#poufpouf

  • (1) Pour ou contre un sexe des bulles ? - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2016/01/27/pour-ou-contre-un-sexe-des-bulles_1429251

    Curieux interview en deux partie, une partie qui parle de la prostate, de la part de féminité des prostates et des conseils qu’une prostate donne sur le vrai combat que doivent mener les femmes. A la fin un texte de Tanxx , c’est pour cette partie que je met le lien.

    La logique des détracteurs de l’action du Collectif des autrices à Angoulême a de quoi me laisser pantoise : ainsi, il n’y aurait eu qu’une seule femme Grand Prix parce que le travail des autrices ne serait pas digne d’une telle reconnaissance, et par-dessus le marché il faudrait avaler cette énorme couleuvre que nous, autrices, serions sexistes ?

    « On ne va pas réécrire l’histoire » nous lâchait un Bondoux dédaigneux sur le plateau de Canal+, aux prises avec le « problème féminin ». Qu’il est pratique d’oublier que l’histoire est écrite par des hommes, que le neutre est masculin, que le simple fait du nombre réduit d’autrices dans ce métier est conditionné par la misogynie qui infiltre le moindre recoin de cette société-là. Une femme ne peut pas être autrice, elle est illustratrice, subordonnée, faire-valoir, accessoire. Quand la grande Brétecher est enfin reconnue, c’est un lot de consolation « anniversaire » qui lui échoit.

    Pour être autrice et reconnue comme telle, il ne faudra pas se contenter de faire seulement de bons livres, mais d’excellents. L’effort qu’il faut pour qu’une femme réussisse à se faire une place dans ce milieu est inimaginable pour un homme : ce qu’il obtient « naturellement », une autrice devra l’arracher et essuyer les humiliations constantes pour ça. Elle aura à prouver qu’elle n’est ni idiote, ni superficielle, que ce qu’elle produit est un travail, et non pas un hobby. Elle devra faire face aux questions indiscrètes, aux remarques dégueulasses, au dénigrement de son travail, à la réduction de celui-ci : une femme se raconte forcément, quand l’homme réfléchit universellement. Un homme abandonnerait très vite dans de telles conditions, il se révèle tellement fragile quand les facilités se dérobent.

    C’est ce que j’entends dans ce concerto des hommes outrés qu’on se montre aussi têtues à vouloir être enfin reconnues pour notre travail : laissez-nous tranquilles, y’a pas de sexisme, on adore les femmes, eh pardi : on en a. Il n’y aurait tellement pas de misogynie dans ce métier que des hommes se sentent en danger quand des femmes montent au front pour la dénoncer. Cette réaction est une sorte de loi de Lewis en soi. Il n’y aurait tellement pas de misogynie dans ce métier que j’ai dû rêver les innombrables blagues graveleuses qui ont fleuri sur les Facebook de mes collègues depuis l’éclatement du scandale. Une sorte de 8 mars en continu, comme si affronter vraiment la misogynie était trop gênant, on préfère s’y enfoncer avec délice, créer un prix « couilles au cul » et penser le décerner à une femme.

    Quand le travail des autrices sera lu pour ce qu’il est, en soi, et non pas comme production de femmes dans un milieu d’hommes comme on adore le rappeler à la moindre entrevue. Quand on arrêtera de prétendre que les livres n’ont pas de sexe et dans le même temps affirmer que s’il n’y a pas de femme Grand Prix c’est parce qu’elles n’en sont pas dignes. Quand on cessera d’interroger les autrices uniquement pour parler de sexisme dans leur milieu. Quand on abordera un travail d’autrice sans condescendance, sans paternalisme, sans drague, sans conseil malvenu et sans hauteur, d’égal à égale. Quand enfin sera levé le soupçon sur le travail des autrices, quand on cessera de parler de sensibilité féminine, de trait féminin, d’histoire féminine, de légèreté féminine, de préoccupations féminines. Quand on cessera d’enlever du sens aux ouvrages d’autrices et d’en rajouter dans les livres d’auteur équivalents. Quand enfin les autrices pourront s’exprimer sans rappel constant à leur sexe, alors - et seulement alors - on pourra parler d’égalité dans ce milieu.

    Comme il n’y a que les riches pour dire que l’argent ne fait pas le bonheur, il n’y a que des hommes pour prétendre que le sexe ne change rien à rien, et il n’y a que des auteurs pour mépriser les honneurs. Nous voulons nous aussi nous payer le luxe de dédaigner cette reconnaissance, nous voulons nous aussi pouvoir refuser notre participation à la grande mascarade, et nous montrer aussi odieuses que nos confrères si ça nous chante.

    #BD #angouleme #FIBD #sexisme