréquente sous la Révolution… La liste des erreurs et manipulations est interminable. En tant qu’historien de la Révolution française, je possédais les outils pour comprendre immédiatement que rien de ce qu’Onfray écrivait ne provenait d’aucune source ni d’aucune archive, mais qu’il avait puisé dans toute la tradition de la contre-révolution catholique et royaliste, surtout la tradition utilisée par l’extrême droite du XXème siècle, y compris par Drieu la Rochelle. En vérité la Charlotte Corday dont Onfray faisait l’éloge n’a jamais existé que sous la plume des hommes proches de la droite fascisante ! C’est ce dur labeur du métier d’historien, l’érudition dont parlait Élisabeth Roudinesco, qui nous permettait de détecter l’origine de cette pensée, et de dénoncer son caractère profondément dangereux et réactionnaire. Car dans ce projet fondé sur la destruction du régime de la preuve, sur la falsification et le travestissement des sources, c’est tout l’outillage scientifique issu des Lumières qui se trouve balayé : tous les outils et procédés qui nous permettent de débattre en commun à partir des mêmes critères, était radicalement remis en cause.

    • Finalement, « l’effondrement »,c’est vachard parce, sur le coup, tu sais même pas que t’es déjà « effondré » vu qu’il te faudra attendre plusieurs générations pour t’en apercevoir. Impatient je suis de vivre toute cette belle #résilience

      #effondrisme #gloubi-boulga #phobosophes

      On vit une « époque passionnante ». C’est ce que doivent penser tous les gens qui sont à la rue ou coincés dans des camps de fortune aux frontières de la « Forteresse Europe ».

      La #collapsologie : une nouvelle manifestation de l’#indécence ...

      #Gilles_de_la_Tourette

    • Ben je vois pas pourquoi tu le saurais de manière certaine, depuis le tout tout départ ils disent que l’effondrement n’est PAS un événement (genre ça se passe à telle date de telle heure à telle heure) mais un processus, qui prend longtemps et qui est très probablement déjà commencé (y compris quand ils ont commencé avec le premier livre).

      C’est plein de facteurs à la fois, les catastrophes naturelles (sécheresses et inondations bien plus fortes), migrations climatiques, guerres, terrorismes, crises financières, pandémies, etc, etc, qui combinés aboutissent à désorganiser de plus en plus le mode de vie industriel. Mais comme il le rappelle encore là, à aucun moment ça ne signifie la fin obligatoire du capitalisme d’un coup, puisqu’il est lui-même un système extrêmement résilient se nourrissant des chocs répétés. C’est uniquement en s’y préparant et en ayant des actions collectives qu’on peut espérer sortir de certaines dépendances, et uniquement à une échelle plutôt locales (municipales et régionales) d’après lui/eux.

    • L’indécence se trouve dans le ton docte qu’ils adoptent et les pseudo-remèdes qu’ils préconisent pour se « résilier » ou plutôt faire en sorte que nous nous « résignions ». Ils nous font un #storytelling soft et dégoulinant de coolitude et partant, certain·es arriveront à se persuader que ça va passer « crème » sans choc, justement, puisque ça va s’étaler dans un temps plutôt long. J’espère juste pour eux qu’ils pourront ainsi rester longtemps dans le déni. Le seul problème c’est qu’ils aveuglent beaucoup de monde et tous les « adeptes » du récit des collapsologues vont fatalement se trouver à un moment ou à un autre, elles/eux mêmes confronté·es à une tragédie. Présentement, nous sommes en train d’en vivre un épisode brutal. Et sinon, beaucoup de communautés de par le monde l’ont déjà expérimenté cet « effondrement » et malheureusement leurs capacités de « résilience » se sont vite retrouvées « à la rue ».

      Le manifeste des « Damné·es de la Terre » peut en témoigner :

      https://www.redpepper.org.uk/an-open-letter-to-extinction-rebellion

      Quant à savoir si nous serons capables de nous auto-organiser pour faire face ne serait-ce qu’en regard à ce que se passe là, à ce moment présent, et bien c’est pas gagné. Oui, je sais : je suis plutôt d’un naturel pessimiste, ce qui soit dit en passant, serait plutôt un avantage vu que, envisageant le plus souvent le pire, j’ai rarement de « mauvaises » surprises. Sinon, oui, moi aussi je suis choqué par ce qui se passe, je suis désemparé de voir que nos sociétés et les institutions qui seraient censées pouvoir amortir les chocs que nous subissons soient complètement « failed ». Alors, des petites communautés capables de faire face : oui d’accord, la première condition étant qu’elles se donnent en priorité les moyens de préserver l’intégrité physique de leurs propres membres et qu’elles arrivent aussi à se dissimuler un tant soit peu pour éviter de susciter l’appétit d’autres communautés ou plutôt d’organisations moins « cool » d’un point de vue éthique, voire qui adopteront sans aucun état d’âme un comportement ouvertement criminel pour assouvir leurs volontés de domination et de contrôle en mode « hubris ».

  • « Face à l’effondrement, il faut mettre en œuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle »

    Par Agnès Sinaï, Pablo Servigne, Yves Cochet

    Le Monde du 23 juillet 2019.

    Vivre avec la fin du monde 1/6.
    Trois membres de l’Institut Momentum appellent à assumer l’effondrement systémique global qui vient pour préparer l’avènement d’une société « résiliente ».

    La fin de notre monde est proche. Une ou deux décennies, tout au plus. Cette certitude qui nous habite désormais, et qui a bouleversé nos croyances et nos comportements, est le résultat d’observations scientifiques nombreuses et variées sur l’évolution du système Terre, mais aussi de l’expression de caractéristiques banales de l’espèce humaine lorsqu’un événement extraordinaire s’annonce.
    Depuis une trentaine d’années, les études et les rapports scientifiques ne cessent d’augmenter la plausibilité d’un seuil climatique planétaire qui fera basculer le système Terre dans un état inconnu, nanti de températures moyennes plus hautes que depuis un million d’années. La probabilité d’un tel futur proche est aujourd’hui plus élevée que celle de tout autre scénario prospectif.
    Ce n’est plus une question de « si », c’est une question de « quand ». En examinant les centaines de travaux afférents, depuis le premier rapport du Club de Rome – Les Limites à la croissance – en 1972, jusqu’au récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) – « Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C » –, en octobre 2018, on peut estimer la date de passage de ce seuil planétaire entre 2020 et 2040.
    Trajectoire chaotique
    Ce seuil critique global est la conséquence de multiples boucles de rétroaction autorenforçantes entre éléments du système Terre, dévasté par un siècle de libéral-productivisme. Ainsi, pour le seul cycle du carbone, la fonte du permafrost sibérien, l’affaiblissement du pouvoir de séquestration du carbone par les terres et les océans, la déforestation de l’Amazonie et celle des forêts boréales constituent des boucles de rétroaction qui accélèrent le dérèglement climatique.
    Ces rétroactions s’étendent à tous les sous-systèmes de la Terre, intensifiant ainsi l’érosion de la biodiversité, et réciproquement. Cette trajectoire chaotique du système Terre conduit les sociétés humaines vers un effondrement systémique global : passé ce seuil de bascule, le chaos sera tel qu’aucun Etat ne sera plus capable de faire respecter la loi, de contrôler les armes, de lever des impôts.
    Cependant, ce basculement n’est que la composante objective de l’effondrement. Deux caractéristiques cognitives de l’espèce humaine transforment la plausibilité géobiophysique de l’effondrement en une certitude politique. La première s’énonce comme suit : l’immensité (c’est-à-dire l’imminence et l’ampleur) de la catastrophe « éco-anthropologique » est telle qu’elle excède nos capacités de compréhension, aussi bien de perception que d’imagination. Elle est irreprésentable, démesurée, supraliminaire, comme dit le philosophe Günther Anders. La seconde relève de la spécularité des croyances et des comportements : une personne informée de l’effondrement rapproché ne se demande pas si elle veut changer sa vie – c’est-à-dire diminuer drastiquement son empreinte écologique –, mais seulement si elle le ferait au cas où un certain nombre d’autres le feraient aussi.
    Ainsi, l’effondrement est inévitable non parce que la connaissance scientifique de son advenue est trop incertaine, mais parce que la psychologie sociale qui habite les humains ne leur permettra probablement pas de prendre les bonnes décisions, au bon moment. Il existe souvent plusieurs manières de résoudre un problème local ou circonscrit, mais affronter tous les problèmes ensemble et globalement rend le coût d’éventuelles solutions si élevé que seul le déni s’avère être la réponse adaptée. C’est ce déni de masse qui garantit que l’effondrement est certain.
    Stress prétraumatique
    De nombreuses populations subissent déjà les conséquences des catastrophes globales, des dérèglements écosystémiques et des pollutions diverses. Les classes sociales vulnérables et les pays pauvres (et on ne parle même pas des organismes non humains) subissent déjà des traumatismes qui commencent à être connus (stress, dépression, démence, suicides, maladies, etc.) et qui annoncent tout simplement notre avenir psychique à nous, les privilégiés.
    La prédiction même d’une catastrophe peut faire souffrir. On sait que l’annonce de dégradations à venir provoque déjà ce que les psychologues appellent le stress prétraumatique, autrement dit les effets néfastes de la peur du futur. Ainsi sommes-nous confrontés à un dilemme : comment annoncer que la maison brûle — et qu’elle sera détruite — sans faire peur à ses habitants ? Si vous étiez pompiers, que feriez-vous ? Il faut le dire, bien sûr, le crier haut et fort, avec fermeté et bienveillance. Puis, tout en se concentrant sur l’incendie, prendre soin de certains habitants traumatisés, et motiver tout le monde à sauver ce qui doit l’être.
    Prendre soin. Voilà ce qui manque cruellement à notre époque, et cela constitue une bonne partie de la réponse à la question : comment vivre la fin du monde ? Prendre soin de nous-mêmes, des autres, des non-humains. Prendre soin de notre psyché, des émotions que tout ce chaos génère, c’est-à-dire accueillir par l’écoute : tristesse et désespoir, colère et rage, inquiétude et peur. Tous ces affects sont parfaitement normaux. Pire, ils vont s’intensifier ! Il ne s’agit nullement de se complaire dans ces marais émotionnels, mais d’apprendre à les traverser individuellement et collectivement, à les côtoyer, afin de ne pas se laisser emporter, et trouver les ressources pour organiser la suite, pour résister.
    Mais comment résister à la fin du monde ? Ou plutôt, comment faire émerger un autre monde possible à partir de celui-ci ? La première piste est à rechercher du côté de la permaculture en tant que vision du monde et science pragmatique des sols et des paysages. Le néologisme « permaculture » a été forgé en Australie par Bill Mollison et David Holmgren, à partir de la contraction de deux termes : « permanent » et « agriculture », mais aussi « permanent » et « culture ». Depuis la Tasmanie, berceau de leur prise de conscience, ils formulent l’hypothèse d’un effondrement des subsides énergétiques injectés dans le système agro-industriel. Dès lors, la permaculture devient plus qu’une technique agricole : c’est une autre façon de concevoir le monde, un changement philosophique et matériel global. C’est une vision éthique des sociétés futures, qui seront confrontées à l’évolution des régimes énergétique et climatique.
    Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de rejeter les leurres de la croissance verte afin de revenir à une juste mesure en réduisant considérablement notre empreinte sur le monde. Ce qui veut dire mettre en œuvre immédiatement une nouvelle organisation sociale et culturelle, qui valorise la lenteur et enseigne les boucles de rétroactions, les liens de cause à effet, les mutualismes, la complexité. Dans la société permaculturelle, les réseaux ne sont plus invisibilisés, la frontière entre producteur et consommateur s’estompe dans un contexte de simplification progressive des mégasystèmes. Aussi bien par nécessité de résilience (dans la perspective d’un effondrement des sociétés industrielles) que par éthique des ressources, il s’agit de boucler les cycles, de passer d’une économie extractiviste de stocks à une économie renouvelable de flux. Le nouveau paysage permaculturel se veut directement comestible, au plus proche des habitants, qui eux-mêmes deviennent acteurs de ces nouveaux diagrammes alimentaires et énergétiques. Les paysages se déspécialisent, les fonctions se diversifient.
    Il en résulte une deuxième piste d’action, autour de nouvelles formes politiques territoriales ancrées dans le soin des paysages, œuvrant à la résilience des établissements humains face au nouveau régime climatique. Ces nouveaux territoires prennent le nom de « biorégions » et se substituent aux découpages administratifs actuels grâce à un changement général d’échelle et à une politique de décroissance. Les biorégions permettront, avant, pendant et peut-être après l’effondrement, d’organiser des systèmes économiques locaux territoriaux où les habitants, les manufactures et la Terre travailleront en coopération. La dynamique biorégionale stimulera le passage d’un système hyperefficient et centralisé à une organisation forgée par la diminution des besoins de mobilité, la coopération, le ralentissement, composée d’une multitude de dispositifs et de sources d’énergie. La civilisation automobile et l’agriculture intensive n’auront plus leur place dans cette nouvelle configuration. Les biorégions seront les territoires du ressaisissement.
    Des sociétés conviviales et de proximité
    La troisième voie de la résistance est celle d’un imaginaire social libéré des illusions de la croissance verte, du productivisme et de la vitesse, actionnées par les entreprises transnationales. La ville connectée, emblème d’une techno-euphorie totalement hors-sol, laissera la place à des bourgs et des quartiers off the grid (« hors réseau ») autoproducteurs d’énergie. Le nombre de véhicules sera réduit au strict minimum, les flottes seront administrées par les communes (libres !), tandis que les champs redessinés en polyculture pourront être traversés à pied. Des axes végétaux résorberont les infrastructures de la vitesse ainsi que les friches industrielles. Qui dit sociétés résilientes dit sociétés conviviales et de proximité. Aujourd’hui, chaque métropole occidentale requiert pour son fonctionnement une vaste partie de la planète. Demain, il en sera autrement, en raison de l’effondrement inéluctable des grands réseaux et de l’économie mondialisée, sur fond de bouleversements climatiques.
    Voilà trois pistes, mais il y en aura d’autres. Vivre avec la fin du monde passe nécessairement par un constant effort d’imagination pour arriver à dégager de nouveaux horizons, à les inventer, afin de refermer le couvercle du nihilisme, du mal absolu, du « tout est foutu ». Ce chantier politique ne peut être que collectif. Il faut un récit commun pour rester soudés. Certes, le récit de l’effondrement comporte des risques et des écueils, comme tout récit, mais il est puissant et a plusieurs mérites : il évite le catéchisme de la croissance, il réactive une vision cyclique des choses en appelant une renaissance, et surtout il dit que c’est maintenant ou jamais. Il nous rapproche de l’idée de la mort. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que la philosophie nous enseigne depuis des siècles ? Apprendre à bien vivre, c’est apprendre à bien mourir, à prendre conscience de notre statut de mortel, radicalement vulnérable, humble, interdépendant des autres êtres vivants et de notre milieu de vie.

    Agnès Sinaï est journaliste environnementale. Chargée de cours à Sciences Po, elle a fondé l’Institut Momentum en 2011, laboratoire d’idées dont elle a dirigé les trois tomes des Politiques de l’anthropocène (parus aux Presses de Sciences Po).

    Pablo Servigne a une formation d’agronome et d’éthologue. Chercheur « in-terre-dépendant », auteur et conférencier, il est coauteur de plusieurs livres, dont Une autre fin du monde est possible (Seuil, 2018).

    Yves Cochet, militant écologiste depuis quarante ans, a été député de 1997 à 2011, ancien ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement (2001-202) puis député européen jusqu’en 2014. Depuis lors, il préside l’Institut Momentum.

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/22/face-a-l-effondrement-il-faut-mettre-en-uvre-une-nouvelle-organisation-socia

    La phrase qui me paraît la plus remarquable est celle-ci :

    "Ainsi, l’effondrement est inévitable non parce que la connaissance scientifique de son advenue est trop incertaine, mais parce que la psychologie sociale qui habite les humains ne leur permettra probablement pas de prendre les bonnes décisions , au bon moment."

    Voilà une belle manière de naturaliser le #capitalisme ! Les structures de pouvoir, l’État, les entreprises, les institutions, les classes sociales, l’économie, l’industrie et la dynamique du marché capitaliste, etc. tout ça n’existe pas pour nos collapsologues. Non, c’est juste la #nature_humaine qui est responsable du désastre. C’est juste les individus qui ne prennent pas les "bonnes décisions".

    Comme le disait Margaret Thatcher : "la société n’existe pas, il n’y a que des individus qui poursuivent leurs intérêts..." (de mémoire).

    A un tel degré de #bêtise_politique, on peut se demander à quoi et à qui vont servir ces crétins et leurs dupes. Une chose est sûre, certainement pas à l’avènement d’une société émancipée des formes de domination dont ils ne veulent pas voir l’existence ni penser le rôle politique dans le maintien du statu quo ...

    Collapso, collabos ?

    #collapsologie, #naturalisation, #essentialisme, #pseudo-critique.

  • L’écotartuffe du mois, par Nicolas Casaux
    https://www.facebook.com/nicolas.casaux/posts/10155970187972523?__tn__=K-R

    Voudriez-vous voir se former un mouvement de résistance sérieux contre le capitalisme ? Si oui, oubliez Aurélien Barrau.

    Cet astrophysicien a récemment acquis une certaine notoriété à cause de sa perspective écologiste : il a récemment publié un appel signé par plein d’idiots utiles de l’industrie du divertissement (d’Alain Delon à Muriel Robin) demandant la restriction de certaines libertés individuelles afin de sauver la planète. Que ceux qui ont le plus profité des conforts et des luxes de la civilisation industrielle, qui sont parmi les plus privilégiés des privilégiés, se permettent de demander aux autorités qu’elles restreignent les libertés du peuple, tout de même, il fallait oser — même si l’expression "libertés individuelles" est une triste blague dans le cadre de la société technocapitaliste, bien entendu, mais c’est une autre histoire. Ainsi, cet appel est une sorte de plaidoyer en faveur de l’écofascisme prédit par Bernard Charbonneau il y a plusieurs décennies :

    « L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. [...] Si la crise énergétique se développe, la pénurie peut paradoxalement pousser au développement. Le pétrole manque ? Il faut multiplier les forages. La terre s’épuise ? Colonisons les mers. L’auto n’a plus d’avenir ? Misons sur l’électronique qui fera faire au peuple des voyages imaginaires. Mais on ne peut reculer indéfiniment pour mieux sauter. Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint d’adopter une façon de faire plus radicale. Une prospective sans illusion peut mener à penser que le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra plus faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir. »

    Ecofascisme qui ne résoudrait bien évidemment rien du tout, puisqu’il n’implique aucun changement fondamental.

    Aucune critique du capitalisme et de ses implications économiques mondialisées (il reconnait, certes, que le capitalisme pose quelques problèmes mais trouve qu’il a aussi des vertus), de l’idéologie qui l’anime, aucune critique du pouvoir, aucune critique des mécanismes de coercition sur lesquels il repose (il ne blâme pas plus les dirigeants que tout le peuple, nous sommes responsables, nous avons les dirigeants que nous méritons, etc., il ne comprend manifestement pas comment le pouvoir s’est organisé et se maintient), aucune critique de l’imposture démocratique, espoir placé en des actions potentielles que nos dirigeants pourraient prendre, croyance en une civilisation industrielle rendue verte grâce aux EnR, le cocktail habituel des vendeurs d’illusions de l’écocapitalisme.

    Mais pourquoi ? Pourquoi demander leur avis à des astrophysiciens ? Pourquoi demander leur avis à des gens — à des gens de la haute — qui passent leur existence à travailler sur des sujets aussi éloignés du quotidien de toutes les espèces vivantes et des réalités du monde, du monde à la mesure de l’être humain ? Bref, on a trouvé celui qui succèdera à Hubert Reeves dans le rôle de caution d’autorité astrale de l’écocapitalisme.

    (C’est une question rhétorique, bien évidemment. Le fait de demander son avis à un astrophysicien n’est qu’une incarnation de la domination de l’autorité Science, de l’expertocratie, et de l’idéologie progressiste, fascinée par l’univers et sa conquête. L’astrophysicien, qui connait (?) les trous noirs, ces choses incroyablement complexes qui nous dépassent, nous, simples mortels, doit forcément connaître la situation socioécologique terrestre. C’est une illustration parfaite de ce que c’est qu’un argument d’autorité. C’est un grand scientifique, il doit savoir. Malheureusement pas, (ultra-)spécialisation oblige. L’appel d’Aurélien Barrau et son plaidoyer pour plus encore d’embrigadement étatique sont également très bien anticipés, parfaitement même, dans le livre "Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable" de René Riesel et Jaime Semprun.)