• Le #dégel du #point_d’indice, ou l’art d’offrir ce qui est dû

    C’est l’une des mesures phares proposées par le gouvernement pour parer à l’érosion du #pouvoir_d'achat des #fonctionnaires. Toute la question est de savoir si ce geste est aussi généreux qu’il prétend l’être.

    Alors, commençons par le commencement : le point d’indice, c’est tout simplement la valeur de base à partir de laquelle sont calculés tous les salaires des fonctionnaires. C’est cet outil qu’a choisi d’utiliser le gouvernement pour faire face à la hausse brutale de l’#inflation, comme le rappelle Stanislas Guerini, le ministre de la Fonction publique, lundi 6 juin sur franceinfo. « Dans le texte que nous sommes en train de préparer pour le pouvoir d’achat des Français, il y aura aussi le dégel du point d’indice, confirme Stanislas Guerini. La #revalorisation du point d’indice. C’est un geste de reconnaissance du travail, évidemment. De reconnaissance aussi des difficultés avec le retour de l’inflation. On a cette situation inédite. » Le dégel du point d’indice serait un geste de reconnaissance des difficultés liées à l’inflation, et de #reconnaissance du travail fourni par les fonctionnaires.

    L’érosion du pouvoir d’achat

    On peut, me semble-t-il, hausser au moins un sourcil face à cette argumentation. Le point d’indice, c’est avant tout l’outil permettant d’ajuster les salaires des fonctionnaires par rapport à l’inflation. Entre 1995 et 2010, il a été revalorisé 24 fois pour que le pouvoir d’achat des fonctionnaires ne diminue pas en raison de la hausse des prix ! Puis, en 2010, il est gelé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et il le restera pendant la présidence de François Hollande, pour l’essentiel, et pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, intégralement.

    Conséquence : des économies substantielles pour l’État, et une érosion du pouvoir d’achat pour les fonctionnaires. Selon un rapport de l’INSEE publié en août 2021, les salaires dans la fonction publique, corrigés de l’inflation, ont diminué de 0,7% entre 2009 et 2019. Dans le même temps, les salaires du privé, eux, augmentaient de près de 5%.

    En apparence l’érosion est limitée, mais en apparence seulement, car elle masque de très fortes disparités. Dans une tribune parue en mars dernier dans Le Monde, l’économiste Philippe Askenazy explique que les gouvernements successifs ont rendu une partie des crédits économisés sur le point d’indice par le biais de ce que l’on a appelé « la #politique_catégorielle ». Pour faire simple, certains corps de la fonction publique ont été augmentés au détriment des autres. Les grands corps techniques, l’#Ena, la #police ont vu le gel du point compensé, voir surcompensé. En revanche, les #enseignants et les « petits » fonctionnaires, les fonctionnaires de catégorie C, ont été de grands perdants.

    Il y a donc un certain cynisme à entendre Stanislas Guerini nous dire que le dégel du point d’indice serait une « reconnaissance du travail fourni par les fonctionnaires » Non, ce n’est pas un cadeau de la part du gouvernement, c’est un dû pour compenser l’érosion de leur pouvoir d’achat, du fait des décisions prises, notamment, par ce même gouvernement.

    Des solutions floues

    Le gouvernement ne se concentre pas uniquement sur le salaire des fonctionnaires. #Stanislas_Guerini est également sensible à une autre dimension, le #sens et la #mission. « Il faut faire un petit peu faire respirer les carrières des agents de la fonction publique. Leur permettre de retrouver du sens, de l’action. C’est vrai qu’il y a un enjeu de sens. Mois c’est ça qui me frappe beaucoup, il faut redonner le sens à la mission des services publiques. Au fond, la raison d’être d’une certaine façon des services publiques. »

    Il faut « redonner le sens de la mission du service public. » Alors oui, certes. Mais comment ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que les solutions avancées par Stanislas Guerini sont floues… En revanche, on peut trouver une piste dans un article publié en 2015 par la chercheuse Florence Audier et ses collègues. Ils reviennent sur la multiplication des #primes à la #performance, qui font partie des mesures décidées pour compenser le gel du point d’indice. Et ils expliquent que ces primes à la performance contribuent à déconstruire le sens de la mission dans la fonction publique, en l’éloignant de son idéal : celui d’agents désintéressés, au service de l’#intérêt_général. La « #crise_de_sens » dont s’émeut Stanislas Guerini viendrait donc, en partie au moins, d’une politique suivie par son propre gouvernement. Après avoir proposé d’offrir une hausse de salaires qui était due, le voilà donc désormais qui cherche à compenser ce qu’ils ont eux-mêmes abîmé.

    https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/le-degel-du-point-dindice-ou-lart-doffrir-ce-qui-est-du_5176270.html#xt
    #salaire #salaires #fonction_publique #travail

  • #Salaire des #fonctionnaires : « On entre dans une logique de #contractualisation et de #liberté »

    Selon le spécialiste de la réforme de l’Etat #Luc_Rouban, la #conférence_sur_les_perspectives_salariales des fonctionnaires qui s’ouvre mardi pourrait acter la mise en place d’une nouvelle architecture de la fonction publique.

    Alors que la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, ouvre, mardi 21 septembre, une conférence sur les #perspectives_salariales des fonctionnaires, le spécialiste de la réforme de l’Etat Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS, chercheur au Centre d’études de la vie politique française de Sciences Po (Cevipof), montre que cela sous-tend une transformation profonde de la #fonction-publique.

    A six mois de la présidentielle, ouvrir une conférence de six mois sur la rémunération des fonctionnaires, est-ce un gadget politique ou le début d’un vrai travail de fond ?

    C’est le début d’un vrai travail de fond. S’il s’agissait d’un gadget politique, le calendrier serait particulièrement mal choisi. Des promesses faites aujourd’hui n’engagent à rien… Ce serait même plutôt un mauvais calcul politique.

    Là, il s’agit de régler un problème de fond. La disparition d’un certain nombre de #corps (celui des préfets, des inspections, etc.) amorce une réforme plus large de la fonction publique française. Celle-ci sort d’un #modèle_corporatif et se dirige vers un #modèle_d’emploi, comme dans la plupart des pays européens.

    C’est-à-dire ?

    L’existence de corps fait que le parcours des fonctionnaires est prévu à l’avance. Là, on fait sauter le #verrou_corporatif, et une nouvelle architecture de la fonction publique se met en place, avec une relation plus individualisée entre l’agent et l’employeur. Cela permet une plus grande #mobilité pour les fonctionnaires. Mais cela remet aussi en cause tout le système de #rémunération et de #progression. Il faut donc d’autres règles générales pour encadrer cette nouvelle situation, situation dans laquelle le jeu stratégique entre les #syndicats et le #gouvernement est brouillé.

    Car on sort également de l’habitude du grand rendez-vous salarial annuel tournant autour de la question de l’augmentation générale du #point_d’indice, avec une application corps par corps. On entre dans une logique de #contractualisation et de #liberté. Le poids de l’#avancement pèse sur le fonctionnaire à titre individuel beaucoup plus qu’avant : ce sera à lui de se préparer, de chercher des formations, de rédiger un bon CV, de solliciter un autre ministère ou un autre établissement public, d’accepter d’être mis en #concurrence avec d’autres agents ou des candidats venant du privé.

    On se rapproche de la logique du privé. C’est plus compliqué pour le fonctionnaire, mais les corps conduisent aussi à ce qu’après quelques années, on se retrouve bloqué dans son avancement. Vous arrivez à 45, 50 ans et vous n’avez plus beaucoup d’avenir. Il est souvent impossible d’accéder à l’#indice_salarial le plus élevé, et cela nourrit de la #frustration et du #mécontentement.

    Le système est donc bien à bout de souffle, comme le dit #Amélie_de_Montchalin ?

    Jusqu’à Nicolas Sarkozy, on faisait des augmentations générales, et on s’arrangeait avec les #primes. C’est une fausse #individualisation. Le système est bloqué et s’auto-reproduit : la #hiérarchie, des grands corps au sommet jusqu’aux fonctionnaires de catégorie C, est figée. Pourtant, la crise sanitaire a mis en lumière le caractère essentiel des #emplois_d’exécution. On commence donc à s’interroger sur la #hiérarchie_sociale et l’#utilité relative des uns et des autres dans la fonction publique.

    Dans la perspective de la présidentielle, tout cela représente-t-il un atout pour Emmanuel Macron afin de séduire les 5,6 millions de fonctionnaires, quand la socialiste Anne Hidalgo propose de doubler le salaire des enseignants ?

    Il peut se démarquer face à la proposition d’Anne Hidalgo, qui reste quantitative et très spécifique, en proposant une refonte qualitative concernant l’ensemble des fonctionnaires qui associe la question des #rémunérations à celle du déroulement des #carrières, des #qualifications et des #conditions_de_travail. Cela lui permet de faire du « en même temps » puisqu’il peut aussi se présenter comme quelqu’un de responsable qui cherche à préserver les équilibres budgétaires ou, du moins, à limiter les déséquilibres.

    En mécontentant donc l’électorat de droite, essentiel pour le candidat Macron, qui souhaite diminuer la dépense publique ?

    L’électorat de droite n’est pas totalement néolibéral… Même à droite, on défend le service public et l’Etat-providence. Le patronat a applaudi les mesures exceptionnelles qui ont protégé les entreprises et les salariés. Les Français ont conscience que le #service_public assure un minimum de #cohésion_sociale, ne serait-ce que par les forces de sécurité. Il existe une demande très forte de protection et d’intervention publique. La droite parlementaire fait une erreur stratégique en reprenant la logique néolibérale de 2017. Elle dit qu’il faut diminuer les dépenses, et donc, le nombre de fonctionnaires, mais sans proposer de réflexion sur l’architecture interne de la fonction publique et sur ses métiers. C’est donc un moyen pour Emmanuel Macron de se démarquer, ici aussi.

    https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/09/20/salaire-des-fonctionnaires-on-entre-dans-une-logique-de-contractualisation-e
    #fonctionnariat #néo-libéralisme

  • #Fonctionnaires : le #gel du #point_d’indice prévu jusqu’en 2022 - Challenges
    https://www.challenges.fr/economie/fonctionnaires-le-gouvernement-table-sur-un-gel-du-point-d-indice-jusqu-e
    #enfoirés
    #gel_ou_vaseline ?
    #mythos
    500 millions en 2021 pour les #enseignants, mais ensuite —>

    « Ce sont quelques lignes passées inaperçues qui pourraient faire du bruit dans la fonction publique. Dans un rapport de novembre, le Conseil d’orientation des #retraites (#COR) a lâché une petite bombe qui concerne la paie de quelque 5 millions de fonctionnaires. Selon ce document, qui établit des prévisions financières concernant les retraites et s’appuie sur des données du ministère du #Budget, le #gouvernement table en effet sur un gel du #point d’#indice, qui sert de base au calcul de la #grille des #traitements des fonctionnaires, jusqu’en #2022. »

    • Une petite bombe passée inaperçue : le gouvernement table sur une progression de la rémunération moyenne des fonctionnaires moins rapide que le salaire moyen français jusqu’en 2025 et un gel du point d’indice jusqu’en 2022.