Du Silicon dans ta Valley : pourquoi cela ne marche pas toujours ? – Mondes Sociaux
►http://sms.hypotheses.org/8971
Lorsque l’on évoque les clusters, ces haut-lieux de l’innovation qui concentrent les acteurs publics et privés de la recherche et développement (R&D), c’est le fabuleux destin de la Silicon Valley qui vient à l’esprit. Cette dernière, au sud de San Francisco, est devenue au fil des années un lieu de pèlerinage pour des délégations d’entrepreneurs et de décideurs publics. Les premiers cherchent à y percer les secrets de cette capacité qu’ont les firmes qui y sont nées ou s’y sont localisées à dominer les nouveaux marchés technologiques. Les seconds espèrent en retirer de quoi nourrir la définition d’incitations publiques à l’innovation, pour retrouver le chemin d’une croissance basée sur de nouveaux marchés.
Anna Lee Saxenian nous avait pourtant prévenus : le succès des clusters est ailleurs que dans la dépense publique. Et Alfred Marshall l’avait bien vu, lorsqu’il vantait en 1879 les districts industriels britanniques pour leur capacité à jouer des coopérations pour faire circuler la connaissance, produire, puis sélectionner les meilleures idées. Et si en définitive, les défaillances étaient ailleurs, plus en amont des réseaux ? Pourquoi le décideur public s’obstinerait-il à structurer des réseaux innovants si les acteurs cherchent à détourner les incitations pour privilégier le conformisme disciplinaire ou technologique ?
Finalement, l’enjeu de ces recherches réside dans des défaillances bien plus systémiques encore. Parmi elles, le poids des frontières disciplinaires qui grèvent au niveau académique les recherches aux frontières de la connaissance. Or, face aux nouveaux enjeux socioéconomiques du vieillissement, de la réduction de l’emprunte carbone ou des inégalités, on sait que les nouveaux marchés se situent précisément dans ces frontières, et nécessitent d’orienter les futurs talents vers leur exploration. Parmi elles encore, une culture de l’entrepreneuriat trop longtemps déconnectée de la recherche. Une fracture culturelle liée à une longue période de dos à dos entre l’Université et l’Industrie. Elle se matérialise dans le cas français par une propension encore faible à transformer des recherches doctorales en « business », c’est-à-dire à créer plus de passerelles entre les mondes scientifique et industriel, et par un très faible pourcentage de docteurs dans les laboratoires de R&D privés. Or, une fois encore, les économistes montrent que dans la Silicon Valley, comme dans d’autres territoires, c’est autour de ces deux aspects que se structurent les « écosystèmes innovants et résilients ».
La conclusion sur l’autonomie des universités et les changements ne me convient pas. Mais l’analyse des causes est pertinente.
#innovation #université #politiques_territoriales