• Ô mon #français !

    J’ai passé ma jeunesse à suer sur des dictées à quatre points la faute, j’ai même fini par aimer ça. Suffisamment pour m’en infliger en dehors de l’école. J’ai le souvenir d’une dictée de Pivot, retransmise en direct à la télé, que j’avais tenu mordicus à faire. Télé vieillotte, en noir et blanc avec un écran qui crépitait et un son qui grésillait, dont il fallait ajuster la fréquence de la chaine à la main à l’aide d’un bouton-potentiomètre. Évidemment, je n’étais pas très fort, et j’enfilais les fautes comme les perles. Mais j’étais fier de faire mon maximum pour faire honneur à ma langue maternelle. Paternelle aussi, d’ailleurs. Et puis j’ai appris l’anglais, avec difficulté, tant bien que mal. Ça me paraissait au moins autant abscons et complexe que le français, mais c’était ainsi. Plus tard, j’étais en Italie, alors j’ai appris l’#italien. Également avec des efforts (je ne suis pas particulièrement doué pour les langues étrangères), mais le quotidien aidant, au bout de quelques mois (enfin, environ douze !) je fus capable de tenir une conversation. J’ai compris que l’italien était bien plus simple (et cela n’empêche pas les Italiens d’avoir une culture très riche !) que le français, ne serait-ce que parce qu’il se prononce quasiment comme il s’écrit (et inversement). Contrairement au français (et à l’anglais). De quoi avoir 20/20 à une dictée d’italien. Mais pour la peine, ça ne serait pas drôle. Donc il n’y a pas de dictée en italien.

    Plus tard je suis tombé sur la vidéo d’une courte conférence intitulée « la faute de l’orthographe » par deux profs belges (inventez un mot, puis calculez combien il y aurait – théoriquement – de manières de l’écrire en français). Cette vidéo m’a ouvert l’esprit. J’ai compris que l’orthographe n’était qu’un #outil. Que la langue n’était qu’un outil ; pour communiquer, transmettre des idées, en l’occurrence. Et que si l’outil était moins complexe à utiliser qu’il ne l’est, le temps incommensurable que l’on passe à l’étudier, à tenter d’essayer de l’apprivoiser, à éventuellement vouloir le maitriser, pourrait être dédié à faire des choses plus constructives. Des maths, de la physique, écrire, lire, réfléchir, jouer de la musique, ou avec son chat, faire du ski de rando ou grimper, bref, d’autres trucs. L’orthographe devait redescendre du piédestal sur lequel mes études l’avaient placé.

    Dans le même temps (ou avant, même, plutôt), cette histoire d’#écriture_inclusive commençait à infuser. Franchement, ajouter des points au milieu des mots dans une langue aussi complexe, ça n’allait pas aider. N’était-ce pas barbare ? En plus l’#Académie_française avait pris position contre cette incongruité. Alors…

    Et puis j’ai commencé à faire pas mal de vélo, je me suis acheté un casque à conduction osseuse pour pouvoir écouter des podcasts assis sur ma selle. J’en écoute à la pelle. Je suis tombé sur les émissions de Binge Audio, je ne sais plus trop comment, et surtout sur le podcast de #Laélia_Véron, « Parler comme jamais » (https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais). Notamment un épisode intitulé « Écriture inclusive : pourquoi tant de haine ? » que j’ai écouté par curiosité (https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/ecriture-inclusive-pourquoi-tant-de-haine). J’ai compris alors que l’écriture inclusive ne se limitait pas au point médian, loin s’en faut. Il y a beaucoup d’autres choses à côté. Mais alors pourquoi autant d’efforts à vouloir peser sur l’usage ? Simplement parce que les linguistes ont montré qu’une #langue_genrée avait un effet pas du tout négligeable sur les #inégalités_de_genre dans la société. Le linguiste #Pascal_Gygax, auteur de telles études, conclut un article de vulgarisation ainsi : « L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la #masculinisation de la langue et les données disent que la #masculinisation_de_la_langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. À partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir » (https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant). Quand il a commencé à vulgariser son travail, il a reçu une flopée d’insultes. Décidément, touchez pas au français… Et pourtant, y toucher, volontairement, c’est changer potentiellement les rapports au monde de la moitié de l’humanité (tout au moins des francophones).

    L’oppression de la femme par l’homme ne date pas d’hier, et le langage a été modelé par l’homme en ce sens au cours de l’histoire (comme pour leur interdire l’accès à certaines professions, par exemple). Le #patriarcat a ainsi fait son œuvre notamment via ce moyen de communication entre les humains et les humaines. Il semble n’y avoir que peu de langues, dans le monde, tout au moins celui qui vit dans les sociétés dites occidentales (même si elles sont aussi à l’orient suite aux colonisations), qui ne sont pas genrées, et ainsi, masculinisées.

    Le patriarcat est une forme de #capitalisme. Ce dernier est l’#exploitation des ressources naturelles (ce que l’on nomme pudiquement externalités !) ad nauseam, qui génère des pollutions (autres externalités) ad nauseam, mais c’est aussi l’exploitation des humains (ressources « humaines »). Dans ce cadre, le patriarcat se fait un malin plaisir à exploiter un peu plus les femmes. Dès qu’il s’agit d’augmenter les profits et de trouver des marchés, le capitalisme n’a aucune limite, même si l’Histoire a tout de même réussi à mettre fin au marché de l’esclavagisme. Enfin, pas partout ; et les femmes y sont probablement les plus mal loties.

    Pour mettre fin à ce capitalisme destructeur (de la planète, des sociétés humaines, de l’humanité), et à ses avatars que sont les nombreuses inégalités, dont les inégalités de #genre sous la forme du patriarcat qui perdurent y compris en France, il n’y a pas qu’une façon de faire, une méthode idéale, tracée, parfaite, avec un protocole qui resterait à appliquer. Ce qui est sûr, c’est que sans aplanir ces inégalités, c’est voué à l’échec, comme en témoigne le mouvement des Gilets Jaunes. La « solution » est nébulaire et diffuse, c’est pourquoi il faut faire feu de tout bois et utiliser tous les leviers disponibles. La langue, qui est l’outil avec lequel nous communiquons, est dans cette lutte d’une capitale importance : elle fabrique et façonne notre société ainsi que les rapports que nous avons entre nous.

    La langue française actuelle (re)construite historiquement petit à petit par la classe bourgeoise masculine dominante comme un outil d’accès réservé à l’#élite (masculine) n’est pas immuable : l’outil peut très bien être retourné pour servir la cause. Et donc évoluer dans une direction souhaitable. Inclusive. En somme, un effort minuscule (changer à la marge notre façon d’écrire et de parler) pour un résultat immense : une diminution des inégalités de genre ! Le jeu en vaut certainement la chandelle d’autant qu’il est appuyé par les résultats de la #linguistique. Les enjeux écologiques de frontières planétaires que nous sommes en train de dépasser sont très liés à la question des #inégalités : toute l’humanité n’est pas responsable des pollutions diverses et variées, seulement une minorité, la plus riche. Inégalités de richesse donc, mais aussi, et c’est lié, de genre, de race, de handicap, de classe, de religion, nord-sud, et j’en passe. Dans le jeu de celui qui est le plus fort, ce dernier trouve toujours un moyen d’enfoncer les plus faibles ; et tous les coups sont permis.

    Quand on identifie un nouvel outil dont il est démontré [1] qu’il pourrait permettre de diminuer une partie de ces inégalités pourquoi s’enfoncer dans un #conservatisme mortifère ? Allons-y ! Qu’avons-nous à perdre ? Le #français_inclusif, même si les études scientifiques se trompaient sur sa propension à diminuer les inégalités de genre, n’en serait pas moins toujours le moyen de communication au sein des sociétés francophones. Quant au #point_médian, ce n’est jamais qu’un raccourci à l’écrit, il n’est pas obligatoire [2], alors pourquoi tant de haine ? Je vous conseille la lecture de « Eutopia » de Camille Leboulanger, un roman qui raconte une société où la notion de propriété privée est abolie (non seulement des habitations, mais aussi de la nature, et même la notion de famille est revisitée !), seule perdure la propriété d’usage. Le roman est écrit au féminin générique. Vous verrez, ça rafraichit !

    Mais la langue française n’attise pas les passions que sur les questions de genre. Je vous invite à lire le tract Gallimard « Le français va très bien, merci » par le collectif des Linguistes atterrés (https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci). Quelques citations glanées çà et là pour un panorama de ce que j’en retiens : « Le français n’a jamais été homogène. Le #standard unique est un mythe. » 300 millions de personnes parlent français dans le monde, il fait partie des cinq langues les plus parlées sur la planète. « Le français n’est pas envahi par l’anglais. […] Le contact entre les langues ressemble davantage à un jeu à somme positive qu’à une guerre : ce que « gagne » l’une, l’autre ne le perd pas. […] Le #mélange, l’impur sont signe de vitalité pour une langue. Le séparé, le pur, une vue de l’esprit, un idéal, une langue statufiée. La langue se renouvèle d’abord parce que le monde change et qu’il faut le nommer, pour le meilleur et pour le pire (« covid » est-il un mot anglais ou français ?), mais aussi par besoin expressif, par jeu, pour faire place aux jeunes, aux autres, à l’altérité. » Autre idée reçue : « le français n’est pas règlementé par l’Académie française. » Elle n’a aucun pouvoir sur la langue, et ne renferme aucun (ni aucune d’ailleurs) spécialiste de la langue puisqu’aucun (ni aucune) linguiste n’y siège. Son dictionnaire est obsolète et sa grammaire encore plus. Dans leur ouvrage « Le français est à nous ! », les linguistes Laélia Véron et Maria Candea posent la question « Au XXIe siècle, à quoi sert l’Académie française ? » Elles répondent : « À rien. Rigoureusement à rien. C’est une institution d’opérette. […] qui sert encore à recycler confortablement des personnalités, grâce à un patrimoine exorbitant et à des finances opaques. » L’orthographe est compliquée : « Il est devenu pratiquement impossible d’écrire sans faire aucune faute. » Cela parce que l’orthographe n’a pas été réformée depuis quasiment deux siècles : la dernière réforme en date, celle de 1990 « peine à s’imposer dans les pratiques. […] Et si notre orthographe ne parvient pas à faire peau neuve, c’est parce qu’elle est devenue un #marqueur_social extrêmement puissant qui donne l’illusion de pouvoir juger des facultés linguistiques de quelqu’un sans entrer dans la complexité de la syntaxe, du vocabulaire ou de tout ce qui constitue la véritable qualité d’un texte écrit. » Bref. Convaincu que réformer l’orthographe est un nivèlement par le haut, j’ai décidé, depuis la lecture de cet opus, d’appliquer la réforme de 1990 au mieux. Pour cela, je m’aide du logiciel Antidote (https://www.antidote.info/fr/blogue/enquetes/redaction-inclusive), qui est également utilisé par les étudiantes et les étudiants à l’université au Québec, tout comme elles (et les nôtres aussi) utilisent la calculatrice. Il y a beaucoup d’autres choses dans ce petit livre, que je vous laisse découvrir. Car vous allez le lire, maintenant, n’est-ce pas ?

    [1] « Le langage inclusif […] a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes. »

    [2] Même si : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. » selon le psycholinguiste Léo Varnet.

    http://gblanc.fr/spip.php?article780
    #langue #langue_française #orthographe 

    • La faute de l’orthographe | #Arnaud_Hoedt et #Jérôme_Piron

      Nous avons été profs de français. Sommés de nous offusquer des #fautes_d'orthographe, nous avons été pris pour les curés de la langue. Nous avons écrit pour dédramatiser, pour réfléchir ensemble et puis aussi parce que nous avons toujours pensé que l’#Académie_Française avait un vrai potentiel comique. « Les deux belges qui veulent simplifier la langue française » : tout est faux dans cette phrase. Pas « simplifier » mais bien faire preuve d’esprit critique, se demander si tout se vaut dans notre orthographe. Pas deux Belges, mais bien deux curieux qui veulent transmettre le travail des linguistes de toute la francophonie, pas même la « langue française », seulement son orthographe. Car l’orthographe, c’est pas la langue, c’est juste le code graphique qui permet de la retranscrire. Passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s’agit peut-être que d’un énorme #malentendu. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation. Ils ont vécu 25 ans sans se connaître, mais c’était moins bien. Ils ont ensuite enseigné pendant 15 ans dans la même école. Quand Arnaud participe à la rédaction des programmes de français en Belgique, Jérôme se spécialise en médiation culturelle. En 2016, ils écrivent et mettent en scène le spectacle « La Convivialité », au Théâtre National de Bruxelles. Ce spectacle conférence qui traite de la question du rapport dogmatique à l’orthographe tourne depuis 3 ans dans toute la francophonie. Dans la foulée, ils publient l’ouvrage « La faute de l’orthographe », aux éditions Textuel. Ils se définissent comme suit : « Linguistes dilet(t)antes. Pédagogues en (robe de) chambre. Tentent de corriger le participe passé. Écrivent des trucs. Vrais-Faux Comédiens. Bouffeurs d’Académicien ». A la question « est-ce que ça se dit ? » , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire ».

      https://www.ted.com/talks/arnaud_hoedt_jerome_piron_la_faute_de_l_orthographe
      #tedx

    • Comment le masculin forge la pensée de l’#enfant

      Les données disent que la langue masculinisée influence nos pensées. C’est du moins la conclusion du nouveau livre du psycholinguiste fribourgeois Pascal Gygax.

      Le cerveau pense-t-il au masculin ? C’est la question que pose Pascal Gygax, psycholinguiste à l’Université de Fribourg, en titre d’un livre* publié récemment avec la linguiste Sandrine Zufferey et la psychologue sociale Ute Gabriel. Pas de suspense inutile : la réponse est oui. L’ouvrage le montre à travers une multitude d’études suisses et internationales qui ont analysé l’influence du langage genré sur les représentations sexistes. « Sur ce sujet, il y a cinquante ans de recherches et quelque 200 études, explique Pascal Gygax, premier auteur. Il était temps d’écrire un livre grand public pour recadrer le débat, qui est devenu très passionnel. » Les réactions à l’ouvrage en attestent. « Depuis dix-sept ans que je travaille sur cette thématique, je n’ai jamais reçu autant d’insultes, confie le Biennois. Il s’agit surtout d’hommes blancs quinquagénaires ou sexagénaires dans des positions dominantes qui m’écrivent pour m’expliquer leur point de vue, souvent très peu documenté. C’est dommage, car le but était justement de prendre de la hauteur de manière scientifique. »

      Le livre se penche en particulier sur l’interprétation de la forme grammaticale dite « générique ». En français, en allemand, en anglais et dans d’autres langues, le genre masculin est également utilisé pour le genre « neutre », au singulier ou au pluriel (en plus de son sens « spécifique »). Exemple tiré du livre : « When a kid goes to school, he often feels excited on the first day » (« Quand un enfant va à l’école, il se sent souvent excité le premier jour »). Le « he » a ici fonction de générique. En français, on peut l’expliquer de la manière suivante : dans « Il y a beaucoup d’excellents chercheurs en Suisse », le mot « chercheur » devrait également inclure tous les genres. Problème : ce sens générique n’est pas perçu comme tel.
      Le générique n’est pas neutre

      En 1984, Janet Hyde, une chercheuse étatsunienne, a demandé à des personnes en formation d’âges différents d’écrire une histoire commençant par la phrase avec l’enfant citée au paragraphe précédent. Chez les universitaires, 21% des récits portaient sur un personnage féminin contre 7% chez les 5-12 ans. Pour l’immense majorité, le masculin a donc induit une représentation masculine.

      En 2008, une étude de Pascal Gygax et de ses collègues a montré qu’en français et en allemand, il était difficile d’appréhender des suites de phrases présentant des femmes après des amorces avec un métier ou une activité au masculin pluriel (« les musiciens », par exemple), donc pouvant agir comme générique. En clair : il est naïf de penser que le générique puisse être complètement détaché du masculin.

      L’ouvrage regorge aussi d’exemples qui témoignent à quel point la langue a été construite autour du masculin. Il n’est pas innocent que l’on dise « Adam et Eve » et « mari et femme ». Selon une méta-analyse réalisée en 2016 par Peter Hegarty et ses collègues, l’ordre de mention est souvent lié à l’importance perçue des entités mentionnées. Et cette masculinisation est au moins en partie intentionnelle, expose le livre. On apprend par exemple qu’aux Etats-Unis et en Angleterre, le pronom pluriel neutre « they » était utilisé jusqu’au XIXe siècle comme singulier lorsque l’on ne connaissait pas le genre d’une personne. Mais que des grammairiens ont imposé le pronom « he » (« il ») comme générique, le jugeant plus « digne ». Le « they » revient en force aujourd’hui.

      Ce langage activement androcentré « nous force à voir le monde au travers d’un prisme masculin », participant aux inégalités entre les genres, soutient l’ouvrage. C’est là qu’intervient le langage inclusif, boîte à outils permettant de « démasculiniser » l’expression orale et écrite. En français ou en allemand, les doublets (« écrivaines et écrivains ») ou les formes contractées des doublets (« écrivain·es ») peuvent par exemple être utiles pour réduire les stéréotypes associés aux métiers. Sabine Sczesny le confirme. Professeure de psychologie sociale à l’Université de Berne, elle a notamment réalisé des travaux mettant au jour un lien entre attitude sexiste et opposition au langage inclusif : « Les filles sont plus intéressées par les professions typiquement masculines lorsqu’elles leur sont présentées sous forme de conomination par rapport à la forme masculine. »
      Le chat des voisins

      Anne Dister, professeure de linguistique à l’Université Saint-Louis de Bruxelles, pense également qu’il est judicieux de mentionner les professions avec un double nom si elles sont stéréotypées masculines, et de mentionner les titres de postes masculins et féminins dans les offres d’emploi. Toutefois, elle juge inutile de vouloir systématiquement tout féminiser et plaide pour « l’économie du langage ». « Dans certains contextes, ce n’est simplement pas pertinent. Si je raconte que mes voisins ont adopté un chat, quel est l’intérêt de préciser leur genre ? »

      Anne Dister juge par ailleurs que le générique, dans les interactions langagières au quotidien, est très bien compris comme tel : « Qui pense sérieusement que les femmes ne peuvent pas traverser sur un passage pour piétons ? » Elle conteste aussi les affirmations selon lesquelles la langue aurait été entièrement masculinisée par les grammairiens : « Le lexique pour certains noms, assurément. Mais pas la grammaire. On prend d’ailleurs toujours les mêmes exemples. » Et de poursuivre : « Ce qui invisibilise, ce n’est pas tant le masculin que notre connaissance du monde. Aujourd’hui, le terme « ministre » qui est épicène n’active pas les mêmes représentations qu’il y a cinquante ans. » La linguiste sait de quoi elle parle. Avec Marie-Louise Moreau, elle a analysé l’évolution des termes utilisés par les candidates aux élections européennes en France et en Belgique pour se décrire depuis 1989 (« sénatrice » ou « sénateur », typiquement). Résultat : la féminisation est massive.

      Accordons-nous trop d’importance au langage ? N’est-il pas uniquement le reflet de la société et appelé à évoluer avec elle ? « Il ne sert presque à rien de se poser cette question, répond Pascal Gygax. L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la masculinisation de la langue et les données disent que la masculinisation de la langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. A partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir. »

      Les attaques personnelles subies après la publication du livre n’entament d’ailleurs en rien l’engagement du chercheur, très présent dans les médias : « J’ai toujours eu envie de sortir de la bulle académique. »

      *« Le cerveau pense-t-il au masculin ? », Pascal Gygax, Sandrine Zufferey, Ute Gabriel, Le Robert, 2021, 176 pages

      https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant

    • Le français va très bien, merci

      « Nous, linguistes de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, sommes proprement atterrées par l’ampleur de la diffusion d’idées fausses sur la langue française. » Les Linguistes atterrées
      Les discours sur les "fautes" saturent quasiment l’espace éditorial et médiatique contemporain. Mais la différence entre une faute et une évolution, c’est la place qu’elle occupera à long terme dans l’usage. Et l’usage, ça s’étudie avec minutie. C’est le travail des linguistes. Face aux rengaines déclinistes, il devient indispensable de rétablir la rigueur des faits. Non, l’orthographe n’est pas immuable en français. Non, les jeunes, les provinciaux ou les Belges ne "déforment" pas la langue. Oui, le participe passé tend à devenir invariable. Non, le français n’appartient pas à la France. Oui, tout le monde a un accent, voire plusieurs. Dix idées reçues sur la langue, et surtout trente propositions pour en sortir.

      https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci
      #Linguistes_atterrées

    • J’ai écrit : il meure. Tranquilou. Au bout de deux jours je me suis dit mmm il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai cherché et trouvé : il meurt ! Me suis dit ,mais pourquoi écrire il meure comme ça ? Quelle raison logique ? Pas trouvé de réponses satisfaisantes . Il y a toujours moyen de faire des fautes, TOUJOURS ! C’est pénible.

  • L’#écriture_inclusive par-delà le #point_médian

    La #langue_inclusive est l’objet de vives polémiques, mais aussi de travaux scientifiques qui montrent que son usage s’avère efficace pour réduire certains #stéréotypes induits par l’usage systématique du #masculin_neutre.

    Où sont les femmes dans une langue où le #genre_masculin peut désigner à la fois le #masculin et le #neutre_générique_universel ? En effet, si vous lisez ici : « Les chercheurs s’intéressent aux discriminations de genre », comprenez-vous « chercheurs » en tant que « les hommes qui contribuent à la recherche » ou comme « les personnes qui contribuent à la recherche » ? Impossible de trancher.

    Sharon Peperkamp, chercheuse au sein du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique1 explique : « Il existe une #asymétrie_linguistique en #français où le genre masculin est ambigu et peut être interprété de deux manières, soit comme générique – incluant des personnes de tous genres, soit comme spécifique, incluant uniquement des hommes. Or, on sait depuis longtemps que ce phénomène peut induire un #biais_masculin qui peut avoir a des conséquences sur les #représentations. » Partant de ce postulat que les usages langagiers participent aux #représentations_sociales, les psycholinguistes ont voulu vérifier dans quelle mesure une modification contrôlée de ces usages, notamment par le recours à des tournures dites « inclusives », pouvait affecter certains #stéréotypes_de_genre.

    L’#inclusivité, la #langue_française connaît déjà !

    Un large mouvement a été engagé il y a déjà plusieurs décennies pour reféminiser les usages de langue et la rendre plus égalitaire, à travers l’usage de ce qu’on qualifie aujourd’hui d’ « écriture inclusive ». Mais cette dernière fait #polémique. Des #controverses qui se sont invitées jusqu’au Sénat : le mercredi 25 octobre 2023, la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-404.html). Les parlementaires ont en effet estimé « que l’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages ». Jugeant, en outre, que « l’écriture inclusive constitue, plus généralement, une #menace pour la langue française ». Cependant, si tous les regards sont tournés vers l’#écrit et plus précisément vers le point médian, cet aspect-là ne constitue qu’une infirme partie des nombreuses #stratégies_linguistiques proposées pour rendre la langue moins sexiste, tant à l’oral qu’à l’écrit.

    Dans son guide (https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egacom_sans_stereotypes-2022-versionpublique-min-2.p) « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », publié en 2022, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) définit ainsi le #langage_égalitaire (ou non sexiste, ou inclusif) comme « l’ensemble des attentions discursives, c’est-à-dire lexicales, syntaxiques et graphiques qui permettent d’assurer une #égalité de représentation des individus ». Il signale que « cet ensemble est trop souvent réduit à l’expression “écriture inclusive”, qui s’est imposée dans le débat public mais qui ne devrait concerner que les éléments relevant de l’écriture (notamment les abréviations) ». Nous adopterons donc ici l’expression « langage inclusif » ou « langue inclusive » pour désigner les usages oraux et écrits qui permettent d’exploiter les ressources linguistiques à notre disposition pour noter les différents genres.

    « Ce n’est pas la langue française qui est sexiste, ce sont ses locuteurs et locutrices. Qui ne sont pas responsables de ce qu’on leur a mis dans la tête, mais de ce qu’elles et ils en font », affirme Éliane Viennot, professeure émérite de littérature. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que l’on reféminise la langue. On ne la féminise pas, on la reféminise parce qu’elle a été masculinisée. En fait, il s’agit de la faire fonctionner comme elle sait faire. Tous les noms féminins de métiers, de fonctions sont là depuis toujours – sauf évidemment s’ils correspondent à des activités nouvelles. »

    Et de poursuivre : « Les #accords_égalitaires sont là. Depuis le latin, nous savons faire des #accords_de_proximité ou des #accords_de_majorité. Nous savons utiliser d’autres termes pour parler de l’humanité que le mot “homme”. Nous savons faire des #doublets – il y en a plein les textes anciens, notamment les textes réglementaires. C’est une question de #justesse, ce n’est pas une question de #féminisme. Nos ancêtres n’étaient pas plus féministes que nous ; simplement, ils utilisaient leur langue comme elle s’est faite, comme elle est conçue pour le faire ».

    Le langage inclusif en pratique

    De fait, le français met à notre disposition différentes #stratégies permettant une meilleure représentation des femmes et des minorités de genre dans ses usages. Il est possible de distinguer deux types de stratégies.

    D’une part, les stratégies dites « neutralisantes ». « Il s’agit, non pas d’utiliser du neutre tel qu’il est présent dans la langue aujourd’hui – puisque ce neutre est pensé comme masculin, mais de retrouver du #neutre, de retrouver du commun », expose Eliane Viennot. Cela passe notamment par le recours à des #termes_épicènes, c’est-à-dire des termes qui ne varient pas en fonction du genre comme « scientifique », « architecte », « artiste »… ou encore le pronom « #iel » qui est employé pour définir une personne quel que soit son genre (« les architectes ont reçu des appels à projet auxquels #iels peuvent répondre »).

    Cela passe aussi par l’usage de #mots_génériques tels que « personnes » ou « individus ». Également par des formules englobantes avec des #singuliers_collectifs : « l’équipe » (plutôt que « les salariés »), « l’orchestre » (plutôt que « les musiciens »), « la population étudiante » (plutôt que « les étudiants »), « bonjour tout le monde » (plutôt que « bonjour à tous »). Ou encore par des tournures en apostrophe (« Vous qui lisez cet article » au lieu de « Chers lecteurs ») et autres reformulations, avec, par exemple, le recours à des formulations passives : « L’accès à la bibliothèque est libre » plutôt que « Les utilisateurs ont librement accès à la bibliothèque »).

    D’autre part, les stratégies dites « féminisantes », qui reposent notamment sur la #féminisation des noms de métiers, de fonctions et de qualités : « professeur » = « professeure » ; « Madame le directeur » = « Madame la directrice » ; « L’écrivain Virginie Despentes » = « L’écrivaine Virginie Despentes ». Autre exemple, la #double_flexion, également appelée « #doublet », qui consiste à décliner à la fois au féminin et au masculin les mots : « les lecteurs de cet article » = « les lecteurs et les lectrices de cet article » ; « les auditeurs peuvent nous écrire à cette adresse » = « les auditeurs et les auditrices peuvent nous écrire à écrire à cette adresse ».

    Ces #stratégies_féminisantes englobent aussi les points médians (préférés aux barres obliques et aux parenthèses), qui sont des abréviations de la double flexion : « les lecteur·ices de cet article » ; « Les auditeur·ices », etc. À l’oral, à l’instar des abréviations comme « Dr » ou « Mme » que tout le monde lit « docteur » et « madame », ces termes se prononcent simplement « les lecteurs et les lectrices » ou les « auditeurs et les auditrices » (plus rarement « les lecteurices » ; « les auditeurices »).

    On y trouve également des modalités d’#accords_grammaticaux qui permettent de bannir la règle selon laquelle « #le_masculin_l’emporte_sur_le_féminin ». Les accords de proximité, ou #accords_de_voisinage, qui consistent en l’accord de l’adjectif, du déterminant et/ou du participe passé en genre avec le nom qui se situe au plus proche et qu’il qualifie. Par exemple : « Les auditeurs et les auditrices sont priées d’écrire à cette adresse » ; « Les policiers et les policières sont prêtes à intervenir ». Et les accords de majorité, qui consistent à accorder l’adjectif, le déterminant et/ou le participe passé avec le terme qui exprime le plus grand nombre, par exemple : « Les éditrices et l’écrivain se sont mises d’accord sur le titre du livre ».

    Si le recours à ces différentes stratégies constitue un marqueur social et culturel pour le ou la locutrice, il est loin de ne relever que de la simple posture et produit des effets concrets qui font l’objet de nombreux travaux de recherche.

    Pour le cerveau, le masculin n’est pas neutre

    Des psycholinguistes se sont ainsi penchés sur les différences entre usage du masculin générique, des formules neutralisantes et des formulations féminisantes comme l’usage d’un pronom ou d’un article féminin et la double flexion pour dire les noms de métiers et de fonctions.

    C’est notamment le cas de Sharon Peperkamp2 : « Nous avons fait lire à nos sujets un court texte portant sur un rassemblement professionnel et leur avons demandé d’estimer le pourcentage d’hommes et de femmes présents à ce rassemblement. Lorsqu’il s’agissait d’une profession non stéréotypée – c’est-à-dire exercée de manière égale par des hommes et des femmes – et lorsque nous avions recours au masculin dit “générique”, les sujets sous-estimaient la proportion de femmes dans le rassemblement. En revanche, lorsque nous utilisions une double flexion, les sujets estimaient un ratio correspondant au ratio effectif dans la société. »

    La chercheuse poursuit : « Lorsqu’il s’agissait d’une profession stéréotypiquement masculine, et que la double flexion était utilisée, la proportion de femmes par rapport à la réalité était en revanche surestimée. » Pour cette psycholinguiste, ces résultats confirment que « il est faux de dire que le langage inclusif ne sert à rien. Il permet au contraire de donner un vrai boost à la visibilité des femmes et permet d’attirer davantage d’entre elles dans des filières supposées masculines. » Elle rappelle, en outre, que des études ont montré que les femmes sont davantage susceptibles de postuler à des #annonces_d’emploi dans lesquelles l’écriture inclusive est utilisée.

    De son côté, Heather Burnett, chercheuse CNRS au Laboratoire de linguistique formelle3, a travaillé sur les différences de représentation engendrées par l’usage d’un article au masculin dit « générique » et d’un article au féminin sur les noms de métier épicènes4 : « L’usage du masculin générique, supposé neutre, engendre un biais masculin. Alors, le masculin est interprété comme référant aux hommes. » Par exemple, « le journaliste » est compris comme un homme exerçant la profession de journaliste.

    C’est aussi ce qu’ont mis en évidence, dans une étude parue en septembre 20235, les psycholinguistes Elsa Spinelli, Jean-Pierre Chevrot et Léo Varnet6. Ce dernier expose : « Nous avons utilisé un protocole expérimental permettant de détecter des différences fines concernant le temps de réponse du cerveau pour traiter le genre des mots. Lorsqu’un nom épicène non stéréotypé est utilisé avec un article également épicène (par exemple “l’otage”ou “l’adulte”), les participants ont largement tendance à l’interpréter comme masculin. Autrement dit, notre cerveau n’interprète pas le masculin comme neutre ». Suivant le même protocole, l’équipe s’est ensuite penchée sur l’usage du point médian. Pour Léo Varnet, les conclusions sont très claires : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. »

    On constate par ailleurs que l’écriture inclusive peut parfois rallonger le temps de #lecture. Ce qui est normal pour Heather Burnett : « Les mots les plus courts et les plus fréquents sont simplement lus plus rapidement ». De son côté, Léo Varlet souligne que si le point médian ralentit un peu la lecture au début d’un article, les sujets s’adaptent et retrouvent rapidement leur rythme de lecture habituel.

    Ces travaux, les tout premiers s’appuyant sur des expériences contrôlées de psycholinguistique et menés avec des sujets francophones, n’épuisent certainement pas le débat scientifique sur les effets cognitifs du langage inclusif. Mais ils indiquent clairement que le recours à certaines tournures inclusives – en particulier dans des stratégies dites « féminisantes » (re)mobilisant des ressources présentes depuis longtemps dans la langue française –, a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes.♦

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/lecriture-inclusive-par-dela-le-point-median

    • Le CNRS ne doit pas être une plateforme militante !
      (mis ici pour archivage...)

      TRIBUNE. Un collectif de 70 personnalités du monde académique appelle la direction du CNRS de corriger les « dérives militantes » de son équipe chargée de la communication.

      Chercheurs et enseignants-chercheurs, nous sommes très attachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à la haute qualité des recherches qui y sont globalement menées en sciences humaines comme en sciences dures. Nous regrettons, du reste, le dénigrement trop fréquent dont cette institution fait l’objet de la part de personnes qui ne la connaissent pas.

      C’est la raison pour laquelle nous nous inquiétons que sa réputation soit ternie par le comportement militant de certains de ses représentants et sa communication. L’article publié dans le Journal du CNRS sous le titre « L’écriture inclusive par-delà le point médian » en est le dernier témoignage. Écrit par une journaliste qui a recueilli l’avis d’enseignants-chercheurs et de chercheurs favorables à l’usage de l’écriture et de la « langue » dites « inclusives », il y est donc entièrement favorable alors que cette forme est fortement controversée, y compris par des linguistes du CNRS.
      Hors cadre scientifique

      Certes, que trouver à redire à ce qu’un journaliste exprime un point de vue ? Rien, à condition du moins que celui-ci soit présenté comme tel et non comme un fait objectif. Mais dans le cas présent, cet article se trouve publié sur l’une des vitrines du CNRS, lui conférant un statut particulier : celui d’un fait scientifique avéré et estampillé par l’institution.

      D’ordinaire, Le Journal du CNRS fait part de découvertes scientifiques solidement étayées, que ce soit en sciences dures ou en sciences humaines. Mais c’est loin d’être le cas ici : l’écriture dite inclusive est un phénomène créé de toutes pièces par des militants, souvent liés au monde universitaire. Y a-t-il un sens à recueillir le point de vue exclusif des tenants de cette innovation militante pour présenter sur un site scientifique une conclusion qui lui est favorable ? La circularité de la démarche fait sortir du cadre scientifique qu’on est en droit d’attendre sur une vitrine de l’institution.

      Enfin, outre qu’il est partisan, l’article est malhonnête dans son propos comme dans ses illustrations. Ainsi, à aucun moment ne sont mentionnés les arguments émanant de chercheurs reconnus contre les prémisses qui ont conduit à l’élaboration de ce langage. L’article présente comme seuls opposants des politiciens et des syndicats de droite.
      Des débats politiques, pas scientifiques

      La communication du CNRS n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Faut-il rappeler les déclarations de certaines des plus hautes instances affirmant en 2021 que l’islamo-gauchisme n’existe pas (seraient-elles aujourd’hui aussi péremptoires ?) ou cautionnant l’usage du concept d’« islamophobie » ? Vu l’absence de tout consensus scientifique sur ces deux sujets, ils relèvent d’un débat politique que l’administration du CNRS n’a pas vocation à trancher.

      Le CNRS est un haut lieu de la recherche publique : son journal et son site ne peuvent devenir l’instrument d’une faction militante, sous peine de se discréditer et, avec lui, les chercheurs qui ont à cœur de remplir leur mission scientifique. En conséquence, nous demandons à sa direction de prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger ces dérives en exerçant un droit de regard sans complaisance sur le fonctionnement de sa communication. Il y va de la réputation de l’institution.

      *Cette tribune, signée par un collectif de 70 personnalités du monde académique, est portée par : Michel Botbol (professeur de psychiatrie, université de Bretagne occidentale) ; Bernard Devauchelle (professeur de chirurgie, université de Picardie Jules Verne) ; Dany-Robert Dufour (professeur de philosophie, université Paris-8) ; Nathalie Heinich (sociologue, DRCE CNRS, Paris) ; Catherine Kintzler (professeur de philosophie, université de Lille) ; Israël Nisand (professeur de médecine, université de Strasbourg) ; Pascal Perrineau (politologue, professeur des universités à Sciences Po) ; Denis Peschanski (historien, directeur de recherche au CNRS, Paris) ; François Rastier (directeur de recherche en linguistique, CNRS, Paris) ; Philippe Raynaud (professeur de science politique, université Panthéon-Assas) ; Pierre Schapira (professeur de mathématiques, Sorbonne université) ; Didier Sicard (professeur de médecine, université Paris-Cité) ; Perrine Simon-Nahum (directrice de recherche en philosophie, CNRS) ; Jean Szlamowicz (professeur en linguistique, université de Dijon) et Pierre-André Taguieff (philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS).

      Autres signataires :

      Joubine Aghili, maître de conférences en mathématiques, université de Strasbourg

      Michel Albouy, professeur de sciences de gestion, université de Grenoble

      Martine Benoît, professeur d’histoire des idées, université de Lille

      Sami Biasoni, docteur en philosophie

      Thierry Blin, maître de conférences (HDR) en sociologie, université de Montpellier-3

      Claude Cazalé Bérard, professeur de littérature italienne, université Paris-Nanterre

      Guylain Chevrier, formateur et chargé d’enseignement à l’université

      Jean-Louis Chiss, professeur en sciences du langage, université Sorbonne nouvelle

      Chantal Delsol, philosophe, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

      Gilles Denis, maître de conférences HDR HC en histoire des sciences du vivant, université de Lille

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, université de Lille

      Jean Dhombres, EHESS, histoire des sciences

      Laurent Fedi, MCF hors classe, faculté de philosophie de Strasbourg

      Jean Ferrette, docteur en sociologie

      Michel Fichant, professeur de philosophie, faculté des lettres, Sorbonne université

      Renée Fregosi, philosophe et politologue, professeur de l’enseignement supérieur

      Luc Fraisse, professeur de littérature française à l’université de Strasbourg, membre de l’Institut universitaire de France

      Marc Fryd, linguistique anglaise, maître de conférences HDR, université de Poitiers

      Jean Giot, linguiste, professeur de l’université, université de Namur, Belgique

      Geneviève Gobillot, professeur d’arabe et d’islamologie, université de Lyon-3

      Christian Godin, professeur de philosophie, université d’Auvergne

      Yana Grinshpun, maître de conférences en linguistique française, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Claude Habib, professeur de littérature, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature et langue françaises

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature comparée à Sorbonne université

      Patrick Henriet, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Mustapha Krazem, professeur des universités en sciences du langage, université de Lorraine-Metz

      Philippe de Lara, maître de conférences en philosophie et sciences politiques, université Paris-2

      Marie Leca-Tsiomis, professeur de philosophie, université Paris-Nanterre

      Dominique Legallois, professeur de linguistique française Sorbonne nouvelle

      Michel Messu, professeur des universités en sociologie

      Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Robert Naeije, professeur de médecine, université libre de Bruxelles

      Franck Neveu, professeur des universités de linguistique française, Sorbonne université

      Françoise Nore, linguiste

      Laetitia Petit, maître de conférences, Aix-Marseille université

      Brigitte Poitrenaud-Lamesi, professeur d’italien, université de Caen

      Denis Poizat, professeur en sciences de l’éducation, université Lyon-2

      Florent Poupart, professeur de psychologie clinique et psychopathologie, université Toulouse-2

      André Quaderi, professeur de psychologie, université Côte d’Azur

      Gérard Rabinovitch, chercheur CNRS en sociologie, Paris

      François Richard, professeur de psychopathologie, université Paris-Cité

      Jacques Robert, professeur de médecine, université de Bordeaux

      François Roudaut, professeur de langue et littérature françaises (UMR IRCL, Montpellier)

      Claudio Rubiliani, maître de conférences en biologie, université Aix-Marseille et CNRS UA Paris-6.

      Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences en langue et littérature médiévales, président du LAÏC

      Jean-Paul Sermain, professeur de littérature française, université de la Sorbonne nouvelle

      Daniel Sibony, philosophe, mathématicien, professeur des universités

      Éric Suire, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne

      Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie, Sorbonne université

      Michel Tibayrenc, professeur de génétique, directeur de recherche IRD, Paris

      Vincent Tournier, maître de conférences à l’IEP de Grenoble, chercheur à Pacte-CNRS

      Dominique Triaire, professeur des universités de littérature française

      François Vazeille, directeur de recherche au Cern, physicien des particules

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Yves Charles Zarka, professeur à l’université Paris-Cité, et ex-directeur de recherche au CNRS

      https://www.lepoint.fr/debats/le-cnrs-ne-doit-pas-etre-une-plateforme-militante-19-02-2024-2552835_2.php

    • La réponse du CAALAP (à la tribune publiée par les « 70 personnalités du monde académique »)

      La fausse neutralité des polémiques conservatrices contre la liberté académique

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant·es et de chercheur·euses qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Contre la police de la science, défendons la liberté académique !

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant.e.s et de chercheur.euse.s qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Ce ne sont rien moins que la section 17 du CNU (Conseil National des Universités), dédiée au suivi des carrières en philosophie, et le CNRS, qui font l’objet de l’opprobre et de la suspicion, sommés de s’amender pour sauver leurs réputations respectives.

      Dans une récente motion, la première propose de mettre en visibilité les violences sexuelles et sexistes, et de reconnaître l’engagement des chercheur.euse.s qui luttent contre ces violences :

      « Au moment de l’examen de l’évolution de la carrière, la section 17 du CNU s’engage à prendre en considération les responsabilités liées à l’instruction et aux suivis des violences sexistes et sexuelles, nous invitons les candidat·e·s aux promotions, congés et primes à l’indiquer expressément dans leur dossier. »

      Sur son blog, la philosophe Catherine Kintzler s’inquiète de la « prise en compte [des politiques d’égalité de genre] de manière aussi insistante dans le processus de recrutement ». Or la motion du CNU traite de « l’évolution de la carrière ». Car les recrutements ne sont pas du ressort du CNU : Catherine Kintzler l’aurait-elle oublié ?

      A cette inquiétude s’ajoute encore la crainte qu’une reconnaissance de ces éléments ne crée un biais fâcheux dans le monde de la recherche, favorisant certains terrains plutôt que d’autres, certain.e.s collègues plutôt que d’autres, alors que les carrières ne devraient tenir compte ni de de l’utilité sociale des travaux académiques, ni de l’implication du scientifique dans la cité. Mme Kintzler ne semble pas craindre pour autant que la non-reconnaissance et l’absence de prise en compte de ces éléments ne favorisent leur neutralisation, créant un biais en faveur des recherches qui occultent et invisibilisent ces violences.

      Se situant dans la ligne de celles et ceux qui présupposent que les chercheur.euse.s, quand ils et elles produisent des contenus, se situent sub specie aeternitatis, adoptant un point de vue de Sirius, elle réitère le fantasme d’une universalité émergeant « de nulle part », comme si cette dernière n’était pas le fruit de la discussion démocratique, du dissensus et de la mise en œuvre de formes de rationalité qui fabriquent de l’universel. Elle s’appuie également sur le mythe de la neutralité du scientifique, dont l’intégrité serait mise en péril par son existence en tant que citoyen.ne, ses activités associatives, son idéologie.

      Ainsi, vouloir inclure la part de l’humanité discriminée en raison de son appartenance de genre, poser cette question de l’égalité à même l’usage du langage, c’est faire preuve d’« idéologie ». Consacrer du temps à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, y compris dans son travail de recherche, y compris au sein de sa propre institution, c’est faire preuve d’« idéologie ». A l’inverse, invisibiliser ces violences, ce serait cela, la neutralité. Tenir les contenus académiques à l’abri du monde réel, se défendre d’aborder des enjeux politiques ou sociaux, c’est-à-dire s’en tenir au statu quo politique, s’accommoder des inégalités et cautionner des dispositifs d’oppression et de domination, bref, être un militant conservateur, être un militant réactionnaire, c’est cela, la neutralité. Comme si l’idéologie n’était pas le vecteur de toute pensée quelle qu’elle soit, et comme si la pensée se fabriquait hors des cadres théoriques et des contextes sociaux qui permettent son émergence.

      Dans le même temps, une tribune, réunissant les 70 signatures de chercheur.euse.s conservateur.rice.s, et parmi elles, de militant.e.s d’une laïcité identitaire, écrit son indignation face à la publication sur le Journal du CNRS, d’un article journalistique évoquant la sensibilité de nombreux.euse.s chercheur.euse.s à l’usage de l’écriture inclusive. Les auteur.rice.s de la tribune déplorent que seuls les arguments favorables à ce mode d’écriture soient présentés dans l’article, sans qu’y figurent les arguments de fond critiques de l’écriture inclusive – tout en admettant que le papier en question est un article journalistique et non pas académique ou scientifique.

      Mais tout à coup, on saute du coq à l’âne, et les auteur.rice.s de cette tribune ne résistent pas à passer de l’écriture inclusive à l’autre cheval de bataille que constitue pour eux l’ « islamo-gauchisme », appellation incontrôlable, créée en 2002 par Pierre-André Taguieff (signataire de cette tribune) pour stigmatiser les défenseurs des Palestiniens, puis revendiquée comme insulte par les militants d’extrême-droite et reprise en chœur par les dignitaires de la mouvance réactionnaire actuelle. Militant pour la reconnaissance d’une réalité du « phénomène islamogauchiste » – et niant symétriquement toute réalité au phénomène rationnellement étayé de l’islamophobie – ce groupuscule de chercheur.euse.s affirme sans ambiguïté son positionnement politique identitaire et réactionnaire. A rebours des méthodes les plus fondamentales des sciences sociales, il s’appuie sur le déni de la parole des premier.ère.s concerné.e.s par les discriminations, qui sont, elles et eux, véritablement « hors cadre scientifique », tenu.e.s en lisière, hors champ du monde académique, alors même que l’une des missions officielles des enseignant.e.s-chercheur.euse.s est de contribuer au dialogue entre sciences et société.

      Le sempiternel argument mobilisé par les auteur.rice.s considère que la défense progressiste de l’égalité et la lutte contre les discriminations relèvent du militantisme, alors que la défense conservatrice du statu quo inégalitaire consiste en une neutralité politique qui serait compatible avec la rigueur scientifique. Ainsi, toutes les positions autres que la position politique conservatrice et/ou réactionnaire des auteur.rice.s de la tribune se retrouvent disqualifiées et suspectes d’un mélange des genres entre savoirs et « idéologies », « hors cadre scientifique ».

      Nous, membres de la CAALAP, protestons contre ces tentatives de censure politique au nom de la neutralité, qu’il s’agisse de l’écriture inclusive ou des travaux documentant les discriminations, notamment racistes et islamophobes. Nous condamnons fermement les entraves à la liberté académique, d’autant plus choquantes quand elles émanent de chercheur·es, à la retraite ou non, qui prétendent faire la police de la science par voie de presse.

      https://blogs.mediapart.fr/caalap/blog/210224/la-fausse-neutralite-des-polemiques-conservatrices-contre-la-liberte

  • Guide d’#écriture_inclusive pour parlementaires récalcitrant·es
    (publié le 26 septembre 2023, pour archivage)

    Les député·es de la nation examineront le 12 octobre prochain une proposition de loi (n°777) présentée par le Rassemblement National, visant à interdire l’usage de l’écriture dite inclusive. C’est la huitième du genre depuis juillet 2018 (la première étant déjà l’œuvre de ce parti), mais celle-ci est la première à parvenir en discussion en séance. Et c’est la plus délirante. Analyse.

    [Le texte qui suit est celui que j’ai lu à la commission des Affaires culturelles et de l’Education qui m’a auditionnée le 26 septembre]

    Je voudrais d’abord préciser que, contrairement aux personnes dont j’ai vu les noms cités dans le questionnaire que j’ai reçu pour préparer cette audition*, je suis une spécialiste du #langage_égalitaire. J’y travaille depuis la fondation, en l’an 2000, de la #Société_Internationale_pour_l’Étude_des_Femmes_de_l’Ancien_Régime, la #SIEFAR, qui a ouvert très vite une rubrique intitulée « la #guerre_des_mots », et qui est à l’origine de la réintroduction du terme #autrice. Je publie spécifiquement sur le sujet depuis 2014, date de la parution de mon premier ouvrage, Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Trois autres ont suivi, dont un sur les combats de l’Académie française en faveur du masculin, signé avec des linguistes, ainsi qu’une quinzaine d’articles publiés dans des revues et ouvrages scientifiques, sans parler des nombreuses tribunes et entretiens qui ont paru dans la grande presse. Cela m’a valu en 2017 d’être traitée par Le Figaro de « papesse de l’écriture inclusive », ce qui n’était pas exactement un compliment sous sa plume, mais que j’accepte volontiers comme tel.

    J’en viens donc à la fameuse écriture, et à la proposition de #loi examinée ici, qui si mon compte est bon est la 8e élaborée depuis 2018 par des parlementaires. Celle-ci entend interdire trois de ses composantes : le #point_médian, les #doublets, les #termes_épicènes. Je les examinerai l’une après l’autre.

    Le point médian est le signe destiné à remplacer les parenthèses qui ont envahi les documents administratifs francophones depuis une trentaine d’années, et qui signalent qu’on parle des femmes aussi : marié(e), divorcé(e), etc. Je ne suis pas sure que les adversaires de l’écriture inclusive s’en soient rendu compte, notamment Édouard Philippe, dont la circulaire donne une définition qui les englobe de fait en condamnant les « pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine. »

    Si les parenthèses sont apparues, dans un lieu aussi peu féministe que le Ministère de l’Intérieur, c’est qu’en français, lorsqu’on parle des humains, le masculin désigne avant tout les hommes. Je vous renvoie, pour l’explication de ce phénomène, aux études de psycholinguistique menées depuis 25 ans, et qui toutes – la chose est assez rare pour être notée – concluent qu’en français le masculin n’est pas générique, ou très faiblement, et en outre de moins en moins : plus les individus testés sont jeunes, moins ils reconnaissent cette valeur. En conséquence, quand on veut être clair·e, on doit, à l’oral, dire les deux mots, comme faisait le général De Gaulle en commençant ses discours par « Françaises, Français ! », ou, à l’écrit, signifier d’une manière ou d’une autre qu’on s’adresse, qu’on pense, qu’on parle aux femmes aussi.

    Or les #parenthèses n’étaient pas le bon signe, puisque ce qui est placé à l’intérieur n’a pas le même statut que ce qui est placé à l’extérieur. Dans cet usage, donc, elles n’ont pas leur place dans une société qui se veut égalitaire. D’où la recherche, depuis une trentaine d’années, de #signes plus pertinents, comme le trait d’union, la barre oblique, le point bas, et finalement le point médian, qui fait aujourd’hui consensus parmi les gens impliqués dans cette recherche, parce que, contrairement aux autres signes, celui-ci n’a pas d’autre usage dans la langue française ; on ne risque donc pas de les confondre.

    Bien entendu, le point médian est désormais utilisé plus largement que dans les documents administratifs, mais l’objectif est le même. Il faut toutefois apprendre à l’utiliser correctement, c’est-à-dire avec modération, car il s’agit d’une abréviation, et on sait que les abréviations doivent rester rares, sauf à rendre la lecture difficile. Par ailleurs, tous les mots ne peuvent pas être abrégés, en fonction de leur morphologie. Il y a donc nécessité, pour les personnes qui veulent pratiquer cette abréviation, d’apprendre les bonnes techniques. À titre d’exemple, les livres que je publie depuis cinq ou six ans présentent un point médian toutes les trois ou quatre pages, ce qui ne m’a jamais valu aucune critique pour illisibilité. Même les éditeurs les plus réticents au départ ont admis que ça passe tout seul. Ces bonnes pratiques sont aujourd’hui connues. On peut notamment se référer à l’édition 2022 du Guide pour une communication publique sans stéréotypes de sexe du Haut Conseil à l’Égalité femmes-hommes – je dis bien l’édition 2022 car les précédentes n’étaient pas tout à fait au point.

    Si la représentation nationale a un rôle à jouer dans ce domaine, ce n’est pas dans l’élaboration ou la définition de ces bonnes pratiques, qu’il faut laisser aux spécialistes. C’est dans la demande signifiée à l’administration d’utiliser désormais des signes égalitaires lorsqu’elle est amenée à utiliser des abréviations. Ce qui, je le rappelle, n’est jamais nécessaire : on peut écrire monsieur avec un M majuscule suivi d’un un point, mais on peut toujours l’écrire en toutes lettres. On peut aussi reformuler. Ainsi, là où les cartes d’identité émises jusqu’en juillet 2018 comportaient la mention « né(e) le », il est aujourd’hui écrit : « date de naissance ». Comme quoi le Ministère de l’Intérieur nous a entendu·es.

    L’article soumis au vote entend également interdire la double flexion, qu’on appelle aussi les doublets. Il s’agit pourtant une pratique séculaire, aussi utile dans la vie courante que dans les textes réglementaires. Un évêque du diocèse de Thérouane prescrit ainsi au début du XIe siècle : « Que ni homme ni femme n’attaque un autre, ni n’attaque un château ou un village, du mercredi au coucher du soleil au lundi à l’aurore ». Une ordonnance de Guillaume de Germond, prévôt de Paris, en date du 14 septembre 1341, demande « à tous jongleurs et jongleresses qui auraient été loués pour venir jouer dans une assemblée, d’en envoyer d’autres à leur place. »

    Ces doublets ont été remis au gout du jour par le fameux « Françaises, Français ! » du Général de Gaulle, qui cherchait ainsi à signifier qu’il n’appelait pas seulement les hommes à voter pour lui, mais aussi les femmes – puisqu’elles pouvaient désormais voter, et qu’il voulait être élu au suffrage universel. Si la loi proposée s’appliquait, il faudrait revenir à « Français ! » et bannir beaucoup d’expressions ordinaires, comme « mari et femme », « père et mère », « frères et sœurs, sans parler de la plus usuelle de toutes, « Mesdames et Messieurs », qui est un modèle de double flexion en même temps qu’une marque de politesse. Elle figure d’ailleurs en tête de la liste des signataires de la proposition de loi à l’étude, qui renie néanmoins ladite politesse juste après en plaçant les noms des hommes avant ceux des femmes.

    Si les doublets sont préconisés dans le cadre des efforts pour parler un français moins sexiste, c’est évidemment pour rompre avec l’idéologie qui suggère que seuls les hommes sont dignes d’être nommés, ou, pour le dire avec les mots du Père Bouhours en 1675, parce que, « quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte ». Mais c’est aussi – et en réalité c’est surtout – parce que cela permet une expression plus précise. Si je dis « Les étudiantes et les étudiants ont manifesté hier à Téhéran », je signifie autre chose que si j’avais dit « les étudiants », terme qui ne permet pas de savoir si des femmes faisaient partie du groupe ou non. Je suis donc plus juste, à tous les sens du terme.

    Au rebours de les interdire, la représentation nationale devrait donc inviter à utiliser les doublets dans les textes de loi et la Constitution, afin de signifier clairement que ces écrits concernent aussi bien les femmes que les hommes, et que la France en a définitivement fini avec l’idéologie résumée par le Père Bouhours.

    Le présent article de loi prévoit enfin d’interdire les termes épicènes, ce qui reviendrait à condamner quelques milliers de mots dont le français ne peut pas se passer dans son état actuel. Dans cette langue, en effet, les épicènes – c’est-à-dire les termes qui ne varient pas en genre alors qu’ils appartiennent à des catégories grammaticales qui le font ordinairement – sont très nombreux. Ils représentent environ un tiers des 5000 et quelques noms désignant les personnes (par exemple artiste, architecte, journaliste, pédagogue, psychiatre) et la moitié des adjectifs qualificatifs (par exemple autonome, efficace, facile, maniaque, responsable, stupide). Sans parler des pronoms comme je, tu, on, nous, vous, quiconque…

    La proposition de loi à l’étude prévoit donc d’une part de se passer d’un signe commode et juste pour abréger des doublets, d’autre part de priver la langue d’un moyen simple de s’exprimer justement, et enfin de l’amputer de milliers de termes. En tant que citoyenne, je dois avouer ma perplexité devant de telles prescriptions venant d’élu·es de la nation disposant de personnel pour monter leurs dossiers.

    Je préciserai donc maintenant ce qu’est en réalité l’écriture inclusive, et pourquoi aucune loi ni aucune circulaire ne peut l’interdire. Il s’agit du volet écrit du langage égalitaire, qu’on appelait jadis plus volontiers le langage non sexiste, ou non discriminant. Ce langage n’est pas une autre langue : c’est le français que je parle, que j’écris, que vous entendez et que vous comprenez. D’où l’inanité des notations rappelant que « la langue de la République est le français ». En réalité, l’objectif aujourd’hui poursuivi par les personnes soucieuses d’égalité entre les sexes est pour l’essentiel, de retrouver les ressources que possède cette langue – je ne dirai pas de toute éternité mais assurément depuis des siècles. Ressources qui sont à la fois lexicales et grammaticales.

    Du côté des ressources lexicales, il s’agit d’abord de désigner les femmes avec des noms féminins, comme on l’a fait en France sans exception aucune jusqu’à la création de l’Académie française – à moins bien sûr d’utiliser des épicènes. Je suis autrice de livres, professeuse émérite de littérature, après avoir été maitresse de conférences, et je suis aussi chevalière de la légion d’honneur. Ces noms et quelques autres ont beau avoir été condamnés, ils ont des centaines d’années d’existence et sont compris de tout le monde. Ils sont français. Il s’agit aussi de nommer les femmes quand on évoque une population mixte, au lieu de considérer que le compte est bon du moment qu’on a nommé les hommes. D’où les doublets, mais aussi les noms collectifs : les gens, la population, le groupe, les personnes, les individus… Et aussi les reformulations que j’évoquais plus tôt. En 1994, la « carte d’électeur » n’est pas devenue « carte d’électeur ou d’électrice », mais « carte électorale ». Des mots français. Il s’agit enfin de réserver le mot homme aux hommes, comme on le fait en français depuis le Moyen Âge – du moins chez les gens sérieux, comme les juristes. Je vous invite à lire les constitutions françaises qui ont précédé celle de la IV République, et vous verrez que le terme homme n’y désigne jamais personne d’autre que les humains de sexe mâle. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen elle-même ne déroge pas à cet usage : contrairement à ce qui est écrit dans l’exposé des motifs de la proposition présentée, ses masculins ne sont pas génériques. Les nouveaux droits ouverts, par exemple ceux qu’on trouve nommés dans son article 6, celui de voter, d’être élu, de pouvoir exercer tout travail correspondant à son talent, les femmes ont dû les attendre 100 à 150 ans de plus. D’où la précision introduite dans le Préambule de la Constitution de 1946, et le choix fait par la conférence internationale des nations unies en 1948 de parler désormais des Human Rights et non plus de Rights of the Man. Si on veut vraiment parler de tout le monde – les hommes, les femmes, les intersexes, les enfants – on utilise d’autres termes : les humains, l’espèce humaine, les gens, le peuple, etc. On a le choix, les mots sont là, ils sont français.

    Du côté des ressources grammaticales, il s’agit de retrouver l’usage des anciens accords dans les cas où plusieurs noms reçoivent un qualificatif commun. Nous parlons régulièrement des droits et libertés fondamentales – et non des droits et libertés fondamentaux, au prétexte que le mot droit, masculin, devrait l’emporter le mot liberté, féminin. C’est ce qu’on appelle l’accord de proximité, qu’on retrouve sous la plume de nos meilleurs auteurs et autrices, et dont les patientes recherches de la linguiste Anne Abeillé ont récemment montré toute l’étendue. Le Syndicat des infirmières libérales doit pouvoir continuer d’exister tel quel – du moins tant qu’elles constituent plus de 80% de cette corporation. C’est ce qu’on appelle l’accord de majorité, ou de logique, ou de choix.

    Si la représentation nationale a un rôle à jouer ici, c’est celui de veiller à ce que ces ressources égalitaires, souvent héritées du latin et du grec, soient enseignées par l’école, de sorte qu’elle forme des citoyennes et des citoyens égaux, conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Vous voyez, dans cette dernière phrase, j’ai mis en pratique le langage égalitaire : j’ai prononcé les deux mots, je les ai classés par ordre alphabétique (citoyennes avant citoyens), puis j’ai accordé les adjectifs avec le nom qui leur était le plus proche (égaux, conscients). Qui voudrait prétendre que ce n’est pas là du franç ;ais, et du bon ? Quelle loi pourrait m’empêcher de m’exprimer ainsi ? Et qui m’obligerait à la suivre, si d’aventure elle existait ?

    Je terminerai sur les néologismes. Il s’en crée chaque année, c’est la vie des langues, on n’y peut rien. Deux grandes séries sont en train de naitre sous nos yeux dans le domaine nominal : celle des termes en ‑eurice (acteurice, lecteurice) et celle des termes en ‑eureuse (danseureuse, visiteureuse). Ces nouveaux noms évitent les doubles flexions et les points médians, donc ils sont très pratiques, donc ils ont toutes les chances de s’installer dans les usages. Dans le domaine pronominal sont nés iel(s), cellui, celleux, ellui, elleux, toustes. Ce ne sont pas là des termes neutres, puisqu’on les utilise pour parler des personnes, et encore moins des termes « non-binaires » – mot qui n’a pas de sens en linguistique. Ce sont des épicènes, comme les pronoms que je citais tout à l’heure. Eux aussi répondent au souci d’exprimer les deux groupes plus rapidement qu’avec les deux mots (elles et ils, celles et ceux, tous et toutes…).

    La jeunesse française étant friande de néologismes en général, et de ceux-là en particulier, parce qu’une bonne partie d’entre elle (qui est aussi la plus éduquée) veut davantage d’égalité, il est probable que certains de ces nouveaux termes vont s’installer dans les usages. Il est probable aussi que d’autres vont survenir. Ce qui est certain, c’est que le langage égalitaire n’en a pas besoin, même s’il les accueille volontiers. Les interdire ne servirait donc à rien si l’objectif est de contrer sa progression.

    * Les personnes citées dans ce document étaient : Jean Szlamowicz, Yana Grinshpun, François Rastier, Hélène Carrère d’Encausse, Marc Lambron, Franck Neveu.

    https://blogs.mediapart.fr/eliane-viennot/blog/260923/guide-decriture-inclusive-pour-parlementaires-recalcitrant-es

  • Ecriture inclusive : le point médian supprime les biais de genre
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-sciences/ecriture-inclusive-le-point-median-supprime-les-biais-de-genre-3732260

    C’est un fait scientifiquement établi : le masculin générique n’est pas neutre, il induit un biais de représentativité vers le masculin. Une nouvelle étude de psycholinguistique révèle les mots #épicènes limitent ce biais alors que le point médian le supprime totalement.

    #point_médian #écriture_inclusive

  • La phobite du #point_médian

    Psychanalyse de la phobie du point médian. Lecture 15 secondes.

    Français neutre, Françaises neutralisées.

    Le français va très bien, merci. Les Françaises beaucoup moins.

    Les #femmes prennent des poings dans la gueule pendant que les #hommes s’offusquent du point médian.

    « Peu de pays ont des débats aussi passionnés sur leur #langue. » Dit macron à la cité de la langue des Français Neutres.

    Bah évidemment ! Une langue aussi masculiniste, dont le seul objectif est de tout emporter sur son passage, aussi zobstinée, aussi peu souple, aussi rigide et destructrice comme un gode en bois mal poncé, ne peut faire que des ébats dont les femmes tentent de sextirper.

    Cela dénote tout de même d’une phobie pathologique intriguante.

    Alors, je me dis que quand je sera grande, je sera psychanalyste, pour essayer de pénétrer (aïe) la phobie des zobs (désolée, je suis enrhubée) contre les points médians. Tous les points médians.

    J’ai l’intuition que ça ressemblera à quelque chose comme ça.

    https://blogs.mediapart.fr/annabel-b/blog/311023/la-phobite-du-point-median
    #écriture_inclusive #phobie #français #langue_française

  • Ecriture inclusive : ce qu’en dit la #science

    Loin de se résumer à l’usage du #point_médian, l’usage de l’écriture inclusive a effectivement un impact sur les #représentations_mentales du lecteur, concluent de récents travaux français. Plus important encore, cet #impact varie en fonction du type d’écriture inclusive utilisée.

    « Péril mortel » de la langue française pour l’#Académie_Française ou « outil essentiel » d’après l’investigation Elles Font La Culture (https://ellesfontla.culture.gouv.fr/conseils_articles/42__;!!Orpbtkc!7gg4iKTPdMkm6FWuHya6vu_vrzDkrr_63AXwMlNYHRXM) portée par le ministère de la Culture, l’écriture inclusive divise. « Notre objectif est de remettre un peu de science dans ce débat qui évolue parfois en #polémique incontrôlée », pointe le psycholinguiste au CNRS Léo Varnet. Loin de se résumer à l’usage du point médian, l’usage de l’écriture inclusive a effectivement un impact sur les représentations mentales du lecteur, concluent de récents travaux français publiés dans la revue Frontiers in Psychology (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full#h3). Plus important encore, cet impact varie en fonction du type d’écriture inclusive utilisée.

    (#paywall)

    https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/ecriture-inclusive-ce-qu-en-dit-la-science_174628
    #écriture_inclusive

  • Langage égalitaire : vers une rationalisation des procédés et des approches

    L’écriture inclusive, vaste sujet de polémique de ces dernières années, « péril mortel » pour certaines personnes, relève d’enjeux historiques et sociaux de plusieurs siècles. À partir d’une histoire de la #langue et des #femmes, l’historienne Éliane Viennot a étudié le phénomène de #masculinisation de la #langue_française, sous l’impulsion de l’#Académie_française, dès le 17e siècle. Le #langage n’est pas immuable, il se construit socialement selon des codes et au fil des siècles, il participe à l’#invisibilisation des femmes à travers un credo bien célèbre : « le masculin l’emporte sur le féminin. » Éliane Viennot propose des recommandations d’usage pour un #langage_égalitaire qui intègre les femmes et les hommes. Du #point_médian et des #accords jusqu’à la féminisation des #noms_de_métiers, ces usages interrogent les #représentations de #genre dans nos sociétés à travers l’écrit.

    https://journals.openedition.org/chrhc/14838

    #écriture_inclusive #histoire #égalité

  • Download Microsoft Keyboard Layout Creator 1.4 from Official Microsoft Download Center
    https://www.microsoft.com/en-us/download/details.aspx?id=22339

    Intégrer le point médian dans son clavier Windows :
    – installer Microsoft Keyboard Layout Creator (nécessite le .NET Framework)
    – configurer la combinaison de touche choisie (classiquement AltGr + . histoire d’être idem Linux de base) avec le caractère Unicode point médian : U+00B7

    Voir aussi :
    – un tuto pour la prise en main de Keyboard Layout Creator : http://www.angelfire.com/planet/linguisticsisfun/Creating_a_Keyboard_Using_MSKLC.pdf
    – la liste des caractères Unicode : https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Unicode_characters#Latin-1_Supplement (point médian = middle dot)

    (et pour mémoire, sans aucune intervention, on peut obtenir le point médian avec la combinaison Alt + 0183)

    #point_median #Windows #clavier #Unicode #Keyboard_Layout_Creator

  • Écriture inclusive : faisons le point autour de la cheminée – 24 jours de web
    https://www.24joursdeweb.fr/2017/ecriture-inclusive-faisons-le-point-autour-de-la-cheminee

    Salut les fées et les lutins ! Si t’as pas entendu parler d’écriture inclusive dernièrement, c’est que tu vis au fond d’une grotte. Et quelle chance, parce que la polémique actuelle nous rebat les oreilles ! Mais y’a des petits trucs qu’il te faut savoir, pour bien faire ton métier dans le Web. Et peut-être as-tu des questions à ce sujet… Faisons le point, veux-tu ? Viens, prends ce plaid et installe-toi au chaud près de la cheminée…

    #ÉcritureInclusive #LangueFrançaise #PointMédian

    • @philippe_de_jonckheere : chacun·e fait comme il veut, mais un seul point par mot suffit. Décortiquer en séparant radical, féminin, pluriel, etc. n’est pas nécessaire : c’est ce que l’on fait en phase d’apprentissage d’une langue. Mais pas dans la pratique courante de l’écrit.

      Ensuite, il n’y a pas concurrence avec les autres règles d’écriture inclusive (accord de proximité, doublets, etc.) : l’usage de point (entre autres) ne sert qu’à raccourcir à l’écrit des formes, qu’il est toujours préférable, oui, d’écrire in extenso, comme le rappelle cet article.

    • @tetue C’est vraiment passionant ce débat et les implications que cela peut avoir pour une personne, qui, comme moi, écrit, presque tous les jours, sont redoutables. Lorsque je ne parviens pas à éviter la nécessité d’un point médian, je vis cela comme un échec et il peut m’arriver de reprendre tout un paragraphe pour retomber sur mes pieds. Du coup, pour ce qui est de la fiction, j’avais coutume d’imprimer, relire-corriger, reporter les corrections et réimprimer une douzaine de fois, et vers la fin, faire des relectures plus spécifiques, une pour la ponctuation, une autre pour la concordance des temps, une autre pour la fluidité, je passe donc désormais à treize, une relecture pour les accords et autres problématiques de genre.

      Et juste parce qu’on parle, je t’avais sollicitée pour une autre problématique, celle des recommadations pour qu’un texte soit dyslexic friendly , l’idée est en train de progresser, je l’espère, dans le cerveau de mon éditeur, pour que mon prochain roman soit composé en suivant, autant que possible, certaines des recommandations que tu m’avais données et autres sources vers lesquelles tu avais pointé. En revanche je crois que le texte en drapeau, non justifié, là ça risque d’être la limite.

      Est-ce que par exemple tu sais si les différentes polices de caractères ont des notes de dyslexic friendliness, si tu me passes l’expression . Et si c’est le cas, est-ce que tu sais quelle est la note (le rang) de Freight ?

    • Rapport au mur portant le graffiti « anarcho-inclusif », je serai plutôt pour garder le masculin pour « Dieu » car « au commencement était le verbe et le verbe s’est fait homme » (et non pas femme). Quant à « maître », ce mot désigne le plus souvent l’homme mâle. Donc accord à la majorité.

      @alain1 : raccourci sur un clavier « ouindoze » : <ALT>0183 ···

  • Un bon article sur l’#écriture_inclusive. J’ai surtout apprécié son côté pratique et concret, orienté vers les gens qui écrivent, pas ceux qui trollent sur les réseaux sociaux (alors que la plupart n’ont aucune idée de ce qu’est l’écriture inclusive et propagent des légendes.) Bref, si vous écrivez, et que vous vous demandez comment inclusiver le mieux possible, c’est un texte à lire.

    https://www.24joursdeweb.fr/2017/ecriture-inclusive-faisons-le-point-autour-de-la-cheminee

    #grammaire #français #point_médian_mon_amour

  • Ecriture inclusive : « La langue façonne-t-elle les mentalités ou les mentalités façonnent-elles la langue ? » (une heure filmée, not bad)
    http://lemonde.fr/societe/article/2017/10/12/en-direct-qu-est-ce-que-l-ecriture-inclusive_5200044_3224.html

    Ses fervents défenseurs y voient une manière de respecter l’égalité entre les sexes. Ses opposants, eux, lui reprochent d’appauvrir la langue, de la rendre illisible. Depuis mars dernier et la parution d’un manuel scolaire aux éditions Hatier, l’écriture inclusive est revenue au centre de discussions entre linguistes et politiques et divise l’opinion, notamment sur les réseaux sociaux. Pourtant, si le débat s’est souvent concentré sur le « point médian », lequel permet l’emploi du masculin et du féminin dans un même mot, l’écriture inclusive repose sur d’autres principes, qui ouvrent un débat plus large : notre langage façonne-t-il le monde ou le monde façonne-t-il notre langage ?
    Richard Herlin, correcteur au Monde et coanimateur du compte Twitter@LeMonde_correct, a fait le point sur ce type d’écriture (...).

    Prêt.e.s. pour l’écriture inclusive ?
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/13/pret-e-s-pour-l-ecriture-inclusive_5200180_3232.html

    Sophie Le Callennec, professeure d’histoire-géographie, ne s’y attendait pas. Son nouvel ouvrage Questionner le monde (Hatier, 160 pages, 13,90 euros), destiné au cours élémentaire (CE2), a été éreinté à la rentrée dans plusieurs journaux, émissions et sites qui lui reprochent de féminiser les métiers et la syntaxe, et de pratiquer « l’écriture ­inclusive » – c’est-à-dire incluant des ­signes graphiques permettant de ­visualiser la présence des femmes.

    Le Figaro du 6 octobre a dénoncé en « une » un « délire » et parlé de « charabia ». Le collectif La Manif pour tous Paris a publié, le 25 septembre, un tweet féroce : « Après avoir tout détruit, les pédagogos tentèrent des expériences sur nos enfants… »

    Le 26 septembre, sur Europe 1, le philosophe Raphaël Enthoven avait pour sa part pourfendu une « agression de la syntaxe par l’égalitarisme » et une « novlangue » ­digne du roman 1984 : « Partant du principe qu’on pense comme on parle, c’est le cerveau qu’on vous lave quand on vous purge la langue. »

    Quid de l’apprentissage du français ?
    Ouvrons Questionner le monde… ­Didactique, illustré, l’ouvrage explique avec clarté, à travers des définitions courtes, des questionnements et des exercices, les attendus du programme du CE2 : initiation à l’histoire, à la géographie et au monde du vivant.
    Sophie Le Callennec le reconnaît, elle a pris soin de « respecter l’égalité de traitement entre les genres » pour répondre à la volonté de l’éducation nationale de développer un « enseignement moral et civique » qui soit « non sexiste ». Elle a donc « équilibré le nombre d’hommes et de femmes », écarté les « clichés sur les métiers masculins et féminins » et utilisé l’écriture inclusive.
    On croise ainsi dans le manuel Jeanne d’Arc et Marie Curie ; on voit des filles faisant du judo ; on signale l’existence des suffragettes et des « député.e.s » ; on feuillette des pages titrées « Les artisan.e.s » ou « Les savant.e.s au fil du temps » pour rappeler que les femmes travaillaient aussi.
    Si cette approche égalitaire peut être louable dans son intention, on éprouve une gêne à la lecture de certains passages
    Pourtant, si cette approche égalitaire peut être louable dans son intention, on éprouve une gêne à la lecture de certains passages. On trouve, par exemple, dans une « boîte à mots » destinée à enrichir le vocabulaire des élèves cette définition : « Un.e paysan.ne : un.e agriculteur.rice qui vit simplement ». Comment prononcer une telle phrase ? Ne va-t-elle pas compliquer l’apprentissage du français pour des enfants de 8 ans ?
    Sophie Le Callennec se défend. Pour écrire son manuel, à la demande de l’éditeur, elle a tenu compte des recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes publiées, en novembre 2015, dans un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe.
    Il préconise dix règles, parmi lesquelles la féminisation des métiers, des titres et des grades (« madame la présidente »…), l’usage du féminin et du masculin dans les messages publics (« les électeurs et les électrices » plutôt que « les électeurs »…), l’utilisation du neutre dès que possible (« on », « le corps professoral »…), et de pratiquer des inclusions pour rappeler la présence sous-jacente des femmes (« les avocat.e.s »…).

    L’Académie française inquiète
    « Agriculteur.rice » s’explique par cette raison. L’écriture inclusive autorise de nouvelles formes d’abréviation. « Au lieu de répéter à chaque fois “les agriculteurs et les agricultrices”, explique Sophie Le Callennec, nous abrégeons. »
    Certaines expressions peuvent dérouter, admet-elle, tout en ­estimant qu’elles deviendront un jour naturelles : « Des journaux comme Les Inrockuptibles, de nombreuses associations, les textes officiels, les utilisent de plus en plus. Nous allons nous habituer, la langue va évoluer. Aujourd’hui, dire “une magistrate” ne dérange plus grand monde, demain on acceptera “magistrat.e.s”. »
    Cela inquiète l’Académie française. Dans un texte d’octobre 2014 intitulé « La féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres », elle rappelle qu’elle rejette tout « esprit de système » tendant à féminiser les professions, et qu’il existe en français un « genre marqué », le féminin, et un « genre non marqué », le masculin – à valeur générique.
    Voilà pourquoi, explique-t-elle dans ses « Questions de langue », où elle traite en ligne des litiges linguistiques, l’expression « groupe d’étudiants » – et non « d’étudiant.e.s » – peut désigner une réunion d’hommes et de femmes : elle n’est pas privative, comme l’est un « groupe d’étudiantes ». L’Académie ajoute qu’il est « redondant » d’écrire à chaque fois « les électeurs et les électrices », quand « les électeurs » suffit. Pour les mêmes raisons, l’écriture inclusive est inutile.

    Supériorité masculine
    L’Académie estime qu’une phrase comme « Les électeurs/électrices du boulevard Voltaire sont appelé(e)s à ­voter dans le bureau 14 » ne tient pas compte du genre marqué, alourdit la syntaxe et contrevient à « la règle traditionnelle de l’accord au pluriel » qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin.
    Elle avance qu’une telle pratique « pourrait aboutir à de nombreuses ­incohérences linguistiques » – c’est ce qu’entend montrer cette version ­moqueuse de la fable Le Corbeau et le ­Renard qui circule sur le Net : « Maître.sse Corbe.au.lle sur un arbre perché.e. Tenait en son bec un fromage. Maître.sse Renard.e par l’odeur alléché.e… »
    Professeure émérite de littérature de la Renaissance, Eliane Viennot a dirigé l’ouvrage L’Académie contre la langue française (iXe, 2016), cosigné par plusieurs linguistes et sémiologues. Leur thèse : l’Académie nous trompe, le ­français n’a pas toujours valorisé la prédominance du masculin.
    « Jusqu’au XVIIe siècle, les noms des métiers et des dignités exercées par des femmes étaient au féminin », rappelle Eliane Viennot. On disait alors « charpentière », « prévôte » ou « moissonneuse ». La règle d’accord de proximité voulant que le dernier mot l’emporte, et non le masculin, était courante. Mais elle a finalement été ­remise en cause puis abolie par l’Académie au nom de la supériorité masculine. En 1651, le grammairien Scipion Dupleix, « conseiller du Roy », édicte : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins. »

    Nombreux litiges
    « Depuis, alors que la société a changé, l’Académie résiste, et l’effacement du ­féminin continue. Elle voudrait qu’on dise “le juge est en congé maternité” ! », assure Eliane Viennot.
    Elle défend donc le retour à la féminisation des métiers, mais aussi un « usage restreint de l’écriture inclusive, au plus près de la langue. Je m’élève contre “agriculteur.rice” par exemple, le mot est trop compliqué. Il faut utiliser le point pour féminiser les terminaisons simples, et une seule fois. » Mais pour l’instant, plusieurs formes d’inclusion cohabitent, au risque d’y perdre son latin.
    Chez Act Up, par exemple, on utilise le E majuscule. On écrit : « SéropositifVEs et maladEs du sida, nous sommes de plus en plus nombreuxSES ». Jacques Pisarik, le cosecrétaire général de l’association, défend ce choix : « Nous avons utilisé le E majuscule pour prévenir que les femmes n’étaient pas à l’abri de l’épidémie. » Il reconnaît toutefois que cette féminisation ne va pas toujours de soi : « Nous nous sommes retrouvé.e.s avec des mots difficiles comme “sans-papièrEs” ! »
    De nombreux litiges subsistent sur les usages, comme le montre le docteur ès lettres de l’université de ­Genève Daniel Elmiger dans son article « Binarité du genre grammatical - binarité des écritures ? » (Mots. Ecrire le genre, 2017, n° 113). Faut-il utiliser le point, le point milieu, à mi-hauteur, ou le point médian, plus gras : c’est-à-dire écrire « les salarié.e.s », « les salarié·e·s » ou « les salarié.e.s » ? Certain.e.s utilisent la barre oblique (« / »), le trait d’union (« - ») ou la parenthèse au lieu du point, ce qui donne, au choix : ­élu/e/s, élu-e-s, élu-es, élu(e)s.
    Des linguistes soulignent une autre difficulté : « Au niveau textuel, les protocoles rédactionnels de féminisation sont plus retors encore : que faire des reprises pronominales (il/elle/s, ils/elles) ? des déterminants au singulier (le/la professeur) ? » La critique d’art Elisabeth Lebovici, qui a rédigé un essai ­entier en inclusif, Ce que le sida m’a fait (JRP Ringier, 320 pages, 19,50 euros), soulève la question des personnes qui ne se reconnaissent dans aucun genre : elle préconise d’utiliser alors les pronoms « iel » ou « ille » – au pluriel « iels » ou « illes ».

    Une « histoire de fous ! »
    Que pensent de l’écriture inclusive des écrivaines réputées pour leur style ? Nous avons posé la question à Catherine Millet et Cécile Guilbert.
    La première parle d’une « histoire de fous ! » : « Ils nous disent que le langage nous affecte inconsciemment, et qu’il faut le changer. Je dis : ne touchez pas à mon inconscient ! » A propos des inclusions dans les mots : « J’ai essayé d’en prononcer certains. C’est infernal ! La dictée devient impossible. Ce n’est pas un langage oral, or l’oralité vient avant l’écriture. » Sur les clichés et les mots ­féminins : « Allez savoir pourquoi certains mots sont ­féminins ou masculins ? Vous croyez qu’on dit “tablette” parce que c’est un petit ordinateur, donc elle est au féminin ? Et la loi, alors, pourquoi est-elle ­féminine ? »
    Pour Catherine Millet, quelques noms de métiers ­féminisés resteront peut-être, mais elle ne croit pas aux « directives linguistiques » : « Le langage se renouvelle à l’usage. Il tranchera. Cela ne se fait pas de manière autoritaire ! »
    Cécile Guilbert estime aussi que des règles imposées sont absurdes parce que la langue évolue d’elle-même, en liberté, mais aussi grâce aux écrivain.e.s. « Ce que perdent de vue les féministes à front de bœuf, les technocrates, les ­apprentis sorciers (sorry, je devrais écrire “sorcie.è.res”) du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est que si le langage est l’affaire de tous, en tant qu’instrument de communication, la langue est celle de quelques-uns. En l’occurrence des écrivains qui – comme l’a écrit magistralement Proust pour ­ définir la littérature – écrivent “dans une sorte de langue étrangère” : manière de dire qu’ils s’en emparent et peuvent lui faire tout ce qu’ils veulent du moment qu’ils la font jouir. »
    Que répond Eliane Viennot à ces critiques ? « Pas de faux procès, nous ne voulons rien imposer en littérature ! Nous parlons des sciences humaines, des textes officiels, scolaires ou journalistiques, qui cherchent l’exactitude. Pour éviter la cacophonie, il faut établir des conventions, elles sont en cours d’élaboration, nous sommes encore en phase d’expérimentation… » Jusqu’où celle-ci ira-t-elle ? Catherine Millet nous met en garde : « Attention aux nouvelles “Précieuses ridicules” ! »

    #Écriture_inclusive #point_médian

  • Un manuel scolaire écrit à la sauce féministe <— c’est le titre original du Figaro !

    Une belle initiative rapportée par le figaro avec un titre bien dégueulasse (ça pue bien le mépris au Figaro, qui peut imaginer pire que l’expression « sauce féministe »).

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/09/22/01016-20170922ARTFIG00300-un-manuel-scolaire-ecrit-a-la-sauce-feministe.php

    Destiné aux écoliers, il promeut l’écriture « inclusive » ou « genrée » qui féminise tous les noms. On y lit que « grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche ».

    • En plus, je ne cesserai de le répéter, cette écriture est vraiment nulle. On écrit agriculteur-rices, artisan-es, commerçant-es. On ne met des points que pour bloquer, là, ça veut dire qu’on met un mur entre les hommes et les femmes. De plus, reséparer le pluriel bloque la lecture.
      Mettre un trait d’union, comme son nom l’indique unit les deux, garder le s lié à la fin fluidifie la lecture.
      C’est bien la peine que des gens se soient cassés le cul à trouver une écriture correcte et acceptable pour que des ploucs d’éditeurs te collent une écriture de merde !

    • Et le point médian, c’est une alternative mieux que le point classique, non ? ---> point·médian

      Je sais qu’il y a des désaccords (parfois sensibles) sur les modes d’écritures épicènes, ça vaut la peine d’en discuter pour trouver des solutions intéressantes.

    • Aujourd’hui on utilise plutot le point médian que le tiret @perline : agriculteur·rices, artisan·es, commerçant·es.
      Le figaro fait du sabotage et n’est pas capable de faire les points médians d’ou le n’importe quoi de leur article. Sur seenthis on est assez nombeuseux à plouquer avec le point médian.

    • Pour info, voici les propositions d’écriture épicène du Gisti :

      Mixiser l’expression écrite

      Une méthode douce, dite « épicène »

      Le Gisti a décidé de faire en sorte que, dans ses écrits, le masculin ne soit plus systématiquement, comme il est d’usage, le mode d’expression du mixte. Ce qui revient, dans la plupart des cas, à « féminiser » les habitudes d’écriture.

      Il s’agit d’un choix politique cohérent avec les engagements fondamentaux de l’association. Si les principes d’égalité et de non-discrimination valent sur le terrain des origines et des nationalités, ils valent à l’évidence aussi sur celui des sexes et des genres.

      Dans la pratique, cet effort de cohérence politique nécessite de modifier d’abord nos habitudes de pensée (penser le plus égalitairement possible) et ensuite nos pratiques d’écriture. Notre pensée est, en effet, formatée. On prend facilement la mesure de ce formatage en faisant le petit effort d’y réfléchir. Après, l’écriture suit sans trop de difficultés.

      D’autant que la vaste réflexion menée par d’autres depuis plusieurs décennie a permis l’élaboration de certaines méthodes qu’il n’est pas très difficile d’adopter.

      Principes généraux

      1/ Priorité est donnée à la méthode « épicène » (d’origine plutôt québécoise), qui paraît pertinente politiquement, et judicieuse sur le plan rédactionnel. Elle préconise une pensée qui conduit à privilégier dans l’écriture des mots ou des expressions sans marque du féminin ou du masculin–, neutres du point de vue du genre grammatical. La « méthode épicène » a l’avantage de permettre une lecture aisée et fluide alors que l’utilisation systématique d’une typographie correctrice (les « / », « - », etc.) a l’inconvénient de casser certaines habitude de lecture et de rebuter les personnes attachées au formalisme de la langue.

      2/ L’explicitation du sexe social des personnes est cependant recommandée quand elle s’avère particulièrement signifiante (ex : « les étrangers et les étrangères »).

      3/ Enfin, quand cela s’avère nécessaire, il est préconisé d’utiliser le point spécial « · » (plus haut que le point habituel) [à rechercher dans « Caractères spéciaux »].

      Exemple :
      – Les étranger·e·s
      Quelques règles de base de la méthode épicène
      Cette méthode, radicale dans sa conception mais douce à la lecture, pourrait faire consensus et marquer une volonté collective de participer à ce mouvement de fond de visibilité du féminin à égalité, y compris dans le domaine symbolique de l’expression écrite.

      Chaque fois que possible, la méthode épicène privilégie des formes neutres. Au lieu d’écrire « les étrangers », quand il s’agit de l’ensemble des étrangers, on écrira « la population étrangère » (ou équivalent). Ce n’est que pour éviter des répétitions excessives de cette expression qu’on choisira, de temps à autre, d’écrire « les étrangères et les étrangers » (ou l’inverse), mais plus jamais le seul masculin pour parler des deux sexes.

      Pas tout à fait d’ailleurs parce que, quand on a des substantifs des deux genres qui commandent des adjectifs ou des participes passés, l’accord grammatical de ces derniers respecte la règle traditionnelle, celle du masculin pluriel. Il est préférable dans ce cas, pour des raisons d’euphonie, de placer le substantif masculin près de l’adjectif.

      Exemples :
      – Les étrangères et les étrangers sont nombreux.
      – Les nombreux étrangers et étrangères qui manifestaient.....

      Titres et professions
      Il va de soi que la féminisation s’applique systématiquement aux titres, fonctions et professions. On écrit la ministre de l’Agriculture, la juge X, la soldate américaine, la vice-rectrice, la consultante indépendante, la chercheuse, l’auteure et l’écrivaine, une professeure, la députée, une juge, cette agente de change, la fondée de pouvoir.
      On écrit la rectrice (ou Madame la Rectrice si l’on s’adresse à elle), la directrice (ou Madame la Directrice), la rédactrice en chef (ou Madame la Rédactrice en chef), l’ambassadrice de France (Madame l’Ambassadrice) (l’objection qui consiste à faire de l’« ambassadrice » l’épouse de l’ambassadeur ne tient qu’à un usage machiste qui évoluera si on y résiste), la conseillère d’Etat (ou Madame la Conseillère d’État)
      Des outils

      – Répertoire de noms masculins et de noms féminins
      http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=359

      – Liste d’appellations au féminin
      http://www.termium.com/redac-chap?lang=fra&lettr=chapsect9&info0=9.2.8#zz9

      – Lexique de recherche de formes féminines
      http://atilf.atilf.fr/gsouvay/scripts/feminin.exe?3;OUVRIR_MENU=2
      Tapez un substantif au masculin dans une petite fenêtre. Cliquez sur la touche « féminin ». Vous l’obtenez aussitôt.

      – Autre recherche de formes féminines
      Là, c’est un alphabet sous forme de clavier. Tapez la lettre par laquelle commence le mot dont vous recherchez le féminin. Mettons le « B » parce que vous avez des doutes sur « bâtonnier ». Le mot y est parmi 114 autres. Cliquez sur la touche « Validez ». Le mot « bâtonnière » apparaît.
      http://atilf.atilf.fr/gsouvay/scripts/feminin.exe?1;OUVRIR_MENU=2

      Les deux derniers outils ont été conçus par le CNRS et le laboratoire ATILF

      *

      Ce qui est déterminant, c’est, en même temps que l’on écrit, de penser sur le mode mixte. En effet, les coutumes - et la grammaire - de la langue française, en raison notamment de l’inexistence du « neutre », tendent à exclure systématiquement le féminin et à rendre de ce fait les femmes invisibles, ce qui concourt à diffuser une image des rapports sociaux de sexe très inégalitaire. C’est cela qu’il faut s’efforcer de modifier.

    • Sinon pour la photo du bouquin je voie pas de neutre je voie écrit « les romains, les voisins... » en langue masculo-sexiste mais il est mentionné que « les femmes et les hommes inventèrent l’écriture » ce qui est inclusif sans points médians.

    • Merci @reka pour l’écriture épicène - je marque la page ! J’ai fini par comprendre et accepter la nécessité de féminiser les noms, mais j’étais encore rétif à la rugosité des surcharges postfixes mixtes - même celles avec un trait d’union. Je suis ravi de trouver un là un style que je trouve fluide pour aligner mon écriture sur l’évolution de ma pensée. Le #GISTI est plein de bonnes surprises !

    • hello @liotier et oui, il n’est jamais facile de faire des changements, de suivre les évolutions. L’écriture épicène exige un apprentissage, qui n’est pas facile, il faut changer nos réflexes, nos habitudes (et je me rends compte tous les jours que je n’y sis pas encore...), mais le plus important avant ça est de comprendre et de souscrire à l’idée que c’est nécessaire aujourd’hui de le faire.

      C’est d’autant moins facile qu’il y a des résistances qu’il faut aussi combattre ou dépasser. Et les résistances viennent parfois des femmes elles mêmes comme pour ce groupe d’étudiantes qui nous a contacté pour utiliser des cartes et des graphiques sur leur nouveau site consacrés aux « droits de l’Homme ». On a dit qu’on était d’accord, mais on leur a fait remarquer qu’on aimerait mieux que nos travaux soient présentés sur un site qui afficherait « droits humains » plutôt que « droits de l’Homme », mais elles nous on répondu que c’était hors de question parce que l’expression était « Historique », qu’elle faisait « référence aux Lumières » et que ça, c’était intouchable etc... Et le débat s’est arrêté là (hélas). Je pense qu’il est très important de poursuivre le débat et faire évoluer la langue, l’usage de la terminologie (les mots sont importants) et les modes d’écriture.

      Ce que je prépare avec des profs d’histoire géographie à Rouen en 2018

    • C’est bien ce que je dis, c’est pas « straight forward », il faut faire un (petit) effort : point médian, pour le moment c’est

      –> alt+shift+F simultanément, soit une seule action

      point·médian

      Mais je suis sur que parmi nos geeks ici, il y a a une ou un qui trouverait le moyen d’attribuer le point médian à une touche plus pratique sur le clavier qui sert peu ou pas :)

    • dans tout logiciel de traitement de texte, il est possible de programmer une correction automatique en cours de frappe. il suffit de lui programmer une correction automatique qui remplacera toute combinaison de votre choix par un point médian. Par exemple deux double-points consécutifs (ce qui n’arrive jamais en français) « : : » remplacé par « · »

    • C’est vrai qu’ici c’est peut etre pas mal geek @perline mais le point médian est à la porté de la presse et de l’édition. Si l’usage de ce signe se repend il y aura des claviers adaptés. De toute façon le tirets, points, compressions, usage de vieilles tournures ou de nouvelles, neutralisations par paraphrases, ou invention d’un neutre, toutes initiative est bienvenue. C’est bien de s’approprier la langue française et de la sortir des griffes des académiciens et des psychorigides.

    • Ah, et puis juste pour rire, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes lui même ne les fait pas ces points totalement ridicules. Parce que ce sont des points et des points ça sépare. C’est une invention d’une tête probablement fort intello, mais tout aussi probablement loin des gens et de leur quotidien cette idée. Le tiret a été adopté il y a des dizaines d’années, comme ménageant l’ensemble, théorique et pratique de la chose, et il faut que des intellos le compliquent juste pour se faire mousser. Et du coup contre la grammaire bi.
      Je ne comprends même pas comment on peut entrer dans ce jeu si on a un tout petit peu de sens commun et de regard du-de la voisin-e.

    • Non mais hu…
      – le point médian n’est pas nouveau,, il y a méga longtemps il était utilisé pour séparer les mots, mais il est utilisé depuis longtemps par plusieurs langues comme le catalan comme une forme particulière de trait d’union
      – il est plus discret qu’un trait d’union
      – les mots composés comme ça sont mieux lus par des outils comme les lecteurs d’écran qu’avec des traits d’union (hashtag accessibilité)
      – il n’est pas déjà utilisé dans la langue française pour d’autres sens, ce qui permet de l’utiliser pour CE sens là précisément sans conflit (hashtag typographie qui a du sens)
      – les « claviers » tous seuls ça n’existe pas : l’écriture se fait grace à un « clavier » (matériel) et une « disposition de touches » (logiciel) configurée sur le système qu’on utilise (Windows, Ubuntu, etc) : tous permettent de choisir une disposition de touches qui ont le point médian avec un raccourci clavier pas spécialement compliqué : chez moi le point « normal » c’est Maj+"point/point virgule" (comme chez à peu près tout le monde en France) => en ajoutant AltGr, ça me fait un point médian (trop duuuur)
      Bref… Et c’est encore moins argumentable pour des « pros » (journalistes, maison d’édition, etc).

    • Ecriture inclusive : le féminin pour que les femmes cessent d’être invisibles

      L’écriture inclusive visant à rétablir la parité dans l’écriture, est au cœur d’une vive polémique. Derrière se cache en réalité un débat sur la #parité et la place du #féminin dans la #langue française et son #invisibilisation progressive à partir du XVIIe siècle.

      Eliane Viennot, historienne et auteure de l’ouvrage Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, explique que la langue française n’est pas inégalitaire par essence : ce sont les actions menées par des hommes contre l’égalité des sexes depuis le XVIIe siècle, qui ont mené progressivement à l’invisibilisation des femmes.

      https://www.franceculture.fr/societe/ecriture-inclusive-le-feminin-pour-que-les-femmes-cessent-detre-invisi

      #écriture_inclusive

    • Faites progresser l’égalité femmes · hommes par votre manière d’écrire

      L’écriture inclusive désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes.

      Pour faire véritablement changer les mentalités, il faut agir sur ce par quoi elles se construisent : le langage. L’agence Mots-Clés a formalisé trois conventions d’écriture inclusive au sein du Manuel d’écriture inclusive disponible au libre téléchargement et propose de vous accompagner pour conduire ce changement.

      http://www.ecriture-inclusive.fr
      #manuel