• Le pluriversel, pour un « monde fait d’une multitude de mondes » (22 décembre 2021)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/22/le-pluriversel-pour-un-monde-fait-d-une-multitude-de-mondes_6106954_3232.htm

    Le terme apparaît sous la plume de William James (1842-1910), philosophe empiriste américain (et frère de Henry), dans un texte intitulé A Pluralistic Universe (1909). Selon James, le point de vue pluraliste admet qu’il n’y aura peut-être jamais de réalité globale, qu’il y a toujours quelque chose qui échappe à notre connaissance, quelque chose de « non encore considéré ». Ainsi, le #plurivers ressemble « plus à une république fédérale qu’à un empire ou un royaume ».

    https://archive.ph/jhsRo

  • Intempéries dans le Var : « Ce ne sont pas des images de guerre, mais de bêtises urbanistiques »

    Alors que des #pluies_torrentielles ont causé mardi 20 mai la mort de trois personnes dans le Var, l’urbaniste Amandine Richaud-Crambes estime que ces #événements_extrêmes dévoilent les lacunes en matière d’#adaptation du pays ainsi qu’une perte de mémoire du risque naturel.

    Près de 250 millimètres (mm) d’#eau tombés en une heure. Le 20 mai, #Le_Lavandou, station balnéaire varoise, a été frappé par des pluies torrentielles à la suite d’un violent épisode orageux. Les #précipitations dans le département ont provoqué des #inondations puissantes qui ont conduit à la destruction d’#infrastructures publiques – station d’épuration, ponts, routes – ainsi qu’à la mort de trois octogénaires, dont les corps ont été retrouvés au Lavandou et à Vidauban.

    Le pourtour méditerranéen est devenu une des régions mondiales les plus touchées par le réchauffement planétaire, comme l’a précisé le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Les scientifiques estiment que ce bassin océanique se réchauffe 20 % plus vite que le reste du globe.

    Urbaniste et ingénieure en environnement, Amandine Richaud-Crambes, experte des #risques_naturels en région méditerranéenne, revient sur cet événement extrême qui a frappé le Var. Elle rappelle les dangers de l’#artificialisation_des_sols à tous crins, la nécessaire adaptation au réchauffement planétaire et les besoins d’inculquer une culture de la #prévention_des_risques à l’heure du #chaos_climatique.

    Mediapart : L’épisode orageux violent qui a frappé le 20 mai Le Lavandou est-il un phénomène exceptionnel ?

    Amandine Richaud-Crambes : Ce n’est pas un événement rare. Le problème est qu’il n’est pas normal que ce type de phénomène se déroule au printemps. Les épisodes méditerranéens sont très fréquents, surtout sur cette partie du Var. Et, malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’il y a des morts à la suite d’intempéries aussi violentes.

    Sauf que ces événements catastrophiques sont accentués par deux facteurs. Tout d’abord, le changement climatique : habituellement, les épisodes méditerranéens se déroulent en automne et jusqu’à décembre. Mais à cause de chaleurs printanières anormales, la mer Méditerranée se réchauffe déjà, ce qui conduit à des dépressions météorologiques et donc à des précipitations importantes. À cela s’ajoutent des températures au sol très chaudes sur le littoral du Var, intensifiant la violence de l’épisode orageux.

    Le Lavandou a enregistré près de 250 mm de précipitations en une heure.

    C’est ce qui se passe normalement pour un épisode méditerranéen. Ce sont d’énormes volumes d’eau qui peuvent tomber entre une heure et vingt-quatre heures. Dans la région, on a observé encore cet hiver des épisodes méditerranéens de cette envergure-là.

    Concernant Le Lavandou, on se retrouve donc sur un territoire où il a fait très chaud mais aussi avec une commune qui a dans son dos le massif des Maures, qui va bloquer les nuages – un peu comme durant ce qu’on appelle les #épisodes_cévenols. C’est pour cela que les #orages et les pluies intenses se sont concentrés à un endroit très précis.

    Et ce qui s’est passé, c’est qu’un des #cours_d’eau locaux qui va jusqu’au Lavandou, la #Môle, est très urbanisé, très canalisé, comme presque toutes les #rivières en France. Particulièrement artificialisées, elles représentent ce qu’on appelle des #lits_secondaires qui originellement jouaient le rôle de #bassins_de_débordement des eaux.

    En conséquence, non seulement l’#urbanisation de ces rivières empêche l’#infiltration des pluies dans les sols, mais accélère aussi les flux d’eau. Associé à la #topographie du Lavandou, un événement pluvieux important devient alors très violent. Ces mêmes éléments – des précipitations fortes et stationnaires, une topographie particulière, l’artificialisation des rivières – ont été à l’origine des inondations meurtrières à Valence, en Espagne, à l’automne dernier.

    Les messages d’urgence type #FR-Alert qui ont été envoyés sur les téléphones portables de la population pour rappeler les consignes de sécurité sont-ils selon vous suffisants ?

    Les #systèmes_d’alerte qui existent actuellement sont multiples et déjà très efficaces. Il faut savoir les respecter. Une #alerte orange avait été émise pour le Var, ce qui appelle déjà à de nombreuses mesures de prévention. Et les services de l’État, la sécurité civile, les pompiers étaient prêts à intervenir.

    Mais il faut avoir en tête que, dès que l’alerte est orange, on ne va pas chercher sa voiture, on ne sort pas, on évite les zones à risque. C’est là que nous avons un souci, parce que malheureusement un couple est mort au Lavandou parce qu’ils sont sortis de leur appartement inondé, non loin du bassin de crue. Le troisième décès est celui d’une femme à Vidauban qui était dans son véhicule durant les pluies. 90 % des morts durant ces catastrophes sont dues à des #erreurs_humaines de non-prise en compte du #risque. Nos systèmes d’alerte sont bons, ce qu’il manque aujourd’hui c’est travailler toujours plus sur la #prévention.

    Le Var, un département où les habitants sont habitués aux grosses inondations, attire par ailleurs des personnes pas forcément originaires de la région qui ont moins cette histoire et cette mémoire du risque. Les élus locaux ont tout de suite qualifié les dégâts provoqués par les orages d’« images de guerre », mais ce sont des images de bêtises urbanistiques, de changement climatique.

    Le réchauffement planétaire nous rappelle ici qu’il faut désormais privilégier l’#habitation et l’#adaptation, plutôt que le #tourisme et l’#économie à tout-va.

    L’#adaptation_urbanistique pourra-t-elle répondre aux impacts du changement climatique, qui ne cesse de s’intensifier ?

    L’urbanisme ne peut pas tout régler face au #climat, mais rappelons qu’aujourd’hui, nous ne faisons quasiment pas d’adaptation. Les quelques nouveaux #aménagements_urbains réalisés avec des systèmes d’infiltration des eaux ne vont pas du jour au lendemain changer trois décennies de #bétonisation des sols.

    Aujourd’hui, 80 % du territoire français est artificialisé. Alors l’urbanisme ne peut pas tout, mais l’urbanisme peut encore beaucoup. Et malheureusement, avec le changement climatique, dans les endroits peu bétonnés, on se retrouve par exemple dans le sud de la France avec des #sols déjà très secs qui absorbent mal les eaux.

    À l’échelle d’une mairie ou même d’une communauté de communes, pour s’adapter aux événements climatiques extrêmes, faut-il réviser chaque #plan_local_d’urbanisme (#PLU) ?

    Il faut certainement les réviser à l’aune du changement climatique, parce que nombre de PLU datent déjà de plusieurs années. Très peu de ces plans d’aménagement urbain intègrent l’adaptation, notamment dans le sud.

    Le maire de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) m’a assuré encore l’hiver dernier qu’on ne peut pas à la fois demander à construire des logements sociaux, de faire du « zéro artificialisation nette » tout en réduisant les risques naturels. C’est faux. Il faut que certaines zones soient plus constructibles. Mais aussi déplacer, et c’est très dur, les populations qui habitent dans des zones à risque. Ou encore, désendiguer les bassins de rivière, c’est-à-dire relaisser de la place à la nature. Toutes ces mesures difficiles sont possibles à déployer avec le PLU.

    En attendant, nombre d’élus bataillent pour détricoter voire supprimer la loi « #zéro_artificialisation_nette ». Mais en tant qu’experte des #risques_naturels en Méditerranée, et venant du Sud, où j’ai grandi avec ces risques inondation, je vois l’artificialisation s’aggraver et surtout, une perte de #mémoire du risque.

    Nous oublions les grandes crues qui se sont déroulées il y a vingt voire cinquante ans, et nous pensons que ça ne va plus revenir. Mais le changement climatique nous rappelle aujourd’hui à la réalité naturelle de nos territoires.

    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/220525/intemperies-dans-le-var-ce-ne-sont-pas-des-images-de-guerre-mais-de-betise
    #urbanisme #aménagement_du_territoire #intempéries #changement_climatique #pluie #oubli #ressources_pédagogiques

  • Un #TGV au-dessus du vide, symbole d’un réseau ferré vulnérable aux #intempéries

    De violentes intempéries ont causé l’affaissement d’un talus sur lequel circulait un TGV dans le Sud-Ouest, sans conséquence pour ses passagers. L’épisode illustre l’exposition du réseau ferré aux effets du changement climatique.

    Un train au-dessus du vide sur plusieurs mètres : les images de l’incident ferroviaire survenu lundi 19 mai dans le Lot-et-Garonne sont impressionnantes. Vers 20 h 30, les 508 passagers du TGV Paris-Toulouse ont ressenti « une légère secousse » avant l’arrêt du train. Et pour cause, les #pluies diluviennes qui ont causé d’importantes #inondations dans le Sud-Ouest avaient fait déborder un petit cours d’eau proche des rails, aux abords de la commune de #Tonneins (Lot-et-Garonne), emportant le ballast — amas de pierres soutenant les rails — sur une dizaine de mètres.

    Le train, qui roulait au ralenti, selon SNCF Réseau, s’est arrêté alors que les #rails ne touchaient plus le sol. « On a frôlé la catastrophe, les voies étaient à nu et le TGV en suspension », a témoigné auprès de l’Agence France-Presse le maire de la commune, Dante Rinaudo. Aucun blessé n’a heureusement été à déplorer.

    « Il n’y a pas eu de déraillement formel. Le train est resté dans l’axe, même si les roues ne touchaient plus le rail à certains endroits », précise SNCF Réseau à Reporterre. La circulation des trains restera coupée entre Agen et Marmande pendant « au moins plusieurs jours » et perturbée mardi 20 mai sur l’axe Bordeaux-Toulouse. « Il va falloir attendre que le TGV soit dégagé pour finaliser le diagnostic », déclare le représentant de SNCF Réseau.

    Des #dégâts « à des endroits où on ne s’y attend pas »

    À l’image de celle-ci, la SNCF comptabilise 7 000 km de voies en #zone_inondable, par ruissellement ou débordement. Et le #réseau_ferré est, de manière générale, particulièrement vulnérable aux effets du dérèglement climatique, qui cause une hausse des températures tout en multipliant les épisodes météorologiques extrêmes. Pour la SNCF, le défi technique est colossal : voies inondées, vents violents déstabilisant les trains, chutes d’arbres, éboulements, surchauffe de rails, incendies, fragilisation des ponts, défaillance de l’alimentation électrique en cas de canicule ou de tempête...

    « Les #aléas_climatiques sont énormes. Ils détruisent régulièrement le réseau à des endroits où on ne s’y attend pas. Cela ne fait que commencer », alertait Franck Dhersin, sénateur Horizons du Nord et ex-Monsieur transports de la région Hauts-de-France, lors d’une conférence de l’Association française du rail, le 8 octobre 2024.

    Les retards dus aux intempéries ont augmenté de 35 % entre 2011 et 2023 et le nombre de trains supprimés pour cette cause a été multiplié par cinq, selon une étude de la SNCF. Cela représente 1 500 trains par an, soit une journée d’exploitation, selon les chiffres de SNCF Réseau, qui dépense 30 à 40 millions d’euros par an pour réparer les dégâts causés par les aléas climatiques.

    Le dérèglement climatique implique aussi une explosion des #coûts de #maintenance. « Notre premier problème, c’est l’effet insidieux du changement climatique sur la végétation. La #forêt se dégrade rapidement, les insectes ravageurs sont plus résilients, ils attaquent la forêt et les arbres tombent sur les voies », a souligné Alain Quinet, directeur général exécutif de SNCF Réseau, le 20 mai devant un parterre d’experts des #transports, réunis au Conseil économique social et environnemental à l’occasion de la conférence de financement des transports.

    Des moyens colossaux nécessaires

    L’entreprise qui a dû renoncer au #glyphosate pour désherber, a vu ses frais de traitement de la végétation passer de 90 millions à 230 millions d’euros par an en dix ans. « Les perturbations du #cycle_de_l’eau » sont la seconde grande menace, dit Alain Quinet.

    Dans une note sur le sujet, SNCF Réseau estime que l’infrastructure est « à priori résiliente à l’horizon 2040-2050 », mais pour la suite, « l’ensemble du catalogue technique actuel doit être réexaminé et mis à jour ». Des moyens colossaux seront nécessaires à long terme, notamment pour déplacer les voies qui se situent dans les zones touchées par la montée des eaux, comme c’est déjà le cas de celle reliant Montpellier à Perpignan.

    Face à ce constat largement documenté, la charge revient désormais à l’État de lancer et financer un plan d’adaptation du réseau, notamment dans le cadre du contrat de performance État-SNCF Réseau, justement en cours de négociation. « Il faut qu’on se prépare, malheureusement, à ce que ce genre de problème climatique se renouvelle », alerte le ministre des Transports, Philippe Tabarot, auprès de Reporterre. « On a besoin de financements », dit-il, reconnaissant que « les arbitrages budgétaires n’ont pas été en faveur des transports ces dernières années, c’est le moins qu’on puisse dire »

    Déjà menacé d’« effondrement » en raison de sa vétusté, le réseau ferré français nécessite donc, plus que jamais, un sursaut politique. C’est en tout cas le consensus qui semble animer les observateurs de tous bords.

    https://reporterre.net/Un-TGV-au-dessus-du-vide-symbole-d-un-reseau-ferre-vulnerable-aux-intemp
    #train #réseau_ferroviaire #changement_climatique #infrastructure #vulnérabilité

  • La #France va-t-elle manquer d’#eau ?

    Face aux nombreuses inconnues qui entourent l’évolution des #précipitations dans les décennies à venir, cinquante scientifiques ont décidé de multiplier les simulations hydrologiques. Une certitude : il y aura moins d’eau l’été.

    Zoomer sur la carte de France pour choisir une rivière et regarder l’évolution de son débit dans cinquante ans sous l’effet du réchauffement climatique. Le Gers, par exemple, qui coule à Layrac. Les #cartes_Méandre dessinent quatre #scénarios possibles pour cette rivière, du plus optimiste, avec une diminution du débit de 10 % par rapport au niveau actuel, au pire, avec une baisse de plus d’un tiers.

    Cette impressionnante visualisation, disponible pour 4 000 points d’eau répartis sur tout le territoire, est le résultat du projet Explore2, piloté par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Office international de l’eau (OiEau). Entre 2021 et 2024, une équipe de cinquante scientifiques a travaillé à mettre à jour les projections hydroclimatiques françaises pour anticiper les évolutions futures.

    L’observation des #cours_d’eau préservés des activités humaines annonce déjà les tendances. Une autre #carte_interactive, qui a reçu fin novembre le prix Science ouverte des données de la recherche pour son interface de visualisation proposée au public, dessine une France de l’eau coupée en deux.

    Dans la moitié sud, l’eau a manifestement diminué depuis le milieu du XXe siècle. « Il y a une baisse de l’ordre d’un tiers de la ressource en eau sur une très grande moitié sud de la France pendant les cinquante dernières années », précise Jean-Philippe Vidal, hydroclimatologue à l’Inrae. Mais dans la moitié nord, les hydrologues peinent à identifier des tendances claires depuis le début des mesures, en 1968.

    Ce contraste se retrouve dans les projections. Autour de la Méditerranée, celles du climat sont formelles : il y aura moins d’eau d’ici la fin du siècle. Mais dès qu’on remonte un peu au nord, les modélisations donnent des résultats divergents. « Pour la plupart des régions au nord de la Loire, il n’y a pas de signal clair : on ne sait pas si elles seront plus ou au contraire moins arrosées dans les décennies à venir », indique Jean-Philippe Vidal.

    De fait, si les modèles de climat convergent sur l’élévation des températures sous l’effet de l’augmentation des gaz à effet de serre, ils ne s’accordent pas sur l’évolution des précipitations. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la carte du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) concernant les projections des précipitations à la fin du siècle en France : la majorité de nos régions est grisée – autrement dit sans résultats – parce que les modèles livrent des simulations trop divergentes pour en tirer des conclusions.
    La pluie, difficile à modéliser

    Les projections du climat futur reposent en effet sur une modélisation du système climatique global croisée avec des modèles climatiques régionaux pour représenter plus finement le climat localement. Mais une bonne partie de la France se trouve dans une zone d’incertitude, entre le nord de l’Europe qui sera plus arrosé et le sud de celle-ci qui sera plus sec. « Certains modèles mettent la zone de transition au sud de l’Angleterre, d’autres au milieu de la France », détaille Jean-Philippe Vidal, une des chevilles ouvrières d’Explore2. En bref, selon le climat régional choisi, les tendances s’inversent.

    Autre obstacle, la pluie est plus difficile à extrapoler que la température : « La pluie est un phénomène du tout ou rien : il pleut ou il ne pleut pas. Ce processus non linéaire est différent de celui de la température, qui varie plus progressivement. Une température à un moment donné dépend de celle une heure avant. »

    Traduire la pluie en quantité d’eau à la surface terrestre n’est pas non plus une sinécure. « Pour Explore2, on a travaillé avec des modèles hydrologiques différents pour essayer d’avoir une vue d’ensemble sans rater des possibles. Certains transforment assez simplement une précipitation en un débit. D’autres représentent tous les processus physiques tels que le captage des pluies par la végétation, l’infiltration dans le sol, l’évaporation… », explique Jean-Philippe Vidal.

    Dernière difficulté à surmonter : l’étape de validation des modèles. En temps normal, les scientifiques testent les résultats de leurs modélisations avec des mesures réelles pour s’assurer de leur validité. Ici, cela implique d’avoir accès à des mesures de débit ou de hauteur de nappe qui ne soient influencées que par les variations climatiques, ce qui n’est évidemment pas simple tellement pompages, barrages, drainages, urbanisation et autres artificialisations modifient largement les niveaux d’eau. Les chercheurs ont néanmoins identifié 600 stations préservées parmi les 4 000 pour valider leurs modèles.
    « Commencer à se préparer »

    Une fois toutes ces précautions prises, l’équipe d’Explore2 a multiplié les projections. À partir d’une quinzaine de modèles de climat mondiaux ou focalisés sur l’Europe, faisant consensus à l’échelle de la communauté scientifique, elle a obtenu un champ des possibles des tendances de précipitations. Informations ensuite rentrées dans neuf modèles hydrologiques pour transformer les données sur les pluies en informations sur le niveau des nappes et le débit des cours d’eau. En définitive, les chercheurs et chercheuses se retrouvent avec quelque 200 projections...

    « La simulation par de nombreux modèles différents augmente la confiance sur certains résultats », explique Agnès Ducharne, climatologue au CNRS, qui a également participé à Explore2. Plus une même projection va se répéter, plus elle a de chances d’être juste, selon les statisticien·nes du climat. « Cette approche multimodèle fait largement consensus, renchérit Ludovic Oudin, hydrologue à Sorbonne-Université, qui n’a pas participé au projet. Toutes ces simulations, en permettant de regarder comment les modèles divergent, donnent une bonne idée de l’incertitude. »

    Ensuite, il a fallu justement représenter l’incertitude puisque, selon les modèles climatiques utilisés, les débits annuels moyens augmentent ou baissent. Jean-Philippe Vidal explique le choix de distinguer quatre horizons possibles à la fin du siècle « pour dégager des futurs auxquels on pourrait être confrontés et pour lesquels il faut commencer à se préparer ». Pour ne pas se limiter à des moyennes, au risque d’amoindrir les évolutions, les scientifiques ont aussi voulu tenir compte des extrêmes.

    Autre parti pris dans la présentation finale des résultats : celui de se limiter à un seul scénario d’émission de gaz à effet de serre du Giec, le RCP 8.5, qui table sur la poursuite du niveau actuel d’émissions dans les décennies à venir. Deux autres scénarios plus optimistes avaient été explorés. Mais le manque d’ambition des politiques climatiques laisse penser que le scénario RGP 8.5, qualifié autrefois de pessimiste, est aujourd’hui une hypothèse réaliste de travail... Qui cadre d’ailleurs avec la demande du gouvernement français de se préparer à une augmentation de 4 °C à la fin du siècle.

    Les quatre scénarios, représentés sur une carte intégrative accessible au grand public, ont chacun autant de chances d’advenir. Ils cachent par contre d’autres futurs possibles, puisque les incertitudes caractérisées dans le projet sont uniquement celles considérées aujourd’hui. Le dépassement de « points de bascule » par exemple pourrait conduire à d’autres évolutions inattendues, soulignent les chercheurs et chercheuses.

    Finalement, Explore2 confirme la baisse des précipitations en été sur toute la France. Une autre tendance se dessine fortement : la hausse des précipitations en hiver sur la moitié nord. « Nos conclusions montrent aussi pour la première fois l’intensification dans tout l’Hexagone des extrêmes hydrologiques, sécheresses et pluies intenses. Des résultats avec des implications importantes pour les gestionnaires de l’eau, dont la tâche va être plus difficile », souligne Agnès Ducharne.

    Un autre signal est très clair : il y aura de moins en moins d’eau l’été dans les rivières. Mais pour le reste… difficile d’en tirer des conclusions. Les débits annuels moyens augmentent ou baissent selon les projections, tout comme les niveaux des nappes.

    « Nos résultats scientifiques, avec un gros effort mis sur la qualité et la lisibilité des données livrées, sont nécessaires pour que les acteurs de l’eau enclenchent des actions d’adaptation. De nombreux acteurs de l’eau se saisissent déjà de nos travaux », se réjouit Jean-Philippe Vidal, qui insiste : « Les quatre futurs envisagés demandent tous d’une manière ou d’une autre de revoir nos choix de société sur la demande en eau tout en assurant les besoins des milieux aquatiques. »

    Et le chercheur d’espérer que chacun·e en tire les enseignements nécessaires en regardant le scénario qui affectera le plus son activité : que les gestionnaires de crues se préparent dès maintenant au scénario le plus arrosé et les agriculteurs et agricultrices au scénario le plus sec.

    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/220225/la-france-va-t-elle-manquer-d-eau

    #pénurie #pénurie_d'eau #pluie #modélisation

    ping @reka

  • Avis défavorable pour le HCÉRES !
    https://academia.hypotheses.org/59724

    par Pablo, sur Pavillon rouge et noir, 17 février 2025,. Rapport de rapports d’évaluation HCERES Présentation de l’institution HCERES est l’acronyme de «  Horde de collabos et d’emmerdeurs de la recherche et de l’enseignement supérieur  ». C’est un organisme néomanagérial qui a … Continuer la lecture →

    #Plutôt_en_rire #diplômes #évaluation #Hcéres

  • Un quart de logements sociaux : Paris est magique ?
    https://lesjours.fr/obsessions/logement-sociaux-villes-delinquantes-sru/ep2-paris

    À coups de réhabilitations et de surélévations, la ville a atteint le taux prévu par la loi SRU. Mais attention, les pauvres sont toujours introuvables chez les riches.

    Il était moins une. À quelques semaines de l’échéance de 2025, Paris a enfin réussi à atteindre les 25 % de #logements_sociaux obligatoires. Soyons beaux joueurs, la capitale n’a jamais été vraiment très loin des objectifs. Lorsque la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) a été adoptée, fin 2000, la ville comptait 13,44 % de logements sociaux parmi ses résidences principales. À partir de 2001 et de la passation de pouvoir entre le RPR de Jean Tiberi – qui a certes fait construire des HLM dans Paris mais les a aussi utilisés pour loger ses enfants – et le PS de Bertrand Delanoë, le taux n’a jamais cessé d’augmenter. En 2013, lorsque la loi Duflot a fait passer l’objectif de 20 % à 25 % pour la plupart des villes concernées (lire l’épisode 1, « Wanted : les hors-la-loi du logement social »), #Paris n’était plus très loin du premier palier avec 17,89 % des résidences principales considérées comme des logements sociaux.

    #paywall...

    277 000 ménages inscrits comme #demandeurs_de_logement à Paris
    https://www.apur.org/sites/default/files/4p253_chiffres_logement_social_paris_2023.pdf?token=mgA30FMt

    De 2001 à 2023, 123868 logements sociaux ont été financés :
    – 33663 logements #PLAI – prêt locatif aidé d’intégration – (27%) ;
    – 51992 logements #PLUS – prêt locatif à usage social – (42%) ;
    – 38213 logements #PLS – prêts locatifs sociaux – (31%).

    Mais les organismes publics chargés du logement social construisent davantage de PLI qui sont seulement 25% moins chers que les ceux loués au prix du marché parisien, des prix qu’un récent plafonnement des loyers de LVMH City ne réduit qu’à la marge.
    Exemple
    https://www.parishabitat.fr/nos-programmes/vincent-auriol

    A travers cette opération, Paris Habitat souhaite fournir une réponse aux difficultés de logements auxquelles font face les ménages parisiens à revenus moyens. Parmi les 135 logements livrés figurent 47 logements sociaux PLS et 88 logements dits #PLI à destination des ménages ayant des difficultés à se loger dans le privé, compte tenu de la cherté des logements, sans pour autant pouvoir prétendre aux locations HLM. Le financement public permet dès lors de proposer ces logements neufs à un tarif 25% moins cher que dans le privé, à condition de respecter les plafonds de ressources.

    #loyers #logement_social

  • En #montagne, la #biodiversité pourrait s’effondrer plus vite qu’ailleurs

    #Changement_climatique, pollutions chimiques, tourisme… En montagne, plus qu’ailleurs, plusieurs espèces s’approchent d’un #effondrement_global.

    On l’appelle « l’#énigme_de_Humboldt ». Du nom du célèbre savant allemand Alexander von Humboldt. Lorsqu’il explora les montagnes andines, au gré de sa longue expédition naturaliste à travers l’Amérique latine, de 1799 à 1804, il découvrit l’existence d’une faune et d’une flore d’une incroyable diversité. Un foisonnement surprenant, spécifique aux milieux montagneux, qui ne cessa par la suite d’interroger les scientifiques. On estime aujourd’hui que les montagnes, qui couvrent environ 25 % des surfaces terrestres, abritent 85 % des espèces d’amphibiens, d’oiseaux et de mammifères de la planète.

    Depuis quelques années, une nouvelle énigme descendue des montagnes s’est imbriquée à la première et taraude les chercheurs : ces écosystèmes si riches en biodiversité sont-ils sur le point de s’effondrer ? L’alerte s’est faite solennelle en 2022. Une équipe internationale d’une vingtaine de scientifiques publiait alors une étude intitulée « Scientists’ warning of threats to mountains » : l’alerte des scientifiques contre les menaces qui pèsent sur les montagnes.

    Les montagnes sont « hautement vulnérables » aux multiples facettes de la crise écologique provoquée par les activités humaines, écrivaient-ils. Les pressions qui s’exercent sur elles se renforcent mutuellement, entraînant des risques « d’#effets_en_cascade », plusieurs espèces « s’approchant d’un effondrement global ». En résulterait « un affaiblissement critique de la santé des écosystèmes [de montagne], avec de larges répercussions sur la santé des animaux et des humains ».

    Changement climatique, pollutions chimiques, espèces invasives ou pathogènes, pastoralisme, tourisme… Le constat dressé par les chercheurs est toujours le même trois ans plus tard. « Tous ces facteurs interagissent, c’est très complexe mais cela amène des changements très importants dans les montagnes. On alerte là-dessus depuis plus de dix ans, mais la prise de conscience commence à peine », regrette l’écologue Dirk Schmeller, directeur de recherche au CNRS et auteur principal de l’étude.

    Des #niches_écologiques menacées par le climat

    Ces deux énigmes — grande richesse et grande vulnérabilité de ces écosystèmes — ont une racine commune : la #topographie particulière des #milieux_montagnards. Ces terrains très accidentés, avec de fortes variations d’altitude et de climat, génèrent une multitude de conditions environnementales différentes, parfois sur des espaces très restreints. Autant de niches écologiques potentielles propices à l’épanouissement d’une grande variété d’espèces.

    Revers de la médaille : lorsque les conditions changent, ces milieux petits et fragmentés laissent peu de solutions de repli aux espèces qui en dépendent. « Elles n’ont pas la même capacité à réagir. Certains oiseaux ou insectes peuvent facilement voler jusqu’à un milieu plus accueillant alors que des plantes, ou même des amphibiens, ont plus de difficulté à migrer. Cela crée un éclatement des communautés, qui rend ceux qui restent d’autant plus fragiles », explique Dirk Schmeller.

    La source principale de perturbation de ces écosystèmes, celle qui inquiète le plus les chercheurs, c’est le #changement_climatique. Celui-ci est plus rapide en montagne qu’en plaine : déjà près de 2 °C de réchauffement sont mesurés dans les Alpes, contre 1,4 °C à l’échelle de la France.

    Les #températures plus chaudes, la baisse de l’#enneigement et la fonte des #glaciers rendent les conditions hostiles à certaines espèces, comme l’emblématique lagopède alpin : cet oiseau au plumage hivernal blanc, idéal pour se camoufler dans la neige, et qui a besoin du froid pour se reproduire, risque de perdre plus de 90 % de son habitat d’ici 2090, selon le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude (CREA) du Mont-Blanc.

    Une partie des plantes va également souffrir de plus en plus du réchauffement du climat. En décembre dernier, le Laboratoire d’écologie alpine du CNRS, en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB), publiait un rapport sur le sujet, concluant : « Parmi les 2 105 espèces [végétales] étudiées, nous avons identifié 400 à 600 espèces à risque, en particulier celles vivant à l’étage subalpin, qui pourraient voir leur territoire se réduire significativement d’ici 2050 selon les prédictions de leur distribution future. »

    Accumulation de #polluants

    Si le changement climatique est si délétère en montagne, c’est qu’il provoque dans son sillage de nombreux effets secondaires, au-delà du seul climat. De récents travaux ont par exemple montré comment la fonte des glaces modifiait la chimie des lacs d’altitude. En apportant à ces lacs davantage de sédiments issus de l’#érosion des roches, les eaux de fonte en modifient l’#acidité, la conductivité électrique, la concentration en ions et en sulfate.

    Autre effet secondaire, encore plus indirect : les températures de plus en plus chaudes poussent les troupeaux à pâturer à plus haute altitude, pour trouver un peu de fraîcheur. Ces ovins ou bovins atteignent ainsi des lacs jusqu’alors épargnés, contaminant l’eau en matières organiques, nitrates et phosphores qui déséquilibrent le milieu. S’y ajoutent les produits vétérinaires, antiparasitaires et autres antifongiques administrés au bétail.

    Mais les animaux d’élevage ne sont pas les seuls à trouver refuge dans les lacs d’altitude. Le #tourisme gagne également de plus en plus ces plans d’#eau à la vue imprenable. « On voit de plus en plus de gens, parfois pas du tout acculturés à la montagne, venir se baigner, certains viennent même parfois avec des paddles sur les lacs de haute montagne, témoigne Florence Mazier, directrice adjointe du laboratoire Géographie de l’environnement (Géode). Ces baignades non réglementées amènent dans l’eau de la #crème_solaire, les produits antipuces ou contre les tiques des chiens, sans qu’on connaisse encore l’ampleur des conséquences de ces pratiques. »

    Ces #pollutions_chimiques ne sont hélas pas les seules que doivent affronter les espèces d’altitude. Car les montagnes ont une autre particularité : ces reliefs font office de barrière pour les #nuages. Les #pluies s’y accumulent et déversent quantités de micropolluants charriés depuis les plaines. Pesticides, métaux lourds, plastiques… Des #produits_toxiques issus d’activités industrielles lointaines se retrouvent dans les lacs et #tourbières d’altitude.

    « Il y a beaucoup de brouillard en montagne, qui fait remonter les polluants des vallées. Et lorsque des pluies d’altitude rencontrent les nuages accrochés aux cimes des montagnes, elles forment de plus grosses gouttelettes qu’en plaine, et celles-ci interceptent mieux les polluants », décrit Gaël Le Roux, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du cycle des micropolluants.

    La crainte d’effondrements écologiques

    À la liste des maux qui déséquilibrent les écosystèmes de montagne, il faut encore ajouter les introductions massives d’espèces (les #saumons dans les lacs pour développer la pêche ou les #pins à croissance rapide pour la sylviculture, par exemple), ou encore l’introduction de nouveaux #agents_pathogènes (maladies, bactéries, virus), par le tourisme, le pastoralisme ou d’autres vecteurs. Ces nombreuses #menaces créent des synergies entre elles. Lorsqu’une espèce est affaiblie par les #pollutions, le changement climatique ou les #maladies, elle est d’autant plus vulnérable aux autres sources de pression.

    Avec un #effet_multiplicateur dévastateur : « La recherche sur le #multistress est un sujet très prégnant en ce moment. On voit en laboratoire que la présence de deux sources de #stress sur des organismes aura un effet supérieur à la simple addition de ces deux stress. Mais c’est très compliqué de comprendre l’impact en situation réelle », dit Hugo Sentenac, spécialiste de la santé de la faune sauvage et maître de conférences à l’université de Franche-Comté.

    Jusqu’où les écosystèmes seront-ils capables d’encaisser ces stress multiples ? C’est la grande inconnue. La montagne reste un milieu aujourd’hui sous-étudié et les chercheurs manquent de données pour quantifier la crise en cours et anticiper précisément ce qui pourrait advenir.

    À défaut de certitudes, la crainte d’effondrements écologiques est bien là. « C’est très difficile de se prononcer sur la situation, mais on constate en général que les effondrements ne sont pas linéaires. Un écosystème est un peu comme un organisme. Un animal ou un humain a une certaine capacité de résilience ; il peut encaisser le stress, jusqu’au moment où il va craquer. C’est pareil pour un écosystème. C’est extrêmement dur à étudier, mais c’est un énorme sujet d’inquiétude dans la communauté de recherche », souligne Hugo Sentenac.

    La fragilité de cette biodiversité de montagne est d’autant plus forte que les écosystèmes d’altitude sont moins « redondants » qu’en plaine : il y a moins d’espèces qui remplissent une fonction écosystémique donnée. Si l’espèce disparaît, il n’y a donc pas forcément d’espèce de secours jouant le même rôle dans l’écosystème, ce qui peut fragiliser tout l’édifice écologique.

    Les #micro-organismes symbolisent cette menace fantôme qui pèse sur les montagnes. Rouages essentiels dans la synthèse des nutriments, particulièrement dans un environnement rude comme la montagne, les communautés microbiennes et leur rôle sont encore trop méconnues, pointent les chercheurs.

    « Les #biofilms [des communautés bactériennes complexes] sont de véritables petites usines dans les lacs de montagne, qui nettoient, font circuler les nutriments, protègent des pathogènes… » décrit Dirk Schmeller. Or, les scientifiques observent dans ces lacs un changement en cours parmi les micro-organismes, avec une diminution du nombre de diatomées (micro-algues) et une hausse de la présence de cyanobactéries, potentiellement toxiques et renforcées par les bouleversements chimiques à l’œuvre dans ces eaux.

    « C’est un énième indicateur que ces #lacs ne vont pas bien, mais on ne voit pas encore de grosse chute des diatomées », précise Hugo Sentenac. Ces micro-organismes à la base des écosystèmes semblent pour l’instant plutôt bien résister, comparativement à certaines populations d’insectes ou d’amphibiens dont les populations s’effondrent, souligne le chercheur. Comprendre leur évolution pourrait être une clé de l’énigme sur le devenir de cette biodiversité montagnarde.

    https://reporterre.net/En-montagne-la-biodiversite-pourrait-s-effondrer-plus-vite-qu-ailleurs
    #effondrement

  • #Pierre_Gaussens, sociologue : « Les #études_décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur »

    Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les #fondements_théoriques des études décoloniales.

    S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue #Gaya_Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « #stratégie_de_rupture ».

    Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

    Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien #Anibal_Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin #Walter_Mignolo, l’anthropologue américano-colombien #Arturo_Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine #Enrique_Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la #colonisation_européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de #pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « #colonialité », axe de #domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le #savoir, le #genre, la #culture.

    Sa substance est définie par l’autre concept phare des études décoloniales, l’#eurocentrisme, désignant l’hégémonie destructrice qu’aurait exercée la pensée occidentale, annihilant le savoir, la culture et la mythologie des peuples dominés. Le courant décolonial se fonde sur ce diagnostic d’ordre intellectuel, mais en revendiquant dès le début une ambition politique : ce groupe cherchait à se positionner comme une avant-garde en vue d’influencer les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche latino-américains. Il est ainsi né en critiquant les #études_postcoloniales, fondées dans les années 1980 en Inde avant d’essaimer aux Etats-Unis. Les décoloniaux vont leur reprocher de se cantonner à une critique « scolastique », centrée sur des études littéraires et philosophiques, et dépourvue de visée politique.

    Pourquoi avoir élaboré cet ouvrage collectif visant à critiquer la « #raison_décoloniale » ?

    Ce projet venait d’un double ras-le-bol, partagé avec ma collègue Gaya Makaran, de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Nous étions d’abord agacés par les faiblesses théoriques des études décoloniales, dont les travaux sont entachés de #simplisme et de #concepts_bancals enrobés dans un #jargon pompeux et se caractérisant par l’#ignorance, feinte ou volontaire, de tous les travaux antérieurs en vue d’alimenter une stratégie de #rupture. Celle-ci a fonctionné, car la multiplication des publications, des revues et des séminaires a permis au mouvement de gagner en succès dans le champ universitaire. Ce mouvement anti-impérialiste a paradoxalement profité du fait d’être basé dans des universités américaines pour acquérir une position de force dans le champ académique.

    La seconde raison tenait à notre malaise face aux effets des théories décoloniales. Que ce soient nos étudiants, les organisations sociales comme les personnes indigènes rencontrées sur nos terrains d’enquête, nous constations que l’appropriation de ces pensées menait à la montée d’un #essentialisme fondé sur une approche mystifiée de l’#identité, ainsi qu’à des #dérives_racistes. Il nous semblait donc crucial de proposer une critique d’ordre théorique, latino-américaine et formulée depuis une perspective anticolonialiste. Car nous partageons avec les décoloniaux le diagnostic d’une continuité du fait colonial par-delà les #décolonisations, et le constat que cette grille de lecture demeure pertinente pour saisir la reproduction des #dominations actuelles. Notre ouvrage, paru initialement au Mexique en 2020 [Piel Blanca, Mascaras Negras. Critica de la Razon Decolonial, UNAM], présente donc un débat interne à la gauche intellectuelle latino-américaine, qui contraste avec le manichéisme du débat français, où la critique est monopolisée par une droite « #antiwoke ».

    Le cœur de votre critique se déploie justement autour de l’accusation d’« essentialisme ». Pourquoi ce trait vous pose-t-il problème ?

    En fétichisant la date de #1492, les études décoloniales procèdent à une rupture fondamentale qui conduit à un manichéisme et une réification d’ordre ethnique. L’Occident, porteur d’une modernité intrinsèquement toxique, devient un ectoplasme destructeur. Cette #satanisation produit, en miroir, une #idéalisation des #peuples_indigènes, des #cosmologies_traditionnelles et des temps préhispaniques. Une telle lecture crée un « #orientalisme_à_rebours », pour reprendre la formule de l’historien #Michel_Cahen [qui vient de publier Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept, Karthala, 232 pages, 24 euros], avec un #mythe stérile et mensonger du #paradis_perdu.

    Or, il s’agit à nos yeux de penser l’#hybridation et le #métissage possibles, en réfléchissant de façon #dialectique. Car la #modernité a aussi produit des pensées critiques et émancipatrices, comme le #marxisme, tandis que les coutumes indigènes comportent également des #oppressions, notamment patriarcales. Cette #focalisation_ethnique empêche de penser des #rapports_de_domination pluriels : il existe une #bourgeoisie_indigène comme un #prolétariat_blanc. Cette essentialisation suscite, en outre, un danger d’ordre politique, le « #campisme », faisant de toute puissance s’opposant à l’Occident une force par #essence_décoloniale. La guerre menée par la Russie en Ukraine montre à elle seule les limites d’une telle position.

    En quoi le positionnement théorique décolonial vous semble-t-il gênant ?

    La stratégie de rupture du mouvement conduit à plusieurs écueils problématiques, dont le principal tient au rapport avec sa tradition théorique. Il procède à des récupérations malhonnêtes, comme celle de #Frantz_Fanon (1925-1961). Les décoloniaux plaquent leur grille de lecture sur ce dernier, gommant la portée universaliste de sa pensée, qui l’oppose clairement à leur geste critique. Certains se sont rebellés contre cette appropriation, telle la sociologue bolivienne #Silvia_Rivera_Cusicanqui, qui a accusé Walter Mignolo d’avoir détourné sa pensée.

    Sur le plan conceptuel, nous critiquons le galimatias linguistique destiné à camoufler l’absence de nouveauté de certains concepts – comme la « colonialité », qui recoupe largement le « #colonialisme_interne » développé à la fin du XXe siècle – et, surtout, leur faiblesse. Au prétexte de fonder un cadre théorique non eurocentrique, les décoloniaux ont créé un #jargon en multipliant les notions obscures, comme « #pluriversalisme_transmoderne » ou « #différence_transontologique », qui sont d’abord là pour simuler une #rupture_épistémique.

    Votre critique s’en prend d’ailleurs à la méthode des études décoloniales…

    Les études décoloniales ne reposent sur aucune méthode : il n’y a pas de travail de terrain, hormis chez Arturo Escobar, et très peu de travail d’archives. Elles se contentent de synthèses critiques de textes littéraires et théoriques, discutant en particulier des philosophes comme Marx et Descartes, en s’enfermant dans un commentaire déconnecté du réel. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune grande figure du mouvement ne parle de langue indigène. Alors qu’il est fondé sur la promotion de l’#altérité, ce courant ne juge pas nécessaire de connaître ceux qu’il défend.

    En réalité, les décoloniaux exploitent surtout un #misérabilisme en prétendant « penser depuis les frontières », selon le concept de Walter Mignolo. Ce credo justifie un rejet des bases méthodologiques, qui seraient l’apanage de la colonialité, tout en évacuant les critiques à son égard, puisqu’elles seraient formulées depuis l’eurocentrisme qu’ils pourfendent. Ce procédé conduit à un eurocentrisme tordu, puisque ces auteurs recréent, en l’inversant, le « #privilège_épistémique » dont ils ont fait l’objet de leur critique. Ils ont ainsi construit une bulle destinée à les protéger.

    Sur quelle base appelez-vous à fonder une critique de gauche du colonialisme ?

    En opposition aux penchants identitaires des décoloniaux, nous soutenons le retour à une approche matérialiste et #dialectique. Il s’agit de faire dialoguer la pensée anticoloniale, comme celle de Frantz Fanon, avec l’analyse du #capitalisme pour renouer avec une critique qui imbrique le social, l’économie et le politique, et pas seulement le prisme culturel fétichisé par les décoloniaux. Cette #intersectionnalité permet de saisir comment les pouvoirs néocoloniaux et le capitalisme contemporain reproduisent des phénomènes de #subalternisation des pays du Sud. Dans cette perspective, le #racisme n’est pas un moteur en soi, mais s’insère dans un processus social et économique plus large. Et il s’agit d’un processus historique dynamique, qui s’oppose donc aux essentialismes identitaires par nature figés.

    « Critique de la raison décoloniale » : la dénonciation d’une « #imposture »

    Les études décoloniales constitueraient une « #contre-révolution_intellectuelle ». L’expression, d’ordinaire réservée aux pensées réactionnaires, signale la frontalité de la critique, mais aussi son originalité. Dans un débat français où le label « décolonial » est réduit à un fourre-tout infamant, cet ouvrage collectif venu d’Amérique latine apporte un bol d’air frais. Copiloté par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, chercheurs basés au Mexique, Critique de la raison décoloniale (L’Echappée, 256 pages, 19 euros) élève le débat en formulant une critique d’ordre théorique.

    Six textes exigeants, signés par des chercheurs eux-mêmes anticoloniaux, s’attachent à démolir ce courant, qualifié d’« imposture intellectuelle ». Les deux initiateurs du projet ouvrent l’ensemble en ramassant leurs griefs : l’essentialisation des peuples à travers un prisme culturel par des auteurs qui « partagent inconsciemment les prémisses de la théorie du choc des civilisations ». Les quatre contributions suivantes zooment sur des facettes des études décoloniales, en s’attaquant notamment à la philosophie de l’histoire qui sous-tend sa lecture de la modernité, à quelques-uns de ses concepts fondamentaux (« pensée frontalière », « colonialité du pouvoir »…) et à son « #ontologie de l’origine et de la #pureté ». Un dernier texte plus personnel de la chercheuse et activiste Andrea Barriga, ancienne décoloniale fervente, relate sa désillusion croissante à mesure de son approfondissement de la pensée d’Anibal Quijano, qui lui est finalement apparue comme « sans consistance ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/24/pierre-gaussens-sociologue-les-etudes-decoloniales-reduisent-l-occident-a-un
    #décolonial

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    • En complément :
      https://lvsl.fr/pourquoi-lextreme-droite-sinteresse-aux-theories-decoloniales

      L’extrême droite veut décoloniser. En France, les intellectuels d’extrême droite ont pris l’habitude de désigner l’Europe comme la victime autochtone d’une « colonisation par les immigrés » orchestrée par les élites « mondialistes ». Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », a même fait l’éloge des grands noms de la littérature anticoloniale – « tous les textes majeurs de la lutte contre la colonisation s’appliquent remarquablement à la France, en particulier ceux de Frantz Fanon » – en affirmant que l’Europe a besoin de son FLN (le Front de Libération Nationale a libéré l’Algérie de l’occupation française, ndlr). Le cas de Renaud Camus n’a rien d’isolé : d’Alain de Benoist à Alexandre Douguine, les figures de l’ethno-nationalisme lisent avec attention les théoriciens décoloniaux. Et ils incorporent leurs thèses, non pour contester le système dominant, mais pour opposer un capitalisme « mondialiste », sans racines et parasitaire, à un capitalisme national, « enraciné » et industriel.

      Article originellement publié dans la New Left Review sous le titre « Sea and Earth », traduit par Alexandra Knez pour LVSL.

    • Les pensées décoloniales d’Amérique latine violemment prises à partie depuis la gauche

      Dans un livre collectif, des universitaires marxistes dénoncent l’« imposture » des études décoloniales, ces théories qui tentent de déconstruire les rapports de domination en Amérique latine. Au risque de la simplification, répondent d’autres spécialistes.

      PourPour une fois, la critique ne vient pas de la droite ou de l’extrême droite, mais de courants d’une gauche marxiste que l’on n’attendait pas forcément à cet endroit. Dans un livre collectif publié en cette fin d’année, Critique de la raison décoloniale (L’échappée), une petite dizaine d’auteur·es livrent une charge virulente à l’égard des études décoloniales, tout à la fois, selon eux, « imposture », « pensée ventriloque », « populisme » et « contre-révolution intellectuelle ».

      Le champ décolonial, surgi dans les années 1990 sur le continent américain autour de penseurs comme Aníbal Quijano (1928-2018), reste confidentiel en France. Ce sociologue péruvien a forgé le concept de « colonialité du pouvoir », qui renvoie aux rapports de domination construits à partir de 1492 et le début des « conquêtes » des Européens aux Amériques. Pour ces intellectuel·les, les vagues d’indépendances et de décolonisations, à partir du XIXe siècle, n’ont pas changé en profondeur ces rapports de domination.

      La première génération des « décoloniaux » sud-américains, autour de Quijano, de l’historien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023) et du sémiologue argentin Walter Mignolo (né en 1941), a développé à la fin des années 1990 un programme de recherche intitulé « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (M/C/D). Ils ont analysé, souvent depuis des campus états-uniens, la « colonialité », non seulement du « pouvoir », mais aussi des « savoirs » et de « l’être ».

      Pour eux, 1492 est un moment de bascule, qui marque le début de la « modernité » (le système capitaliste, pour le dire vite) et de son revers, la « colonialité » : le système capitaliste et le racisme sont indissociables. Selon ces auteurs, « le socle fondamental de la modernité est le “doute méthodique” jeté sur la pleine humanité des Indiens », doute qui deviendra un « scepticisme misanthrope systématique et durable » jusqu’à aujourd’hui, expliquent Philippe Colin et Lissell Quiroz dans leur ouvrage de synthèse sur les Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, publié en 2023 (éditions de La Découverte).

      « Au-delà des indéniables effets de mode, la critique décoloniale est devenue l’un des paradigmes théoriques incontournables de notre temps », écrivent encore Colin et Quiroz. Depuis la fin des années 1990, cette manière de critiquer le capitalisme, sans en passer par le marxisme, s’est densifiée et complexifiée. Elle a été reprise dans la grammaire de certains mouvements sociaux, et récupérée aussi de manière rudimentaire par certains gouvernements étiquetés à gauche.

      C’est dans ce contexte qu’intervient la charge des éditions L’échappée, qui consiste dans la traduction de six textes déjà publiés en espagnol (cinq au Mexique en 2020, un autre en Argentine en 2021). Parmi eux, Pierre Gaussens et Gaya Makaran, deux universitaires basé·es à Mexico, l’un Français, l’autre Polonaise, s’en prennent à ces « discours académiques qui veulent parler à la place des subalternes » et dénoncent une « représentation ventriloque des altérités ».

      Préoccupé·es par l’influence grandissante des théories décoloniales dans leur milieu universitaire, Gaussens et Makaran veulent exposer leurs « dangers potentiels ». Dont celui de contribuer à « justifier des pratiques discriminatoires et excluantes, parfois même ouvertement racistes et xénophobes, dans les espaces où celles-ci parviennent à rencontrer un certain écho, surtout à l’intérieur du monde étudiant ».

      Les critiques formulées par ces penseurs d’obédience marxiste sont légion. Ils et elles reprochent une manière de penser l’Europe de manière monolithique, comme un seul bloc coupable de tous les maux – au risque d’invisibiliser des luttes internes au continent européen. Ils contestent la focalisation sur 1492 et jugent anachronique la référence à une pensée raciale dès le XVe siècle.

      De manière plus globale, ils dénoncent un « biais culturaliste », qui accorderait trop de place aux discours et aux imaginaires, et pas assez à l’observation de terrain des inégalités économiques et sociales ou encore à la pensée de la forme de l’État au fil des siècles. « L’attention qu’ils portent aux identités, aux spécificités culturelles et aux “cosmovisions” les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples “non blancs”, dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne », écrit le journaliste Mikaël Faujour dans la préface de l’ouvrage.

      Ils critiquent encore le soutien de certains auteurs, dont Walter Mignolo, à Hugo Chávez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie – ce que certains avaient désigné comme une « alliance bolivarienne-décoloniale », au nom de laquelle ils ont pu soutenir des projets néo-extractivistes sur le sol des Amériques pourtant contraires aux intérêts des populations autochtones.

      Dans une recension enthousiaste qu’il vient de publier dans la revue Esprit, l’anthropologue Jean-Loup Amselle parle d’un livre qui « arrive à point nommé ». Il critique le fait que les décoloniaux ont « figé », à partir de 1492, l’Europe et l’Amérique en deux entités « hypostasiées dans leurs identités respectives ». « Pour les décoloniaux, insiste Amselle, c’est le racisme qui est au fondement de la conquête de l’Amérique, bien davantage que les richesses qu’elle recèle, et c’est le racisme qui façonne depuis la fin du XVe siècle le monde dans lequel on vit. »

      La parole d’Amselle importe d’autant plus ici qu’il est l’un des tout premiers, depuis la France, à avoir critiqué les fondements de la pensée décoloniale. Dans L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Seuil, 2008), il consacrait déjà plusieurs pages critiques en particulier de la pensée « culturaliste », essentialiste, de Walter Mignolo lorsque ce dernier pense le « post-occidentalisme ».

      À la lecture de Critique de la raison décoloniale, si les critiques sur les partis pris téléologiques dans certains travaux de Walter Mignolo et Enrique Dussel visent juste, la virulence de la charge interroge tout de même. D’autant qu’elle passe presque totalement sous silence l’existence de critiques plus anciennes, par exemple sur le concept de « colonialité du pouvoir », en Amérique latine.

      Dans une recension publiée dans le journal en ligne En attendant Nadeau, l’universitaire David Castañer résume la faille principale du livre, qui « réside dans l’écart entre ce qu’il annonce – une critique radicale de la théorie décoloniale dans son ensemble – et ce qu’il fait réellement – une lecture du tétramorphe Mignolo, Grosfoguel [sociologue d’origine portoricaine – ndlr], Quijano, Dussel ». Et de préciser : « Or, il y a un grand pas entre critiquer des points précis des pensées de ces quatre auteurs et déboulonner cette entité omniprésente que serait le décolonial. »

      Tout se passe comme si les auteurs de cette Critique passaient sous silence la manière dont ce champ s’est complexifié, et avait intégré ses critiques au fil des décennies. C’est ce que montre l’ouvrage de Colin et Quiroz dont le dernier chapitre est consacré, après les figures tutélaires des années 1990 – les seules qui retiennent l’attention de Gaussens et de ses collègues –, aux « élargissements théoriques et militants ».
      Méta-histoire

      L’exemple le plus saillant est la manière dont des féministes, à commencer par la philosophe argentine María Lugones (1944-2020), vont critiquer les travaux de Quijano, muets sur la question du genre, et proposer le concept de « colonialité du genre », à distance du « féminisme blanc », sans rejeter pour autant ce fameux « tournant décolonial ».

      Idem pour une pensée décoloniale de l’écologie, à travers des chercheurs et chercheuses d’autres générations que celles des fondateurs, comme l’anthropologue colombien Arturo Escobar (qui a critiqué le concept de développement comme une invention culturelle d’origine occidentale, et théorisé le « post-développement ») ou l’Argentine Maristella Svampa, devenue une référence incontournable sur l’économie extractiviste dans le Cône Sud.

      La critique formulée sur la fixation problématique sur 1492 chez les décoloniaux ne convainc pas non plus Capucine Boidin, anthropologue à l’université Sorbonne-Nouvelle, jointe par Mediapart : « Les auteurs décoloniaux font une philosophie de l’histoire. Ils proposent ce que j’appelle un méta-récit. Ce n’est pas de l’histoire. Il n’y a d’ailleurs aucun historien dans le groupe des études décoloniales. Cela n’a pas de sens de confronter une philosophie de l’histoire à des sources historiques : on ne peut qu’en conclure que c’est faux, incomplet ou imprécis. »

      Cette universitaire fut l’une des premières à présenter en France la pensée décoloniale, en invitant Ramón Grosfoguel alors à l’université californienne de Berkeley, dans un séminaire à Paris dès 2007, puis à coordonner un ensemble de textes – restés sans grand écho à l’époque – sur le « tournant décolonial » dès 2009.

      Elle tique aussi sur certaines des objections formulées à l’égard d’universitaires décoloniaux très dépendants des universités états-uniennes, et accusés d’être coupés des cultures autochtones dont ils parlent. À ce sujet, Silvia Rivera Cusicanqui, une sociologue bolivienne de premier plan, connue notamment pour avoir animé un atelier d’histoire orale andine, avait déjà accusé dès 2010 le décolonial Walter Mignolo, alors à l’université états-unienne Duke, d’« extractivisme académique » vis-à-vis de son propre travail mené depuis La Paz.

      « Contrairement à ce que dit Pierre Gaussens, nuance Capucine Boidin, Aníbal Quijano parlait très bien, et chantait même, en quechua. C’était un sociologue totalement en prise avec sa société. Il a d’ailleurs fait toute sa carrière au Pérou, à l’exception de voyages brefs aux États-Unis durant lesquels il a échangé avec [le sociologue états-unien] Immanuel Wallerstein. Pour moi, c’est donc un procès d’intention qui fait fi d’une lecture approfondie et nuancée. »
      L’héritage de Fanon

      Au-delà de ces débats de spécialistes, les auteur·es de Critique de la raison décoloniale s’emparent avec justesse de nombreux penseurs chers à la gauche, de Walter Benjamin à Frantz Fanon, pour mener leur démonstration. Le premier chapitre s’intitule « Peau blanche, masque noire », dans une référence au Peau noire, masques blancs (1952) de l’intellectuel martiniquais. Le coup est rude : il s’agit d’accuser sans détour les décoloniaux d’être des « blancs » qui se disent du côté des peuples autochtones sans l’être.

      Pierre Gaussens et Gaya Makaran insistent sur les critiques formulées par Fanon à l’égard du « courant culturaliste de la négritude », qu’ils reprennent pour en faire la clé de voûte du livre. « Si le colonisé se révolte, ce n’est donc pas pour découvrir une culture propre ou un passé glorieux, ni pour prendre conscience de sa “race”, mais parce que l’oppression socio-économique qu’il subit ne lui permet pas de mener une existence pleine et entière », écrivent-ils.

      Dans l’épilogue de sa biographie intellectuelle de Fanon (La Découverte, 2024), Adam Shatz constate que des critiques de l’antiracisme contemporain, depuis le marxisme notamment, se réclament parfois du Martiniquais. « Ce qui intéressait Fanon n’était pas la libération des Noirs, mais celle des damnés de la Terre », confirme-t-il. Mais Shatz se montre aussi plus prudent, alors que « l’horizon de la société post-raciale [que Fanon appelait de ses vœux – ndlr] s’est considérablement éloigné » par rapport à 1961, année de sa mort à 36 ans à peine.

      À lire Shatz, Fanon menait une critique des pensées binaires telles que certains universalistes et d’autres identitaires la pratiquent. La nature de son œuvre la rend rétive aux récupérations. Il juge aussi que les décoloniaux, et des mouvements comme Black Lives Matter, qui se revendiquent tout autant de Fanon que les marxistes critiques de l’antiracisme, « sont plus fidèles à la colère » du psychiatre martiniquais, avec « leur style d’activisme imprégné d’urgence existentielle ».

      Aussi stimulante soit-elle, la publication de Critique de la raison décoloniale témoigne surtout, en creux, de la trop faible circulation des textes originaux des théories décoloniales en France, et du trop petit nombre de traductions disponibles en français (parmi les exceptions notables, la publication aux PUF en 2023 de Philosophie de la libération, de Dussel, classique de 1977). Le livre des éditions de L’échappée est une entreprise de démontage d’un champ encore peu documenté en France, ce qui donne à sa lecture un abord inconfortable.

      Et ce, même si Mikaël Faujour, collaborateur au Monde diplomatique, qui a traduit une partie des textes du recueil en français, avec l’essayiste partisan de la décroissance Pierre Madelin, insiste, dans une préface périlleuse, sur une clé de lecture française, qui complique encore la réception de l’ouvrage. Le journaliste s’inquiète des « cheminements » de la pensée décoloniale dans l’espace francophone, d’abord via les revues Multitudes et Mouvements, puis à travers le parti des Indigènes de la République (PIR) autour notamment de Houria Bouteldja, jusqu’à déplorer « le rapprochement, à partir de 2019, entre les décoloniaux autour du PIR et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».

      La charge n’est pas sans rappeler le débat suscité en 2021 par le texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, sur le « tournant identitaire » dans les sciences sociales françaises. Au risque d’ouvrir ici une vaste discussion plus stratégique sur les gauches françaises, qui n’a que peu à voir avec les discussions théoriques posées par les limites des premières vagues de la théorie décoloniale en Amérique latine ?

      Joint par Mediapart, Faujour assure le contraire : « Il n’y a pas d’étanchéité entre les deux espaces [français et latino-américain]. D’ailleurs, le livre [original publié en 2020 au Mexique] contenait un texte critique de Philippe Corcuff sur les Indigènes de la République. Par ailleurs, Bouteldja salue Grosfoguel comme un “frère”. Dussel et Grosfoguel sont venus en France à l’invitation du PIR. Tout l’appareillage lexical et conceptuel, la lecture historiographique d’une modernité débutée en 1492 unissant dans la “colonialité”, modernité, colonialisme et capitalisme, mais aussi la critique de la “blanchité”, entre autres choses, constituent bel et bien un fonds commun. »

      Mais certain·es redoutent bien une confusion dans la réception du texte, dans le débat français. « Pierre Gaussens et Gaya Makaran travaillent depuis le Mexique, avance Capucine Boidin. Je comprends une partie de leur agacement, lorsqu’ils sont face à des étudiants latino-américains, de gauche, qui peuvent faire une lecture simplifiée et idéologique de certains textes décoloniaux. D’autant qu’il peut y avoir une vision essentialiste, romantique et orientaliste des cultures autochtones, dans certains de ces écrits. »

      « Mais en France, poursuit-elle, nous sommes dans une situation très différente, où les études décoloniales sont surtout attaquées sur leur droite. Manifestement, Pierre Gaussens est peu informé des débats français. Ce livre arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec le risque de donner à la droite des arguments de gauche pour critiquer les études décoloniales. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/les-pensees-decoloniales-d-amerique-latine-violemment-prises-partie-depuis

  • Sécheresses et pluies extrêmes, les deux faces du changement climatique
    https://theconversation.com/secheresses-et-pluies-extremes-les-deux-faces-du-changement-climati

    Tout semble opposer les épisodes de sécheresse et ceux de pluie intense, comme les inondations dramatiques survenues en Espagne les 29 et 30 octobre 2024. Pourtant, du fait du changement climatique, ces deux extrêmes marchent désormais main dans la main.

    Avec le changement climatique, l’eau pose problème, que cela soit par son manque ou par son excès. Les inondations dramatiques survenues en Espagne les 29 et 30 octobre 2024, qui ont causé près de 100 décès, en livrent une nouvelle illustration.

    La situation en France du printemps 2024 illustrait bien le contraste : Sécheresse extrême dans les Pyrénées-Orientales, crues rapides dans le Gard ou encore inondations dans le Pas-de-Calais.

    Ces deux types de catastrophes climatiques sont en réalité les deux faces d’une même pièce, rendus plus fréquents et/ou plus intenses à l’échelle de la France, et parfois tout à la fois, avec une alternance de sécheresse et d’inondations sur les mêmes territoires. C’est un nouveau cycle de l’eau, parfois contrarié, auquel les territoires doivent s’adapter.

    L’occasion pour le paléoclimatologue et ancien vice-président du groupe 1 du GIEC (groupe chargé de l’évaluation des aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat) Jean Jouzel de rappeler quelques enjeux clés liés à l’eau dans le contexte du changement climatique.

    Cette « inéluctabilité » de l’#adaptation (de qui ou de quoi, pour qui et pourquoi ?) face aux #changements_climatiques ... Fatigue ...

  • #Ubuntu_25.04 Officially Opens for Development
    https://www.omgubuntu.co.uk/2024/10/ubuntu-25-04-officially-opens-for-development

    Ubuntu developers today announced that Ubuntu 25.04 ‘Plucky Puffin’ is officially open for development. There’s even a release date: Ubuntu 25.04 is out on April 17, 2025. Still, that’s a way off; there are 6 months of development stretching out ahead of us. But looking in to the distance one can’t help but wonder what new features Ubuntu 25.04 will offer. It’s too early in the release cycle to know, although #GNOME_48, a newer Linux kernel (likely 6.14), and Snap app improvements are all-but a given. Still, would it be too much to hope that the #Plucky cycle finally […] You’re reading Ubuntu 25.04 Officially Opens for Development, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without (...)

    #News

  • Emmanuel Macron rappelle à Netanyahu qu’il doit génocider la Palestine et le Liban en ayant comme priorité la protection des civils.
    https://www.middleeastmonitor.com/20241022-macron-tells-netanyahu-that-israel-must-prioritise-prote

    French President Emmanuel Macron urged Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu on Monday to safeguard civilian infrastructure in Lebanon and prioritise the protection of civilians while working toward a ceasefire, Anadolu has reported.

  • Vers des architectures autochtones ? Plaidoyer pour construire des plurivers
    https://metropolitiques.eu/Vers-des-architectures-autochtones-Plaidoyer-pour-construire-des-plu

    Cet essai-manifeste vise à réconcilier le milieu de l’architecture avec des pratiques, des pensées et des luttes susceptibles de changer son éthique. Mathias Rollot souligne la nécessité de faire évoluer l’architecture vers l’autochtonie et la pluriversalité. Dans Décoloniser l’architecture, l’architecte et enseignant-chercheur Mathias Rollot poursuit sa réflexion critique sur l’architecture. Il y promeut la métamorphose disciplinaire et l’évolution des pratiques en décrivant les liens entre #écologie, #Commentaires

    / colonialité, #militantisme, #biorégion, écologie, #architecture

    #colonialité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/elkaddioui.pdf

  • Le désert du Sahara connaît des records de pluie
    https://reporterre.net/Le-desert-du-Sahara-connait-des-records-de-pluie

    C’est un évènement météorologique rarissime. Une grande quantité de pluie s’abat, en ce début septembre 2024, sur le désert du Sahara, l’un des endroits les plus secs de la planète. Plus de 500 % des précipitations mensuelles normales en septembre devraient tomber au cours de cet épisode, qui pourrait s’étendre sur deux semaines. Très localement, ce cumul sera même supérieur à la normale de 1 000 %.

    Comme mentionné ici :
    https://seenthis.net/messages/1069581#message1070274

    Le #dérèglement_climatique fait rage.

  • Laurence Tubiana première ministre NFP : pfff… sérieusement ?
    https://www.frustrationmagazine.fr/laurence-tubiana-nfp-premiere-ministre

    Nous le disions dans notre article sur la “grande coalition” dans l’entre deux tours des législatives 2024 : une large partie du Nouveau Front Populaire cherche à marginaliser la France Insoumise dans le but de s’allier avec les macronistes et la droite. La proposition de l’économiste Laurence Tubiana comme Première Ministre par le Parti Socialiste, appuyée […]

    • Le Parti Socialiste et les médias font croire que les engueulades du Nouveau Front Populaire sont des histoires de personnes alors qu’il s’agit d’un débat politique de fond : faut-il gouverner avec les macronistes et la droite et continuer comme avant ? Ou faut-il tenter un gouvernement Nouveau Front Populaire sans majorité au risque de la censure ?

      J’ai une certaine rage en constatant ce que tous nous constatons, avec plus ou moins les mêmes mots. Le PS tente une nouvelle fois de nous la faire à l’envers, en nous expliquant que c’est de notre faute si on ne comprend pas l’intelligence et la pertinence de sa position.

      Aussi, cette sorte de mise en abîme me paraît tout à fait indispensable :

      https://rivals.space/@Meylody/112795043425021890

      La France Insoumise (parti extrémiste) bloque encore et toujours en refusant la candidature de Margaret Thatcher

      J’ajouterais que tous les gauchistes qui nous ont pourri la réflexion à nous la faire grands stratèges sur les LFI y sont pas démocrates, et les Mélenchon y doit se taire, il faudrait qu’ils conviennent qu’à la fois, ils souffrent d’un mal qui normalement ne touche que les poissons rouges, et que de plus, ils devraient se faire diagnostiquer leur syndrome de gauche de droite.

    • Juste un point de précision mais qui explique pas mal de la séquence actuelle : on dit que “le PS” a bloqué Bello mais la réalité que trop de monde oublie c’est que le PS doit aussi et surtout gérer ses propres divisions internes avec un premier secrétaire “aile gauche” qui l’a remporté d’un cheveux dans les élections internes face au candidat “aile droite”, et c’est sûrement pour éviter une scission interne au PS qui lui serait défavorable que Faure a rejeté Bello. L’aile droite, qui était devenue moribonde, reprend du poil de la bête avec la perte de vitesse de la macronie qui laisse à nouveau un espace à prendre au centre, le score (à mon avis en trompe-l-oeil précisément pour cette raison) de Glucksmann qui leur fait penser que c’est la bonne stratégie de divorcer de LFI et de revenir vers la bonne vieille sociale-démocratie, et le retour de Hollande à l’Assemblée en probable leader du groupe, si ce n’est officiel au moins officieux. Et le miroir à ça c’est que LFI, qui sent bien que le PS pourrait reprendre sa place historique, veut rester incarner “la vraie gauche” contre la hollandie, et donc ne surtout pas se compromettre dans des accords qui lui feraient perdre son marqueur auprès des électeurs.

      Guillaume Champeau

      La proposition de Lubiana laisse peu de doute sur le fait que c’est l’aile droite du PS qui a le plus de poids en interne, et cela n’augure rien de bon.
      En résumé : le NFP est pris en otage par l’aile droite du PS, qui ne rêve que de se séparer de LFI.

  • « C’est inhumain, ils sont affolés » : âgés de 80 à 102 ans, les locataires d’une résidence séniors mis dehors après une liquidation judiciaire
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/grenoble/c-est-inhumain-ils-sont-affoles-ages-de-80-a-102-ans-le
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/image/lsxLTq7tbYn9z_b7kwftbyt84jI/930x620/regions/2024/07/06/r-sidence-s-nior-en-liquidation-judicaire-dans-le-nord-

    Au Clos des Tilleuls, une quarantaine de propriétaires se partagent les appartements, qu’ils louent aux résidents. Avec la liquidation judiciaire de la société Cormaline, gestionnaire de la résidence séniors, personne ne sait ce qu’il va advenir de ce lieu.

    « Un jugement a été ordonné sans se préoccuper de ce que devenaient les résidents, je trouve ça complétement inadmissible et inhumain. Ils sont complètements affolés puisqu’il leur a été dit qu’il fallait qu’ils quittent les lieux, qu’il fallait chercher d’autres solutions. Ce n’est pas une usine que l’on ferme comme ça et on rend les clés. Là, il y a 44 résidents qui sont là », s’indigne le maire de Vézeronce-Curtin, Maurice Belantan.

    #plusbellelavie

  • Les médias en guerre contre le Nouveau Front populaire - Acrimed | Action Critique Médias
    https://www.acrimed.org/Les-medias-en-guerre-contre-le-Nouveau-Front

    Quand les médias partent en guerre contre la gauche, c’est violent, direct, sans nuance, mensonger, diffamatoire... un beau florilège à ne pas oublier. On ne peut plus dire que les médias sont le « quatrième pouvoir »... elles revendiquent maintenant la première place, celle qui choisit les représentants, décide des programmes et organise les exécutions « médiatiques ».

    La campagne médiatique nauséabonde subie durant trois semaines par le Nouveau Front populaire rappelle dans les grandes lignes celle que les partisans du « non » avaient vécu en 2005 lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen. Mais si, à l’époque, les médias avaient unanimement soutenu le « oui », usé et abusé de raccourcis et d’artifices, nous n’avions jamais vu un tel déluge de calomnies débridées, de mensonges et de mauvaise foi. Nous le disions, ces derniers mois les digues sautent les unes après les autres et l’horizon s’assombrit encore un peu plus sur les médias... et sur la société.

    Mais depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et la constitution du Nouveau Front populaire, les dernières digues de la déontologie ont cédé. Les calomnies et les vilenies d’hier sont devenues les vérités mensongères et les évidences injurieuses d’aujourd’hui. La diffamation triomphe en continu sur les chaînes de débats et la propagande ne connaît plus de limite. Avec une arme de disqualification massive...

    « Antisémitisme » à tous les étages

    #Médias #Diffamation #Plutôt_Hitler_que_le_front_populaire

  • #Tcherkesov (Suite et fin)
    https://www.partage-noir.fr/tcherkesov-suite-et-fin

    Durant neuf ou dix années, jusqu’en 1892, Tcherkesov passa quelques temps dans son pays, en Géorgie même ; il resta aussi en Asie Mineure, à Trébizonde, à Constantinople, en Bulgarie et se trouva en dernier lieu à Plœshti, en Roumanie, où demeurait un de ses amis, le socialiste roumain, C. Dobroglanu-Gherea, auteur très estimé, échappé, lui aussi, de la Russie. Je ne sais si ce furent les exigences de la vie (qu’il gagnait toujours par quelque travail d’occasion, restant très pauvre toute (...) #Plus_Loin_n°9_-_15_novembre_1925

    / Tcherkesov, #Plus_loin, Révolution russe (1917-1921), Archives Autonomies

    #Révolution_russe_1917-1921_ #Archives_Autonomies_
    https://www.partage-noir.fr/IMG/pdf/plusloin-n009.pdf