A la recherche du porno perdue | Quand Le Tigre Lit
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Il y a deux semaines, Kevin a entrepris de savoir où ses cadeaux d’anniversaire ont bien pu être cachés par ses vieux. Ces derniers s’étaient absentés de 14 heures à 19 heures le samedi pour le concours hippique de sa sœur. Cinq heures pour retourner (et remettre en place) l’appartement et avoir la réponse à sa question : recevrait-il oui ou merde le dernier CD d’Unlimited System et/ou le dernier Street Fighter ? Si Kevin n’a pas eu la réponse à ces légitimes questions, il en a eu une autre d’importance.
En effet, Kev’ a débusqué nettement plus intéressant : dans un tiroir en hauteur (au-dessus des slips du daron) de la chambre parentale, sa main a buté sur une dizaine de cassettes VHS. Parce que le rangement est placé trop haut, il n’a vu la jaquette d’une cassette que lorsqu’il l’a saisie. Il aurait pu ramasser une grenade fumante que sa réaction aurait été la même : il l’a jetée au loin en poussant un cri de victoire. Puis a intensément réfléchi aux conséquences de cette exquise découverte. Vite oubliés, les cadeaux.
Avec une précaution qu’il s’est étonné posséder, Kevin a ôté quelques vidéos encastrées, tout en notant sur un bloc note la position de chacune d’elle en vue de les remettre en bon ordre. Sur le lit king-size sentant bon le papa, il a passé en revue son butin en lisant avec un intérêt non feint la présentation des acteurs et synopsis des aventures dans lesquelles ceux-ci évoluent. Un nouvel univers venait de s’ouvrir, encore plus exaltant que de savoir ce qu’il se passait dans les toilettes des filles. Plongé dans ses rêveries, Kev’ a repris conscience qu’à 18 heures. Impossible de prendre le risque de voir ses parents arriver, il a tout remisé dans le tiroir en veillant à respecter la disposition initiale.
Kevin finit d’exposer sa trouvaille face à une dizaine d’yeux globuleux, certains accusant un début de larmes reconnaissantes. Julien, Sébastien, Irénée, Adil et Stéphane n’en peuvent plus. Le mieux qu’Irénée et Sébastien aient connu se trouve sur une chaîne cryptée où, au-delà des froufrous électrisants, ils jurent avoir entendu des cris de femmes. Concernant Julien et Sébastien, ils ont eu chacun la chance, deux fois, d’escamoter la surveillance parentale pour contempler, le dimanche soir, un film de seins sur une petite chaîne hertzienne qui n’en finit pas de monter – leurs regards hagards le lundi matin étant une bonne indication de la réussite de leur entreprise.
Bref, les cinq compères veulent en savoir plus. Il veulent voir pour y croire. Demandent ardemment à ce que Kevin fasse tourner la cassette comme il fait la tournée des claques aux petits cons de CP. Leur camarade proteste, hors de question qu’une telle bombe se balade dans la nature. Merde, imaginez ce qu’il peut arriver ! Soit son père (ou, pire, sa mère) s’en rend compte rapidement et il passera un putain de mauvais quart d’heure. Soit un de leurs parents tombera dessus et demandera des comptes. Et là, Kevin sait pertinemment que la juste pression exercée fera de ses amis des petites balances. Que tous les doigts se pointeront vers lui et sa famille. Son père qui ne protège pas assez ses travers et laisse le fiston les louer à ses camarades. Toute une réputation qui vole en éclat, entre postures bien entendues de vierges effarouchées et ricanements dans les dîners mondains – chaque pater familias pensant à préalablement verrouiller un peu plus sa cachette à coquineries.
Deuxième solution, tout le monde va chez Kevin se repaître de ces vidéos. A proscrire. Déjà, la maman du jeune enfant est femme au foyer, et à part les concours de canassons de Julie (une fois par trimestre) il y a toujours quelqu’un dans la maisonnée. Ensuite, il habite en marge de la ville, Sébastien et Adil mettraient plus d’une heure pour faire l’aller retour. Enfin, et plus embêtant, il n’y a pas de lecteur VHS chez Kevin. Cette dernière excuse a correctement fait marrer le groupe, hélas c’est la stricte vérité : papa K. a bel et bien des cassettes de cul chez lui, néanmoins il n’a pas de quoi en profiter. « On confie bien le sérail à l’eunuque », dit Sébastien. Si personne ne comprend la remarque, le groupe sent bien que papa Kevin en a pris pour son grade.
Les voilà donc dans une impasse.