L’accueil des étudiants internationaux, un outil de soft power politique, scientifique et économique
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L’accueil des étudiants internationaux, un outil de soft power politique, scientifique et économique
Par Eric Nunès
Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 07h48
Dans sa nouvelle vie d’étudiant francilien, il ne manque à Joep Salet, 22 ans, que les vagues de la plage de Scheveningen, à La Haye (Pays-Bas) en mer du Nord où, jusqu’en 2023, le jeune homme surfait. Aujourd’hui élève en master de développement de parfum à l’Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l’aromatique alimentaire, sur le campus de Versailles, le natif de La Haye a décidé, à 17 ans, qu’il deviendrait parfumeur, « un métier qui allie sciences et création et dont les meilleures écoles sont ici et à Grasse » (Alpes-Maritimes). Dans sa classe d’une vingtaine d’élèves, il côtoie une étudiante colombienne, un Coréen, un Chinois, une Italienne… et deux Français. Dans cette niche de l’enseignement supérieur, la réputation des meilleurs établissements français n’a pas de frontière.
Milica Ritopecki, 24 ans, ressent aussi un brin de nostalgie lorsqu’elle évoque ses soirées auprès de ses amis sur les bords du Danube, à Pancevo en Serbie. Mais en 2022, l’étudiante en bachelor de physique-chimie à l’université de Belgrade cherche en Europe « le meilleur programme européen dans [sa] spécialité ». Elle quitte la Voïvodine, province du nord de la Serbie, pour l’Ile-de-France, direction l’université Paris-Saclay et le site de Gif-sur-Yvette (Essonne). Elle n’est pas la seule. Sur 48 000 étudiants, l’établissement compte 35 % d’internationaux.
Pour Dario Cervera Jorda, nouvellement parisien, c’est la chaleur du soleil de sa ville natale, Valence, en Espagne, qui lui fait défaut. Titulaire d’une licence de piano de l’université de sa ville, l’homme de 27 ans pose un pied au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris à l’occasion d’un échange Erasmus en 2022. En 2023, il est reçu, après concours, en master de clavecin. Le Graal, pour le jeune Espagnol. « Cette école, ouverte au monde entier, a pour tous les musiciens un statut légendaire. Ses ressources sont impressionnantes et ses professeurs exceptionnels, souligne l’étudiant. Les années d’études en son sein ouvrent beaucoup d’opportunités professionnelles », poursuit-il.
500 000 internationaux en 2027
A la recherche de compétences et d’établissements pour construire leur avenir, ils sont, en 2024, plus de 400 000 internationaux à avoir fait le choix de l’Hexagone pour poursuivre leurs études. Ils sont également les futurs ambassadeurs de la France et un baromètre précis de l’attractivité du pays. Selon un rapport de Campus France, l’agence nationale chargée de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, publié en juin 2023, les universités françaises sont les premiers établissements à accueillir des étrangers (65 %), devant les écoles de commerce (14 %) et les écoles d’ingénieurs (7 %). Les premières zones d’origine sont l’Afrique du Nord (75 477 personnes) en 2021-2022, l’Afrique subsaharienne (71 221), l’Union européenne (46 938) et l’Asie (44 498).
Le plan gouvernemental « Bienvenue en France » de 2018 prévoit d’accueillir 500 000 internationaux en 2027. Un objectif antinomique avec la loi sur l’immigration adoptée par le Parlement, le 19 décembre 2023, qui prévoyait un durcissement des conditions d’accès aux étudiants étrangers. La majorité d’entre eux ne restent pourtant pas en France, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui rappelle que 43 % des étrangers arrivés en 2010 avaient quitté le pays après la fin de leur séjour d’études. Et 80 % dix ans plus tard. Les dispositions les visant ont été intégralement censurées par le Conseil constitutionnel, le 25 janvier.
Accueillir des étudiants internationaux, depuis la réforme de l’autonomie des universités en 2007, est devenu un enjeu « prioritaire », souligne Sandrine Lacombe, vice-présidente relations internationales et affaires européennes à l’université Paris-Saclay. « La restructuration de nos établissements a rendu l’enseignement supérieur français plus attractif et compétitif au niveau international. » Alors que les universités françaises étaient à la peine pour intégrer le top 50 des meilleures universités du monde, Paris-Saclay s’est hissée en 2023 à la 15e place du classement de Shanghaï. D’autant que le coût des études universitaires est modeste : 170 euros pour une année en cycle de licence, 243 euros pour une année en cycle de master pour celles et ceux membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et les Suisses. Quant aux extracommunautaires, ils sont, depuis 2019, susceptibles de payer des frais majorés, soit 2 770 euros pour une année de licence et 3 770 euros un master. Mais seules treize universités sur soixante-quinze appliquent cette possibilité, quarante-deux exonérant totalement leurs élèves non européens, les soulageant ainsi d’une partie importante de leurs charges financières.
Les grandes écoles françaises les plus onéreuses attirent également les étudiants internationaux. Sur les cinq dernières années, le nombre d’internationaux qui intègrent une école de commerce française a doublé. Neoma Business School, compte 25 % d’internationaux, qui doivent chacun s’acquitter de frais de scolarité de 16 000 euros par an. Les plus importantes cohortes sont originaires du Maroc, d’Inde et de Chine. « Ils viennent en France chercher un enseignement de qualité, commente Delphine Manceau, directrice de l’établissement. Nos institutions sont reconnues par nos pairs sur la scène internationale, c’est la garantie d’une poursuite d’études dans le monde entier et un passeport pour l’emploi. » Selon le classement des meilleures écoles de commerce européennes du quotidien britannique Financial Times, en 2023, cinq établissements français sont dans le top 10 et vingt-trois figurent dans les quatre-vingt-dix premières.
Pour les écoles payantes, les étudiants internationaux sont une source de chiffre d’affaires devenue indispensable, d’autant que le nombre d’étudiants français baisse. En effet, les étudiants du baby-boom de l’année 2000 entrent sur le marché du travail et les bancs des écoles et des universités françaises se dégarnissent. En 2022, l’enseignement supérieur comptait 44 000 étudiants de moins qu’en 2021, selon l’Insee. « Dans une concurrence débridée avec les pays anglo-saxons et l’Allemagne, nous sommes obligés de recruter à l’étranger, sur un marché où il y a plus d’écoles et moins d’étudiants français, le gâteau à partager est plus petit », concède Elodie Saint-Yves, directrice des partenariats internationaux de Rennes School of Business.
Cette baisse démographique inquiète également les écoles d’ingénieurs, « le vivier de bons candidats commence à se tarir, avertit Alexis Michel, président de la commission international et développement de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, former des ingénieurs et des doctorants est stratégique pour le pays. Il faut donc anticiper ! » Recruter les meilleurs étudiants étrangers est une urgence car dans cette guerre internationale des talents, « les Américains sont les maîtres en la matière » rappelle Olivier Lesbre, directeur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace. Les Etats-Unis accueillent 1,5 million d’étudiants étrangers. Et 21 % des étudiants du monde entier sont sur le continent américain.
Le temps où les étudiants se contentaient de chercher le meilleur diplôme de leur pays est révolu. « Les meilleurs étudiants recherchent les meilleures écoles », poursuit Olivier Lesbre, qui compte 40 % d’étrangers en provenance de soixante-dix pays différents. « Dans cette compétition internationale, les écoles d’ingénieurs doivent également faire la preuve qu’elles sont compétitives et former en France d’excellents étudiants étrangers qui compenseront le départ des Français à l’international », souligne le directeur. Pour exister dans un monde globalisé, écoles et universités doivent attirer les meilleurs, peu importe leur lieu de naissance.
Cette internationalisation des établissements façonne en partie les pédagogies. Les langues d’abord, « à la fin des années 1990, peu d’écoles françaises avaient des cursus en anglais, se souvient Elian Pilvin, directeur de l’école de management EM Normandie, maintenant, c’est un impératif. » Dans les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs et aussi à l’université. « L’attractivité internationale de Paris-Saclay nous a conduits à ouvrir des parcours en anglais », abonde Sandrine Lacombe. Ensuite, les campus cosmopolites adaptent aussi le fond de leurs enseignements, « les sujets liés à la transition écologique ne sont pas vécus de la même façon en France, en Norvège ou en Malaisie, il faut les traiter en intégrant des nuances pour une problématique qui est planétaire », expose Delphine Manceau.
L’internationalisation des étudiants et des enseignants conduit les établissements à innover. « Tenir compte de ce qui se fait dans d’autres pays nous permet d’introduire une dimension comparée de nos enseignements et de notre recherche, cela ouvre chacun à d’autres paradigmes. Cela enrichit l’expérience scientifique autant que les mentalités », note Irini Tsamadou-Jacoberger, vice-présidente Europe et relations internationales de l’université de Strasbourg, qui compte 22 % d’élèves internationaux pour 2022-2023. Cet apprentissage de la multiculturalité permet aux Français d’être plus agiles, adaptables et sensibles à la compréhension d’autres sociétés. « C’est une meilleure préparation pour ceux qui se destinent à une carrière internationale », résume Delphine Manceau pour Neoma. Les étudiants étrangers sont également une source de revenus pour le pays. Selon une étude de Campus France publiée en 2022, ils constituent une manne financière de par leurs dépenses, dont le montant s’élève à 5 milliards d’euros par an. En retranchant les 3,7 milliards de dépenses publiques qui leur sont consacrées – aides au logement, bourses, accès aux soins de santé et les dépenses de personnels pour la diplomatie culturelle et d’influence – le solde net est évalué à 1,35 milliard d’euros en 2022.
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Au-delà des besoins nationaux, l’accueil est un soft power politique, scientifique, économique et culturel. En misant sur cette jeunesse éduquée, la France construit les relais de son influence. « Ces étudiants nous permettent d’instaurer des relations paisibles et durables entre les sociétés, de nous ouvrir à des façons de penser et de faire différentes et d’apporter des clés de compréhension à nos étudiants que nous formons pour qu’ils soient des citoyens du monde éclairés », analyse Anne Chalard-Fillaudeau, vice-présidente communication de l’université Paris-VIII. « Les anciens élèves deviennent des ambassadeurs de nos universités, de nos écoles, et participeront à de nouvelles collaborations, de nouveaux projets », souligne également Irini Tsamadou-Jacoberger. La diplomatie scientifique doit être une priorité, elle passe aussi par le meilleur accueil possible des étudiants étrangers.
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]]>Royaume-Uni : les Lords mettent un frein au projet de délocaliser le système d’asile au Rwanda - InfoMigrants
►https://www.infomigrants.net/fr/post/55697/royaumeuni--les-lords-mettent-un-frein-au-projet-de-delocaliser-le-sys
Royaume-Uni : les Lords mettent un frein au projet de délocaliser le système d’asile au Rwanda
Par RFI Publié le : 08/03/2024
Le gouvernement britannique a promis de faire baisser l’immigration. Sa solution : délocaliser son système d’asile au Rwanda pour dissuader les arrivées clandestines, en particulier via la Manche. Pour l’instant, la justice bloque le projet. Alors, l’exécutif propose une loi qui affirme que le Rwanda est un pays sûr. Mais le processus parlementaire vient de se compliquer lors de l’examen à la Chambre des Lords.
Les Lords britanniques ont approuvé mercredi soir une dizaine d’amendements au projet de loi sur la sécurité du Rwanda. La plupart avec une marge de plus de 100 voix.Parmi ces amendements, la possibilité pour les tribunaux britanniques d’intervenir dans l’expulsion des demandeurs d’asile. C’est le principal revers pour le gouvernement, qui a présenté ce texte précisément pour contourner les injonctions judiciaires.
Les membres de la Chambre haute ont également voté pour renforcer les protections pour les mineurs non accompagnés, les victimes de l’esclavage moderne et les anciens collaborateurs des services britanniques.
Un amendement réclame enfin la publication de données chiffrées de la part du gouvernement, qui n’a toujours pas indiqué combien de demandeurs d’asile il comptait envoyer au Rwanda. Le vote de ces amendements – qui affaiblissent le texte du gouvernement – va rallonger la navette parlementaire : les députés doivent valider le texte dans les mêmes termes pour qu’il soit adopté. De quoi retarder l’entrée en vigueur du partenariat avec le Rwanda promis par l’exécutif depuis deux ans.
#Covid-19#migrant#migration#royaumeuni#rwanda#asile#expulsion#payssur#politiquemigratoire#droit#sante
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Royaume-Uni : les Lords mettent un frein au projet de délocaliser le système d’asile au Rwanda
Par RFI Publié le : 08/03/2024
Le gouvernement britannique a promis de faire baisser l’immigration. Sa solution : délocaliser son système d’asile au Rwanda pour dissuader les arrivées clandestines, en particulier via la Manche. Pour l’instant, la justice bloque le projet. Alors, l’exécutif propose une loi qui affirme que le Rwanda est un pays sûr. Mais le processus parlementaire vient de se compliquer lors de l’examen à la Chambre des Lords.
Les Lords britanniques ont approuvé mercredi soir une dizaine d’amendements au projet de loi sur la sécurité du Rwanda. La plupart avec une marge de plus de 100 voix.Parmi ces amendements, la possibilité pour les tribunaux britanniques d’intervenir dans l’expulsion des demandeurs d’asile. C’est le principal revers pour le gouvernement, qui a présenté ce texte précisément pour contourner les injonctions judiciaires.
Les membres de la Chambre haute ont également voté pour renforcer les protections pour les mineurs non accompagnés, les victimes de l’esclavage moderne et les anciens collaborateurs des services britanniques.
Un amendement réclame enfin la publication de données chiffrées de la part du gouvernement, qui n’a toujours pas indiqué combien de demandeurs d’asile il comptait envoyer au Rwanda. Le vote de ces amendements – qui affaiblissent le texte du gouvernement – va rallonger la navette parlementaire : les députés doivent valider le texte dans les mêmes termes pour qu’il soit adopté. De quoi retarder l’entrée en vigueur du partenariat avec le Rwanda promis par l’exécutif depuis deux ans.
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]]>La loi « immigration », dernier texte d’une longue série de 118 depuis 1945
▻https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/25/la-loi-immigration-dernier-texte-d-une-longue-serie-de-118-depuis-1945_62184
La loi « immigration », dernier texte d’une longue série de 118 depuis 1945
Par Romain Imbach, Maxime Vaudano et Stéphanie Pierre
Le projet de loi « immigration » porté par le ministre de l’intérieur a finalement été promulgué le 26 janvier dernier, bien que le Conseil constitutionnel ait censuré plus d’un tiers des articles adoptés par les parlementaires. « Le Monde » se penche sur la centaine de réformes sur l’immigration depuis 1945.
La « loi Darmanin » promulguée fin janvier vient compléter l’édifice du droit de l’immigration – un empilement législatif vertigineux remanié sans cesse depuis les textes fondateurs signés par le général de Gaulle au sortir de la guerre.
Un chiffre suffit à prendre la mesure de cette hyperactivité législative : depuis 1945, la France a voté une loi sur l’immigration tous les deux ans en moyenne – sans compter les ordonnances, arrêtés, circulaires et décrets qui se sont multipliés. De droite comme de gauche, tous les ministres de l’intérieur ont voulu laisser leur empreinte sur la question.
Pour quel résultat ? Aucun de ces textes n’est parvenu à éteindre le débat brûlant sur l’immigration né au cœur des années 1970. Même l’accélération des réformes depuis les années 1980 a été impuissante à contenir la poussée de l’extrême droite, qui s’appuie alors sur l’équation fallacieuse inventée par Jean-Marie Le Pen : « 1 million d’immigrés = 1 million de chômeurs. »
L’amoncellement des lois n’a eu guère plus d’effets sur la réalité de l’immigration, la hausse des demandes d’asile, dans les années 2010, ou la « crise » des réfugiés, en 2015 – les flux migratoires dépendent bien plus de circonstances extérieures que des décrets.
Cette frénésie de changement n’est pourtant pas anodine. Sans même compter le temps passé au Parlement et dans les ministères pour procéder sans cesse à des ajustements, tantôt minuscules, tantôt fondamentaux, de la politique migratoire, les acteurs de terrain (magistrats, avocats ou associatifs) peinent à suivre le rythme effréné des réformes, qui se contredisent souvent, et complexifient le droit des étrangers. Ainsi, les conditions de délivrance de la carte de résident de longue durée ont changé huit fois depuis 1984, réclamant aux étrangers cinq, dix ou quinze ans de résidence en France, et les critères de régularisation des immigrés sans papiers ont été redéfinis près d’une quinzaine de fois depuis les années 1970.
Ces incessantes révisions de la législation ont progressivement brouillé la répartition des rôles confortable entre une droite « ferme » et une gauche « humaniste ». Car si Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy restent probablement les champions des mesures anti-immigration, les socialistes ont entériné, voire devancé, de nombreux durcissements proposés par la droite. Une tendance largement confirmée depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
(....)
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]]>Migrations : après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie
▻https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/02/19/migrations-apres-la-tunisie-l-europe-cherche-un-accord-avec-la-mauritanie_62
Migrations : après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie
Par Philippe Jacqué (Bruxelles, bureau européen)
Nouakchoot, le 8 février 2024.
La Commission européenne avance, imperturbable, dans la construction de « partenariats stratégiques mutuellement bénéficiaires » avec les pays africains, incluant un vaste volet de gestion des migrations, sur le modèle de l’accord controversé passé entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie à l’été 2023. Après Tunis, où Ursula von der Leyen s’était rendue en juillet en compagnie des premiers ministres italien et néerlandais, la présidente de l’exécutif européen s’est déplacée début février à Nouakchott avec le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.
Le choix de cette destination n’est pas fortuit. En janvier, les arrivées irrégulières enregistrées par l’agence européenne Frontex ont fortement augmenté aux Canaries, au large des côtes marocaines. Quelque 6 686 entrées irrégulières ont été comptabilisées sur l’archipel espagnol, en hausse de 48 %. Dans le même temps, les arrivées se sont taries en provenance de la voie méditerranéenne centrale, avec 1 511 entrées en janvier, en chute de 71 %.
Les départs, en hausse côté libyen, ont baissé depuis l’automne en Tunisie, entravés par une surveillance accrue des autorités. Preuve que le préaccord de partenariat global trouvé l’été dernier entre l’Europe et la Tunisie – un temps contesté par Tunis et une partie du Parlement européen – est bel et bien en cours d’application. Quelque 105 millions d’euros étaient prévus pour lutter contre l’immigration irrégulière vers l’Europe. Les services de l’exécutif européen travaillent à un niveau technique avec Tunis sur de multiples projets de coopération sur cette question.
Depuis, la Commission a multiplié les échanges avec d’autres pays du nord de l’Afrique, et notamment la Mauritanie. Officiellement, il s’agit encore d’un partenariat global qui concerne à la fois le développement économique, avec le soutien à des projets d’énergies renouvelables, la sécurité et bien sûr la question migratoire.
« Je tiens à souligner votre engagement à secourir les migrants qui prennent la route de l’Atlantique, une des plus dangereuses au monde, a rappelé Ursula von der Leyen le 9 février à Nouakchott. L’Union européenne et la Mauritanie doivent renforcer leur coopération dans ce domaine ainsi que pour la gestion des frontières, les retours et l’assistance aux réfugiés. »
Pour ce faire, « nous avons discuté d’une déclaration et d’une feuille de route communes, que nous finaliserons au printemps, accompagnées d’une enveloppe financière – plus de 210 millions d’euros d’ici à la fin de l’année – pour la gestion de la migration, pour l’aide humanitaire aux réfugiés, mais aussi pour les investissements dans l’emploi, les compétences et l’entrepreneuriat », a-t-elle ajouté.
Alors que cette feuille de route est toujours en négociation, son contenu reste flou. Quelque 14 millions d’euros devraient être utilisés pour couvrir les coûts liés à l’arrivée de 150 000 réfugiés maliens. Une autre partie sera consacrée à des accords avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour faciliter les retours. Enfin, des moyens devraient permettre d’améliorer le contrôle des frontières et des côtes, les douanes mauritaniennes – et leur vingtaine de navires – étant démunies pour couvrir les 750 km de façade maritime.Initialement, la Commission souhaitait déployer des agents de l’agence Frontex en Mauritanie – tout comme au Sénégal, où les négociations sont actuellement suspendues. « Il semble que ce ne soit plus d’actualité, confie une source européenne. Pour l’autoriser, le gouvernement mauritanien a fait monter les enchères en demandant davantage de visas d’entrée en Europe – qui ne relèvent pas de la responsabilité de Bruxelles, mais des Etats membres. Pour l’instant, cela coince. »
Néanmoins, si Frontex n’est actuellement pas sur place, la Guardia civil espagnole est bien présente dans le pays, Madrid et Nouakchott ayant signé un partenariat opérationnel pour bloquer les flux de pirogues entre le Sénégal ou la Mauritanie et les Canaries.
Au-delà de la Tunisie, de la Mauritanie ou du Maroc – qui dispose d’une aide budgétaire annuelle conséquente pour bloquer les migrations –, Bruxelles tente de conclure depuis de nombreux mois un autre partenariat avec l’Egypte. Des discussions sont toujours en cours pour un accord incluant là aussi un volet de contrôle migratoire. Le Caire devrait toucher plus de 80 millions d’euros, notamment pour des équipements de contrôle à la frontière libyenne et de nouveaux navires de patrouille. Les discussions n’ont cependant pas encore abouti, le gouvernement du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi souhaitant un volet d’aide économique très conséquent qui passerait par un prêt de plusieurs milliards d’euros et qui aujourd’hui n’est pas encore bouclé.
Lors de la révision budgétaire actée en décembre 2023, les dirigeants de l’UE ont certes décidé une enveloppe pour Kiev de 50 milliards d’euros, mais ils ont également validé une nouvelle enveloppe de 9,6 milliards d’euros pour la gestion externe des migrations. Sur cette somme, 2 milliards seront utilisés pour le voisinage du sud de l’Europe. Des moyens qui devraient venir abonder dans les mois qui viennent de nouvelles actions de contrôle migratoire. « On n’a pas fini de traiter l’Afrique sous le seul prisme migratoire, regrette une source diplomatique à Bruxelles. Et les élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin, ne devraient pas modifier cette perception. »
#Covid-19#migration#migrant#UE#tunisie#espagne#frontex#OIM#egypte#developpement#frontiere#externalisation#maroc#retour#competence#sante#politiquemigratoire
]]>Immigration : la carte africaine de Giorgia Meloni
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/13/immigration-la-carte-africaine-de-giorgia-meloni_6216317_3232.html
Immigration : la carte africaine de Giorgia Meloni
Allan Kaval
Pour Giorgia Meloni, hôte du G7 en 2024, la question migratoire est aussi une affaire de rayonnement international. Le dossier est la priorité de sa diplomatie, l’enjeu sur lequel la présidente du conseil italien dessine et affirme pour son pays un nouveau rôle de protagoniste en Europe et sur le continent africain. Tout remonte aux premiers jours de son mandat, quand elle a affirmé sa volonté d’affronter les flux migratoires en amont des frontières italiennes, brandissant un futur plan italien de soutien au développement des Etats de départ et de transit, à la substance encore nébuleuse. Reprenant l’idée d’une Méditerranée dite « élargie », courante dans la pensée géopolitique italienne, comprenant l’Afrique du Nord et le Sahel comme zone d’intérêt stratégique, elle a affirmé que l’Italie devait y accomplir la mission que la géographie lui avait confiée : celle de devenir un pont européen vers la rive sud.
En baptisant sa formule, alliant contrôle des migrations irrégulières et aides aux Etats africains, le « plan Mattei », elle a rendu hommage au fondateur de la compagnie nationale des hydrocarbures ENI, Enrico Mattei (1906-1962), symbole d’une action extérieure favorable à l’émancipation des pays du tiers-monde du fait des contrats avantageux qu’il passait avec les pays producteurs. Son contenu reste à construire, mais son lancement, le 29 janvier à Rome, a déjà permis à Giorgia Meloni de réunir autour d’elle 42 chefs d’Etat, chefs de gouvernement et ministres africains et 23 organisations internationales. Cette rencontre lui a fourni l’occasion de rappeler que l’Italie allait porter les problématiques propres à l’Afrique, prise dans son ensemble comme matrice des questions migratoires, au cœur des travaux du sommet du G7, qui doit se tenir en juin à l’Hôtel Borgo Egnazia, à Savelletri di Fasano, dans les Pouilles.
La focalisation sur les questions migratoires est à l’origine d’une vocation africaine dont Mme Meloni s’est elle-même investie et qui est censée contribuer à accorder à l’Italie le rang qui lui revient en Europe. Au sommet de Rome étaient présents la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Avec cette dernière, et toujours sur les questions migratoires, Mme Meloni a d’ailleurs trouvé au fil de la première année de son mandat le relais le plus puissant des positions italiennes en Europe. En juillet, elle a ainsi obtenu que la présidente de la Commission européenne se rende en Tunisie pour signer un accord correspondant à la vision de Mme Meloni sur l’octroi d’un soutien financier en échange d’une coopération sur le dossier migratoire.
Cette relation particulière sur le dossier migratoire s’est encore manifestée en septembre, à Lampedusa. L’île, située à 130 kilomètres des côtes tunisiennes, était alors le théâtre d’une crise ponctuelle avec l’arrivée en quelques jours de près de 10 000 migrants secourus au large par les autorités italiennes. Les images, amplement diffusées, montrant les structures d’accueil dépassées ont créé une panique sur le continent, entretenue par les populistes antimigrants. Là encore, Mme Meloni a reçu le soutien de la présidente de la Commission européenne. Mme von der Leyen s’est rendue sur place avec elle, reprenant devant la presse des éléments de langage chers à la présidente du conseil sur la question du contrôle des frontières.
Loin d’accuser l’Union européenne d’être responsable de l’afflux de migrants non désirés – comme elle le faisait lorsqu’elle était dans l’opposition et comme le fait toujours son allié de coalition Matteo Salvini, chef de file de la Ligue –, Mme Meloni rallie Bruxelles à sa cause et devient incontournable sur les questions migratoires en Europe. L’affaire de Lampedusa et les signes de solidarité politique obligés qu’elle a suscités ont même permis d’esquisser une amélioration apparente des rapports avec le président français, Emmanuel Macron. Les relations entre Paris et Rome avaient été sérieusement dégradées par des crises diplomatiques antérieures, elles aussi liées à la question migratoire.
Le contrôle des migrations irrégulières est aussi un des sujets sur lesquels la présidente du conseil a construit sa relation privilégiée avec le premier ministre britannique, Rishi Sunak. Lors d’une visite à Londres en avril, elle avait même loué les efforts du premier ministre en vue de l’externalisation des procédures d’asile au Rwanda. Comme M. Sunak, la présidente du conseil italien considère cette forme de sous-traitance internationale comme un facteur dissuasif pour les migrants. Invité de marque de la fête annuelle du parti de Mme Meloni, Fratelli d’Italia, en décembre, M. Sunak avait réaffirmé l’aspiration de son gouvernement à remettre en cause les fondements du droit d’asile tel qu’il a été pensé au lendemain de la seconde guerre mondiale, trouvant un public conquis qui recevait pour la première fois un dirigeant de cette envergure.
Le parti de Mme Meloni avait également convié le premier ministre albanais, Edi Rama, partenaire de la présidente du conseil dans son propre projet d’externalisation. Autre succès diplomatico-migratoire, un accord en cours de ratification, passé entre l’Albanie et l’Italie en novembre, doit en effet permettre la construction de centres de rétention gérés selon le droit italien dans deux enclaves en territoire albanais. Y seront détenus des migrants secourus par des navires militaires italiens dans les eaux internationales. Lors de son passage à Rome, M. Rama avait redoublé de marques de fidélité à l’Italie, ce « pays frère » à qui Tirana était encore redevable pour avoir accueilli de nombreux réfugiés qui, dans les années 1990, chassés par le chaos qui régnait en Albanie, avaient abordé par milliers les côtes italiennes.
#Covid-19#migrant#migration#italie#lampedusa#UE#afrique#politiquemigratoire#mediterranee#albanie#externatisation#frontiere#sante
]]>« Aller chercher les médecins à l’étranger est un manque de respect pour les pays où ils sont formés »
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/08/aller-chercher-les-medecins-a-l-etranger-est-un-manque-de-respect-pour-les-p
« Aller chercher les médecins à l’étranger est un manque de respect pour les pays où ils sont formés »
Jean-Luc Dumas, Directeur général de la Cidmef
Le recrutement de médecins formés en dehors de l’Union européenne ne saurait compenser le besoin urgent d’augmenter les capacités de formation en France, estime Jean-Luc Dumas, directeur général de la Conférence internationale des doyens et des
facultés de médecine d’expression française, dans une tribune au « Monde ».
La mesure sidérante d’aller chercher les médecins des pays étrangers a été officialisée. Que le premier ministre français en fasse la déclaration devant le Parlement national est une décision lourde de sens ; que cette volonté soit portée en solution aux insuffisances de notre formation médicale est l’aveu d’un manque de respect pour le développement des systèmes de santé dans l’espace francophone.
Car il ne faut pas s’y tromper : ce ne sont pas nos confrères formés dans les grandes universités anglophones qui sont attendus, mais bien des futurs médecins de locution française provenant de pays historiquement liés à notre culture médicale. Ces médecins sont formés majoritairement dans des facultés qui, depuis des décennies, font l’effort de se structurer au niveau des standards internationaux, avec le soutien public d’Etats souvent démunis, dans le contexte de besoins en santé immenses des populations de ces territoires. Et ce sont bien ces praticiens venant de pays que l’on nommait autrefois « en voie de développement » que la France semble vouloir mettre à son service.
Quelle confirmation du renoncement et de la négation des politiques de coopération médicale que notre pays a conduites depuis plus de cinquante ans ; quel affront pour ceux qui les ont déployées et, plus largement, pour nos universités ! Dans le contexte apparent de suspicion, si ce n’est de rejet, vis-à-vis de l’héritage de notre culture dans les pays marqués par la colonisation, cette annonce ne peut que renforcer le sentiment de défiance, y compris à l’échelle politique, tant l’enjeu de la santé est un déterminant sociétal.
L’année 2024 sera marquée par la tenue en France du sommet de l’Organisation internationale de la francophonie. Plus de quatre-vingts Etats et gouvernements y sont représentés, mais, malgré ce contexte, la préservation des relations indispensables pour ces partenariats n’a visiblement pas incité à retenir la parole officielle et la négation dont elle fait preuve à l’encontre des besoins en santé de ces pays. Quelles sont donc les valeurs que la langue française véhicule dans son espace de diffusion ? Solidarité, respect, humanisme ? Aucun argument ne peut tenir face à la gravité de l’image qui est présentée. Certes, beaucoup de ces médecins formés à l’étranger demandent à venir exercer, et même s’installer, en France. Mais la régulation d’un système global de formation et d’échanges doit être la considération supérieure pour préparer l’avenir de tous. Et c’est justement la considération des besoins de nos partenaires qui doit guider les initiatives de cet ordre. La mobilité internationale doit être une source de formation à l’identité professionnelle et non pas l’objet d’une préemption de ressources humaines.
Certes, nos politiques et nos facultés se sont longtemps contentés de former trop peu de médecins, avec un manque de prévision, mais c’est précisément un effort significatif d’augmentation des capacités de formation et donc de moyens appropriés qui doit être mis en place immédiatement. Certes, les difficultés d’accès aux soins de premier recours en France sont pressantes, mais ce n’est pas en désespérant les étudiants et en culpabilisant les professionnels que les solutions seront créées : l’accès équitable aux études de santé peut être revu, tout comme la reconnaissance de la diversité des nouvelles compétences des professionnels de soins.
Gageons que le bon sens reviendra au premier plan et que nos administrations de haut rang sauront se mobiliser pour pondérer des annonces détachées d’un contexte de faisabilité. Gageons que ce qui apparaît comme une faute de communication déclenchera une prise de conscience salvatrice et un sursaut constructif.
Jean-Luc Dumas est directeur général de la Conférence internationale des doyens et des facultés de médecine d’expression française (Cidmef), ancien doyen de la faculté de médecine de Bobigny, université Sorbonne-Paris-Nord.
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]]>La suppression du droit du sol à Mayotte, une mesure voulue par l’extrême droite aux conséquences incertaines
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La suppression du droit du sol à Mayotte, une mesure voulue par l’extrême droite aux conséquences incertaines
Julia Pascual
Deux semaines à peine après la promulgation de la loi « immigration », qui avait notamment consacré, avant une censure du Conseil constitutionnel, la remise en cause du droit de la nationalité ou encore la préférence nationale, l’exécutif choisit de relancer le débat autour du droit du sol. A Mayotte, dimanche 11 février, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a tout bonnement promis de le supprimer dans ce département de l’océan Indien, par le biais d’une réforme constitutionnelle.
Début février, le ministre avait déjà dit son souhait de durcir le droit du sol à Mayotte après qu’une disposition de la loi « immigration » sur ce point avait été censurée par le Conseil constitutionnel, le 25 janvier pour des raisons de forme. Ajoutée par la droite sénatoriale, elle prévoyait que, pour devenir français à sa majorité, un enfant né à Mayotte soit tenu de prouver qu’un de ses deux parents se trouvait en situation régulière « plus d’un an avant [sa] naissance ».
Cette mesure durcissait le régime dérogatoire unique déjà instauré en 2018 par la loi Collomb, la première loi relative à l’immigration sous la présidence d’Emmanuel Macron. Depuis lors, l’enfant né sur l’archipel doit justifier qu’un de ses parents était en situation régulière depuis au moins trois mois avant sa naissance pour espérer devenir français à sa majorité ou par déclaration anticipée à partir de ses 13 ans.
Sur le reste du territoire français, le principe du droit du sol fait qu’un enfant né en France de parents étrangers devient français de façon automatique à sa majorité, ou par déclaration anticipée s’il a résidé sur le territoire cinq ans depuis l’âge de 11 ans. En 2021, selon l’Insee, quelque 35 000 personnes ont obtenu la nationalité française selon ce droit.Pour M. Darmanin, interviewé sur Mayotte La 1re, la suppression du droit du sol à Mayotte constituerait « une grande résolution [des] problèmes ». Le département le plus pauvre de France est affecté par un phénomène d’insécurité, d’habitat insalubre et de saturation des services publics, notamment de santé et d’éducation. Près de la moitié de la population – estimée à plus de 300 000 habitants – est étrangère, principalement issue des îles comoriennes voisines.
Le ministère de l’intérieur ambitionne de « diminuer de 90 % le nombre de titres de séjour ». Selon l’hypothèse suivante : si les enfants de parents étrangers ne peuvent plus devenir français, alors leurs parents ne pourront plus obtenir un titre de séjour de parent d’enfant français. Et donc l’intérêt pour eux de migrer à Mayotte sera nul. « Sur 4 000 titres de séjour délivrés chaque année, plus de 3 600 sont délivrés pour motif familial, en particulier en tant que “membres de famille de Français” », assure l’entourage de M. Darmanin.
Si le calendrier reste à connaître, le principe d’une révision constitutionnelle est posé. « Le besoin de réforme constitutionnelle a été évalué à partir des avis rendus par le Conseil d’Etat à l’occasion de la précédente réforme du droit du sol à Mayotte », argumente la Place Beauvau. Un point qui fait débat.
Au moment de la loi Collomb, « ni le Conseil d’Etat ni le Conseil constitutionnel n’ont dit qu’il y avait un risque d’inconstitutionnalité si l’on supprimait le droit du sol [à Mayotte] », rappelle Jules Lepoutre, professeur de droit public à l’université Côte d’Azur. Dans une décision de septembre 2018, le Conseil constitutionnel avait jugé que la différence de traitement apportée par la loi Collomb était conforme à la Constitution – et en particulier aux principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi –, compte tenu des caractéristiques particulières de l’archipel, confronté à des flux migratoires importants. Jules Lepoutre pense toutefois qu’une loi ordinaire serait « probablement inconstitutionnelle », car elle pourrait être vue comme une « atteinte disproportionnée à l’indivisibilité de la République et du territoire », ou encore parce que le juge constitutionnel pourrait à l’occasion « reconnaître la valeur constitutionnelle du droit du sol, car il est consubstantiel à notre régime républicain puisqu’il est appliqué sans discontinuité depuis la Révolution ». Saisi sur une suppression de l’automaticité du droit du sol en 1993 à l’occasion de la loi Pasqua-Méhaignerie, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, avait d’ailleurs déclaré lors des délibérations : « Si le législateur avait supprimé le jus soli [droit du sol], la question [de savoir s’il est un principe fondamental reconnu par les lois de la République] se poserait bien. Mais ici, il s’agit simplement d’en adapter certaines modalités. »
En optant pour une révision constitutionnelle, « le ministre de l’intérieur peut vouloir neutraliser une éventuelle précision de jurisprudence », suppose Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université Toulouse-Capitole. L’adoption d’un projet de loi constitutionnel n’est cependant pas évidente. Le texte doit être voté en des termes identiques par les deux chambres, après quoi le chef de l’Etat peut le faire adopter par référendum ou par une majorité des trois cinquièmes du Congrès.La loi « immigration » a illustré les difficultés du gouvernement à réunir une majorité parlementaire – il a essuyé une motion de rejet à l’Assemblée nationale et a obtenu un vote au prix de dispositions anticonstitutionnelles et du concours des voix du Rassemblement national (RN). Une réforme constitutionnelle sur l’immigration apparaît à tout le moins compliquée. (...)
« Le gouvernement annonce quelque chose qui est au programme du RN, qui va lui apporter un répit politique mais qui va enflammer de nouveau le pays sur le sujet de l’immigration et qui ne résout rien sur le terrain », étrille l’historien Patrick Weil. Les conséquences de la réforme sont loin d’être évidentes. « Il reste à prouver que les Comoriens se disent “on va à Mayotte, on fait un enfant, on attend ses 13 ans et à ce moment-là on obtient un titre de séjour en tant que parent d’enfant français” », souligne Jules Lepoutre, tandis qu’il est certain que le PIB par habitant est sept fois plus élevé dans le 101e département français qu’aux Comores. De fait, l’impact de la réforme de 2018 sur les flux irréguliers reste à démontrer. Au ministère de l’intérieur, on assure que la loi Collomb a déjà permis de « diviser par trois le nombre d’obtentions de la nationalité » par déclaration anticipée, passé de 2 800 en 2018 à 799 en 2022. Mais « on ne fait que fabriquer de l’étranger, dénonce l’avocate Marjane Ghaem, qui a officié au barreau de Mayotte entre 2012 et 2020. Cela va précariser des jeunes qui seront privés de l’accès la nationalité. »
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]]>Au Royaume-Uni, un rapport parlementaire étrille le projet de loi qui permet l’expulsion de migrants vers le Rwanda
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Au Royaume-Uni, un rapport parlementaire étrille le projet de loi qui permet l’expulsion de migrants vers le Rwanda
Le Monde avec AFP
Considéré par le gouvernement britannique comme le socle de sa politique migratoire, le projet de loi visant à expulser les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda a été sévèrement critiqué par une commission parlementaire, lundi 12 février.Celle-ci, composée de douze membres travaillistes et conservateurs de la Chambre des communes et de la Chambre des lords, a jugé dans un rapport que ce texte est « fondamentalement incompatible » avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droits humains.
Le projet de loi a été rédigé en réponse à la Cour suprême britannique qui a jugé illégal en novembre 2023 d’envoyer des migrants au Rwanda où leurs demandes d’asile seraient évaluées. Pour les hauts magistrats, le pays ne pouvait être considéré comme sûr pour les clandestins. Pour répondre à ce camouflet juridique, le gouvernement britannique avait signé un nouveau traité avec Kigali en décembre 2023 afin de garantir « entre autres que le Rwanda n’expulsera pas vers un autre pays les personnes transférées dans le cadre du partenariat », avait alors assuré le ministère de l’intérieur britannique. Le gouvernement avait également annoncé la présentation d’une « législation d’urgence » pour désigner le Rwanda comme un pays sûr.
C’est ce projet de loi qui a été étrillé lundi par la commission parlementaire. Dans son rapport, cette dernière s’inquiète ainsi de « l’obligation pour les tribunaux de considérer le Rwanda comme un pays “sûr” et de la limitation de l’accès aux tribunaux pour faire appel des décisions ». De plus, il n’est « pas clair », selon elle, que les migrants expulsés vers le Rwanda puissent avoir « la garantie » de ne pas être envoyés dans un pays où ils pourraient être persécutés.
« Les droits humains sont universels », souligne la commission parlementaire. Mais le projet de loi « porte atteinte à ce principe essentiel en refusant à un groupe particulier [les migrants expulsés] les protections garanties par la loi sur les droits humains ». Avec ce projet, des organismes publics seraient « autorisés à agir en violation de la Convention européenne des droits de l’homme », alerte la commission.
Qualifiant ce projet de « priorité nationale urgente », le premier ministre britannique, Rishi Sunak, souhaite par ce biais dissuader les migrants de traverser la Manche sur des embarcations de fortune – près de 30 000 personnes sont arrivées par ce moyen sur les côtes britanniques en 2023.Malgré de nombreuses critiques au Royaume-Uni – le projet divise même au sein du parti conservateur de M. Sunak –, le gouvernement est parvenu à faire adopter son texte en janvier par la Chambre des communes en récoltant 320 votes pour et 276 contre. Alors qu’il est débattu actuellement à la Chambre des lords, le Labour, mené par Keir Starmer, a d’ores et déjà promis de l’abroger s’il arrive au pouvoir après les législatives, prévues en l’état à l’automne.
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]]>L’Allemagne durcit sa politique migratoire - InfoMigrants
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InfoMigrants L’Allemagne durcit sa politique migratoire
Par La rédaction Publié le : 19/01/2024
Les députés allemands ont approuvé jeudi une série de mesures visant à durcir la politique migratoire du pays, alors que le nombre de demandeurs d’asile a fortement augmenté en 2023. En ligne de mire du gouvernement : accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés.Après la France et le Royaume-Uni, c’est au tour de l’Allemagne de durcir encore un peu plus sa politique migratoire. Le Bundestag, équivalent de l’Assemblée, a adopté jeudi 18 janvier un projet de loi afin d’accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés vers leur pays d’origine. « Nous veillerons à ce que les personnes qui n’ont pas le droit de rester dans notre pays soient obligées de le quitter plus rapidement », a déclaré la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, à propos de ce texte qui vise à « expulser de façon plus rapide et plus efficace ».
Pour ce faire, les députés allemands ont approuvé le rallongement de la durée maximale de détention des étrangers en situation irrégulière. Désormais, les sans-papiers pourront être retenus 28 jours, contre 10 avant la loi, dans le but de donner plus de temps aux autorités pour organiser les expulsions.Par ailleurs, les mesures adoptées donnent à la police de nouveaux pouvoirs pour rechercher les personnes sommées de quitter le pays et pour établir l’identité des migrants. Dorénavant, les agents sont autorisés à pénétrer dans les chambres des logements partagés pour interpeller une personne en situation irrégulière – avant, ils pouvaient uniquement entrer dans la chambre de la personne concernée.
La loi s’attaque aussi aux réseaux de passeurs : elle prévoit des sanctions plus sévères pour le trafic d’êtres humains, que les aides au passage soient rémunérées ou non. Toutefois, elle contient des dispositions limitant les poursuites à l’assistance sur terre, protégeant, selon le gouvernement, les ONG qui aident les migrants en mer.Le gouvernement estime que cet arsenal juridique entraînera 600 expulsions supplémentaires par an. Nancy Faeser a observé qu’une mise en œuvre plus ferme de la politique existante avait entraîné l’année dernière une augmentation de 27% des expulsions, pour atteindre le chiffre de 16 430.
Renvoyer plus de personnes déboutées du droit d’asile dans leur pays d’origine permettra de libérer des ressources pour ceux que l’Allemagne doit accueillir, a assuré la ministre. « Ceux qui fuient la guerre et le terrorisme peuvent compter sur notre soutien », a ajouté Nancy Faeser. La hausse de plus de 50% des demandes d’asile en Allemagne l’an dernier - plus de 329 000 demandes ont été enregistrées en 2023 -, couplée à l’accueil d’un million de réfugiés ukrainiens, met à l’épreuve les capacités des collectivités locales (Länder) qui ont tiré la sonnette d’alarme.La situation profite également au parti d’extrême droite l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), en forte progression dans les sondages.
Fin 2023, le gouvernement allemand avait également décidé de réduire les aides financières versées aux demandeurs d’asile. Selon le ministre des Finances, le libéral Christian Lindner du parti FDP, cette mesure fera économiser un milliard d’euros. Elle permettra « non seulement de soulager les États et les municipalités », mais aussi de « réduire l’attrait de l’État-providence allemand », avait-il alors indiqué sur X (ex-Twitter).Les défenseurs des droits sont vent debout contre ces nouvelles dispositions. « Nous sommes horrifiés à l’idée que des personnes en fuite et ceux qui leur offrent une aide humanitaire puissent être menacés de peines de prison », a déclaré l’association de sauvetage en mer SOS Humanity.
Pour Sea-Watch, « l’AfD n’a pas besoin d’être au gouvernement, il suffit que celui-ci lui cède ». « Contrairement à l’AfD, le gouvernement fédéral n’a pas besoin d’une réunion secrète pour discuter de la privation massive des droits, il la propose sous forme de loi », tance l’ONG de sauvetage en Méditerranée sur X (ex-Twitter).Sea-Watch fait référence à la révélation la semaine dernière d’une réunion secrète, qui s’est tenue en novembre, entre des membres de l’AfD, des néonazis et des entrepreneurs pour discuter de la mise en place d’un plan baptisé « Remigration » : un projet de déportation massif des demandeurs d’asile, des étrangers avec des titres de séjour et des citoyens considérés comme « non assimilés » du territoire allemand.
Le cofondateur du Mouvement identitaire autrichien (IBÖ) Martin Sellner y a présenté un projet pour envoyer vers l’Afrique du Nord jusqu’à deux millions de personnes, affirme le média d’investigation Correctiv. Depuis ces révélations, des milliers de personnes manifestent chaque soir en Allemagne contre l’extrême droite accusée de miner la démocratie. « Nous ne laisserons pas les Nazis voler notre ville », « tous ensemble contre le fascisme », « contre l’AfD et la folie nationaliste » scandent les participants lors de ces marches pacifiques.
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]]>Au Royaume-Uni, la grande dépendance des universités à l’égard des étudiants étrangers
▻https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/18/au-royaume-uni-la-grande-dependance-des-universites-a-l-egard-des-etudiants-
Au Royaume-Uni, la grande dépendance des universités à l’égard des étudiants étrangers
Par Eric Albert (Londres, correspondance)
Le courriel envoyé courant décembre 2023 par l’un des dirigeants du département d’enseignement en informatique de l’université d’York, au Royaume-Uni, à ses collègues était direct : « En réponse aux problèmes financiers actuels, l’université a décidé de réduire les notes demandées aux étudiants étrangers pour [l’admission dans] tous les cursus. » En clair, cette université, qui fait pourtant partie du prestigieux Russell Group, rassemblant les vingt-quatre meilleurs établissements de l’éducation supérieure du Royaume-Uni, a décidé d’accepter des étudiants étrangers de moins bon niveau.
Comme l’indique le message interne, révélé par le Financial Times, l’explication est purement financière : un étudiant britannique paie des frais universitaires de 9 250 livres sterling (près de 10 800 euros) par an, un niveau qui est encadré par l’Etat et gelé depuis 2012 ; ceux qui viennent de l’international paient deux à trois fois plus cher, sans aucune limite imposée par les autorités. Dans le même temps, l’Etat britannique a fortement réduit son budget consacré aux universités. Le financement public par étudiant est au plus bas depuis vingt-cinq ans. Les étudiants internationaux représentent donc la dernière manne disponible : ils apportent désormais 20 % des revenus des universités, un doublement en une décennie. « Il y a un besoin urgent d’un débat national sur le financement des universités, notamment l’équilibre entre les frais payés par les étudiants britanniques, les fonds publics, et les étudiants internationaux », souligne Charley Robinson, chargé de l’international à Universities UK, qui représente les universités britanniques.
Dans ce contexte, le courriel interne de l’université d’York dit tout haut ce qui se murmure tout bas depuis quelques années : les universités britanniques, en grande difficulté financière, risquent de créer des diplômes à deux vitesses, avec des exigences plus élevées pour les Britanniques. En deux décennies, le nombre d’étudiants internationaux a plus que doublé au Royaume-Uni, à presque 700 000 aujourd’hui, soit le quart de tous les étudiants. Dans certaines universités, le pourcentage dépasse allègrement la moitié : London School of Economics (66 % d’étudiants étrangers), University of the Arts London (54 %), Imperial College London (53 %), University College London (UCL, 52 %)… Au niveau des masters, les deux tiers des étudiants sont désormais internationaux. Le premier contingent vient de Chine, représentant environ le quart des étudiants étrangers. Les Indiens et les Nigérians sont aussi en forte hausse. Seul le nombre d’Européens, qui doivent payer les frais internationaux depuis le Brexit (alors qu’ils étaient limités aux frais britanniques auparavant), est en forte baisse.
Ce système tourné vers le recrutement international, qui est certes la preuve éclatante de l’attractivité des universités britanniques, n’est-il pas en train d’aller trop loin ? Jo Johnson, ancien secrétaire d’Etat à l’éducation supérieure (et frère de Boris Johnson), a récemment tiré la sonnette d’alarme : « la limite politique » se rapproche. Le gouvernement du premier ministre, Rishi Sunak, s’agace de voir ces étudiants grossir les statistiques de l’immigration, un sujet explosif outre-Manche. Quant aux universités elles-mêmes, avec des classes parfois entièrement composées d’étudiants étrangers, ne risquent-elles pas d’atteindre un certain déséquilibre ?
Coventry est une ville britannique qui a été presque rasée pendant la seconde guerre mondiale, bombardée intensément par l’armée allemande à cause de ses usines d’aviation. Reconstruite à la va-vite dans les années 1950, dominée par la circulation automobile, elle porte encore les stigmates du conflit. Aujourd’hui, partout dans cette cité des Midlands, des bâtiments affichent en grandes lettres capitales : « Logements étudiants ». Des tours sont apparues, entièrement destinées aux étudiants étrangers. Le mal nommé « City Village » (une grande barre d’immeubles sans charme) en fait partie.
(...) Nattya, un nom d’emprunt, est une étudiante thaïlandaise qui y loge. Son master en énergie renouvelable à l’université de Coventry compte trente-cinq étudiants : « Un seul est Britannique. » La majorité des autres vient d’Inde, à laquelle il faut ajouter quelques Nigérians et des Indonésiens. Tous ont payé autour de 20 000 livres sterling de frais, auxquels il faut ajouter le prix d’un an de vie au Royaume-Uni. « Au total, ça me coûte environ 2 millions de bahts [autour de 50 000 euros] », explique Nattya dans un anglais encore hésitant. Ses parents, qui possèdent une petite entreprise de vente de voitures d’occasion, se saignent pour lui offrir ces études, mais elle assure que l’investissement en vaut la peine, estimant pouvoir tripler son salaire en rentrant en Thaïlande. Mais pourquoi une université britannique ? « C’est moins cher que d’autres pays, notamment les Etats-Unis, et c’est plus facile d’y avoir une place. » Bonne étudiante sans être brillante à Bangkok, elle n’a eu qu’à soumettre ses notes ainsi qu’une lettre de motivation – et un gros chèque – pour être admise. Le master qui ne dure qu’un an, au lieu de deux années dans de nombreux autres pays, est aussi un atout considérable, réduisant les dépenses.
L’université de Coventry, où elle étudie, fait partie de ces établissements moyens, au 571e rang mondial dans le classement QS, qui fait référence. Mais elle a poussé particulièrement loin la logique de l’internationalisation. En 2010, l’établissement a ouvert un campus de 4 500 étudiants… à Londres, à plus de 170 kilomètres de la ville des Midlands. « Il a été créé dans le but explicite d’attirer les étudiants internationaux qui voulaient un diplôme de Coventry, mais souhaitaient vivre l’expérience londonienne », explique Ian Dunn, le recteur. L’université a désormais quatre campus à Londres. Dans la même logique qu’une multinationale, elle a aussi ouvert des sites en Pologne, au Maroc, en Egypte… Chacun offre un « diplôme de l’université de Coventry », mais sans que les étudiants aient besoin de mettre les pieds au Royaume-Uni, et à des prix beaucoup plus raisonnables. Comme pour une franchise, l’université supervise et garantit la qualité de l’enseignement. « Il s’agit d’apporter l’éducation là où elle est nécessaire », explique M. Dunn. Il assure qu’il n’est pas question de baisser la qualité de l’enseignement ni les critères d’admission.
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Reste que la logique de ce développement est financière. « Il est désormais douteux que la survie des universités britanniques soit possible sans les revenus des étudiants étrangers », estime Richard Wells, chargé de la stratégie internationale de l’université de Coventry. Dans son établissement, les étudiants étrangers rapportent 47 % des revenus.
Cette dépendance est la conséquence d’une décision politique prise en 2012. La décennie précédente, le nombre d’étudiants avait fortement augmenté, tandis que les financements ne suivaient pas. Le gouvernement de David Cameron avait alors décidé de tripler les frais universitaires, alors limités à 3 000 livres sterling. La décision a provoqué une violente tempête politique et d’importantes manifestations. Depuis, aucun gouvernement n’ose toucher à la limite de 9 250 livres sterling par année universitaire pour les étudiants britanniques. En valeur réelle, ce gel depuis douze ans représente une baisse d’un tiers. « Ce n’est pas un secret, les étudiants internationaux fournissent des revenus vitaux », souligne Ben Moore, de Russell Group. Selon lui, un étudiant international « subventionne » un Britannique à hauteur de 2 500 livres sterling par an. Désormais, la pression financière s’immisce même dans les tout meilleurs établissements. A UCL (neuvième meilleur établissement mondial, selon le classement QS), un professeur, qui requiert l’anonymat, raconte les consignes venant de sa direction pour sélectionner les étudiants. « Pour chaque classe, on me donne un quota d’étudiants étrangers. A moi, ensuite, de trouver les élèves qui ont le niveau. » (...)
Cette vague d’internationalisation serait-elle cependant sur le point de refluer ? Le gouvernement britannique, soucieux de réduire l’immigration, a augmenté le coût des visas en 2023 et vient d’imposer des restrictions pour limiter le regroupement familial des étudiants en master. Selon le site Studyportals, qui aide les candidats aux études à l’étranger à s’y retrouver, les demandes de renseignements chutent : − 48 % en provenance du Nigeria, − 34 % du Sri Lanka (ces deux pays sont par ailleurs touchés par des crises économiques), − 22 % des Emirats arabes unis… « Nous pensons que nous avons atteint un pic du nombre d’étudiants internationaux en 2023, et nous sommes de plus en plus inquiets pour le recrutement des étudiants en 2024 », explique Mme Robinson, d’Universities UK. Pour le gouvernement, cela représente un dilemme difficile : soit mieux financer les universités, quitte à augmenter les frais universitaires pour les Britanniques, soit faciliter les visas. Un choix entre deux bombes politiques qu’aucun des deux grands partis n’ose discuter ouvertement, à moins d’un an des élections législatives.
#Covid-19#migration#migrant#grandebretagne#universite#etudiant#immigration#economie#visas#politiquemigratoire
]]>Immigration : « Les partis de gouvernement s’alignent sur le cadre idéologique de l’extrême droite »
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/17/immigration-les-partis-de-gouvernement-s-alignent-sur-le-cadre-ideologique-d
Immigration : « Les partis de gouvernement s’alignent sur le cadre idéologique de l’extrême droite »
Tribune : Jean-Claude Barbier
L’irrationalité économique des politiques migratoires est prouvée et n’est pas propre à la France. C’est ce que montre très bien The Economist dans son édition du 23 décembre 2023, en demandant une « détoxification » de ces politiques. Qu’il s’agisse des bateaux sur la Manche ou de l’immigration en général, les hommes et femmes politiques du Vieux Continent pratiquent la surenchère, estime l’hebdomadaire économique britannique.
L’économiste El Mouhoub Mouhoud démontre de son côté que le « régime d’immigration » hérité du colonialisme en France est peu compétitif internationalement. Une étude du Center for Global Development, parue en 2021, indiquait que le déficit de main-d’œuvre se situerait à environ 44 millions d’actifs en Europe, dont 3,6 millions au Royaume-Uni, 3,9 millions en France et 7 millions en Allemagne. On ne peut que constater les ravages croissants du populisme et la progression des idées d’extrême droite, mais aussi la confusion entretenue entre demande d’asile et autres formes de migration. La Commission européenne, chargée d’organiser la solidarité, montre son impuissance depuis 2015.
Après la victoire de Geert Wilders aux élections législatives néerlandaises, les observations du politiste Cas Mudde confirment une situation inquiétante en Europe. L’élection a été orchestrée par les partis en lice en termes « racialisés » et le niveau de vie et le problème du logement sont présentés aux électeurs en matière d’immigration. Ce sont les partis de gouvernement qui sont à l’origine d’un alignement sur le cadre idéologique de l’extrême droite.
Le parallèle ici est frappant avec ce qui se passe en France, où les partis, et non les sondages, imposent leurs thèmes. A cet égard, la recherche illustre le caractère fragile des études concernant les opinions relatives à l’immigration et le danger puissant de leur possible manipulation : la simple mention répétée des faits d’immigration modifie les opinions.En ce qui concerne le Danemark et la Norvège, l’idée de réserver aux nationaux les bienfaits de la protection sociale généreuse est apparue il y a trente ans chez les partis d’extrême droite. Ces partis ont ainsi inventé le « chauvinisme du welfare [Etat-providence] ». Au Danemark, des politiques ouvertement anti-immigrés ont émergé en 2002 avec le centre droit, puis se sont poursuivies avec l’arrivée au pouvoir du parti social-démocrate de Mette Frederiksen, en 2019.
Le gouvernement danois a été jusqu’à reprendre le programme de l’extrême droite, avec comme but une politique de « zéro réfugié » et a lancé l’idée d’expatrier les candidats à l’asile au Rwanda. Au cas par cas, le Danemark négocie toutefois des exceptions pour ses difficultés de recrutement. Le point-clé danois reste la cohésion culturelle du pays.
Au Royaume-Uni, le gouvernement de Rishi Sunak travaille sur le transfert des demandeurs d’asile au Rwanda, mais les conservateurs au pouvoir sont très divisés sur le texte et le Parti travailliste y est opposé. Le Labour a cependant révisé sa politique d’immigration, y compris avec des mesures strictes, notamment contre les passeurs. Il n’a surtout pas l’intention d’ouvrir les frontières. L’obtention d’un visa dans le pays est d’ailleurs conditionnée à un salaire plancher, ce qui correspond à une immigration « choisie ».
Si la « solution » préconisée par M. Sunak n’a aucune chance d’advenir en France, du fait de la Convention européenne des droits de l’homme, le plus grand contraste règne en Europe, particulièrement entre la France et l’Allemagne. Le nombre d’immigrés ukrainiens dépasse le million en Allemagne alors qu’il n’est que de 60 000 en France. La législation allemande permet aux demandeurs d’asile de travailler et une procédure dite « de tolérance » protège certains travailleurs qui n’ont pas le statut de réfugié. Par rapport à celles de la France, les performances d’apprentissage de la langue allemande, malgré ses difficultés, sont sans comparaison !
En Allemagne, l’immigration et l’asile se situent, proportionnellement à la population, à des niveaux beaucoup plus élevés qu’en France. Certes l’Allemagne a des besoins de recrutement supérieurs à ceux de l’Hexagone, mais le patronat français, comme le fait remarquer El Mouhoub Mouhoud, préfère s’arranger avec l’immigration irrégulière. Il se contente d’agir en cachette, alors que les pénuries de main-d’œuvre sont criantes, notamment s’agissant des chaudronniers dans le secteur du nucléaire.
Le patronat allemand appuie publiquement, et de façon responsable, les projets du gouvernement relatifs à l’immigration qui promeuvent l’immigration de travailleurs extra-européens. Mieux encore, les hauts responsables du patronat allemand combattent les idées du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD).Certes, la menace pèse lourd sur la coalition du Parti social-démocrate (SPD), des Verts et du Parti libéral-démocrate (FDP) d’une part, et sur l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’autre part, face à la montée en puissance de l’AfD. Pour autant, aussi bien le patronat allemand que les partis de gouvernement ont une position explicite contre l’extrême droite alors qu’en France la « normalisation » du Rassemblement national, elle, s’accélère.
Une certaine démocratie sociale fonctionne encore en Allemagne face à la menace de la partie de l’extrême droite contaminée par le nazisme. On pourrait s’inspirer de cet exemple plutôt que de s’enfoncer dans un pacte toxique qui enferme le macronisme dans l’ombre du Rassemblement national.
Jean-Claude Barbier est sociologue auprès du Centre national de recherche scientifique du Centre d’économie de la Sorbonne.
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]]>Près de 30 000 migrants ont traversé illégalement la Manche en 2023, le gouvernement britannique se félicite d’une forte baisse
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Près de 30 000 migrants ont traversé illégalement la Manche en 2023, le gouvernement britannique se félicite d’une forte baisse
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 03h10, modifié à 08h05
Le chiffre est suivi avec attention au Royaume-Uni, où les gouvernements conservateurs successifs ont promis de « reprendre le contrôle des frontières » après le Brexit. En 2023, 29 437 migrants ont rejoint illégalement les côtes anglaises en traversant la Manche, selon le bilan du ministère de l’intérieur britannique publié lundi 1er janvier, soit une baisse de 35 % par rapport à 2022 et ses 45 774 entrants illégaux, ce qui avait constitué un sommet.
« Alors que les entrées illégales en Europe augmentent, le nombre de personnes venant illégalement au Royaume-Uni diminue. C’est un succès important », s’est félicité dans un communiqué le ministre de l’intérieur, James Cleverly. Le bilan de 2023 reste cependant le deuxième plus élevé jamais enregistré, supérieur à celui de 2021 (28 526).
L’immigration s’annonce comme un sujet-clé de la campagne pour les élections législatives prévues cette année au Royaume-Uni. Le premier ministre, Rishi Sunak, a d’ailleurs promis d’« arrêter les bateaux » des migrants clandestins.
Environ 20 % des migrants qui sont arrivés sur les côtes anglaises en 2023 sont originaires d’Afghanistan, selon des données allant jusqu’au 29 novembre. Viennent ensuite les Iraniens (12 %), puis les Turcs (11 %), les Erythréens (9 %) et les Irakiens (9 %). En revanche, le nombre d’Albanais – ils avaient été parmi les plus nombreux à faire la traversée en 2022 (12 658) –, a chuté de plus de 90 %. Londres et Tirana ont passé un accord visant à empêcher les Albanais de partir illégalement vers le Royaume-Uni.
Le gouvernement britannique s’est plusieurs fois félicité du succès de cet accord, ainsi que de celui passé avec la France. En mars, Londres et Paris ont conclu un accord prévoyant une contribution du Royaume-Uni de plus de 500 millions d’euros sur trois ans pour renforcer la surveillance sur les plages françaises et lutter contre les gangs de passeurs.
En 2023, plus de 24 000 clandestins, parmi lesquels 5 500 Albanais, ont été expulsés, selon le ministère de l’intérieur. « L’engagement » du gouvernement « de résorber l’arriéré des demandes d’asile a été tenu », affirme-t-il, avec 112 000 dossiers traités en 2023. Environ 67 % des demandes d’asile ont reçu une réponse positive.
Le gouvernement conservateur britannique, qui a adopté des lois extrêmement restrictives sur l’asile, compte toujours expulser au Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni. Le projet a été bloqué par la Cour suprême, mais Londres a passé un nouvel accord avec Kigali. Le nouveau projet « est la législation la plus sévère jamais présentée au Parlement en matière d’immigration », a affirmé Rishi Sunak en décembre 2023 aux députés.
Le gouvernement a par ailleurs annoncé fin 2023 un tour de vis pour réduire l’immigration légale. L’immigration a atteint un record en 2022, avec 745 000 personnes en plus au Royaume-Uni. Londres a promis de réduire ce chiffre de 300 000 personnes dans les années à venir. Parmi les annonces figure la fin, sauf exceptions, du regroupement familial pour les étudiants étrangers. Cette mesure, entrée en vigueur lundi, « permettra une baisse rapide de l’immigration avec des dizaines de milliers de personnes en moins », affirme le ministre de l’intérieur.
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]]>L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
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L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
Le Rassemblement national se tient prêt à exploiter une censure partielle de la « loi immigration » par le Conseil constitutionnel, dont l’extrême droite cherche à réduire les prérogatives.
Par Clément Guillou
Il ne déplairait pas à la première ministre, Elisabeth Borne, et à son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, que le Conseil constitutionnel censure une partie des dispositions contenues dans la loi sur l’immigration, adoptée par le Parlement, le 19 décembre. Un autre camp n’y verrait pas d’inconvénient : l’extrême droite.
« Cela nous intéresse que ce débat-là soit sur la place publique, avance Philippe Olivier, conseiller spécial de la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Si la loi n’est pas validée, voilà ce que se dira l’électeur : “Comment cela ? Les sondages indiquent que les gens sont contents de la loi et [le président du Conseil constitutionnel] Laurent Fabius, dans son bureau, la remet en question ?” Ça va être très mal pris. Bien sûr qu’on le dénoncera. » Et l’ancien mégrétiste de reprendre la vulgate lepéniste en voyant dans une éventuelle censure, non pas le respect du texte suprême par neuf juges, mais « le bricolage du système ».
Le second volet du discours lepéniste est résumé ainsi par le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, un autre proche de Marine Le Pen, le 21 décembre sur Franceinfo : « Si, malheureusement, le Conseil constitutionnel prend des dispositions de censure, cela prouvera que nous avions raison et qu’il faut une réforme de la Constitution [soumise à référendum] pour assurer que les dispositions passent. »
Depuis des décennies, l’extrême droite mène deux guerres idéologiques sur le terrain de l’immigration : l’une concerne la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ; l’autre concerne la lutte contre l’Etat de droit, qu’elle juge incompatible avec ses idées sur la question. Une censure partielle permettrait au Rassemblement national d’avancer ses pions sur deux thèmes : la nécessité de rogner les pouvoirs du juge constitutionnel et de modifier la Constitution en inversant la hiérarchie des normes. Le programme de Marine Le Pen prévoit de faire primer la Constitution sur l’ensemble des traités internationaux signés par la France, dont les traités européens. Un choix fait en 2021 par les nationalistes polonais, qui a mis Varsovie au ban de l’Union européenne jusqu’à la victoire électorale de Donald Tusk, en 2023. Une censure partielle du Conseil, d’autant plus s’il la justifiait par le respect du droit communautaire, viendrait nourrir le discours eurosceptique du RN à cinq mois des élections européennes de 2024.
S’enclenche ainsi, à quelques semaines de l’avis de la juridiction suprême, le processus annoncé au lendemain du vote, dans Le Monde, par le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, proche du Parti socialiste : « La censure permettrait au Rassemblement national de dire : “Vous voyez bien que notre Constitution ne nous permet pas d’assurer la sécurité de nos concitoyens”. » Le RN n’est plus seul à tenir ce discours. Chez LR, des voix s’expriment aussi pour mettre en garde contre une décision défavorable des neuf juges constitutionnels, laissant entendre qu’il s’agirait alors d’une décision politique, sous la pression d’Emmanuel Macron. Depuis la candidature présidentielle de François Fillon en 2017, LR s’est rallié à l’hypothèse d’une révision constitutionnelle sur l’immigration – même l’ancien négociateur du Brexit Michel Barnier, pourtant l’un des plus europhiles de son camp, avait proposé de mettre un terme à la primauté du droit européen en matière migratoire.
Le 7 décembre, le président du parti, Eric Ciotti, avait défendu lors de sa niche parlementaire un tel « bouclier constitutionnel », appuyé par le RN. Si Gérald Darmanin avait étrillé la proposition sur la forme, la comparant à un « Frexit » déguisé, il se montrait moins hostile sur le fond, la jugeant « complémentaire » de sa loi « immigration ». « Combien de fois ai-je entendu les parlementaires dénoncer le fait que la menace de la censure constitutionnelle (…) rétrécisse les horizons des possibles ? Nous en sommes d’accord », avait-il déclaré. Durant les débats, il avait souligné l’intérêt d’un travail diplomatique pour réviser les traités européens et renégocier la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle se conforme la Constitution. Ces dernières semaines, le ministre de l’intérieur a multiplié les déclarations et décisions montrant la nécessité, selon lui, de modifier les traités internationaux ou d’aller contre l’Etat de droit. Il s’est félicité de déroger à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), puis du Conseil d’Etat, dans un dossier d’expulsion d’un ressortissant ouzbek. Soupçonné de liens avec la mouvance islamiste, selon la Place Beauvau, l’homme, renvoyé en Ouzbekistan, y est menacé de torture selon ses défenseurs et la CEDH. Le penseur identitaire Jean-Yves Le Gallou, qui a mené les combats culturels de l’extrême droite depuis quarante ans, se rengorge d’avancées majeures dans sa bataille contre l’Etat de droit : « Il y a quinze ans, c’est avec beaucoup de prudence que je remettais en cause le diktat judiciaire sur la législation sur l’immigration. Or, c’est dit aujourd’hui avec beaucoup de force par la droite républicaine. »Ces dernières semaines, cette dénonciation d’un « gouvernement des juges » français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté. Dans Le Figaro, le 23 décembre, ce dernier se délecte de l’inquiétude de « la gauche » à l’idée que les Français découvrent « que l’Etat de droit contraint la souveraineté populaire » et en concluent « qu’il faudra ajuster les institutions politiques en conséquence ».
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]]>A la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, des arrivées de migrants en forte hausse
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A la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, des arrivées de migrants en forte hausse
Par Anne Vigna (Mexico, correspondante)
Lors de leur venue à Mexico pour une réunion consacrée à la question migratoire, mercredi 27 décembre, les membres de la délégation américaine – composée du chef de la diplomatie, Antony Blinken, et du secrétaire à la sécurité nationale, Alejandro Mayorkas – arboraient un grand sourire. C’est du moins ce que montrent les photos de leur rencontre avec le président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador (dit « AMLO »). Mais aucun communiqué n’a été diffusé à l’issue de la discussion qui a duré plus de deux heures. « AMLO » comme la ministre des affaires étrangères mexicaine, Alicia Barcen, ont répété que la rencontre avait été « très positive » et qu’elle allait désormais se reproduire mensuellement, en invitant d’autres pays d’Amérique centrale, eux aussi concernés par le phénomène migratoire.
Le président mexicain a précisé, lors de sa « matinale », son intervention télévisée quotidienne, jeudi 28 décembre que « les Etats-Unis ont accepté de rouvrir leurs ponts frontaliers », qui avaient été fermés à la mi-décembre devant l’afflux de migrants. « La relation avec nos voisins est fondamentale : nous devons en prendre soin et nous devons également prendre soin des migrants. Nous devons veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus, d’enlèvements ou d’accidents en cours de route. » Cette communication cache mal une situation de plus en plus dramatique à la frontière entre les deux pays : selon les chiffres communiqués par la police aux frontières américaine, près de 10 000 personnes sont arrivées chaque jour à la frontière sud des Etats-Unis en décembre. D’octobre 2022 à septembre 2023, 3,2 millions de migrants se sont rendus aux autorités américaines contre 2,7 millions lors de la précédente période, selon le département des douanes américain.
D’autre part, une nouvelle caravane de près de 10 000 migrants est partie à pied du Chiapas, dans le sud du Mexique, le 25 décembre, et devrait arriver dans trois semaines à Mexico. L’image de cette colonne d’hommes et de femmes, reproduite dans de nombreux médias américains, a sonné l’alarme dans les Etats du sud des Etats-Unis. Le Texas a renforcé la protection de sa frontière et a affrété des bus pour emmener les migrants vers d’autres Etats du pays, en particulier ceux dirigés par les démocrates, comme New York et la Californie.« Ces gens fuient des situations extrêmement violentes, et cela va continuer. On ne voit toujours aucune stratégie américaine se dessiner, si ce n’est une réponse à l’urgence. Le Mexique, au contraire, a mis au point plusieurs programmes en Amérique centrale. Même si ce n’est pas parfait, c’est un début », estime la coordinatrice de l’organisation Agenda Migrante, Eunice Rendon. Face aux pressions américaines, le Mexique risque de renforcer encore les contrôles et d’augmenter les expulsions, obligeant les migrants à prendre toujours plus de risques pour parvenir à destination.
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]]>RÉTRO 2023 : L’ODYSSÉE DES JEUNES SÉNÉGALAIS À TRAVERS L’ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE
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RÉTRO 2023 : L’ODYSSÉE DES JEUNES SÉNÉGALAIS À TRAVERS L’ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE
L’année 2023 au Sénégal fut très mouvementée. Plusieurs événements ont marqué les esprits et mis en émoi le pays tout entier tout comme la communauté internationale.
L’on se rappelle des manifestations en début d’année plongeant le pays dans un véritable chaos. Cependant, quand le pays s’embrasait à la faveur des affrontements entre les FDS et une partie des citoyens, attisés par la classe politique et des personnes mal intentionnées, d’autres individus, principalement des jeunes, essayaient de se frayer le « chemin de la liberté » quoi qu’il en coûte. Douze mois se sont écoulés, et le pays continue à pleurer ses enfants qui quittent leur terre natale à la quête d’une « vie meilleure », prétendent-ils lorsqu’on les interpelle. Barça-Barzac, Nicaragua, les jeunes veulent coûte que coûte partir sans calculer les risques et périls.
L’émigration irrégulière au Sénégal, en particulier par voie maritime, désertique et transfrontalière (Nicaragua), a été un défi persistant. De jeunes africains, enfants et femmes, notamment des sénégalais, souvent désireux de chercher de meilleures opportunités de vie, risquent leur vie en tentant de rejoindre l’Europe, les États-Unis via des traversées périlleuses sur des embarcations de fortune ou via la « filière Nicaragua ». Ces voyages sont généralement dangereux et peuvent principalement entraîner la perte de vies humaines. C’est en ce sens que Dakaractu s’est donné comme mission principale de replonger dans cette spirale périlleuse qui a profondément marqué les esprits, comme pour un rappel à tout un chacun ainsi qu’au gouvernement, les autorités, les politiques en place...
Situées à 1500 km des côtes sénégalaises, les Îles Canaries sont une destination très prisée par les candidats à « l’eldorado ». Pour rallier les îles Canaries « territoire outre-mer » espagnol, les prix du billet varient entre 300 000 et 500 000 FCFA. Ainsi, depuis le début de l’année 2023, l’émigration clandestine a connu au Sénégal une affluence jamais égalée auparavant. Des dizaines de milliers de jeunes africains, notamment des sénégalais, au péril de leur vie, prennent Odyssée sur des embarcations de fortune pour rallier l’Europe, via la ligne maritime des Îles Canaries. Dans le pays de la Téranga rien ne retient les candidats à l’eldorado européen même s’il faut traverser l’Atlantique au péril de sa vie. Des régions côtières telles que Saint-Louis, Dakar, Mbour et d’autres zones le long de la côte, sont principalement les points de départ.
En effet, lorsque l’on s’arrête sur les chiffres documentés par les organisations nationales et internationales, le nombre fait froid au dos et l’on pourrait penser que le Sénégal est dépeuplé de ses jeunes. Les statistiques précises sur le nombre de jeunes impliqués dans ces migrations clandestines peuvent varier en fonction des sources et des années, mais avant 2022, cela restait un problème préoccupant pour les autorités sénégalaises et les organisations internationales travaillant dans la région. À cet effet, avant 2022, le Sénégal était souvent identifié comme l’un des principaux points de départ pour ces voyages clandestins vers l’Europe. Des organisations internationales comme l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), les autorités et organisations espagnoles ont documenté ces affluences migratoires. Les Sénégalais sont les plus nombreux parmi les nouveaux arrivants aux Îles Canaries, selon les données du ministère espagnol de l’Intérieur et de l’agence. Les Canaries, à eux seuls, ont enregistré 30 705 arrivées de migrants, dont une majorité de Sénégalais entre le 1ᵉʳ janvier et le 31 octobre 2023, soit plus du double par rapport à la même période de l’année précédente.
Du côté sénégalais, depuis le 1ᵉʳ juillet, la Marine Sénégalaise a intercepté au total 1 955 migrants, dont des Sénégalais et des personnes originaires d’autres pays africains, selon « InfoMigrants ». Ces chiffres illustrent l’ampleur de l’immigration clandestine au Sénégal en 2023.
Les Îles Canaries sont considérées par les organisations qui travaillent dans l’immigration irrégulière, comme « l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde ». Cependant, en 2023, le nombre de décès liés à l’émigration irrégulière en Afrique, notamment au Sénégal, est sous-évalué, mais plusieurs décès ont été signalés. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au moins 512 personnes sont mortes dans les tentatives d’émigration clandestine vers les Îles Canaries. Le collectif « Caminando Fronteras », qui surveille la zone depuis plus de 20 ans, a enregistré la mort ou la disparition de 778 personnes qui tentaient de rejoindre les côtes de ces îles espagnoles rien qu’au premier semestre de 2023.
Aussi courte que peut-être la mémoire, on ne pourrait oublier le drame de Fass Boye. Le 14 août 2023, 63 jeunes sénégalais avaient péri après avoir dérivé plus d’un mois en mer et avaient finalement chaviré sur les côtes de l’île de Sal au Cap-Vert. Leur embarcation qui avait à son bord 101 passagers, était partie du village de pêcheurs de Fass Boye une localité côtière se situant à plus de 150 km de la capitale Dakar. Si les chiffres en 2023 des candidats et les décès liés à l’émigration irrégulière par voie maritime sont tout aussi choquants, un phénomène migratoire, peut-être moins dangereux, fait rage chez les jeunes africains, notamment les sénégalais.
Au Sénégal, en 2023, le Nicaragua est devenu un vocable très connu chez les jeunes. Alors que la migration à la recherche de meilleures opportunités économiques n’est pas nouvelle, le Nicaragua, nouvel itinéraire très tendance en 2023, moins dangereux que la traversée de l’atlantique, attire l’attention de plusieurs jeunes sénégalais. Sur les réseaux sociaux, on peut constater ce phénomène bien répandu chez les jeunes sénégalais. Des vidéos montrent des candidats à l’immigration irrégulière se filmant à l’aéroport de Dakar ou lors des périples dans les forêts de l’Amérique.
Le long et périlleux voyage commence souvent par un vol à destination du Nicaragua, un pays de l’Amérique latine où le visa n’est pas nécessaire pour le Sénégal. Le Nicaragua devient alors une passerelle vers des pays d’Amérique du Nord, principalement les États-Unis. Cependant, ce voyage est parsemé d’obstacles et de dangers, de la traversée de jungles hostiles aux risques liés aux passeurs peu scrupuleux. Sur la voie terrestre, bien que moins médiatisée, l’émigration clandestine implique des déplacements à travers les frontières terrestres vers des pays voisins, souvent pour rejoindre des points de départ plus communs pour les voyages clandestins. En tout, le voyage peut coûter entre quatre et six millions de FCFA. Pour arriver ainsi aux portes des USA, il faudra rallier le Nicaragua par vol commercial (2,8 et 3,2 millions de Fcfa pour l’achat d’un billet), au-delà les migrants traversent le Honduras, le Guatemala et le Mexique.
Le Nicaragua est devenu un nouveau tremplin vers les États-Unis pour les candidats sénégalais à l’émigration. Ce pays d’Amérique centrale, inconnu de bon nombre de Sénégalais, est devenu célèbre depuis qu’il est considéré comme un tremplin vers les États-Unis. Les chiffres spécifiques sur l’immigration irrégulière des Sénégalais via le Nicaragua ne sont pas assez disponibles. Cependant, il est mentionné que la "filière Nicaragua" a déjà embarqué plus de 1 000 personnes depuis le début de l’année. Selon l’UNHCR, après le dépôt d’une demande d’asile dans les camps de rétention américains, ils étaient 1 176 sénégalais à l’avoir sollicitée en 2022–et une détention de quelques jours. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) quant à elle note une augmentation migratoire sans précédent en Amérique centrale et au Mexique. Au mois de septembre 2023, plus de 390 000 personnes ont bravé les dangers de la « filière Nicaragua », affirme l’OIM dans un communiqué rendu public. Et plus de 4 100 migrants d’Afrique ont traversé le Darien ( frontière entre la Colombie et le Panama) entre janvier et juillet 2023 », révèle toujours l’organisation. Mais du côté Sénégalais, le journal L’Observateur informe dans une de ses parutions, que la « filière Nicaragua » a déjà embarqué plus de 1 000 personnes depuis le début de l’année, d’après les chiffres communiqués par les autorités policières et les agences de voyage émettrices des billets d’avion.
L’émigration irrégulière est devenue un défi majeur pour de nombreux pays, y compris le Sénégal, confronté à des flux migratoires importants. Face à cette réalité complexe, en 2023, les autorités sénégalaises ont entrepris plusieurs politiques et actions pour lutter contre ce phénomène et offrir des alternatives sécurisées aux jeunes désireux de migrer. En novembre, face à situation incontrôlée, le président Macky Sall avait tenu un discours sur la migration, ordonnant qu’il soit pris des mesures importantes de lutte contre l’émigration clandestine et de soutenir les initiatives visant à créer ou à accompagner la création d’activités productives en faveur des jeunes et candidats à la migration. Ainsi, dans la foulée, le gouvernement a mené des campagnes de sensibilisation à travers les médias et les communautés locales pour informer sur les dangers et les conséquences de la migration irrégulière. À cet effet, la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière a été présentée, impliquant les ministères de l’Intérieur, des Armées, de la jeunesse et de la Pêche. Le Sénégal participe aussi à des efforts pour organiser le retour et rapatriement de ses ressortissants en situation irrégulière vers leur pays d’origine, en respectant leur dignité et leurs droits fondamentaux. Nonobstant les efforts du gouvernement, le pays continue de voir sa jeunesse censée prendre la relève, mourir ou disparaître dans l’Atlantique et en Amérique. Chaque jour, adultes, jeunes, enfants, femmes et même des bébés quittent le pays dans des embarcations de fortune et sur la route du Nicaragua à la « recherche d’un meilleur avenir ». À ce rythme qu’indiquent les chiffres de 2023, le pays ne risque-t-il pas d’être dépeuplé de la frange des plus jeunes ?
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]]>Loi « immigration » : « Les mesures adoptées en France demeurent plus ouvertes que dans les principaux pays de l’Union européenne »
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Loi « immigration » : « Les mesures adoptées en France demeurent plus ouvertes que dans les principaux pays de l’Union européenne »
Tribune de Didier Leschi
Directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration
Le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration revient, dans une tribune au « Monde », sur le texte adopté le 19 décembre et estime que le Conseil constitutionnel fera utilement la part entre ce qui doit demeurer la spécificité de la France et ce qui est acceptable au regard des législations du Vieux Continent.
Après le vote, le 19 décembre, de la loi relative à l’immigration, est-il possible d’échapper au psychodrame qui semble s’emballer ? Rien n’est moins sûr. Il faudrait, pour cela, que ceux qui l’alimentent jusqu’aux extrêmes ouvrent leur focale afin de comprendre pourquoi les évolutions en cours ne sont pas propres à la France. Ils pourraient ainsi constater que, dans bien des domaines, les mesures qui viennent d’être adoptées demeureront, vis-à-vis de l’immigration, plus ouvertes que ce qui se pratique dans les principaux pays de l’Union européenne.
Elles le demeureront en ce qui concerne le niveau de langue demandé à ceux qui souhaitent obtenir un visa ou un titre de séjour. Elles le demeureront en matière d’immigration familiale ou encore dans le domaine de la prise en charge de la santé des sans-papiers comparée à l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, le Danemark, aux Pays-Bas et même à l’Espagne, grâce, en particulier, à notre procédure de titre de séjour pour soin, quasi unique au monde. Et il est fort peu probable que la réforme annoncée de l’aide médicale d’Etat nous réduise aux standards en vigueur en Europe.
Elles le resteront également dans le domaine de l’hébergement d’urgence inconditionnel, qui demeure même pour ceux qui ont une obligation de quitter le territoire français tant qu’ils ne sont pas reconduits. Un dispositif social où la France est championne en Europe, tant en nombre de places ouvertes que de crédits mobilisés, avec plus du tiers des dépenses consacrées à ce sujet dans toute l’Union.
Elles le demeureront aussi par l’introduction dans la loi d’un mode de régularisation qui atteste de l’importance reconnue aux travailleurs immigrés. Certes est discutable le retour d’une obligation de démarche volontaire afin d’acquérir la nationalité française, imposée à quelques milliers de jeunes, entre 2 000 et 3 000 par an, à l’âge de 18 ans. Dispositif que l’on trouvait déjà dans l’ordonnance du gouvernement provisoire de la France du 19 octobre 1945, signée par les illustres résistants Pierre-Henri Teitgen, garde des sceaux [au moment] de la Libération, et le communiste Charles Tillon, et dont le rétablissement avait déjà été proposé en 1987 par un fonctionnaire à l’intégrité morale reconnue, Marceau Long.
Il reste que notre pays fait partie de ceux qui partagent le plus largement avec les nouveaux arrivants la nationalité. Le contrôle de constitutionnalité de la loi fera utilement la part entre ce qui doit demeurer notre spécificité française et ce qui est acceptable au regard des législations européennes.
Il appréciera, en particulier, si les délais de carence imposés à un étranger qui ne travaille pas, pour l’accès à des prestations sociales, dès lors qu’il n’est pas algérien ou bénéficiaire d’une protection internationale, sont aussi légitimes que les cinq ans de présence nécessaires pour bénéficier du revenu de solidarité active, clause de préférence nationale adoptée à la quasi-unanimité lors de la création du revenu minimum d’insertion, ou encore que les dix ans demandés pour bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Peut-on accueillir tous ceux qui se considèrent comme victimes des désordres économiques du monde ? L’émotion populaire, si elle estime légitime d’accueillir les persécutés, répond non. Il n’est pas certain que les appels à la « résistance » – émanant d’édiles à la tête des villes les plus riches de France que sont obligés de déserter les pauvres, les ouvriers, les employés modestes, et bien sûr les immigrés – puissent la convaincre du contraire.
»
L’Europe connaît, depuis le début des années 2000, une forte poussée des immigrations. Les chiffres l’attestent. Mais, à entendre les détracteurs de la loi, les crispations vis-à-vis de l’immigration résulteraient d’une sorte de complot réunissant, afin de manipuler les opinions, des sondeurs et des journalistes, des socialistes trop influencés par leurs camarades danois, ou encore des fonctionnaires républicains passés du « côté obscur de la force ».
Notre Europe est le lieu d’une symbiose particulière, où le développement de la démocratie s’est appuyé sur la construction d’Etats sociaux. D’où le fait qu’elle fait envie, et ce d’autant qu’elle est loin d’être une forteresse, comme l’attestent les évolutions démographiques. Or, la dynamique de la mondialisation a déséquilibré les structures sociales européennes construites sur la longue durée. Elle a notamment réussi à démanteler les bastions ouvriers qui avaient été le cœur des mobilisations pour la conquête et la défense d’acquis sociaux. Ironie tragique, cette mondialisation s’est appuyée sur les défaites des mouvements d’émancipation pour mieux bousculer les Etats sociaux européens.
Ce fut d’abord le recours à la Chine « communiste » comme atelier du monde, à bas coûts salariaux, justifiant la mise en berne de notre appareil industriel et prouvant à ceux qui en doutaient encore que l’ADN du capital ne supporte pas les frontières. C’est l’arrivée massive, légale ou clandestine en Europe, des victimes des expériences néfastes du nationalisme arabe, dont la Syrie de Bachar Al-Assad est le dernier avatar ; des victimes, aussi, des faillites de pays n’ayant pas su construire leur décolonisation du fait de dirigeants avides de s’approprier les richesses aux dépens de l’avenir d’une jeunesse qui risque sa vie sur des esquifs de fortune.
Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Claire Hédon, Défenseure des droits : « Le projet de loi “immigration”, un texte d’une gravité majeure pour les droits fondamentaux »
Ce sont ces mêmes dirigeants qui ont ouvert la voie aux ravages de l’islamisme et mobilisé l’antisémitisme autant que la haine des femmes jusque dans les pays d’accueil et qui ont tout fait pour que les « printemps arabes » ne relancent la liberté et le progrès. C’est le retour de la guerre sur les décombres de l’ex-Union soviétique. C’est la pathétique révolution bolivarienne qui fait que les Vénézuéliens sont parmi les tout premiers demandeurs d’asile en Europe, comme le sont vers les Etats-Unis les Cubains, qui payent l’échec du castrisme, ou les Nicaraguayens, celui du sandinisme.
Les phénomènes migratoires font aussi partie des armes de la mondialisation qui met sur les routes une humanité aussi nomade que déstructurée. A ne pas vouloir analyser le pourquoi des inquiétudes, tout en continuant à faire injonction aux démunis d’accueillir plus démuni qu’eux, les progressistes ne sont pas près d’arrêter ce mouvement mortifère qui, dans trop de pays d’Europe, amène l’extrême droite à devenir le recours politique de catégories populaires en souffrance. Voilà où nous en sommes.
Didier Leschi est directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et l’auteur de Ce grand dérangement. L’immigration en face (Gallimard, « Tracts », 2023)
#Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#OFII#UE#politiquemigratoire
]]>Gérald Darmanin défend sa loi « immigration » à Calais
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Gérald Darmanin défend sa loi « immigration » à Calais
Par Julia Pascual (à Calais et Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais))
Publié le 15 décembre 2023 à 23h30, modifié le 16 décembre 2023
Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, n’était pas encore arrivé à Calais (Pas-de-Calais), vendredi 15 décembre, que la nuit se terminait par l’annonce de la mort de deux migrants ayant tenté de rejoindre l’Angleterre à bord d’embarcations pneumatiques. C’est d’abord au large de Grand-Fort-Philippe (Nord) qu’une personne est morte lors d’un naufrage, a rapporté la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.
Quelques heures après, une autre embarcation a chaviré tout près du rivage de la plage de Sangatte (Pas-de-Calais), et un homme, vraisemblablement soudanais, a été retrouvé inanimé. Alors que le jour dévoilait les falaises de Douvres, distantes d’une trentaine de kilomètres de l’autre côté du détroit du Pas-de-Calais, deux pompiers se relayaient pour lui pratiquer un massage cardiaque, sans succès. Sur la plage, un groupe de sept mineurs soudanais, hagards, observaient mêlés au sable les vestiges de cette tentative de traversée avortée : des emballages de gilets de sauvetage, un duvet, un portefeuille vide, des brosses à dents… Les jeunes n’étaient pas à bord du bateau, faute d’argent pour payer la traversée. Alors ils guettent les tentatives des autres avec l’espoir de pouvoir tôt ou tard s’y greffer. Seuls deux d’entre eux savent nager.
Les rescapés du naufrage sont pour leur part déjà éparpillés. Plusieurs enfants trempés et frigorifiés ont été amenés à l’hôpital de Calais. D’autres se dirigent vers les campements de migrants du littoral, en attendant une nouvelle possibilité de passage. Un petit groupe reste sur place, que la police veut interroger. Une femme s’effondre en apprenant que l’un des passagers du bateau est mort. Dans la panique de la nuit, elle n’avait pas réalisé ce qui s’était passé. Elle-même rapporte être tombée à l’eau lorsque l’embarcation s’est mise à chavirer dangereusement. « Ça aurait pu être l’un de nous », pleure-t-elle, en s’adressant à son mari, figé dans une couverture de survie. « On était sur la plage vers 3 h 30 du matin, rapporte un autre rescapé. La police est arrivée alors que les passeurs n’avaient pas réussi à gonfler complètement le bateau. Ils nous ont dit de monter quand même. Environ dix minutes plus tard, le bateau s’est dégonflé et on s’est redirigé vers la côte. »
Au moins 25 morts en 2023, selon des associations
En 2023, près de 60 % des tentatives de traversées maritimes ont été avortées du fait de l’intervention des forces de l’ordre, selon la préfecture des Hauts-de-France. C’est notamment ce qu’est venu valoriser M. Darmanin à Calais, vendredi. Le ministre a aussi annoncé le déblocage de 200 000 euros pour un nouveau commissariat, attendu par la maire, Natacha Bouchart (Les Républicains), et la construction d’un cantonnement pour les CRS, grâce à une enveloppe de 25 millions d’euros tirée de fonds britanniques.
En difficulté sur son projet de loi sur l’immigration, balayé par une motion de rejet à l’Assemblée nationale et suspendu à l’issue incertaine d’une commission mixte paritaire qui se réunit lundi 18 décembre, le ministre a longuement défendu devant les journalistes « un texte qui va protéger les Français ». Il a, en outre, souligné la « main tendue » par le gouvernement aux Républicains. Quelques dispositions de la loi ont été citées en exemple, comme celles qui permettent la prise d’empreintes coercitive des étrangers en situation irrégulière, l’inspection visuelle des voitures en zone frontalière, la criminalisation de l’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire ou encore le rétablissement du délit de séjour irrégulier.
Une manifestation de protestation contre la politique migratoire du gouvernement, à l’occasion de la visite de Gérald Darmanin, à Calais, le 15 décembre 2023.
Un comité d’accueil de quelques militants associatifs s’était massé aux abords du commissariat de police où le ministre s’est rendu. Ils ont été repoussés par des CRS alors qu’ils scandaient « Darmanin démission » ou encore « Non, non, non à la loi “immigration” ». Une des pancartes agitées rappelle les nombreux morts à la frontière franco-britannique. D’après un communiqué commun à dix associations, parmi lesquelles L’Auberge des migrants et le Secours catholique, au moins 25 personnes sont mortes depuis le début de l’année en voulant rejoindre le Royaume-Uni.
Le ministre n’est pas allé à leur rencontre, mais il a remis cinq médailles de la sécurité intérieure à des policiers et gendarmes blessés dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière. A l’image d’un major de police réserviste, blessé au niveau de la pommette au cours de la nuit écoulée. « Il y avait près de 300 migrants au niveau des blockhaus de Grand-Fort-Philippe, prêts à embarquer, il faisait noir, rapporte-t-il au Monde. On a fait évacuer tout le monde, c’était tendu. J’ai pris un projectile, je pense que c’était une bouteille d’eau pleine. »
La « violence » des migrants empêchés de traverser, c’est ce que souligne auprès du ministre une fonctionnaire de police chargée de présenter le bilan des forces de l’ordre sur la côte. Cette année, environ 29 000 migrants ont rejoint l’Angleterre en bateau, alors qu’ils étaient plus de 45 000 en 2022. Une baisse notable qui résulte en particulier de la quasi-disparition des Albanais sur les embarcations, alors qu’ils étaient les premiers à traverser la Manche en 2022. En décembre 2022, Londres et Tirana avaient convenu d’un paquet de mesures destinées à lutter contre l’immigration illégale.
Face à la sécurisation croissante du littoral, les départs se sont en partie déportés plus au sud de Calais. « Quoi qu’ils mettent en place, ça n’empêchera pas les gens de prendre des risques et ça n’empêchera pas les morts », croit Thomas Chambon, de l’association Utopia 56. A Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), l’association Osmose 62 a d’ailleurs été créée en août 2022 pour apporter de l’aide aux personnes en errance dans la ville ou les communes alentour après des traversées avortées. La nuit du 15 décembre, trois maraudeurs d’Osmose 62 apportaient un peu de thé et quelques fruits à plusieurs dizaines de rescapés. Une quinzaine d’entre eux s’étaient retranchés dans un bois au sud de Boulogne-sur-Mer après que la police avait crevé leur canot pneumatique. Transis, ils attendaient cachés qu’une nouvelle occasion se présente. Tandis qu’une femme s’inquiétait du risque d’hypothermie pour ses enfants de 4 et 7 ans, endormis, un couple demandait une couverture pour leur fille de 5 ans, trempée des pieds à la tête.
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]]>Projet de loi « immigration » : à la suite du rejet à l’Assemblée, la commission mixte paritaire se réunira lundi
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Projet de loi « immigration » : à la suite du rejet à l’Assemblée, la commission mixte paritaire se réunira lundi
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 08h47, modifié à 13h07
Le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Sacha Houlié, a annoncé mercredi 13 décembre que la commission mixte paritaire (CMP) entre députés et sénateurs se réunira le 18 décembre, à 17 heures, pour dégager un compromis sur le projet de loi du gouvernement relatif à l’immigration. « Avec le président de la commission des lois du Sénat, nous venons de décider de convoquer la CMP (…) le lundi 18 décembre à 17 heures », a écrit le député de la Vienne (Renaissance) sur X.
« Cette commission se met au travail informellement dès aujourd’hui » afin de « préparer » les débats, avait assuré plus tôt dans la journée la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, en disant espérer, si ces derniers sont « conclusifs », un vote de la loi « avant Noël ». L’élue des Yvelines avait rappelé sur France 2 qu’« aujourd’hui personne n’a la majorité » dans la future CMP, composée de sept députés et sept sénateurs : ni le camp présidentiel, qui détient la majorité relative à l’Assemblée, ni la droite majoritaire au Sénat. Il faut que « chacun fasse un pas vers l’autre » et « sortir des postures », a affirmé la présidente de l’Assemblée nationale, en résumant : « Il faut trouver un compromis. »De son côté, la première ministre, Elisabeth Borne, devait recevoir à Matignon, mercredi à 11 h 30, les dirigeants des Républicains (LR) pour tenter de trouver un accord, a appris l’Agence France-Presse de plusieurs sources parlementaires. La cheffe du gouvernement, qui était accompagnée du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, devait échanger avec Eric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau, respectivement président du parti, chef de file des députés et chef de file des sénateurs de LR.
Le projet de loi relatif à l’immigration a été rejeté lundi par l’Assemblée nationale avant même d’être débattu, laissant l’exécutif dans une situation de crise inédite. Dès mardi, Emmanuel Macron avait confirmé la poursuite du chemin législatif du projet de loi, l’un des plus importants de son deuxième mandat, écartant toute dissolution ou utilisation du 49.3 en dépit du feu nourri des oppositions. Le président de la République a dénoncé en conseil des ministres le « cynisme » et « le jeu du pire » des oppositions qui veulent « bloquer le pays ». Signe du séisme, le chef de l’Etat a convoqué dans la soirée de mardi un dîner à l’Elysée auquel ont pris part une demi-douzaine de ministres parmi les plus politiques, sa cheffe du gouvernement et des cadres de la majorité, dont les rapporteurs du texte sur l’immigration.
Le président « souhaite un dialogue constructif mais sincère en CMP pour bâtir un compromis si possible », a résumé un participant. Et si cette CMP échouait, le texte serait donc abandonné, sans nouvelle lecture à l’Assemblée ou au Sénat, après un an et demi de revirements, tractations et péripéties.Sans préciser alors la date de la réunion de la CMP, Emmanuel Macron a souhaité que cela se fasse « dans les meilleurs délais », a affirmé un autre convive du dîner, qui a duré plus de trois heures. Quant à la dissolution, le président a blâmé ceux « autour de la table qui imaginent une dissolution, alors qu’il n’y a même pas lieu de tirer de conclusion générale de cette séquence », affirme un des participants.
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]]>Chypre : 33 migrants arrêtés à Nicosie pour « situation irrégulière », bientôt expulsés - InfoMigrants
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Chypre : 33 migrants arrêtés à Nicosie pour « situation irrégulière », bientôt expulsés
Par La rédaction Publié le : 11/12/2023
Tour de vis à Chypre. Dimanche, 33 migrants en situation irrégulière ont été arrêtés par la police à Nicosie. Des procédures pour expulser ces personnes sont déjà en cours, a précisé la police.D’après le Cyprus Mail, la police affirme travailler en étroite collaboration avec le service des Migrations - entité en charge de la gestion des exilés sur l’île - pour « maximiser le nombre de retours ».Ces dernières semaines, de nombreuses opérations similaires ont été conduites sur le territoire. Entre le 3 et le 10 décembre, 207 migrants, également en « situation irrégulière » ont été rapatriés dans leur pays d’origine, soit via un programme de retour volontaire, soit dans le cadre d’un processus d’expulsion. Le 24 novembre, trois avions avec 42 exilés à bord ont décollé de l’aéroport de Larnaca, en direction des différents pays d’origine des passagers, qui n’ont pas été précisés. Au moment de leur arrestation, ces migrants étaient installés à Paphos, dans le sud-est de l’île, où résident de nombreux demandeurs d’asile.Depuis le début de l’année, 9 075 personnes ont été rapatriés, volontairement ou contre leur volonté, dans leur pays d’origine, contre 7 500 en 2022, indique un communiqué de la police.Pour de nombreux candidats à l’exil, Chypre constitue une des portes d’entrée de l’Union européenne. Sur cette île de la Méditerranée, les demandeurs d’asile représentent 5% des 915 000 habitants de la République de Chypre située au sud du territoire – la partie nord étant sous administration turque depuis 1974.
Le statut de demandeur d’asile octroie à ces exilés le droit de résider légalement sur l’île. Mais le refus des autorités, prononcé parfois plusieurs années après le dépôt du dossier, les plonge alors dans l’illégalité. Malgré les possibilités de recours devant la justice, depuis novembre 2020, un arrêté d’expulsion est en effet automatiquement prononcé lors d’un rejet de la demande d’asile.
Et à Chypre, les refus sont considérables : en 2022, le taux de rejet s’élevait à 93% pour 22 182 demandes, d’après un rapport du Cyprus Refugee Council publié en avril 2023. Dans le détail, aucun demandeur d’asile originaire du Népal et de l’Inde n’ont par exemple obtenu l’asile cette année-là. Le taux de rejet appliqué pour ressortissants du Bangladesh et du Pakistan s’élève, lui, à 99%. Et le Nigéria, la République démocratique du Congo (RDC) et le Cameroun, respectivement à 98, 97 et 89%.
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]]>En direct, le projet de loi « immigration » rejeté par les députés : Gérald Darmanin reçu à l’Elysée
►https://www.lemonde.fr/politique/live/2023/12/11/en-direct-le-projet-de-loi-immigration-rejete-par-les-deputes-gerald-darmani
Live en cours
En direct, le projet de loi « immigration » rejeté par les députés : Gérald Darmanin reçu à l’Elysée. L’Assemblée nationale a adopté par 270 voix contre 265 une motion de rejet préalable au projet de loi relatif à l’immigration. L’union opportune des voix de la gauche, de LR et du RN a permis d’infliger une lourde défaite politique au gouvernement.
#Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#parlement#immigration#politiquemigratoire
]]>Au Royaume-Uni, bras de fer sur l’immigration entre Rishi Sunak et l’aile droite des tories
▻https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/07/au-royaume-uni-bras-de-fer-sur-l-immigration-entre-rishi-sunak-et-l-aile-dro
Au Royaume-Uni, bras de fer sur l’immigration entre Rishi Sunak et l’aile droite des tories
Par Cécile Ducourtieux(Londres, correspondante)
L’un des quelques succès de Rishi Sunak a été, jusqu’à présent, d’avoir réussi à apaiser les dissensions au sein du Parti conservateur britannique, qui ont conduit à l’éviction de trois premiers ministres en trois ans : Theresa May, Boris Johnson et Liz Truss. Mais cette fragile unité est de nouveau menacée, alors que le dirigeant tente de relancer sa stratégie migratoire. Cette dernière est contestée par la droite du parti, qui ne la trouve pas assez radicale, certains avançant des raisons de fond, d’autres semblant mus par d’évidentes ambitions personnelles.
Jeudi 7 décembre, M. Sunak a défendu un nouveau projet de loi d’urgence. Baptisé « sûreté du Rwanda », il vise à remettre sur les rails l’accord de transfert de demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni en « small boats » à travers la Manche, vers le Rwanda. Cet accord a été déclaré illégal le 15 novembre par la Cour suprême britannique.La plus haute juridiction du pays a considéré que ce partenariat, signé au printemps 2022 entre Londres et Kigali mais encore jamais mis en œuvre à cause de multiples recours juridiques, présentait un risque « réel » de refoulement des demandeurs d’asile vers leur pays d’origine par les autorités rwandaises, même si leur demande de protection était justifiée. Or, le Royaume-Uni adhère au principe du non-refoulement, qui est inscrit dans sa loi nationale et dans des traités internationaux dont le pays est signataire : la convention des Nations unies sur les réfugiés et la Convention européenne des droits de l’homme.
Le projet de loi d’urgence dispose que pour le Parlement britannique, le Rwanda est sûr au regard de l’asile, c’est-à-dire que les demandeurs d’asile et réfugiés y sont traités dans le respect des conventions internationales. Selon le texte, personne n’est en droit de contester ce caractère « sûr » du pays de l’Afrique des Grands Lacs : ni les politiques, ni les fonctionnaires, ni les juges britanniques… Il contredit donc un fait pourtant établi par la Cour suprême – le risque de refoulement – afin de neutraliser les recours en justice pour éviter les déportations. Le texte complète un traité signé mardi 5 décembre entre James Cleverly, le ministre de l’intérieur britannique, et le chef de la diplomatie rwandaise, Vincent Biruta, dans lequel le Rwanda s’engage à ne refouler aucun des demandeurs d’asile arrivés depuis le Royaume-Uni. Soit ils recevront un statut de réfugiés au Rwanda, soit ils obtiendront un droit de séjour dans le pays. Ce traité et le projet de loi Rwanda « répondent point par point à la décision de la Cour suprême », a assuré Rishi Sunak, lors d’une conférence de presse, jeudi. « J’ai confiance dans le fait que le texte de loi sera efficace et qu’il est la seule approche possible », a ajouté le premier ministre.
Ces arguments n’ont pas convaincu les élus de l’aile droite des Tories, qui dénoncent encore les possibles recours de migrants auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et craignent que le partenariat Rwanda ne puisse toujours pas être mis en œuvre, malgré la promesse répétée des conservateurs de « stopper » les arrivées en small boats. Menés par l’ex-ministre de l’intérieur Suella Braverman, ces élus plaident depuis des mois pour un abandon de la CEDH par le Royaume-Uni, une option que M. Sunak a, jusqu’à présent, écartée. De fait, elle ferait probablement beaucoup de mal à la réputation du pays, le plaçant à côté d’Etats « parias », comme la Russie.
Mercredi, Robert Jenrick, le secrétaire d’Etat à la migration, jusqu’à présent un allié de M. Sunak, a démissionné au motif que le projet de loi « Rwanda » ne serait pas assez radical, aggravant la crise interne au sein des Tories. Jeudi matin, son ex-collègue, Suella Braverman, a attisé les dissensions en mettant en garde M. Sunak contre un « effondrement » du parti aux prochaines élections générales si son projet de loi n’est pas efficace. Depuis plusieurs semaines, elle défie ouvertement l’autorité du premier ministre, après l’avoir qualifié de « faible » et l’avoir accusé de « trahison » sur les sujets migratoires. Beaucoup la soupçonnent de convoiter la tête du parti et de comploter pour le mettre en échec.
Le premier ministre voudrait que le projet soit adopté le plus vite possible à Westminster, l’espoir étant de pouvoir envoyer des demandeurs d’asile vers le Rwanda au printemps, avant les élections générales. Mais les prochains votes sur le texte Rwanda à la Chambre des communes risquent de tourner aux votes de confiance sur sa capacité de M. Sunak à contrôler son parti. Le moment pour lui est d’autant plus dangereux que les élus tories n’ont plus grand-chose à perdre : le Parti conservateur accuse un retard d’au moins 20 points dans les sondages sur les travaillistes et aucune des tentatives de M. Sunak pour relancer son mandat - la conférence annuelle des Tories en octobre, un nouveau programme législatif et un nouveau budget en novembre…- n’a permis de renverser la tendance.
#Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#rwanda#politiquemigratoire#asile#droit#CEDH
]]>Privés de visas, les étudiants sahéliens victimes collatérales des tensions entre la France et les régimes putschistes
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Privés de visas, les étudiants sahéliens victimes collatérales des tensions entre la France et les régimes putschistes
Malgré une inscription dans une université française, de nombreux Burkinabés, Maliens et Nigériens ont dû renoncer. Paris se défend de toute une mesure de rétorsion.
Par Coumba Kane
« Pour nous, cette année, c’est fini la France », souffle Fodé*. Admis à l’université d’Angers en licence économie et gestion, le jeune Burkinabé n’ira pas étudier dans l’Hexagone. Jusqu’au 30 septembre, date butoir pour rejoindre la faculté angevine, Fodé a espéré partir. Mais, à l’instar de centaines d’autres étudiants du Burkina Faso, mais aussi du Niger et du Mali, également inscrits dans des établissements français, il n’a pas pu déposer sa demande de visa. Depuis cet été, les services consulaires français sont fermés dans ces pays dirigés par des juntes, « pour des raisons de sécurité », justifie-t-on au ministère des affaires étrangères.
La mesure a été annoncée en septembre en pleine crise diplomatique entre la France et le Niger. Après la prise de pouvoir par les militaires fin juillet, Paris a refusé de reconnaître les nouvelles autorités, qui maintiennent toujours le président Mohamed Bazoum captif. Les tensions ont abouti au départ précipité des troupes françaises et de l’ambassadeur de France.
Pris au piège de ces dissensions politiques, les étudiants des Etats concernés oscillent entre désespoir et incompréhension. La sélection est si rude que Fodé pensait avoir fait « le plus dur » en réussissant à obtenir une admission via Campus France, l’agence française de promotion à l’étranger de l’enseignement supérieur français et de l’accueil des étudiants étrangers en France. (...)
Côté français, on confirme le statu quo tout en se défendant d’avoir pris une mesure de rétorsion contre des régimes militaires qui affichent leur hostilité à la France. « Il ne faut pas inverser les responsabilités, ce sont les juntes qui portent atteinte à nos relations. Nous souhaitons préserver les liens avec les forces vives de ces sociétés, notamment les étudiants », réagit-on au Quai d’Orsay. Le ministère affirme ne pas avoir « de visibilité sur la suite », mais assure réévaluer « les conditions sécuritaires dans ces pays, de façon à ajuster au mieux la mesure ». Signe d’une légère accalmie, les services de Campus France ont rouvert le 1er octobre au Mali et au Burkina Faso. Les étudiants de ces pays peuvent à nouveau tenter une admission en France pour la prochaine année universitaire… sans garantie d’obtenir un visa. Reste à savoir si ceux qui avaient déjà été admis, devront reprendre la fastidieuse procédure à zéro. « Nous n’avons pas d’information sur ce point », répond-on à Campus France.
Au Niger, où la plateforme demeure fermée « pour des raisons de sécurité », l’horizon apparaît plus incertain. Chaque fois qu’il passe devant le consulat français à Niamey, Houzaifa Hamma Issaka a le « cœur qui se serre ». L’étudiant nigérien titulaire d’une licence en droit avait obtenu une inscription à l’université de Nice. Il se préparait à déposer sa demande de visa quand le coup d’Etat s’est produit. « Mes démarches administratives m’ont coûté 150 000 francs CFA (228 euros), soit cinq fois le salaire moyen. Rien ne m’a été remboursé et je me retrouve sans perspectives d’études », se désole l’étudiant qui visait un master en droits humains.
Comme lui, près d’une centaine de Nigériens admis dans des établissements publics et privés français a perdu une année universitaire. Désemparés, certains ont tenté, en vain, de déposer leur demande de visa au Bénin voisin. « J’ai fait 1 000 km pour tenter ma chance. Mais l’agent a refusé, car je n’ai pas de certificat de résidence. Pourquoi ne pas numériser les demandes ? », s’interroge Ibrahim Maiga. « L’option dématérialisée pour le dépôt d’un visa n’est pas possible ni au Sahel ni ailleurs, répond le ministère des affaires étrangères qui argue d’une procédure immuable. Lors du dépôt du dossier, les données biométriques des demandeurs sont prises, le passeport récupéré afin qu’on y accole une vignette. »Certains étudiants sahéliens, bénéficiaires d’une bourse française, ont néanmoins eu plus de chance. Visés par la mise à l’arrêt de la mobilité internationale fin août suite à la « suspension de l’aide au développement », ils avaient appris quelques jours avant leur départ pour la France l’annulation de leur séjour de recherche. Puis, début octobre, la mesure, dénoncée dans les milieux académiques, avait été levée pour leur permettre de se rendre en France.Koffi, étudiant en géographie à l’université de Ouagadougou, était attendu le 1er septembre à Paris-1 La Sorbonne. Mais deux jours avant, il a reçu un mail lapidaire. « En quelques lignes, on m’a expliqué que mon séjour d’études était annulé. Pourtant j’avais un visa, un logement. Ça a été un choc. » Le 1er novembre, il a finalement pu s’envoler pour Paris avec son visa initial de six mois. « Je vais pouvoir étudier jusqu’à fin janvier. Je suis bien loti car certains boursiers ont perdu beaucoup de temps avec ces restrictions. » En effet, malgré le déblocage de la situation, les durées de visa n’ont pas été allongées.
Doctorant en géographie et titulaire d’une bourse octroyée par l’ambassade de France, Hamidou Zougouri bénéficiait d’un visa courant de septembre à décembre. Mais il n’a pu se rendre à Paris que début octobre. « J’ai perdu un mois de recherche » explique-t-il par téléphone, à peine rentré de France. « J’ai tout de même travaillé au mieux grâce à l’investissement de mon directeur de thèse », se réjouit l’étudiant rattaché au CNRS. « Mais il aurait fallu nous informer de cette décision des semaines à l’avance pour qu’on s’organise. On a eu l’impression que la France nous abandonnait en plein vol. »
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]]>Le Royaume-Uni signe un nouveau traité avec le Rwanda pour durcir sa politique migratoire
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Le Royaume-Uni signe un nouveau traité avec le Rwanda pour durcir sa politique migratoire
Le Monde avec AFP
Trois semaines après le rejet par la Cour suprême britannique d’un premier accord, Londres et Kigali ont signé un nouveau traité, mardi 5 décembre, visant à expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni. Ce nouvel accord a été signé à Kigali par le ministre de l’intérieur britannique, James Cleverly, et le ministre des affaires étrangères rwandais, Vincent Biruta. Ce traité « répondra aux préoccupations de la Cour suprême en garantissant entre autres que le Rwanda n’expulsera pas vers un autre pays les personnes transférées dans le cadre du partenariat », a assuré mardi le ministère de l’intérieur britannique dans un communiqué.Signé en avril 2022 entre le gouvernement de Boris Johnson et celui de Paul Kagame, ce partenariat Rwanda constituait la mesure phare de la politique migratoire britannique. Cet accord prévoyait que les demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni en small boats (bateaux pneumatiques) soient transférés au Rwanda, où leurs demandes d’asiles étaient ensuite évaluées. Le premier ministre, Rishi Sunak, qui avait repris le projet de M. Johnson, souhaitait ainsi dissuader les migrants de traverser la Manche sur ces embarcations de fortune – 46 000 personnes sont arrivées par ce moyen sur les côtes britanniques en 2022.
Cette mesure n’a toutefois jamais pu être mise en œuvre, ayant été jugé illégale par la cour d’appel en juin, puis par la Cour suprême britannique le 15 novembre. Pour les cinq juges de la plus haute instance juridique britannique qui se sont penchés sur l’affaire, le risque était « réel » pour ces personnes d’être renvoyées vers leur pays d’origine par les autorités rwandaises, alors que leur demande aurait eu de bonnes chances d’être acceptée si elle était traitée au Royaume-Uni. Pour la cour d’appel, comme pour la Cour suprême, le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays tiers sûr pour les migrants.
« Nous avons poursuivi ce partenariat avec le Royaume-Uni parce que nous pensons que nous avons un rôle à jouer dans cette crise de l’immigration clandestine », a défendu mardi, depuis Kigali, Vincent Biruta lors d’une conférence de presse. A ses côtés, le ministre de l’intérieur britannique, James Cleverly, a déclaré avoir « une immense admiration pour le gouvernement rwandais, qui a reçu de nombreuses critiques ». Ce nouvel accord comprend la création « d’un tribunal conjoint avec des juges rwandais et britanniques à Kigali pour garantir que la sécurité des migrants est assurée et qu’aucun des migrants envoyés au Rwanda ne soit expulsé vers son pays », a affirmé lors de la conférence de presse le porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, Alain Mukuralinda. « Et il veillera également à écouter toutes les plaintes des migrants », a-t-il poursuivi. Une fois signé, ce texte devra être ratifié par les Parlements britannique et rwandais.
Pour éviter un nouveau camouflet juridique, le gouvernement britannique compte aussi programmer au Parlement l’examen d’une « législation d’urgence » pour désigner le Rwanda comme un pays sûr et ainsi « mettre fin à ce manège », a annoncé lundi soir M. Sunak, dans une interview au Sun. Au-delà de ce partenariat avec le Rwanda, le gouvernement britannique a dévoilé lundi de nouvelles mesures pour diminuer l’immigration légale dans le pays.
Le ministre de l’intérieur a par exemple annoncé un relèvement du plancher de ressources annuelles nécessaires pour venir s’établir au Royaume-Uni, le passant de 26 200 livres sterling (environ 30 500 euros) à plus de 38 700 livres (environ 45 100 euros). Les non-Britanniques travaillant dans le secteur de l’aide sociale ne pourront plus faire venir leur famille et la possibilité pour les employeurs de recruter des étrangers à des salaires 20 % inférieurs aux salaires minimaux dans les secteurs sous tension (construction, éducation, etc.) sera supprimée. Le Monde avec AFP
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]]>Un rapport conforte l’aide médicale d’Etat, tout en préconisant son resserrement
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Un rapport conforte l’aide médicale d’Etat, tout en préconisant son resserrement
Les conclusions rendues par Claude Evin et Patrick Stefanini, à qui le gouvernement avait confié une mission d’évaluation sur l’AME, ne soutiennent pas la suppression de ce dispositif mais esquissent des pistes de réforme.
Par Julia Pascual
L’aide médicale d’Etat (AME) a-t-elle un « effet d’attractivité » ? Faut-il modifier les soins pris en charge par cette couverture maladie qui bénéficiait, mi-2023, à près de 440 000 étrangers sans papiers ? Une réforme comporte-t-elle des risques pour la santé publique ou les finances des hôpitaux ?C’est à ces questions que devait répondre la mission d’évaluation confiée par le gouvernement à l’ancien ministre de la santé, socialiste, Claude Evin et à l’ancien préfet, et homme de droite, Patrick Stefanini. Des travaux publiés lundi 4 décembre, alors que le Sénat a voté, en novembre, un amendement de suppression de l’AME lors de l’examen du projet de loi « immigration ». La droite et le centre ambitionnaient ainsi de lutter contre les dépenses liées à ce dispositif, qui s’établissent autour de 1 milliard d’euros.
A quelques jours de l’arrivée du texte en séance publique, le 11 décembre, à l’Assemblée nationale, le rapport Evin-Stefanini offre une porte de sortie au gouvernement, divisé sur la nécessité de s’attaquer à l’AME. D’un côté, pour faire voter sa loi, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, veut trouver un terrain d’entente avec la droite aux yeux de laquelle l’AME est le symbole du laisser-faire migratoire ; d’autre part, la première ministre, Elisabeth Borne, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, ou encore le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, ont manifesté leur attachement à l’AME, se faisant l’écho d’une opinion très majoritaire au sein du monde médical.
Au prix de quelques paradoxes, les propositions formulées par les rapporteurs oscillent entre ces deux lignes. Elles « pourront faire l’objet d’une évolution réglementaire ou législative », ont déclaré, lundi, M. Darmanin et M. Rousseau dans un communiqué commun, estimant en revanche qu’elles ne pourraient pas être intégrées dans la loi « immigration », au risque de se voir retoquer par le Conseil constitutionnel car considérées comme des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire qui n’ont pas de lien avec le texte. La commission des lois de l’Assemblée nationale a d’ores et déjà supprimé l’amendement sénatorial enterrant l’AME.
Appelés à éclairer les débats, M. Stefanini et M. Evin affirment que « l’utilité sanitaire [de l’AME] est confirmée ». Ils estiment que le projet du Sénat de remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence comporte un « risque important de renoncement aux soins », qui « aurait pour triple impact une dégradation de l’état de la santé des personnes concernées, des conséquences possibles sur la santé publique et une pression accentuée sur les établissements de santé ». Sans AME, les étrangers ne pourraient plus recourir à la médecine de ville, solliciteraient davantage les hôpitaux, dans des états plus dégradés, et donc de façon plus coûteuse pour le système de soins.
Au contraire, conscients qu’une part non négligeable des gens qui pourraient bénéficier de l’AME n’y ont pas recours (51 %, selon une étude de 2019), les auteurs recommandent « le renforcement des actions de communication en faveur du droit là l’AME » pour éviter le « recours au système de santé en situation dégradée ». Ils encouragent aussi à informatiser la carte AME, à l’image de la carte Vitale, pour lutter contre les refus de soins de soignants rebutés par les lourdeurs de la gestion administrative. Ils préconisent, en outre, de porter d’un à deux ans la durée de validité de l’AME, ou encore d’étendre à ses bénéficiaires l’obligation de déclaration du médecin traitant.
Contrairement à une idée rebattue à droite, les rapporteurs ne trouvent pas que l’AME attire des flux migratoires, mais observent le parcours « chaotique » des migrants et leurs nombreuses « ruptures de droits et de prises en charge ». Ainsi, écrivent-ils, « plus de 100 000 bénéficiaires actuels de l’AME ont connu une discontinuité de droits », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas eu de couverture santé pendant un temps, après avoir bénéficié d’une protection maladie lorsqu’ils étaient en situation régulière (détenteurs d’un titre de séjour ou demandeurs d’asile) ou parce qu’ils n’ont pas pu renouveler leur AME, « ce qui est de nature à relativiser l’effet aimant de l’AME ».Ils tirent de ce constat la proposition de basculer les demandeurs d’asile sous le bénéfice de l’AME pour unifier le système. « Ce serait un nivellement par le bas », regrette Sophie Du Jeu, membre du Collectif des professionnels hospitaliers de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).Loin de l’idée, encore agitée à droite, d’un dispositif exposé à la fraude, les rapporteurs rappellent que rien n’étaye l’idée d’« abus », et qu’avec 14 % des dossiers contrôlés, l’AME est « la prestation gérée par l’Assurance-maladie dont le taux de contrôle est le plus élevé », alors qu’elle ne constitue que 0,5 % des dépenses globales. Les anomalies détectées (3 %) sont comparables à celles concernant les autres assurés sociaux.
« Le rapport insiste sur le caractère utile du dispositif », relève Christian Reboul de Médecins du monde, qui regrette cependant que certaines propositions visent à « complexifier l’AME et à ériger de nouvelles barrières dans son accès ». « Des progrès en matière de maîtrise des risques et des fraudes peuvent encore être réalisés », considèrent en effet M. Stefanini et M. Evin, face à « l’augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires ».
Ils encouragent notamment un renforcement des contrôles et le resserrement des critères d’éligibilité. Aujourd’hui, pour bénéficier de l’AME, il faut résider en France depuis plus de trois mois, ne pas gagner plus de 809,90 euros par mois et fournir une pièce d’identité. La mission propose d’inclure dans les ressources déclarées celles du conjoint ou d’exclure des ayants droit les enfants âgés de 18 à 20 ans. Elle propose aussi d’obliger le demandeur à se présenter physiquement à la Caisse primaire d’assurance-maladie pour tout renouvellement de dossier et de mieux former les agents à la détection de faux papiers.
M. Stefanini et M. Evin recommandent enfin d’élargir les prestations soumises à un accord préalable de l’Assurance-maladie et suggèrent qu’un étranger visé par une mesure d’éloignement pour menace à l’ordre public – soit quelque 15 000 personnes en 2022 – perde le bénéfice de l’AME. « Nous soignants, nous ne sommes pas là pour faire de la politique », met en garde Sophie Du Jeu.
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]]>A Saint-Denis, les médecins de l’hôpital Delafontaine craignent de perdre leur AME
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A Saint-Denis, les médecins de l’hôpital Delafontaine craignent de perdre leur AME
Par Julia Pascual
L’article du projet de loi « immigration » prévoyant la fin de l’aide médicale d’Etat pour les personnes en situation irrégulière a été voté par le Sénat, mais supprimé en commission par l’Assemblée. En première ligne dans l’accueil de ces populations fragilisées, les soignants redoutent un désastre à la fois humain et économique si ce dispositif disparaissait.
A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les équipes de l’hôpital Delafontaine sont unanimes. Si l’aide médicale d’Etat (AME) venait à disparaître, ce serait une catastrophe. Le projet de loi relatif à l’immigration voté au Sénat prévoyait sa suppression. Les députés en commission ont cependant rétabli ce dispositif avant le débat prévu à l’Assemblée à partir du 11 décembre.
L’établissement public est parmi les plus exposés aux conséquences d’une éventuelle réforme de cette couverture maladie destinée à prendre en charge – à la façon d’une sécurité sociale basique – les soins des étrangers qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire depuis plus de trois mois. Et pour cause : au cœur du département le plus pauvre de France métropolitaine, 8 % de la patientèle de Delafontaine est couverte par l’AME, contre environ 0,5 % dans les autres structures. Si, demain, ces exilés ne sont plus couverts, qu’adviendra-t-il ? Faute d’AME, les personnes dépourvues de couverture maladie recourront davantage aux structures hospitalières là où, aujourd’hui, elles peuvent faire appel aux médecins de ville, comme n’importe quel assuré. Certaines renonceront par ailleurs à se soigner, au risque de voir leur situation s’aggraver et, in fine, solliciteront le système des urgences. En fin de compte, les dépenses engendrées pour ces malades resteront à la seule charge de l’hôpital, qui ne sera pas remboursé par l’Asssurance-maladie et verra son déficit se creuser.
0,5 % de la dépense totale de l’Assurance-maladie
En Espagne, où un dispositif similaire à l’AME a été supprimé de 2012 à 2018, une étude a démontré que, durant les trois premières années sans cette aide, le taux de mortalité des immigrés sans papiers avait augmenté de 15 %. « Une suppression de l’AME serait de nature à déstabiliser notre modèle économique ou à dégrader le protocole de prise en charge des personnes, prévient Jean Pinson, directeur du centre hospitalier de Saint-Denis, dont dépend l’hôpital Delafontaine. L’AME nous permet d’inscrire les gens dans un parcours de soins standard, moins coûteux pour la collectivité et plus efficient pour eux. »
A l’opposé de ce constat, le Sénat, dominé par la droite et le centre, a voté la suppression du dispositif, avec pour objectif de « lutter contre la fraude » et de « freiner l’augmentation tendancielle des dépenses d’AME ». En 2022, celles-ci ont représenté 1,186 milliard d’euros, c’est-à-dire 0,5 % de la dépense totale de l’Assurance-maladie, pour quelque 411 364 bénéficiaires.Le Sénat avait prévu le remplacement de l’AME par une aide médicale d’urgence (AMU), réduite à la prise en charge des suivis de grossesse, des vaccins obligatoires, des examens de médecine préventive, des maladies graves et des soins urgents « dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé ». « Dans la tête des gens, si vous n’avez pas besoin de soins urgents et vitaux, alors vous êtes en soin de confort, regrette Jean Pinson. Or, les soins chroniques pour un patient atteint du VIH ou victime d’un AVC, ce n’est pas du confort. » A Delafontaine, les patients couverts par l’AME viennent souvent pour des pathologies multiples. « Il y a beaucoup de diabète, d’hypertension, d’insuffisance rénale, de pathologies rhumatologiques », énumère Elisa Pasqualoni, responsable de l’unité d’aval des urgences. « On voit des gens qui en général sont jeunes et en bonne santé, mais qui, au fil du parcours migratoire et à leur arrivée en France, développent des problèmes qui les amènent à consulter », témoigne à son tour Rita Dujon-Mitri, responsable de la PASS hospitalière de Delafontaine, la permanence d’accès aux soins de santé, destinée aux personnes sans couverture maladie ou très précaires, qui voit passer en consultation environ 3 000 personnes chaque année.
(...)Le médecin de la PASS Louis Crozier lui organise un « gros bilan de santé », qui comprend notamment un électrocardiogramme, une prise de sang, des analyses de selles. Joseph a perdu 5 kg depuis qu’il a quitté son pays, où « on n’accepte pas les couples de même sexe », confie-t-il en pleurs. A Paris, il vit tantôt chez « un ami », tantôt dans la rue, parvient difficilement à faire deux repas par jour, ne mange jamais de fruits ni de légumes.Au gouvernement, on assure qu’une suppression de l’AME ne passerait pas le contrôle de constitutionnalité de la loi relative à l’immigration, car il s’agit d’un cavalier législatif relevant davantage d’une loi budgétaire. Toutefois, pour satisfaire la droite, indispensable pour le vote de ce texte, la première ministre, Elisabeth Borne, a confié une mission d’évaluation à Patrick Stefanini – ancien directeur de campagne de Valérie Pécresse et de François Fillon – et à l’ancien ministre de la santé Claude Evin, qui doit rendre ses conclusions le 4 décembre.
« La première ministre en tirera les conclusions législatives et réglementaires dans les semaines qui suivent », promet-on au ministère de l’intérieur, où Gérald Darmanin se dit plus favorable à une limitation du bénéfice de l’AME dans le temps plutôt qu’à une réduction du panier de soins telle que votée au Sénat. « Soixante-quinze pour cent des personnes à l’AME sont là depuis plus de trois ans », souligne l’entourage du ministre, comme si cela démontrait une forme d’incitation à se maintenir en situation irrégulière en France. A Delafontaine, beaucoup considèrent que réduire le panier de soins ou limiter son bénéfice dans le temps relève de la même « absurdité ». François Lhote est chef du service de médecine interne de l’hôpital : « Les migrants ne viennent pas se faire soigner aux frais de la princesse. On nous parle de tel Moldave venu se faire poser une prothèse de hanche, mais la réalité que l’on voit, nous, médecins, ce sont des gens qui viennent travailler et qui se sacrifient pour leur famille restée au pays. C’est de la lâcheté de s’en prendre à eux. » Depuis son bureau du huitième étage, où il officie depuis trois décennies, le docteur Lhote met en garde : « Ce rejet des précaires ne se limitera pas aux étrangers et on glissera de l’étranger malade au pauvre. »
Arrivée en France en octobre 2022, Aminata dort elle aussi ici et là, chez des connaissances, mais elle se méfie de ses hébergeurs. Au docteur Louis Crozier, l’Ivoirienne de 32 ans a parlé de ses reviviscences, de son hypervigilance, des « chaleurs » qu’elle ressent dans son corps. Il a remarqué qu’elle l’évitait du regard. Un ensemble de symptômes révélateurs d’un stress post-traumatique.
La jeune femme s’est ouverte sur les violences infligées par son mari au pays, auxquelles se sont ajoutées des violences sur la route migratoire, en Tunisie notamment. Louis Crozier lui a prescrit des antidépresseurs. Elle va mieux aujourd’hui et a obtenu l’AME. « Si ça vous va, c’est la dernière fois qu’on se voit, lui explique le praticien, au terme de sa quatrième consultation. Vous pourrez aller voir un psychiatre à la Maison des femmes et vous rendre dans un centre médico-social à l’avenir. »Une démarche qui ne sera plus possible si l’AME est supprimée. « Si on doit garder tous ces gens à la PASS, sans les orienter vers la médecine de ville, alors on n’aura plus de place pour les nouveaux patients », s’inquiète le médecin. En attendant, il reçoit dans son cabinet un Algérien de 32 ans. Arrivé il y a une quinzaine de jours en France, il est soigné pour une brûlure au second degré de son mollet droit. La plaie a été causée par le mélange d’huile et d’essence dans lequel sa jambe a trempé, sur le petit bateau qui l’a amené d’Alger à Palma de Majorque. Sophie Ako, l’infirmière, nettoie la chair, y appose quelques bandelettes de tulle gras. La cicatrisation est en bonne voie.
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]]>Projet de loi « immigration » : dix-sept députés LR prêts à voter le texte « si prévaut l’esprit du projet voté par le Sénat »
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Projet de loi « immigration » : dix-sept députés LR prêts à voter le texte « si prévaut l’esprit du projet voté par le Sénat »
Dans un texte publié par « La Tribune Dimanche », ces élus se démarquent de leur président de groupe, Olivier Marleix, qui a prévenu que Les Républicains ne voteront pas le projet de loi s’il n’est pas accompagné d’une réforme de la Constitution.
Le Monde avec AFP
Dix-sept députés Les Républicains (LR) se disent prêts à voter le projet de loi sur l’immigration « si prévaut l’esprit du projet du Sénat » à l’issue de son examen à l’Assemblée, une position plus ouverte que celle de la direction du groupe LR sur ce texte qui représente un défi pour le gouvernement.« Nous entendons préserver les principaux acquis du Sénat et améliorer cette loi autant que possible », assurent ces députés, parmi lesquels Julien Dive, Virginie Duby-Muller ou Philippe Juvin, dans leur tribune publiée dans La Tribune Dimanche. Ils renvoient « la balle (…) dans le camp du gouvernement » et de « la majorité présidentielle, de son aile gauche en particulier ».Le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix, a prévenu mardi que le camp présidentiel ne « doit pas s’attendre à avoir une majorité » sur ce texte, « en tout cas, pas avec nous », s’il n’était pas accompagné d’une réforme de la Constitution.
La droite fait depuis plusieurs mois d’une réforme de l’article 11 de la Constitution, qui permettrait d’étendre aux questions migratoires l’organisation de référendums, le cœur de ses revendications concernant l’immigration. Mais un référendum sur l’immigration a été écarté par le président Emmanuel Macron à l’issue des deuxièmes rencontres de Saint-Denis, le 17 novembre.
Pour les dix-sept signataires qui se démarquent de la position de leur chef, « le détricotage du texte du Sénat est évidemment la principale menace pour l’avenir de cette loi ». « Amender oui. Anéantir non », expliquent-ils, rappelant que « la plupart des sénateurs de la majorité présidentielle ont voté le texte au Sénat ».
Selon eux, la nouvelle rédaction de l’article 3 (devenu 4 bis), qui prévoyait la régularisation des clandestins travaillant dans des secteurs en tension, préserve « le pouvoir discrétionnaire des préfets » et est « une réponse ferme qui ne crée pas un droit opposable au fond ». Leur avis n’est pas partagé par Olivier Marleix, pour lequel l’article 4 bis « n’est pas une bonne solution ».
Pour autant, le gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative, parviendra-t-il à éviter le 49.3 sur ce texte ? Selon les calculs d’un cadre de la majorité, si les vingt et un membres du groupe indépendant Libertés, indépendants, outre-mer et territoires apportent leurs suffrages, « il manque dix-huit voix ».
Le projet de loi « immigration », très durci par la majorité sénatoriale de droite, arrive en débat en commission à l’Assemblée nationale lundi, mettant le gouvernement au défi d’aller chercher une majorité sans déchirer le camp présidentiel.
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]]>En Tunisie, un affrontement entre migrants et forces de l’ordre fait craindre une nouvelle vague répressive
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En Tunisie, un affrontement entre migrants et forces de l’ordre fait craindre une nouvelle vague répressive
Par Nissim Gasteli(El-Hamaziah (Tunisie), envoyé spécial)
De l’affrontement qui a opposé, vendredi 24 novembre, la garde nationale tunisienne à un groupe de migrants subsahariens dans le hameau côtier d’El-Hamaziah, au centre-est de la Tunisie, il reste peu de traces visibles : quelques douilles de grenades lacrymogènes, un bout de sol calciné par l’incendie du véhicule des forces de l’ordre et une tache de sang dans la poussière. L’altercation a été aussi brève que violente, faisant craindre une nouvelle poussée de fièvre dans une région devenue, au cours de l’année 2023, l’un des principaux ports de départs des migrants vers l’Europe.
Selon Hichem Ben Ayed, porte-parole du tribunal de Sfax, quatre agents ont été blessés ce matin-là. Ils étaient venus à El-Hamaziah avec un objectif : détruire des barques en métal utilisées par les exilés subsahariens pour tenter de rejoindre l’île italienne de Lampedusa, située à environ 150 km de là. Depuis le début de l’année, 95 897 personnes sont arrivées en Italie depuis la Tunisie, selon les données du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dont une grande partie grâce à ces coques de tôle rouillée mesurant sept à neuf mètres, peu chères et produites en masse dans les environs d’El-Amra.
Voyant les gardes nationaux cibler les embarcations, un groupe de migrants s’est mis à jeter des pierres sur les agents. Ces derniers ont riposté en tirant des grenades lacrymogènes. La situation s’est vite envenimée : la camionnette des forces de l’ordre a été encerclée, avant d’être renversée puis incendiée. Sur une vidéo, partagée sur les réseaux sociaux et authentifiée par Le Monde, un agent en uniforme vert apparaît gisant au sol face contre terre, le visage ensanglanté, semblant inconscient.
L’un des assaillants aurait également profité du chaos pour dérober l’arme d’un des gardes. Un groupe de migrants a en effet été filmé avec ce qui semble être un fusil, brandi en signe de célébration. Interrogé à ce sujet, Hichem Ben Ayed n’a « ni affirmé, ni infirmé » l’information. Mais d’après un garde national patrouillant dans la zone dimanche, des migrants ont bien réussi à s’emparer d’une arme. « Seulement le canon », dont « ils ne peuvent rien faire », a précisé l’agent.Fusil ou pas, une atmosphère de chasse à l’homme règne dans la région d’El-Amra depuis vendredi. Les autorités ont déployé des agents des unités spéciales de la garde nationale (USGN) et de la brigade nationale d’intervention rapide (BNIR), vêtus de treillis militaires, visages masqués et armés de fusils d’assaut, ainsi qu’une armada de véhicules dont plusieurs blindés. Des colonnes qui vont et viennent, toutes sirènes hurlantes.
« Nous aussi nous recherchons ces garçons et, si nous les trouvons, nous appellerons la police », assure Sani Fatye, 45 ans, originaire de Gambie, qui vit dans un campement précaire non loin d’El-Hamaziah. « Ce n’est pas normal ! Il y a des lois dans ce pays comme dans chaque pays et nous devons les respecter en tant qu’étranger. Nous n’allons pas faire la guerre avec le gouvernement ! », s’énerve le Gambien, inquiet de voir l’ensemble des migrants présents dans la zone subir les conséquences de l’attaque.
Des agents des forces de sécurité sont déjà passés voir Paul-Edouard*, un Camerounais de 38 ans, pour s’assurer de sa pleine coopération. « Ils sont venus nous montrer le portrait de celui qu’ils recherchent et ils nous ont donné un numéro pour les joindre, explique-t-il. Ils nous ont bien fait comprendre qu’il fallait les aider si nous ne voulions pas d’ennui. » Au kilomètre 35, sur la route de Mahdia, les forces de l’ordre ont vidé un vaste campement de migrants et retourné toutes leurs affaires, à la recherche, semble-t-il, de l’arme.Père d’une fillette de 5 ans avec qui il voyage, Paul-Edouard vit avec sa femme et une trentaine de personnes dans une maison en chantier sans portes ni fenêtres. Comme eux, des milliers d’exilés se sont installés dans les environs d’El-Amra après avoir échappé aux violences anti-migrants au cours de l’été à Sfax ou amenés ici de force par les autorités. Des conditions de vie extrêmement précaires.
L’exilé craint aussi une nouvelle campagne de déportation massive vers les frontières. En septembre, il avait été emmené par les autorités et abandonné dans une zone désertique à la frontière algérienne, sans eau ni nourriture. Son groupe avait dû marcher pendant neuf jours et parcourir des dizaines de kilomètres à pied entre montagnes et forêts, avant de trouver un transport clandestin et de revenir dans les environs de Sfax.
Devant le poste de la garde nationale d’El-Amra, plusieurs bus sont stationnés, l’un d’eux se remplit petit à petit de migrants encadrés par des agents. « Ceux-là vont être emmenés à la frontière libyenne ou bien algérienne », confie un responsable de la Garde nationale. « Ils retournent par là où ils sont rentrés. » Les autorités tunisiennes, elles, nient catégoriquement toute expulsion depuis le début de ces pratiques, au mois de juillet.
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]]>En Suède, l’extrême droite a le vent en poupe, un an après l’arrivée de la droite au pouvoir
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En Suède, l’extrême droite a le vent en poupe, un an après l’arrivée de la droite au pouvoir
Membre de la majorité depuis octobre 2022, les Démocrates de Suède, réunis en congrès ce week-end, veulent accélérer le rythme des réformes en prônant « la politique de l’asile la plus restrictive d’Europe ».
Par Anne-Françoise Hivert(Västeras (Suède), envoyée spéciale)
Cheveux longs gris et lunettes cerclées de noir, Asa Wittenfelt, 64 ans, a le sourire aux lèvres. Professeure de mathématiques et de sciences dans un lycée professionnel, elle est venue de Lund, dans le sud du pays, pour participer au congrès des Démocrates de Suède (SD), qui se déroulait du jeudi 23 au dimanche 26 novembre, à Västeras, au nord-ouest de Stockholm. « Pour la première fois depuis longtemps, je ressens de l’espoir. On reconnaît enfin qu’on a été naïfs et on ose parler de tout, sans tabou », dit-elle.Asa a adhéré au parti il y a douze ans, « catastrophée » par la situation dans son école, où « les élèves, appartenant à différents clans, se battaient dans les couloirs ». A l’époque, être membre des SD, une formation nationale conservatrice aux origines néonazies, n’était pas bien vu. Elle a essuyé les critiques de ses collègues. « Aujourd’hui, beaucoup me disent qu’ils sont d’accord avec moi et même des élèves me soutiennent », affirme l’enseignante.
Dans les couloirs du palais des congrès de Västeras, les 300 délégués, venus de tout le pays, arborent le même air de satisfaction. Ils ont de quoi : depuis octobre 2022, les SD font partie de la majorité, avec les conservateurs, les chrétiens-démocrates et les libéraux. Et, même s’ils ne siègent pas formellement au gouvernement – ils n’ont pas de portefeuilles ministériels, mais disposent d’un bureau de coordination au sein de l’administration gouvernementale et participent à presque toutes les conférences de presse des ministres –, les Suédois estiment que ce sont eux qui ont le plus d’influence sur la politique actuellement menée.
Samedi, sans surprise, les délégués ont réélu Jimmie Akesson, 44 ans, à la tête du parti qu’il dirige depuis 2005. Paraphrasant l’ancien président américain Donald Trump, le leader de l’extrême droite, très en verve, a assuré que « maintenant que [les SD] participaient à la gouvernance » du pays, ils allaient « rendre sa grandeur à la Suède ». Au terme de la mandature, le royaume aura « la politique de l’asile la plus restrictive d’Europe », a-t-il promis, sous les applaudissements, avant de consacrer une bonne partie de son discours à dénoncer l’emprise des « islamistes » sur la société suédoise, qu’il veut combattre en « confisquant et en détruisant les mosquées » accusées de propager un discours « antidémocratique ».
Un an après l’arrivée de la droite au pouvoir, les SD ont le vent en poupe. Crédité de 22 % des intentions de vote dans les sondages – ils avaient obtenu 20,5 % aux législatives, le 11 septembre 2022 –, ils pèsent désormais plus lourd que les trois partis du gouvernement réunis. Le contexte n’y est pas étranger : en proie à la criminalité organisée, qui a fait cinquante morts depuis le début de l’année, la Suède est aussi menacée par le terrorisme islamiste – deux supporteurs suédois ont été tués à Bruxelles, le 16 octobre, dans un attentat, commis par un Tunisien.
Sur tous ces sujets, « nous sommes perçus comme les plus crédibles », assure Mattias Bäckström Johansson, secrétaire du parti depuis décembre 2022. A 38 ans, cet ancien opérateur de l’industrie nucléaire ne boude pas son plaisir : « Bien sûr que nous sommes très contents de ce qui a été accompli en un an, mais nous aimerions que cela aille plus vite. » Car, avant de pouvoir être votée au Parlement, toute réforme doit faire l’objet au préalable d’un examen approfondi. Malgré de nombreuses annonces, très peu de lois ont donc été adoptées.
(...°Même empressement du côté des Ungsvenskarna SDU, les Jeunes Démocrates de Suède, la section jeunesse du parti, qui compte 2 000 adhérents. Robe vichy et vernis orange, Rebecka Rapp, 23 ans, est souvent interpellée sur TikTok : « On me demande pourquoi ça ne va pas plus vite, j’explique que c’est la politique. » Lors des dernières élections, 22 % des Suédois âgés de 18 à 21 ans ont voté pour le parti (et 26 % pour les conservateurs) : « C’est devenu cool, pour les jeunes, d’être à droite », assure la jeune femme. Etudiante en ingénierie civile à l’Institut royal de technologie royal à Stockholm (...) Le parti est dans une position idéale, observe Ann-Cathrine Jungar, professeur de sciences politiques à l’université de Södertörn : « Il a un pied dans le gouvernement et un autre en dehors, ce qui lui permet d’exercer une influence politique, tout en continuant à critiquer le gouvernement. » Jimmie Akesson ne s’en prive pas, pas plus qu’il ne rate une occasion de faire dans la surenchère, allant jusqu’à plaider pour que la police détienne des personnes sans le moindre soupçon. A Västeras, il s’en est pris à l’ensemble de la classe politique, accusée d’avoir « activement » permis à la criminalité de se développer : « Nous n’oublierons pas et nous ne pardonnerons pas », a-t-il déclaré.
Face à ses excès ou à ceux de responsables de son parti, propageant par exemple la théorie du « grand remplacement » ou défendant les autodafés du Coran, la droite laisse faire : « Les autres partis sont mal à l’aise, mais ils ont décidé de ne pas critiquer les SD, même quand ils tiennent des propos radicaux, ce qui démontre leur influence », note le politologue Tommy Möller. Avec pour conséquence aussi de normaliser un discours qui aurait été jugé inacceptable il y a quelques années, mais qui se répand désormais dans l’espace public, alors que « l’inhibition pour voter SD ne cesse de baisser », remarque M. Möller.L’un des vétérans de la formation, l’idéologue Mattias Karlsson, y voit l’aboutissement d’un long processus mené « de façon très déterminée » par le parti, qui, « malgré les obstacles », a enfin réussi à se débarrasser de « l’image stigmatisante » qui l’a longtemps pénalisé. « Aujourd’hui, nous sommes tellement normalisés au sein de la société que nous pouvons recruter des personnes compétentes et nous professionnaliser. Nous avons atteint la dernière étape, avant d’entrer au gouvernement », assure-t-il. Jimmie Akesson ne s’en cache pas : en 2026, si la droite l’emporte, il exigera des portefeuilles ministériels, ou bien il siégera dans l’opposition. En attendant, les SD ont les yeux tournés vers les élections européennes de juin 2024. Lors du précédent scrutin, en 2019, ils étaient arrivés en troisième position, avec 15,3 % des voix. Depuis, le parti a renoncé à exiger un « Swexit », même s’il continue de considérer Bruxelles et l’UE comme « une des plus grosses menaces contre la souve#raineté » du pays, avec l’immigration. A Västeras, il n’a pas été question de la victoire du leader d’extrême droite Geert Wilders aux élections néerlandaises, pas plus que du grand rassemblement des populistes du groupe Identité et démocratie (ID) qui s’est tenu au Portugal, vendredi. Les SD font partie du groupe Conservateurs et réformistes européens et continuent de juger « problématiques » les liens de certains partis d’ID avec la Russie, comme le Rassemblement national de Marine Le Pen.
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]]>Me Oumar Youm, ministre des Forces Armées : « Le Sénégal a reçu son second patrouilleur en haute mer après le Walo »
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Me Oumar Youm, ministre des Forces Armées : « Le Sénégal a reçu son second patrouilleur en haute mer après le Walo »
Après l’annonce faite par le président de la République sur le renforcement du budget des armées à l’occasion de la journée des forces armées, c’est au tour du ministre d’en faire autant.
À son passage à l’assemblée nationale, Me Oumar Youm révèle la réception du second patrouilleur en haute mer. Face aux parlementaires, il dit avec fierté : « J’ai fait un voyage avec le chef d’état-major de la marine pour recevoir le deuxième OPV qui est le deuxième patrouilleur en haute mer. Il est extrêmement sophistiqué, suffisamment dissuasif pour nous permettre de défendre et de réclamer la présence de l’État en mer et faire face aux risques de déperdition de nos ressources naturelles »
À signaler que le Sénégal a 212.000 km2 de superficie maritime. Ainsi pour le contrôle des candidats à l’émigration, il note que les FDS font autant qu’elles peuvent pour dissuader les candidats à l’émigration.
#Covid-19#migration#migrant#senegal#france#marine#emigration#armee#politiquemigratoire
]]>Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
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Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
Par Alexandre Pedro et Nathalie Segaunes
Veillée d’armes, lundi 20 novembre au soir, à Matignon. A la table de la première ministre, Elisabeth Borne, ont été conviés, à quelques heures du début de l’examen du projet de loi « immigration » en commission à l’Assemblée nationale, les ministres Gérald Darmanin (intérieur), Olivier Dussopt (travail) et Franck Riester (relations avec le Parlement), ainsi que les présidents des groupes parlementaires de la majorité, les rapporteurs et les responsables du texte.
Au sein de ce cénacle, Gérald Darmanin redit sa conviction qu’« un compromis est possible » à l’Assemblée nationale ; que le groupe Les Républicains (LR), présidé par Olivier Marleix, est « fracturé » ; et prévient surtout qu’il est « hors de question de recourir au 49.3 ». En référence à cet article de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote.
Le ministre de l’intérieur rejette la comparaison avec la réforme des retraites, adoptée sans vote en mars. « La situation n’est pas du tout la même, insiste le locataire de la Place Beauvau. Le texte sur l’immigration, lui, est très largement soutenu par les Français. » Elisabeth Borne, qui annonçait en mars ne plus vouloir recourir au 49.3 en dehors des textes budgétaires, conclut la soirée en excluant à son tour le passage en force. Le recours à cette arme constitutionnelle est risqué – car synonyme d’une motion de censure de l’opposition, pouvant potentiellement faire tomber le gouvernement – et, surtout, impopulaire aux yeux des Français et même des élus de la majorité. Il vaut mieux « perdre » sur le projet de loi « immigration » « qu’aller au 49.3 », a ainsi mis en garde le porte-parole du groupe MoDem, Erwan Balanant, mardi 21 novembre. Le gouvernement n’a cependant aucune certitude, à ce stade, de pouvoir s’épargner un nouveau 49.3. Car le texte adopté par le Sénat en première lecture, le 14 novembre, au terme d’une difficile négociation entre la droite et les centristes, a été durci « en des termes qui ne sont pas acceptables pour la majorité présidentielle », dénonce Sacha Houlié, président (Renaissance) de la commission des lois à l’Assemblée nationale, dans Ouest-France, le 19 novembre. Et le projet de loi menace d’être largement réécrit par les députés du groupe macroniste.
« Notre état d’esprit est de revenir au texte initial du gouvernement », prévient le président du groupe Renaissance au Palais-Bourbon, Sylvain Maillard. Ce qui offrirait aux députés LR de bonnes raisons de ne pas voter le projet de loi, qui sera examiné en commission à partir du 27 novembre, puis dans l’Hémicycle le 11 décembre.
Dès l’entame du dîner, lundi soir, Florent Boudié, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a donc mis en garde la majorité : « On ne peut pas arriver en détricotant le texte du Sénat. » Le député (Renaissance) de Gironde, soucieux de déminer le terrain, distingue trois types de mesures dans le texte adopté à une large majorité au Palais du Luxembourg.
Tout d’abord celles relevant de ce qu’il appelle la « zone noire », des dispositions qui seront supprimées parce qu’elles sont considérées comme des « cavaliers législatifs » et courent donc le risque d’être retoquées par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de la suppression de l’aide médicale d’Etat – qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins – mais aussi des mesures sur le droit du sol – qui relèvent du code de la nationalité –, ou de celles concernant les mineurs isolés non accompagnés.
Dans la « zone blanche » figurent les dispositions introduites par le Sénat qui, à l’inverse, peuvent être reprises par la majorité à l’Assemblée nationale : celle qui vise à renforcer le contrôle des visas étudiants, celle qui conditionne le regroupement familial à l’apprentissage de la langue française ou celle qui prévoit un meilleur encadrement des étrangers malades.
Enfin, dans la « zone grise », Florent Boudié inscrit « les mesures sur lesquelles [les députés de la majorité doivent] éviter une inutile arrogance ou provocation à l’égard des parlementaires LR, car [ils ne sont] pas tout à fait au clair chez [eux] ». Par exemple, la suppression de la tarification sociale dans les transports pour les personnes en situation irrégulière.
Sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, le rapporteur propose un amendement de compromis entre l’article 3 initial – qui instaure un droit opposable à un titre de séjour, dès lors qu’un certain nombre de critères sont remplis – et la mesure votée au Sénat, qui laisse la main aux préfets : M. Boudié suggère de revenir à un principe de régularisation dans la loi, mais en donnant un droit de veto aux préfets, qui pourraient « interrompre la procédure de régularisation, sur des critères précis fixés par la loi, si l’étranger menace l’ordre public ou s’il a eu des agissements contraires aux valeurs de la République ».
Un tel mix permettra-t-il de bâtir une majorité à l’Assemblée nationale ? Gérald Darmanin a insisté sur la dimension répressive du projet de loi, mardi soir, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le présentant comme une arme contre l’« écosystème » des « trafiquants de misère », passeurs, marchands de sommeil ou patrons profitant des clandestins. Alors qu’il multiplie, ces jours-ci, les tête-à-tête avec les députés, quitte à faire « deux petits déjeuners, deux déjeuners et deux dîners par jour », selon son entourage, le ministre de l’intérieur estime qu’entre quinze et vingt députés LR seraient « intéressés » par le texte, dit-on Place Beauvau. Des chiffres qu’Olivier Marleix juge « optimistes et grotesques ». Et ce n’est pas l’amendement proposé par Florent Boudié – concernant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension – qui risque de le rendre moins inflexible. « Tel que je l’ai compris, c’est un recul par rapport à ce qui est sorti du Sénat », juge le patron des députés de droite. Considérant que « cet amendement réaffirme de façon très claire le droit à la régularisation pour les sans-papiers, assorti d’une sorte de pouvoir de veto pour le préfet », M. Marleix estime que dans la « réalité » il sera « très compliqué » pour ce dernier « d’avoir des éléments de veto ». « Donc on revient à une situation de régularisation qui sera massive », en conclut-il.
A l’Assemblée nationale, certains élus LR poussent très fort pour rejeter le texte, même musclé par leur camp au Sénat. « La situation est trop grave pour se satisfaire de petits pas », a ainsi prévenu Aurélien Pradié (Lot), l’un des soixante-deux députés LR, mardi matin sur France 2. « Il y a soixante-deux nuances de Républicains », se rassurait, lundi soir, Gérald Darmanin, à Matignon
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]]>En Bretagne, l’embauche des réfugiés plus polémique que jamais
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En Bretagne, l’embauche des réfugiés plus polémique que jamais
Touchées par les pénuries de main-d’œuvre, les entreprises régionales n’ont pas attendu l’adoption du projet de loi « immigration » pour former des réfugiés aux métiers en tension. Mais en toute discrétion.
Par Manon Boquen
Un temps, Le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, a envisagé d’organiser une visite, en octobre, de la conserverie La Belle-Iloise, à Quiberon (Morbihan), au bout de la presqu’île du même nom. L’examen du projet de loi « immigration » débutait au Sénat et il souhaitait ainsi démontrer la pertinence du fameux article 3, qui prévoyait la régularisation des sans-papiers dans des métiers en tension, convaincu, comme il le déclarait le 12 septembre, que « la réindustrialisation de la France ne se ferait pas sans immigration ».La Belle-Iloise était a priori un bon exemple : l’entreprise a formé, de 2019 à 2021, des groupes d’une dizaine de réfugiés – qui avaient déjà obtenu des papiers – au métier d’opérateur de production. Apprentissage du français et stage immersif ont permis à la majeure partie d’entre eux de travailler comme saisonniers, voire de poursuivre en contrat plus long. Mais, de visite ministérielle, il n’y aura finalement pas. La Belle-Iloise refusera d’expliquer pourquoi, se contentant de répondre que le sujet est « brûlant ».
L’entreprise ne le dira pas officiellement, mais un article de Ouest-France daté de 2021 lui a laissé de très mauvais souvenirs. Il décrivait pourtant en des termes bienveillants son programme d’insertion modèle. Sauf que la publication a entraîné des centaines de commentaires haineux sur les réseaux sociaux. « On en fait moins pour les SDF », « Combien de chômeur francais [sic] on a formé ? », « Avec 10 millions de pauvres en France, n’importe quoi »… Un florilège qui a marqué les acteurs proches du dossier : la mission locale comme le centre de formation.
Le cas de La Belle-Iloise n’est pas unique : de plus en plus d’industriels bretons recourent à la formation de migrants pour pallier le manque de main-d’œuvre, mais refusent d’en parler ouvertement par peur de soulever des réactions violentes. Avec un taux de chômage de 5,8 % au second trimestre 2023 – le deuxième taux régional le plus faible de France –, la région est particulièrement touchée par les pénuries de main-d’œuvre : 462 000 postes seraient à pourvoir dans la région d’ici à 2030 dans tous les secteurs, selon le ministère de l’économie. Kodiko, Sésame, Melting Breizh… Les dispositifs d’intégration par le travail ont essaimé sur le territoire au fil des années, portés par des institutions variées : missions locales, Pôle emploi, associations pour l’emploi. Responsable du programme HOPE de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes de Bretagne et de Loire-Atlantique, Lionel Frein met en relation entreprises en tension et réfugiés pour des formations professionnalisantes avec des cours de langue. « A son lancement, en 2017, c’était une expérimentation, avant tout pour libérer des places d’hébergement », relève-t-il.
Depuis, plusieurs secteurs, comme ceux du bâtiment, de la propreté, de l’automobile, ont formé en interne près de mille stagiaires de Brest (Finistère) à Loudéac (Côtes-d’Armor) en passant par Rennes (Ille-et-Vilaine). « Quatre-vingt-neuf pour cent d’entre eux ont un logement et 72 % un emploi », se réjouit le responsable régional du dispositif. La situation s’est généralisée depuis le Covid. « Toutes les entreprises ont des difficultés à recruter. Et donc beaucoup se sont adaptées au public des personnes réfugiées », confirme Damien Robic, responsable de l’Institut breton d’éducation permanente (IBEP) de Lorient (Morbihan), un organisme de formation pour adultes, où cinq formateurs de français pour les étrangers travaillent maintenant, au lieu de deux dix ans auparavant. L’IBEP de Lorient, avec l’aide de la région Bretagne, a en outre créé des programmes avec plusieurs employeurs, dont La Belle-Iloise et, avant elle, le fabricant de plats à base de poisson Cité marine, implanté à Kervignac (Morbihan).
Des partenariats inédits sont même en train de voir le jour, comme celui entre le Medef d’Ille-et-Vilaine, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment 35 et Territoires accueillants 35, un collectif pour l’accueil des migrants. Ils espèrent lancer dans les mois à venir une expérimentation locale qui permettrait de simplifier les démarches d’embauche des migrants en attente de papiers. « Les besoins des entreprises sont là, avec des personnes extrêmement motivées qui veulent s’intégrer », argumente Willy Patsouris, de Territoires accueillants 35, tout en regrettant « des débats électoralistes » à l’échelle nationale.
Le trio d’organisations communiquera-t-il sur son opération si elle aboutit ? Willy Patsouris se fait prudent : « Pour ma part, je suis pour la transparence, mais je ne suis pas le seul à décider. » Les manifestations d’extrême droite à Callac (Côtes-d’Armor) contre le projet de centre d’accueil pour réfugiés et la progression du vote Rassemblement national font dire à Forough Dadkhah, vice-présidente de gauche chargée de l’emploi, de la formation et de l’orientation à la région Bretagne : « Nous devons continuer les actions pour les réfugiés, mais peut-être en communiquant moins. »
Pour autant, le groupement d’économie solidaire Néo 56 a organisé, le 14 octobre, la soirée dégustation du Fest in Food, un programme d’insertion dans la restauration de personnes réfugiées. « Nous voulions favoriser la cohabitation de tous en nous appuyant sur la cuisine », explique sa directrice générale, Marie-Laurence Gautier. Trois cents curieux ont répondu présents, sans incident.
#Covid-19#migrant#migration#france#bretagne#immigration#emploi#economie#integration#refugie#politiquemigratoire#extremedroite
]]>Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/17/gerald-darmanin-maitre-des-tractations-pour-faire-voter-son-projet-de-loi-im
Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
Par Claire Gatinois et Julia Pascual
PLe couvert a été mis pour deux. Ce mardi 14 novembre, place Beauvau, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, reçoit son « copain » Sacha Houlié à déjeuner. Devant le président de la commission des lois, figure de l’aile gauche de la Macronie, l’ancien des Républicains (LR) déroule sa stratégie pour faire adopter le projet de loi « immigration » à l’Assemblée nationale, dont l’examen doit démarrer le 11 décembre. (...)
Cette performance a un prix. Gérald Darmanin a laissé les élus de droite durcir drastiquement le projet. Un « musée des horreurs », s’étrangle Sacha Houlié. L’article 3, permettant de régulariser de plein droit des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, a été abrogé, au profit d’un article moins-disant ; l’aide médicale d’Etat (AME), un panier de soins destinés aux immigrés sans papiers, a disparu, au profit d’une aide médicale d’urgence ; l’automaticité du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers a été supprimée ; le délit de séjour irrégulier a été rétabli ; le regroupement familial a été durci, de même que l’accès aux droits sociaux… Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, crie victoire. (...)
La foire n’est pas terminée. Mais Gérald Darmanin compte déjà les « bouses ». Et calcule devant Sacha Houlié qu’au-delà des députés du camp présidentiel, les élus du groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), qu’il traite soigneusement depuis des mois lors de déplacements en Corse et dans les outre-mer, voteront en faveur de « son » texte. Quinze députés LR lui seraient favorables. Avec les abstentions escomptées d’élus du Rassemblement national (RN) et de la droite, le texte peut passer sans 49.3 (cet article de la Constitution qui permet de faire adopter une loi sans vote), calcule le locataire de la place Beauvau, qui demande au député de la Vienne de ne pas prendre de positions contraires à la sienne lors des discussions au banc.
Une semaine plus tôt, Sacha Houlié avait prévenu dans un entretien au Figaro que les députés Renaissance rétabliraient le texte initial du gouvernement, débarrassé de ses dérives droitières. Les suppressions de l’AME et du droit du sol, assimilées à des cavaliers législatifs, sont vouées à être censurées par le Conseil constitutionnel. Mais une partie du camp présidentiel tient à signifier sa désapprobation alors que, pendant les débats au Sénat, M. Darmanin a préféré éviter la confrontation sur le fond.(...)
« Gérald a les clés », observe le chef de file des sénateurs macronistes, François Patriat. Lors d’un dîner à l’Elysée, le 7 novembre, M. Darmanin avait prévenu le chef de l’Etat devant la première ministre, Elisabeth Borne, qu’il comptait « co-construire » un texte avec les sénateurs, rappelant qu’à ses yeux, le pays penche à droite, et qu’il avait l’opinion publique avec lui. « O.K., on y va », lui répond Emmanuel Macron. Un peu plus tôt, le locataire de la place Beauvau avait aussi formulé devant la cheffe du gouvernement, des ministres et les présidents de groupe son espoir d’obtenir l’abstention des rangs du RN et de LR, sous la pression de leurs électorats. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, ancien socialiste, qui avait posé avec Gérald Darmanin pour mettre en scène une loi alliant fermeté et humanisme, ne sera pas au banc du Palais du Luxembourg.
Seul en piste, le ministre de l’intérieur manœuvre. Mais au sein du gouvernement, l’extrême bienveillance dont l’ex-sarkozyste fait preuve vis-à-vis de la droite finit par agacer. La suppression de l’AME choque. D’autant que le ministre fait savoir qu’il y est favorable « à titre personnel » quand le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, et Elisabeth Borne disent publiquement leur opposition. Le locataire de la place Beauvau finit par tempérer sa position, mais seulement après avoir obtenu, début octobre, que Matignon lance une mission sur une réforme de l’AME. (...)
Si le transfuge de la droite assure qu’il ne discute pas avec les élus RN, il a l’intuition que les 88 députés d’extrême droite ne s’opposeront pas au texte. « C’est compliqué pour le RN de voter contre », soupèse Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord. L’élue « darmaniste », qui a récemment débattu à la télévision avec des parlementaires lepénistes, comme les députés de l’Yonne Julien Odoul et du Pas-de-Calais Emmanuel Blairy, assure que, hors micro, elle ne ressent pas de virulence de ses collègues RN contre le texte. « Je ne vois pas ce qui leur fait penser » qu’on pourrait s’abstenir, s’étonne Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée, qui a toutefois remarqué une étonnante amabilité à son endroit. Lorsqu’il a tancé Elisabeth Borne, qui, le 18 octobre, déclenchait un nouveau 49.3 sur un texte budgétaire, en lui lançant un irrespectueux « Arrête ton bla-bla ! », l’élu d’extrême droite a, dit-il, reçu les louanges de députés Horizons et réputés proches du ministre de l’intérieur. « Gérald Darmanin est sans foi ni loi », peste Olivier Marleix, exaspéré par « la godille » du ministre. Un exercice vain, selon le patron des députés LR, à moins que la majorité présidentielle ne vote, lors de la niche parlementaire des Républicains, une réforme de la Constitution pour permettre un référendum sur l’immigration. « C’est donnant-donnant », dit-il sans grand espoir. A la fin, présage-t-il, la loi « immigration » aboutira par un 49.3, « et Gérald Darmanin essaiera de dire que c’est la méchante Borne qui le lui aura imposé ».
Entré en politique à 16 ans, après avoir été sèchement recadré par un cadre du RPR qui signifie à ce petit-fils de harki qu’« on ne peut pas adhérer si on n’est pas français », Gérald Darmanin veut ce texte, qui doit sculpter son image d’autorité et répondre, selon les sondages qu’il scrute avec attention, à une demande des Français.
Omniprésent dans les médias, Gérald Darmanin fait maintenant des « threads » (des fils) sur le réseau social X. Il déroule chaque jour la liste des étrangers expulsés : (...) Un compte rendu sans précédent, instauré quelques jours après l’attentat d’Arras, le 13 octobre, au cours duquel un jeune Russe radicalisé a mortellement poignardé un professeur de français. « Personne n’avait osé faire ça, remarque un préfet en poste. Mais il faut bien rassurer la population, sinon, elle va nous mettre Marine Le Pen au pouvoir. »
#Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#politiquemigratoire#immigration#AME#santeexpulsion#etranger#regularisation#naturalisation
]]>« Le manque d’immigration de travail handicape la France »
►https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/le-manque-d-immigration-de-travail-handicape-la-france_6200707_3232.html
« Le manque d’immigration de travail handicape la France »
Tribune Emmanuelle Auriol Madeleine Péron Economistes
A l’occasion du projet de loi déposé par le gouvernement, le débat sur l’immigration a resurgi dans l’actualité. Sans surprise, les volets sécuritaire et identitaire y tiennent une place prépondérante, éclipsant certaines réalités économiques qu’il faudrait pourtant prendre en compte pour permettre un véritable débat démocratique. Car l’immigration pour motif économique est portion congrue en France, et notre pays se prive, pour de mauvaises raisons, d’un fort potentiel de croissance à long terme et, à court terme, de substantiels bénéfices économiques et sociaux.
Contrairement à une idée reçue, la France est un pays de faible immigration ! Le flux annuel d’immigrés entrants était de 316 174 personnes en 2022, selon le ministère de l’intérieur, soit environ 0,45 % de la population française. En dehors des regroupements familiaux, les possibilités d’une immigration de travail sont réduites pour les ressortissants extracommunautaires.
De ce fait, l’immigration pour motif économique est négligeable dans notre pays : en 2022, elle représentait seulement 16 % des nouveaux visas délivrés, souvent au prix de batailles administratives à l’issue incertaine pour le candidat à l’immigration et pour son potentiel employeur. Et ce, alors même que, selon l’enquête « Besoins en main-d’œuvre 2023 » de Pôle emploi, 61 % des recrutements sont jugés difficiles, principalement par manque de candidats et de compétences adéquates.
Les bienfaits d’une immigration de travail sont considérables à court terme, pour répondre à des tensions fortes et persistantes dans certains secteurs cruciaux tant pour notre économie que pour notre vie quotidienne. Les métiers dits « en tension » s’observent ainsi à tous les niveaux de qualification : il nous manque aussi bien des ouvriers spécialisés que des médecins, des cuisiniers, des infirmiers, des banquiers ou encore des informaticiens. Dès lors, la faible immigration de travail en France est un problème économique majeur. Faute de personnels, des services d’urgences ferment, des citoyens âgés dépendants sont privés de soins, des entreprises renoncent à créer de l’activité, voire ferment ou se délocalisent.
Pourtant, les études réalisées par le Conseil d’analyse économique montrent que l’immigration de travail a, à court terme, un impact négligeable sur les finances publiques, dans la mesure où les immigrés travaillent, cotisent et paient des impôts. A long terme, l’immigration de travail, en particulier qualifiée, stimule la croissance en favorisant l’innovation, l’entrepreneuriat et l’insertion dans l’économie mondiale. Comment imaginer que les politiques de réindustrialisation et d’adaptation au changement climatique pourront se faire dans une économie fermée, notamment à la recherche internationale ? Les idées et les innovations ne circulent pas dans l’éther, elles sont portées par des personnes.
La France n’a pas de politique d’immigration, notamment économique. Notre pays subit de plein fouet une pénurie de main-d’œuvre et se prive des bienfaits à long terme de l’immigration de travail. A l’instar de ce qu’ont fait des pays comme le Canada, l’Australie ou l’Allemagne, il est grand temps de changer nos législations et de mettre en œuvre une véritable politique d’immigration économique. Le Conseil d’analyse économique avait déjà, en novembre 2021, formulé plusieurs recommandations visant à mettre en place une politique migratoire ambitieuse au service de la croissance. On peut citer la poursuite des efforts destinés à numériser, centraliser et systématiser le traitement des visas de travail émanant des entreprises avec des critères d’admissibilité clairs et prévisibles, une évaluation du dispositif « Passeport talent » afin de renforcer son efficacité et d’intensifier son octroi, et la facilitation de la transition études-emploi en fluidifiant et en étendant l’accès à des titres de séjour pour les étudiants, sans y adjoindre de critères de salaire minimum, ni d’adéquation du travail
Le débat sur l’immigration est monopolisé par des partis politiques qui ont fait de la lutte contre l’immigration leur fonds de commerce. En faisant des amalgames entre immigration, perte d’identité, délinquance et terrorisme, ils laissent à penser que l’immigration est un fardeau. Le faible volume d’immigration de travail et l’absence d’un discours politique clair sur le sujet contribuent à la confusion générale. Il est, de ce point de vue, frappant de constater que le nouveau projet de loi sur l’immigration aborde pêle-mêle accueil des réfugiés, expulsion de délinquants, immigrés en situation irrégulière et tension sur le marché du travail.
En abandonnant le débat à des partis politiques dont l’objectif n’est pas, de toute évidence, la croissance, on projette l’image d’une opinion publique uniformément hostile à toute forme d’immigration. Or les Français ne sont pas dupes : ils sont même favorables à l’immigration intracommunautaire et n’ont pas de problème avec l’immigration de travail. Ainsi, dans le baromètre 2022 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, 83 % des personnes interrogées affirment que les immigrés de travail doivent être considérés comme chez eux en France.
On manque de bras et de compétences partout sur le territoire. Cette situation constitue un frein à notre économie et, quand il s’agit de médecins et d’infirmiers, un péril pour la sécurité et la santé des Français. Alors que même la Hongrie de Viktor Orban s’organise pour accueillir des travailleurs étrangers, et que l’Italie de Giorgia Meloni prévoit d’accorder 122 705 visas extracommunautaires en 2023, la classe politique française est paralysée. Il est grand temps que l’Etat reprenne la main sur la politique migratoire. Les enjeux, tant de court terme pour les secteurs en tension que de long terme pour la croissance et l’innovation, sont vitaux pour notre pays.
Emmanuelle Auriol est professeure à la Toulouse School of Economics et à l’université Toulouse-I-Capitole ; Madeleine Péron est économiste au Conseil d’analyse économique. Elles ont participé aux travaux de la note du Conseil d’analyse économique de novembre 2021 consacrée à l’immigration qualifiée, « Un visa pour la croissance ».
#Covid-19#migrant#migration#france#economie#politiquemigratoire#immigration#visas#croissance#innovation#migrationqualifiee
]]>Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits : « A un référendum sur l’immigration, la réponse ne peut être que populiste »
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/17/jacques-toubon-a-un-referendum-sur-l-immigration-la-reponse-ne-peut-etre-que
acques Toubon, ancien Défenseur des droits : « A un référendum sur l’immigration, la réponse ne peut être que populiste »
Dans un entretien au « Monde », l’ancien ministre de la justice de Jacques Chirac et ex-Défenseur des droits s’élève contre l’idée d’étendre le champ du référendum aux questions de société, proposée par la droite et reprise par Emmanuel Macron.
Propos recueillis par Nathalie Segaunes
A la veille d’une nouvelle rencontre d’Emmanuel Macron à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) avec des chefs de parti, la première ministre et les présidents des deux assemblées, lors de laquelle doit être discuté « l’élargissement du champ du référendum afin de permettre à nos concitoyens de se prononcer sur les grandes questions », selon l’Elysée, l’ancien ministre de la justice de Jacques Chirac et ancien Défenseur des droits Jacques Toubon appelle le pouvoir exécutif « à ne pas déraper » en « ouvrant les vannes ».
Emmanuel Macron réunit à nouveau, vendredi 17 novembre, à Saint-Denis, plusieurs chefs des partis politiques représentés au Parlement. Que vous inspirent ces rencontres de Saint-Denis ?
Elles ont un caractère ambigu : elles ont à la fois un caractère privé, fermé, qui normalement permet de tout dire, et un caractère public, puisqu’elles ont lieu pour pouvoir ensuite en parler. Le véritable problème qui est posé, c’est de réunir les représentants des partis politiques. Qui y a-t-il encore aujourd’hui dans les partis ? On voit bien, sur l’ensemble de l’échiquier, qu’ils sont réduits à leur plus simple expression. Les structures politiques sont faibles et les personnes qui parlent au nom de ces structures ne sont pas éminentes. Je crois que la difficulté dans la vie politique française, c’est cette sorte d’évanescence institutionnelle.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Rencontre de Saint-Denis : Emmanuel Macron subit des défections en série
Si les « représentants » ne représentent plus, n’est-il pas logique de recourir au référendum sur les questions de société, comme le propose le président de la République ?
Non, car ce serait le dérapage incontrôlé. A l’heure actuelle, la Constitution permet de recourir au référendum dans des conditions strictes, bien encadrées par les articles 11 et 89, mais qui ne peuvent pas porter sur les questions de société. Faute d’avoir des gens capables d’exprimer ce que les Français veulent, on propose de leur demander : « Est-ce que vous préférez les tomates rouges ou les tomates vertes ? » Mais si on ouvre aux questions de société, on change de régime politique. On voit bien que le pouvoir du Parlement, et de manière générale des corps intermédiaires, y compris des élus locaux, va être annihilé par ces capacités qu’il y aura de recourir au référendum sur tous les sujets.
La deuxième conséquence, c’est que sur ce type de question, la réponse ne peut être que populiste. Elle va être constituée par un mouvement d’opinion, qui va se traduire par un vote majoritaire à l’occasion du référendum. C’est une position « oui ou non », « Est-ce que vous êtes pour ou contre ? ». Ce que réclame Eric Ciotti [président du parti Les Républicains] aujourd’hui, ce n’est pas un référendum demandant : « Approuvez-vous le projet de loi sur l’immigration ? », mais un référendum demandant : « Est-ce que vous êtes pour ou contre l’entrée des étrangers en France ? » Mais quand on ouvre le référendum dans ces conditions, que se passe-t-il après, si les Français répondent « contre » ?
Supposons que demain, on ait un référendum dont la question serait : « Faut-il supprimer le droit d’asile ? » Si la réponse est oui, que fait-on, on sort de toutes les conventions internationales, de tous les échanges ? On ne tient pas compte des prescriptions de la convention de Genève, de Strasbourg, de Luxembourg, et on fait la France forteresse, comme certains veulent faire l’Europe forteresse ? Et imaginons qu’on ne passe pas aux actes ensuite : on va créer encore plus de défiance, de la frustration, et la frustration est un puissant moteur de révolte.
Le chef de l’Etat juge nécessaire de redonner la parole aux Français entre deux élections présidentielles…
On va avoir une opinion qui se sera exprimée, le peuple considérera « j’ai dit ce que j’avais à dire », mais les institutions ne pourront rien faire. Et si une majorité de Français est favorable à ce qu’on revienne sur l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse, que fait le président de la République ? Que font les institutions ? Que font les médecins ? Idem avec l’aide médicale d’Etat [AME]. Imaginons que les Français disent, par référendum, qu’il faut la supprimer. Moi, docteur Durand, je vais continuer à pratiquer l’AME. Que va-t-il m’arriver ? Je vais passer devant le conseil de l’ordre ? Devant le tribunal administratif ? On voit bien qu’il y a là l’organisation d’une sorte de chaos, ou pour le moins d’une incertitude institutionnelle, qui n’est pas possible. Il faut maintenir les dispositions actuelles sur le référendum.
Vous êtes donc contre l’élargissement du champ du référendum aux questions de société ?
Bien sûr. Si on lâche, quelqu’un proposera un jour qu’on puisse faire des référendums sur la politique étrangère. Et on aura demain une question comme « Etes-vous pour Gaza ? » ou « Etes-vous pour Israël ? » A partir du moment où on ouvre les vannes, on peut faire un référendum sur la force de frappe : « Faut-il supprimer l’arme nucléaire ? » Les questions climatiques, écologiques, peuvent également être envisagées avec les conséquences les plus extravagantes. Il ne faut pas déraper.
Oui, et je pense que mon ancienne famille politique se trompe. Aujourd’hui, sur l’immigration, il faut mettre en place, par les débats parlementaires entre les deux Chambres, une loi qui soit conforme à nos principes. Je pense d’ailleurs qu’il y a un certain nombre de dispositions, ajoutées dans le projet de loi sur l’immigration, qui ne passeront pas au Conseil constitutionnel. La suppression de l’AME, par exemple : il y a un droit fondamental à la santé dans notre pays. On dit que l’AME attire les gens dans notre pays et coûte la peau du dos. Les deux points sont faux. Mais sur ces bases-là, hardi petit ! on propose de la supprimer ! C’est le type même de l’irresponsabilité. Ou bien on laisse le populisme triompher dans notre pays ou bien on s’en tient à ce que la Constitution prévoit en matière de référendum.
Si Macron dit vendredi « nous ouvrons le référendum aux questions de société », la question sera encore débattue dans trois ans, au moment de l’élection présidentielle. On ne sera pas passé aux actes. Et si on fait l’élection présidentielle là-dessus, il est clair qu’on donne une prime massive aux populistes.
On reproche à Emmanuel Macron de tout décider seul depuis 2017. Le référendum n’est-il pas une réponse à la concentration du pouvoir ?
Non, faisons plutôt fonctionner le Parlement. Si l’institution parlementaire fonctionne, les partis politiques reprendront du poil de la bête, parce que c’est leur boulot : ils désignent des candidats pour avoir des élus. Soyons lucides, réfléchissons : quelles sont les conséquences de ces positions, très séduisantes, que prendra peut-être le président ? Etre populaire, au détriment des institutions, au détriment de la représentation politique, est-ce que c’est bien ? Est-ce que ce n’est pas une popularité qui risque de se retourner contre l’intérêt général ? Quand on aboutit, par le biais du référendum, à une réponse qui est complètement contraire à l’intérêt général, au bon sens, on ne passe jamais à l’acte. On l’a vu en 2005 avec le traité européen. Le référendum peut être utilisé comme l’outil de l’irresponsabilité politique. Or, ce dont on a besoin aujourd’hui, c’est de davantage de responsabilité et de sagesse. J’espère que vendredi, le président de la République remettra l’église au milieu du village et la mairie au cœur de la ville.
#Covid-19#migrant#migration#france#immigration#politiquemigratoire#referendum#populisme
]]>Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
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Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
Une partie des élus de la majorité est déterminée à rééquilibrer le projet de loi, nettement durci par les sénateurs de droite, lors de son examen en séance à l’Assemblée nationale à partir du 11 décembre.
Par Mariama Darame
Quelques heures avant l’adoption du projet de loi « immigration » par le Sénat, mardi 14 novembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, esquissait déjà la ligne de conduite de son camp à l’égard d’un texte considérablement durci par la majorité sénatoriale, dominée par la droite : « Bien sûr que [nos députés] auront à cœur de revenir sur un certain nombre de dispositions introduites par les sénateurs », a-t-il affirmé sur France Inter.
Quotas migratoires, restriction des modalités du regroupement familial, suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’une aide médicale d’urgence (AMU), délit de séjour irrégulier… La droite sénatoriale et son allié centriste ont profondément transformé le texte du gouvernement – passé de 27 articles à près d’une centaine –, souvent avec la bienveillance du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Au point que les sénateurs Les Républicains (LR) considèrent désormais que le projet de loi est devenu le leur.
Une « provocation » aux yeux des députés macronistes, soucieux de rééquilibrer le texte. Alors qu’il doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir du 27 novembre en commission des lois, puis le 11 décembre en séance, une partie d’entre eux sont tentés de défaire l’œuvre du Sénat. (...) Mais comme souvent, les visions divergent au sein de la majorité à l’Assemblée nationale sur l’ampleur des modifications à apporter.
L’article 3, qui visait à créer un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, sera au cœur des débats au Palais-Bourbon. Mardi, le ministre de l’intérieur a convié à déjeuner le président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée, Sacha Houlié. Le premier a rappelé au second sa volonté de revenir sur la suppression de cet article. Au Sénat, cette disposition décriée par la droite a été remplacée par une mesure de régularisation dans ces métiers en tension à la seule discrétion du préfet, durcissant ainsi la circulaire en vigueur.
(...) Face à Sacha Houlié, figure de proue de l’aile gauche macroniste, M. Darmanin a soutenu le rétablissement de l’article 4, également supprimé par la majorité sénatoriale, permettant à certains demandeurs d’asile d’accéder dès leur arrivée au marché du travail. Le ministre de l’intérieur a aussi reconnu que de nombreuses mesures introduites au Sénat étaient irrecevables car sans lien direct ou indirect avec le texte. De quoi offrir des garanties suffisantes à son aile gauche pour éviter tout désaveu dans l’Hémicycle ? « La majorité ne doit pas tomber dans le piège de ne vouloir que se contenter de corriger le texte du Sénat. Il reste des améliorations à apporter au texte initial », considère Stella Dupont qui compte encore sur le soutien d’une partie de la gauche pour les faire voter.
#Devant ces positions affirmées, Gérald Darmanin n’a pas renoncé à obtenir l’abstention d’élus LR, voire le soutien d’une poignée de députés de droite conciliants avec la ligne du gouvernement pour faire adopter son texte. Or, chez les députés macronistes, la défiance demeure à l’égard des LR, jugés peu fiables. « Vaut-il mieux un mauvais texte voté par une majorité construite avec la droite ou un bon texte adopté grâce à un 49.3 ? », estime le député MoDem du Finistère, Erwan Balanant. Avant de résumer : « C’est l’équation politique insoluble pour Gérald Darmanin. »
#Covid-19#migrant#migration#france#assembleenationale#loimigration#AME#titredesejour#regularisation#politiquemigratoire#sante
]]>Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
►https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-
Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
Par Julia Pascual
Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
« Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
« Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
« C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
« L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.
#Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#senat#oqtf#regroupementfamilial#regularisation#naturalisation#droit#stigmatisation#etranger#travailleurmigrant#sante#AME#politiquemigratoire
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►https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-
Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
Par Julia Pascual
Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
« Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
« Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
« C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
« L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.
#Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#senat#oqtf#regroupementfamilial#regularisation#naturalisation#droit#stigmatisation#etranger#travailleurmigrant#sante#AME#politiquemigratoire
]]>La Cour suprême britannique déclare illégal le partenariat migratoire entre le Royaume-Uni et le Rwanda
▻https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/15/la-cour-supreme-britannique-declare-illegal-le-partenariat-migratoire-entre-
La Cour suprême britannique déclare illégal le partenariat migratoire entre le Royaume-Uni et le Rwanda
L’accord passé avec Kigali visait à transférer les demandeurs d’asile dans le pays d’Afrique. Le gouvernement de Rishi Sunak comptait sur lui pour dissuader les migrants de traverser la Manche sur des embarcations de fortune.
Par Cécile Ducourtieux(Londres, correspondante)
Publié hier à 16h24, modifié à 08h44
Nouveau coup dur pour le gouvernement de Rishi Sunak : la Cour suprême britannique a tranché, mercredi 15 novembre, en confirmant l’illégalité du partenariat migratoire conclu avec Kigali pour que les demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni en « small boats » (bateaux pneumatiques) soient transférés au Rwanda et que leurs demandes soient évaluées sur place. Les cinq juges de la plus haute instance juridique du Royaume-Uni ont considéré, à l’unanimité, que le risque était « réel » pour ces personnes d’être refoulées vers leur pays d’origine par les autorités rwandaises, même si leur demande de protection était justifiée.
Signé en avril 2022 entre le gouvernement de Boris Johnson et celui de Paul Kagame, le « partenariat Rwanda » constituait la clé de voûte de la politique migratoire britannique. Il était censé dissuader les personnes tentées par la dangereuse traversée de la Manche. Mais il n’a jusqu’à présent jamais pu être mis en œuvre, ayant presque immédiatement été mis en cause devant les tribunaux nationaux.
Alors que 46 000 personnes sont arrivées dans des embarcations de fortune sur les côtes du Kent en 2022 et que 27 000 autres ont réussi la traversée depuis début 2023 (chiffres du Home Office arrêtés au 12 novembre), Rishi Sunak se retrouve démuni, à moins d’un an des élections générales, alors qu’il avait promis en janvier aux Britanniques de « stopper les “small boats” ». Et c’est sans compter l’ex-ministre de l’intérieur Suella Braverman, qu’il a expulsée de son cabinet lundi, et qui semble avoir la ferme intention de lui nuire, en l’accusant de « trahison » sur le dossier Rwanda… « Ce n’est pas la décision que nous espérions, a sobrement réagi Rishi Sunak dans un communiqué mercredi, mais nous avons passé ces derniers mois à nous préparer à cette éventualité et nous restons totalement engagés à stopper les “small boats” ».
Les juges de la Cour suprême ont basé leur décision sur le principe du « non-refoulement » inscrit dans le droit britannique, mais aussi dans des traités internationaux dont le Royaume-Uni est signataire : la Convention des Nations unies sur les réfugiés et la Convention européenne sur les droits de l’homme (CEDH). Or, un rapport de l’agence pour les réfugiés de l’ONU (UNHCR) cité par les juges a « produit des preuves » des déficiences du régime d’asile rwandais et des risques de refoulement qu’il présente pour des demandeurs d’asile dont la vie est en danger dans leur pays d’origine et dont le dossier aurait de bonnes chances d’être accepté s’il était traité au Royaume-Uni. Les juges ont aussi cité un rapport du gouvernement britannique de 2021 s’alarmant des assassinats extrajudiciaires au Rwanda, du manque d’indépendance de la justice et des cas de torture dans le pays. Ils ont évoqué un accord migratoire similaire signé entre Israël et le Rwanda en 2013, dans le cadre duquel les personnes transférées d’Israël au Rwanda pour que leur demande d’asile y soit examinée étaient « régulièrement expulsées vers d’autres pays tiers ».
Le gouvernement rwandais a protesté, mercredi, jugeant dans un communiqué que la décision judiciaire britannique « pose problème » et ajoutant que « le Rwanda et le Royaume-Uni ont travaillé ensemble pour assurer l’intégration dans [la] société [rwandaise] des demandeurs d’asile déplacés. (…) Le Rwanda est attaché à ses obligations internationales et son traitement exemplaire des réfugiés a été reconnu par l’UNHCR et d’autres instances internationales ». La décision de la Cour suprême a, en revanche, été saluée par les ONG de défense des réfugiés et par la gauche britannique.
Le partenariat Rwanda n’est pas pour autant définitivement caduc. Les juges de la Cour suprême n’ont, en effet, pas considéré comme illégal le fait de transférer des demandeurs d’asile vers un pays tiers chargé de traiter leur dossier, puis, s’ils sont approuvés, de leur offrir l’asile. Cette tentative de « sous-traitance » de l’asile tente d’ailleurs d’autres pays européens, qui ont suivi avec intérêt la bataille judiciaire britannique. « Il y a un appétit pour ce concept, la migration illégale augmente partout en Europe, et l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche explorent tous des modèles similaires à notre partenariat Rwanda », a assuré James Cleverly, le tout nouveau ministre de l’intérieur britannique, nommé lundi en remplacement de Suella Braverman. Rishi Sunak a évoqué, mercredi, une renégociation du partenariat avec Kigali. Le Royaume-Uni assure travailler à un nouveau traité avec le Rwanda, qui devrait être adopté au Parlement de Westminster. Il a aussi parlé d’un projet de loi, qui serait déposé en urgence par son gouvernement et qui décréterait que le Rwanda est un pays « sûr » pour les demandeurs d’asile. Mais un tel texte ne préviendrait pas les nouveaux recours en justice, invoqués au nom des autres législations nationales se basant sur la CEDH. En attendant un éventuel changement des procédures d’asile au Rwanda, les options qui se présentent au dirigeant pour limiter la migration et pour enfin tenir une des promesses fondamentales du Brexit (contrôler les frontières du pays) sont limitées. Les médias britanniques évoquent d’hypothétiques autres partenariats de sous-traitance avec la Turquie, l’Egypte ou l’Irak.
Londres peut aussi compter sur l’accord avec Paris : en mars, les Britanniques se sont engagés à verser 500 millions de livres sterling (572,5 millions d’euros) supplémentaires sur trois ans à la France pour stopper les traversées de la Manche en « small boats ». Et Downing Street a signé quelques accords bilatéraux de retours des réfugiés, avec l’Albanie notamment. Mais aucune de ces solutions n’est suffisamment dissuasive. Et le Brexit handicape le Royaume-Uni : en quittant l’Union européenne, il s’est privé de la possibilité d’invoquer le règlement de Dublin, qui permet de renvoyer vers un autre pays européen des personnes y ayant déjà formulé une demande d’asile. La décision de la Cour suprême risque, enfin, d’accentuer les divisions au sein du Parti conservateur, ses élus les plus radicaux, dont Suella Braverman, réclamant la sortie de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui neutraliserait, selon eux, les recours judiciaires contre le « partenariat Rwanda ». Ils ne tiennent cependant pas compte du fait que le Royaume-Uni est un des premiers pays signataires de la CEDH, et que cette dernière sert de base légale au traité de paix du Vendredi saint, signé en 1998 en Irlande du Nord… Jusqu’à présent, Rishi Sunak s’est opposé à son abandon. Les juges de la Cour suprême ont d’ailleurs souligné, mercredi, que dénoncer la Convention ne suffirait pas à infléchir leur décision, qui a aussi été prise en application des principes défendus par l’ONU et des lois britanniques (notamment le Human Rights Act de 1998).
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]]>L’Allemagne amorce un tournant vers plus de fermeté sur l’immigration
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L’Allemagne amorce un tournant vers plus de fermeté sur l’immigration. A l’issue d’une conférence, l’Etat fédéral et les Länder ont adopté une série de mesures destinées à endiguer les flux migratoires irréguliers et à durcir la politique d’asile. Berlin a reçu plus de 250 000 demandes d’asile depuis le début de l’année.
Par Cécile Boutelet(Berlin, correspondance)
Après une nuit de négociations, les régions allemandes et l’Etat fédéral se sont entendus, mardi 7 novembre, sur une série de mesures visant à encadrer plus strictement l’immigration et la politique d’asile outre-Rhin. Pour l’Allemagne, qui avait adopté ces deux dernières années une approche d’ouverture, guidée par le besoin urgent de combler son manque de main-d’œuvre, c’est un tournant. L’idée domine désormais que le pays est « arrivé à ses limites », selon une expression largement utilisée par les responsables politiques de tous bords. « Nous avons besoin de mécanismes pour que le nombre de réfugiés qui arrivent chez nous, surtout par l’immigration irrégulière, soit contenu », avait déclaré Malu Dreyer, ministre- présidente sociale-démocrate du Land de Rhénanie-Palatinat, en amont de la négociation.
Dans le paquet de mesures annoncé mardi matin figurent notamment des dispositions pour réduire le temps de traitement des demandes d’asile et pour accélérer les délais des recours en justice sur ces décisions, qui s’étendent souvent sur des années.
Le gouvernement veut également conclure des accords avec les pays d’origine et de transit des migrants, afin de faciliter les reconduites à la frontière, en échange d’une immigration légale en Allemagne. Berlin veut renforcer les contrôles aux frontières intérieures de l’Europe et envisage d’examiner le statut des demandeurs d’asile dans des pays tiers. Le regroupement familial doit être limité, et une commission pluripartisane doit évaluer une réforme du droit d’asile. Une nouvelle répartition financière des charges entre Etat fédéral et régions a également été conclue.
Le signal de ce revirement en matière migratoire avait été donné par la chancellerie dès le 20 octobre. Dans une interview au Spiegel, Olaf Scholz avait déclaré que l’Allemagne « devait enfin procéder à des expulsions à grande échelle ». Une démonstration de fermeté nouvelle sur ce dossier de la part du chancelier social-démocrate, lui qui déclarait encore en janvier, à la tribune de la conférence de Davos, que « tous ceux qui [voulaient] se retrousser les manches [étaient] les bienvenus en Allemagne ». Neuf mois plus tard, alors que le pays est en récession et que l’extrême droite progresse, l’heure n’est plus aux invitations, mais aux restrictions strictes des flux migratoires illégaux, en concertation avec l’opposition chrétienne-démocrate au Bundestag.
Politiquement, le tournant est délicat, alors que le nombre de demandeurs d’asile présents outre-Rhin est à un niveau très élevé. Selon les chiffres de l’Office pour la migration et les réfugiés, plus de 250 000 personnes ont déposé une demande d’asile entre janvier et septembre de cette année, dont 60 % sont issues de Syrie, d’Afghanistan et de Turquie. Ce nombre pourrait atteindre 300 000 d’ici à la fin de l’année, selon les experts, après 240 000 en 2022. A ces personnes s’ajoutent 1,2 million d’Ukrainiens arrivés depuis février 2022, qui sont dispensés de procédure d’asile.
Les communes, responsables de l’hébergement et de l’intégration des migrants, se plaignent depuis plusieurs mois de la charge, notamment financière, devenue trop lourde à porter. (...)
Partout, en Allemagne, on voit réapparaître les images des années 2015-2016 : des halls d’exposition transformés en dortoirs, des tentes ou des cités de conteneurs dressées pour l’accueil d’urgence. Outre la pénurie de logements, l’accueil des enfants dans les écoles est de plus en plus problématique, alors que le pays fait face à un manque accru de personnel enseignant.
Un autre point délicat, dans un pays très attaché à l’intégration par le travail, est l’apparente difficulté à insérer les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi. Une étude de février, publiée par la Fondation Friedrich-Ebert, proche du Parti social-démocrate, a été largement commentée ces derniers jours : elle relève que seuls 17 % des Ukrainiens occupent un emploi salarié en Allemagne, contre 66 % en Pologne et 70 % aux Pays-Bas. Peu importe que certains experts expliquent ces chiffres par le fait que les Ukrainiens prennent des cours de langue allemande, par le manque de place en crèche, qui empêche les femmes de travailler, ou par la difficulté à faire reconnaître leurs qualifications. L’opposition conservatrice et les libéraux mettent en cause les allocations accordées aux réfugiés, jugées trop généreuses et susceptibles de décourager le travail. Le ministre des finances, Christian Lindner, chef du Parti libéral-démocrate (FDP), a ainsi plaidé en faveur de la distribution de cartes prépayées au lieu de versements des prestations sociales en liquide.
Le débat migratoire, qui a longtemps porté essentiellement sur le financement des capacités d’accueil des réfugiés et de leur intégration, a pris un caractère d’urgence politique ces dernières semaines. Avec la recrudescence d’attaques contre des lieux israélites, observés depuis les attaques terroristes du Hamas en Israël, le 7 octobre, et plusieurs débordements à caractère islamiste lors de manifestations de soutien aux Palestiniens, le pays s’est vu confronté à un antisémitisme d’origine immigrée, qui touche la République fédérale dans un de ses principaux fondements : la protection de l’Etat d’Israël et de la vie juive en Allemagne. Longtemps sous-estimée, cette menace a donné lieu à des messages de fermeté très clairs de la part de nombreux responsables politiques, qui ont exprimé leurs inquiétudes sur les défis posés par l’intégration de certains groupes.
Le tournant allemand sur l’immigration est une réaction à la rapide montée en puissance de l’extrême droite ces derniers mois. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD)est crédité de 22 % des intentions de vote dans les sondages, soit une poussée de plus de 10 points depuis les élections de septembre 2021. Lors des scrutins régionaux du 8 octobre, la formation a recueilli 18,4 % des voix en Hesse et 14,6 % en Bavière, des résultats historiquement élevés, qui font de celle-ci le premier parti d’opposition dans les Parlements de ces deux régions riches, confirmant pour la première fois son ancrage dans l’Ouest. Jamais le parti n’avait autant dominé le débat politique. Pour l’Allemagne, qui cultivait sa singularité d’ouverture dans une Europe où des pays comme le Danemark, la Suède et l’Italie ont fait de la limitation de l’immigration une priorité, une parenthèse se referme.
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