• Imaginer la suite – édito #3 de la #Confinée_Libérée

    La conférence de presse d’#Edouard_Philippe du 19 avril s’est grandement approchée de l’absurde. Tout juste avons-nous pu en tirer une confirmation : ce gouvernement navigue à vue et son utilité est incertaine. Depuis le début de la crise du #Covid-19, le mieux qu’il fasse (trop rarement hélas) c’est de relayer les analyses et décisions de personnes compétentes (chercheur·ses, médecin·es, soignant·es, etc.) auprès d’autres, qui devront les mettre en œuvre. Le plus souvent, malheureusement, il est une force de #nuisance, qui empêche que les #bonnes_décisions soit prises.

    Les enseignant·es du primaire et secondaire ont appris les modalités de la #reprise_des_classes en lisant dans la presse les compte-rendus de l’intervention de Jean-Michel #Blanquer à l’Assemblée : “la profession n’en peut plus de découvrir par surprise ce qui se décide sans elle” dénonce Stéphane Crochet, comme bien d’autres.

    A l’#université, là encore ce sont les verrous hiérarchiques et l’incapacité à prendre des décisions claires qui pénalisent tant les travailleur·ses que les étudiant·es. A ce titre, le silence de #Frédérique_Vidal est éloquent : elle profite du #confinement pour faire passer discrètement des mesures qui renforcent les dynamiques de #précarisation et de #privatisation de l’université et de la recherche (https://universiteouverte.org/2020/04/15/appel-solennel-a-cesser-de-prendre-toute-mesure-non-urgente-en-pe).

    Alors que de nombreux·ses étudiant·es vivent actuellement dans des conditions terribles (https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/21/a-villeneuve-d-ascq-les-etudiants-a-l-abandon_6037293_3224.html), le ministère et la majorité des présidences continuent à faire #comme_si_de_rien_n’était. Il faut que des examens se tiennent à distance, coûte que coûte, et peu importe que cela ajoute aux souffrances des étudiant·es qui affrontent les situations les plus difficiles et que les #inégalités flambent. Refusons les #examens_en_ligne et signons la pétition nationale (https://universiteouverte.org/2020/04/08/non-aux-examens-en-ligne-qui-creusent-les-inegalites-dans-lenseig) !

    Les travailleur·ses sont également malmené·es par cette “gouvernance” qui en fait de simples pions. Comment pour les #écoles, #collèges et #lycées, les conditions du #déconfinement dans les #facs et labos sont pour le moins floues ce qui laisse craindre le pire, tant sur les plans sanitaires que sociaux. Pour connaître les difficultés rencontrées par les #précaires et y faire face collectivement, des outils de recueil de #témoignages (https://universiteouverte.org/2020/04/09/allo-precaire-confine%c2%b7e) et une #enquête en ligne (https://universiteouverte.org/2020/04/21/enquete-militante-sur-les-conditions-de-vie-et-de-travail-des-doc) ont été mises en place.

    Dans cette période difficile, il est plus que jamais nécessaire de prendre soin les un·es des autres, ainsi que de nos collectifs militants. Nous continuons à organiser la #solidarité, notamment avec des caisses qui permettent une #solidarité_économique (https://universiteouverte.org/2020/04/13/la-confinee-liberee-reprend-son-souffle), mais également avec des #distributions_alimentaires, qui se multiplient à Saint-Denis (https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/aide-alimentaire-etudiant-es-paris8), Paris (https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/solidarite-alimentaire), Lyon (https://www.helloasso.com/associations/association-lyf/formulaires/3) ou encore Bordeaux (https://www.leetchi.com/c/solidarite-continuite-alimentaire-bordeaux).

    Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer ce que seront l’université et la #recherche dans les prochains mois. Dans quelles conditions la #rentrée 2020 pourra-t-elle avoir lieu ? Comment organiserons-nous nos #luttes après le déconfinement, alors que “l’#urgence_sanitaire” se prolongera, et interdira sans doute les rassemblements ? Quelles stratégies de luttes collectives pourrons-nous élaborer avec les autres secteurs, en particulier les autres services publics ?
    D’ores et déjà, il nous faut reprendre les discussions au sein de nos collectifs pour préparer une rentrée universitaire et sociale à la hauteur des défis qui nous font face ! A défaut de nous réunir rapidement pour une troisième coordination nationale, nous ferons en sorte, dans les prochaines semaines, d’échanger tou·tes ensemble grâce aux outils numériques.

    Plus que jamais, nous avons besoin de la force de nos imaginations. C’est pourquoi la Confinée Libérée vous propose une dystopie où la réalité rejoint la fiction : découvrez les Chroniques d’une apocalypse universitaire annoncée (https://universiteouverte.org/2020/04/20/chroniques-dune-apocalypse-annoncee-prologue). Bonne lecture !

    https://universiteouverte.org/2020/04/22/imaginer-la-suite-edito-3-de-la-confinee-liberee
    #septembre_2020 #examens #le_monde_d'après #rentrée_2020

  • De « la guerre contre le virus » à la guerre aux exilé·e·s : les réponses sécuritaires au #Covid-19 exacerbent les violences aux frontières

    Les #hotspots grecs dans lesquels sont entassé·e·s les exilé·e·s sans protection de leurs droits ou de la pandémie exemplifient la précarisation de leurs trajectoires par les politiques sécuritaires des États. Migreurop dénonce les violences infligées aux exilé·e·s exercées au nom de la « guerre contre le virus », l’inégalité de traitement à leur égard face à la pandémie, et demande la fermeture immédiate de tous les espaces de détention pour garantir leur droit à être protégé·e·s.

    Migreurop publie aujourd’hui une vidéo dénonçant l’existence et le fonctionnement des hotspots, ces espaces de tri des personnes migrantes déployés par l’Union européenne (UE) en Italie et en Grèce en 2016. Dans ce dernier pays, ni les relocalisations vers les États membres [1] ni les renvois vers la Turquie en vertu d’un « troc indigne » [2] ne se sont matérialisés à la hauteur des engagements et sont aujourd’hui bloqués. Les hotspots ont ainsi été de facto transformés en prisons à ciel ouvert. Plus de 42 000 personnes migrantes sont actuellement parquées dans 5 hotspots grecs, dont la capacité est de 6 000 places. Celui de Moria, sur l’île de Lesbos, en contient à lui seul 20 000 (pour 2 800 places). A l’intolérable surpopulation, au manque d’infrastructures sanitaires (eau potable, douches, toilettes) et de nourriture, à l’hébergement sous tentes qui se solde chaque année par des morts par hypothermie, aux incendies à répétition, s’ajoute aujourd’hui le Covid-19. Face à cette pandémie, les États demandent à leurs citoyen·ne·s de prendre des mesures pour se protéger, notamment à travers l’auto-confinement, mais les personnes migrantes n’ont pas ce privilège. Le 22 mars 2020, les autorités grecques ont annoncé le confinement forcé des exilé·e·s dans les camps sur le territoire grec, dont les hotspots [3]. Leur surpopulation rend la prévention de la propagation du virus pratiquement impossible, malgré les efforts des exilé·e·s qui s’auto-organisent [4]. Ces mesures les exposent sciemment à un risque grave et imminent de contamination [5].

    La situation dans les camps grecs est emblématique de l’amplification de la violence liée au contrôle des migrant·e·s sous les effets du virus et des politiques sécuritaires visant à contenir sa propagation. Alors que dans ce but les États européens ont limité les mouvements de population tant à l’intérieur que vers l’extérieur de l’UE, ils amalgament la « guerre contre le virus » avec la guerre contre les migrant·e·s illégalisé·e·s qu’ils mènent depuis des années [6]. Le durcissement des politiques de fermeture et la suspension des procédures d’asile dans plusieurs pays européens exacerbent encore la précarisation des trajectoires des personnes migrantes, alors que les raisons qui les poussent à fuir la violence sous toutes ses formes pour chercher protection ne sont pas moins impératives.

    En tentant de traverser la Méditerranée, les exilé·e·s ne peuvent compter sur la présence d’aucun secours puisque les ONG de sauvetage en mer ont été contraintes de cesser leurs activités après la fermeture des ports italiens et les risques liés au virus [7]. Les refoulements sous-traités aux garde-côtes libyens continuent de plus belle, tout comme ceux exécutés par les autorités grecques ou chypriotes [8]. Les actes de violence à l’égard des exilé·e·s se multiplient également tout au long de la route des Balkans [9] et celles et ceux-ci font face à des conditions de précarité extrêmes amplifiées par le virus. Les violences aux frontières sont exacerbées également à l’intérieur du territoire de l’UE : les autorités françaises par exemple continuent de refouler vers l’Italie, alors que ce pays est actuellement l’un des épicentres de la pandémie.

    La fermeture des frontières devient la règle, même pour les populations les plus vulnérables, ce alors même que les expert·e·s remettent en question l’efficacité de ces mesures pour empêcher la propagation du Covid-19 [10], et que des réponses alternatives existent. Le HCR a ainsi appelé les États à ne pas fermer les routes vers l’asile, mais à adopter des « tests de dépistage » lors du passage des frontières [11].

    A l’heure de la pandémie, la logique du « chacun chez soi » domine [12]. Or les politiques de confinement ne peuvent suspendre le droit de fuite saisit par les exilé·e·s face à la violence sous toutes ses formes. Nous dénonçons les violences et les dénis des droits à l’égard des migrant·e·s exercés au nom de la « guerre contre le virus », ainsi que leur inégalité de traitement face à la pandémie. Nous saluons l’initiative du Portugal de régulariser les personnes migrantes pour garantir leurs accès aux soins, et demandons l’extension de cette mesure à travers l’Europe et qu’elle soit rendue permanente [13].

    Migreurop dénonce depuis sa création la politique d’enfermement dans les camps formels et informels et se joint aujourd’hui aux appels demandant la fermeture immédiate des camps grecs surpeuplés [14], ainsi que de tout autre espace de détention de personnes migrantes en Europe et aux frontières de celle-ci. Cette fermeture immédiate et le relogement des exilé·e·s dans des lieux où ils/elles puissent vivre dignement, y compris dans d’autres pays européens si nécessaire, sont les conditions pour qu’ils et elles puissent exercer leurs droits fondamentaux, dont le droit à être protégé·e·s du virus [15].

    Notes :

    [1] AEDH, Fin des relocalisations : pour quel bilan ?, 29 septembre 2017

    [2] Migreurop, UE–Turquie : le cynisme en partage, 18 mars 2020

    [3] Centre légal de Lesbos, Greece : Move Asylum Seekers, Migrants to Safety Immediate Hotspot Decongestion Needed to Address COVID-19, 24 mars 2020

    [4] Stand by me Lesvos, Creation of Corona Awareness Team in Moria Camp, 11 mars 2020

    [5] Médecins sans frontières, COVID-19 : Evacuation of squalid Greek camps more urgent than ever in light of coronavirus pandemic, 18 mars 2020

    [6] Open Democracy, What happens to freedom of movement during a pandemic ?, 24 mars 2020

    [7] la Repubblica, Coronavirus, le Ong fermano le missioni di salvataggio in mare. Migranti senza più soccorsi, 18 mars 2020

    [8] Kisa, 21st March – International Day Against Racism, 21 mars 2020

    [9] le Courrier des Balkans, Réfugiés : la haine se réveille tout au long de la route des Balkans, 22 mars 2020

    [10] Courrier International, Malgré le coronavirus, la France continue de refouler les migrants à Vintimille, 22 mars 2020

    [11] Heidi News, Rony Brauman : « Le coronavirus rappelle que, sans Etat, les plus vulnérables sont écrasés », 8 mars 2020

    [12] Blog Mediapart, Coronavirus : on ferme les frontières !, 15 mars 2020

    [13] News 24, Le Portugal traitera les migrants comme des résidents pendant la crise des coronavirus, 28 mars 2020

    [14] MSF, COVID-19 : Evacuation of squalid Greek camps more urgent than ever in light of coronavirus pandemic, 13 mars 2020 ; Mediapart, Coronavirus : des eurodéputés appellent à évacuer les migrants les plus vulnérables des camps grecs, 23 mars 2020 ; Centre légal de Lesbos, Lettre ouvert de 152 organisations, 25 mars 2020

    [15] Libération, L’inégalité des vies en temps d’épidémie, 18 mars 2020

    https://www.lacimade.org/presse/de-la-guerre-contre-le-virus-a-la-guerre-aux-exile%C2%B7e%C2%B7s-les-repon
    #guerre_aux_migrants #frontières #violence #asile #migrations #réfugiés #coronavirus #Grèce #précarisation #pandémie #épidémie #guerre_contre_le_virus #rétention #détention_administrative #fermeture_des_frontières #droit_de_fuite #confinement #immobilité #communiqué

    ping @thomas_lacroix @luciebacon

  • Dans les #Alpes, face au #coronavirus, mettre les migrant·es à l’abri

    Alors que les #Hautes-Alpes regorgent d’#infrastructures_touristiques inutilisées pendant la période de #confinement, aucune #mise_à_l’abri préventive n’a été décidée pour les 120 personnes précaires du département. Malgré tout, les associations s’organisent et ripostent.

    Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les migrant·es ne viennent plus, après avoir traversé le col de Montgenèvre à pied de nuit, toquer à la porte du #Refuge_solidaire de #Briançon (Hautes-Alpes). De chaque côté de la frontière, les populations sont confinées, coronavirus oblige. Les #maraudes, qui venaient en aide aux exilé·es dans la #montagne, sont suspendues. Depuis le début du confinement, le Refuge, qui fourmillait de bénévoles venu·es donner un coup de main, est désormais fermé au public et quasiment autogéré par les 14 migrants accueillis.

    « On fait en sorte qu’il y ait le moins de #bénévoles possible qui passent, explique Pauline, coordinatrice du Refuge. On a peur de leur transmettre le #virus. Si quelqu’un l’attrape, on peut être sûr que tout le refuge sera infecté. » Les exilé·es ont compris les enjeux sanitaires, mais, dans un lieu de vie collectif, le respect des #mesures_barrières et de la #distanciation_sociale est difficile.

    Limiter le risque de contamination grâce à l’#hébergement_préventif

    Si le problème se pose à Briançon, où 14 personnes sont accueillies dans le Refuge solidaire et 15 autres dans le squat #Chez_Marcel, à Gap (Hautes-Alpes), la situation est plus grave encore. Là-bas, une soixantaine de personnes vivent au #squat du #Cesaï dans des conditions de #promiscuité et d’hygiène « déplorables » selon les associations. « Toutes les fontaines de la ville de #Gap sont fermées, constate Carla Melki, qui gère la crise sanitaire du coronavirus dans les Hautes-Alpes pour Médecins du monde. Une mesure dont souffrent les migrants : « C’est impossible pour les personnes précaires de se doucher, ou même de se laver les mains. » Après des demandes insistantes, des #douches ont été ouvertes trois fois par semaine « pour un minimum de #dignité ». Les conditions d’habitat précaires sont loin de permettre les mesures de protection qu’impose l’urgence sanitaire.

    « On pourrait limiter le risque contamination de ces publics précaires en leur offrant un hébergement préventif, regrette Carla Melki. Dans les Hautes-Alpes, on parle de 120 personnes à héberger. Dans un département où il y a d’énormes infrastructures touristiques qui ne sont plus utilisées, la possibilité de mettre à l’abri paraît plutôt facile. »

    « Ce qu’on déplore toujours c’est la prévention »

    À l’absence de possibilité de confinement correct pour les personnes démunies, s’ajoute un #accès_aux_soins rendu plus difficile par la fermeture des Permanences d’accès aux soins (Pass). Elles permettaient aux personnes sans couverture maladie de bénéficier d’une offre de #santé. Leur personnel soignant a été redéployé dans les services hospitaliers surchargés. « On fait face à une #crise_sanitaire. On comprend que les hôpitaux centrent leurs forces sur les urgences et les tensions qui risquent d’arriver dans les prochains jours », estime Carla Melki.

    Pour pallier ce manque, Médecins du monde, financé par l’Agence régionale de santé (ARS), a mis en place une #unité_mobile #Santé_précarité. Elle prend en charge les publics fragiles, notamment les migrants, dans le cadre de l’#épidémie de coronavirus. « On va vers les personnes dans les lieux d’accueil, comme le Refuge solidaire, Chez Marcel ou le Cesaï à Gap », détaille Carla Melki. Là, l’équipe effectue un travail de #prévention et d’#information autour de la #Covid-19, ainsi qu’une #veille_sanitaire. « Dans les #Hautes-Alpes, le dispositif mis en place me semble adapté, conclut-elle. Ce qu’on déplore toujours, c’est la prévention. Il vaut mieux prévenir que guérir. C’est là-dessus qu’on aimerait voir un pas en avant de la préfecture. »

    https://radioparleur.net/2020/04/03/urgence-sanitaire-mise-a-labri-migrants-coronavirus-dans-les-hautes-al
    #asile #migrations #réfugiés #tourisme #précarisation #frontière_sud-alpine

    ping @thomas_lacroix @karine4 @isskein

  • « Nous, chercheurs et universitaires, démissionnerons de nos fonctions administratives si le projet de loi sur la recherche n’est pas retiré »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/04/nous-chercheurs-et-universitaires-demissionnerons-de-nos-fonctions-administr

    Nous, titulaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, tenons à faire part de notre opposition résolue au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (#LPPR) porté par la ministre de l’#enseignement_supérieur, de la #recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal.

    Si ce projet venait à être adopté, il conduirait inévitablement à une dégradation accrue des conditions d’enseignement et de recherche, ainsi qu’à une amplification inacceptable de la #précarisation, pourtant déjà si répandue dans ce #service_public. La modulation des services (sans l’accord des intéressés et sans plafond d’heures) découplerait mécaniquement l’enseignement et la recherche, au mépris de la démarche même de construction et de transmission des savoirs. La remise en cause du statut d’enseignant-chercheur (système de « tenure track », « CDI de chantier » n’ayant de CDI que le nom, etc.) précariserait encore davantage les personnels, pour qui la perspective d’obtenir un poste de titulaire s’amenuise dramatiquement.

    La réduction de la part des financements pérennes est allée de pair avec une politique d’évaluation purement administrative. La recherche de financements dans laquelle nous a précipités cette #politique_scientifique déplorable affecte profondément les missions de recherche et d’enseignement, qui sont pourtant le cœur de notre métier. Combien de temps perdu à répondre aux appels à projet, à monter des dossiers en s’adaptant aux critères de tel ou tel organe de financement, et à évaluer nous-mêmes la conformité des projets déposés par nos collègues ou futurs collègues à ces critères souvent arbitraires, qui relèvent d’une logique externe à celle du champ scientifique ! Ces activités se font au détriment du temps et de l’attention que nous devrions consacrer à former et encadrer nos étudiants, à mener et diffuser nos recherches et à faire vivre la communauté scientifique.

    Pour une #science_ouverte
    Nous sommes attachés à l’idéal de la science ouverte et au principe de liberté académique, inhérente à la fonction de #chercheur. C’est le sens même des mobilisations en cours dans l’enseignement supérieur et la recherche. De nombreuses propositions ont déjà été faites, et continuent de l’être, pour inventer un autre modèle de gouvernance de la recherche. Nous constatons que le ministère n’en tient aucunement compte : l’absence d’écoute vis-à-vis de nos revendications légitimes est proprement sidérante.

  • Dans les #vignobles sud-africains, les ouvriers agricoles noirs vivent l’enfer
    https://reporterre.net/Dans-les-vignobles-sud-africains-les-ouvriers-agricoles-noirs-vivent-l-e

    L’#Afrique_du_Sud est le neuvième producteur de #vin mondial et le tourisme viticole génère des milliards de rands — la monnaie locale — chaque année. Les chenin blanc et les syrah sud-africains sont notamment appréciés parce qu’ils sont bon marché. Et pour cause : à 18,68 rands (1,15 euro) par heure, le salaire minimum des travailleurs agricoles est l’un des plus bas du pays. 25 ans après la fin de l’#apartheid, alors que 73 % des terres agricoles appartiennent toujours à des fermiers blancs — une proportion sans doute encore plus élevée dans la province du Cap-Occidental —, les conditions de vie des quelque 100.000 Noirs et « Coloured » (les Métis) qui travaillent dans les vignobles de la région n’ont pas beaucoup changé.

    #viticulture #esclavage #pesticides #santé_au_travail #inégalités #alcoolisme #alcoolisation_fœtale #logement_insalubre #exploitation #dettes #expulsions #précarisation #injustices

    • Message reçu via la mailing-list de lutte contre les réformes dans l’ESR... autour du #rapport :
      Le pilotage et la maîtrise de la masse salarialedes universités


      https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le #MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « #universités_entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de #budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du #GVT.

      –----------

      Quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. Remarques de Pierre Ouzoulias (signalées avec —>) :

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités sont à ce jour globalement correctement dotées par le #budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des #finances_publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels.

      –-> Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20 %, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16 %, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13 % depuis 2011.

      –-> La solution : les ressources propres, les mauvais élèves : les #SHS

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (#ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6 % de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22 % ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71 % de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78 % de ce qu’ils étaient en 2010.

      –-> Un constat partagé : la #masse_salariale augmente grâce à la #précarisation

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.
      Les unités de formation et de recherche (#UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important.
      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable.

      –-> Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des #ressources_humaines

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :
      -- Une partie des universités a recours à une #régulation, plus qu’à une #optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs #ressources_propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      -- D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’#efficience.
      -- Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques.

      –-> Le modèle : les « #universités_entrepreneuriales »

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une #gestion_prévisionnelle_des_emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des #emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement.

      –-> Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Les prévisions de #départs_en_retraite des #titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de #gel, d’annulation ou/et de #redéploiements d’emplois par statut et catégorie.
      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de #BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76 M€ et 41 M€.
      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de #repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.

      –-> Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux #PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université.

      –-> Éviter la titularisation des contractuels financés par les PIA

      Par ailleurs, le recours aux #contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du #code_de_l’éducation qui offre des possibilités plus souples de #recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat #LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.
      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure #adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants – chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.
      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’#emplois_contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son #GVT.
      Ensuite, la transformation des #CDD en #CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de #consolidation_des_contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels.

      –-> Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de #charge_d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La #responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2.

      –-> Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’#opérateurs_autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la #déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (#PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des #PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de #promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      –-> Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la #trajectoire_LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs.

      –-> La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Proposition n° 9 : connecter la #modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la #performance universitaires ;

      –-> Où l’on retrouve l’#évaluation !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux #RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.
      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de #pilotage à moyen et long terme compte tenu de la #faible_plasticité_naturelle_des_effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’#effectifs_cibles à trois ou quatre ans.
      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une #refonte du système actuel de #répartition_des_crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une #contractualisation État/université dans le cadre de #contrats_de_performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein.

      –-> Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      #flexibilité #plasticité #performance

    • #Frédérique_Vidal arrive aux journées sciences humaines et sociales de L’Agence nationale de la recherche. Mais que va-t-il donc pouvoir se passer ?


      Intervention des facs et labos en lutte

      « Nous nous rallions à la revendication votée par la coordination des facs et labos en lutte, et demandons la suppression de l’ANR et l’affectation de la totalité de ses crédits et de son personnel là où ils sont nécessaires : dans les universités et établissements de recherche »
      Elle annonce ce qu’il y aura dans la LPPR : programmer budgétairement, sécuriser l’investissement, en arrêtant d’avoir l’objectif incantatoire de 3% du PIB. Favoriser l’#attractivité (c’est vrai qu’avec 100+ candidat.e.s par poste, l’attractivité est un vrai problème)
      #Vidal veut renforcer l’#ANR pour la mettre au niveau des agences des autres pays. Pour ça, réaffectation des crédits des labos pour soutenir les #projets (hop, moins de financements récurrents).
      L’idée est lâchée, Vidal annonce la modulation des services : les porteurs de projets ANR pourront enseigner moins, il y aura + de places à l’#IUF, + de #congés_de_recherche, pour arriver à une année #sabbatique tous les 7 ans (ce qui est un droit depuis le décret de 1984)
      Et allez, c’est parti : pour Vidal, il faut surtout augmenter les #investissements_privés dans la recherche, pour arriver à 2/3 du financement de la recherche sur #fonds_privés. Bye bye le service public de la recherche !
      Elle est cash : la grande majorité des transformations sera faite par #circulaires, de toute façon. La LPPR visera juste à faire sauter les #verrous_législatifs.
      Questions dans la salle : « Vous voulez donner des #décharges d’enseignement aux personnes qui ont des projets ANR, mais on est en #sous-encadrement massif dans les laboratoires ? La seule solution est une création massive d’emplois titulaires d’enseignant.e.s chercheur.e.s »
      (Non)-réponse : les communautés doivent s’organiser. Toutes les missions des EC doivent être prises en compte pour l’avancement. Quand un.e chercheur.e gagne un projet, tout le labo en bénéficie. Bref, rien sur la question de l’emploi titulaire.
      Une autre question revient dessus : que prévoyez-vous pour l’#emploi_titulaire ? La moitié des cours, dans certains départements, sont donné.e.s par des vacataires. Et encore une autre : le nombre de postes permanents ne cesse de baisser, comment on fait ?
      La solution de Vidal : refinancer la recherche avec des #contrats_d'objectifs-moyens, pour donner de la #visibilité aux établissements, mais c’est ensuite à chaque établissement de définir sa politique d’emploi. « Les emplois, ce n’est pas mon travail », dit la ministre.
      La loi va fixer un plancher de #recrutements, mais je ne vais pas annoncer des postes, dit la ministre. Elle rappelle que le précédent gouvernement a annoncé 5000 postes, et aucun n’a été créé. La solution : des contrats avec les établissements, et plus de #post-docs plus longs.
      Les doctorant.e.s financé.e.s ne sont pas des #précaires, pour Vidal. « Quand on est doctorant, on est étudiant ». La seule chose que fait le contrat doctoral, c’est de permettre à des étudiant.e.s « de ne pas travailler à côté de ses études »
      Enfin, Vidal réitère que la solution face à la #précarité, ce n’est pas l’emploi titulaire, mais des #CDI financés projet après projet, qui, à la différence des #fonctionnaires, pourront se faire virer si nécessaire (pardon, elle parle de « #rupture_de_contrat »)
      Un collègue demande comment il fait pour bosser alors qu’il n’a même pas de bureau. Air surpris de la ministre, qui répond directement « non mais je vais pas m’occuper d’attribuer des bureaux » et « Vous n’avez qu’à aller au campus Condorcet ». Le mépris.

      https://twitter.com/SamuelHayat/status/1232223691750113285

      Vous pourrez trouver ici la vidéo de l’interpellation de la ministre, le récit plus complet de l’action et des annonces faites, ainsi que la lettre qui a été lue et distribuée :
      https://universiteouverte.org/2020/02/25/interpellee-par-les-facs-et-labos-en-lutte-vidal-precise-les-orie
      https://www.youtube.com/watch?v=P-6dZghVhS0&feature=emb_logo

    • Comme dit un collègue :

      Le gouvernement va vite, très vite ...
      Le décret relatif au « #contrat_de_projet » dans la fonction publique est paru au Journal officiel (27.02.2020) :

      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041654207&categorieLien=id

      A mettre en lien avec ces paroles de la ministre #Vidal :

      "La grande majorité des transformations sera faite par #circulaires, de toute façon. La LPPR visera juste à faire sauter les #verrous_législatifs.

      https://seenthis.net/messages/827430#message827565

      Ils ne sont pas #en_marche, ils sont #au_galop !

    • L’Assemblée adopte le vrai - faux engagement de #revalorisation des enseignants

      Peut-on imaginer des députés adopter un article en sachant qu’il est inconstitutionnel ? Peut-on imaginer une majorité promettre solennellement une mesure sociale à travers un texte sans valeur juridique ? Non. C’est pourtant ce que la majorité a fait à l’Assemblée nationale le 24 février en adoptant deux amendements qui inscrivent dans un nouvel article de la loi retraite l’engagement de faire une loi de programmation sur la revalorisation des enseignants. Or, depuis l’avis du Conseil d’Etat sur cette loi, on sait que cette disposition est anticonstitutionnelle. Les députés de la majorité ont adopté un article en sachant qu’il viole la constitution. Et ils s’engagent solennellement vis à vis des enseignants à rien.

      Que faire de la promesse de loi de programmation ?

      On le sait. Les alinéas 14 et 15 de l’article 1er de la loi sur les retraites mentionnaient un engagement gouvernemental pour la revalorisation des enseignants. « Le Gouvernement s’est engagé à ce que la mise en place du système universel s’accompagne d’une revalorisation salariale permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants et chercheurs que pour des corps équivalents de même catégorie de la fonction publique... Cet engagement sera rempli dans le cadre d’une loi de programmation dans le domaine de l’éducation nationale et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche ». Or l’avis du Conseil d’Etat sur ce projet de loi estime que cette disposition est anticonstitutionnelle, une loi ne pouvant contraindre le gouvernement à déposer un autre projet de loi.

      Face à ce constat, la majorité a déposé plusieurs amendements. Ainsi, M Naegelen et des députés UDI ont pris au mot le gouvernement et proposé de retirer les alinéas 14 et 15 pour les remplacer par une mention garantissant le maintien des pensions au niveau d’avant la loi. Mme Rilhac proposait de remplacer les alinéas par une formule bien vague demandant au gouvernement de « mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à la réussite de cet engagement ».

      Deux amendements LREM réparent l’article 1 et créent un nouvel article

      Finalement c’est la formule proposée par le rapporteur LREM, M. Gouffier-Cha qui a été retenue. Un premier amendement (9998) propose de supprimer les deux alinéas. Un second (10 000) crée un article venant après l’article 1 reprenant le texte initial de la loi. « La mise en place du système universel de retraite s’accompagne, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de fonctionnaire et relevant des titres II, III et VI du livre IX du code de l’éducation une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’État. Les personnels enseignants, enseignants chercheurs et chercheurs ayant la qualité de fonctionnaire et relevant du titre V du livre IX du code de l’éducation ou du titre II du livre IV du code de la recherche bénéficient également, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes de revalorisation permettant d’atteindre le même objectif que celui mentionné au premier alinéa du présent article. »

      « N’avez vous pas honte ? »

      Le ministre L. Pietraszewski parle « d’un engagement clair du gouvernement » et rappelle les « 500 millions pour 2021 » annoncés par JM Blanquer. La député Mme Rilhac (LREM) dit que « demain on veut atteindre 2000 euros par mois dès les 5 premières années d’enseignement ». La députée LREM Sylvie Charrière dit « qu’on peut pinailler sur l’histoire de la constitutionnalité, mais en attendant le geste est important, fort, c’est une loi de programmation et c’est 10 milliards qui seront sur la table ».

      En réalité, par ce moyen, la majorité sauve l’article 1 de son projet de loi. Mais il ne fait aucun doute que le Conseil constitutionnel n’annule le nouvel article créé par cet amendement. Les députés de la majorité ont en toute connaissance de cause adopté un article de loi anticonstitutionnel. Ils ont en même temps pris un engagement solennel envers les enseignants en sachant pertinemment que le Conseil constitutionnel les délivrerait de cet engagement.

      « Vous pourriez aussi bien marquer vos promesses aux enseignants de bottes de 7 lieues que ça aurait la même valeur », ironise JL Mélenchon devant l’Assemblée. « N’avez vous pas honte de dire aux français que vous allez adopter un amendement dont vous avez la certitude qu’il n’a pas le début d’une portée juridique... de dire aux enseignants que vous leur promettez une augmentation alors que dans la réforme vous voterez des paramètres diminuant leur pension », s’indigne Guillaume Larrivé (LR).

      Une journée historique

      « Nous serions heureux que M. Blanquer, ministre de l’éducation nationale, vienne s’expliquer sur ce point devant la représentation nationale », a déclaré M Juanico (PS). « Sachez cependant que, pour compenser la baisse de pension des enseignants, il faudrait non une prime mensuelle de quatre-vingt-dix à cent euros, mais une augmentation de traitement de 1000 à 1500 euros, en salaire et en revalorisation du point de la fonction publique – soit 10 à 12 milliards de masse salariale en plus. Puisque vous prévoyez d’ajouter seulement 500 millions en 2021 au budget de l’enseignement, notamment de l’enseignement supérieur et la recherche, nous sommes loin du compte. Nous souhaitons obtenir des explications, car beaucoup d’enseignants nous interrogent sur la revalorisation de leur traitement et la compensation de la diminution de leur pension ».

      « Durant le précédent quinquennat, le régime de prime des enseignants du premier degré a été aligné sur celui des enseignants du second degré ; en outre, le protocole PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations – a été adopté, après deux ans de négociation avec les partenaires sociaux. Or vous n’avez eu de cesse de repousser son application, en 2018. Ainsi, avec ces projets de lois de programmation, vous rendrez aux enseignants en 2021 ce que vous leur devez depuis cette date », explique B Vallaud (PS).

      « Cela fait trois discussions budgétaires que, systématiquement, les députés de la gauche de l’hémicycle vous demandent de créer davantage de postes d’enseignants, et d’augmenter leurs rémunérations. À chaque fois, vous nous avez expliqué que ce n’était pas possible. À chaque fois, vous avez convenu qu’ils étaient peut-être moins bien payés que dans les autres pays européens, tout en refusant d’y voir un vrai problème. Or aujourd’hui vous prenez des airs de sauveur en annonçant que vous augmenterez leurs salaires. Vous prétendez en plus que la mesure n’a rien à voir avec la réforme des retraites ! Cela ressemble à une supercherie », dit Ugo Bernalicis (LFI). « Des promesses comme celles-ci figurent aux alinéas 14 et 15 de l’article 1er ou à l’article 1er bis, cela ne change rien : c’est une manœuvre pour inciter les enseignants à ne plus manifester et à cesser de se mobiliser contre votre projet pourri. »

      La journée du 24 février est historique. Le premier article de la loi retraite est adopté. Surtout on aura vu des députés voter un texte contraire à la constitution et inscrire dans une loi un engagement qui sera détruit dans quelques mois par le Conseil constitutionnel. Quel adjectif pour cette pratique politique ?

      http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2020/02/18022020Article637176555371040344.aspx
      #constitutionnalité

    • La LPPR, sa communication et la politique de la recherche. À propos d’une tribune, d’un communiqué et d’une interview

      Voilà plusieurs semaines que l’ensemble les directions de laboratoires, des instances scientifiques du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du sont vent debout contre les annonces des groupes de travail qui ont préparé la future Loi de Programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), plusieurs d’entre nous avons été surpris·es de découvrir que le CNRS utilisait son compte Twitter non pas pour communiquer sur l’ensemble des prises de position publiques de ses instances, pourtant remarquables par leur unanimité, mais pour faire connaître une pétition en faveur de la LPPR. C’est l’occasion de revenir sur ce contrefeu (1) et reproduire l’entretien que le président du Comité national de la recherche scientifique Olivier Coutard (2), a offert au journal d’entreprise CNRS info.
      1. Contrefeu : les émérites au secours des directions des EPST

      Le 20 février 2020, le compte Twitter du CNRS informe la communauté de la parution d’une tribune dans un quotidien sous péage. Le texte, très court — 1440 caractères — peut être intégralement lu sans payer.
      « La communauté scientifique attend un engagement financier
      fort et durable pour la recherche »

      –---

      Monsieur le Président de la République,

      vous avez annoncé, le 26 novembre 2019, votre intention de porter la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) à 3 % de notre produit intérieur brut. Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros qui, dans le contexte actuel que nous connaissons tous, est une somme très importante. Mais le besoin est là, et l’urgence est manifeste. Plusieurs pays ont fait de la science une priorité. Vous l’avez affirmé vous-même pour la France : « Tous nos défis ont besoin de science et de technologie pour les relever ».

      C’est une question de souveraineté et, en cela, la France doit se donner les moyens de garder sa place sur la scène internationale. Nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face et correspondant à nos attentes et nos besoins. Comme vous le savez, il existe une inquiétude dans la communauté scientifique face à des informations qui sont encore fragmentaires.

      Sans présumer de la rédaction finale de la loi, nous tenons à vous affirmer que la communauté scientifique soutient l’idée d’une loi de programmation et attend un engagement financier fort et durable pour la recherche. Elle saura répondre aux enjeux pour notre pays. Cette loi marquera votre engagement et celui de la France sur la durée. Elle doit avoir des effets tangibles dès 2021.

      –---

      En substance, les 180 signataires demandent plus d’argent pour la recherche. Soit. Si possible de un financement pluriannuel. Re-soit.

      De là à vouloir la loi de programmation pluriannuelle de la recherche telle que les rapports des groupes de travail préparatoires la préfigurent, il y a un pas qu’on ne peut .franchir sans examiner le dispositif de signatures et l’environnement éditorial1

      Mettons de côté d’emblée la pétition associée à la tribune du Monde : les quelques 200 signataires, quatre jours après le lancement de la pétition fait peine à voir, d’autant qu’elle mêle aussi bien des citoyen-nes, des industriels et des scientifiques qui, tels cet Arnaud Pothier.

      180 signataires de la tribune, répartis par âge et par sexe (Crédit : PGE)

      La pétition émane-t-elle bien des « premiers signataires », comme il est courant dans un cas de péitionnement ? On peut s’interroger sur le profil des premiers signataires, bien hiérarchisés entre « Prix Nobel, Médaille Fields, Médaille d’or du CNRS » ; « Responsables d’institutions, organismes et universités » : et « Membres de l’Academié des sciences ». Le premier groupe a une moyenne d’âge de 75 ; le second, 66, le troisième 72. Le membre le plus jeune est Cédric Villani, qui n’est plus mathématicien, même s’il est bien médaillé Fields ; le plus âgé, Claude Lévi, professeur honoraire au Muséum national d’histoire naturelle, a 98 ans. Parmi ces signataires du troisième âge avancé, seules 15% de femmes. Le moins que nous puissions dire, c’est qu’à l’exception du groupe des Responsables, il s’agit de personnes qui ont quitté depuis longtemps, en moyenne plus de 5 ans le monde professionnel de l’enseignement supérieur et de la recherche et qu’ils ou elles en perçoivent difficilement les raisons de l’« inquiétude » de personnel à l’emploi très dégradé.

      À tout le moins peuvent-ils ou elle s’accorder sur le besoin de financement de la recherche à hauteur de 3% du Produit intérieur brut, soit un engagement financier durable dans la recherche, sans s’intéresser aux à-côtés dont les groupes de travail nous ont proposé, en particulier en matière d’emploi précarisé.

      Du côté des Responsables, en dépit d’une meilleure homogénéité de classe d’âge (entre 55 et 65 ans), c’est pourtant l’hétérogénéité qui questionne. Au sein des membres de la CURIF,qu’y a-t-il de commun entre un président d’université fraîchement élu par ses pairs, comme Éric Berton (Aix-Marseille Université) ou Yassine Lakhnech (Université de Grenoble Alpes) — dont les positions sont rapportées comme peu éloignées de celles de leurs collègues unanimes, et les présidents à la manoeuvre dans la conduite d’une olitique inégalitaire d’université de recherche vs. université de 2e ordre, comme Jean Chambaz, Sorbonne Université, récemment invité sur France culture, et Manuel Tunon de Lara, Université de Bordeaux, co-auteur du rapport du 2e groupe de travail sur l’attractivité de l’emploi scientifique ?

      Ces derniers ont sans doute plus de proximité avec les apparatchiks du MESRI, qui se déplacent d’un poste de direction à l’autre depuis dix ans, comme Philippe Mauguin, président de l’INRA depuis 2015, qui accompagnait Frédérique Vidal lors de son discours à la cérémonie des vœux du 21 janvier 2020, Alain Fuchs, ancien Pdg du CNRS (2010-2017), qui a mis en œuvre la dégradation consciete de l’emploi pérenne d’abord che les ITA, Antoine Petit, connu pour ses prises de positions élégantes en faveur d’une loi « darwinienne », contre le « bois mort » de la recherche ou encore ses amateurs incapables de jouer la « Champion’s League », L’attelage de ces Responsables, plus ou moins complètement déconnectés des activités d’enseignement supérieur et de recherche, laisse songeur.

      Fallait-il sauver le soldat LPPR par une tribune signée par des figures reconnues mais retraitées ? Ou par un communiquépublié le 24 février 2020, La CPU en phase avec les orientations du projet de loi sur la recherche vide de contenu, ne reposant sur rien, puisque le texte n’est pas connu ? On peut se le demander. Ce texte a continué à froisser la communauté, qui demande de façon constante et publique depuis plus d’un an des financements à la hauteur d’un pays comme la France et une vaste campagne de recrutement. Et surtout, comme l’écrit Olivier Coutard, le président du Comité national de la recherche scientifique — non plus sur Le Monde et le compte Twitter du CNRS, mais dans le Journal du CNRS, non plus en 1500 signes, mais en 15 000 signes — une concertation sincère sur la politique de recherche du MESRI est devenue absolument indispensable.

      2. Olivier Coutard – « Pour une concertation sincère sur la LPPR »

      –---

      Le président de la Conférence des présidents du Comité national (CPCN) revient sur son action à la tête de cette instance de représentation de la communauté scientifique. Face aux inquiétudes exprimées dans les laboratoires, Olivier Coutard plaide pour “une concertation sincère” sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Quel bilan tirez-vous du fonctionnement de la Conférence des présidents du Comité national (CPCN) après trois années d’exercice de sa présidence ?

      Olivier Coutard : Presque trois ans et demi même… Le premier aspect que j’aimerais souligner, c’est l’engagement remarquable des présidentes et présidents de sections et de commissions interdisciplinaires depuis le début de la mandature. Lors de notre dernière réunion mi-janvier par exemple, les trois quarts des membres de la CPCN étaient présents et la plupart des autres étaient représentés.

      Je ne doute pas que cet engagement perdurera jusqu’à la fin de la mandature. Mais j’en profite pour souligner que ces mandats, qui sont passés de quatre à cinq ans, sont des mandats lourds, même si cette durée de cinq ans a été pensée pour permettre aux sections, au gré des cinq vagues de contractualisation, d’évaluer l’ensemble des unités de recherche relevant de leur périmètre.

      Sur un plan général, il me semble que la CPCN remplit et remplit bien, ses trois grandes missions, à savoir, en premier lieu, l’échange entre les sections et les commissions interdisciplinaires (CID), qui facilite l’adaptation coordonnée de nos instances à un contexte réglementaire et institutionnel en constante évolution, tout en préservant la diversité des pratiques propres à chaque discipline ou champ de recherche. Le dialogue avec la direction du CNRS, qui constitue la deuxième mission, fonctionne bien à mon sens. Enfin, la CPCN s’acquitte d’une fonction non statutaire mais précieuse de représentation de la communauté scientifique nationale.

      Sur ce dernier point, j’avais indiqué dès ma prise de fonction que, selon moi, les positions publiques de la CPCN seraient d’autant plus fortes qu’elles reposeraient sur un consensus très large entre ses membres. C’est ainsi que toutes les motions adoptées par la CPCN depuis le début de la mandature l’ont été à l’unanimité, ce qui tend à prouver que les positions ou les préoccupations qu’elle exprime sont très largement partagées.

      Vous faites référence à vos motions sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ?

      C. : Pas seulement.

      Notre première prise de position notable a été de faire paraître dans Le Monde début décembre 2018, une tribune dans laquelle nous nous inquiétions de la baisse, décidée par la direction du CNRS, du nombre de postes ouverts au concours chercheurs : 250 au lieu de 300 les années précédentes et même 400 à la fin des années 2000 ! Nous étions et nous restons très préoccupés par cet étiolement programmé, pour reprendre les termes que nous avons employés dans cette tribune.

      Suite à l’annonce par le Premier ministre, en février 2019, de la mise en chantier d’une loi de programmation pluriannuelle de recherche (LPPR), la CPCN, les Conseils scientifiques d’instituts (CSI) et le Conseil scientifique (soit plus de 1100 collègues au total) ont établi ensemble un diagnostic de la situation de la recherche publique en France, assorti de propositions prioritaires. Ces éléments ont été consignés dans un document solennellement approuvé lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet dernier.

      J’ajoute qu’une tribune publiée il y a quelques jours dans Le Monde et appelant à mettre en œuvre les propositions du Comité national, a déjà reçu le soutien de plus de 700 directrices et directeurs d’unités, dont plus du tiers des directrices et directeurs d’unités mixtes de recherche (UMR).

      Quant aux groupes de travail mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), leur diagnostic et leurs propositions recoupent les nôtres sur un certain nombre de points, mais en diffèrent sur des aspects majeurs. La question qui se pose est donc de savoir quelles propositions seront retenues dans la loi.

      Soutenez-vous la demande qui a été exprimée en faveur d’un « moratoire » de la loi et de la tenue d’états généraux ?

      C. : Nous subissons aujourd’hui une sorte de moratoire de fait. En effet, alors que les réflexions et travaux préparatoires à la loi ont été initiés il y a un an, nous ne disposons toujours pas d’une première version du projet de loi et la date de présentation de ce texte a été déjà reportée plusieurs fois. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose, car cela nourrit les inquiétudes de la communauté scientifique. À titre personnel, je ne suis donc pas favorable à un moratoire prolongé. Je plaide plutôt pour une concertation sincère, aussi rapidement que possible, autour des principales dispositions du projet de loi. J’insiste sur le terme « sincère » car il est essentiel que les attentes très largement exprimées par la communauté scientifique soient véritablement prises en compte.

      Évidemment, les chercheurs ne sont pas les seuls à avoir leur mot à dire sur la politique de recherche de la nation. Mais pour réaliser les ambitions fortes exprimées par le président de la République — et l’on ne peut que se réjouir que l’État ait des ambitions en matière de recherche ! —, une large et profonde adhésion de la communauté scientifique est indispensable. Or force est de constater que cette adhésion n’est pas acquise pour l’instant. Au contraire, une vive inquiétude s’installe parmi les personnels de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), toutes disciplines confondues.

      Comment comprendre cette fronde montante contre un projet qui n’est pas encore écrit ?

      C. : Quelle que soit la manière dont les groupes de travail du MESRI ont travaillé, certaines de leurs propositions apparaissent en décalage important par rapport aux principales attentes exprimées par la communauté et ne semblent pas à-même de résoudre les difficultés identifiées. De surcroît, les déclarations du président de la République et les premières annonces de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ont mis en avant des dispositifs comme les tenure tracks ou les « CDI de mission scientifique » qui sont largement rejetés par les chercheurs et unanimement considérés comme secondaires, compte tenu du besoin de création de postes permanents. Si quelques mesures fortes et d’application immédiate ne viennent pas rassurer la communauté scientifique, la contestation se renforcera. Beaucoup craignent une loi qui « détricoterait » dès maintenant le statut des personnels de recherche et ce qui reste de fonctionnement collectif et collégial et qui annoncerait des moyens financiers pour plus tard peut-être, alors même que le gouvernement aurait pu amorcer le refinancement de la recherche sans attendre le passage de la LPPR.

      Or, quelles sont les attentes de la communauté scientifique ? De l’argent, d’abord, dans les laboratoires, des postes de personnels permanents, de la confiance permettant une simplification forte des procédures administratives. Certaines déclarations générales du président de la République et de membres du gouvernement semblent aller dans le sens de ces attentes, notamment en termes de financement et de simplification. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que pour l’instant les rares mesures concrètes qui ont été évoquées sont très décevantes. Le redéveloppement de l’emploi statutaire n’est pas évoqué, tout au plus sa stabilisation – à un niveau toutefois historiquement bas et dramatiquement insuffisant, toutes catégories de personnels confondues : chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels d’appui. Rien n’est dit non plus sur le refinancement des laboratoires et des établissements hors réponses à appels à projets. Les montants financiers évoqués pour la revalorisation des rémunérations sont d’un ordre de grandeur dérisoire par rapport à ce qui, de l’avis général, serait nécessaire. Ainsi, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation évoque dans une tribune parue dans Le Monde le 10 février « une première enveloppe de 92 millions d’euros pour engager la remise à niveau salariale de l’ensemble des métiers de la recherche », alors même que le groupe de travail qu’elle a mis en place estime les sommes nécessaires entre 2 et 2,4 milliards d’euros supplémentaires par an (hors compensations, le cas échéant, des effets de la réforme engagée des retraites). Enfin, le discours sur l’évaluation, très ferme dans ses intentions et très vague dans ses modalités, hormis l’apparente « reprise en main » du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), suscite une vive inquiétude, aggravée par le contexte.

      Le 26 novembre dernier, le président de la République a évoqué la nécessité de revoir l’évaluation de la recherche et des chercheurs. Qu’en pensez-vous ?

      C. : En indiquant qu’il entendait « assumer une politique d’évaluation qui ait des conséquences », le président de la République a suggéré que les évaluations existantes sont sans effet. Ce n’est pas le cas. S’agissant des personnes, l’évaluation de l’activité professionnelle, tous métiers confondus, détermine la progression de carrière. Je voudrais souligner au passage que pour les chercheurs et les chercheuses du CNRS, les évaluations effectuées par le Comité national s’attachent à prendre en compte l’ensemble des activités des collègues et s’inscrivent ainsi pleinement dans les recommandations du nouveau Contrat d’objectifs et de performance (COP) du CNRS en la matière.

      S’agissant des collectifs (équipes, laboratoires), l’évaluation quinquennale des unités est, il est vrai, un processus lourd qui mobilise les membres de ces unités et dont le « retour sur investissement » si j’ose dire, peut être décevant. Les rapports d’auto-évaluation pourraient sans doute présenter plus explicitement qu’ils ne le font la plupart du temps, les principaux apports à la connaissance scientifique de l’unité pendant la période évaluée, en entrant davantage dans le contenu de la science produite. Cela permettrait en retour aux comités d’évaluation du HCERES et aux sections du Comité national, de centrer davantage leur évaluation sur ces apports.

      Cependant, même dans l’hypothèse où l’évaluation serait systématiquement centrée sur un examen approfondi des apports scientifiques de l’équipe évaluée, le lien mécanique parfois suggéré entre évaluation et attribution de moyens pour les années qui suivent, comporterait davantage d’effets pervers que de bénéfices. Cette vision repose en particulier sur l’idée erronée que les innovations scientifiques futures proviendront essentiellement, voire exclusivement, des équipes (et des personnes) ayant déjà innové dans le passé. L’histoire des sciences montre que ce n’est pas le cas. Les percées sont souvent le fait d’équipes composées de professionnels de haut niveau, très bien formés et très engagés dans leur métier, mais qui ne se sont pas nécessairement distingués auparavant.

      Les craintes suscitées par les déclarations du président de la République, mais aussi par celles de son conseiller recherche, Thierry Coulhon, candidat à la présidence du HCERES, ont amené plusieurs sections du Comité national — dont celle que je préside — à annoncer la rétention de leurs propres rapports d’évaluation et à encourager celle des rapports produits par les comités d’experts du HCERES. Il ne s’agit pas d’exprimer une défiance vis-à-vis du fonctionnement actuel du HCERES, qui représente une amélioration considérable par rapport à celui de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) qui l’a précédé, mais encore une fois, de signaler une inquiétude par rapport aux orientations envisagées ou évoquées en matière d’évolution de l’évaluation scientifique et de ses usages.

      Le Comité national produit au cours de chaque mandature un rapport de conjoncture. Quel est la tonalité du prochain rapport ?

      C. : Le débat sur la LPPR et l’élaboration des contributions du comité national dont nous avons parlé, ont quelque peu ralenti le processus d’élaboration du rapport de conjoncture, mais celui-ci est en cours d’achèvement. Il confirme largement et précise le diagnostic posé par le Comité national au printemps. À titre d’exemple, je voudrais évoquer ici les conséquences du déclin démographique du personnel statutaire. Avec une baisse de 40 % en dix ans des postes de chercheurs ouverts au concours, la diversité des recrutements opérés est de plus en plus limitée. La capacité à recruter des profils originaux et donc plus risqués, est obérée au bénéfice de profils également très solides mais plus « rassurants » parce que situés davantage au cœur des disciplines ou des domaines de recherche des sections. C’est par construction moins vrai pour les commissions interdisciplinaires, mais là encore la diversité des recrutements est amoindrie.

      Or, la recherche a besoin de profils divers, certains au cœur et d’autres à la marge des domaines de recherche établis. En outre, des champs nouveaux émergent. Je pense en particulier à tout ce qui a trait aux données massives, leur collecte, leur stockage, leur exploitation et leur analyse. Des besoins de compétences dans ce domaine s’expriment dans toutes les disciplines scientifiques, tant en matière de recherche que d’appui à la recherche. Il est profondément regrettable qu’un opérateur majeur comme le CNRS n’ait pas les moyens (en termes de recrutement, d’équipement et de financement) d’y répondre de manière adéquate.

      Par ailleurs, le rapport de conjoncture comprendra une réflexion et des propositions sur les biais de genre dans les recrutements et les carrières et sur la science ouverte, deux sujets auxquels la direction du CNRS nous a demandé de porter une attention particulière. Sur le premier thème, le Comité national partage pleinement la préoccupation de la direction sur les biais de genre qui perpétuent des différences entre les carrières professionnelles des femmes et celles des hommes. Nous nous interrogeons sur l’ensemble des leviers sur lesquels les sections et CID peuvent jouer, y compris en amont de l’évaluation des demandes de promotion, pour contribuer à réduire ces inégalités. Il conviendrait aussi de s’interroger sur les raisons qui font qu’au CNRS la proportion de chercheuses (tous grades confondus) stagne à environ un tiers. En 10 ans, entre 2007 et 2016, elle est passée de 32 à 34 % ; à ce rythme-là, s’il se maintient, la parité entre chercheuses et chercheurs sera atteinte vers 2100.

      Certains constats issus du rapport de conjoncture vous ont-ils surpris ?

      C. : Oui. Je citerai deux exemples. J’ai été surpris, tout d’abord, de constater que très peu de rapports de sections évoquent le rôle de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS, alors que tous soulignent l’importance grandissante de l’interdisciplinarité dans les pratiques à l’œuvre dans leurs champs de recherche. Cette faible visibilité est étonnante et constitue d’une certaine manière une énigme que nous allons nous attacher à élucider.

      Autre surprise, les sciences citoyennes sont également peu évoquées. Or nous savons que des formes très diverses de collaboration entre chercheurs professionnels et membres de la société civile se développent, de même d’ailleurs que les pratiques scientifiques amatrices. Ces évolutions sont porteuses d’enjeux considérables sur la place de la connaissance scientifique et des chercheurs dans la décision publique, dans l’action collective et plus largement dans la société. Ce sujet mérite donc également d’être examiné de plus près.

      –—

      Pour conclure cette briève analyse des stratégies de communication, on peut remarquer que la communication du MESRI et de ses partenaires responsables d’EPST, des universités « de recherche »n’est pas optimale : en retard, avec une couverture presse ridicule — comparée, par exemple, à l’opération « Pages blanches » des Revues en lutte — avec des éléments de langage sans contenu ou si pauvres qu’ils n’intéressent plus personne, au point où même l’équipe de communication du CNRS se tourne vers celles et ceux qui peuvent proposer une réflexion approfondie, comme Olivier Coutard, Isabelle Saint-This ou Marie-Sonnette.

      Sans trop se tromper, on peut dire que les responsables de l’ESR ont déjà perdu la bataille de la communication. C’est un début.❞

      https://academia.hypotheses.org/16986

    • La Ministre confirme : la LPPR a déjà eu lieu

      Dans le cadre des journées Sciences humaines et sociales (SHS) organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février, des chercheur.es et enseignant.es-chercheur.es en lutte sont intervenu.es pour interpeller la ministre sur la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le financement de la recherche et la politique de l’emploi scientifique. Nous avons suivi la chronique de cette rencontre fort instructive sur le fil Twitter de Samuel Hayat, qu’il a complété avec un compte rendu. Nous l’en remercions.

      https://www.youtube.com/watch?v=P-6dZghVhS0&feature=emb_logo

      Les orateurs et oratrices ont distribués le texte de leur « Lettre ouverte de lauréat.e.s de projets ANR, lue à l’occasion des journées SHS de l’ANR des 25 et 26 février 2020 » destinée à la Ministre. Les lauréat·es ont souligné la nécessité de financements récurrents, l’ampleur croissante du nombre et des catégories de travailleuses et de travailleurs précaires, avec son cortège de post-docs limités sur projet, de contrats courts et de stagiaires de recherche, et souligné combien cette politique dégradant l’emploi pérenne, venait à l’encontre des besoins impérieux de nos universités et centres de recherche. Augmenter la compétition, accroître la précarité, multiplier les évaluations, comme promet de le faire le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nuit considérablement à la qualité de la recherche faite en France.

      À la suite de cette intervention, Frédérique Vidal a précisé le contenu de la LPPR, confirmant ainsi les pires craintes des personnel.le.s et usager·es de l’ESR mobilisé.e.s. Selon la ministre, il faut renoncer à l’objectif, qualifié d’« incantatoire », de 3% du PIB pour la recherche, au profit d’une démarche de « refinancement », de « sécurisation de l’investissement » et de contractualisation. Pour favoriser « l’attractivité » (qui est pourtant un faux problème si l’on considère le nombre de candidat.e.s par poste, parfois plus de 100), Frédérique Vidal a réaffirmé qu’elle donnerait quelques miettes aux nouveaux/lles recruté.e.s : une minuscule augmentation de la rémunération à l’entrée en fonction.

      Quant à la part la plus importante de l’investissement pour la recherche, elle viendra en réalité clairement de deux sources. D’un côté, la ministre souhaite renforcer l’ANR pour la mettre au niveau des agences de financement des autres pays (évidemment présentés comme des modèles de performance). Pour cela, elle entend réaffecter les crédits des laboratoires pour soutenir les dépôts de projets – en échange de quoi une partie de l’argent bénéficierait aux laboratoires dans leur ensemble. Cela ne fait que confirmer la logique de financement conditionnel des unités de recherche, qui accentuera encore les inégalités entre laboratoires riches et pauvres, contre la nécessité d’un financement public, égalitaire, récurrent et inconditionnel. D’un autre côté, il s’agit pour Frédérique Vidal de favoriser les investissements privés, pour arriver à deux tiers du financement de la recherche sur fonds privés. Elle feint ainsi d’ignorer le poids déjà démesuré du Crédit d’impôt recherche, qui ponctionne 6 milliards d’euros par an au budget public, alors qu’on connaît la quasi-nullité de ses effets sur la production scientifique.

      Enfin, Frédérique Vidal a réintroduit, sous une forme euphémisée, la modulation des services. Sans officiellement mettre en question la règle des 192h équivalent TD de cours pour les enseignant.e.s chercheur.e.s titulaires, elle a annoncé vouloir multiplier les opportunités de réduction du service d’enseignement des plus “productifs.ves” : augmentation des places à l’Institut universitaire de France (IUF), du nombre de délégations au CNRS et de congés de recherche et conversion thématique (CRCT), des décharges de cours pour les porteurs/ses de projets ANR. Ces éléments pèseront davantage sur les personnels BIATSS et les collectifs enseignants (les heureux.ses lauréat.e.s de projets pourront ainsi se décharger auprès de leurs collègues non lauréat.e.s car moins chanceux.ses ou précaires, déjà à la limite du burn out), puisque la création d’emplois titulaires ne figure pas dans la LPPR. Quant aux CRCT, la ministre parle d’un « idéal » : une année sabbatique tous les sept ans. Si cela peut se présenter comme le rêve de tout.e enseignant.e chercheur.e, ce n’est pas un “idéal”, c’est un droit, pour tou.te.s les EC titulaires depuis le décret de 1984 fixant les dispositions statutaires du métier ! Même si effectivement ce droit est resté lettre morte jusqu’à présent, faute de moyens garantissant son exercice.

      Ces annonces illustrent et manifestent pleinement la logique profondément inégalitaire de la LPPR à venir. Pire encore, Frédérique Vidal a bien mis en avant que l’essentiel des transformations seraient faites par circulaires et décrets, sans examen par la représentation nationale ni débat public. Comme elle l’annonce tranquillement, la LPPR visera à « faire sauter les verrous législatifs », c’est-à-dire les quelques dispositions qui protègent encore les travailleurs/ses et usager.e.s de l’ESR de l’arbitraire total au sein des établissements et des inégalités entre établissements.

      Autant dire que la ministre n’a pas convaincu les présent.e.s. Dans la séance de questions-réponses qui a suivi son intervention, peu de questions ont porté sur les partenariats publics-privés, sur lesquelles F. Vidal est pourtant intarissable. En revanche, plusieurs collègues ont mis en avant le problème du manque d’emplois titulaires, qui menace l’existence même de certaines filières, et que la LPPR va encore aggraver. D’autres aspects de cette situation catastrophique ont été pointés, comme la part d’enseignements donnés par des non-titulaires, dont une bonne partie par des vacataires payé.e.s sous le SMIC horaire. La réponse de la ministre a été étonnante : ce n’est pas son problème ! Le ministère donne des crédits, mais c’est aux établissements de mener leur politique de recrutement. Elle rappelle à juste titre que le précédent gouvernement a annoncé 5000 postes, et qu’aucun n’a été créé. Dès lors, plutôt que de demander aux établissements d’honorer ces promesses d’emploi, la ministre préfère simplement ne plus en faire ! Plutôt qu’une véritable politique d’emploi, la ministre envisage des contrats d’objectifs et de moyens avec les établissements, pour leur donner une « visibilité ». « Les emplois, ce n’est pas mon travail », conclut la ministre. En tout cas, pas les emplois titulaires. En revanche, elle ne tarit pas d’éloges sur les post-doctorant.e.s, les CDI de projet, financé.e.s par contrats successifs, lesquel.le.s, à la différence des fonctionnaires, pourront être licenciés si nécessaire (la ministre préfère parler de « rupture de contrat »). De la précarité ? Clairement, Frédérique Vidal n’aime pas ce mot, surtout quand il s’agit des doctorant.e.s financé.e.s, qui ne sont pas des précaires, selon elle. « Quand on est doctorant, on est étudiant ». Le contrat doctoral – qui, rappelons-le, concerne une part seulement des doctorant.e.s et dont la durée n’excède pas trois annéess -, est de permettre à des étudiant.e.s « de ne pas travailler à côté de ses études » (sauf bien sûr lorsqu’il s’agit de faire des vacations pour combler le manque de titulaires).

      Bref, la ministre est apparue complètement hors-sol, qu’il s’agisse de prendre la mesure de la précarité, du manque d’emplois titulaires ou des conditions réelles de travail et d’étude. À un collègue demandant comment faire pour travailler alors qu’il n’a même pas de bureau, la ministre, décontenancée, a répondu : « Non mais je vais pas m’occuper d’attribuer des bureaux » et « Vous n’avez qu’à aller au campus Condorcet ». Qu’attendre d’autre d’une ancienne trésorière de la très sélective Coordination des universités de recherche intensive françaises (CURIF), un lobby composé des président.e.s d’université les plus « excellentes », qui pousse depuis sa création en 2008 à plus d’autonomie pour les établissements tout en accroissant la compétition entre eux (comprendre, plus de pouvoir pour les petit.e.s chef.fe.s locaux.les).

      Cet échange a eu le mérite de faire tomber les masques. La LPPR va encore aggraver le processus de transformation néolibérale des universités et des établissements de recherche et accélérer la destruction du service public. Contre la précarité, contre la réforme des retraites, contre la LPPR, il n’est pas d’autre choix que de lutter ! Alors, à partir du 5 mars, l’Université et la recherche s’arrêtent !

      https://academia.hypotheses.org/17566

    • L’#obscurantisme de l’excellence

      La loi sur la recherche risque de favoriser les « meilleurs » laboratoires en créant des grosses structures. Or des études prouvent qu’il est plus efficace de diversifier les financements.

      Tribune. Dans les mois qui viennent va être discutée la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Une loi ambitieuse, dont l’essence a été résumée par Antoine Petit, PDG du CNRS : il s’agira d’une loi « darwinienne ». Seuls les excellents doivent survivre : car il vaut mieux financer la recherche excellente que la mauvaise ! Il est paradoxal qu’alors que l’essence de la science est de douter des idées reçues et d’arbitrer des rationalités contradictoires par l’argumentation et la confrontation au réel, la politique de la recherche scientifique semble s’asseoir presque exclusivement sur des préjugés ou des sophismes.

      Depuis quinze ans a été engagée une transformation de la politique de la recherche pour remplacer les financements récurrents des laboratoires par des financements compétitifs sur projets. De ce point de vue-là, c’est une réussite : les chercheurs français consacrent désormais une bonne partie de leur temps autrefois consacré à leur métier à monter et à évaluer des projets dont environ un sur dix voit le jour. Alors même que l’un des buts revendiqués était de lutter contre le mandarinat, cette politique d’« excellence » a abouti à une concentration des ressources dans les mains des « excellents » car les mandarins ne sont-ils pas par définition « excellents » ? Mais ne soyons pas dogmatiques : peut-être est-ce une bonne chose ? On pourrait adopter une démarche scientifique et vérifier empiriquement si concentrer les ressources sur « les meilleurs » est un mode de gestion efficace. Or il existe des études sur ce sujet, qui concluent que la recherche suit une loi des rendements décroissants : il est plus efficace de diversifier les financements que de les concentrer en créant de grosses structures (https://arxiv.org/abs/1602.07396).

      On pourrait aussi se demander s’il est possible d’anticiper les découvertes scientifiques, qui par définition portent sur des choses préalablement inconnues, en évaluant des projets. Là encore, des études (https://elifesciences.org/articles/13323v1) se sont penchées sur la question. Elles concluent que, après une sélection grossière, l’évaluation n’est pas meilleure qu’une loterie, et en fait pire puisqu’elle introduit des biais conservateurs (contre l’interdisciplinarité, puisque l’évaluation se fait par comité disciplinaire ; contre l’originalité et le risque, puisque l’évaluation doit être consensuelle).

      Est-ce bien étonnant ? Il suffit de se pencher sur l’exemple récent de l’intelligence artificielle (IA) pour comprendre que l’idée de préfinancer la recherche « innovante » est une contradiction dans les termes. Les algorithmes qui défraient la chronique sont des variantes des réseaux de neurones artificiels conçus dans les années 80. Dans les années 90, ils ont été supplantés par des algorithmes statistiques beaucoup plus puissants (l’IA s’appelait alors plus modestement « apprentissage statistique »). Certains se sont malgré tout obstinés à travailler sur les réseaux de neurones, pourtant obsolètes, un attachement qui semblait davantage romantique que rationnel pour le reste de la communauté. Il se trouve que quelques améliorations incrémentales ont augmenté les performances de ces réseaux, pour des raisons encore incomprises. Manifestement, avant d’aboutir, cette recherche était tout sauf « innovante ». Car ce sont les conséquences des découvertes qui sont « disruptives », et non les projets eux-mêmes.

      S’il y avait une manière simple d’identifier les projets qui vont mener à de grandes découvertes, il n’y aurait pas besoin de recherche publique : ceux-ci seraient financés directement par des investisseurs privés. C’est ce qui se passe pour l’IA avec les investissements de Facebook ou Google, une fois que la recherche publique a fait émerger ces nouvelles idées. Financer l’innovation scientifique par projet, c’est une contradiction dans les termes. Ce que montrent les études académiques sur le sujet ainsi que l’histoire des sciences, c’est que la créativité est favorisée par un financement peu compétitif sur une base diversifiée, qui seul autorise l’originalité, le travail collaboratif et le temps long.

      En réalité, la compétition a toujours existé en sciences, puisque obtenir un poste académique est de tout temps difficile. Or cette compétition est fondée sur les compétences et non sur les « résultats ». Est-il bien raisonnable d’y ajouter artificiellement des compétitions supplémentaires de façon à ne donner qu’à un scientifique sur dix les moyens de travailler convenablement, lorsque l’on sait que cette sélection est arbitraire et coûteuse ? Ou de créer par appel à projets des structures bureaucratiques d’excellence dont le rôle principal est de créer de nouveaux appels à projets sur un périmètre plus réduit ? Enfin est-il bien raisonnable de remplacer les postes permanents par des postes précaires, c’est-à-dire remplacer des chercheurs expérimentés par de jeunes chercheurs inexpérimentés voués pour la plupart à changer de métier, avec pour seule justification les vertus fantasmées de la compétition ?

      Le moins que l’on puisse dire, c’est que la doctrine de l’excellence scientifique ne suit pas une démarche scientifique.

      https://www.liberation.fr/amphtml/debats/2020/02/26/l-obscurantisme-de-l-excellence_1779726

    • #Concentration of research funding leads to decreasing marginal returns

      In most countries, basic research is supported by research councils that select, after peer review, the individuals or teams that are to receive funding. Unfortunately, the number of grants these research councils can allocate is not infinite and, in most cases, a minority of the researchers receive the majority of the funds. However, evidence as to whether this is an optimal way of distributing available funds is mixed. The purpose of this study is to measure the relation between the amount of funding provided to 12,720 researchers in Quebec over a fifteen year period (1998-2012) and their scientific output and impact from 2000 to 2013. Our results show that both in terms of the quantity of papers produced and of their scientific impact, the concentration of research funding in the hands of a so-called “elite” of researchers generally produces diminishing marginal returns. Also, we find that the most funded researchers do not stand out in terms of output and scientific impact.

      https://arxiv.org/abs/1602.07396

    • « La moitié des enseignants-chercheurs ont des contrats précaires »

      « Le 5 mars, l’université et la recherche s’arrêtent ». (1) L’appel, lancé par la coordination nationale des facs et labos en lutte met en lumière le nouvel axe de mobilisation dans l’enseignement supérieur et la recherche, qui englobe aussi bien les combats contre la réforme des retraites que la précarité étudiante et le projet de loi LPPR. Cette proposition de loi vise à fixer des objectifs d’investissements dans le domaine de la recherche publique et améliorer la carrière des jeunes enseignants-chercheurs. Le JSD a rencontré Hélène Nicolas, maîtresse de conférence en anthropologie et études de genre à Paris 8, en grève reconductible depuis le 5 décembre. Interview.

      https://lejsd.com/sites/lejsd.dev/files/styles/article_medium/public/cHOIX%202%20He%CC%81le%CC%80ne.png?itok=E2ZUbP-Y

      Hélène Nicolas : La LPPR, ce sont trois rapports qui en effet inquiète le milieu scientifique et universitaire. Ces trois rapports que disent-ils ? Ils constatent que la recherche et l’enseignement supérieur français décrochent, qu’il y a une précarité grandissante, un manque de démocratie… Nous, enseignants chercheurs, nous sommes d’accord avec ces constats. Ce sont les préconisations de ces rapports qui posent problème. Elles vont aggraver ces états de fait en multipliant les contrats précaires, en concentrant les moyens sur quelques universités ou laboratoires dits d’excellence et en cassant les quelques instances démocratiques qui gèrent l’université, c’est à dire qu’elle sera transformée en quelque chose de plus en plus managériale.On est là-dedans en permanence. Le PDG du CNRS, Antoine Petit a dit qu’il fallait pour la recherche une loi darwiniste et inégalitaire donc ça montre bien l’objectif de cette loi. Mais le décrochage dans le milieu n’est pas nouveau. Il est présent depuis dix ans, plus précisément depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) qui a amené un tournant néolibéral à la recherche. En gros, la LPPR veut accélérer dans la direction de la loi LRU.

      Le JSD : Quel est l’impact de la LPPR sur les enseignants-chercheurs et les étudiants ?

      Hélène Nicolas : Selon moi, l’impact le plus grave c’est qu’aujourd’hui, la moitié des enseignants-chercheurs qui travaillent dans les universités et les laboratoires sont des gens précaires. Ils sont rémunérés en dessous du smic horaire, sont payés tous les six mois et n’ont aucune garantie de trouver du travail à la fin de leur contrat. Les emplois titulaires se sont réduits ces dernières années alors qu’il y a de plus en plus d’étudiants et d’urgence pour les recherches de type climatique et inégalités sociales. On a de grands enjeux sociaux sur lesquels les chercheurs pourraient s’investir mais on voit que les financements pérennes disparaissent. Le problème que cela pose c’est qu’il est impossible de travailler dans de bonnes conditions avec des gens qui sont sous-payés voire qui travaillent gratuitement et qui changent de poste tous les 2, 3, ou 6 mois.

      Autre enjeu : quand on est enseignant-chercheur, on doit faire 192h d’enseignement par an, c’est le référentiel horaire. La moitié de notre temps de travail est pour l’enseignement, l’autre pour la recherche. La LPPR prévoit la suppression de ces 192h. On va donc potentiellement faire beaucoup plus d’heures en étant payé de la même manière. Plus, on va devoir réduire notre temps de recherche. Or, pour être de bons enseignants à l’université, il faut être à la pointe de ce qui se fait en recherche. Si on supprime cela, nous allons nous retrouver avec des enseignants-chercheurs qui ne seront plus que des enseignants, donc d’assez mauvaise qualité. On en arrive à l’impact sur les étudiants : avec la LPPR, il va y avoir une minorité d’enseignants-chercheurs qui auront des primes, qui pourront répondre à des projets financés ou qui vont avoir le temps de faire de la recherche et d’enseigner dans quelques pôles d’excellence. Les autres universités vont être des facultés où les cours et la recherche (si elle existe encore) vont être de seconde zone. A Paris 8, nous serons les premiers touchés car on accueille un public populaire.

      Le JSD : Plusieurs universitaires dénoncent aussi la logique « d’augmentation de la compétition » et d’inégalités qu’annonce ce projet de loi.

      HN : Avec la LPPR, il y aura en effet une petite minorité de chercheurs qui aura certainement le plus de financements. Ce seront les plus connus mais aussi ceux qui gravitent dans les réseaux de pouvoir ou dans les institutions les plus prestigieuses. Mais procéder ainsi, c’est cumuler les inégalités. Toute personne qui se trouve être extrêmement brillante sans être compétitive et qui n’accepte pas de marcher sur les autres pour mener son projet de recherche à bien va être écartée de la compétition. Ces inégalités sont valables pour les femmes. Elles pourront être compétitives si elles peuvent mettre l’ensemble de leur temps libre au service d’un projet de recherche. Or, les appels à projets demandent à travailler le soir et dans nos sociétés, ce sont les femmes qui gardent majoritairement les enfants. Le problème de la concentration des moyens, c’est qu’il est dans les mains de quelques-uns, pas quelques-unes. C’est souvent des hommes. Des hommes blancs, il faut le dire. Moins on a de procédures démocratiques, plus le pouvoir est concentré dans quelques mains et plus la capacité à exploiter les autres, à demander du travail gratuit, à faire du harcèlement moral et du harcèlement sexuel explosent. Et d’ailleurs, dans ce projet de loi, il n’y a aucun mot sur ce qui pourrait être fait pour endiguer ces phénomènes de harcèlement sexuels mais aussi ces problèmes de discriminations présents à l’université en général. On n’a aucun quota, rien qui est pensé. Aujourd’hui, on est quand même dans une société française qui a eu beaucoup de migrations. Or, il y a extrêmement peu d’enseignants-chercheurs qui ne soient pas blancs. Cela ne pose aucun problème à nos instances. Ce projet de loi ne questionne rien.

      Et puis, qui décidera des projets de recherche pouvant être financés ? Avec la LPPR, ce n’est pas un comité d’expert scientifique qui va juger de la qualité scientifique d’un projet. Ce seront des membres nommés par le gouvernement, des gens de grandes entreprises. Et bien sûr, tous les projets qui contestent la politique sociale, économique ou même écologique du gouvernement vont être en difficulté pour trouver des financements. On est vraiment dans cette idée de mettre la recherche au service du privé, au service d’un projet politique.

      Le JSD : Pour les enseignants chercheurs, la lutte contre la réforme des retraites suscite aussi pas mal d’inquiétudes… LPPR et réforme de retraites sont-elles des revendications indépendantes ?

      HN : A Paris 8, on doit être une trentaine à être en grève reconductible depuis le 5 décembre. On ne lutte pas seulement contre la LPPR mais aussi contre la réforme des retraites. Par ailleurs, à l’université, il existe deux types de personnels : les enseignants-chercheurs et les BIATOS, tous ces gens qui font tourner l’université et qui représentent en gros un peu moins de la moitié des employés. Si la réforme des retraites passe telle qu’elle est prévue, enseignants-chercheurs et BIATOS auront moins 30% sur leur pension. Chez les enseignants-chercheurs, la moyenne d’âge de recrutement est de 35 ans. Si le calcul de la retraite se fait sur l’ensemble de la carrière, il est évident que ce sera en notre défaveur. On a passé une grande partie de notre carrière à faire des études et à avoir des contrats précaires avant de trouver un emploi sérieux. On entend des gens dire « Oui, mais vous, vous allez pouvoir travailler jusqu’à 65, 70 ans. Mais à l’université, on a des maladies du travail extrêmement importantes comme le burn out qui se développent depuis dix ans. Cela est dû à toute ces injonctions contradictoires et le fait que régulièrement on nous demande de faire un temps de travail qui ne rentre pas dans la semaine.

      Le JSD : Aujourd’hui, quelles sont vos revendications et attentes pour la recherche ?

      HN : La première revendication de la coordination nationale des facs et labos en lutte, c’est un recrutement massif et pérenne de tous les précaires qui sont chez nous. Pas seulement les enseignements-chercheurs mais aussi le personnel administratif. Il y a un manque de personnel qui est frappant. Il faut absolument recruter et ce dans des conditions de travail dignes. La deuxième chose, c’est l’instauration de financements structurels. La plupart des facs comme Paris 8 ou la Sorbonne manquent de moyens : les fenêtres s’écroulent, régulièrement on n’a pas de lumière, pas internet. Il faudrait aussi construire 2 ou 3 universités en plus pour pouvoir accueillir un public étudiant qui a augmenté de façon exponentielle.
      Pour les laboratoires de recherches, nous avons également besoin de financements sur le long terme. Aujourd’hui, on passe un tiers de notre temps de travail à chercher des financements que une fois sur quatre, on n’obtient pas. C’est ridicule ! On a fait plus de dix ans d’études, on a des compétences extrêmement élevées dans nos domaines sauf que notre temps de travail scientifique est extrêmement réduit en raison de cette quête aux financements pour nos projets. La coordination des facs et labos en lutte est pour une université financée, ouverte, gratuite pour tout le monde. C’est-à-dire qu’il faut supprimer les frais d’inscriptions « exceptionnelle » pour les étudiants extra-communautaires car c’est anticonstitutionnel. L’éducation en France doit être gratuite et accessible à toutes et tous. Dans ce pays, on peut faire une recherche autonome et contradictoire. Si nos financements sont soumis aux pouvoirs politiques ou aux entreprises, c’est catastrophique non seulement en terme démocratique mais aussi scientifique. Si on n’a plus la liberté d’inventer, on ne fait plus de recherche fondamentale.

      Propos recueillis par Yslande Bossé

      https://lejsd.com/content/%C2%AB-la-moiti%C3%A9-des-enseignants-chercheurs-ont-des-contrats-pr%C3%A9cai

    • Un projet de loi contre l’avis de la recherche

      Multiplication des appels à projet, généralisation des CDD d’usage… les pistes de réforme envisagées par l’exécutif inquiètent la communauté scientifique. Les chercheurs déplorent l’absence d’engagement sur des postes pérennes.

      C’est le point névralgique du conflit social entre les enseignants-chercheurs et le gouvernement. Attendu début février, reporté fin mars voire début avril, le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (dit LPPR) est devenu l’horizon indépassable des craintes du milieu universitaire français. Pourtant, « le texte de loi est toujours en cours d’élaboration », affirmait-on mercredi au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à Libération.

      Le projet de loi avait été annoncé dès février 2019 par le Premier ministre, Edouard Philippe, avec comme objectif de « redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté et des moyens ». Mais l’attente autour du texte, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2021, nourrit les inquiétudes du milieu. D’autant que, depuis la publication de trois rapports préparatoires en septembre jusqu’aux récentes prises de paroles du gouvernement, des premières orientations ont filtré.

      Le 25 février, à l’occasion des journées des sciences humaines et sociales (SHS), la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a déclaré que l’objectif de porter le budget de la recherche à 3 % du PIB, contre environ 2,2 % aujourd’hui, était « incantatoire ». Ce qui a jeté le doute au sein de la communauté scientifique sur les réelles ambitions budgétaires. « Atteindre les 3 % reste un objectif du gouvernement », a cependant voulu rassurer le cabinet de la ministre auprès de Libération. Il faut dire que cette promesse, vieille de vingt ans, est la seule à mettre tout le monde d’accord, tant il est urgent de répondre au sous-financement chronique du secteur.
      Complexité administrative

      La ministre en a profité pour réaffirmer sa volonté de généraliser le financement du secteur par l’appel à projets, ce qui pourrait accroître les investissements par l’intermédiaire de fonds privés. « Cette logique valorise les effets d’annonce, explique la sociologue au CNRS Isabelle Clair. Elle contraint les chercheurs à orienter leurs projets en fonction des priorités définies par les organismes de financement. Au final, la recherche s’uniformise et s’appauvrit. Ce qu’on demande, ce sont des financements publics, inconditionnels et récurrents. » La mesure est aussi décriée car source de complexité administrative supplémentaire pour des chercheurs noyés sous la bureaucratie. Ce que conteste le cabinet de la ministre, qui précise que « l’un des buts de cette loi est de dégager du temps en plus pour que les scientifiques se consacrent pleinement à leurs objets de recherche ».

      Une autre crainte porte sur une innovation attendue : le recrutement par des contrats courts mais mieux rémunérés, une pratique partiellement en vigueur. D’une durée de cinq ou six ans, ces CDD d’usage appelés tenure tracks aux Etats-Unis, dont la rupture est motivée par le seul achèvement du projet en question, sont proposés à des post-doctorants en quête du graal, un emploi titulaire. « On accroît la période de précarité des jeunes chercheurs qui devront subir des évaluations tout au long du contrat sans avoir la certitude d’obtenir un poste, regrette Isabelle Clair. En dérégulant le système de recrutement, le processus de titularisation s’opacifie. C’est le statut de fonctionnaire qu’on attaque. »

      La création de postes pérennes reste le nerf de la guerre, alors que le nombre d’étudiants est en constante augmentation dans les facs. Premier mouvement social d’ampleur depuis la loi sur les libertés et les responsabilités des universités de 2007, la mobilisation intervient après des années de baisses d’effectifs des enseignants-chercheurs et des personnels techniques et administratifs, que ce soit à l’université ou dans les organismes de recherche comme le CNRS. « Les emplois, ce n’est pas mon travail », a balayé la ministre lors des journées des SHS.
      Recherche « à deux vitesses »

      Plus globalement, le milieu scientifique s’alarme de la philosophie du projet de loi qui érige la « performance » et la compétition en principes ultimes d’efficacité. La publication en novembre dans les Echos d’une tribune par le PDG du CNRS, Antoine Petit, appelant à « une loi ambitieuse, inégalitaire » et « darwinienne » n’en finit plus de mettre le feu aux poudres. Lors des 80 ans du CNRS, Emmanuel Macron enfonçait le clou en plaidant pour une évaluation qui différencie les « mauvais » chercheurs des meilleurs. Or, derrière l’accent mis sur la sélection, le milieu redoute une concentration des crédits vers les pôles dits d’« excellence », faisant courir le risque d’une recherche « à deux vitesses ». Aux chercheurs et laboratoires jugés les plus prometteurs et rentables, les gros budgets ; aux autres, les contrats courts et la précarité longue durée.

      Sur la forme, les chercheurs critiquent une conduite « blessante » de la réforme. Le ministère a confirmé à Libé qu’il s’agirait d’un « texte court, ne comportant qu’une vingtaine d’articles ». Ce qui laisse supposer que les transformations seraient faites, pour l’essentiel, par circulaires et décrets, sans concertation publique. « Le procédé est méprisant et antidémocratique, juge Isabelle Clair. La confusion entretenue autour du contenu du texte renforce notre colère. On en vient à se demander si c’est une stratégie de la part du gouvernement ou tout simplement de l’incompétence. »

      https://www.liberation.fr/france/2020/03/04/un-projet-de-loi-contre-l-avis-de-la-recherche_1780608

      Mise en avant ce ce passage :
      –-> "Le ministère a confirmé à Libé qu’il s’agirait d’un « texte court, ne comportant qu’une vingtaine d’articles ». Ce qui laisse supposer que les transformations seraient faites, pour l’essentiel, par #circulaires et #décrets, sans #concertation_publique."

    • Point sur la LPPR. Où en sommes-nous ? Que prévoient les rapports ? Dans quelle histoire de l’ESR s’inscrit cette loi ? - #Elie_Haddad, historien (CNRS), membre de SLU, 3 mars 2020

      Ce texte a fait l’objet d’une présentation publique lors d’une demi-journée banalisée à l’université de Paris Sorbonne Nouvelle le 3 mars après-midi.

      Faire le point sur la LPPR aujourd’hui, c’est prendre la mesure des évolutions depuis deux mois, ce qui nous place dans le temps très court de l’action politique et de la mobilisation. C’est en même temps resituer les enjeux de cette réforme dans un temps un peu plus long (une vingtaine d’années) de transformations de l’ESR. Retrouver la logique générale de ces transformations permet de ne pas tomber dans les pièges de la communication gouvernementale ni dans ceux des accrocs de la mise en place pratique des réformes successives, qui peuvent parfois laisser penser que celles-ci ne sont qu’improvisation et court-termisme. C’est, enfin, essayer de dégager les rapports de force au sein du pouvoir pour envisager ce qui va probablement se passer dans les prochains temps.
      Nous disposons désormais d’un peu plus d’éléments qu’il y a deux mois pour analyser la séquence dans laquelle nous nous trouvons. Outre les trois rapports préparatoires à la LPPR remis à la ministre Frédérique Vidal en septembre dernier, plusieurs déclarations faites par celles-ci sont révélatrices des enjeux actuels de la réforme. Des éléments du projet de loi dans son état de janvier ont fuité courant février. De même ont fuité certains éléments d’un rapport de l’IGF concernant l’ESR, tandis que des collègues ont à juste titre insisté surle Pacte productif lancé par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, qui a son propre agenda pour la recherche publique en France. Enfin, plusieurs décrets ont été promulgués qui touchent directement l’ESR.
      Mise en perspective rapide de la LPPR dans l’histoire récente de l’ESR

      Pour comprendre la LPPR, il faut repartir du rapport « Education et croissance » rédigé en 2004 par Philippe Aghion et Elie Cohen pour le Conseil d’Analyse Economique, rapport qui a été très bien analysé par le Groupe Jean-Pierre Vernant [1]]. Proposant une « stratégie des petits pas » visant explicitement à contourner les oppositions de la communauté universitaire à un changement radical de modèle qui mettrait l’université et la recherche au service de l’économie, oppositions qui s’étaient manifestées à plusieurs reprises et notamment lors des Etats Généraux de la recherche qui venaient d’avoir lieu, ce rapport expliquait comment parvenir à introduire les logiques du marché, de la concurrence et de la privatisation dans l’ESR sans jamais le dire clairement et en amenant les acteurs à y participer eux-mêmes. Ce rapport a constitué la feuille de route de tous les gouvernements depuis, dont ils n’ont pas dévié, quoi qu’ils aient dû faire face à nombre d’oppositions qui ont amené à transiger sur certains points, retarder certaines dispositions, compliquer les dispositifs existants pour parvenir à leurs fins.
      Ce rapport prévoyait quatre volets visant à la dérégulation et à la mise en concurrence au sein de l’ESR.
      – L’autonomie administrative des universités. La loi LRU de 2007 en a été la déclinaison renforcée par le régime des compétences élargies, qu’elle prévoyait, mises en place progressivement dans les établissements à partir de 2009. L’autonomie de gestion et le transfert de la masse salariale aux universités ont placés celles-ci dans la situation de gérer la pénurie due aux coupes dans les budgets alloués par l’Etat, lequel par ailleurs a mis en place des dispositifs d’allocations de ressources fondés sur la concurrence (Labex, Idex, Equipex…). Les structures se sont ainsi retrouvées mises en concurrence les unes avec les autres et ont en outre été amenées à conduire un vaste plan social qui ne disait pas son nom, avec tout le développement de la précarité, particulièrement dans les personnels administratifs et techniques, que nous connaissons.
      – L’autonomie pédagogique, qui consiste 1/ à mettre les universités en concurrence cette fois pour attirer les étudiants, ces derniers étant eux-mêmes en concurrence pour l’obtention des places dans les universités les mieux cotées, et 2/ à déréguler les diplômes en cassant le référentiel national qui sous-tendait toute l’architecture de ceux-ci auparavant. La loi ORE dite Parcoursup entrée en vigueur il y a deux ans, qui permet aux universités de sélectionner leurs étudiants, est un des aspects de ce dispositif, dont l’amorce avait été la multiplication des diplômes « d’excellence » au sein de certaines universités.
      – L’autonomie de recrutement, d’évaluation et de gestion des personnels, avec pour objectif de déréguler en grande partie les statuts, notamment celui des enseignants-chercheurs et des chercheurs, de développer la contractualisation comme mode de recrutement au détriment des postes de fonctionnaires, avec pour conséquence la liquidation des libertés académiques et de toute forme de collégialité. Des dispositifs comme la modulation de service ou l’AERES devenue HCERES avaient pour but d’amorcer ce processus mais ils ont été en partie contrés en raison des oppositions fortes en 2009-2012. La modulation de service a été assortie d’une clause obligatoire de consentement de l’intéressé et l’AERES a été privée de ses pouvoirs de sanction. C’est précisément cette « autonomie » qui est au cœur de la LPPR.
      – Le dernier volet du rapport Aghion/Cohen concerne l’autonomie financière. Plusieurs éléments sont déjà en place, les rapports préparatoires à la LPPR préconisant d’ailleurs de les renforcer. Mais l’objectif principal, le noyau dur, concerne la dérégulation des frais d’inscription, en partie en place par la multiplication des diplômes d’université. L’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants hors UE instaurée l’année dernière est une autre étape. Il n’y a aucun doute que ce sera le dernier chantier auxquels s’attaqueront les gouvernants (dans les cinq ans à venir ?).
      La LPPR : inégalité, management et autoritarisme

      La ministre l’a dit et redit, les trois rapports qui lui ont été remis ne sont pas la loi qui sera promulguée. Certes. Mais les conceptions générales sur lesquelles ils se fondent se retrouvent dans les propos tenus par Frédérique Vidal à différentes reprises et plusieurs dispositions prévues n’ont pas besoin d’une loi spécifique pour entrer en application [2].
      – C’est le cas des CDI de chantier dont la déclinaison sous forme de contrats de projet existe désormais dans la fonction publique grâce au décret du 27 février qui met en application un article de la loi PACTE d’août 2019. C’était une disposition demandée dans les rapports.
      – Par la Loi pour un État au service d’une société de confiance votée en août 2018, complétée par une ordonnance de décembre de la même année, les établissements du supérieur peuvent se regrouper en établissements expérimentaux, ce qui les autorise à déroger à la règle de la majorité du CA et, de façon dérogatoire, à exercer des prestations de service, à prendre des participations, à créer des services d’activités industrielles et commerciales, à participer à des groupements et à créer des filiales. Autrement dit, à intégrer des entreprises privées. Il y a un transfert de compétences entre les composantes du regroupement d’universités ou d’entités partie prenantes de l’Etablissement expérimental, lesquelles composantes doivent soumettre aux « instances collégiales » de cet établissement « tout ou partie des recrutements ». Ces établissements définissent eux-mêmes les modalités de désignation de leur dirigeant. Autrement dit, les dispositions permettent à ces établissements de contourner par des statuts ad hoc une bonne partie des règles publiques de leurs composantes en se rapprochant des règles d’une entreprise privée.
      – La suppression du plafond de 50% des emplois contractuels dans les établissements publics, elle aussi prévue par la loi PACTE, est entrée en application par un décret du 1er janvier 2020.
      – Le même jour, le décret d’application de l’article instaurant la rupture conventionnelle dans la fonction publique était également promulgué.
      – L’arrêté du 27 janvier 2020 relatif au cahier des charges des grades universitaires de licence et de master prévoit que « Les grades universitaires peuvent également être accordés à des diplômes d’établissements privés ». Autre mesure dont le terrain a déjà été préparé par la multiplication des stages dits professionnalisant, « Pour répondre aux exigences du marché du travail en matière d’insertion mais aussi, le cas échéant, aux besoins émergents de nouvelles filières et de nouveaux métiers, la présence de représentants du monde socio-économique au sein de l’équipe pédagogique comme l’existence de relations formalisées avec le monde professionnel concerné par la formation sont nécessaires. La mise en œuvre d’une approche par compétences, la qualité des partenariats avec le monde professionnel, la présence de modules de professionnalisation et de périodes d’expérience en milieu professionnel, ainsi que la production de projets de fiches RNCP de qualité et la construction de blocs de compétences seront prises en compte, tout particulièrement pour les formations visant spécifiquement à garantir une insertion professionnelle. »
      – Enfin les possibilités de chaires d’excellence existent déjà depuis 2009, même s’il est vrai qu’elles n’ont pas la souplesse des tenure-tracks réclamées par les rapports.

      Tous les instruments sont donc en place pour un contournement massif des statuts, une contractualisation poussée de l’emploi et un renforcement de la présence des intérêts privés au sein de l’ESR. Lors de la journée SHS de l’ANR, Frédérique Vidal a clairement affirmé que la loi à venir devrait faire sauter un certain nombre de verrous législatifs et que ce serait aux universités de décider de leur politique d’emploi. Le ministère s’en lave les mains.
      Les autres mesures annoncées consistent à accorder d’avantage d’argent à l’ANR, les projets étant l’outil pour mieux doter les laboratoires par l’intermédiaire du préciput qu’ils prélèveront sur les contrats qu’ils obtiendront. Renforcement du financement inégalitaire fondé sur la compétition pour l’obtention des crédits, donc. Enfin, Frédérique Vidal a réintroduit, sous une forme euphémisée, la modulation des services. Sans officiellement mettre en question la règle des 192h équivalent TD de cours pour les enseignant·es-chercheur·ses titulaires, elle a annoncé vouloir multiplier les opportunités de réduction du service d’enseignement des plus « productif·ves ».
      La loi telle qu’elle a fuité va un peu plus loin que ces déclarations. Les tenure-tracks y apparaissent bien, de même qu’un ensemble de dispositifs visant à simplifier les cumuls d’activité et l’introduction d’éléments du privé dans les établissements publics, de même que la ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux, l’élargissement des mobilités public-privé, l’orientation des thèmes de recherches par l’ANR.
      Ces dispositifs sont néanmoins un peu en retrait par rapport à ceux prévus dans les rapports (un effet de la mobilisation ?). On ne sait pas ce qu’il en sera de la verticalité prévue dans la décision en matière de politique de recherche scientifique. Mais l’ANR est amenée à jouer un rôle crucial en la matière, en lien direct avec une recherche à visée industrielle.
      Rien n’est dit non plus du HCERES alors qu’il s’agit du cœur du système voulu dans les rapports et que l’on sait toute l’importance qu’accorde Thierry Coulhon, pressenti à la présidence du HCERES, à l’instauration d’une évaluation managériale déterminant l’allocation des ressources à tous les niveaux de l’ESR. Le HCERES deviendrait ainsi la clé de voûte de l’ensemble de l’architecture de l’ESR, l’organe central qui jouerait le rôle de bras exécutant des décisions en matière de politique de recherche et d’enseignement supérieur qui se décideraient dans l’entourage du Premier Ministre. Moyennant quoi le Comité national de la recherche scientifique et le Comité national des universités, dernières instances collégiales réelles dans l’ESR, seraient supprimées ou vidées de leur substance.
      Je ne pense pas que le gouvernement ait l’intention de revenir là-dessus, mais il peut se passer d’intégrer ces éléments dans la loi et les faire passer, comme l’a expressément dit la ministre, par décrets et circulaires.
      De la « loi budgétaire » à la « loi des personnes »

      Pour déminer les oppositions, la ministre a d’abord affirmé que la LPPR ne serait pas une loi structurelle mais une loi de moyens, puis qu’elle ne serait pas une loi structurelle mais une loi de personnes. Ce changement de discours révèle crûment son échec : les derniers arbitrages budgétaires du quinquennat ont été faits contre elle. On peut en être certain puisque, lors des journées SHS de l’ANR, elle déclaré qu’il fallait renoncer à l’objectif, qualifié d’« incantatoire », de 3% du PIB pour la recherche, au profit d’une démarche de « refinancement », de « sécurisation de l’investissement » et de contractualisation. Cet objectif était pourtant affirmé comme essentiel par les trois rapports préparatoires et clamé partout dans l’entourage du ministère.
      Les couches dirigeantes partagent toutes les mêmes objectifs décrits plus haut ainsi que les normes devenues la doxa dans les « élites » concernant la bonne gestion (managériale, comme il se doit). Parmi les fers de lance de la réforme, on trouve la Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises (CURIF), association de présidents et d’anciens présidents d’université, qui représente au sein de la CPU les universités qui se pensent comme le haut du panier et croient avoir tout à gagner à ces réformes. Mais la CURIF comme les technocrates de l’ESR qui ont rédigé les rapports préparatoires avaient un combat : en échange de tant de bonne volonté en matière de réforme, il s’agissait de leur rendre la monnaie de la pièce en espèces sonnantes et trébuchantes.
      Las, à la fin, c’est Bercy qui gagne. Un autre rapport, passé inaperçu pour la bonne raison qu’il n’a pas été rendu public, rédigé principalement par l’IGF à l’automne dernier, pouvait mettre la puce à l’oreille. Bercy a sa propre idée sur l’ESR. Selon ses inspecteurs, les universités ne sont pas mal dotées mais mal gérées. La bonne gestion consiste à accroître leurs revenus propres et la contractualisation de leur masse salariale : « Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants – chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maitrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables. Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT. » Plus encore, pour inciter les universités à mieux se comporter (selon ses normes), Bercy demande à ce que le GVT ne leur soit plus versé, à accroître le temps d’enseignement des enseignants-chercheurs et à coupler évaluation et allocation de ressources pour distinguer les bons et les mauvais élèves. Nous y revoilà.
      En outre, par le Pacte productif, Bruno Le Maire et les hauts fonctionnaires du ministère de l’Économie et des Finances se chargent eux-mêmes du volet « innovation » de la recherche. Le Maire l’a dit expressément : « la loi de programmation de la recherche devrait être l’occasion de réfléchir à une augmentation des moyens consacrés à des programmes de recherche publique en contrepartie de leur orientation vers un développement industriel précis. »
      Il peut être confiant : son ministère a toujours été suivi par le chef de l’État et le premier ministre lorsqu’il s’agissait de trancher sur la politique à mener.

      Je voudrais finir sur une note positive. Il y a un point faible dans le système qui doit être mis en place. Il nécessite notre coopération. C’est particulièrement vrai pour le HCERES. Se retirer de toute coopération avec cette instance est une nécessité vitale tant que ne seront pas clarifiées les implications des évaluations à venir. C’est aussi vrai pour toutes les instances administratives. L’université et la recherche ne tiennent que parce que nous acceptons un investissement énorme et chronophage dans ces multiples tâches administratives que parfois nous réprouvons. Nous avons donc la possibilité de paralyser la machine à nous broyer qui est en marche.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article7407

    • Quelques réponses aux questions fréquemment posées sur la loi pluriannuelle pour la recherche (LPPR)

      Nous avons reçu un courrier abondant après la publication de notre billet de désenfumage, nous posant des questions à propos du projet de loi pluriannuelle pour la recherche (LPPR), de ses initiateurs, de son calendrier ou encore des sommes en jeu. Dans ce complément au billet, nous répondons à ces questions à partir des informations dont nous disposons.

      I Quel est le calendrier prévisionnel de la LPPR ?

      Le calendrier parlementaire ne permet pas l’examen de la LPPR avant l’automne. La date avancée par la ministre, Frédérique Vidal, pour rendre public le projet de loi (fin mars-début avril) correspond à la date du probable du remaniement ministériel.

      Un examen de la loi par le Parlement à l’automne pose cependant un problème de communication à l’exécutif, puisqu’il coïnciderait avec la phase préparatoire du budget 2021, faisant apparaître explicitement l’absence de création de postes et d’augmentation du budget de l’Université et de la recherche publiques pour la troisième année du quinquennat. Rappelons qu’en 2019 et 2020, le nombre de postes pérennes mis au concours a fortement baissé et le budget n’a été augmenté que du montant de l’inflation, ne permettant pas la compensation du Glissement Vieillesse Technicité.

      II Qui soutient ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      Alors que la communauté académique s’alarme du contenu des rapports préparatoires à la “grande loi darwinienne” pour la recherche et l’Université, les initiateurs et rapporteurs de la LPPR (Gilles Bloch, Jean Chambaz, Christine Clerici, Michel Deneken, Alain Fuchs, Philippe Mauguin, Antoine Petit, Cédric Villani et Manuel Tunon de Lara) ont fait paraître une pétition dans le Monde daté du 20 février 2020 :
      LA COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE a lancé cette pétition adressée à Emmanuel Macron.

      Se sont associés à leur texte une centaine de chercheurs retraités qui ont tous bénéficié au cours de leur carrière des conditions (postes pérennes, liberté de recherche et moyens récurrents) dont les réformes à venir vont achever de priver les jeunes générations de chercheurs [1]. Les plus connus d’entre eux avaient déjà signé une tribune à la veille du premier tour de la présidentielle pour faire connaître leur attachement au mille-feuille d’institutions bureaucratiques créées depuis quinze ans (ANR, HCERES, etc).

      Est-ce dû à leurs convictions d’un autre temps les conduisant à prétendre parler au nom de “la communauté scientifique” — c’est le nom d’administration de la pétition — communauté à laquelle ils n’appartiennent de facto plus ? Leur pétition de soutien à la LPPR a rassemblé deux cents signatures en quatre jours.

      III Qui est à l’origine de ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      La majorité des mesures de précarisation et de dérégulation qui accompagneront la loi de programmation budgétaire ont été conçues par la Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises (CURIF), association de présidents et d’anciens présidents d’universités qui travaillent depuis quinze ans à la suppression progressive des libertés académiques et à la dépossession des universitaires. La CURIF comprend dix-sept membres, dont huit, indiqués en gras, véritablement actifs : Philippe Augé, David Alis, Jean-Francois Balaudé, Yvon Berland, Jean-Christophe Camart, Jean Chambaz, Christine Clerici, Frédéric Dardel, Michel Deneken, Barthélémy Jobert, Frédéric Fleury, Alain Fuchs, Corinne Mascala, Sylvie Retailleau, Manuel Tunon De Lara, Fabrice Vallée, Frédérique Vidal, Jean-Pierre Vinel. La CURIF a déclaré son allégeance à la candidature de M. Macron lors d’une réunion avec Jean Pisani-Ferry, le 28 avril 2017. Le programme de la CURIF est simple : différencier les statuts et les financements des établissements, supprimer le CNRS, et accorder les pleins pouvoirs aux présidents d’université. Les apports de la CURIF au programme présidentiel de M. Macron figurent dans les deux documents suivants :
      http://groupejeanpierrevernant.info/CURIF_EM.pdf
      http://groupejeanpierrevernant.info/positions_CURIF_avril_2017.pdf
      La place des courtisans de la techno-bureaucratie universitaire dans la structure en cercles concentriques d’En Marche est discutée dans ce billet :
      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#LuttePlaces3

      Amélie de Montchalin revendique avoir obtenu la LPPR grâce à sa proximité avec Édouard Philippe. Elle ambitionne de devenir ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et donc de porter elle-même cette loi devant le Parlement à l’issue du remaniement qui devrait suivre les élections municipales.

      S’il importe de nommer les managers à l’origine de la loi, il ne faut pas ignorer ce qu’elle doit aux normes de “bonnes pratiques” gestionnaires rappelées par l’Inspection Générale des Finances dans son rapport récent sur le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des établissements :
      https://www.education.gouv.fr/cid149541/le-pilotage-et-la-maitrise-de-la-masse-salariale-des-universites.html

      IV Le “Pacte productif” de Bercy empiète-t-il sur le pilotage et le budget de la recherche ?

      Frédérique Vidal n’a emporté aucun arbitrage budgétaire depuis le début du quinquennat. Ni Bruno Le Maire ni les hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie et des Finances n’ont été convaincus de la nécessité de financer l’Université et la recherche. Mieux, ils se chargent eux-mêmes du volet “innovation” du Pacte productif :
      https://www.economie.gouv.fr/pacte-productif

      Ce financement par l’impôt du secteur privé est pris sur la même enveloppe globale que le budget de la recherche publique. Il est hélas probable qu’un programme pour “l’innovation” serve davantage les intérêts politiques de M. Macron que le financement de la recherche et de l’Université publiques, pourtant vitales pour répondre aux trois crises, climatique, démocratique et économique, qui minent nos sociétés.

      Mais l’emprise de Bercy sur la politique de recherche ne s’arrête pas à la ponction de nos cotisations retraites pour financer des programmes d’“innovation” et la niche fiscale du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) plutôt que de financer la recherche. Comme l’a précisé Bruno Le Maire, “la loi de programmation de la recherche devrait être l’occasion de réfléchir à une augmentation des moyens consacrés à des programmes de recherche publique en contrepartie de leur orientation vers un développement industriel précis.” [2] Tout est dit.

      La LPPR est le volet de la réforme de la recherche porté par la CURIF, organisant la dérégulation des statuts et le contournement du recrutement par les pairs, en renforçant le pouvoir démesuré de la technostructure managériale des établissements. Le “pacte productif” apparaît comme le volet de cette même réforme portée par Bercy, instaurant des outils de pilotage qui lui permettent de contrôler cette même technostructure.

      V Quelles sont les sommes dégagées par l’article 18 de la loi retraite ?

      Le budget brut salarial pour l’Université et la recherche s’élève à 10,38 milliards € par an. La baisse de cotisation patronale de l’État de 74,3% à 16,9% sur 15 ans permettra à terme de redistribuer les 6 milliards € par an prélevés sur notre salaire socialisé. Pour la période 2021-2027 couverte par la LPPR, l’article 18 conduira en cumulé à 11 milliards € de prélèvement dans nos cotisations de retraite [3]. Il convient donc de comparer les annonces de “revalorisation” du salaire des jeunes chercheurs et d’augmentation du budget de l’ANR (120 millions € par an) à ces sommes.

      VI Que contient le projet de loi relatif à la programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2027 ?

      La version stabilisée de la LPPR se compose de 20 articles.

      Titre Ier : Dispositions relatives aux orientations stratégiques de la recherche et à la programmation budgétaire.
      Art 1 : Approbation du rapport annexé.
      Art 2 : Programmation budgétaire 2021-2027, financements ANR, trajectoires de l’emploi scientifique.

      Titre II : Attirer les meilleurs scientifiques
      Art 3 : Chaires de professeur junior (tenure tracks)
      Art 4 : Fixer un cadre juridique spécifique pour le contrat doctoral. Développer les contrats post-doctoraux.
      Art 5 : Développer des CDI de mission scientifique.
      Art 6 : Faciliter avancements et promotions en cours de détachement ou de mise à disposition.

      Titre III : Piloter la recherche et encourager la performance
      Art 7 : Lier évaluation et allocation des moyens par une rénovation de la contractualisation.
      Art 8 : Unités de recherche.
      Art 9 : Orienter les thèmes de recherche par l’Agence Nationale de la Recherche.

      Titre IV : Diffuser la recherche dans l’économie et la société
      Art 10 : Elargissement des dispositions de la « loi Allègre ».
      Art 11 : Elargissement des mobilités public-privé par les dispositifs de cumul d’activités à temps partiel.
      Art 12 : Elargissement des mobilités public-privé par les dispositifs d’intéressement des personnels.
      Art 13 : Droit de courte citation des images.

      Titre V : Mesures de simplifications et autres mesures
      Art 14 : Mesures de simplification en matière d’organisation et de fonctionnement interne des établissements. Délégations de signature. Rapport sur l’égalité femmes-hommes. Suppression de la mention des composantes dans le contrat d’établissement. Limitation des élections partielles en cas de vacance tardive. Approbation des conventions de valorisation des EPST. Mesure de simplification du régime des dons et legs à l’Institut de France ou aux académies.
      Art 15 : Mesures de simplification en matière de cumul d’activités.
      Art 16 : Mesures de simplification en matière de formation. Prolongation de l’expérimentation bac pro BTS. Possibilité de stage dans les périodes de césure.
      Art 17 : Ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux
      Art 18 : Simplification du contentieux relatif au recrutement des enseignants-chercheurs et chercheurs.
      Art 19 : Habilitations à légiférer par ordonnance.
      Art 20 : Entrée en vigueur de la loi.

      Titre VI : Rapport annexé

      [1] La sociologie de ce groupe, composé à 93% d’hommes, sans chercheur en SHS, et la hiérarchie des statuts qu’ils affichent, témoignent du fait que le temps où ils ont été pleinement productifs (la moyenne d’âge est de 72 ans et demi) ne saurait être considéré comme un âge d’or de la recherche.

      [2] Le pacte productif. Discours de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances à Bercy, le mardi 15 octobre 2019.
      https://www.economie.gouv.fr/pacte-productif/discours-de-bruno-le-maire-ministre-de-leconomie-et-des-finances

      [3] Le calcul affiné, séparant primes et salaires, conduit à -4,98 milliards € au lieu de -6 milliards € et à -9,12 milliards € pour la période 2021-2027, et non -11 milliards €. Nous avons gardé le calcul approximatif pour permettre à chacun de vérifier le calcul.

      Message du Groupe Jean-Pierre Vernant reçu par email, le 23.02.2020

    • #Temps_de_travail dans l’ESR (2) : essai d’analyse pour un·e enseignant·e-chercheur·se

      Résumé

      Le temps de travail des enseignants-chercheurs, cadré par le décret de 1984, est en général sous-évalué et sous-estimé, faisant l’object de représentations erronées. La contribution cherche à objectiver le temps professionnel. Plusieurs contributions récentes ont mis en évidence le degré de fragmentation des tâches, la contrainte accrue des tâches gestionnaires, une multiplication des tâches invisibles et extrêmement chronophages, dans le contexte de la diversification des missions de l’université et à leur autonomie. La démarche est personnelle et comporte une dimension réflexive sur ma propre relation aux fonctions que j’exerce de professeur des universités dans un département de géographie.

      Il s’agit d’analyser les pratiques, notamment dans un cadre d’injonctions contradictoires, de contraintes, concurrences et complémentarités entre les tâches d’enseignement et de recherche. L’objectif de cette contribution est de livrer les résultats d’une analyse du temps de travail sur une année entière, à travers quelques méthodes statistiques simples destinées à mettre en forme un agenda électronique (Google) dont le contenu s’apparente à des textes et informations non structurées (fouille de données et analyse textuelle), Les résultats de l’analyse montre un temps de travail de 2321 h annuelles (soit 290 jours pleins), dont 42 jours le week-end, débordant largement sur la soirée et la nuit. L’activité est décomposée en fonction des principales tâches : l’enseignement, la recherche, l’encadrement doctoral, l’évaluation, et les tâches administratives, courriels et réunions.

      Contexte

      La profession d’enseignant-chercheur (E.C.) fait l’objet d’idées reçues et d’une image fortement dégradée tant dans son investissement professionnel que dans son rapport au temps de travail. Cette représentation du temps de travail est d’ailleurs souvent moquée, voire caricaturée, depuis les assauts méprisants d’un président de la République N. Sarkozy en 2009 (“je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé”1 ).

      Depuis quelques semaines, le mouvement lié à la préparation de la LPRR a relancé le débat sur le temps de travail des enseignants-chercheurs, et de la légitimité de l’ajustement éventuel de celui-ci en dehors du cadre dit des “#192_heures” (la modulation de service). Celui-ci est cadré autour du seuil de 192h Eq. TD d’enseignement, organisé en théorie comme un équilibre entre le temps d’enseignement et le temps de recherche, fixé par le décret de 1984, modifié par l’arrêté de 2009, qui se base sur un ratio de 4,2h travaillées pour 192h d’enseignement (préparation, corrections, activités annexes de l’enseignement, mise en ligne, formation, lectures afférantes…), soit #1607_heures de travail effectif théorique :

      “Le temps de travail pris en compte pour déterminer des équivalences horaires est le temps de travail applicable dans la fonction publique d’Etat, soit 1 607 heures de travail effectif. Il est composé pour moitié d’une activité d’enseignement correspondant à 128 heures de cours magistral ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques et pour moitié d’une activité de recherche”2.

      Métiers, #fragmentation, #invisibilité du temps de travail

      Dans l’activité quoditienne, ces deux activités, recherche et enseignement, ne sont pas nécessairement en compétition l’une avec l’autre, l’enseignement faisant partie des moments de constrution de la pensée et de production de savoirs nouveaux (Bodin 2018). Ce référentiel sert de base à des compensations horaires (décharges) pour une série d’activité annexes et administratives : ce sont ces dernières qui mettent sous contraintes les missions premières des E.C.

      Dans une certaine mesure, on peut considérer comme impossible voire absurde de mesurer le temps de travail d’un E.C., en tout cas le temps d’enseignement et de recherche du fait de la nature intellectuelle du métier et du caractère non mesurable et non objectivable de sa production3. Mais nos établissements surveillent très précisémment chaque heure de TD faite, seul référentiel objectivable en l’état, alors que personne ne maîtrise ce temps de travail, dépendant de nombreux interlocteurs, institutions, injonctions, sans aucune vision générale de la charge de travail. Au prix de remarques lorsque l’on demande à rectifier une erreur de quelques heures dans notre service d’enseignement, comme s’il était incongru ou illégitime de prêter attention à son temps de travail effectif. En balance, la vocation d’une part (“vous êtes privilégiés de faire ce métier”) ; l’obligation faite aux employeurs d’autre part que la charge de travail d’un salarié demeure dans les limites de l’acceptable.

      Depuis 2009 et le mouvement social massif de notre profession contre la réforme des statuts dans le cadre de la loi LRU (loi sur l’autonomie des universités de 2007), contre la réforme de la formation des enseignants, et contre le démantèlement de la recherche publique, le diagnostic est connu : temps professionnel trop contraint par les tâches gestionnaires, une tendance à la parcellisation et la fragmentation des tâches, une multiplication des tâches invisibles et extrêmement chronophages. Cette évolution a partie liée avec la diversification des missions de l’université et à leur autonomie, se traduisant par des pressions temporelles, un éclatement des fonctions, et une évolution des métiers des enseignants-chercheurs dans un cadre institutionnel de plus en plus complexe. Le rapport entre temps officiel et disponibilité (Lanciano-Morandat 2013) est très variable selon les institutions, les stades et stratégies de carrière, l’engagement professionnel, mais globalement, comme l’indiquent Gastaldi (2017), les principaux facteurs de pression trouvent leur origine dans les dispositifs d’évaluation constants (publications, HCERES, ANR, suivi de carrière, promotions, etc…) ; la mise sous tension des moyens dans la systématisation des financements sur projets et pour certains leur individualisation (Labex, ANR, ERC, IUF…) ; la managérialisation de l’ESR, avec une forte bureaucratisation (budgets, équipes, “reporting”, contrôle par les outils informations tels qu’Apogée) (Gastaldi 2017). Une enquête de Bodin (2018) mettait en évidence que les fonctions d’enseignement, de recherche et les charges administratives sont à la fois complémentaires et en concurrence, sans qu’aucune ne puisse être qualifiée de marginale dans l’activité. Selon cette enquête, les E.C. exercent trois métiers : 55% des EC enquêtés consacrent 2 jours et plus à l’enseignement, 38% à la recherche, 43% à l’administration. Un temps qui déborde très largement sur le soir et le week-end : 79% des EC travaillent après 22h, 97% le week-end et les jours de congés (Bodin 2018). Dans le cadre de la LPPR (loi de programmation pluri-annuelle de la recherche), une partie du débat s’oriente sur le temps de recherche. Ce diagnostic est clairement établi par la Concertation individuelle sur la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche conduite par un collectif de 23 sociétés savantes (France 2019), qui précise notamment la priorité d’une action globale destinée à restaurer du temps de recherche :

      Redonner du temps de recherche aux chercheurs et enseignant.e.s-chercheurs.

      Abaisser le service annuel d’enseignement statutaire des EC de 192h à 150h équivalent Travaux Dirigés, le service actuel étant très largement supérieur aux pratiques internationales. Alléger les services d’enseignement des EC nouvellement recrutés (au-delà des 32 heures de décharge actuelles) et recruter un nombre plus élevé de chercheurs et EC permanent.e.s pour assurer aux étudiants un taux d’encadrement supérieur tout en limitant le recours excessif aux vacataires.
      Augmenter le nombre de congés sabbatiques réguliers, comme cela se pratique dans les autres pays, et les possibilités de délégation temporaire des EC vers les grands organismes.
      Limiter le gaspillage de ressources et le temps de recherche perdu à écrire des projets finalement non financés en renforçant conjointement le financement sur dotation des laboratoires et le taux de succès des appels à projets.
      Renforcer le soutien technique et administratif aux chercheurs par recrutement d’ITAs/BIATSS4

      Pour autant, cette dimension du temps de travail est peu présente dans le débat qui se structure autour de la LPPR. Ainsi, le volet emploi et carrières du rapport préliminaire à la LPPR (Berta 2019) focalise le diagnostic sur les questions de la rémunération, de l’érosion de l’emploi scientifique pérenne et les incidences sur la précarisation des statuts, et des conditions défavorables d’entrée dans la carrière. La faiblesse en terme de gestion des ressources humaines semble être pointée, les recommandations visant à faciliter la mobilité et renforcer l’évaluation. Sur le rapport à l’organisation du temps de travail, les recommandations y font implicitement référence, en particulier sur les questions de rémunération, la revalorisation étant envisagée via des régimes indemnitaires “tenant compte notamment de leur engagement dans leurs différentes missions”. En filigrane donc, les travaux en vue de la LPRR recommandent de mettre la pression sur deux secteurs qui actuellement contribuent très largement à la fragmentation des tâches et des missions : l’évaluation et la “course aux primes”, tels que cela s’opère par exemple dans le cadre de la PEDR. Dans ce contexte, le silence demeure assourdissant sur l’ensemble des tâches administratives et quotidiennes complètement invisibilisées (Lecuppre-Desjardin 2020).
      Comment construire une position réflexive ?

      L’objectif de cette contribution est de livrer les résultats d’une analyse du temps de travail sur une année entière, à travers quelques méthodes statistiques simples destinées à mettre en forme un agenda dont le contenu s’apparente à des textes et informations non structurées (fouille de données et analyse textuelle), en suivant deux motivations principales.

      D’une part, il s’agit de documenter. Lors du dernier mandat passé au CNU, Conseil National des Universités5, l’augmentation de la charge d’évaluation des dossiers individuels, en particulier pour les promotions, PEDR et suivi de carrière, donnait très largement à voir des dossiers de collègues dont les situations d’implication, de dévouement, mais aussi de sur-travail chronique voire de surmenage étaient évidentes. De ces travaux d’évaluation individuelle des carrières, je retiens la multiplicité, la fragmentation des tâches, mais aussi l’invisibilisation d’une partie du travail administratif ou d’évaluation (non ou peu reconnu), quand ce n’est pas évidemment la course après les injonctions contradictoires d’excellence, d’augmentation des effectifs, et la lutte quotidienne contre des moyens humains pérennes en contraction, dans tous les départements de géographie. Les parcours sont d’une grande diversité, très contingents aux ancrages locaux pour certains, aux dimensions internationales pour d’autres, subissent des évolutions de carrières très inégales selon les statuts, les conditions d’entrée dans la carrière, et évidemment le genre. Dans ce cadre, l’exercice est frappant du nombre de collègues qui cherchent soutien et attention auprès du CNU, témoignant de leur situation. Ainsi, confronté à des dossiers d’évaluation où l’on est invité à présenter ses réussites, où l’on devine aussi les échecs et les situations de détresse, je souhaite présenter une situation de rapport au travail qui me paraît sinon insatisfaisante, assurément dangereuse à terme.

      D’autre part, il s’agit d’analyser les pratiques, notamment dans un cadre d’injonctions contradictoires, de contraintes, concurrences et complémentarités entre les tâches d’enseignement et de recherche (Gastaldi 2017 ; Bodin 2018 ; Le Blanc 2019). Alors que je me portais candidat pour moi-même bénéficier du privilège d’une décharge dans le cadre d’un dispositif individuel, l’IUF, il m’a semblé nécessaire d’objectiver cette situation relative au temps de travail. D’une part pour tenir bon dans les débats sur la nature des tâches que nous avons à exécuter, sur la bureaucratisation de l’université soumise aux normes du new public management, sur les effets de la multiplications des structures au sein desquelles nous évoluons (UFR, UMR, Ecole doctorale, Labex, IDEX…). D’autre part, j’ai fait cet exercice pour ma propre information, après avoir subi, déjà, deux situations dites de burn out, dont une suivie d’une hospitalisation. Ce point me paraît important, car l’exercice auquel je me suis attelé visait, avant tout, à m’aider à définir les seuils, les priorités, et ce à quoi il faudrait renoncer dans une tentative d’un retour progressif à une situation tenable. Je fais cet exercice, totalement idiosyncratique, et donc très contingent, non seulement à des fins de discussion, mais comme un point réflexif sur mes propres pratiques d’implication dans le métier. L’absence de référent sur ce point dans mon établissement, du désintérêt des services RH sur ces questions, sans même parler de médecine du travail, inexistante (je ne l’ai jamais rencontrée depuis mon recrutement en 2004), sont des facteurs aggravants : tous ces éléments ont contribué à ma motivation pour l’expérience que j’ai tenté de mener à bien de mesure de mon temps de travail.
      Données et méthodologie

      La méthode adoptée vise à dresser un bilan, sur une année, du 1/11/2018 jusqu’au 31/10/2019 : j’ai noté dans mon agenda Google tout ce que je faisais : cours, écriture d’article, conférence, tâches administratives, courriels, jurys, évaluations, précisant au maximum avec des mots clés, tatonnant aussi un peu dans l’exercice de description, tentant d’être le plus rigoureux chaque jour dans les horaires, et les contenus des tâches. Ces données, exportées au format CSV, décrivent 1430 tâches uniques, leurs jours, horaires et durée. Elles ont été rassemblées dans une base de données que j’ai exploitée ensuite, en procédant à des analyses de nombre d’occurrences des mots-clés, en limitant l’analyse aux 100 mots-clés les plus fréquents. Les tâches correspondant à des erreurs de codage, les colloques ou déplacement notés sur plusieurs jours, ainsi que d’éventuelles traces d’activités non professionnelles ont été éliminées, grace à l’analyse textuelle sur les mots clés et leurs occurrences. Les outils utilisés, sous R, relèvent de l’analyse textuelle (package quanteda) et de l’analyse multivariée (FactoMineR) afin de classifier les principales catégories d’activité en fonction des corrélations entre les occurrences d’activités et de tâches. Je ne livre ici que quelques analyses descriptives.
      Résultats

      En fonction des tâches quotidiennes, notées systématiquement pendant un an dans mon agenda électronique, le temps de travail annuel est estimé à 2321.5 heures, soit 290 jours temps plein à 8h/jour. Ce total est à comparer au référentiel de 1607h réglementaires, qui n’a évidemment qu’une valeur indicative. Rappelons dans ce décompte qu’une année est composée de 261 jours de semaines, et de 104 jours de week-end. Les périodes sans activités et congés sont permises par un report des activités sur les nuits, et elle débordent évidemment très largement sur les week-ends, de l’ordre de 335 h/an, soit 42 jours pleins (il y a 52 week-ends dans l’année, peu ne sont donc pas travaillés), au détriment de l’équilibre personnel et familial, et évidemment de la santé. Sans compensation, ni heures complémentaires.
      Les grandes catégories de l’activité

      A l’issue d’une analyse factorielle et d’une classification (Figure 1), l’analyse des tâches, triées par mots-clés (analyses lexicales sur l’agenda électronique) met en évidence plusieurs pôles très clairement identifiables dans les activités quotidiennes, synthétisées dans le Tableau 1 :

      D’une part l’activité d’enseignement (les 192h équiv. TD) représente avec l’ensemble des tâches afférantes de préparation, de suivi des étudiants, de l’ordre de 387 heures. C’est une activité comprimée par les autres tâches, dans un cadre où de nombreux cours font l’objet d’une préparation relativement rapide. Une décharge d’enseignement vient comme un soulagement, alors que cela n’affecte qu’une partie déjà bien réduite de l’ensemble des activités. Cette actitivé était légèrement réduite par rapport aux années précédentes : pas de nouveaux cours, et surtout pas de préparation de CAPES en 2018-19, des enseignements lourds nécessitant la préparation de nouveaux cours sur programme auxquels j’ai participé systématiquement depuis le début de ma carrière.
      Cette activité d’enseignement est complétée par celle de corrections de copies, très nettement séparée dans le temps (soirées, week-ends, vacances), et dans l’espace, puisqu’elle se fait rarement sur le lieu principal de travail : de l’ordre de 95h au total en 2018-19. L’enseignement et les corrections représentent 21% du temps de travail total, loin des 50% théoriques.
      D’autre part, l’activité de recherche correspond à environ 644h, soit 27% du temps, comportant la réponse aux appels d’offre pour chercher des financements (en l’occurrence auprès de l’ANR et du programme européen ESPON), la direction et coordination de projet, les analyses de données, le recueil de sources, l’écriture, les publications, le suivi des conventions. Cette activité constitue une priorité, que j’ai pu maintenir et protéger, sur les soirées, les week-ends, les périodes d’interruption de cours, grâce notamment à la sanctuarisation des périodes de terrain aménagées pendant les “vacances” de printemps.
      Séparé du précédent, l’encadrement et le suivi des thèses, comportant de nombreux rendez-vous, suivi de rédaction, préparation des soutenances, coachings variés (stratégie de publications, préparation du CNU et de la campagne de recrutement, soutien moral, etc.), rédaction des lettres de recommandation quand arrive la période des recrutements CDD pour les jeunes docteurs. Ces éléments constistuent un champ fondamental de l’activité de directeur de recherche, qui représente de l’ordre de 377h (16%). Un champ particulièrement intense avec trois soutenances, donc relectures et corrections de thèses, dans l’année 2019.
      Un temps considérable correspond aux activités d’évaluation, à plusieurs niveaux : évaluations individuelles (CNU, qualifications, promotions, primes, suivi de carrière), évaluations d’articles et de projets de recherche pour diverses agences en France et à l’étranger, évaluations HCERES, et par ailleurs la préparation des soutenances, la préparation des pré-rapports ou rapports, la participation à des jurys de thèse et HDR (environ 3 à 5 par ans). Ce sont pour l’essentiel des heures de travail invisibles, le plus souvent dans des commissions ou des jurys qui nécessitent des déplacements en dehors de l’établissement, et soumises à des délais courts et une forte pression temporelle. La plupart de ces actes sont exercés à titre gratuit, pas ou peu indemnisées, ou en dessous du SMIC horaire quand elles le sont (CNU et HCERES en particulier), alors qu’il s’agit très clairement d’activités qui débordent du temps de travail légal et de l’activité principale : 307 h (13%) en 2018-19.
      Les heures liées aux tâches ancillaires, relatives à l’administration, les mails, les réunions (diverses) et de présence dans les instances et conseils (conseil scientifique d’UFR, conseil facultaire, etc…). Une partie de cette activité est liée, de fait, à la direction d’unité CNRS ou aux fonctions de direction (master), et représentent 509h (22%). L’essentiel de ces tâches administratives reposant sur des échanges de mails et de documents, voire sur des “applications métiers” ou sites intranet dédiés, quand il s’agit d’opérer le recrutement des ATER, lors des comités de sélection pour le recrutement des collègues, ou dans le suivi des actes de gestion d’une unité CNRS (promotion et suivi de carrière de personnels de l’unité, par exemple).. A noter que la décharge de direction d’unité, compensant ces fonctions, est de 24h annuelle, celle de directeur de master 16h. Sans autre commentaire. Si le traitement statistique regroupe les tâches admnistrative, les courriels et les réunions, c’est que celles-ci sont bien souvent associées dans les temps et les lieux : de nombreux tableaux Excel à remplir, de reporting sur les horaires et maquettes, de tableaux de soutenabilité de master, de rapports annuel d’une unité, d’analyse des dossiers de candidatures pour les master. Et puis, il revient à l’honnêteté intellectuelle de dire que compte-tenu du caractère débordant du temps de travail, de nombreux mails sont faits pendant les réunions, même s’il est évident que cela nuit à l’efficacité d’ensemble.

      Le profil de l’activité

      La Figure 2 fait une synthèse de la distribution quotidienne et horaire de l’activité. Parmi les faits saillants, cette figure met en évidence la fragmentation temporelle, et le débordement systématique des horaires de travail sur le début de matinée (dès 6h30…), la soirée (après 22h), parfois la nuit, avec de très longues journées. Les deadlines à respecter, notamment pour le financement, imposant évidemment de pouvoir dégager du temps continu d’investissement (par exemple, la nuit mi-mars correspond au dépôt d’une ANR). Les congés, à l’exception d’une période relative de vacances l’été, sont systématiquement occupés, en particulier par les corrections et la recherche, dont on voit qu’elle s’intercale en fait dans des périodes intenses, mais finalement ponctuelles, notamment autour de la Toussaint et après le 15 mai. Si l’activité ralentit bien après le 15/7, la trêve reste interrompue par de l’administratif, des mails, et surtout du suivi doctoral, afin de préparer les dépôts de thèse de début septembre.

      Conclusion

      Cet exercice individuel montre des tendances bien identifiées et bien connues sur l’amplitude horaire, le débordement généralisé, et la fragmentation du temps de travail. Ce “temps de travail” ne décompte par ailleurs que les tâches balisées : pas de pause, pas de discussion ici sur les sandwiches pris devant l’ordinateur le midi, pas de discussions de couloir avec les collègues, pas de “réunion debout”. Ces éléments sont dans les blancs de la Figure , tout comme le temps de repos. De même, alors que l’activité se déploie sur trois sites à Paris en fonction des lieux d’enseignement et de recherche (dans les 5e et 13e arrondissements, ainsi que depuis septembre à Aubervilliers, nouveau campus Condorcet), de nombreux déplacements en transports en commun ponctuent les journées, de même que plusieurs déplacements à l’étranger, pour lesquels le temps de déplacement n’est pas vraiment pris en compte ici.

      Au-delà de ces constats, il faut insister sur la diversité des interlocuteurs et des institutions que chacune de ces tâches implique, chacune avec ses temporalités propres. Si l’enseignement relève essentiellement de l’université, c’est-à-dire l’employeur principal, il s’agit de la seule activité que voient et constatent effectivement les services de mon établissement et mon UFR. L’activité de recherche répond à de multiples institutions, de multiples contraintes réglementaires et contractuelles : le CNRS en premier lieu (tutelle de l’unité), un Labex (Investissements d’Avenir), un Idex, des grands projets (Campus Condorcet), des agences de financement (ANR), des commanditaires (Société du Grand Paris, ESPON, par exemple). S’agissant de l’encadrement doctoral, il s’agit d’une Ecole doctorale, relevant de l’établissement. L’activité d’évaluation est probablement celle qui s’opère dans le cadre insitutionnel le plus fragmenté : HCERES, ANR, revues, éditeurs, écoles doctorales de chaque établissement pour lesquels on établit des rapports, et des acteurs étrangers (revues et agences de recherche) qui nous sollicitent également pour l’évaluation de projets et travaux. Chacun de ces acteurs impose ses temporalités, ses normes, ses contraintes. L’activité administrative, de courriel et de réunion chapeaute le tout, et dans une certaine mesure fait tenir l’échaffaudage : il s’agit à la fois d’une activité subie au sein de chacun de ces périmètres institutionnels (réunions, réponses à des injonctions), mais également un temps important consacré à la coordination et la mise en cohérence dans un temps contraint des requêtes de ces acteurs variés.

      En espérant que cet exercice, de l’ordre de 3 minutes par jour de saisie de l’information, puisse engager d’autres collègues à tenter de suivre leur activité, afin que collectivement nous puissions mieux objectiver le travail invisibilisé (évaluations, commissions variées, travail administratif, interactions électroniques), qui représente au final une partie essentielle d’un temps professionnel très fragmenté et étalé (il faut bien manger, dormir, sortir encore un peu, voir ses enfants, dans les interstices), au détriment évidemment des missions de service public d’enseignement et de recherche.

      https://academia.hypotheses.org/20672

    • À quoi servira la LPPR ? L’exemple des recrutements

      Texte de la conférence donnée à l’occasion de la réunion d’information « La LPPR, vrai problème ou fausse alerte ? » 6 mars 2020, Paris, centre Panthéon, UMR8103, salle 6 Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne,

      -- I.—

      Il existe aujourd’hui une certaine confusion quant au rôle exact que jouera la LPPR dans le phénomène de précarisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette confusion est d’abord et avant tout la conséquence du refus de la ministre de l’ESRI de dévoiler l’avant-projet de loi – un refus désastreux pour le ministère et problématique pour la mobilisation :

      désastreux pour le ministère, d’abord, car il témoigne de façon particulièrement spectaculaire de la dégradation générale des relations entretenues avec la communauté universitaire ;
      problématique pour la mobilisation, ensuite, en ce qu’il entraîne une focalisation excessive des critiques sur les trois rapports dits « des groupes de travail » (les rapports remis au Premier ministre le 23 sept. 2019), faute d’autre texte à discuter.

      Bien sûr, la lecture des trois rapports est éclairante, ne serait-ce que parce qu’ils dévoilent le décalage considérable qui existe aujourd’hui entre, d’un côté, les orientations que veulent donner à l’ESR quelques individus occupant des fonctions de premier ordre dans ce secteur et, de l’autre côté, les aspirations d’une part importante de la communauté universitaire.

      Pour autant, il faut bien reconnaître que la ministre a raison de rappeler, comme elle l’a fait à maintes reprises, que ces rapports, indiscutablement, « ce ne sont que des rapports » (Frédérique Vidal, séminaire des nouveaux directeurs et directrices d’unité, CNRS / CPU, 4 février 2020). D’une certaine façon, se concentrer sur ces documents pour critiquer la LPPR, c’est alimenter encore davantage le discours – très prégnant chez toute une partie des collègues, et en particulier dans les facultés de droit – selon lequel il est inutile de se mobiliser contre un projet de loi qui nous est encore inconnu. Or, précisément, s’il faudrait sans doute moins se focaliser sur les trois rapports, c’est parce qu’on en sait aujourd’hui davantage sur le contenu de l’avant-projet de LPPR, en particulier parce que la ministre en a distillé plusieurs éléments lors de sorties récentes.

      On sait désormais, par exemple, que, quand bien même cette loi ne serait qu’une loi « de budget et non une loi « de structure » (pour reprendre l’opposition employée par la ministre), une telle distinction est trompeuse : la mise en place des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens — un outil bien connu des juristes de droit public — et le jeu sur le montant forfaitaire du préciput de l’ANR — pour citer deux instruments que la ministre a présentés devant la Conférence des présidents d’université comme figurant dans la réforme — auront des conséquences structurelles tout à fait considérables sur le service public de l’ESR.

      Je ne m’attarde pas sur ce premier point, qui, s’il est crucial, n’est pas l’objet de mon propos. Ce sur quoi j’aimerais m’attarder, en revanche, c’est sur la question des recrutements (le fameux « assouplissement des modes de recrutement » évoqué par le président de la République lors de la cérémonie des 80 ans du CNRS, le 26 novembre 2019). C’est peut-être en ce domaine, en effet, que l’on observe le décalage le plus important entre ce que l’on sait désormais plus ou moins du contenu de l’avant-projet de loi et les critiques qui lui sont adressées dans le cadre des mobilisations. Le discours un peu fantasmé qui accompagne, chez certains collègues mobilisés, la publication du décret du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique, une des mesures d’application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, est à cet égard caractéristique : s’il est presque certain que les contrats de projet seront massivement employés dans les universités à l’avenir, si, donc, il est très important de s’intéresser à ces nouveaux contrats, il est faux, en revanche, de répandre l’idée qu’avec ce décret, le gouvernement utiliserait la voie réglementaire pour faire discrètement passer certaines des mesures prévues dans la LPPR.

      Prétendre cela, c’est ramener à nos seules préoccupations d’universitaires un débat qui, malheureusement, va très au-delà — il concerne aussi bien la fonction publique d’État que la FP territoriale et la FP hospitalière — et à propos duquel les syndicats se sont battus becs et ongles pendant des mois, avant comme après l’adoption de la loi du 6 août 2019. Bien sûr, il faut être prudent lorsque l’on tient ce genre de discours, car un angle mort gigantesque persiste dans tous les cas : on ne sait pas ce qui, dans la LPPR, fera l’objet d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance1.

      Ceci dit, s’agissant des recrutements, on a tout de même eu la confirmation de deux choses à présent, parce que la ministre les a évoqués à plusieurs reprises ces dernières semaines, dans ses prises de parole publiques : deux contrats nouveaux au moins2 devraient bien être créés par la voie de la LPPR : les « CDI de mission scientifique », d’une part ; les contrats de « professeurs junior », d’autre part. Ces deux contrats sont éminemment problématiques pour différentes raisons. Et, à première vue, on a du mal comprendre comment, avec de telles mesures, la ministre s’autorise à présenter la LPPR comme une simple loi « de budget ». Une première interprétation pourrait être de soutenir qu’il s’agit, de sa part, d’un mensonge éhonté. Une autre interprétation — qui est celle vers laquelle je tends — consiste à considérer que la ministre a une connaissance si précise du cadre juridique des recrutements dans l’ESR qu’à ses yeux, il est tout à fait évident que ces deux contrats ne sont pas le cheval de Troie de la précarité dans l’ESR, mais de simples mesures de technique juridique, destinées à régler deux points de droit bien spécifiques, pour lesquels, effectivement, il n’est pas possible d’en passer par autre chose qu’une loi.

      Il faut prendre au sérieux, à cet égard, les propos tenus par la ministre lors des journées SHS organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février 2020, lorsqu’elle expliqua que, s’agissant des règles juridiques de recrutement, la LPPR n’interviendrait qu’à la marge, c’est-à-dire exclusivement pour « faire sauter les verrous législatifs » – au sens de « verrous » que seule une loi, précisément, a la compétence de faire sauter3. Autrement dit, c’est d’une vraie tournure d’esprit dont il faut s’imprégner si l’on veut que nos critiques de la LPPR fassent mouche : la ministre sait mieux que quiconque que le cadre juridique actuel permet d’ores et déjà de mener à bien la plupart des orientations préconisées par les rapports des groupes de travail en matière d’emplois, comme je vais essayer de le montrer plus loin.

      De ce fait, la présence, dans la LPPR, des CDI de mission scientifique et des contrats de professeurs junior ne marque pas tant la réorientation profonde du cadre juridique du recrutement dans l’ESR qu’elle ne témoigne, malheureusement, de ce que l’on en est déjà aux ultimes mesures d’adaptation — ce qui, je le précise pour qu’il n’y ait aucune confusion sur ce point, rend encore plus cruciale la mobilisation actuelle, en forme d’ultime-bataille-jusqu’à-la-prochaine… Si les CDI de mission scientifique et les contrats de professeurs junior figurent dans la LPPR, donc, c’est parce que deux contraintes législatives bien spécifiques doivent être levées :

      Le « CDI de mission scientifique » a pour objet de contourner la règle de la transformation obligatoire en CDI des relations contractuelles d’une durée supérieure à six ans – une règle qui, il faut le rappeler, n’a été introduite en France en 2005 que parce qu’il s’agissait d’une obligation européenne (directive du 28 juin 1999). Dans la lignée du « CDI de chantier ou d’opération » d’ores et déjà applicable « dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique » depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 (cf. art. L. 431-4 du code de la recherche et décret du 4 octobre 2019 fixant la liste des établissements et fondations concernés : CEA, IFREMER, CNES, Institut Pasteur, Institut Curie, etc.), l’objectif n’est rien d’autre, autrement dit, que de créer un CDI — un CDI aux conditions de rupture particulièrement souples — permettant d’éviter d’avoir à cédéiser.
      Le « contrat de professeur junior », quant à lui, n’a pas seulement pour objet, comme le dit la ministre (séminaire des nouveaux directeurs et directrices d’unité, CNRS / CPU, 4 février 2020), de permettre le « recrutement de scientifiques sur une première période de 5 à 6 ans, en prévoyant des moyens d’environnement spécifiques », car s’il ne s’agissait que de cela, la LPPR serait parfaitement inutile (ce genre de contrat est déjà possible en droit public français). Si la LPPR intègre ces nouveaux contrats, c’est très précisément parce que l’objectif est de créer une « track » vers la « tenure », c’est-à-dire une procédure dérogatoire de titularisation en droit de la fonction publique, par la reconnaissance d’un privilège d’accès aux corps de maître de conférences et de professeur dans un établissement déterminé, et ce hors des voies d’accès normal à ces corps. Et cela, seule une loi, techniquement, peut le faire.

      J’en arrive donc au point principal de mon intervention : en dehors de ces deux « adaptations » qui nécessitent une loi — en l’occurrence : la LPPR — le cadre juridique de l’enseignement supérieur permet d’ores et déjà de recruter massivement par la voie contractuelle — et, grâce à cette voie, d’organiser, pour ce qui concerne spécifiquement les enseignants-chercheurs qui nous succéderont, le contournement de la procédure de qualification nationale, la modulation des tâches et en particulier des services d’enseignements, ou encore la variation des rémunérations. Autant de points qui sont précisément ceux contre lesquels nous nous mobilisons actuellement, mais qui — il est important d’en avoir conscience — ne seront donc pas introduits par la LPPR, puisqu’ils sont déjà là. C’est cela que je voudrais essayer de rappeler à présent.

      -- II.—

      Premier rappel : le recrutement contractuel illimité organisé par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

      La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a ouvert la possibilité d’un recrutement illimité (c’est-à-dire non plafonné) par la voie contractuelle dans les établissements publics de l’État, y compris dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP : les universités). De ce point de vue, cette loi franchit un seuil juridique : dans les établissements publics de l’État, le recours à des agents contractuels ou à des fonctionnaires devient indifférent, alors que jusqu’ici, l’occupation des emplois répondant à des besoins permanents par des fonctionnaires était le principe, et le recours aux agents contractuels, l’exception (et ce, quand bien même, depuis une vingtaine d’années, le champ de cette exception avait progressivement été étendu). Un point n’a pas suffisamment été signalé, à cet égard : le projet de loi de transformation de la fonction publique excluait initialement de la nouvelle règle « les emplois pourvus par les personnels de la recherche »4.

      Le champ exact d’une telle exclusion n’était pas tout à fait évident, mais on pouvait raisonnablement défendre que cette exclusion avait vocation à maintenir le principe du recours aux fonctionnaires pour les recrutements au CNRS ou à l’IRD, par exemple, mais aussi pour le recrutement des enseignants-chercheurs dans les universités. Aux derniers instants des débats du projet de loi5, cependant, l’exclusion des « emplois pourvus par les personnels de la recherche » fut reformulée in extremis : avec cette reformulation, la loi ne dit plus que les « emplois pourvus par les personnels de la recherche » sont exclus de la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires dans les établissements publics de l’État, mais que la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires s’applique « sous réserve des dispositions du code de la recherche pour les agents publics qui y sont soumis ».

      Cette reformulation apparemment anodine — sur l’origine de laquelle le rapport de la commission mixte paritaire ne s’explique pas, et à propos de laquelle on ne sait rien, si ce n’est qu’à l’évidence, elle a été initiée par un parlementaire bien informé des problématiques de l’enseignement supérieur et de la recherche — a deux conséquences importantes, qui, en réalité, ruinent le principe même de l’exclusion :

      La première conséquence est que les enseignants-chercheurs se trouvent exclus de l’exclusion (ils se trouvent, par voie de conséquence, inclus dans la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires), dans la mesure où, s’ils pouvaient éventuellement être considérés comme entrant dans le champ de la qualification de « personnel de recherche » (du fait de leur obligation statutaire de recherche), il est incontestable qu’ils sont soumis aux dispositions du code de l’éducation, et non à celles du code de la recherche.
      La seconde conséquence, plus sournoise, est que les agents des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST – différents des universités, qui sont des EPSCP), et en particulier les agents du CNRS, ne peuvent vraisemblablement plus, eux non plus, être considérés comme exclus de la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires.
      La nouvelle formule (« sous réserve des dispositions du code de la recherche pour les agents publics qui y sont soumis ») permet en effet de renvoyer à un article bien spécifique du code de la recherche, l’article L. 431-2-1, qui autorise, lui, le recours illimité à des agents contractuels dans les EPST « pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A, B ou C » et « pour assurer des fonctions de recherche ». Sur le fondement de la loi du 6 août 2019, les universités qui le souhaitent peuvent donc recruter massivement par la voie contractuelle, quelles que soient les fonctions exercées.

      Dès lors que le recrutement de fonctionnaires n’est plus le principe et le recrutement de contractuels, l’exception, le choix a été fait de n’instituer aucun garde-fou juridique — et en particulier aucun plafonnement — de sorte qu’en réalité, les seules limites au recours aux contrats qui demeurent sont, premièrement, le nombre minimal de fonctionnaires dont la présence est obligatoire pour faire fonctionner les organes statutaires des établissements et, deuxièmement, la bonne volonté des universités et du ministère. Ce qui, chacun en conviendra, est bien peu.

      Il est, de ce fait, très vraisemblable que l’augmentation du nombre de personnels des universités soumis au régime contractuel va s’accentuer, et c’est la raison pour laquelle il est crucial de porter une attention soutenue aux conditions juridiques dans lesquelles ces contrats vont être mis en place : cf. les nouvelles règles du décret du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels, qui entre en vigueur au 1er janvier 2020, et celles du décret du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique, qui entre en vigueur au 29 février 2020. Il n’est pas anodin, à ce propos, que les huit présidents d’université auteurs de la tribune « La France a besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche », publiée dans Le Monde le 4 mars 2020, évoquent d’ores et déjà le contrat de projet, en vigueur depuis quatre jours seulement, à la date de la tribune… et suggèrent une utilisation très large de celui-ci

      « Assurer par les contrats de projet le financement de doctorants, de post-doctorants, de techniciens ou d’ingénieurs sur la durée d’un contrat de recherche » (Le Monde, 4 mars 2020).

      -- III.—

      Deuxième rappel : le recrutement contractuel illimité organisé par la loi du 10 août 2017 relative aux libertés et responsabilités des universités

      Il convient, par ailleurs, de ne pas perdre de vue qu’indépendamment des modifications introduites par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, la libéralisation des recrutements par voie contractuelle a d’ores et déjà été rendue possible dans les universités il y a une douzaine d’années, par l’entremise d’un texte spécifique aux universités, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités

      « La possibilité offerte aux universités de recruter des contractuels est l’un des points les plus importants de ce texte », Benoît Apparu, rapporteur du projet de loi, Assemblée nationale, séance du 25 juillet 2007).

      L’article L. 954-3 du Code de l’Éducation autorise, en effet, les présidents d’universités à

      « recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels : 1° Pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A ; 2° Pour assurer […] des fonctions d’enseignement, de recherche ou d’enseignement et de recherche […] ».

      La question de ces CDI/CDD dits « contrats LRU » est bien connue : si, durant les débats parlementaires de 2007, ces contrats avaient été présentés comme destinés à contourner « par le haut » la grille des rémunérations de la fonction publique (et, par suite, à faire concurrence aux universités étrangères pour « attirer les talents »), chacun sait qu’ils ont, en réalité, constitué le support juridique grâce auquel les universités court-circuitent l’ouverture de postes de fonctionnaires titulaires, au profit de recrutements contractuels aux conditions économiques et sociales très dégradées.

      L’encadrement juridique de ces contrats est presque inexistant, en effet6 — tout au plus existe-t-il une obligation de recueillir l’avis d’un comité de sélection pour recruter des enseignants-chercheurs, des enseignants ou des chercheurs (art. L. 954-3, 2°), mais une très grande liberté a été laissée sur ce point7. À cet égard, un épisode un peu perdu de vue — mais particulièrement significatif du rôle très actif joué par le ministère de l’Enseignement supérieur dans la contractualisation des recrutements — mérite d’être rappelé.

      Lors des débats parlementaires consacrés aux « contrats LRU », en 2007, il avait été décidé que la proportion de ces contrats par université serait plafonnée, et c’est très exactement la raison pour laquelle, depuis lors, l’article L. 712-9 du Code de l’Éducation prévoit que le contrat pluriannuel d’établissement conclu par chaque université avec l’État doit

      « fixer le pourcentage maximum de cette masse salariale que l’établissement peut consacrer au recrutement des agents contractuels mentionnés à l’article L. 954-3 »8.

      Or, il apparaît que le ministère de l’Enseignement supérieur a fait en sorte de « déréguler » dans toute la mesure du possible ces contrats.

      Premièrement, la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) a fait le choix de ne jamais appliquer ce plafonnement pourtant prévu par la loi : aucun pourcentage maximum de la masse salariale consacrée au recrutement par la voie de « contrats LRU » n’a été fixé dans les contrats successivement conclus entre les universités et l’État depuis la fin des années 2000, au risque de l’illégalité et au point de susciter l’étonnement de la — pourtant timide — Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche9.
      Deuxièmement, comme le révèle ce même rapport de l’IGAENR (n°2016-036), la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère a fait le choix de soutenir l’interprétation la plus « dure », socialement parlant, de l’article L.954-3 du code de l’éducation, au point de s’opposer, sur ce point, à la direction générale des finances publiques du ministère en charge du budget : alors que la DGFP soutenait, d’une part, que l’introduction des « contrats LRU » par la loi de 2007 ne remettait pas en cause le principe, applicable jusqu’à la loi du 6 août 201910 selon lequel les besoins permanents des universités devaient être pourvus par les fonctionnaires titulaires, et d’autre part, que l’éventuel recours à des « contrats LRU » ne signifiait pas, pour autant, que les conditions contractuelles pouvaient être librement fixées par les universités11, la DGRH décida que les « contrats LRU » seraient des outils parfaitement autonomes par rapport aux autres textes de droit de la fonction publique, et en déduisit que les conseils d’administration des établissements et, à défaut, les présidents d’université seraient seuls compétents pour fixer les règles applicables aux agents recrutés par cette voie contractuelle.

      -- IV.—

      Conséquences en l’état actuel du droit, indépendamment de l’adoption ou non de la LPPR
      Il résulte donc de la loi du 10 août 2007 et de la loi du 6 août 2019 que les universités peuvent, s’agissant des postes répondant, pourtant, à des besoins permanents, recruter par la voie contractuelle sans aucun plafonnement. À ce stade, la seule limite juridique à ces recrutements — qui a déjà été évoquée plus haut — est le nombre minimal de fonctionnaires dont la présence est rendue obligatoire par le Code de l’Éducation pour faire fonctionner les organes statutaires des établissements12. C’est la raison pour laquelle il importe d’être aujourd’hui beaucoup plus précis dans la critique de la LPPR : le recours aux différents contrats existants offre d’immenses libertés de recrutement pour les besoins permanents des universités, permettant d’ores et déjà d’organiser, pour ce qui concerne les enseignants-chercheurs, le contournement de la procédure de qualification nationale, la modulation des services d’enseignement et les variations de rémunérations.

      En ce qui concerne les procédures de recrutement, d’abord : la procédure de qualification nationale peut aujourd’hui être largement contournée pour les recrutements dans les universités (de même, d’ailleurs, que les simples conditions de diplômes). Tout au plus faut-il respecter les conditions minimales des « contrats LRU » (loi de 2007), évoquées plus haut, et, dans les autres cas (loi de 2019), les nouvelles règles, elles aussi légères, du décret du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels (procédure identique pour les candidats à un même emploi permanent, publication préalable des modalités de la procédure de recrutement, entretien de recrutement d’au moins deux personnes, etc.).
      En ce qui concerne la nature des missions, ensuite : la fixation des missions relève du champ contractuel, de sorte que des tâches administratives diverses, et en nombre illimité, peuvent être confiées à un enseignant-chercheur recruté par voie contractuelle, tout comme les services d’enseignement peuvent faire l’objet de modulations à la hausse ou à la baisse5 (c’est déjà le cas, comme chacun sait, avec les « contrats LRU »°).
      En ce qui concerne les rémunérations, enfin : la fixation des rémunérations est marquée par une très grande souplesse, aussi bien pour les « contrats LRU » (loi de 2007) que pour les autres contrats (décret du 17 janvier 1986 qui pose la règle générale selon laquelle « le montant de la rémunération est fixé par l’autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l’agent ainsi que son expérience »).

      Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, dans leur récent rapport conjoint (« Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités », avril 2019) s’étonnent des scrupules des universités à recourir aux recrutements contractuels, et en particulier s’inquiètent du fait que « les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L. 954-3 du Code de l’Éducation » (contrats LRU). Dans ce rapport, la position est énoncée sans fard :

      « dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT [glissement-vieillesse-technicité] » (p. 27).

      Manière on ne peut plus claire de dire une conviction profondément ancrée dans l’esprit des inspecteurs : le recours aux recrutements contractuels devrait être une évidence pour les universités si celles-ci étaient de bonnes gestionnaires des deniers publics. Et c’est ce raisonnement très particulier qui permet aux inspecteurs d’affirmer sans rougir – car le plus rationnellement du monde — que

      « bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques », p. 3.)

      Ceci est, me semble-t-il, un point très important à garder en tête dans la mobilisation actuelle : les présidences d’universités recourent beaucoup moins qu’elles ne le pourraient aux recrutements contractuels, pour des raisons qui sont très variables selon les établissements. Autrement dit, si le cadre juridique est à peu près en place pour un recrutement massif par la voie contractuelle, c’est donc que tout se joue désormais au niveau des choix de chaque établissement dans les recrutements — à moins, bien sûr, de parvenir à changer le droit, ce qui devrait d’ailleurs être l’un de nos objectifs : proposer une autre loi sur la recherche.

      C’est très exactement la raison pour laquelle la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a estimé, lors des journées SHS organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février 2020, que « Les emplois, ce n’est pas mon travail » : les emplois, c’est le travail des universités — toute l’hypocrisie résidant dans le fait que le ministère s’évertue, en revanche, à orienter ce « travail », en contraignant les établissements à recruter bien davantage par la voie contractuelle. C’est la principale raison du chantage actuel à la non-compensation du « Glissement vieillesse technicité » par le ministère13. Et ce sera la principale conséquence des nouvelles voies d’allocation des moyens prévues par la LPPR, et c’est pour cette raison que, quand bien même elle ne ferait que distribuer de l’argent, cette loi réorientera structurellement l’ESR.

      -- V.—

      Face à ce phénomène de précarisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, il me semble que nous avons en tant qu’enseignants-chercheurs en droit, eu égard à notre objet de recherche, un rôle particulier à jouer : un rôle dans l’analyse des évolutions en cours et, donc, un rôle dans la contradiction à apporter à ce qui n’est jamais que le travail d’autres juristes14. Je ne pense pas, ici, aux réflexions qu’il nous faudrait avoir quant aux actions juridiques à mener pour contester ces évolutions — il est très clair, à cet égard, qu’il existe quelques faiblesses juridiques dans la mise en oeuvre des outils précédemment décrits, qui pourraient être exploitées —, mais simplement, déjà, à ce qui constitue le coeur de notre métier, à savoir la recherche en droit.

      De ce point de vue, une tâche importante à engager, me semble-t-il, serait de montrer que la contractualisation croissante des différentes fonctions dans les universités n’est pas seulement un problème de précarisation. C’est aussi un problème de précarisation — et quand bien même ce ne serait que cela, ce serait amplement suffisant pour se mobiliser — mais ce n’est pas que cela.

      J’enfonce une porte ouverte, mais il nous faut défendre fermement le point suivant : même si l’on ne proposait que des CDI à l’avenir dans les universités, le problème resterait entier, en ce sens que la contractualisation, même garantie dans sa stabilité par le recours exclusif au CDI, est un recul considérable par rapport à la situation statutaire. Non pas seulement un recul en termes de protection sociale, mais une perte en termes de liberté de la recherche. L’on ne rappelle pas suffisamment, en effet, que le problème des libertés universitaires ne se joue pas seulement au travers de l’affirmation de grands principes opposables devant les tribunaux, mais se joue d’abord et avant tout, et même principalement, au travers du statut. Le statut, autrement dit, est le premier des garde-fous des libertés universitaires, car il est celui grâce auquel on endigue en premier lieu la question hiérarchique et toutes les formes d’emprise.

      https://academia.hypotheses.org/20878

    • Quelques réponses aux questions fréquemment posées sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)

      Dans ce complément à notre billet sur le lien entre LPPR et réforme des retraites (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#Desenfumage), nous répondons aux questions qui nous ont été posées sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), ses initiateurs, son calendrier et les sommes en jeu à partir des informations dont nous disposons.

      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR

  • 2e Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)

    Suite du 1e fil sur le même sujet : https://seenthis.net/messages/820393

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    –------
    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • #Sciences-Po, modèle illusoire de l’Université de demain

      Un collectif de cet établissement s’inquiète du démantèlement de l’Etat social. Souvent cité en exemple pour défendre la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sciences-Po Paris bénéficie de financements qui n’empêchent pas la précarité de certains étudiants ou de jeunes chercheurs.

      Nous sommes, chercheu·rs·ses, personnels administratifs, technicien·ne·s, enseignant·e·s, doctorant·e·s, étudiant·e·s de Sciences-Po Paris, et nous nous opposons aux réformes de l’assurance chômage, des retraites et de la recherche portées par le gouvernement. Celles-ci accentuent la polarisation d’une société à deux vitesses et renforcent les incertitudes quant au futur de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Travailleu·rs·ses privilégié·e·s de ce secteur, nous partageons l’angoisse et la colère de nos collègues, desquel·le·s nous sommes solidaires.

      Le démantèlement de l’Etat social en cours depuis des années s’est accéléré avec la réforme de l’assurance chômage mise en œuvre le 1er novembre 2019. Celle-ci durcit les conditions d’accès au chômage en allongeant le temps travaillé requis pour l’ouverture de droits.

      Encore en débat, la réforme des retraites dessine quant à elle un horizon inquiétant tant par son contenu que par les incertitudes qu’elle soulève - calcul de la valeur du point, introduction ou non d’un âge pivot, évolution de l’âge d’équilibre. Elle augure une baisse généralisée des pensions, un allongement du temps de travail pour les personnes aux plus bas revenus, et un renforcement des inégalités existantes avant et après le départ à la retraite. Les enseignant·e·s de la maternelle à l’université, dont nous faisons partie, risquent notamment d’importantes baisses de leur pension (plus d’un tiers pour un·e professeur·e certifié·e).

      Au-delà de la destruction des mécanismes de solidarité et de la protection sociale, c’est également l’ambition de notre société à se penser et à former les générations futures qui est remise en cause. Nous partageons, avec les membres de l’ESR, le constat d’une université dégradée et d’un potentiel décrochage de la recherche française, mise à mal par plusieurs années de sous-financement et de réformes néolibérales au nom de l’internationalisation et de l’excellence. Au lieu de créations massives de postes de titulaires, les rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) prévoient la généralisation de contrats non statutaires qui retarderont inévitablement l’accès à un emploi stable pour les jeunes chercheu·rs·ses. Comment garantir la qualité de la recherche lorsque l’on dégrade les conditions de travail de celles et ceux qui la portent ?

      En outre, les rapports prévoient d’accentuer la place de l’évaluation dans le financement des institutions de recherche et l’évolution des carrières en faisant fi du jugement scientifique porté par les pairs. Ces évaluations bureaucratisées interfèrent avec le temps long nécessaire à la recherche et avec les impératifs de qualité et de probité de nos professions, en réduisant la recherche à une « performance » quantifiée à court terme. De telles mesures vont accentuer les logiques de compétition entre universités, laboratoires et travailleu·rs·ses de l’ESR, ainsi que la concentration des moyens dans quelques établissements privilégiés. Les orientations de la LPPR ne sont donc pas seulement inquiétantes pour les conditions de travail dans l’enseignement supérieur, mais pour l’existence même d’une recherche libre et critique. Celle-ci dépend de la coopération et de l’échange, de financements stables et pérennes, et d’une véritable indépendance scientifique. Les étudiant·s·es en seront parmi les premières victimes, en raison de la dévalorisation des tâches d’enseignement et de la faiblesse persistante des moyens qui leur sont consacrés.

      Aujourd’hui, notre établissement est cité en exemple par les chantres de la performance, de l’excellence et de la compétitivité. Vanter ce modèle, c’est oublier que l’« excellence » de Sciences-Po repose sur une concentration exceptionnelle de moyens, privés comme publics. Or, ces largesses de financement ne sont en aucun cas promises à l’ensemble de l’ESR dans les projets de réforme actuels. Du reste, en dépit d’un environnement privilégié, tou·s·tes les membres de notre institution ne bénéficient pas de conditions de travail pérennes et sereines. Certain·e·s étudiant·e·s et doctorant·e·s affrontent une grande précarité au quotidien, tandis que nos jeunes chercheu·rs·ses font l’expérience du parcours sinueux de la fin et de l’après-thèse - longues périodes de chômage, enchaînement de post-doc, vacations rémunérées en différé… Parmi nos enseignant·e·s, les professeur·e·s de langues vivantes et les jeunes docteur·e·s sans postes, vacataires en contrats courts, sont à la merci du non-renouvellement de leur engagement et connaissent une grande incertitude professionnelle. C’est également par solidarité avec ces membres de notre communauté académique que nous dénonçons les projets de réforme en cours, qui les affectent durement.

      Nous appelons donc à un retrait des réformes de l’assurance chômage et des retraites. Nous demandons un plan de création massif de postes permanents dans l’ESR, une revalorisation des salaires et des carrières, une amélioration des contrats doctoraux, et un investissement à la hauteur des engagements de la France en matière de recherche (3 % du PIB). Nous exigeons à ce titre la réorientation des sommes affectées au crédit d’impôt recherche (CIR), dispositif non évalué à l’efficacité plus que douteuse, vers la recherche scientifique. Des conditions de travail dignes dans l’ESR sont indispensables à l’existence d’une université accessible à tou·s·tes. La recherche fondamentale doit être libre et indépendante pour servir une société plus juste et capable de faire face aux enjeux contemporains.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/02/24/sciences-po-modele-illusoire-de-l-universite-de-demain_1779461
      #sciences_po

    • Lettre des doctorant•e•s et jeunes docteur•e•s des #ENSA

      Monsieur Franck Riester, Ministre de la Culture

      Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation

      Monsieur Philippe Barbat, Directeur Général du Patrimoine

      Madame Aurélie Cousi, la Directrice de l’Architecture

      La communauté des doctorant·e·s et docteur•e•s des Écoles Nationales Supérieures d’#Architecture et de Paysage (ENSA) souhaite exprimer ses inquiétudes à propos d’un ensemble d’évolutions majeures que subissent nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche depuis près de deux ans, et qui affecte fortement le parcours doctoral dispensé dans l’ensemble des ENSA de France.

      Depuis 2018, l’application du décret relatif aux ENSA1 a eu pour conséquence une augmentation de la #charge_de_travail des équipes (enseignant·e·s, chercheur·e·s, administratif·s) alors même qu’elles ont subi une baisse de #moyens significative. Ces changements se traduisent par de trop faibles efforts en termes de déprécarisation / conservation / création de postes et par une baisse des capacités d’encadrement dénoncées par les enseignant·e·s chercheur·e·s et les étudiant·e·s. Plus globalement, nous pointons avec l’ensemble des acteurs des ENSA une faiblesse structurelle historique de nos établissements d’enseignement supérieur ainsi, qu’un épuisement extrêmement problématique des équipes, comme l’a signalé dernièrement le collège des président·e·s des Conseils d’Administration des ENSA2. Cela menace également la communauté des doctorant·e·s actuelle et future des ENSA, ainsi que le parcours des docteur·e·s formé·e·s dans ces établissements. Sans exhaustivité, nous observons déjà les premières conséquences :

      Manque cruel de moyens au regard du fonctionnement des ENSA3 ;
      Dégradation et #précarisation des conditions de recherche et d’enseignement4 ;
      Nouvelles procédures de recrutement aux conditions floues, inégales et tardives5.

      Par ailleurs, une crainte grandissante existe quant aux perspectives dessinées dans les rapports préparatoires de la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), dont l’impact sur les ENSA a été confirmé au cours de la réunion du 4 février avec les présidents des instances des ENSA au Ministère de la Culture. Si nous partageons les nombreux constats évoqués sur le cycle doctorat dans ces rapports6, nous restons vigilants sur les solutions qui seront apportées au doctorat au sein des ENSA. Nous tenons à rappeler la nécessité :

      D’#investissements humains, matériels et financiers nécessaires à un enseignement et une recherche de qualité ;
      De respecter et soutenir l’#indépendance et les spécificités des productions scientifiques et pédagogiques ;
      De permettre un #service_public équitable, transparent et inventif pour l’ensemble de la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

      Pour aller plus loin, nous constatons que les différences de considérations des #statuts, notamment pour ceux les plus précaires, entraînent une #compétition inégalitaire et délétère, alors même que le monde de l’Enseignement Supérieure et la Recherche (#ESR) réclame toujours plus de #transdisciplinarité et devrait pour cela favoriser l’#échange et la #coopération 7. Cette #précarité, qui découle directement des #différences_de_traitement entre les acteurs de l’ESR, a des conséquences dramatiques et insidieuses pour les équipes des ENSA : elle ruine la confiance de ceux qui sont les plus dépendants (finances, évolution de carrière, etc.). À plus long terme, elle provoque une #crise_des_vocations qui est en complète contradiction avec les ambitions de la dernière réforme des ENSA en termes de #recrutement et de #recherche.

      Le cycle doctorat dans les ENSA, et plus particulièrement le doctorat en Architecture depuis sa création en 2005, n’a jamais réuni les conditions pour se dérouler dans de bonnes conditions. L’approche néolibérale et technocratique des politiques actuelles menées par notre double tutelle du Ministère de la Culture (MC) et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), notamment au travers des textes sus-cités, n’a de cesse de dessiner un avenir déplorable pour la bonne formation “à et par la recherche”8. Dans l’absence d’une vision prospective pour notre communauté, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA se joignent aux demandes portées collectivement par les étudiant·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, administratifs et professionnel·le·s des métiers de l’architecture9, de l’urbain et du paysage, mais aussi plus largement de l’enseignement et de la recherche10, et tiennent à ce que les revendications suivantes soient également entendues par nos ministères de tutelle :

      Sur la reconnaissance du #doctorat

      Reconnaître la #thèse comme une expérience professionnelle à part entière, et traiter les doctorants en conséquence malgré un statut administratif d’étudiant en 3e cycle11 (particulièrement lors du processus de qualification aux fonctions de maître·sse de conférences ou de professeur·e du CNECEA) ;
      Ne pas tolérer que les doctorant·e·s tout comme l’ensemble des enseignant·e·s contractuel·le·s des ENSA n’effectuent des heures d’enseignement ou de recherche sans contrat dûment signé et sans une officialisation administrative via le portail Taïga des heures valant expérience professionnelle auprès du ministère. Le travail réalisé en parallèle de la thèse doit correspondre à un contrat signé et à un salaire perçu, et la promesse d’expérience peu reconnue n’est pas une gratification suffisante pour se mettre en difficulté sur sa thèse.

      Sur l’accès au 3ème cycle

      Développer la formation à et par la recherche en amont du doctorat12 dans les ENSA, en accordant les moyens nécessaires à sa mise en œuvre (niveau Master et/ou expérience professionnelle) ;
      Résorber radicalement les situations de #thèses_non_financées. Une recherche de qualité en architecture ne peut en aucun cas émerger de situations de précarité de ses jeunes chercheur·e·s. Très communes dans certaines ENSA, elles génèrent inévitablement une grande #instabilité_financière pendant la thèse, des #parcours_morcelés, non reconnus par le Ministère de la Culture, et des #discriminations d’accès à l’emploi après la thèse13 ;
      Augmenter le nombre de contrats doctoraux du Ministère de la Culture qui à l’heure actuelle ne permet ni d’atteindre les objectifs de recrutement de maître·sse·s de conférences des ENSA14, ni de valoriser la recherche en architecture, urbanisme et paysage au sein de nos établissements et ainsi permettre l’émergence d’une recherche académique de qualité qui soit au niveau des autres disciplines universitaires.
      Expliciter le processus et les critères de sélection des contrats doctoraux du Ministère de la Culture, qui sont aujourd’hui opaques, et dont les comités de sélection ne comprennent aucun chercheur capable d’évaluer la qualité scientifique des dossiers ;
      Officialiser les résultats des contrats doctoraux avant la rentrée universitaire pour respecter le calendrier d’inscription, le rythme universitaire et ne pas générer de situations de doctorant·e·s inscrit·e·s mais non financé·e·s.

      Sur le déroulement du parcours doctoral

      Exonérer tout·e·s les doctorant·e·s des frais d’inscription universitaires qui leur sont demandés alors qu’ils sont travailleur·e·s des établissements d’enseignement et de recherche, particulièrement précarisant au-delà de la période de financement15 ;
      Reconnaître l’ensemble des engagements assumé au cours de la période de doctorat : représentation dans les instances, enseignement, participation à des recherches, publications, etc. ;
      Prévenir les dérives du contrat #CIFRE pour les doctorant·e·s (et du #Crédit_Impôt_Recherche (#CIR) pour les docteur·e·s) : plébiscités par le ministère de la culture pour “développer les relations de recherche entre écoles, universités et agences d’architecture”16, les qualités du doctorat doivent être reconnues pour la recherche, le développement et l’innovation des entreprises tout en garantissant les conditions d’une thèse et d’une expérience professionnelle de recherche de qualité.
      Donner les moyens aux ENSA de proposer des #formations_doctorales notamment au sein des Écoles Doctorales17 afin de favoriser le rayonnement de leurs recherches et pédagogies ;

      Sur les conditions d’#employabilité doctorale et post-doctorale

      Respecter les engagements de création et de déprécarisation associés à la réforme des ENSA afin de garantir la réussite de sa mise en oeuvre ;
      Reconnaître toute heure travaillée en recherche comme en enseignement, et dans tout établissement d’enseignement supérieur pour les campagnes nationales de qualification ;
      Mise en place de contrats d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (#ATER) à mi-temps afin d’accompagner si nécessaire les doctorant·e·s avec un salaire suffisant et une expérience significative au-delà des financements de 3 ans ;
      Développer les contrats post-doctoraux dans et/ou en collaboration avec les différents laboratoires des ENSA ;
      Prioriser des postes de maître de conférences associé·e à temps plein pour les profils académiques afin de leur donner la possibilité d’un début de carrière dans des conditions décentes après l’obtention du doctorat.
      Valoriser les postes de maître de conférences associé·e à mi-temps afin de reconnaître les profils hybrides indispensables aux ENSA mêlant enseignement, recherche et/ou pratique. Nous remettons en cause sur ce point la nécessité d’une activité principale pour accéder à ces contrats, quasi inatteignable pour les jeunes docteur·e·s et praticien·ne·s, d’autant que ce critère administratif est obsolète et déconnecté des compétences pédagogiques et scientifique ;
      Mettre en oeuvre une politique d’#insertion_professionnelle suivie et ambitieuse pour accompagner les jeunes docteur·e·s vers la diversité d’emplois capables d’opérer à une diffusion de la recherche des ENSA vers la société (exercice de la maîtrise d’oeuvre, enseignement et recherche en ENSA et en université, chargé de recherche CNRS, politiques publiques, organisations territoriales, etc.) ;

      La communauté des doctorant•e•s et docteur·e·s des ENSA restera évidemment attentive quant à l’issue que vous donnerez à ces revendications. Par ailleurs nous resterons mobilisés avec l’ensemble des acteurs des ENSA tant que des solutions acceptables et pérennes ne seront pas apportées à la précarisation de nos établissements.

      Monsieur le Ministre de la Culture, Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur le Directeur Général du Patrimoine, Madame la Directrice de l’Architecture, veuillez croire à notre engagement pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche ouverts, créatif et respectueux de l’avenir de l’architecture, de l’urbain et du paysage.

      Les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA

      https://framaforms.org/lettre-des-doctorantes-et-jeunes-docteures-des-ensa-1581606512

    • #Jean-Marc_Jancovici... Si vous étiez le ministre de la recherche... quels seraient les meilleurs investissements pour sortir de cette galère ?"

      « Je pense que quand vous êtes en économie de guerre ou en logique trash-programme, vous supprimez toutes les forces de frottement qui font que les gens passent leur temps à faire de la paperasse plutôt qu’à utiliser leur cervelle. Dans le domaine de la recherche je supprime l’ANR, je supprime les appels à projets... Je prends des gens intelligents, motivés, je leur fait un chèque en blanc et je les laisse chercher avec des éléments de cadrage en nombre limité. Quand vous regardez la recherche qui a eu lieu pendant la dernière guerre mondiale, il y avait un cahier des charges très simple : trouvez-moi tout ce qui permet à notre armée d’être supérieure à celle d’en face. Vous emmerdez pas les gens à leur demander de remplir des dossiers en 45 exemplaires et à justifier à l’avance ce qu’ils vont trouver et vous leur bottez le cul pour qu’ils aillent le plus vite possible. C’est cela qu’il faut faire »

      https://www.youtube.com/watch?v=8uRuO_91fYA&feature=youtu.be&t=10250

    • Strasbourg : “nous sommes l’université et pas une entreprise”, une tribune interpelle #Michel_Deneken

      Une tribune de 100 universitaires publiée le 21 février chez Médiapart interpelle Michel #Deneken, le président de l’université de #Strasbourg (Bas-Rhin). Ces universitaires dénoncent « la destruction méthodiques de leur service public ».

      L’#Unistra, l’université de Strasbourg, est-elle une entreprise ? Les 100 universitaires à l’origine d’une pétition publiée chez Médiapart le vendredi 21 février 2020 ont leur avis sur la question. Et il est tranché : "Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal..."

      La centaine de signataires rappelle certaines valeurs qui fondent leur mission : « égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique ». Et dénonce « l’entravement de leur activité, la réduction du nombre de personnels permanents, et les financements aléatoires ».

      Une « #métaphore »

      Ce cri du coeur fait suite à une interview de Michel Deneken, le président de l’université de Strasbourg (Bas-Rhin), publiée dans les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA, accès soumis à abonnement) le jeudi 13 février 2020. Il y déclarait : « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. » C’est cette phrase qui a suscité la polémique. In extenso, Michel Deneken ajoutait : « Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m², pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. ». Il concluait : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      Interrogé par France 3 Alsace (voir l’interview intégrale dans la vidéo ci-dessous), Michel Deneken se dit « pris à parti » et explique notamment : « On m’a demandé comment nous gérions le fait que nous soyions passés de 43.000 à 55.000 étudiants en 10 ans, sans moyens supplémentaires. Et j’ai dit, c’est une métaphore, que nous sommes comme une entreprise qui ne se réjouit pas d’avoir plus de clients. Évidemment, si on sort une métaphore de son contexte, on peut en faire dire ce qu’on veut... »

      « Je ne suis pas dupe : il y a derrière cette tribune des attaques très lourdes. Ce qui est admis dans la lutte politique ne l’est pas humainement. Ce texte prétend que je trahis et que je déshonore l’université et ses valeurs. Ce qui est une calomnie. »

      La réponse des signataires

      L’initiateur de la tribune, Jean-Philippe Heurtin, est enseignant à l’institut d’études politiques de Strasbourg. Il a commenté la réponse du président de l’université le mardi 25 février : « Nous maintenons la réponse qui lui a été adressée en tant que président de l’université, et pas en tant qu’individu. Nous réfutons cette métaphore, cette analogie avec l’entreprise. Le financement de l’université est actuellement dramatique, la loi programmatique va dans le mauvais sens. »

      « Le fait que le président n’a pas cité une seule fois la notion de service public dans sa réponse est révélateur. Évidemment, poursuit-il, l’économie peut bénéficier de l’université, mais à long terme. L’université enseigne à tous : elle est au service direct de la société, et non de l’économie. » Un discours que l’on retrouve dans une réponse collective des signataires à Michel Deneken (voir document ci-dessous). Elle dénonce des courriers individuels de menaces que ce dernier aurait envoyé à plusieurs des personnels signataires de la tribune.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/video-strasbourg-nous-sommes-universite-pas-entreprise-

      –-> article qui fait suite à cela :
      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de #laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s
      #laboratoires_de_recherche

      Le texte complet :
      https://academia.hypotheses.org/15250#more-15250

    • Une loi ne fait pas loi

      Le 18 février, une lettre ouverte (https://www.change.org/p/emmanuel-macron-les-scientifiques-r%C3%A9affirment-l-absolue-n%C3%A9cessit%C disant notamment que « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) a été adressée à E. Macron par un panel de scientifiques. Et quel panel ! De très grand.e.s chercheur.se.s reconnu.e.s par leur pairs, médaillé.e.s Nobel et d’or du CNRS, membres de l’académie des sciences, ou des président.e.s actuel.le.s ou passé.e.s du CNRS et de nombreuses universités, c’est semble-t-il, l’élite de la recherche française qui signe cette tribune sous le terme de « la communauté scientifique ».

      Alors vous ne comprenez plus, que vous soyez personnel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (#ESR), étudiant, ou citoyen intéressé par ces questions et qui suivez ce feuilleton LPPR. Voilà des semaines que s’enchainent tribunes, pétitions et autres textes protestant contre cette loi, que les actions se multiplient et s’intensifient partout dans le pays et vous découvrez que la « communauté scientifique », par la voix de ses plus illustres représentants, semble réclamer cette fameuse loi tant décriée. Quelle contradiction, qui semble faire des opposants à cette loi des Cassandres minoritaires porteurs de procès d’intention infondés et refusant de voir un avenir qui ne pourra qu’être radieux grâce à cette loi.

      Il n’y a, bien sûr, aucune contradiction si l’on prend le temps de bien lire cette lettre (et aussi de bien savoir qui la signe) et de bien comprendre les arguments de la protestation. La lettre ouverte ne comporte en fait qu’un seul point : « une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins », avec en clair sous-entendu, la question centrale des #moyens, clairement exposée dans le premier paragraphe : « Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros », en référence à l’intention déclarée par E. Macron, le 26 novembre dernier, de porter la dépense intérieure de recherche et développement à 3% de notre PIB. Nous reviendrons plus loin sur ce point essentiel des moyens. Pour le reste, qui pourrait ne pas vouloir d’une loi correspondant à nos attentes et nos besoins ? Certainement pas les personnels actuellement engagés dans les mouvements de contestation qui, justement, craignent que ce ne soit pas le cas, et pour partie, ont déjà des arguments pour le savoir. Ces éléments, déjà évoqués, sont de trois types :

      – Des déclarations officielles de Mme Vidal sur les CDI ou les chaires de professeur junior qui dessinent clairement la trajectoire d’une accentuation de la remise en cause du statut de fonctionnaire des personnels de l’ESR et de l’accroissement de la précarisation et des inégalités
      - Des propos d’E. Macron ou A. Petit, qui ne sont certes pas des extraits de la LPPR mais légitiment a minima une inquiétude considérable
      – La politique générale de ce gouvernement vis-à-vis des services publics et qui, sans qu’il s’agisse d’un procès d’intention, permet d’avoir les plus grands doutes sur l’hypothèse que dans le champ de la recherche, il pratiquerait une politique aux antipodes de celle qu’il mène par ailleurs, ou même, de celle qu’il a menée pour la recherche depuis une trentaine de mois.

      Il y a donc de fort bonnes raisons pour envisager qu’une partie au moins de la loi ne correspondra pas aux attentes et aux besoins de tout un pan des personnels de l’ESR.

      Mais est-ce si grave puisque cette loi va permettre, enfin !, d’accorder à l’ESR les moyens qu’elle attend en vain ? Or il n’en est rien. #Henri_Sterdyniak, économiste à l’observatoire français des conjonctures économiques et membre des économistes atterrés, a eu la gentillesse de m’éclairer à ce sujet et je l’en remercie vivement. Comme je ne saurais faire mieux que ses propos limpides, je me permets, avec son accord, de présenter sa réponse :

      "Le principe de l’#annualité_budgétaire implique que le Parlement vote chaque année toutes les recettes et toutes les dépenses. Le Parlement ne peut donc voter de dispositif qui obligerait le gouvernement à respecter telle ou telle norme de dépenses ou de recettes. Et le Conseil d’Etat comme le Conseil Constitutionnel y veillent. Ainsi, le Conseil d’Etat refuse la disposition de la loi de réforme des retraites qui obligerait l’Etat à augmenter les salaires des enseignants. Ainsi le Conseil Constitutionnel a censuré un dispositif voté en Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2018 qui désindexait les retraites pour 2020.

      Le gouvernement peut faire voter des lois de programmation, qui selon l’article 34 de la Constitution « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ». Celles-ci marquent un #engagement_politique, mais n’ont aucune valeur juridique."

      Donc, en résumé, en matière de #budget, une loi ne fait pas loi. Quand Mme Vidal dit au séminaire d’accompagnement des nouveaux directeurs et directrices d’unité : « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de #programmation_budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche », elle omet de préciser que pour autant cette loi ne peut en rien contraindre les prochains budgets que l’Etat consacrera à l’ESR. Pour les mêmes raisons, elle ne peut malheureusement donner aucune garantie à ses engagements de dédier 26 et 92 millions d’euros pour respectivement les revalorisations des chercheurs recrutés en 2021 et celles de l’ensemble des personnels de l’ESR (voir aussi ici à ce sujet). Ceux qui attendent toujours de voir arriver dans les caisses de leur université les engagements financiers qui étaient contenus dans la LRU comprennent sans doute pourquoi ils ne les ont jamais vu arriver. Et tous ceux qui espèrent en la LPPR en croyant qu’elle va permettre d’accroitre le budget de l’ESR se trompent gravement. Il risque de se passer avec la LPPR ce qui s’est passé avec la LRU. Tous les points négatifs pointés par une large communauté de l’ESR seront menés à bien d’une façon ou d’une autre alors que l’augmentation significative du budget alloué à la #recherche_publique, sera quant à elle soumise chaque année au vote du budget, comme il est normal, constitutionnel, de le faire. Et le budget alloué à la recherche, nous savons ce qu’il a été depuis que ce gouvernement est au pouvoir.

      Alors oui, comme le disent les auteurs auto-qualifiés de « communauté scientifique », « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins ». Or, les attentes et les besoins de la communauté scientifique sont connus. Comme le rappelle O. Coutard, le président de la CPCN (Conférence des Présidents du Comité National), ils correspondent aux recommandations approuvées lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet 2019, et rappelées par une tribune publiée dans le Monde demandant la mise en œuvre de ces propositions. Le #CoNRS, c’est environ 1100 personnels de l’ESR représentant toutes les disciplines scientifiques, tous les établissements de recherche et universités, toutes les opinions politiques ou syndicales. Il est parfois appelé le « parlement de la recherche ». Les propositions qu’il a faites correspondent donc véritablement aux attentes et aux besoins de la #communauté_scientifique, comme en atteste leur très forte cohérence avec les propositions faites par les sociétés savantes, elles-aussi très représentatives de l’immense variété de la communauté scientifique . La pétition de soutien à la LPPR lancée le 18 février n’a rassemblé que 200 signatures en quatre jours. Celle qui s’était insurgée contre les propos d’A. Petit sur une loi « inégalitaire et darwinienne » en avait recueilli 8000 en deux jours, pour finir à environ 15000 signatures. La tribune rappelant les recommandations du CoNRS a été soutenue par plus de 700 directrices et directeurs d’unités. Elle est véritablement là, la communauté scientifique, et ses attentes ont été clairement exprimées par le CoNRS. C’est donc sur cette base que la LPPR doit être construite. Plus elle sera éloignée de ces recommandations, plus la contestation sera forte, sans commune mesure avec ce qu’elle est déjà aujourd’hui.

      https://blogs.mediapart.fr/marchalfrancois/blog/250220/une-loi-ne-fait-pas-loi

    • « Lettre ouverte à mes enseignant.e.s de l’Université Rennes 2 »

      Mona, étudiante à Rennes 2, appelle dans cette lettre ses enseignant.e.s à se mobiliser en vue de la grève reconductible du 5 mars : "parce que vous m’avez tant apporté et que nous nous sommes tant aimés, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces comportements crépusculaires à défendre une identité et des préséances professionnelles qui ne correspondent à aucune des nécessités portées par les luttes actuelles."

      Mon nom est Mona. J’ai 22 ans. Je suis étudiante. Avant de venir faire mes études à Rennes, j’étais scolarisée en Centre-Bretagne, en milieu rural, War Ar Maez. Mon père est ouvrier. Il travaille comme cariste dans l’industrie agroalimentaire. Après plus de vingt ans dans le même groupe, il gagne, à quelques euros près, 1700 euros brut par mois, auxquels s’ajoute une prime de Noël. La « prime des dindes » comme il dit. Une farce. Quelques centaines d’euros dont ma mère se sert pour acheter nos cadeaux et nous organiser un repas de fête qu’elle tient chaque année à arroser de mauvais champagne : « Nous aussi on y a droit ! ». Ma mère, elle, est employée. Employée de maison pour être précise. Une manière bien aimable pour dire qu’elle fait partie de ce salariat subalternisé, essentiellement féminin, qui travaille à temps partiel au service de personnes âgées ou de riches familles, pour pas grand-chose. Une grande partie de son salaire passe d’ailleurs dans les frais d’essence de ses trajets professionnels. Chez nous, les fins de mois sont difficiles, cela va de soi. D’autant que mes deux frères aînés sont au chômage et restent à la charge de mes parents. Maël sort d’un BTS et n’a le droit à aucune indemnité. Gurvan, un CAP de boulanger en poche, ne travaille qu’en intérim... quand il travaille. Il a vu ses allocations chômage fondrent comme neige au soleil ces derniers temps. Moi, je suis boursière, je vis en cité U à Villejean. Mais j’ai aussi des petits boulots à côté : du baby sitting, des inventaires ; caissière ou vendeuse, c’est selon. Nous sommes une famille de #Gilets_jaunes. Mes frères ont longtemps squatté les ronds-points avant de se faire déloger et sont de toutes les manifs. Ce week-end, c’était l’acte 66. Ils sont montés à Rennes pour dire qu’« ils étaient là », pour gueuler leur colère de n’être rien et se prendre au passage quelques mauvais coups de matraque. Forcément, se faire taper dessus, ça agace et ils ne se sont pas laissés faire. Je suis fière d’eux, de leur détermination à rester debout et à se battre. Ne pas se laisser faire, ne pas se laisser aller à la résignation, ne pas se laisser détruire, reprendre ne serait-ce qu’un peu la main sur son existence. Comme de plus en plus d’individus, mes frères sont déterminés à ne plus se laisser prendre au jeu de la cadence et de l’ordre. C’était chouette cette manif. Des femmes et des hommes qui se battent pour leur #dignité, pour ne pas s’abîmer davantage, pour ne pas crever.
      En fin de manifestation, avant de repartir, ils m’ont payé une bière en terrasse. Il faisait froid, mais nous étions bien. Je les trouvais beaux tous les deux. Beaux comme la lutte. J’aurais aimé vous les présenter mais vous n’étiez pas là. Quelques heures avant, quand nous avons réussi à « prendre le centre ville », je vous ai pourtant aperçu. Vous flâniez après un retour du marché des Lices, vous vous baladiez en famille, à vélo, vous sortiez d’une librairie avec quelques bouquins en poche, vous rentriez dans un cinéma. La vie peut être douce. J’ai envie d’y croire. Cette #douceur est néanmoins réservée à quelques-un.e.s. Ni mes parents, ni mes frères, ni moi n’y avons franchement droit. Dans quelques mois, je décrocherai un bac+5. Ma mère ouvrira une de ces mauvaises bouteilles de champagne. Pourtant, j’irai certainement grossir les rangs des dominé.e.s aux études longues (j’ai lu ça dans un livre passionnant d’Olivier Schwartz). L’inflation-dévaluation des #titres_scolaires me fera rejoindre #Pôle_emploi, ou bien je trouverai un #job_sous-payé pour sur-qualifié.e, à moins que ça ne soit juste un énième #stage croupion. Alors peut-être devrais-je plutôt continuer à étudier ; faire une thèse. Ma directrice de mémoire me l’a proposé à demi-mots, mais seulement si j’ai un financement. On ne prête qu’aux riches répète souvent mon père.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) contre laquelle vous devriez être logiquement tou.te.s vent debout ne m’y invite pas. Pourquoi me lancer dans un doctorat ? Pour gonfler les rangs du précariat de l’ESR ? Pour assurer vos TD, corriger des tombereaux de copies et faire la petite main sur vos projets de recherche, sous pression – surtout ne pas décevoir –, en étant payée moins que le SMIC horaire, plusieurs mois après avoir effectué avec zèle ces missions ? Et puis ça ne sera évidemment pas suffisant pour assurer ma survie matérielle. Alors il faudra que je continue un « #travail_à_côté ». Condamnée à prendre le premier #bullshit_job ? Surveillante de musée me permettrait de pouvoir lire pendant le temps de travail, ou bien me lancer dans le #travail_du_sexe, nettement plus rémunérateur. Mais quel temps me resterait-il pour mes propres recherches ? À la #précarité s’ajouterait sans doute le #surmenage, voire le #mépris_de_soi. On y passe tou.te.s paraît-il. Et en admettant que je m’en sorte, ce serait quoi la suite ? L’Université à la sauce LPPR ne donne pas très envie : précarisation accrue, mise en #concurrence généralisée, course à l’#excellence, #marchandisation_des_savoirs, recul des solidarités, #bureaucratisation mortifère. Devenir une sorte d’intello camériste allant de #tenure_tracks en CDI-chantiers pour espérer peut-être, à près de 40 ans et après avoir porté nombre de vos valises, devenir #titulaire d’une institution à la main du #néolibéralisme ? C’est ça la promesse ? Et puis c’est sans compter la réforme des retraites : bouffer de l’amphi jusqu’à 67, 68, 69 ans... pour finir épuisée et être finalement pensionnée au lance-pierre ? Ça existe la #pénibilité pour #port_de_charge_cognitive_lourde ?

      Si parmi les 37 % d’enseignant.e.s-chercheur.e.s qui ont voté Macron dès le premier tour, il en est sans aucun doute qui se repaissent de la sélection, de l’augmentation des #frais_d’inscription et de ce que cela permettra de politiques discrétionnaires dont ils.elles s’imaginent tirer idiotement quelque bénéfice, je sais aussi, pour vous avoir fréquentés, que la plupart d’entre vous voyez dans le #macronisme pas autre chose que ce qu’il est : une #saloperie qui signe la fin de la #citoyenneté_sociale, de l’#État_redistributeur et de tous les #services_publics (ESR, santé, justice, énergie, etc.). Je me doute que vous n’êtes pas d’accord pour que la pension des femmes soit inférieure à celles des hommes, que vous êtes contre la prolifération des #emplois_précaires, contre la #compétition_généralisée, les logiques d’#exclusion et les #discriminations. Vous pensez que l’Université doit être ouverte à tou.te.s, fondée sur la #coopération, qu’elle doit produire des #connaissances_critiques et transmettre des #savoirs_émancipateurs. Alors pourquoi êtes-vous si peu solidaires du #mouvement_social ? Pourquoi restez-vous si timoré.e.s à vous engager pleinement dans cette #grève dont nous avons tant besoin ? Ma colère est grande de vous voir englué.e.s dans des #réflexes_corporatistes, dans le #narcissisme de vos petites différences, dans vos postures d’intellos embourgeoisé.e.s défendant votre tout petit #pouvoir_symbolique (faire cours, nous dispenser vos lumières, nous évaluer). Comment pouvez-vous imaginer qu’un engagement de gréviste puisse ne pas être au moins aussi formateur que vos enseignements ? Dans la grève, on apprend à travailler collectivement, à #argumenter, #débattre, à élaborer du #commun_politique. Autant de choses auxquelles vous avez, en temps normal – reconnaissez-le –, bien du mal à nous éduquer. J’en rage de vous voir accroché.e.s à vos si insignifiantes prérogatives, alors que nous nous trouvons à un #tournant_historique. Notre #avenir, celui de vos enfants et petits-enfants, mais aussi le vôtre, celui de mes parents et de mes frères se joue maintenant. Il nous faut mener la #lutte aux côtés des autres secteurs mobilisés pour qu’ensemble nous obligions le gouvernement à retirer l’ensemble de ses #contre-réformes. Nous n’avons pas le #choix. Contre la #marchandisation de nos existences, contre les #violences_policières et la fascisation rampante de la société, contre les #inégalités et les #injustices_sociales, contre une université à la main du néolibéralisme nous avons le devoir de faire gronder encore plus fort notre colère. Vous avez le devoir d’y prendre votre part. Le #5_mars prochain débutera une autre phase du mouvement universitaire, à l’appel de la Coordination des facs et des labos en lutte : une #grève_sectorielle_illimitée qui pourrait bien prendre des allures de grève majoritaire et générale. Parce que vous m’avez tant apportée et que nous nous sommes tant aimés – comme titre le film –, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces #comportements_crépusculaires à défendre une identité et des #préséances_professionnelles qui ne correspondent à aucune des #nécessités portées par les luttes actuelles. Le monde universitaire est en #crise. Non parce qu’il va mal (bien que ce soit le cas), mais parce qu’il bouge, que ses structures sont fragilisées par les coups de boutoir d’un macronisme pour qui le travail n’est devenu qu’une variable d’ajustement. Nous n’avons d’autres choix que de faire le pari que nous pourrons profiter de cette crise pour imposer pratiquement une autre vision de l’avenir. Si nous devions en rester là et donner, par inertie, avantage au probable sur le possible, nous le payerions au prix fort. Je sais que vous savez. Et si je vous écris cette lettre, c’est que je nourris l’espoir de vous voir pleinement engagé.e.s à nos côtés et, ensemble, de participer à ce mouvement général de construction d’un #monde_meilleur. J’aimerais, enfin, donner une bonne raison à ma mère d’ouvrir une bouteille de champagne digne de ce nom.

      Rennes, le 17 février 2020.
      Mona R.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Lettre-ouverte-a-mes-enseignant-e-s-de-l-Universite-Rennes-2

    • « Les universités n’utilisent pas encore assez de contractuels » : une lecture du dernier rapport des inspections générales sur l’emploi universitaire

      Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) (https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf), rendu en avril, 2019, vient enfin d’être publié. Academia, en espérant pouvoir en faire rapidement sa propre lecture, propose celle que vient de lui faire parvenir Pierre Ouzoulias, archéologue et sénateur communiste des Hauts-de-Seine, en vous invitant à prendre connaissance du rapport lui-même, mis en ligne à une date inconnue, postérieure au 14 février 2020.

      Le plan de « modernisation » de l’université est déjà en place !

      Voici, ci-dessous, quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. J’ai ajouté des rapides commentaires en italique.

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « universités entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du GVT.

      Pierre Ouzoulias
      24 février 2020
      Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités

      sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels. [p. 3]

      La solution : les ressources propres ; les mauvais élèves : les SHS

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20%, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16%, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13% depuis 2011. [p. 16]

      Un constat partagé : la masse salariale augmente grâce à la précarisation

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6% de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22% ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71% de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78% de ce qu’ils étaient en 2010. [p. 18]

      Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des ressources humaines

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.

      Les unités de formation et de recherche (UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important. [p. 6]

      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable. [p. 20]

      Le modèle : les « universités entrepreneuriales »

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :

      Une partie des universités a recours à une régulation, plus qu’à une optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs ressources propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’efficience.
      Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques. [p. 21]

      Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement. [p. 10]

      Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les prévisions de départs en retraite des titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de gel, d’annulation ou/et de redéploiements d’emplois par statut et catégorie. [3.1, p. 11]

      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76M€ et 41M€.

      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.[p. 11]

      Éviter la titularisation des contractuels financés par les Programme des Investissements d’Avenir (PIA)

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université. [p. 26]

      Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Par ailleurs, le recours aux contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du code de l’éducation qui offre des possibilités plus souples de recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.

      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants-chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.

      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT.

      Ensuite, la transformation des CDD en CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de consolidation des contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels. [p. 27]

      Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de charge d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2. [p. 19]

      Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la trajectoire LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs. [p. 37]

      Où l’on retrouve l’évaluation !

      Proposition n° 9 : connecter la modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la performance universitaires ; [p. 42]

      Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.

      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de pilotage à moyen et long terme compte tenu de la faible plasticité naturelle des effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’effectifs cibles à trois ou quatre ans.

      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une refonte du système actuel de répartition des crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une contractualisation État/université dans le cadre de contrats de performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein. [p. 45]

      https://academia.hypotheses.org/17154

    • Docteur·e·s sans poste : de la vocation à la vacation

      Le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche organise la « précarisation galopante » des universitaires et « menace la qualité de nos recherches » fustigent des collectifs de docteur·e·s sans poste mobilisés contre la loi. « Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement, de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ? »

      Depuis décembre 2019, les personnels de l’Université se mobilisent contre les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, mais aussi contre le projet de loi réformant nos universités publiques (Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche– LPPR). Si nous – docteur·e·s sans poste –, nous nous engageons dans la grève et multiplions les actions symboliques, c’est aussi pour dénoncer la précarisation galopante de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), qui menace la qualité de nos recherches ainsi que la transmission des savoirs aux étudiant·e·s, toujours plus nombreux·ses à l’Université.

      De nos jours, le plus haut des diplômes universitaires ne protège ni du mal-emploi, ni du chômage, bien au contraire. Cinq ans après leur doctorat, 14 % des docteur·e·s sont au chômage, contre 13 % pour les titulaires d’un master, et moins de 10 % pour les diplômé·e·s des écoles d’ingénieurs et de commerce. Pour celles et ceux qui ont trouvé un emploi, il s’agit d’un contrat à durée déterminée dans 45 % des cas, et même dans 55 % des cas pour les docteur·e·s travaillant au sein de l’ESR.

      Une mise en concurrence permanente

      Une fois docteur·e·s, c’est un véritable parcours du combattant qui commence, jalonné de multiples procédures de sélection encore trop souvent opaques, et parfois discriminatoires !

      Depuis la fin des années 1990, le nombre de postes de maîtres de conférences (MCF) publiés chaque année par les universités a chuté de manière drastique (- 65%) alors que le nombre d’étudiant·e·s a augmenté de 15 %. Les perspectives dans les organismes publics de recherche ne sont guère plus réjouissantes. Ainsi, le CNRS, qui proposait plus de 550 postes de chargé·e·s de recherche au concours en 2000, n’en publiait plus que 240 en 2020, soit une diminution de 56 % en 20 ans !

      La réduction des postes renforce mécaniquement une mise en concurrence exacerbée. Pour étoffer notre dossier, nous devons multiplier les tâches à l’infini : communiquer dans des colloques et journées d’études ; s’intégrer à des réseaux de recherche ; organiser des événements académiques ; publier nos recherches ; et enseigner. En décembre dernier, le PDG du CNRS, Antoine Petit, se félicitait du caractère « darwinien » de la future LPPR, mais pour nous, docteur·e·s sans poste et enseignant·e·s-chercheur·e·s précaires, ce darwinisme scientifique est déjà à l’œuvre dans notre quotidien.

      Une précarité qui s’immisce dans nos vies

      À défaut de postes pérennes, nos possibilités d’obtenir des contrats à durée déterminée sont rares. Quand nous ne l’avons pas déjà été pendant nos thèses, nous pouvons candidater à des postes d’Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche(ATER), mais ces CDD d’un an ne sont renouvelables qu’entre une et trois fois selon nos statuts et tendent eux aussi à diminuer (-27 % entre 2005 et 2013). Nous candidatons également à des post-doctorats, c’est-à-dire des contrats de recherche qui durent généralement de six mois à un an et demi. Mais ces derniers sont rares, et très inégalement distribués, souvent au gré de procédures opaques. Faute de mieux, beaucoup continuent donc à faire de la recherche dans des conditions indignes (travail bénévole, missions courtes, parfois sans contrat, rémunération en nature ou en maigres indemnités journalières…).

      Pour continuer à enseigner, la difficulté est tout aussi grande. Le ministère estime que l’Université emploie plus de 20 000 enseignant·e·s non-permanent·e·s, auxquels il faut ajouter plus de 130 000 chargés d’enseignement vacataires. Ces vacataires sont des enseignant·e·s qui travaillent dans des conditions révoltantes : non accès aux congés payés, aux allocations chômage et à l’assurance maladie ; « contrats » - qui s’avèrent être de simples fiches de renseignements - souvent signés après les heures de cours effectuées ; absence de mensualisation des paiements ; non-prise en charge des frais de transports, etc. Payé·e·s 41,41 euros bruts de l’heure de cours, ces vacations sont en réalité rémunéré·e·s... 26 centimes en dessous du SMIC horaire, si l’on considère le temps de travail réel (réunions pédagogiques, préparation des cours, correction des copies, etc.). Si ces situations indignent, elles deviennent pourtant la norme : les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent aujourd’hui en moyenne plus du quart des personnels enseignants.

      Dans ces conditions, il nous faut parfois recourir à des emplois alimentaires, transformer nos allocations chômage en mode de financement routinier de nos recherches et, pour ne pas prendre de retard dans cette compétition constante, travailler sans arrêt. Ce sur-travail, généralement invisible, souvent gratuit ou mal rémunéré, entraîne des maux physiques et mentaux importants - trop souvent occultés - et impacte directement nos vies. Selon les disciplines, l’âge moyen d’obtention du doctorat varie entre 30 et 34 ans, et le temps écoulé entre la soutenance et le recrutement (quand il a lieu !) s’accroît inexorablement, à des âges de la vie supposés être ceux de la stabilisation professionnelle, résidentielle et familiale.

      Dans cet océan de précarité, certain·e·s sont en première ligne. Face à un système universitaire qui ne prête qu’aux riches, les femmes, les étranger·e·s, les diplomé·e·s issu·e·s des classes populaires et les docteur·e·s des universités non-franciliennes sont déjà les grand·e·s perdant·e·s de cette précarisation croissante.

      La précarité pour seul horizon ?

      Ainsi, pour les docteur·e·s sans poste, les réformes actuelles ne font qu’aggraver une situation déjà catastrophique. La réforme de l’assurance-chômage réduit nos droits aux allocations alors que Pôle Emploi est souvent notre principale ressource. Ensuite, nos cotisations en pointillés induites par l’enchaînement des contrats précaires ne nous donneront droit qu’à une retraite dérisoire avec la mise en œuvre de cette retraite par points. Enfin, la casse de l’Université publique de qualité se fait toujours plus impitoyable avec le projet de la LPPR qui institutionnalise la précarité. En créant des « contrats de projet », calqués sur les « CDI de mission » du secteur du BTP, la LPPR proposera des contrats de 5 à 6 ans, le temps d’une recherche, sans certitude sur leur prolongation. La construction d’une Université privatisée, qui ne finance que « l’excellence » - non plus définie par la communauté scientifique mais par les décideurs politiques et les financeurs privés - et qui délaisse les savoirs jugés improductifs, va de fait précariser ses personnels, et fragiliser toutes et tous les étudiant·e·s !

      Nous, docteur·e·s sans poste, nous demandons au Gouvernement, au-delà du retrait et de l’abandon de ces réformes en cours :

      la titularisation de celles et ceux qui font fonction d’enseignant·e·s-chercheur·e·s au quotidien, mais sans jouir de conditions de travail décentes, et qui travaillent même souvent dans une illégalité entretenue par l’institution universitaire.
      la création massive de postes d’enseignant·e·s-chercheur·e·s pour pouvoir proposer une formation de qualité et encadrer décemment les étudiant·e·s toujours plus nombreux·ses à s’inscrire à l’Université.

      Les racines de cette précarité sont structurelles ; elles dépendent de choix politiques, et non de notre hypothétique illégitimité ! L’excellence que les ministres successifs appellent de leurs vœux, nous la mettons en œuvre à chaque instant. Et pourtant, ils nous privent des moyens d’une excellence pérenne et sereine ! Certes, les connaissances sont produites, les savoirs sont transmis, les diplômes sont obtenus. Mais au prix de quels sacrifices ? Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il aujourd’hui, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement et de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ?

      Une version longue de la tribune est accessible ici.

      Signataires :

      Tribune des docteur·e·s sans poste, membres des collectifs universitaires suivants :

      Précaires de l’ESR de Rouen ;
      Collectif Marcel Mauss – Association des doctorant.e.s en sciences sociales de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université de Caen Normandie ;
      Doctorant-es et non titulaires de Lyon 2 ;
      Précaires de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens ;
      Précaires de l’ESR de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université Paris 13 (Seine Saint Denis) ;
      Précaires de l’enseignement de la recherche Ile-de-France ;
      Mobdoc/Les Doctorant.e.s Mobilisé.e.s pour l’Université Paris 1 ;
      Groupe de Défense et d’Information des Chercheurs et Enseignants Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg (Dicensus) ;
      Non-Titulaires de Paris 3 en lutte ;
      Précaires du Mirail-Université Toulouse Jean Jaurès ;
      Précaires mobilisé-e-s de Paris 8 ;
      Précaires de l’Université de Poitiers ;
      Collectif Docteur.e.s sans poste ;
      A’Doc - Association des Jeunes Chercheur·es de Franche Comté ;
      Travailleur·e·s précaires de l’ESR d’Aix-Marseille ;
      Précaires de l’ESR d’Évry.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020320/docteur-e-s-sans-poste-de-la-vocation-la-vacation

    • Strasbourg : pour “gagner 13 millions d’euros” et financer la recherche, des universitaires jouent au #loto

      Ce vendredi 6 mars, des universitaires de Strasbourg vont acheter collectivement des tickets de loto. Pour, éventuellement, gagner de quoi payer leurs travaux de recherches. Et surtout, dénoncer de manière symbolique le nouveau modèle du financement de la recherche par appel à projets.

      « Contre l’autonomie des universités, vive la ’lotonomie’ de la recherche ! » "Au tant vanté autofinancement des universités, nous répondons par le ’lotofinancement’." Les jeux de mots sont peut-être faciles, mais explicites. Et dans le communiqué publié ce mercredi 4 mars, les membres du collectif d’enseignants et de chercheurs de l’Université de Strasbourg (Unistra) à l’origine de cette initiative ’lotofinancement’ s’en donnent à cœur joie. Car quoi de mieux que l’humour pour dénoncer ce qui fâche ?

      Au cœur des griefs, le projet au nom barbare de LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche), qui vise « à développer et renforcer le financement de la recherche par appels à projet. »

      Ces appels à projet sont très chronophages, et avec beaucoup de perdants. Le loto, c’est pareil, mais il est beaucoup moins chronophage."
      - Arthur, l’un des instigateurs de l’initiative Lotofinancement

      Selon Arthur (nom d’emprunt), l’un des universitaires à l’origine de l’initiative, monter des dossiers en vue d’obtenir d’hypothétiques financements « est une double perte de temps : pour ceux qui les montent et ceux qui les évaluent. » Et au final, il y a peu de gagnants. Alors, en tant qu’universitaires, « on préfère prendre ce temps pour faire notre métier, c’est-à-dire de l’enseignement et de la recherche », explique-t-il.

      Dans son communiqué, le collectif d’universitaires détaille ses craintes quant à ce type de financement par projet, qui risque de concentrer « les moyens sur quelques équipes au détriment de la diversité des travaux » et détourner « les scientifiques de leur cœur de métier – l’enseignement et la recherche. »

      Nous nous en remettons à la loi d’une véritable loterie, plus égalitaire et finalement bien plus efficace que ce que l’on nous propose.
      - communiqué du collectif Lotofinancement

      Le collectif revendique « une vraie politique de financement pérenne », seule garante selon lui d’une « recherche de qualité et indépendante », et dénonce ce qu’il appelle un risque de « marchandisation de l’université ». Pour bien se faire entendre, il a donc décidé de prendre le taureau par les cornes : « s’en remettre aux jeux de hasard pour financer (ses) travaux ». Une décision annoncée pompeusement comme une grande première « de l’histoire de l’Université française ».

      L’action, symbolique, « satirique », et bien sûr ouverte au grand public, aura lieu ce vendredi 6 mars à 14h30, au tabac de la Musau, 1 rue de Rathsamhausen à Strasbourg. Le collectif s’y rendra pour convertir 1000 euros en tickets de loto. Cette somme a été récoltée depuis quatre semaines auprès de 200 donateurs, collègues, étudiants et autres, dont… un ancien président d’université.

      « On espère fortement gagner 13 millions d’euros, afin de pouvoir créer une grande fondation qui permettra de financer la recherche », sourit Arthur. En cas de gain plus modeste – hypothèse peut-être plus réaliste, mais qui sait ? - le collectif a très sérieusement réfléchi à la manière de se partager le gâteau : 49% seront attribués aux missions d’enseignement et de recherche. 49% serviront à renflouer des caisses de la grève des universités (une grève reconductible, débutée à l’Unistra ce jeudi 5 mars pour demander, entre autres, le retrait de la fameuse LPPR et dénoncer la précarisation des étudiants).

      Et les 2% restants ? Ils serviront à mener quelques « actions de convivialité, car la mobilisation doit être festive » précise Arthur.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/insolite-strasbourg-gagner-13-millions-euros-financer-r
      #lotofinancement #lotonomie

    • Je copie-colle ici un commentaire que j’ai fait à ce message :
      https://seenthis.net/messages/829489

      –----

      Voir aussi ces autres #témoignages très parlant, plutôt en lien avec l’enseignement et moins avec la recherche, mais vu qu’il y a grand nombre de fonctionnaires de l’#ESR qui sont à la fois chercheur·es et enseignant·es... ça touche souvent les mêmes personnes et des questions proches.
      Cela explique très bien la situation dans laquelle se trouve les facs françaises en ce moment (avec ou sans LPPR (https://seenthis.net/messages/820330#message820388) :

      Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à #Nantes
      https://blogs.mediapart.fr/olivier-ertzscheid/blog/150220/pourquoi-je-demissionne-de-toutes-mes-fonctions-administratives-nant
      #démissions

      La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain
      https://seenthis.net/messages/820393#message827354
      –-> Et une interview de #Pablo_Rauzy qui enseigne en #informatique à #Paris-8 :
      https://podtail.com/podcast/podcast-libre-a-vous/interview-de-pablo-rauzy-maitre-de-conferences-a-l
      #Paris_8

    • La LPPR s’invite aux 10 ans de l’ICM !

      Le 10 mars 2020, La Part Précaire de la Recherche (LPPR) s’est invitée à inauguration de l’exposition des 10 ans de l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière).
      Nous reproduisons ici le texte qui a été lu à cette occasion et mettons à disposition une vidéo et des photos.

      https://www.youtube.com/watch?v=xvjhFvIYQ-Q&feature=emb_logo

      Mesdames, Messieurs, et les autres, bonjour !

      C’est la LPPR qui vient ici vous saluer !
      Oui nous sommes la LPPR ! Pas celle chère à Chimérique Vidal et Antoine Le Tout Petit, non.
      Nous sommes La Part Précaire de la Recherche, les petites mains et les cerveaux qui font tourner la boutique, et que les médiocres manageur·ses du public et du privé voudraient voire corvéables et exploitables à merci.

      Vous vous demandez pourquoi nous nous invitons à cette petite sauterie faite de discours pompeux et creux, de petits fours et de bulles.
      C’est un peu le fruit du hasard : nous voulions d’abord apporter notre soutien aux membres du personnel hospitalier de la Pitié Salpêtrière : ces femmes et ces hommes qui, malgré un sous-financement chronique de l’hôpital public, accomplissent leur métier avec professionnalisme et épuisement.

      Mais ielles nous ont dit que malheureusement ce n’était pas le bon moment, au seuil d’une épidémie virale. Ielles nous ont suggéré d’aller jeter un coup d’œil sur ce beau et jeune bâtiment.

      En bons chercheurs et chercheuses précaires, c’est ce que nous avons fait. Et ce n’est pas l’espoir que nous avons découvert, comme nous le faisait miroiter votre récente campagne de pub, mais un mélange d’effroi, de sidération – mais aussi beaucoup de ridicule.
      L’ICM, l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, pardon “sans moelle à partir d’aujourd’hui” est une idée magnifique, créée par des Hommes Magnifiques, oui des Hommes, seulement des Hommes !

      Comme :
      – Jean Todt : Président de la Fédération Internationale de l’Automobile, ami intime de l’Industrie du Tabac
      – Maurice Lévy : Ancien PDG de Publicis, que nous remercions pour la beauté et la pertinence de publicités en oubliant sa fortune et la manière dont l’entreprise traite ses salarié·es.
      – Jean Glavany : politicien de renom, ami intime de Mitterrand et du déchu Cahuzac.
      – Luc Besson : grand cinéaste français, avec quelques casseroles au cul pour accusation de viol et harcèlement sexuel.

      J’en passe et des meilleurs !

      Nous n’allons pas jouer les coupeur·ses de cheveux en quatre et analyser les intérêts financiers d’une telle initiative, nous sourions de l’intérêt de ces Messieurs pour la recherche de remèdes aux maladies neurodégénératives qui pourraient les affecter et les empêcher d’exercer leur nuisance de manière lucide.

      Ce que nous dirons c’est que le modèle de partenariat public/privé de l’ICM est à nos yeux un cauchemar :

      Que vienne l’argent des riches pour la recherche publique, mais sous forme de l’impôt, pas de donations et legs auxquels il faudrait même dire “merci”. Nous ne voulons pas de votre philanthropie, car nous ne voulons pas que les domaines de recherche soient orientés en fonction du bon vouloir des plus fortuné·es. Si vous êtes soucieux d’aider la recherche fondamentale : payez vos impôts, exigez que vos ami·es payent leurs impôts, exigez la fin du Crédit Impôt Recherche (CIR) qui coûtent à la recherche publique 6 milliards d’euros par an !
      6 milliards soit 2 fois le budget du CNRS !

      Qu’on arrête de tout mélanger sous couvert d’efficacité et de cohérence pour se retrouver avec les mêmes dirigeant·es à la tête de la Fondation privée ICM et de L’Unité de Recherche Publique.

      Qu’on arrête de nous faire miroiter les bienfaits de la Start-Up Nation, et des incubateurs où la recherche publique se met au service de la rentabilité et du “faire du fric” avec des conflits d’intérêt qui n’offusquent plus personne.

      Qu’on arrête de nous parler d’excellence et de flexibilité, qui sont souvent des cache-sexes de Lobbying Éditorial et Souffrance au Travail.

      Au ruissellement on y croit pas, aux premiers de cordée non plus :

      Nous sommes convaincu·es que, parmi vous, travailleuses et travailleurs de ce beau Monolithe “Bling Bling”, il y en a qui ne se retrouvent pas dans ce que les dirigeant·es veulent faire de la recherche publique. Leur modèle est perdant tant pour les conditions de travail imposées, mais aussi pour la qualité de la recherche. Le sous-financement de la recherche publique, le pilotage par appels d’offre, les ANRs, les ERCs, vous pourrissent la vie et vous empêchent d’exercer votre métier.

      Ce modèle c’est celui qui a fait que les collègues travaillant sur les coronavirus, parce que cela n’était plus jugé assez sexy et tendance, se sont vu sucrer leurs financements. La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate. Elle ne doit pas marcher non plus selon le flair des investisseurs privés.

      Nous vous invitons à lever les yeux de vos expériences,
      à vous organiser,
      à débattre,
      à lutter !

      Après le succès de la manifestation du 5 mars, où l’université et la recherche se sont arrêtées, nous réitérons nos revendications :

      Nous exigeons que soit mis en œuvre dès 2020 un plan d’urgence pour l’université et la recherche.

      Nous exigeons des titularisations et des recrutements massifs, à la hauteur des besoins ; des financements pérennes pour assurer à tou·tes de bonnes conditions de travail, d’étude et de vie ; des garanties sur la sécurité juridique des étrangèr·es.

      Ainsi seulement nous pourrons créer une université démocratique, gratuite, antisexiste, antiraciste, émancipatrice et ouverte à toutes et tous.
      L’université doit être un service public, qui ne doit ni sélectionner, ni accroître ou légitimer les inégalités.
      La recherche doit être un service public, en capacité de produire des savoirs d’intérêt général.
      Nous allons les refonder, avec vous !

      Après cette dernière envolée, je vous souhaite, au noms de La Part Précaire de la Recherche un bon cocktail !

      Nous : on se lève et on se casse !

      A bientôt dans la lutte.


      https://universiteouverte.org/2020/03/10/la-lppr-sinvite-aux-10-ans-de-licm

    • Pourquoi l’université s’arrête ? Billet participatif

      En ce 5 mars 2020 les facs et labos en lutte contre la Loi de précarisation et de privatisation de la recherche (LPPR) ont décidé de s’arrêter. Proposition d’un billet participatif pour en expliquer les raisons.

      Le présent billet formule une série de 10 premières propositions sur le modèle syntaxique de l’opposition entre un « Ils » et un « Nous » :

      L’Université s’arrête parce qu’ils…… . Nous

      J’invite chaque membre de la communauté d’enseignement et de recherche qui se sentirait impliqué dans ce « Nous » à formuler dans les commentaires de nouvelles propositions. Je les remonterai progressivement dans le billet. Je rappelle sous l’affiche d’Olivier Long deux extraits du discours de Simon Leys.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fermé les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des classes sociales les plus pauvres. Nous sommes l’Université Ouverte et nous demandons la suppression du dispositif Parcoursup.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont créé 30% d’emplois précaires dans le supérieur et que la LPPR va encore les multiplier. Nous exigeons des postes de fonctionnaires titulaires et un plan de titularisation de tous les précaires.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fait de l’excellence un concept vide. Nous travaillons à inventer et définir les concepts.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont tué la démocratie universitaire. Nous demandons l’abrogation de la loi LRU de 2007 et de la loi Fioraso de 2013 et une nouvelle loi électorale qui assure une représentation effective des personnels et des étudiants, sans membres extérieurs à la botte des présidents.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent financer les laboratoires uniquement sur appels à projets alors que 85% de nos dossiers sont refusés. Nous exigeons des crédits récurrents pour les laboratoires et nous refusons de passer plus de temps à chercher de l’argent qu’à faire de la recherche.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ne cessent de nous mettre en concurrence et de nous évaluer. Nous refusons la compétition permanente dont toutes les études démontrent qu’elle ne favorise pas la recherche et qu’elle brise les équipes et la collégialité.

      – L’Université s’arrête parce le management autoritaire dans tous les établissements a provoqué burn-out, harcèlements et suicides. Nous ne sommes pas des robots, ni des « ressources humaines », nous sommes des individus et exigeons le respect et les conditions de travail décentes qui sont dus à tous les salariés.

      – L’Université s’arrête parce que la planète brûle. Nous demandons une liberté totale de recherche et tous les moyens nécessaires pour inventer les solutions scientifiques et techniques afin de lutter contre la crise écologique et le réchauffement climatique.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent faire de l’université une entreprise comme les autres. Nous sommes un Service public qui œuvre pour le bien commun.

      - L’université s’arrête parce qu’ils ne sont pas l’université. Nous sommes l’université.

      –------

      Contributions formulées dans les commentaires (sans sélection aucune). Elles n’engagent pas le blogueur. Elles peuvent être débattues dans le fil des commentaires.

      De Blaz :

      L’université s’arrête puisque les facultés de sciences sociales entassent les publics populaires qui récolteront - s’ils vont jusqu’au bout du cursus- des diplômes dévalorisés. Nous voulons que les facultés dites à "pouvoir" (y compris les grandes écoles) soient plus représentatives de la diversité, quitte à passer par des politiques de "discrimination positive".

      L’université s’arrête lorsque des séminaires doctoraux regroupent des chercheurs calculateurs, parcimonieux, disposés à entendre les idées des autres mais jamais à partager leur réflexion. Nous voulons des chercheurs universitaires qui nous grandissent, qui grandissent avec nous lors d’’échanges réflexifs

      L’université s’arrête parce qu’une horde d’étudiants étrangers s’inscrivent en troisième cycle, contribuent par leurs efforts à développer des savoirs (dont certains seront commercialisés) avant de se retrouver sur le tarmac. Nous voulons des universités qui ne profitent pas de la misère du monde (prolongation du titre de séjour) pour exploiter la matière grise des pays dits "sous-développés"

      L’université s’arrête puisque la réflexion intellectuelle a été substituée par "une économie du savoir" contraignant le chercheur à multiplier des publications pour exister. Résultat des courses : y’a rien à lire ! Nous voulons des chercheurs au service de la « clarté ».

      L’université s’arrête dès lors qu’elle exerce volontiers la censure à l’endroit de savoirs non consacrés. Nous voulons une université moins conformiste, ouverte aux études postcoloniales.

      De NOID :

      L’université s’arrête parce qu’ils croient que nous n’avons pas le temps pour l’éthique, que l’art ne se vit pas mais se consomme, que le temps de la philosophie est perdu. Nous savons qu’il est dangereux d’enrichir "ils" par de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs qui renforceraient encore leurs pouvoirs.

      L’université s’arrête parce qu’ils croient qu’on peut amender les lois de la physique. Nous ne voulons plus donner de confiture aux cochons.

      De LAURENTGOLON :

      L’Université s’arrête parce qu’ils pensent qu’elle est inutile. Nous savons qu’elle donne à penser et nous exigeons du temps pour le faire.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent la piloter et la museler par la multiplication des appels à projet. Nous sommes l’université libre qui cherche là où elle pressent qu’une question se pose et nous exigeons les moyens et le temps de mettre en œuvre notre liberté académique.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent orienter nos projets vers la rentabilité. Nous sommes la recherche pour et avec tou·te·s et nous exigeons que le statut d’auditeur libre ne fasse plus l’objet d’aucune restriction.

      De Bertrand Rouziès :

      L’université s’arrête aussi parce que de nouveaux mandarins, cumulards de hautes responsabilités administratives, en doctes excroissances de la servilité politique, du trafic d’influence et de la police de la pensée, profitent de la paupérisation croissante des chercheurs pour en vampiriser les travaux et les vassaliser.

      Quand l’université ne s’arrête pas d’elle-même pour reprendre ses esprits, se redonner du souffle et du coffre, elle offre le spectacle, dans son (dys)fonctionnement ordinaire, d’un idéal à l’arrêt.

      L’université s’arrête quand la cooptation et les clauses tacites biaisent le recrutement et fabriquent un « nous » de corps de garde ou de corps de ferme.

      L’université s’arrête quand les maîtres n’apprennent plus à leurs disciples à se passer d’un maître.

      L’université s’arrête où l’universalité se contraint.

      L’université s’arrête où l’entreprise commence.

      Deux extraits du discours prononcé par Simon Leys le 18 novembre 2005 à l’Université catholique de Louvain lors de la remise du doctorat honoris causa

      UNE IDÉE DE L’UNIVERSITÉ

      « Il y a quelques années, en Angleterre, un brillant et fringant jeune ministre de l’Éducation était venu visiter une grande et ancienne université ; il prononça un discours adressé à l’ensemble du corps professoral, pour leur exposer de nouvelles mesures gouvernementales en matière d’éducation, et commença par ces mots : « Messieurs, comme vous êtes tous ici des employés de l’université… », mais un universitaire l’interrompit aussitôt : « Excusez-moi, Monsieur le Ministre, nous ne sommes pas les employés de l’université, nous sommes l’université. » On ne saurait mieux dire. Les seuls employés de l’université sont les administrateurs professionnels, et ceux-ci ne « dirigent » pas les universitaires – ils sont à leur service. »

      « Un recteur d’université nous a engagés un jour à considérer nos étudiants non comme des étudiants, mais bien comme des clients. J’ai compris ce jour-là qu’il était temps de s’en aller. »

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/050320/pourquoi-l-universite-s-arrete-billet-participatif

    • Avis du COMETS : « Contribution du Comité d’Ethique du CNRS (COMETS) aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche »

      Séance plénière du COMETS du 24/02/2020.

      Le gouvernement promet une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui devrait s’accompagner d’un accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacrée à la recherche. Le COMETS considère cette annonce comme très encourageante. Toutefois, au vu des rapports de préfiguration à la loi et des premières déclarations de décideurs ou responsables, le COMETS tient à les examiner à la lumière de l’intégrité et de l’éthique. Ces dimensions lui paraissent essentielles à la fois pour conduire la science et pour assurer la confiance que les citoyens accordent aux chercheurs. Dans la perspective de la rédaction finale du projet de loi, le COMETS exprime ici ses inquiétudes et formule quelques recommandations qui découlent de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre ressources récurrentes et contractuelles est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de méconduites et fraudes telles que le plagiat et la falsification des résultats. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement.

      De tels manquements à l’intégrité et à la déontologie risquent d’être favorisés par la précarité programmée des personnels de la recherche touchant notamment les femmes. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères.

      L’extension annoncée des effectifs de professeurs associés et la création de directeurs de recherche associés exerçant une activité en dehors de l’organisme peut être source de conflits d’intérêts. Des procédures claires de déclaration de liens d’intérêts devront donc être mises en place.

      La réduction des postes de fonctionnaires ne peut qu’amplifier le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier au manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-comets-lppr

    • Contre la pandémie : des moyens durables pour nos services publics !

      Communiqué du 14 mars 2020 du comité de mobilisation des facs et labos en lutte.

      Depuis le 5 décembre, travailleur·ses et étudiant·es de tous statuts luttent dans les facs et les labos – et auprès des travailleur·ses de tous les secteurs – contre la destruction du système de retraite par répartition. Depuis le 5 mars, nous avons appelé à la mise à l’arrêt des universités et de la recherche pour protester contre les conditions de travail et d’étude désastreuses, et la pénurie de postes statutaires et de moyens pérennes, que viendrait aggraver la future Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) : système universitaire à deux vitesses, compétition accrue pour les crédits de recherche, précarité de l’emploi intensifiée, conditions d’étude détériorées. Depuis des années, nous sommes nombreux·ses à alerter sur les conséquences dramatiques de la destruction des services publics et des politiques d’austérité.

      Jeudi 12 mars, dans une allocution présidentielle suscitée par la crise sanitaire majeure à laquelle est confronté le pays, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture aux usagèr·es, jusqu’à nouvel ordre, des crèches, des écoles, des collèges, des lycées et des universités. Cette décision est nécessaire mais tardive, car des cas étaient déjà comptabilisés notamment dans les universités et que la fermeture proactive des écoles dès l’arrivée des premiers cas sauve des vies en cas de pandémie. Et bien d’autres lieux de travail ne devraient-ils pas être fermés, si nos vies comptaient plus que le CAC 40 ?
      Santé et recherche publiques au rabais

      Macron a prétendu porter « la reconnaissance de la nation » aux « héros en blouse blanche ». Pour mieux ignorer ces mêmes héros, lorsqu’ils sonnent l’alerte sur les effets catastrophiques des années de politiques d’austérité dans la santé et la recherche publiques ? Face à la crise hospitalière, le gouvernement ne propose que des heures supplémentaires et une inquiétante réforme de la formation des internes. Comme le rappellent les soignant·es en lutte, les hôpitaux ne disposent pas aujourd’hui des moyens humains et matériels suffisants pour faire face à une crise sanitaire majeure. Protéger la santé de tou·tes autrement que dans l’urgence implique un vrai plan de financement public et de recrutement de fonctionnaires à l’hôpital, la suppression du jour de carence et de tout frein à l’accès aux soins, y compris pour tou·tes les étrangèr·es, ou encore l’attribution de postes pérennes et de moyens suffisants pour la propreté, l’hygiène et la sécurité de tous les lieux de travail.

      De la même façon, Macron affirme sa confiance dans la recherche française pour trouver en urgence des issues à la crise sanitaire, quand notre recherche publique a pris du retard du fait d’un manque structurel de crédits à long terme pour les laboratoires, soumis à l’idéologie de la compétition sur projets : plus de dix années perdues pour la recherche fondamentale sur le coronavirus ! Des mesures immédiates doivent être prises pour inverser cette tendance. L’État doit par exemple cesser d’offrir aux grandes entreprises l’équivalent de deux fois le budget du CNRS (sous la forme du « Crédit Impôt Recherche »), et redistribuer cet argent aux laboratoires de recherche publics. Notre pays a plus que jamais besoin de rétablir une recherche diversifiée et fondamentale, une université et des services publics dotés de moyens humains et financiers à la hauteur des défis écologiques, sanitaires et sociaux que nous devons relever, à l’opposé de politiques « d’innovation » de court-terme, partielles et marchandes.
      Qui paiera la crise sanitaire et sociale ?

      Des « plans de continuité de l’activité » sont en cours d’élaboration précipitée dans les universités. Comme à l’hôpital, les circonstances exceptionnelles exacerbent les tensions dans des universités déjà au bord du burn-out collectif. Le gouvernement doit se rendre à l’évidence : la fermeture des facs aux étudiant·es et à une large part des travailleur·ses est incompatible avec la poursuite des cours et des évaluations. Prétendre le contraire est un nouveau signe de mépris des bonnes conditions de travail, d’études et de vie. Le service public de l’enseignement nécessite l’accès à de vrais cours, mais aussi à des bibliothèques et autres lieux et outils de travail, actuellement impossible. Les BIAT·O·SS ne sont pas des variables d’ajustement ni des pions à déplacer de force : face au risque sanitaire, il ne saurait être question de les obliger à être présent·es sur leur lieu de travail, ni à travailler à distance. Les enseignant·es doivent garder le contrôle de leur travail et de ses fruits, y compris sur le plan de la propriété intellectuelle. La protection des données personnelles doit être préservée. Quant aux considérables obstacles techniques à l’enseignement à distance, ils sont autant d’obstacles sociaux, qui aggraveraient les inégalités déjà en forte augmentation avec les politiques universitaires actuelles. Et quid des étudiant·es et membres du personnel qui devront s’occuper toute la journée de leurs enfants scolarisés en temps normal ? La généralisation des cours en ligne n’est une solution ni pour les enseignant·es, ni pour le personnel BIAT·O·SS, ni pour les étudiant·es.

      Nous refusons de payer le prix des fermetures. Toutes les heures de travail prévues doivent être payées normalement, y compris les vacations empêchées par les fermetures, quels que soient les statuts et les situations sanitaires ou familiales des travailleur·ses. La poursuite des études doit être envisagée en assumant qu’il y a rupture avec les conditions normales et que ni les membres du personnel ni les étudiant·es ne doivent en faire les frais. Nous demandons à notre ministre d’accéder enfin à nos revendications, et de titulariser les vacataires auxquel·les l’université a massivement recours et qui assurent des fonctions pérennes, pour une rémunération différée et très souvent en-dessous du SMIC horaire. Nous demandons pour la rentrée 2020 et les suivantes, les milliers de postes statutaires qui manquent et le dégel total des postes existants. Nous demandons une université gratuite, non sélective et dotée de moyens financiers, humains et techniques à la hauteur des besoins de formation, et des revenus étudiants sans lesquels il n’y a pas d’égalité d’accès aux études.

      Macron prétend vouloir « protéger » les salarié·es et la population d’une crise sanitaire, économique et sociale. Chômage technique partiel indemnisé par l’État ? Rien de rassurant pour grand nombre de précaires parmi nos collègues et étudiant·es, et dans l’ensemble de la société, qui risquent tout simplement de perdre emplois et revenus. La réforme de l’indemnité chômage censée s’appliquer aux personnes ouvrant des droits à partir du mois prochain ne doit pas être aménagée, mais annulée. Et comment les vagues mesures « protectrices » seraient-elles financées ? Les seules mesures concrètes annoncées sur le plan économique et social concernent les cotisations patronales reportées, et la préparation d’un « plan de relance ». Pour les grandes entreprises privées, Macron redécouvre que « l’argent magique » existe, ce même argent qu’il refuse aux services publics et au financement de nos solidarités.
      Pour la solidarité, nous restons mobilisé·es !

      Enfin, combien de postes… de télévision ont manqué d’être fracassés lorsque Macron a prononcé les mots de « solidarité entre générations » ? Comme la majorité de la population, nous savons ce que vaut sa novlangue. C’est le même Macron qui tente depuis des mois de détruire un système de retraites qui est le meilleur exemple de cette solidarité, fondé sur la cotisation des actif·ves reversée aux retraité·es. Le retrait de la contre-réforme « par points » demeure une nécessité absolue.

      Depuis des décennies, c’est l’ensemble des dispositifs de solidarité sociale qui sont fragilisés par des mesures gouvernementales. Dans le domaine universitaire, le projet de LPPR prolonge les lois LRU, ORE (« ParcourSup ») et de la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »), menaçant de briser toute solidarité dans les facs et labos.

      Nous ne nous laisserons pas abuser par un discours qui glorifie en façade la « mobilisation générale de la recherche » et la « solidarité », mais ne débloque de l’argent public que pour rassurer les grandes entreprises. Notre défiance reste entière envers un gouvernement qui s’est mis à dos la majorité de la population par la violence de ses politiques inégalitaires. Nous appelons à l’amplification des mesures exceptionnelles de santé publique tant qu’il le faudra, mais aussi au rétablissement durable du système public de santé et de recherche. Travailleur·ses et étudiant·es refusent de payer la crise sanitaire, économique, sociale.

      Et nous ne laisserons pas le gouvernement en profiter pour accélérer ses réformes impopulaires. La crise sanitaire révèle les conséquences dramatiques de ces réformes, autant que l’absolue nécessité de se battre pour nos services publics et nos solidarités.
      Les universités ferment, nos luttes continuent !

      https://universiteouverte.org/2020/03/14/contre-la-pandemie-des-moyens-durables-pour-nos-services-publics

    • 5 mars : des salarié·e·s de #Mediapart soutiennent enseignant·e·s, chercheur·e·s et étudiant·e·s

      Salarié·e·s de Mediapart, nous soutenons la mobilisation de l’Université du 5 mars. La réforme qui menace les chercheurs, vouée à accélérer leur précarisation et à détériorer leurs conditions de travail, met en péril l’élaboration de savoirs si précieux pour un journal numérique et participatif comme le nôtre. Pour défendre le débat public, il est indispensable que les travailleur·e·s du numérique, du journalisme et de la recherche soient solidaires.

      Ce 5 mars, « l’Université et la recherche s’arrêtent ». De nombreux personnels, laboratoires, unités et revues cessent le travail, en réaction au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et contre la réforme des retraites qui les concerne au même titre que les autres actifs.

      La mobilisation, qui couve depuis de nombreux mois, s’exprime de manière plus spectaculaire aujourd’hui. Elle est le fruit d’au moins une décennie de frustrations accumulées par les agents titulaires comme par les travailleurs précaires, ceux-ci constituant une véritable armée de réserve de l’enseignement supérieur. À des degrés divers, toutes et tous souffrent du sous-financement chronique du secteur, et de son basculement dans un modèle centralisateur, managérial et concurrentiel, en décalage avec ses missions initiales de formation et de recherche indépendante.

      Nous, salarié·e·s de Mediapart, exprimons notre solidarité à l’égard de tous les personnels engagés contre une loi qui aggravera leur précarité et leurs conditions de travail (déjà dégradées). Si leur situation sociale suffirait à légitimer la contestation, la portée de celle-ci se révèle bien plus large. Travaillant pour un média d’information générale, mobilisant régulièrement les savoirs acquis sur la marche de nos sociétés, nous mesurons l’importance cruciale des chercheurs, chercheuses, enseignantes et enseignants pour la qualité du débat public.

      Dans notre pratique professionnelle, nous avons en effet recours à leur regard et leur savoir pour donner du sens aux faits dont nous rendons compte. Afin de s’y retrouver dans le chaos des informations brutes dont nous sommes inondés chaque jour, citoyens comme journalistes, il est nécessaire d’avoir de la mémoire et de se doter de grilles de lecture multiples. Pour qui se préoccupe des comportements et décisions qui déterminent notre destin collectif, cet éclairage se révèle indispensable, y compris lorsqu’il est polémique.

      À côté des acteurs partisans, syndicaux et associatifs, les enseignants et les chercheurs, qui sont aussi des citoyens, assument parfois un rôle d’intervention qui contribue à la conversation nationale. Nous en faisons régulièrement l’expérience grâce aux contributeurs du Club — l’espace participatif de Mediapart. Les affinités entre la recherche, et le journalisme comme producteur d’informations et animateur du débat public, sont donc évidentes.

      Or, en dehors de quelques think tanks aux effectifs réduits, l’université publique est un lieu privilégié, quasi-unique, pour accomplir un travail intellectuel de fond. Celui-ci exige du temps et de la méthode pour collecter des données, les interpréter, les mettre en perspective avec les connaissances déjà accumulées, et enfin les discuter avec des pairs. Si l’université continue à se paupériser et à violenter ses personnels, ceux-ci risquent d’être à la fois moins nombreux et moins disposés à remplir cette fonction d’« #intellectuel_public » qui est pourtant l’une des dimensions possibles, et nécessaires, de leur métier.

      Cela ne veut pas dire que ce travail ne peut se faire et ne se fera pas ailleurs — mais à court et moyen terme, aucune autre institution que celles de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut s’y substituer. Au-delà de l’enjeu social, il y a donc un enjeu démocratique à empêcher la casse de l’université.

      Alors que de nombreux salariés de Mediapart se sont mobilisés depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites, l’expérience de la grève nous a aussi appris les nombreux points communs de nos métiers avec ceux de l’enseignement et de la recherche, notamment parmi les travailleurs·ses du numérique. Nous éditons des sites de revues, de médias, des applications et des plateformes en ligne, nous animons quotidiennement des réseaux sociaux, nous gérons le développement et la maintenance des infrastructures web.

      Depuis le mois de décembre, nous nous sommes même coordonnés pour mettre en place des actions collectives originales, rédiger des textes communs et bien sûr manifester ensemble, notamment avec le collectif onestla.tech. Parmi ces actions, les salariés de OpenEditions ont joué un rôle pionnier de la lutte en bloquant de façon inédite l’accès à leur plateforme de publications scientifiques (qui compte 6 millions de visiteurs uniques mensuels) ; les community managers de Mediapart ont à plusieurs reprises occupé leurs réseaux sociaux, une grande partie des salariés s’est mise en grève le 24 janvier et a décidé d’occuper la Une du journal. L’ensemble de ces acteurs a rejoint de nombreux travailleurs du numérique ainsi que le collectif des « revues en luttes » pour réaliser une opération coordonnée de blocage ce même jour (24 janvier).

      Cette grève n’aurait pas eu le même poids sans cette convergence et coordination des acteurs du numérique. Aujourd’hui, dans la continuité de la mobilisation contre la loi LPPR, cette journée du 5 mars s’inscrit comme une étape supérieure de la lutte.

      Le numérique, le web, le digital doivent être des vecteurs du savoir, du partage de connaissance et de l’émancipation humaine. Il ne doit pas être cantonné à un rôle de simple espace abandonné aux règles du marché, à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, ni d’exploitation des travailleurs, souvent invisibles, qui portent les infrastructures à bout de bras. Ce constat vaut pour la recherche, puissant carburant de nos médias et de notre débat public, dont les agents doivent pouvoir rester indépendants et bénéficier d’un cadre de travail protecteur.

      Un collectif de salarié·e·s de Mediapart

      Guillaume Chaudet-Foglia
      Joseph Confavreux
      Chrystelle Coupat
      Renaud Creus
      Géraldine Delacroix
      Lucie Delaporte
      Claire Denis
      Cécile Dony
      Fabien Escalona
      Ana Ferrer
      Maria Frih
      Livia Garrigue
      Mathilde Goanec
      Romaric Godin
      Dan Israel
      Manuel Jardinaud
      Sabrina Kassa
      Karl Laske
      Jade Lindgaard
      Maxime Lefébure
      Gaëtan Le Feuvre
      Mathieu Magnaudeix
      Laurent Mauduit
      Lorraine Melin
      Edwy Plenel
      Alexandre Raguet
      Ellen Salvi
      Laura Seigneur

      https://blogs.mediapart.fr/en-soutien-aux-chercheurs-en-lutte/blog/050320/5-mars-des-salarie-e-s-de-mediapart-soutiennent-enseignants-chercheu

    • "Allô Précaires ?" Écoutez le premier #podcast

      ALLO PRECAIRES ? Ecoutez le premier recueil de témoignages de #précaires de l’ESR ! On est encore tout.e.s ému.e.s…

      Ces témoignages racontent les conditions concrètes de travail à l’Université, mais aussi et surtout leurs répercussions sur le quotidien et la vie familiale et affective. Le #répondeur permet visiblement l’expression des #émotions : parole libre et anonyme, absence de regard extérieur direct.

      En raison du nombre important de demandes de relectures, nous avons choisi de modifier les voix pour garantir l’anonymat (la relecture aurait demandé un lourd travail de retranscription). De plus, il nous a semblé important de conserver l’émotion qui se dégage des différents témoignages.

      Merci d’avoir partagé votre expérience. Tenez bon, le panda reste à votre écoute !
      >> 07.49.07.15.34 << NB : Toutes les voix ont été modifiées pour garantir l’anonymat des témoignages

      https://precairesesrrouen.wordpress.com/2020/03/10/allo-precaires-ecoutez-le-premier-podcast

      Et sur soundcloud :
      https://soundcloud.com/user-10605953-422618281/allo-precaires-podcast1

      #témoignage #témoignages #audio #précarité

    • University community in France mobilizes against proposed research law

      The new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government calls for converting permanent researcher posts to contract vacancies based on the tenure of research projects.

      Researchers in France have initiated a massive protest against the new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government. The national coordination of “faculties and labs in struggle” started a research strike from March 9, Monday. More than 100 universities and schools, nearly 300 laboratories and 145 scientific journals in the humanities and social sciences have expressed support for the protests called by the national coordination committee of researchers.

      LPPR calls for the conversion of research vacancies in the country into limited period posts based on the tenure of projects carried out by research institutions. Such a move is likely to affect those who work in regular posts and has also created widespread discontent among tens of thousands of researchers and students who currently work in contract/ temporary vacancies, for whom there will be no possibility of regular/permanent jobs in the future.

      On March 5, tens of thousands of researchers had joined the mobilization against the LPPR across the country, with over 20,000 people participating in the protest in Paris alone.

      The ministerial consultations for the new law, announced by French prime minister Édouard Philippe last year, have reportedly concluded and the draft is expected to be introduced by government soon.

      Secretary of the Union of the Communist Students (UEC) Anais Fley told Peoples Dispatch, “The LPPR (Multi-annual research programming law) is a bill that aims to reform the university in the same neoliberal approach. If this bill is adopted, it will deepen inequalities at university, increase competition between researchers and degrade the working conditions of the teacher-researchers as well as the students.”

      “One of the main pivots of this law is to transform research contracts on the basis of projects, without further funding public research, or allowing these projects to be structured over the long term. The consequence of this bill is to make public research even more precarious,” she added.

      Fley also said that faced with this social and scientific regression, the French university community is mobilizing, with university staff, doctoral students and professors on the front line. “Of course, this mobilization resonates with the strikes against the pension reform,” she further stated.

      https://peoplesdispatch.org/2020/03/09/university-community-in-france-mobilizes-against-proposed-research-

    • Le 5 mars l’Université et la recherche s’arrêtent. #10_chiffres pour comprendre

      Grâce au mouvement contre la réforme des retraites, initié par les travailleurs·ses de la RATP et de la SNCF, les facs et les labos sont entrés en lutte dès le mois de décembre 2019, sur cette bataille interprofessionnelle mais aussi sur deux sujets propres au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nouvelle attaque néolibérale (https://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations), et la précarité massive qui touche d’ores et déjà les universités et la recherche, étudiant·e·s et personnels.

      L’économiste #Hugo_Harari-Kermadec, spécialiste de l’enseignement supérieur (https://www.contretemps.eu/universite-marchandisee-entretien-harari-kermadec), rappelle en dix chiffres – et quelques autres – pourquoi l’Université et la recherche s’arrêteront le 5 mars, et pourquoi la lutte va continuer ensuite. Cette liste a été constituée à partir de l’intervention de Marie Sonnette sur France Culture, que l’on pourra (ré)écouter ici (https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

      ).

      On pourra également consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (https://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

      *

      108 facs et 268 labos en lutte (https://universiteouverte.org/2020/01/14/liste-des-facs-et-labos-en-lutte).

      130 000 vacataires (https://ancmsp.com/lppr-2-smic-pour-les-titulaires-des-cacahuetes-pour) assurent ensemble plus du tiers des cours à l’université, payé·e·s 26 centimes d’euro sous le SMIC.

      300 000 étudiant·e·s supplémentaires en dix ans mais 0€ en plus pour les accueillir. Plus de 40% travaillent en parallèle de leurs études.

      Parcoursup a introduit la sélection en L1 pour au moins 30% des étudiant·e·s (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/02/27/parcoursup-fin-du-game-cour-des-comptes), et 99% de l’algorithme est opaque selon la cour des comptes.

      1 600% d’augmentation des frais d’inscription (https://universiteouverte.org/2019/04/28/officialisation-de-la-hausse-des-frais-que-retenir-des-decrets) pour les étudiant·es non européen·ne·s en Licence (à 2 770 € /an) et Master (à 3 770 € /an) depuis le décret « Bienvenue en France » (sic) en 2019.

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·es-chercheu·ses.

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnel·les BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes et que promet le gouvernement dans la LPPR.

      57 milliards versés à 10 facs d’élite (#Programme_Investissement_d’Avenir) (https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir), c’est la politique « d’excellence » qui produit une université à deux vitesses.

      5 milliards (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) de moins en cotisations retraites de l’État pour les personnel·les de l’enseignement supérieur et la recherche, c’est ce que la réforme des retraites nous prend sur notre salaire socialisé.

      60 000 postes de titulaires (https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf) et 18 milliards d’euros manquants pour l’université et la recherche.

      *
      Lutte généralisée

      108 facs et 268 labos, 30 collectifs de précaires, 134 revues, 16 sociétés savantes, 46 séminaires, 35 sections CNU, 54 évaluateur·trices de l’HCERES, etc., mobilisé·es (décompte du 1er mars) contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites au 22 février. Une lettre contre la LPPR a été signée par plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont signé une lettre commune.

      Cet argent qui manque

      70 milliards d’euros, c’est-à-dire 3% du PIB, c’est l’engagement des gouvernements successifs pour l’enseignement supérieur et la recherche (2/3 pour l’enseignement supérieur, 1/3 pour la recherche). Mais la dépense publique réelle est loin de cette annonce : au compte au mieux 32 milliards pour l’enseignement supérieur et 20 milliards pour la recherche publique. Il manque donc au moins 18 milliards d’euros par an pour les facs et les labos. Les syndicats demandent une hausse cumulative de 3 milliards par an pendant 10 ans.

      Des moyens concentrés pour les facs d’élite

      Et encore, en 2019, un milliard d’euros de l’ESR relève du Programme Investissements d’Avenir (PIA) qui a attribué en tout 57 milliards d’euros depuis son lancement par Sarkozy en 2010, c’est-à-dire certaines années presque autant que tout le budget de l’ESR, de façon extrêmement inégalitaire en concentrant les moyens dans les établissements déjà les mieux dotés financièrement, les plus réputés et avec la population étudiante la plus favorisée socialement, souvent passée par les classes préparatoires.

      Moins d’une dizaine de regroupements (rassemblant une ou deux universités et des très grandes écoles) ont remporté un Idex dans le cadre de ces investissements d’avenir, soit 800 millions d’euros pour chacun de ces regroupements.

      Une dégradation des conditions d’étude

      A l’autre bout de la hiérarchie universitaire, la majorité des universités, situées en banlieue ou dans des villes moyennes, ont vu leur moyen au mieux stagner depuis une dizaine d’années, alors qu’elles ont pris en charge l’essentiel de la massification du supérieur, le nombre d’étudiant·es augmentant de 300 000, dont 220 000 dans les universités.

      On a donc une baisse du budget par étudiant·e d’au moins 10% dans ces universités[1], alors qu’avec les Sections de techniciens supérieurs (STS) elles prennent en charge l’essentiel de l’accès des classes populaires au supérieur : bacheliers professionnels et surtout technologiques, enfants d’ouvriers ou d’immigrés accèdent plus nombreux au supérieur depuis les années 2000, mais pour une bonne partie d’entre eux·elles dans ces universités qui ne bénéficient pas des politiques d’excellence, et presqu’exclusivement en cycle licence.

      Pour financer une allocation d’autonomie ou un salaire étudiant pour toutes et tous, à 1 000 € par mois et 12 mois par an, 21 milliards d’euros seraient nécessaires. Cela pourrait se traduire par la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale ou par l’intégration de son financement à l’une des branches actuelles. Par exemple, au sein de la branche famille, le financement des 21 milliards d’euros représenterait une hausse d’un peu plus de 3 points des cotisations patronales (voir le dernier chapitre du livre Arrêtons les frais).

      Précarité

      Les facs d’élite comme celles de la massification font face à leur nouvelle mission avec la même stratégie, à savoir la précarisation des personnels : dans les facs d’élite, parce que les financements d’excellence sont des financements à court ou moyens termes, qui ne permettent de recruter qu’en CDD ; dans les autres facs, pour faire face à la hausse du nombre d’étudiant·e·s, donc des besoins d’enseignement, et au manque de moyens, les présidences remplacent les postes de titulaires par des contractuels et surtout des vacataires, payés à l’heure, pour qui reviennent

      130 000 vacataires assurent ainsi ensemble plus du tiers des cours à l’université. Au moins 17 000 d’entre elles et eux font plus de 96 heures équivalent TD, c’est-à-dire un mi-temps d’enseignant·e-chercheu·se, et c’est donc sans doute leur emploi principal. 26 centimes d’euro sous le SMIC, c’est le salaire horaire des vacataires : 9,89 euros brut l’heure de travail effectif.

      Un assèchement de l’emploi public

      4 millions d’heures complémentaires sont assurées par les enseignant·e·s et/ou chercheurs·ses titulaires, soit l’équivalent de 20 000 postes.

      Au CNRS, par exemple, les effectifs de personnels permanents ont diminué de 1 350 en 10 ans, entre 2007 et 2016 ! Dont une majorité de perte d’ingénieur·es et technicien·nes (-900), les emplois de chercheurs·ses reculant de 450 environ. 20% des personnels de la recherche sont précaires (un peu plus chez les IT que chez les chercheu·ses), en particulier employé·e·s sur des CDD liés à des contrats ANR.

      Les effectifs d’enseignant·e·s-chercheurs·ses sont identiques en 2017 (56 700 PR et MCF titulaires) à ce qu’ils étaient en 2012 (56 500), en dépit des 5000 « emplois Fioraso » (Source : MESRI-DGRH, 2018). Sur la même période, les effectifs étudiants dans les universités publiques ont augmenté de 16 %, passant de 1, 41 à 1,64 millions (source : MESRI-SIES, 2018).

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·e·s-chercheurs·ses. Davantage de précaires, moins de postes de titulaires (alors qu’il y avait 2 600 MCF et CR recruté·e·s en 2009, il n’y en avait plus que 1 700 en 2016, et les choses ont empiré depuis), il y a embouteillage dans les concours de maître·sse·s de conférences et de chargé·e·s de recherche et l’âge de recrutement sur un poste permanent ne fait que reculer.

      60 000 postes de titulaires, c’est donc ce qui permettrait de résorber la précarité et de rétablir des conditions de travail et d’étude de qualité pour toutes et tous à l’université.

      730 millions d’euros, c’est ce qui manque pour financer les thèses de doctorant·e·s en LSHS (estimation de la CJC). En effet, dans ces disciplines, c’est 60% de thèses qui débutent sans financement. Elles terminent également très souvent grâce aux allocations chômage. Avec 730 millions, on pourrait financer les 3875 contrats manquants en LSHS. Il en manque sans doute aussi un peu en sciences fondamentales et expérimentales.

      Genre

      Seulement 5% des présidents de regroupement d’établissements, 17% des présidents d’université, 25% des professeurs, 34% des chercheurs sont des femmes. Tous les mécanismes concurrentiels, type appels à projets ou prime, de même que la précarité, renforcent les inégalités de genre.

      LPPR

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnels BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes. Elle regrette d’ailleurs qu’à l’occasion de fusion entre établissements, ce soit parfois le meilleur accord sur le temps de travail qui se généralise ! Le gouvernement a promis de profiter de la LPPR pour réaligner tout le monde vers plus de temps de travail (mais pas vers plus de salaire).

      6 milliards, c’est le coût de préparation et de rédaction des 130 000 projets soumis en pure perte à la Commission européenne dans l’espoir, déçu, d’obtenir un financement européen de la recherche (ERC). Il faudrait ajouter le coût des projets rejetés au niveau national, comme l’ANR français mais aussi les appels à projets d’excellence (IDEX, Equipex, LABEX, etc), et au niveau local avec tous les appels internes aux nombreuses structures universitaires et scientifiques.

      6 milliards c’est aussi le coût du Crédit Impôt Recherche que le gouvernement offre chaque année aux entreprises sans presque aucun contrôle et sans effet notable sur l’emploi scientifique ou l’effort de recherche des entreprises privées).

      Retraites

      42 milliards, c’est ce que l’Etat compte économiser à terme sur le salaire socialisé des fonctionnaires en passant le niveau de cotisation retraite, actuellement à 74,3% dans la fonction publique, à 16,9% dans le futur système « universel » de Macron. Rien que dans l’enseignement supérieur et la recherche, cela représente à terme 5 milliards d’euros de cotisation retraite en moins à verser pour l’Etat, une économie évidement sans commune mesure avec les faibles hausses de revenus promises (essentiellement sous forme de prime, donc inégalitaires).

      Notes

      [1] En euros constant, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est passé de 12,4 milliards en 2008 à 13,4 milliards en 2018, alors que les effectifs étudiants passaient de 2,2 millions à près de 2,7 millions sur la même période. On obtient donc une chute du financement par étudiant·e de pratiquement 10%. https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/10/12/budget-2018-la-jeunesse-sacrifiee

      https://www.contretemps.eu/10-chiffres-lutte-universite-recherche

    • La Galère de l’ESR - Numéro 2

      Ce journal est écrit par un collectif de précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Il vise à informer nos collègues titulaires et à fournir à tous des éléments factuels pour débattre sereinement des conditions de travail et de l’évolution de la recherche publique française. Ces dix dernières années, d’excellentes initiatives comme Science en Marche ont permis d’établir un diagnostique très complet. C’est à partir de celui-ci, et à l’aide des nombreux rapports gouvernementaux et d’articles de presse, que nous tentons ici, de dresser un constat honnête de nos laboratoires. Cet exposé factuel ne saurait être isolé d’une critique incarnée, tant le rapport au travail pour nos collègues jeunes chercheur(ses) est viscéralement lié à leur vie extra-profesionnelle. Combien aussi le fossé est immense avec certains de nos anciens, qui connurent la titularisation avant même la fin de leur thèse de doctorat. Ceux-là doivent nous entendre, car dans nos murs tout a changé. Cette forme de gazette vise à être facilement diffusée de boîte mail en boîte mail. Mieux, elle se mariera parfaitement aux tâches de cafés de la table de votre salle commune.


      https://seenthis.net/messages/834159

    • Le 8 juillet, tandis que le projet de la LPPR était censé passer devant le conseil des ministres, nous étions à nouveau dans la rue, aux côtés de représentant·es d’autres secteurs en lutte, pour dénoncer une fois de plus la précarisation et la privatisation de l’université et de la recherche publiques.
      Des rassemblements ont eu lieu simultanément dans plusieurs villes en France, notamment à Lyon, à Nice, à Montpellier, à Angers ou à Nantes. A Paris, nous étions plus de 300 à nous retrouver à l’esplanade Pierre Vidal-Naquet.

      Toutes les vidéos des interventions de cette journée festive et revendicative sont à retrouver ici : https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte

      En voici quelques extraits :

      « On se bat depuis des mois contre la précarité étudiante, et on pourrait même dire la pauvreté étudiante. Parce que le confinement nous l’a bien fait voir : ce n’est plus de précarité qu’il s’agit, c’est de pauvreté, c’est de gens qui ne peuvent pas manger. » - Sophie, Solidaires Étudiant·es : https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=X0AKNOETmhU&feature=emb_logo



      « Cette LPPR elle est monstrueuse, c’est l’aboutissement d’un projet ultralibéral de privatisation » - Cendrine Berger, CGT FERC Sup : https://www.youtube.com/watch?v=cGpwIn4OfL4&feature=emb_logo


      « Décidons que nous disons ensemble non à cette précarisation de l’enseignement supérieur, non à cette transformation capitaliste de l’enseignement supérieur, non à ce néolibéralisme qui est là pour détruire tous les espoirs que les intellectuel·les français·es et étrangèr·es ont contribué à construire ensemble et à inscrire dans la constitution. Il faut lutter ensemble, pour que demain soit meilleur pour tout le monde. » - Juan Prosper, membre du syndicat des avocats de France : https://www.youtube.com/watch?v=2xlWAZ-tz28&feature=emb_logo


      « On n’a pas d’autre choix actuellement que de lutter, et de lutter ensemble, parce que nos luttes s’articulent toutes, parce que notre problème c’est le même, c’est toujours ce même paradigme qui cherche à gérer tout ça, c’est le néolibéralisme qui est là partout, et la privatisation de tout ce qui a fait le fondement de notre nation » - Cherine Benzouid, cardiopédiatre à l’hôpital Robert-Debré et membre du collectif inter-hôpitaux : https://www.youtube.com/watch?v=EZT_U51rCgc&feature=emb_logo


      « Ce que je vous propose là, c’est que nous soyons uni·es, que nous soyons vraiment des combattant·es pour éclaircir notre avenir. » - Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS : https://www.youtube.com/watch?v=iiZ--aR3IiY&feature=emb_logo

      Reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.07.2020

  • Serfs of Academe

    Adjunct, a novel by Geoff Cebula, is a love letter to academia, a self-help book, a learned disquisition on an obscure genre of Italian film, and a surprisingly affecting satire-cum-horror-comedy. In other words, exactly the kind of strange, unlucrative, interdisciplinary work that university presses, if they take any risks at all, should exist to print. Given the parlous state of academic publishing—with Stanford University Press nearly shutting down and all but a few presses ordered to turn profits or else—it should perhaps come as no surprise that one of the best recent books on the contemporary university was instead self-published on Amazon. Cebula, a scholar of Slavic literature who finished his Ph.D. in 2016 and then taught in a variety of contingent positions, learned his lesson. Adjunct became the leading entry in the rapidly expanding genre of academic “quit-lit,” the lovelorn farewell letters from those who’ve broken up with the university for good. Rather than continue to try for a tenure-track teaching gig, Cebula’s moved on and is now studying law.

    The novel’s heroine, Elena Malatesta, is an instructor of Italian at Bellwether College, an academically nondescript institution located somewhere in the northeast. Her teaching load—the number of officially designated “credit hours” per semester—has been reduced to just barely over half-time, allowing the college to offer minimum benefits even though her work seems to take up all of her day. Recently, the college has been advised to make still deeper cuts to the language departments, which are said to not only distract students but to actively harm them by inducing an interest in anything other than lucre. Elena responds with a mixture of paranoia and dark comedy: after the cuts there will be only so many jobs in languages left—maybe the Hindi teacher, anxious about her own position, is conspiring to bump her off? Then Elena had better launch a preemptive strike: this could be a “kill or be killed” situation.

    Like a good slasher flick, Adjunct proceeds through misdirection and red herrings, pointing to one potential perp after another—does the department chair have a knife?—to keep the reader as anxious as Elena, while her colleagues, first to her delight and then alarm, begin disappearing. Conveniently, Elena’s own research centers on Italian giallo films, which combine elements of suspense and horror and are one of the cinematic sources for American classics like Halloween (1978), A Nightmare on Elm Street (1984), and Scream (1996). As she flees into the safe confines of her office hours—the attackers’ only fear seems to be endangering the college’s primary profit source, the students—she thinks of the films she has assigned to her class and the ways they mirror her own predicament. A giallo, Elena thinks, depicts a world where the “circumstances determining who would live or die were completely ridiculous,” a life of “pervasive contingency”—“contingent” being the most common term for part-time and contract-based academic labor. This is why horror, for Cebula, becomes the natural genre through which to depict the life of the contemporary adjunct, which is to say, the majority of academic workers today.

    One suspects that Cebula’s inspiration for this lark came directly from genuine academic horror stories. Among the best known involves an adjunct at Duquesne University in Pittsburgh who taught French for twenty-five years, her salary never rising above $20,000, before dying nearly homeless in 2013 at the age of eighty-three, her classes cut, with no retirement benefits or health insurance. At San José State University in Silicon Valley, according to the San Francisco Chronicle, one English teacher lives out of her car, grading papers after dark by headlamp and keeping things neat so as to “avoid suspicion.” Another adjunct in an unidentified “large US city,” reports The Guardian, turned to sex work rather than lose her apartment.

    Though these stories are extreme, they are illustrative of the current academic workplace. According to the UC Berkeley Labor Center, 25 percent of part-time faculty nationally rely on public assistance programs. In 1969, 78 percent of instructional staff at US institutions of higher education were tenured or on the tenure track; today, after decades of institutional expansion amid stagnant or dwindling budgets, the figure is 33 percent. More than one million workers now serve as nonpermanent faculty in the US, constituting 50 percent of the instructional workforce at public Ph.D.-granting institutions, 56 percent at public masters degree–granting institutions, 62 percent at public bachelors degree–granting institutions, 83 percent at public community colleges, and 93 percent at for-profit institutions.

    To account for these developments, some may look to the increasing age of retirement of tenure-track faculty, which now stands at well over seventy. But, anecdotally at least, the reason many tenured faculty wait so long to retire may be the knowledge that they will not be replaced—when a Victorian poetry professor calls it quits, so, at many institutions, does her entire subfield. Who wants to know they will be the last person to teach a seminar on Tennyson? Others will blame the explosion of nonacademic staff: between 1975 and 2005, the number of full-time faculty in US higher education increased by 51 percent, while the number of administrators increased by 85 percent and the number of nonmanagerial professional staff increased by 240 percent. Such criticism can easily become unfair, as when teachers resent other workers who have taken over some of their old tasks—in fact sparing them chores like advising or curricula development—or when they act as though the university could do without programs that have made possible greater openness (such as Title IX officers and support for first-generation students).

    The clearest cause for the poor pay and job insecurity of today’s adjuncts is the decline in public support for higher education. Between 1990 and 2010, state investment per student dropped by 26 percent, even as costs per student increased. In most state budgets, “mandatory” spending for health care and K–12 schools steadily crowded out the single largest “discretionary” item, higher education. But if cuts in public support have been the clearest source of the crisis in academia, the reason the brunt of that crisis has fallen on adjuncts is a matter of quite specific power relations. Since the 1980s there has been a craze across the American workplace for cost-saving by “downsizing” management. But in private industry, there is strong evidence that initial cuts were rapidly followed by further hires, with the result that there were increases in both the relative number of managers and the pay they received, along with higher returns to shareholders—all paid for through reduced worker salaries and increased job insecurity.1

    Although the evidence is less clear in the academy, an analogous process appears to have been at work. Just as business managers in private industry squeezed workers to satisfy ever more demanding shareholders, taking home a cut for themselves in the process, so university administrators have reduced teacher pay and increased job insecurity in an effort to make possible expansions in operations that typically resulted in yet more administrative and professional staff, and higher salaries for those who directed them. In this process, teachers, because of their commitment to their jobs and the relative nontransferability of their skills, were simply more exploitable than, say, financial compliance officers. Notably, between 1975 and 2005, the proportion of part-time administrators in higher education decreased from 4 percent to 3 percent, even as the proportion of part-time adjuncts exploded. As one college vice-president advised a group of adjuncts at a large community college in the 2000s (the specific details are left vague for fear of retaliation), “You should realize that you are not considered faculty, or even people. You are units of flexibility.”

    This is a story common across the American economy since the 1980s, and one should remember that the squeeze is being felt not only in higher education. A number of studies advocate for a sense of solidarity between workers in the academy and in the larger economy. Joe Berry, in his landmark book on unionizing adjuncts, Reclaiming the Ivory Tower (2005), notes that the characteristics that might make academic workers appear out of place in traditional labor unions—their high levels of education and strong personal commitments to their jobs—can allow them, in a society where 65 percent of young adults have some college education, to serve as “prototypes for the new union members of the future.”

    Raewyn Connell, an emerita professor of sociology at the University of Sydney and veteran union activist, makes a similar argument in The Good University. At most institutions, she writes, the academic staff and the operations staff share a love for their work, a dedication to the students, and a sense that their labor serves the common good—a firm ground, she hopes, upon which to build a full-scale industrial union, bringing together all the workers in the sector into one overarching organization.

    Nonetheless, one of the reasons many adjuncts stay in poorly paid jobs is the dream of a position that would lead to tenure, and it is in the competition for such positions that the academic workplace may become distinctively terrible. “This is what faculty life looks like now,” Herb Childress writes in The Adjunct Underclass, “living in hope about the promises that are made to keep everyone quiet”—the whisper in an adjunct’s ear that “there may be a tenure-track line ahead.” The numbers, of course, belie such promises. To take the field of history, in 2017–2018 there were an average of 122 applications for each tenure-track position, with some openings receiving almost seven hundred applications. Instead of a market, the tenure-track labor system has come to resemble a lottery—“a supreme arbiter,” as Cebula writes in his slasher novel, “the magic of which [is] only confirmed by the seeming arbitrariness of its judgments.”

    Behind these numbers lies a larger structural transformation. As recently as the 1990s, there were largely two separate strata at which tenure-track hiring tended to occur: a national-level market with Ph.D.s from the magic circle of highly advantaged “top programs” migrating to less highly ranked research universities (the University of Washington hiring from UC Berkeley, for example), and a number of regional markets fed by Ph.D.s from regional centers (Western Washington University hiring from the University of Washington). Over the course of the 1990s and 2000s, in many humanities fields at least, these markets increasingly came to overlap; in the past decade, they have all but unified, with Ph.D.s from schools like Princeton and Berkeley now fighting over nearly every tenure-track job at four-year institutions across the country.

    Yet even with the movement of national markets into regional ones, there still are not enough positions for graduates from the most prestigious programs—let alone for all the other Ph.D.s produced each year. The American Historical Association has published the most complete statistics on career outcomes available in any humanities discipline, and its database, “Where Historians Work,” shows that in the field of modern American history, to take one example, only 56 percent of Ph.D.s at roughly the top ten programs from 2004–2008 attained tenure-track positions at four-year institutions—a figure that dropped to 48 percent for the 2009–2014 Ph.D. cohort, as the job market crashed after the recession and failed to recover. (Job listings across the humanities remained down 31 percent between 2007 and 2016.)2 There are, however, around 150 universities offering history Ph.D.s in the US, and at a sample of mid-level institutions the proportion of graduates who found such jobs declined from 35 percent to 26 percent. In other words, while the national and regional job markets have become more unified, the outcomes for graduates of the most privileged programs have nonetheless declined—even as these Ph.D.s appear to have further crowded out the graduates of less well-off institutions. Both the academically rich and the academically poor are getting poorer together, although some of those at the top are maintaining their positions, to a significant degree, at the expense of those at the bottom.

    The prospect of a full-time position may be a standard way to pacify contingent employees across the contemporary workplace, but there are few other sectors in which the differences in pay, prestige, or job security are as large as between contingent and core staff in the academy. There is also no other field in which one trains, on average, for eight years—with around half of one’s peers failing to complete the degree—only to line up a poorly paid, insecure position, or else embark on a series of wide-ranging travels to take up short-term jobs (postdoc positions have nearly tripled in the humanities since 1996) in the hope that you may eventually get lucky and attain a permanent position. Pursuing a life in academia has become more like trying to become a professional athlete or a star musician than a doctor, a lawyer, or even a typical service sector worker. Little wonder that there are articles in mainstream publications like Slate with headlines such as “Getting a Literature Ph.D. Will Turn You into an Emotional Trainwreck, Not a Professor.”

    Circumstances are not much better in many of the social sciences than in the humanities, and while career prospects outside of academia are more attractive for those in STEM fields, there have been severe drops in the proportion of STEM Ph.D.s securing postdocs and, for those who want to stay in the academy, tenure-track positions. This is one reason graduate student unions have recently found success at institutions like Brandeis, Columbia, Harvard, and Tufts. A decade ago, when unions tried to organize graduate-worker bargaining units that stretched across entire universities, STEM students saw their interests as fundamentally different from those of students in the social sciences and humanities. Now, prospective Ph.D.s across the university find themselves facing comparable—if by no means identical—prospects.
    2.

    Public discussion of the academic labor crisis has remained limited over the past decade, although progressive candidates in the 2020 presidential election have made the economics of college education a major focus. In 2011 Occupy Wall Street defined student debt and medical bankruptcy as the chief afflictions of the “99 percent.” In 2015 Bernie Sanders, in his campaign for the Democratic presidential nomination, included free public college along with Medicare for All and a $15 minimum wage in his stump speeches. Sanders’s College for All Act now demands that institutions increase the proportion of tenure-track faculty to an astonishing 75 percent; Elizabeth Warren, similarly, has put forward proposals that would strengthen the workplace rights of insecure workers across the economy and make college tuition-free for all—a universal program that, unlike Medicare for All, she has not yet walked back. But it’s all too easy to imagine how this dream of increasing access to higher education could be built on the backs of adjuncts. In 2015 President Obama proposed making community college effectively free, based on the model of a highly touted program at Pellissippi State Community College in Tennessee, the institution where Obama announced the plan. A full 57 percent of its instructional staff are on part-time contracts.

    Demands for free college have been driven in part by nostalgia for the social safety net of the midcentury United States. “In those days,” Sanders observes of his own youth, “public colleges and universities were virtually free,” which is why, he argues, the elimination of tuition should not be considered a radical idea. But the golden age of higher education, when increasing enrollments were matched by increasing public funds, salaries, and secure positions, was remarkably short, roughly 1950 to 1980, and coincided with the period economists call the Great Compression (for the reductions in economic inequality) and historians call the New Deal Order (for the normalization of union contracts and social benefits). College enrollment grew from 3.5 million in 1960 to 12 million in 1980, while community college enrollment boomed from 400,000 to 4 million.

    The great majority of these students attended public institutions, or private institutions using federal grants, and thanks to steady increases in public funding the cost of college attendance remained stable relative to family income. Looking back on this inspirational if deeply imperfect era (one need only consider the position of African-Americans and women), it is easy to conclude that the only salvation for higher education as a whole, and adjuncts in particular, will be an improved version of the egalitarian model that briefly flowered thanks to the New Deal—not piecemeal, as with student debt relief or free college proposals, but wholesale.

    Among the most promising starting points for such a transformation are Joe Berry’s and Raewyn Connell’s observations about the overlap between the struggles of academe and those of the larger service sector economy. The rise of unions for instructional staff in higher education has been limited by the Supreme Court’s NLRB v. Catholic Bishop of Chicago (1979) and NLRB v. Yeshiva (1980) decisions, which held that teachers at religious institutions and tenure-track faculty at private institutions did not fall under the jurisdiction of the National Labor Relations Board. It is for this reason that in 2012, 25 percent of teachers at public four-year colleges, where state law determines bargaining rights, were unionized, while only 7 percent of teachers at private institutions had joined unions.

    But starting in 2013 the Service Employees International Union began a campaign focused on private institutions, which to date has organized 54,000 faculty and graduate students at more than sixty campuses. The United Auto Workers (under their “Uniting Academic Workers” campaign) and the American Federation of Teachers have been organizing faculty and graduate students as well, and the lessons from a few of these campaigns have been collected in Professors in the Gig Economy. These organizing drives were aided by decisions from the Obama-era NLRB, which held that instructors in nonreligious departments at religious institutions and non-tenure-track faculty generally (as well as graduate students) fell under its jurisdiction. So far, union victories for adjuncts have included salary increases as high as 90 percent, greater job stability, paid parental leave, sick leave, dependent health care benefits, retirement benefits, caps on course sizes, fairer teaching evaluation processes, and substantial professional development funds.

    Such wins have redounded to the benefit of not only the workers involved: recent studies suggest that one of the main reasons for declines in student outcomes has been the rise of part-time teachers. As one rallying cry has it, “Faculty working conditions are student learning conditions.” With K–12 unions leading a widely publicized teachers’ movement in recent years—there were more workers on strike or locked out across the American economy in 2018 than in any year since 1986—it is not hard to imagine that strikes by adjuncts, who are if anything more exploited, could be the next decisive moment in the rise of a newly militant labor movement across the entire service sector.

    But union organizing on its own can go only so far. A union drive can redress some of the balance of power between managers and workers in higher education, but the dramatic cuts in public financial support remain. Solving the adjunct crisis will require the reform of higher education in toto, and this will be impossible until political leaders are brought to recognize the sector’s ambiguous function in the contemporary American political economy. Medicare for All, a $15 minimum wage, a Green New Deal, the rollback of mass incarceration, the repeal of Citizens United, the expansion of voting rights—these proposals are all unambiguously egalitarian. But while higher education is frequently presented as a path to the middle class, the system as a whole—with its fine gradations between institutions that are, in the words of one standard application guidebook, “most competitive,” “highly competitive,” “very competitive,” “competitive,” “less competitive,” and the vast domain of the “noncompetitive”—now does far more to reflect the American class system than it does to equalize it.

    One sign that the connection between higher education and egalitarianism has come under strain is the growing number of exposés of the “myth of meritocracy.” But while public attention may focus on the illegal fraud uncovered in the 2019 college admissions sting, and pundits point to the legal fraud that is the long-standing admissions advantage for alumni’s children, the real scandal—in which such preferences constitute little more than a rounding error—is that a majority of Ivy League colleges regularly admit more students from the top one percent of families than they do from the entire bottom 60 percent. A still deeper analysis, offered in exhaustive form in Daniel Markovits’s The Meritocracy Trap, suggests that inequalities in higher education, and education more generally, do not just reflect broader changes in economic inequality but actively work to make those inequalities more extreme. It is no accident, on this view, that the wage premium for college graduates, after declining in the 1970s, began its steep and continuing ascent around 1980, when income inequality more generally began its long march upward. Between 1980 and 2005, the wage premium for recent college graduates relative to high school graduates more than doubled, and as of 2018 the average college graduate received wages 80 percent higher than those of the average high school graduate.

    Nonetheless, to this day higher education retains its image as a social equalizer. One of the primary reasons may be the Democratic Party’s peculiar attraction to policies that can appear egalitarian but that predominately work to the benefit of the top percentiles. At midcentury, Thomas Frank argues in Listen, Liberal, higher education occupied a relatively small part of the political imagination of the Democratic Party; it was only in the 1980s and 1990s, as the party moved to the right, that it became a fixture in the speeches of Democratic candidates.

    A central episode in this shift, carefully documented in Suzanne Mettler’s Degrees of Inequality, was Bill Clinton’s decision to promote a tax credit for higher education during the 1996 election. Signed into law in 1997, these credits were opposed by no less a figure than Clinton’s Wall Street–friendly treasury secretary, Robert Rubin, as a handout to the well-off. But for Clinton and his political advisers, the class-skewed nature of the program’s benefits was a feature, not a bug. In a rhetorical sleight-of-hand that serves as an emblem for the political economy of higher education throughout this period, Clinton accurately claimed the programs would be open to all, even as he knew that their structure channeled benefits to the well-off. There was never any doubt that the credits would be used mostly by families in upper income brackets, and their main effect, later studies demonstrated, was to lead colleges to increase tuition prices. By the 2000s, Clinton’s tax credits cost nearly as much to provide as the entire Pell Grant program for low-income students—a fact that did not prevent Obama from further expanding the credits in 2009.

    Sanders and Warren, perhaps hoping to mitigate the association of higher education with the rich, limit the funds appropriated in their proposed plans to public institutions (as well as some historically black and minority-oriented private institutions). But it is not only Harvard, Stanford, and the other “Ivy Plus” institutions that have been at the center of the post-1980 Democratic embrace of inequality under the ostensibly egalitarian cover of higher education; it is also public institutions like the University of Michigan, where expenses for out-of-state students (49 percent of the entering class) run $64,000 a year, and where the median family income, whether for in-state or out-of-state students, is $154,000. It is these kinds of inequities that can make public investment in higher education appear, not entirely incorrectly, as a kind of kickback for the top percentiles.

    One solution, proposed by Hillary Clinton in 2016 and recently promoted by Pete Buttigieg on the campaign trail, would limit benefits so that no aid flows to the children of the wealthy. Buttigieg has argued that proposals to entirely eliminate college tuition would result in “turning off half the country” in an election; political expedience aside, he has also argued that means-testing is the best “governing strategy.” But while this may represent an economically efficient approach, and would certainly be more egalitarian than the Clinton and Obama tax credits, the main lesson of public policy over the past sixty years is that means-tested benefits, in contrast with universal programs like Social Security and Medicare, become stigmatized and lose public support through their association with the poor. As Representative Alexandria Ocasio-Cortez explained in one recent tweet, “Universal public systems are designed to benefit EVERYBODY!… Everyone contributes and everyone enjoys. We don’t ban the rich from public schools, firefighters, or libraries because they are public goods.” If fixing the adjunct crisis is to become feasible—which is to say, if we are to envision a new era of more democratic higher education—a College for All policy must be made universally available, while addressing the part the university has played in producing and legitimating the rise of inequality.

    Ironically enough, it is the Republicans who have pointed the way toward such a policy, by enacting a 1.4 percent tax in 2017 on the investment returns of institutions with small student bodies and large endowments. Introduced to pay for tax cuts for the rich, the origins of this program should not obscure its potential. The endowment tax is an institutional counterpart to the wealth tax proposed by Warren and Sanders. The law also offers a clear way to escape the tax, although one that would require well-endowed institutions to radically change their approach to education. If an institution does not want to see its endowment returns diminished, it can simply become less elite and admit more students.

    Princeton, for instance, could escape the tax by becoming just a bit less elite than Berkeley (43,000 students) or UCLA (46,000 students)—both among the top-ranked universities in the world—and increasing its student body from eight thousand students to 52,000 students (Princeton’s endowment is $26 billion, and the law only applies to endowments over $500,000 per student). While some might feel that changes of this scale would alter the character of the institution, much the same was said when the old pastoral training grounds of the northeast first became modern research universities—and when those same institutions began to admit women and more people of color. One Princeton undergraduate in 1942 claimed that “the Negroes are not improved by their admission to a group with relatively high standards, but the group is corrupted to the lower level of the new members.” An alumnus in 1969 said, “Let’s be frank. Girls are being sent to Princeton less to educate them than to pacify, placate, and amuse the boys who are now there.” A more ambitious College for All bill might apply demands concerning student-to-endowment ratios to all federal funding, forcing colleges and universities, whether public or private, to stop hoarding resources if they want public support.

    Unfortunately, if recent attempts at reform are any guide, a more likely outcome is not a diminishment of higher education’s role in producing inequality but the enshrinement of a way of thinking that will increase the forces that have brought on the adjunct crisis: “accountability.” For a fearful example of what this can look like, one need only consider the United Kingdom, which from Margaret Thatcher to Tony Blair to David Cameron raised tuition, lowered the academic quality of its universities, and further ratcheted up the demands on teachers by quantifying every element of education in the most reductive ways possible, whether the total number of times other scholars cite an article or the measurable economic impact of research. In 2013 Obama promoted an approach to accountability that would have set the United States down a similar path, proposing to rank American colleges “on who’s offering the best value so that students and taxpayers get a bigger bang for their buck,” with the chief metric being “how well do…graduates do in the workforce?”

    Sanders and Warren have done much to put forward policies that insist on the wide-reaching public goods offered by higher education, proposing to cancel virtually all student debt along with eliminating tuition at public institutions. But while Sanders and Warren have described higher education as a “right” and “basic need,” both have otherwise struggled to find a language with which to defend these proposals. Even Sanders, in an otherwise forceful statement accompanying the latest version of his College for All Act, offered little more than the market-oriented argument that “when our young people are competing with workers from around the world, we have got to have the best educated workforce possible.” Warren, similarly, often resorts to financial rhetoric, saying, “We need to make an investment in our future, and the best way to do that is to make an investment in the public education of our children.”

    The political theorist Wendy Brown, in Undoing the Demos, offers a model of the kind of rhetoric that would go much further to argue for higher education as a necessary public good. After World War II, she writes, “extending liberal arts education from the elite to the many was nothing short of a radical democratic event”; a new offer of college to all should not hinge on economic results but on the promise to bring about “an order in which the masses would be educated for freedom.” If these words anticipate the revolution in public language that we need in order to advance toward social democracy for both teachers and students, Christopher Newfield, in The Great Mistake, provides a helpfully detailed vision for how to get there. Market-oriented thinking has fatally undermined the grounds on which public investment in higher education can be defended, he argues. Champions of an egalitarian university—publicly minded unions, mobilized students, or enlightened administrators—must show through every reform how higher education already does or can be brought to serve the public good, by, for instance, shedding outside contracts with self-interested businesses, reducing tuition and debt to provide broad-based opportunity, or pushing back against racial and gender inequalities.

    Sanders’s and Warren’s proposals point in this direction, and while the barriers to success in the event that either enters the White House will remain enormous—the US Senate not least among them—one has to hope that if their plans were to approach passage, the cancellation of student debt and the elimination of tuition at public institutions would be combined with an additional set of policies, and a new political language, that would not only reduce students’ financial exigencies but also bring equity to the academic workplace and radically lessen the way higher education drives inequality in the US. This can only be achieved by building movements, not simply making plans, and in this respect Sanders clearly has an advantage. If something like this vision succeeded, the university would become neither an engine of inequality nor a growth machine for human capital; it would represent a foundation for an economically and culturally progressive egalitarian democracy—achieved as much through the efforts of teachers, students, and staff as through the passage of any particular law or the election of any political leader. If the adjunct crisis can be not just mitigated but solved, this is how it will happen.

    https://www.nybooks.com/articles/2020/03/12/adjuncts-serfs-of-academe

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    Commentaire de Morgane Jouvenet reçu via la mailing-list de mobilisation contre les réformes dans le monde universitaire :

    Un récent article de la New York Review of Books nous offre un nouvel aperçu du “modèle” (rires) universitaire états-unien :

    https://www.nybooks.com/articles/2020/03/12/adjuncts-serfs-of-academe. Signé par Charles Petersen, il montre encore une fois l’ampleur des dégâts provoqués par l’organisation du marché du travail académique et l’évolution des budgets des universités aux États-Unis - ou pourquoi l’horreur peut être considérée par certaines de leurs actrices et acteurs comme “le genre qui s’impose lorsque l’on veut dépeindre aujourd’hui la vie du prof assistant [adjunct], i.e. celle de la majorité des universitaires d’aujourd’hui”.

    Morceaux choisis (sur l’état du marché du travail et des condition de travail universitaire - l’autre partie de l’article concerne l’échec des universités dans la lutte contre la reproduction sociale) :

    – “According to the UC Berkeley Labor Center, 25 percent of part-time faculty nationally rely on public assistance programs”.

    – “In 1969, 78 percent of instructional staff at US institutions of higher education were tenured or on the tenure track; today, after decades of institutional expansion amid stagnant or dwindling budgets, the figure is 33 percent. More than one million workers now serve as nonpermanent faculty in the US, constituting 50 percent of the instructional workforce at public Ph.D.-granting institutions, 56 percent at public masters degree–granting institutions, 62 percent at public bachelors degree–granting institutions, 83 percent at public community colleges, and 93 percent at for-profit institutions (...) The clearest cause for the poor pay and job insecurity of today’s adjuncts is the decline in public support for higher education”.

    – “University administrators have reduced teacher pay and increased job insecurity in an effort to make possible expansions in operations that typically resulted in yet more administrative and professional staff, and higher salaries for those who directed them”.

    – “Both the academically rich and the academically poor are getting poorer together, although some of those at the top are maintaining their positions, to a significant degree, at the expense of those at the bottom”

    – “Pursuing a life in academia has become more like trying to become a professional athlete or a star musician than a doctor, a lawyer, or even a typical service sector worker.”

    – “A decade ago, when unions tried to organize graduate-worker bargaining units that stretched across entire universities, STEM [science, technologie, ingénierie et mathématiques] students saw their interests as fundamentally different from those of students in the social sciences and humanities. Now, prospective Ph.D.s across the university find themselves facing comparable—if by no means identical—prospects”.

    – “Market-oriented thinking has fatally undermined the grounds on which public investment in higher education can be defended”.

    Le texte se termine toutefois sur une lueur d’espoir, en évoquant les idées (et promesses électorales) de E. Warren et B. Sanders pour les universités.

    #USA #Etats-Unis #université #conditions_de_travail #travail #universités #précarité #précarisation #tenure_track #budget #insécurité_professionnelle #paupérisation #salaires #ESR #enseignement_supérieur

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    Ajouté à cette métaliste :
    https://seenthis.net/messages/824281

  • Caisse d’Epargne teste le statut de banquier « auto-entrepreneur » | Les Echos
    https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/exclusif-caisse-depargne-teste-le-statut-de-banquier-auto-entrepreneur-1172

    Selon nos informations, la banque souhaite mener des tests en Bretagne et dans les Pays de la Loire pour employer des conseillers indépendants, en partie rémunérés aux commissions. L’expérience est inédite en France, et fait déjà grincer les syndicats au sein du groupe BPCE, filiale des Caisses d’Epargne. Dans un secteur en pleine transformation, bousculé par le numérique, l’évolution des usages et les taux négatifs, les banques cherchent la parade. Et imaginent toutes les solutions pour continuer à (...)

    #conditions #finance #travail #Ubérisation #banque

  • https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

    Alors que le gouvernement doit présenter une #loi_de_programmation pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR), de nombreuses voix s’inquiètent de la remise en cause du modèle de la #recherche française.

    « À mes collègues scientifiques, je veux dire que le gouvernement a entendu leur appel à réinvestir massivement dans la recherche » : c’est dans une tribune publiée dans Le Monde que la Ministre de l’ #enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation Frédérique Vidal a tenté de rassurer les acteurs du monde de la recherche scientifique ce lundi.

    Le gouvernement finalise actuellement sa loi de programmation pluriannuelle de la recherche et a déjà annoncé une augmentation du budget pour la recherche à 3% du PIB. Mais de nombreux #enseignants-chercheurs demeurent inquiets : aux conditions de travail, jugées de plus en plus difficiles, s’ajoutent les craintes de l’accroissement de la compétition au détriment de la coopération, de la #précarisation des personnels ou encore d’une atteinte à l’indépendance de la recherche.

    Pour en parler, nous recevons Olivier Coutard, président de la conférence des présidents de sections du comité national de la recherche scientifique et socio-économiste, chercheur au CNRS et Sylvestre Huet, journaliste spécialisé en #sciences depuis 30 ans, actuellement journaliste indépendant, auteur du blog sur le site du Monde “Sciences ²”.

    Ils seront rejoints en seconde partie d’émission par Marie Sonnette, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université d’Angers et membre du comité de mobilisation des facs et des labos en #lutte, et Jean Chambaz, président de Sorbonne Université et de la Ligue européenne des #universités de recherche, professeur de biologie cellulaire.

  • #Affiches qui circulent en #Allemagne sur le monde académique...

    Intéressant : Certaines affiches ont été traduites et adaptées d’affiches qui circulent en France en ce moment...

    Notamment celles en lien avec la #novlangue de #Vidal, qui a inventé le mot #coopétition :
    https://seenthis.net/messages/820393#message825279

    Et celles qui ont plus de lien avec la #précarité :
    https://seenthis.net/messages/820393#message824187

    #internationalisation_de_la_lutte

    #résistance #université #universités #précarisation

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    Ajouté à la métaliste sur les résistances dans le monde universitaire en Europe :
    https://seenthis.net/messages/824281

    ping @_kg_ @aslitelli

  • „Precarious Internationale : solidarity network meeting“ of the Network for Decent Labour in Academia, Berlin, June 5, 2020

    Dear all,

    many of us have made and continue to make disenchanting experiences, to say the least, in the German academic system. While it markets itself as a world of excellence, liberal egalitarianism, cosmopolitanism, freedom and generosity towards scholars at risk, the reality of its structural labour conditions and culture of ignorance betray this image to be a grotesque misrepresentation. German academia is characterised by an ingrained and almost cultivated lack of consciousness towards multiple forms of discrimination (based on race, class, gender, age, etc.) and by related modalities of exclusion as well as paternalistic and infantilizing norms and practices particularly vis-à-vis international and non-naturalized scholars and students. As a system that has never been as much as confronted with a debate on quotas or human rights, German academia expects everybody to ‘integrate’ into what is essentially a structure normatively built around the ‘white male’ and organised according to steep hierarchies around disciplinary chairs. The consequences are direct dependencies of various kinds and precarious, fixed-term employment structures unparalleled by international comparison.

    Many who came here with hopes and expectations have meanwhile withdrawn, tending to pressing political issues in other ways. While very much understandable, this inadvertently strengthens the fragmentation and division among the large class of underprivileged and precarious scholars that the system relies upon. The Network for #Decent_Labour_in_Academia (#Netzwerk_für_Gute_Arbeit_in_der_Wissenschaft, #NGAWiss) has been working for the past three years to publicise and scandalise the miserable employment conditions in German academia and to advocate for structural reforms. Its working group ‘Precarious Internationale’ aims to make intersectional discrimination a central issue of the network’s activism.

    As a part of this effort, this workshop wants to bring together scholars, unionists and activists with different histories of mobility and migration to discuss and reflect on the intersection between precarious labour conditions and different forms of discrimination in the German academic system. We want to come together and learn from each other in order to come to a better analysis of the different problems and challenges faced by differently positioned scholars and activists, but also to exchange experiences and knowledges over struggles for academic freedoms and labour conditions in different contexts. The aim is both to position the question of labour in academia within broader societal struggles in Germany and to link it up to related struggles in other countries.

    We propose to frame the workshop along two lines of debate and exchange. However, we are very much open to alter and adapt this proposal according to what participants consider urgent and relevant to be discussed!

    Critical diversity: As against a neoliberal depoliticised celebration of diversity that follows a calculative logic of added value while blanking out structural inequalities, we want to engage in a critical discussion on the realities of diversity in German academia.Possible questions to be discussed include: what are the effects, limitations and problems of current discourse and practices of diversity? Is it possible – and acceptable – to speak of ‘race’ and ‘ethnicity’ in the European and especially German context? When does it make sense to speak of ‘migration backgrounds’ to address the issue of underrepresentation of scholars in high academic positions? What are the concrete problems and challenges faced by people with a variety of different migration/mobility histories? What about forms of discrimination affecting people who do not master the German language? And how do these issues intersect with other vectors of discrimination, such as class, age, gender or disability?

    Network of solidarity: We want to learn from each other’s struggles and experiences, think through concrete possibilities for solidarity and envision common political actions.How can we connect the activities of scholars, unionists, and activists struggling against precarious labour and different forms of inequality and discrimination in different academic settings? What are the larger political struggles in which these activities are involved? How and what can we learn from each other? What kinds of concrete steps towards mutual assistance could be developed and what common political actions could be envisioned?

    Please let us know (alice.bieberstein@hu-berlin.de) by FEBRUARY, 15 2020 whether (1) you would like to participate in this workshop! In your answer, please indicate (2) whether there is a topic or issue of special INTEREST of URGENCY to you that you would want to see addressed in the workshop. Please also let us know (3) whether you would want to join with a specific contribution of any kind (presentation, film, artistic intervention, etc.). We absolutely want to make sure that lack of personal funds does not stand in the way of your participating. Private accommodation can be provided, and we are looking into options of supporting travel expenses. Please do let us know your needs and we’ll get back to you with possibilities.

    Contact:

    Dr. Alice von Bieberstein
    Institut für Europäische Ethnologie
    Centre for Anthropological Research on Museums and Heritage
    Humboldt-Universität zu Berlin
    alice.bieberstein@hu-berlin.de

    https://www.mittelbau.net/call-for-participation-precarious-internationale-solidarity-network-meeti

    #Allemagne #université #universités #résistance #précarisation #précarité #excellence #scholars_at_risk #discriminations #paternalisme #exclusion #travail #conditions_de_travail

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    Ajouté à la métaliste sur les résistances dans le monde universitaire, et au-delà de la France :
    https://seenthis.net/messages/824281

  • #Projet_Nexus, 13ème semaine… Que se passe t-il à l’#Université_Paul_Valéry ?
    https://solidairesetudiants34.files.wordpress.com/2019/11/affiche.png?w=1400

    Que se passe-t-il à l’UPV ?

    La perte de la 13e semaine d’#enseignement en #Licence depuis la rentrée 2018

    Lors de sa séance du 13 mars 2018, le Conseil d’administration de Paul-Valéry a approuvé la réduction des semestres d’enseignement de 13 à 12 semaines à partir de la rentrée 2018. Pour les Licences, il s’agit d’une réduction sèche du volume horaire des formations : sur l’ensemble des 6 semestres de Licence, ce sont 6 semaines de cours qui sont perdues, soit près de la moitié d’un semestre.

    Pour les Masters, il s’agit d’une simple réduction du nombre de semaines d’enseignement, la masse horaire demeurant la même. Cette relative préservation des Masters peut s’expliquer par la réduction drastique des volumes horaires en Master lors du dernier renouvellement des maquettes, et par le plus grand impact d’une réduction du volume horaire des Licences.

    En effet, il ne s’agit pas d’une simple réorganisation du calendrier universitaire, sans quoi on aurait pu imaginer de conserver le même volume horaire sur un nombre réduit de semaines : l’enjeu est bien de réduire le volume des formations. Dans une université de Lettres, langues et sciences humaines comme Paul-Valéry, la principale dépense est la masse salariale (c’est-à-dire les salaires payés au personnel de l’université), loin devant les dépenses de fonctionnement qui sont très faibles.

    En dépit des multiples mesures d’économie réalisées sur la masse salariale (gel des postes de titulaires, besoins croissants en formation assurés par des précaires sous-payés) et de l’inadéquation criante entre les besoins des étudiant.e.s et le nombre d’enseignant.e.s, la dotation de l’Etat peine à couvrir la masse salariale. Pire, la précarisation croissante du personnel de l’université publique sert d’argumente en faveur de la réduction des formations, puisqu’on entend la DGS de Paul-Valéry affirmer qu’il y aurait “trop de vacataires” dans notre université.

    La décision d’amputer la Licence de 6 semaines est toutefois impopulaire auprès des enseignant.e.s comme des étudiant.e.s, d’où le calendrier opportuniste de cette décision (prise en catimini au printemps 2018, alors qu’étudiant.e.s et enseignant.e.s sont mobilisé.e.s contre la loi ORE et Parcoursup). Pour faire passer la pilule auprès des enseignant.e.s, les directions des UFR leur permettent d’ailleurs de réduire le nombre d’évaluations en cours de semestre. La réduction du semestre à 12 semestres contribue donc aussi à affaiblir le contrôle continu.
    Déploiement du programme Nexus de numérisation des enseignements

    Dans un courriel daté du 9 juillet 2018, le Président de l’UPV Patrick Gilli présentait ainsi le projet Nexus :

    “Le projet Nexus que notre université avait déposé au titre des « Nouveaux cursus à l’université » (NCU) du PIA 3 a été retenu par le jury international. Doté de 7 millions d’euros sur 10 ans, il permettra à notre établissement d’engager la mutation progressive de nos formations qui intègreront des modules d’apprentissage numérique dans toutes les licences, de connecter plus fortement les sciences humaines et sociales à la nouvelle économie de la connaissance et ce faisant, de donner à nos étudiants davantage d’atouts dans leur vie professionnelle.”

    Incroyable ! Paul-Valéry a obtenu plein d’argent pour faire évoluer les formations et faire réussir les étudiant.e.s ! Qui pourrait être contre un tel projet, dont le dossier d’expertise du Bâtiment Nexus de septembre 2019 nous dit que “par ses aspects modernes et innovants, il inscrit l’Université dans la dynamique du XXIième siècle” ?

    Lorsqu’on lit ce même dossier d’expertise, la présentation d’ensemble du projet peut toutefois faire naître des premières inquiétudes, puisqu’il s’agirait de “construire grâce à une spécialisation et à une professionnalisation progressives, à une architecture modulaire et à un accompagnement des étudiants tout au long de leur cursus, des parcours plus flexibles et plus individualisés” et que “Les projets sélectionnés [à l’instar de Nexus] prévoient des actions structurantes, susceptibles de faire l’objet d’un déploiement à grande échelle”.

    En français dans le texte, qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire que Nexus organise :

    le démantèlement de l’offre de formation à Paul-Valéry, éclatée en une multitude de modules ;
    la numérisation de l’ensemble de l’offre de formation, l’intégration de modules d’apprentissage numériques dans toutes les licences ne constituant que la première phase du déploiement de Nexus

    L’enseignement à distance (EAD) n’est pas une chose nouvelle à Paul-Valéry, comme le rappelle le dossier d’expertise du projet Nexus :

    “L’UPVM offre un enseignement à distance depuis sa création en 1970. Elle est désormais la première université française pour l’offre de formations complètes à distance (L, M, D) : 10 licences complètes, 1 licence pro, 18 master 1, 22 master 2, 1 Ecole Doctorale (35 mentions), 3 DU, le DAEU A. Les effectifs se sont très fortement accrus depuis une dizaine d’années : 670 étudiants en 2008-2009, 1893 étudiants en 2016-2017 (soit près de 10% de nos étudiants).”

    Toutefois, il est essentiel de distinguer entre l’EAD conçu comme la possibilité de donner accès à l’université à des personnes qui en seraient sinon exclues par des obstacles matériels insurmontables, et l’entreprise généralisée de numérisation des enseignements, guidée par l’austérité et une croyance millénariste dans le caractère inévitable de l’invasion numérique de l’ensemble de nos vies.

    Ne nous contentons pas, toutefois, de cette présentation générale, et allons voir dans le détail ce que le projet Nexus nous prépare. Dans les documents de présentation de Nexus, ce dernier est caractérisé par les actions suivantes :

    création de modules d’apprentissages (les « Briques ») centrés sur les Humanités numériques ;
    labellisation des licences afin d’offrir une meilleure visibilité des parcours professionnels des étudiants ;
    modularité des rythmes d’apprentissage ;
    mise en place d’un tiers lieu, « La Fabrique » ;
    accompagnement et orientation des étudiants

    Création de modules d’apprentissages (les « Briques ») centrés sur les Humanités numériques

    “Les Briques d’Humanités Numériques sont des modules de formation à distance, interdisciplinaires (cadre commun des 10 premières briques) et disciplinaires (10 briques suivantes), bâties sur des sujets propres aux humanités dans leurs liens aux mutations digitales de la société.”

    “Chaque brique […] (Fig. 1) vaut pour 36h d’EQTD et se compose de 9 chapitres thématiques évolutifs, subdivisés en quatre niveaux d’alvéoles (± 1h) de contenu progressif (bases, développement, approfondissement, prolongement) [cf. Fig. 2].”

    “Elles sont conçues par des équipes-projets interdisciplinaires qui font dialoguer les approches LLASHS, au coeur du dispositif, avec les sciences de l’ingénieur, de l’informatique et du codage et, d’autre part, avec les applications industrielles du domaine (sous forme d’études de cas). Diverses activités d’application mettent en oeuvre les savoirs-faire exposés.”

    “Concrètement, les Briques se présentent sous la forme de modules de formation à distance interactifs et adaptables à la diversité des apprenants. Chacune de ces Briques vaudra pour 2 ECTS par semestre, soit 7% de la licence au total (ce pourcentage prenant uniquement en compte les Briques obligatoires ; les étudiants pourront accéder à des Briques supplémentaires grâce au label Humanités numériques).”

    “Les thématiques abordées dans les dix premières briques sont :

    Codage et langage
    Litteracies numériques

    Données et enquêtes

    Espaces digitaux

    Éthique et société connectée

    Intelligences Artificielles

    Industries numériques
    Interfaces humain / machine
    Information et attention
    Art et cultures digitales.”

    Dans un second temps, il est prévu de permettre la création de dix autres briques, plus spécialisées dans un domaine particulier des Humanités numériques (par exemple, philologie numérique, etc.) ou articulant deux à trois disciplines dans ce cadre.”

    “L’offre est en ligne et scénarisée pédagogiquement, ce qui évite la lourdeur organisationnelle des enseignements présentiels tout en autorisant souplesse et personnalisation. Les premières alvéoles de chaque chapitre seront ouvertes en libre accès (dans une double fonction citoyenne et de vitrine de nos LLASHS), les autres seront accessibles sur la base d’une inscription à l’université et feront l’objet d’une validation pédagogique.”

    Notre analyse

    L’argumentaire de présentation de Nexus en révèle immédiatement un enjeu décisif : lorsqu’il est dit que l’offre en ligne permet d’éviter la “lourdeur organisationnelle des enseignements présentiels”, il faut comprendre qu’elle permet d’éviter de recruter et de payer des enseignant.e.s pour assurer des enseignements en présentiel et garantir de bonnes conditions d’apprentissage, et qu’elle permet d’éviter de financer la construction de nouvelles salles de cours nécessaires à l’amélioration des conditions d’études.

    Avec Nexus, Paul-Valéry s’inscrit pleinement dans le programme du gouvernement actuel pour l’Enseignement supérieur et la recherche : plutôt que d’accorder aux universités publiques une dotation budgétaire leur permettant d’assurer une formation à la hauteur des besoins des étudiant.e.s, des dispositifs sont mis en place pour réduire le coût de la formation pour le budget de l’État.
    Labellisation des licences

    “Dans l’offre de formation 2021, à partir de la L2, les labels proposent de donner de la visibilité aux enseignements existants pré-professionnalisant en regroupant ces enseignements sous 5 labels :

    Enseignement
    Académique / Recherche

    International
    Monde socio-économique
    Humanités Numériques”

    “A partir du semestre 3, chaque étudiant pourra ainsi choisir de rejoindre l’un des 5 Labels proposés dans chacune des licences, avec possibilité d’en changer jusqu’au semestre 4, selon son projet professionnel mûri au long de sa Licence 1. Les Labels permettront de valider chacun 4 ECTS par semestre soit 9% de la licence au total. Comme les Briques de formation en Humanités numériques, les labels sont un parfait exemple de mutualisation et d’hybridation des cours. Ces labels sont composés de troncs communs transversaux (proposés à l’ensemble des étudiants de l’université à l’identique) et de développements spécifiques à chaque discipline. La part de tronc commun est variable selon les labels : 20% pour les labels Enseignement et Académique (nourris par les spécialités disciplinaires), 50% pour le label International, 80% pour Entreprise et 100% pour Humanités numériques.”
    Modularité des rythmes d’apprentissage

    “Afin de faciliter le parcours de l’étudiant et sa personnalisation, Nexus permet l’inscription à l’UE en présentiel ou distanciel. L’objectif est de proposer, dans 10 ans, cette alternative pour 80% des cours de licence.”

    “Le projet Nexus souhaite permettre une plus grande flexibilité dans les modalités d’apprentissage. Actuellement, un étudiant se voit proposer une offre de formation exclusivement en EAD ou exclusivement en présentiel, sans possibilité de mixer les deux. Afin d’individualiser davantage son offre, Nexus prévoit le passage en EAD de l’ensemble de ses licences et une inscription à la carte : tout étudiant pourra choisir de s’inscrire en EAD ou en présentiel à chaque module d’enseignement. Cette hybridation des modes d’apprentissage permet de réussir en licence via : i) l’individualisation des emplois du temps « à la carte » rendant la formation adaptable au rythme de vie et disponibilités des apprenants : étudiant salarié, FTLV, étudiant en situation de handicap ou publics empêchés, étudiants à l’étranger ou éloignés une partie de l’année, etc. ; ii) l’individualisation des parcours : l’étudiant peut suivre plusieurs cursus à la fois (double licence) sans pâtir d’incompatibilité d’emplois du temps ; iii) l’individualisation des rythmes d’apprentissage : l’étudiant peut suivre par anticipation des cours en EAD (jusqu’à valider une licence en 2 ans) et compléter sa licence plus rapidement ou libérer du temps pour davantage de stages en fin de licence.”

    Notre analyse

    Tant d’attention portée au rythme de vie et aux disponibilités individuelles des “apprenants”, c’est vraiment touchant ! La numérisation est toutefois conçue comme une réponse aux besoins spécifiques des étudiant.e.s d’une université publique en Lettres, langues et sciences humaines et sociales, dont les conditions d’études sont effectivement affectées par la difficulté à financer leurs études. Plutôt que donner aux étudiant.e.s les conditions financières leur permettant de suivre leurs études dans de bonnes conditions, ce qui supposerait que la collectivité prenne ses responsabilités à l’égard de la jeunesse, Nexus propose aux étudiant.e.s de se contenter de cours en ligne.

    Sur la pertinence de ceux-ci, on se contentera de remarquer qu’une telle numérisation massive des cours n’est envisagée qu’à l’université publique, et certainement pas dans les classes préparatoires aux grandes écoles qui scolarisent les enfants des classes supérieures. La dépense par étudiant.e est, en France, 50% plus élevée pour un.e étudiant.e de CPGE que pour un.e étudiant.e de Licence : cela correspond aux heures beaucoup plus nombreuses d’enseignement (en présentiel) en CPGE, y compris individuellement ou en petits groupes.

    Ensuite, 80% des enseignements de Licence proposés également en distanciel d’ici 10 ans, cela veut dire 80% des enseignements qui pourront n’être plus proposés qu’en distanciel au prochain tour de vis de l’austérité, lorsque le gouvernement exigera que les universités réduisent plus fortement encore leur masse salariale.
    Accompagnement et orientation des étudiants

    “Un test de positionnement sera réalisé par l’ensemble des étudiants dès la cinquième semaine de Licence 1.”

    “Ce test, propre à chaque filière et dont les résultats seront traités de manière automatisée, permettra une meilleure appréhension des compétences, connaissances et sentiment d’auto-efficacité de chaque étudiant. Il sera réalisé en partenariat avec les enseignants pour déterminer quelles compétences évaluer et à quels profils proposer la remédiation. Selon les résultats du test, des réunions collectives et entretiens individuels seront proposés aux étudiants. Ils seront réalisés par les directeurs d’études (mis en place par la loi ORE du 8 mars 2018) et permettront de proposer à chaque étudiant un parcours adapté à sa situation. A la suite, chaque étudiant se verra proposer un parcours adapté à sa situation.”

    “L’offre de formation portée par Nexus a été construite de façon à faciliter l’accompagnement et l’orientation personnalisés des étudiants tout au long de leur cursus. Trois aspects sont essentiels de ce point de vue :

    l’orientation des étudiants néo-entrants dans la structure de la maquette Nexus, en particulier sur le choix de Labels à opérer par la suite
    le repérage des difficultés des étudiants afin de proposer des parcours individualisés (L1 en deux ans) ;
    la possibilité de réaliser le parcours de licence de manière accélérée pour les étudiants le souhaitant (à haut potentiel), par la déclinaison massive des formations permettant l’hybridation. [= possibilité de s’inscrire en distanciel]”

    Notre analyse

    A travers ce dispositif, Nexus s’inscrit complètement dans la continuité de la loi ORE, qui fait reposer les difficultés des étudiant.e.s à terminer leur Licence non pas sur la dégradation des conditions d’études, non pas sur la nécessité pour beaucoup de travailler à côté des études, non pas sur le fait que la L1 peut constituer un lieu d’attente d’une place dans une formation dite sélective, mais sur les seules faiblesses des étudiant.e.s : il serait donc urgent de les classer, dès la 5e semaine de L1, entre des étudiant.e.s en difficulté dont le parcours serait ralenti, et des étudiant.e.s “à haut potentiel” dont le parcours serait accéléré. Avec Nexus, la “modularité des rythmes d’apprentissage” est mise au service du classement des étudiant.e.s selon leur “potentiel”, qui vient remplacer les résultats obtenus aux examens comme déterminant du rythme de la formation.

    Mise en place d’un #tiers_lieu, « La Fabrique »

    “L’approche par compétences vise, conformément au processus de Bologne, à permettre une mise en valeur des formations et des diplômes non pas en fonction des contenus ou de la durée de la formation, mais selon les acquis des étudiants. En conséquence, elle suppose une mise en place de nouvelles conceptions des formations et des évaluations, et impose une clarté permettant la valorisation des diplômes par les professionnels.”

    “La nouvelle offre de formation sera aussi complétée par des dispositifs innovants de formation.

    Fabrique Nexus, un tiers-lieu pour la pédagogie par projet, en lien avec les entreprises (et notamment la French Tech) et le monde socio-économique (institutions, collectivités, associations…)
    L’Atelier, un service d’accompagnement à la transformation et à l’innovation dans l’enseignement et la recherche sera mis en place dès la rentrée 2018. L’ensemble des enseignants seront accompagnés pour permettre la mise en place de dispositifs de formation hybrides permettant la fluidité des apprentissages ;
    Archipel, une salle d’expérimentation pédagogique, préfigurant le Learning center d’Atrium (2020) sera également en place dès la rentrée 2018.”

    “Le projet Nexus requiert des ingénieurs pédagogiques, des développeurs, des espaces d’innovation qui doivent être gérés, mais aussi des responsables financiers, des porteurs de projets, etc. Il doit être arrimé à un environnement institutionnel et administratif à la fois flexible et de proximité : flexible, parce que les personnes qui accompagnent l’innovation sont financées sur des missions spécifiques et temporaires qui nécessitent un accompagnement particulier ; de proximité parce que les enseignants-chercheurs ont besoin de trouver le soutien, en amont comme en aval, de leurs projets, en ayant identifié clairement les lieux et les personnes idoines.”

    Notre analyse

    Le massacre des formations continue, puisqu’il s’agit de structurer celles-ci non plus en fonction de contenus d’enseignement ou de progression pédagogique pensée comme un ensemble d’étapes, mais en termes de compétences. Cela veut dire qu’au lieu d’évaluer des productions/réalisations des étudiant.e.s, ce sont les étudiant.e.s elles-mêmes et eux-mêmes qui sont évalué.e.s pour identifier leur acquisition de compétences.

    Cette nouvelle conception de l’enseignement semble nécessiter, aux yeux de nos dirigeant.e.s éclairé.e.s, la construction d’un bâtiment de prestige, dont le dossier d’expertise précise qu’il sera équipé d’un “showroom”, d’une “salle de créativité”, d’un “grand écran de téléprésence”, ou encore de “murs inscriptibles”. C’est probablement plus important que d’équiper l’ensemble des salles de cours de tableaux vraiment fonctionnels et de systèmes multimédia : est-ce parce que le bâtiment Nexus accueillera “les entreprises et le monde socio-économique”, auxquelles la direction de l’université souhaite offrir des conditions d’accueil meilleures que celles des personnels et des étudiant.e.s ? C’est probablement aussi la raison pour laquelle l’accès à ce bâtiment sera sélectif/select, le dossier d’expertise précisant : “L’accès au bâtiment, puis à certains espaces spécifiques, seront réservés aux porteurs de projets en lien avec les humanités numériques et à leurs partenaires suivant un système de contrôle d’accès avec demande en ligne et autorisation d’accès pour une période déterminée.”

    Nexus, c’est toutefois le prestige au moindre coût, puisqu’il est bien rappelé que “les personnes qui accompagnent l’innovation sont financées sur des missions spécifiques et temporaires” (= précaires), et que l’accueil du bâtiment Nexus sera assuré par un “agent virtuel / écran tactile”. C’est l’occasion de rappeler les gels et suspensions de postes systématiques dans notre université, justifiés notamment par la nécessité d’apporter les garanties budgétaires exigées par les financeurs des nouveaux bâtiments comme Nexus.

    Si Nexus est l’avenir de l’université publique, nous ne sommes pas pressés d’y être !
    Contextualisation
    Numérisation : l’illusion du progrès

    La numérisation des formations prévue par le projet Nexus est présentée comme un outil au service de la réussite étudiante et comme une réponse à la “digitalisation” de l’économie. Il semble utile de rappeler plusieurs choses concernant la numérisation :

    la numérisation n’est pas une dématérialisation écologiquement vertueuse, mais repose sur le déploiement d’une infrastructure (serveurs, réseaux, ordinateurs, etc) consommatrice de ressources produites par les industries d’extraction et d’électricité ;
    la numérisation n’est pas un processus inévitable, mais le résultat de choix politiques visant à l’économie de moyens dans les processus de production (automatisation) et dans la délivrance de services (numérisation des impôts, etc), qui renforcent la précarisation dans l’ensemble des secteurs affectés ;
    la numérisation n’est pas, par elle-même, source de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur : elle nécessite des ressources matérielles (connexion internet, ordinateur) dont l’ensemble des étudiant.e.s (et de celles et ceux qui souhaitent le devenir) ne disposent pas, et de compétences numériques qui sont inégalement distribuées, si bien qu’elle est susceptible de renforcer les inégalités sociales dans l’accès aux études et la réussite dans celles-ci.

    Logique d’austérité

    La suppression de la treizième semaine du semestre sur le calendrier universitaire correspond à la perte de six semaines sur une licence, soit environ un douzième de la formation.

    Pour justifier cette suppression, la Présidence de l’Université plaide le manque de budget. En effet, cela fait des années que les dotations de l’état n’augmentent pas ou peu, alors que le nombre d’étudiant-e-s ne cesse de croître, d’environ 2,5% chaque années. Le résultat de cela est la stagnation, voire la réduction du nombre de places dans les Universités, ainsi que le non-recrutement de nouveaux-elles enseignant-e-s.

    Face à ce manque d’investissements, le gouvernement a une parade toute trouvée : Il investit en fin de compte dans l’ESR, mais passe par des appels à projets. Ceux-ci ont un effet pervers : d’une part, ils accentuent les inégalités entre établissements, d’autre part, ils incitent fortement les universités à mettre en œuvre la politique du gouvernement pour décrocher ces financements.

    Ceci est une des conséquences de la LRU de 2007 (Loi Relative aux libertés et responsabilités des Université) qui confie la gestion de leur budget aux Universités, c’est à dire que comme le feraient des chefs d’entreprise, les Présidents des Universités gèrent leur masses salariales et leur patrimoine immobilier.

    C’est notamment dans cette logique d’austérité que le projet Nexus est défavorable, à la fois aux enseignant-es mais aussi aux étudiant-es. En effet, numériser toujours plus d’enseignements (Jusqu’à 80% prévu en 2028), revient forcément à réduire la masse salariale enseignante, dans un premier temps par la réduction du nombre de vacataires et dans un second temps par une accélération probable du non-remplacement des départs à la retraite. Dans un troisième temps, on peut tout à fait imaginer un plan de départs volontaires, comme le permet désormais la Loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
    Le Projet Nexus, droit dans la logique du plan étudiant

    – Réduction de la part de l’enseignement

    L’article 8 de la loi ORE supprime le minimum de 1500 heures de cours en présentiel, c’est à dire que ces 1500 heures pourront maintenant compter des heures de travail en autonomie, de stage, de projet etc. C’est l’aboutissement du Processus de Bologne, à savoir qu’une licence en vient à être définie par l’obtention de 180 ECTS – des crédits dont la modalité d’accumulation importe peu. Cela explique la liberté de plus en plus grande laissée aux établissements quant à la manière dont ces crédits sont obtenus (forme des cours, nombre d’heure de cours, voire pas de cours du tout)… Ce qui laisse la place à des dérives mettant en jeu la valeur du diplôme.

    – Individualisation des parcours : L1 en 2 ans ; Licence accélérée

    L’arrêté licence, complétant la loi ORE, permet la personnalisation des parcours par le contrat pédagogique. Ce contrat pédagogique, qui prend en compte le profil des étudiant-e-s, énonce des “engagements réciproques” entre l’étudiant-e et l’Université mais n’a aucune portée juridique. L’objectif est clairement de concilier le caractère national du diplôme et la mise en place de parcours personnalisés. Le cadre national du diplôme est affaibli lorsque la Licence est est définie principalement par l’acquisition des 180 ECTS, et plus par un nombre d’heures définies.

    Il est dit très clairement que le projet Nexus “s’inscrit dans [la réforme de la loi ORE]. Ainsi, dans la même lignée que cette loi, il propose “la possibilité de réaliser le parcours de licence de manière accélérée”. Il prévoit que les étudiant-e-s passeront un “test de positionnement” dès la cinquième semaine de cours de licence 1. Ces tests permettront de proposer aux étudiant-e-s de passer leur licence en deux ans. L’instauration de cette individualisation des parcours crée une inégalité entre détenteurs du même diplôme.
    Recomposition de l’ESR : une université à deux vitesses

    Le mode de gestion du secteur de l’ESR par le ministère, qui combine austérité budgétaire et inégalité de traitement par l’attribution d’appels à projets, met en concurrence l’ensemble des établissements pour donner la priorité aux quelques rares universités susceptibles d’être concurrentielles à l’échelle internationale.

    Le projet Nexus répond d’ailleurs à l’appel à projets “ANR PIA NCU”, inscrit dans le PIA 3 (Programme d’Investissement d’Avenir), dans lequel le gouvernement a insufflé 700 millions d’euros. Le but est de renforcer leur “stratégies d’excellence” sur les plans de la recherche et de la formation, au travers de “programmes de grande ampleur, à vocation fortement structurante et se déployant dans la durée”. Ceci participe à faire émerger quelques universités d’élite au détriment des autres. Face à cela, nous revendiquons la fin des financements des appels à projets ainsi qu’un investissement massif dans toute les universités selon leur besoin.

    https://solidairesetudiants34.wordpress.com/2019/11/12/defendons-nos-formations-projet-nexus-13eme-semaine

    #ESR #université #France #Nexus #calendrier_universitaire #enseignement #précarisation #précaires #numérisation #numérique #évaluation #contrôles_continus #apprentissage_numérique #nouvelle_économie_de_la_connaissance #it_has_begun #flexibilité #flexibilisation #individualisation #enseignement_à_distance #EAD #austérité #humanités_numériques #souplesse #budget #coût_de_la_formation #loi_ORE #tiers-lieu #French_Tech #innovation #transformation #hybridation #expérimentation_pédagogique #pédagogie #innovation #compétences #créativité #showroom #bâtiment_Nexus

  • Une #relève académique en #souffrance

    Il est urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux le #mal-être profond des doctorants, post-doctorants, enseignants et chercheurs, et qu’ils en tirent les conséquences en matière de #politique_de_la_recherche, écrivent cinq post-doctorants en sociologie de l’Université de Neuchâtel.

    Le monde académique est devenu un environnement de #travail toxique. L’article de la Tribune de Genève intitulé « Burn-out en série chez les chercheurs genevois » (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) (8.1.2020) offre un témoignage éclairant sur une réalité méconnue. Il souligne que les #conditions_de_travail très précaires sont le lot commun des doctorant-e-s, post-doctorant-e-s et autres enseignant-e-s et chercheurs-euses réuni-e-s sous l’appellation de « #corps_intermédiaire » – et ce pendant de longues années : contrats à durée déterminée et à temps partiel, salaires insuffisants, dépendance personnelle aux professeur-e-s, problèmes de management, inégalités de traitement, harcèlement, multiplication des #burn-out. Mais comment en est-on arrivé là ? Cette réalité relève d’un #problème_structurel qu’il est nécessaire de prendre à la racine afin d’y apporter des réponses.

    L’#effet_Bologne

    Le système académique international a connu une restructuration profonde avec la mise en place du #processus_de_Bologne. Celui-ci a permis de créer un espace européen de l’enseignement supérieur en mettant en #concurrence les universités. Dans ce contexte, le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) se donne pour mission d’encourager la #compétitivité et la mise en réseau de la recherche scientifique suisse au niveau international (art. 1 de ses statuts). Au sein des universités et hautes écoles spécialisées (HES), dont la marge de manœuvre se réduit, cela s’est traduit par une mise en concurrence extrême des chercheurs-euses à l’échelle internationale. Pour espérer trouver une stabilité professionnelle après le doctorat, il est désormais indispensable de disposer d’articles dans des revues prestigieuses, évalués de façon anonyme, suivant un processus long et pénible. Sans compter que l’#anglais (et la forme d’#écriture_scientifique_standardisée) a pris le dessus sur les langues nationales. Individualisée, la #performance est mesurée d’après des critères précis, qui imposent à chaque chercheur-euse d’indiquer explicitement dans son CV sa « #productivité_scientifique » (sic). L’#impact_factor (citations des travaux par les pairs) détermine toujours les chances d’obtention d’une chaire, peu importe s’il conduit à l’auto-référentialité ou à la multiplication d’articles sans plus-value pour la science.

    Les effets de cette #mise_en_concurrence sont néfastes tant pour la #santé des chercheurs-euses que pour la qualité des connaissances produites. Les #rapports_de_travail se dégradent fortement. Il n’est pas rare qu’un-e collègue de bureau soit vu-e comme un-e concurrent-e direct-e. Pour répondre aux critères d’éligibilité, il faut travailler régulièrement le soir et le week-end. L’injonction d’une #mobilité_internationale favorise des profils conjugaux particuliers, au risque d’impliquer le renoncement à une #vie_familiale et d’accroître les #inégalités_de_genre. Les burn-out en série – qui connaissent une forte hausse généralisée (NZZaS, 12.1.2020) – témoignent de la #solitude dans laquelle les #souffrances sont vécues. Une situation renforcée à l’#université par l’absence d’organisations de défense collective de type syndical.

    Les mécanismes de concurrence

    Pour ces différentes raisons, il nous semble de plus en plus urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux ce mal-être profond et qu’ils en tirent les conséquences en matière de politique de la recherche. Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des #financements_par_projet doivent être sérieusement envisagés. La réflexion devrait également questionner l’impératif d’une mobilité internationale (lorsqu’elle se fait contre la volonté des chercheurs-euses) et une course à la #productivité à tout prix.

    Daniel Burnier, Nicola Cianferoni, Jacinto Cuvi, Thomas Jammet, Miriam Odoni (post-doctorant-e-s en sociologie, Université de Neuchâtel)

    https://www.letemps.ch/opinions/une-releve-academique-souffrance
    #Suisse #université #science

    –-

    ajouté à cette métaliste sur la #précarisation de la #carrière des enseignant·es-chercheur·es dans les universités suisses.
    https://seenthis.net/messages/945135

    • « Burn-out » en série chez les chercheurs genevois

      Il arrive que l’Université se transforme en machine à broyer. Doctorants et chercheurs témoignent.

      Yvan* aurait aimé terminer son doctorat « par une invitation à lecture publique ». Las. Alors qu’il lui restait encore un an pour achever une thèse en sciences politiques entamée en 2016, ce Genevois de 31 ans a dit « stop » il y a quelques semaines. Il s’en explique dans un long message sur Facebook, suscitant une avalanche de commentaires. Il y dénonce la condition « très précaire » des chercheurs et la « culture de travail toxique » à l’œuvre selon lui au sein de l’Université de Genève (UNIGE).

      En trois ans, Yvan a découvert « les coulisses du monde académique ». Du moins celles de la Faculté des sciences de la société. « Et ce n’est pas beau à voir, écrit-il. Des collègues surexploités et surmenés dont on peut voir dans leur regard qu’ils ne dorment pas assez la nuit. Une anxiété insidieuse et une dépression présente partout, à quoi s’ajoutent des burn-out en série. »

      Jungle de contrats

      Les départs « abrupts » font toutefois figure d’exception, tient à préciser l’UNIGE. Brigitte Galliot, la vice-rectrice en charge des relations humaines, explique qu’elle demande à voir toutes les lettres de démission. « Nous cherchons à déterminer si l’encadrement n’a pas été satisfaisant », assure-t-elle.

      Dans son appartement de la Servette, Yvan se souvient de son premier jour en tant que doctorant. « Je n’avais pas de bureau, pas d’assignation, aucune personne de contact. Je ne savais pas quoi faire. J’ai fini par m’asseoir à la place d’une personne qui était absente. » Son contrat de recherche mentionne un 70% rémunéré 3920 francs brut par mois. « Comme premier salaire, on se dit que 4000 francs, c’est bien. Mais quand on soustrait les charges et avec le coût de la vie à Genève, il ne reste pas grand-chose. » Exemple de cette précarité : il est rare que les étudiants vivent seuls. La plupart sont en colocation ou emménagent avec leur copain ou copine.

      Débute la quête de financements complémentaires. Un sport national à l’université. « On te dit : ne t’en fais pas, signe déjà ce contrat à temps partiel, et ensuite on trouvera quelque chose », explique Yvan. De fait, les 2300 doctorants évoluent dans une « véritable jungle de contrats ». Durant un semestre, Yvan a même hérité d’un 5%. Le pourcentage varie, le type de contrat également. Certains sont financés par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), d’autres par le Département de l’instruction publique (DIP). Ces derniers donnent droit à une annuité, qu’il est conseillé de négocier habilement.

      Finir sa thèse au chômage

      Yvan poursuit : « Tu es toujours en train de chercher un bout de contrat pour boucher le prochain trou. Quand tu ajoutes à cela le manque de suivi et de reconnaissance inhérente au milieu universitaire, ça devient infernal. » Un premier burn-out survient en 2017. « Je ne l’ai pas fait parce que je bossais trop mais en raison de cet environnement toxique. »

      Yvan retrouve son bureau six mois plus tard. La perspective de devoir effectuer la dernière année de sa thèse au chômage semble inéluctable. « C’est très fréquent. On t’engage pour trois ou quatre ans et si tu n’as pas fini ton doctorat, on te dit que tu le peux terminer au chômage. » Le chômage devient un « outil pour pallier le manque de financement », dénonce Yvan. Qui raccroche définitivement en novembre.

      Ce tableau très noir est le propre de très nombreuses universités en Suisse et à l’étranger. Dans l’ultracompétitif monde académique, c’est « up or out » : soit on progresse, soit on sort. Mais certains mettent des années à s’en extraire, guettant le prochain contrat dans l’espoir de décrocher ensuite un poste de professeur. À y regarder de plus près, les doctorants sont encore les mieux lotis. La situation peut devenir « catastrophique » pour ceux qui restent dans le giron universitaire par la suite : les postdoctorants, les assistants, les chargés de cours et les maîtres d’enseignement. On appelle cela le corps intermédiaire. À l’UNIGE, il dénombre 3760 personnes, contre seulement 766 professeurs, les seuls à disposer d’un contrat fixe et à temps plein.

      « Système seigneurial »

      Pour accéder à ce « Graal », Cristina Del Biaggio a dû se résoudre à quitter Genève. Cette Tessinoise de 42 ans y avait fait son doctorat, puis enchaîné les contrats. « Vingt au total entre 2007 et 2017 », détaille celle qui officie désormais comme maîtresse de conférence à l’Université de Grenoble, en montrant son attestation. On y remarque qu’elle est passée une fois de la classe23 à la 19. « J’ai donc reculé de classe salariale. Était-ce bien légal ? » s’interroge-t-elle.

      Les étudiants dépendent de leurs professeurs, relais inévitables pour obtenir un nouveau financement ou soumettre un projet de recherche. Un « système seigneurial », selon Yvan. « Quoi que tu fasses, tu dois passer par ton seigneur », dit-il. Il vaut donc mieux s’entendre avec lui, même si son pouvoir s’avère souvent limité.

      Pour « joindre les deux bouts », mais aussi parce qu’elle n’a jamais vu le monde universitaire comme « une fin en soi », Cristina Del Biaggio s’engage en parallèle pour l’association Vivre Ensemble. La crise des politiques migratoires bat alors son plein et la géographe s’exprime régulièrement dans les médias. « J’y étais plus utile. Je n’ai jamais été dans cette logique de course à la publication pour des revues inaccessibles qu’imposent les universités. »

      Liberté académique

      Les « inégalités de statut » et l’opacité ambiante font partie des défis de l’Agrass, l’Association pour la relève académique de la Faculté des sciences de la société. « Il y a énormément de disparités, relève d’emblée Davy-Kim Lascombes, de l’Agrass. Entre les facultés mais aussi entre les différents départements. » Les cahiers des charges peuvent varier sensiblement d’un assistant à l’autre.

      Ces inégalités, le rectorat les déplore, tout en rappelant que les neuf facultés jouissent de « beaucoup d’autonomie ». « C’est à elles de faire le ménage chez elles », relève la vice-rectrice Brigitte Galliot. En vertu de la notion de la liberté académique, les étudiants ont en principe le droit de faire un doctorat sans être payés. Il revient toutefois au directeur de thèse de veiller aux conditions de financement. « Nous nous bagarrons contre les professeurs qui prennent douze étudiants et ne peuvent pas les payer. Certaines facultés, comme les sciences et la médecine, refusent d’inscrire des doctorants non financés », insiste Brigitte Galliot.

      Entre 2007 et 2011, Simon Anderfuhren a rédigé une thèse sur les questions de motivation au travail. Il aborde la gestion des ressources humaines et le burn-out. « J’ai consacré une bonne partie de mon temps à enquêter sur des choses dont, par ailleurs, j’ai été témoin », constate ce quadragénaire. Pour lui, l’aventure universitaire s’achève en 2016 par deux ans de chômage et six mois sans salaire. En « valorisant » ses charges de cours, Simon Anderfuhren est aujourd’hui en passe de réussir sa reconversion dans l’enseignement. « L’université est un milieu qui n’est pas habitué à la souffrance au travail », dit-il.

      Problèmes de harcèlement

      Cristina Del Biaggio va plus loin. Selon elle, la précarité devient un « terrain fertile » pour le harcèlement. Des affaires qui n’ont pas épargné l’UNIGE ces dernières années. « Cela tombe toujours sur des personnes précaires. Car elles ont souvent peur de parler et de ne pas voir leur contrat renouvelé », avance Cristina Del Biaggio. Elle regrette le manque de formation des professeurs. « Ils se retrouvent à gérer des carrières universitaires, sans pour autant avoir des compétences managériales avérées », complète Simon Anderfuhren.

      Le rectorat rappelle que la « cellule confiance » est à la disposition de ceux qui veulent faire part, en toute confidentialité, d’un problème de harcèlement ou de sexisme. « Un soutien psychologique et non juridique », regrette Davy-Kim Lascombes. Une charte universitaire du doctorat est par ailleurs en préparation. « C’est une période où les étudiants peuvent être vulnérables s’ils se retrouvent avec un seul superviseur, reconnaît Brigitte Galliot. L’objectif, c’est qu’ils soient évalués par trois personnes à la fin de la première année. » La vice-rectrice ajoute que depuis deux ans, les nouveaux professeurs doivent suivre une formation de management en milieu académique.

      Plus de contrats stables

      En septembre, les représentants du corps intermédiaire ont présenté au rectorat le rapport 2018 « Next Gen » de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales. Parmi ses recommandations, la hausse du nombre de contrats stables. « Tout ce qu’a proposé le rectorat, c’est la création d’un groupe de travail », regrette Davy-Kim Lascombes. Brigitte Galliot : « Si l’on veut que l’Université crée des postes d’enseignements en CDI, il faut revoir son organisation et que les moyens alloués augmentent en conséquence. »

      De leurs années à l’UNIGE, Cristina Del Biaggo et Simon Anderfuhren gardent quand même un bon souvenir. « On sait pertinemment que tout le monde ne peut pas faire carrière. On connaît les règles du jeu. Mais on continue à y jouer », médite Simon Anderfuhren. Cristina Del Biaggio se remémore son dernier jour : « Cela faisait dix ans que j’y travaillais et je ne savais pas à qui donner la clé de mon bureau. J’ai fini par la laisser dans un casier. » D’une moue, elle ajoute : « Ce jour-là, personne ne m’a dit au revoir, ni merci. »

      *Identité connue de la rédaction

      https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762
      #santé_mentale

      –-> vous allez voir mon nom apparaître dans cet article dans lequel j’ai témoigné...

    • Malaise dans la recherche

      En ce mois de janvier, les langues se délient sur les conditions des chercheur-e-s en Suisse. Le Temps publie le 23 janvier le constat d’une équipe de post-doctorant-e-s de l’Université de Neuchâtel qui enjoint les instances responsables de la recherche de revoir leur politique, ou du moins de prendre conscience des conséquences qu’elle provoque (“Une relève académique en souffrance“). Quelques jours avant (08.01.2020), La Tribune de Genève informait sur les burn-out qui touchent les chercheur-e-s genevois-e-s (“Burn-out en série chez les chercheurs genevois“).

      Oui, le #malaise est là et les causes sont connues de toutes et tous, surtout de celles et ceux qui les vivent ! Pourtant, il n’est pas si aisé de faire part de son malaise, de peur des conséquences, c’est-à-dire de péjorer encore plus sa propre situation !

      Pour l’étudiant-e qui souhaite entreprendre un doctorat, le système suisse est performant et encadrant : écoles doctorales, ateliers divers aidant à entrer dans les métiers de la recherche, soutien financier pour se rendre à des colloques internationaux, aller se former un semestre à l’étranger ou effectuer des recherches de terrain, aides à la publication, etc. Durant ces années de formation, on apprend à devenir chercheur-e dans toutes ses dimensions, y compris celle de l’enseignement. Le travail intense (qui comprend régulièrement vacances et week-ends) fait déjà partie du jeu…Mais il faut bien admettre qu’il est impossible d’achever une thèse si, à un moment donné, on ne vit pas uniquement pour son travail de recherche…

      Les vrais ennuis surviennent après l’obtention du doctorat. Votre contrat ou votre bourse sont terminés, vous n’êtes plus affilié-e à aucune institution, mais il vous faut redoubler d’effort, car la vraie #compétition commence ! Ou vous vous retirez du jeu et essayez d’intégrer le monde professionnel, ce qui, quoi qu’on en dise, est très compliqué si vous vous êtes construit un profil de chercheur-e durant la thèse et implique souvent une formation complémentaire (nombreux sont ceux et celles qui se tournent vers la Haute école pédagogique par exemple…ce qui est, à juste titre, très mal vécu après des années d’étude !). Soit vous restez dans le jeu. Et c’est à ce moment-là qu’il faut devenir une bête de concours et être en mesure de cocher le plus de cases possible : prix, mobilité, publication de la thèse, articles dans des revues prestigieuses, réseau international, participation à des congrès internationaux, organisation de colloques, etc., etc., la liste est longue et augmente à chaque nouvelle demande et au fur et à mesure des années. Puisqu’il est un élément important à prendre en considération, la date de soutien de la thèse qui devient votre an zéro. A partir de là, votre cv doit obligatoirement s’allonger, c’est indispensable pour rester dans la course. Actuellement, il doit même comporter une dimension “utile à la société”, c’est-à-dire que vous devez être à même de justifier d’activités mettant en lien votre recherche et la société dans son ensemble : activités de vulgarisation, organisation d’expositions ou d’événements culturels, participation à des concours, etc. (voir un précédent article sur ce blog : https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2019/06/05/le-metier-de-chercheuse-en-etudes-indiennes).

      Toutes ces activités post-doctorat peuvent être menées soit par le biais de bourses du FNS (Fonds national suisse pour la recherche scientifique), soit en étant engagé-e par une université pour un poste appartenant au corps intermédiaire, souvent à temps partiel et généralement pour une durée déterminée. Et c’est bien là que le bas blesse, dans le cumul de contrats précaires sur une longue durée et parfois pour toute la carrière, lorsque l’accès au statut de professeur-e n’a pu être possible (pour des raisons qu’il serait trop long d’expliciter ici).

      A l’entrée dans le monde de la recherche académique, le-la chercheur-e est tout à fait conscient-e que ce qui est recherché est l’#excellence. Il faut travailler dur, il faut être passionné-e, il faut donner de son temps et dans certaines périodes, tout son temps, il faut répondre à un certain nombre de critères, qui ne sont pas inutiles, mais qui permettent de faire avancer la recherche. En prenant cette voie, tout-e chercheur-e est d’accord avec cela, pour une simple raison qui est la #passion. La passion pour ce que l’on fait. On est aussi le plus souvent d’accord de passer par la case mobilité, car on sait pertinemment combien notre recherche est susceptible de profiter de cette mobilité. A noter cependant que dans cette mobilité, aucun soutien logistique n’est fourni par les institutions suisses.

      Mais ce qui mène au burn-out, à la dépression ou à un profond #mal-être, ce n’est pas tant la #surcharge_de_travail, mais c’est surtout le statut précaire de chercheur-e et le fait de pouvoir à tout moment se voir complètement exclu du champ pour lequel on a tant travaillé. Dans quel autre domaine reste-t-on sur le carreau après tant de compétences accumulées et reconnues (puisque financées et récompensées) ?

      Le problème relève bien du politique. Veut-on vraiment financer des chercheur-e-s pour qu’ils-elles fassent des doctorats, des post-doctorats à l’étranger, des publications en open-access, puis leur dire au bout de dix ans, alors qu’ils-elles sont ultra-spécialisé-e-s et ultra-formé-e-s, que la recherche scientifique suisse n’a pas besoin d’eux ? Où doivent-ils-elles aller ? A l’étranger ? Au chômage ? Doivent-ils-elles se contenter d’un emploi à temps partiel sous-évalué, lorsqu’ils-elles en ont un ?

      Les chercheur-e-s de l’Université de Neuchâtel pointent du doigt la mise en concurrence : “Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des financements par projet doivent être sérieusement envisagés.”

      La #mise_en_concurrence en vue de l’excellence est un mécanisme largement utilisé, dans d’autres domaines également : musique, danse, sport. Je pense qu’elle est bénéfique en début de carrière car elle permet une implication totale et fait ressortir le meilleur des potentialités. Mais elle est destructrice sur le long terme et comporte de nombreux effets pervers (voir l’article pré-cité) ! Un-e danseur-se qui gagne des concours se voit offrir une place dans une compagnie de ballet. Il-elle ne sera peut-être jamais danseur-se étoile, mais il-elle pourra travailler et si ses performances seront toujours évaluées, il lui faudra une grande baisse de performance pour être rejeté-e. Le chercheur-e quant à lui-elle, passe des concours à intervalles réguliers, parfois sur une carrière entière et avec des périodes sans financement aucun. Comment travailler avec cette #pression et cette #instabilité dans un domaine où le temps long nourrit la réflexion et est indispensable à une recherche de qualité ? Veut-on réellement faire de la précarité le lot des chercheur-e-s suisses ?

      https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2020/02/02/malaise-dans-la-recherche

    • J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • #Actionuni der Schweizer Mittelbau. Representing scientific staff in Switzerland

      actionuni der Schweizer Mittelbau / actionuni le corps intermédiaire académique suisse / actionuni il collegio intermediario academico svizzero represents young researchers as well as the associations of non-professorial academic staff of the Swiss cantonal universities, the Federal Institutes of Technology, the Swiss Universities of Applied Sciences, and the Swiss Universities of Teacher Education on the Swiss national as well as the international level. actionuni’s objectives are to improve the academic career tracks and to coordinate the activities of the Swiss associations of non-professorial academic staff.

      http://www.actionuni.ch
      #jeunes_chercheurs #jeune_recherche

    • Des doctorants suisses réclament de meilleures conditions de travail

      En publiant dimanche dernier, “Prise de Positions concernant L’Encouragement de la Relève Académique dans les Hautes Écoles Suisses“ (http://www.actionuni.ch/wp-content/uploads/2019/02/PP_FRE_V1.pdf), Actionuni, organisation représentante de jeunes chercheurs en Suisse, appelle à de meilleures conditions de travail pour les doctorants.

      Leur position paper liste 8 revendications :

      Diversification des Parcours Professionnels au sein des Hautes Écoles et Carrières Alternatives, avec des profils alternatifs, à durée indéterminée, et ne dépendant pas d’une chaire.
      Gestion Professionnelle du Personnel.
      Profil double „Recherche/Pratique“, pour dépasser le dogme du « up or out ».
      Transparence des Parcours Professionnel.
      Renforcement des hiérarchies horizontales et des modèles de travail inclusif.
      Temps Minimal de Recherche : la recherche doit être considérée comme une activité professionnelle donnant droit à une rémunération au même titre que n’importe quelle autre prestation. La recherche devrait représenter au moins 60% de temps absolu des doctorants, qui devraient également se voir accorder des semestres de recherche rémunérés.
      Des carrières Compatibles avec la Vie de Famille et autres Obligations.
      Droits de Participation aux choix des établissements en matière de stratégie et de règlements.

      Ce qui ressort principalement de cet appel, c’est une critique de la précarité des doctorants et la centralité de la recherche dans leur pratique. Pour la rectrice de l’Université de Lausanne, l’université n’a pas vocation à faire de la recherche, ni les moyens de contenter en postes stables tous les appétits de recherche, et doit se concentrer sur la formation (https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail. ).


      https://academia.hypotheses.org/5087

    • Les doctorants de Suisse réclament de meilleures conditions de travail

      Les doctorants de Suisse se plaignent de leurs conditions de travail, qu’ils estiment néfastes pour la recherche et l’innovation. Dans un papier de position publié dimanche, ils demandent davantage de contrats à durée indéterminée.

      Dans son article, Actionuni, la faîtière des associations de chercheurs des hautes écoles suisses, revendique également une organisation compatible avec la vie de famille.

      « C’est difficile de se lancer dans un boulot si vous savez que, potentiellement, dans un an, ou même dans trois ans, il sera terminé. Ce sont des postes instables et souvent mouvants. Il faut tout le temps déménager, on vous pousse à le faire pour des critères d’excellence. C’est compliqué à gérer », explique Maximilien Stauber, secrétaire général de l’association ACIDUL à l’Université de Lausanne.

      Pour lui, un réel problème de précarité financière et de l’emploi subsiste : « Nous voulons que davantage de postes avec des durées indéterminées soient ouverts et qu’un temps minimal soit réservé pour la recherche. Dans ces emplois, il y a aussi souvent des tâches administratives et d’enseignement. A Lausanne, le temps minimal pour la recherche est de 50%, la faîtière propose maintenant 60%. »
      Mission de formation

      « Je comprends ces revendications. Le métier de la recherche est extrêmement dur, mais il me semble que la mission de l’université est avant tout de former les gens et pas de les employer pour faire de la recherche », estime la rectrice de l’Université de Lausanne Nouria Hernandez.

      « Il faut se rendre compte qu’il y a beaucoup plus de chercheurs et d’étudiants qui veulent faire de la recherche que de postes stables. Même si nous doublons ou triplons ce type de postes, cela va toujours être le cas », assure la biologiste.

      https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail.

    • Dans les universités suisses, huit chercheurs sur dix n’ont pas de contrat fixe

      Dans le système académique suisse, seuls les professeurs bénéficient de postes fixes, à quelques exceptions près. Après l’obtention d’un doctorat, ceux qui veulent poursuivre une carrière dans la recherche et gravir les échelons vers ce statut tant convoité cumulent souvent pendant de longues années des contrats à durée déterminée. Ils forment une armée de chercheurs qui enseignent et publient, sans qui la « machine universitaire » ne tournerait pas, mais qui se battent avec des conditions de travail difficiles et des perspectives incertaines

      Pourquoi on en parle. Les incertitudes liées aux carrières dans la recherche universitaire ne sont pas nouvelles, ni propres à la Suisse. Mais le nombre de doctorants en Suisse augmente, ce qui accroît la pression sur le système et accentue la précarité. En 2018, les universités suisses ont décerné 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Les Académies suisses des sciences ont consacré l’an dernier un important rapport à ce sujet sensible. Et la pression est montée d’un cran ce printemps, avec la publication d’une série de revendications de la faîtière des associations de chercheurs, Actionuni.

      https://www.heidi.news/articles/dans-les-universites-suisses-huit-chercheurs-sur-dix-n-ont-pas-de-contrat-fi

    • Ein Königreich für einen Lehrstuhl

      Sie sind die neunzig Prozent, die den akademischen Betrieb aufrechterhalten: Berichte aus dem Inneren eines Systems, das aus der Perspektive des wissenschaftlichen Nachwuchses so nicht länger funktionieren darf.

      «Das hätte auch bei uns passieren können» – ein Satz, der immer wieder fällt. Gemeint sind die eskalierenden Konflikte an der ETH Zürich, die mit Mobbingvorwürfen von Doktorierenden am Astronomielehrstuhl begannen.

      Geäussert haben den Satz Mittelbauangehörige verschiedener Deutschschweizer Universitäten. Denn dieselben Probleme wie an der ETH dräuen auch an den Unis in Basel, Bern, Zürich, Luzern und St. Gallen. Das geht aus internen Dokumenten und zahlreichen Gesprächen mit Doktorierenden, Postdocs und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen dieser Universitäten hervor. Sie waren nur unter Zusicherung absoluter Anonymität überhaupt bereit zu reden (Mittelbauangehörige werden hier als MBAs zitiert), weil ihre akademische Karriere andernfalls ein abruptes Ende nehmen könnte.

      Dabei stellt niemand von ihnen eine Einzelperson an den Pranger – die Probleme, unter denen primär der akademische Nachwuchs leidet, haben strukturelle Wurzeln. Und auch für die ProfessorInnen, das betonen viele aus dem Mittelbau, funktioniere dieses System immer weniger. Gemeint ist das Deutschschweizer Universitätsmodell mit seinen «Grossordinariaten», das im internationalen Vergleich anachronistisch, ja feudalistisch anmutet: Wenige, üppig ausgestattete Lehrstühle vereinen sämtliche Macht auf sich; die ProfessorInnen, die sie besetzen, sind auf Lebenszeit gewählt und gebieten über ein Heer von Nachwuchsforschenden – sie stellen neunzig Prozent des wissenschaftlichen Personals –, das unter höchst prekären Arbeitsbedingungen den universitären Betrieb aufrechterhält. Prekär bedeutet erst einmal: befristet angestellt, meist zu fünfzig Prozent bezahlt, aber hundert Prozent arbeitend, oft auch abends und am Wochenende.
      Das akademische Prekariat

      «Wer ein akademisches Karriereziel vor Augen hat, der kommt mit einer 42-Stunden-Woche nicht weit», so Thomas Grob, Vizerektor der Uni Basel, im hausinternen Magazin vom April 2019. Er reagierte auf eine breit angelegte Umfrage unter Doktorierenden und Postdocs, in der vierzig Prozent angeben, während ihres bezahlten Arbeitspensums keine Zeit für die eigene Forschung zu haben, mit der sie sich für die nächste Karrierestufe qualifizieren müssen. Im Schnitt wenden die Befragten über das bezahlte Pensum hinaus sogar noch einen Arbeitstag zusätzlich pro Woche zur Bewältigung von Arbeiten für den Lehrstuhl auf: Sie erledigen administrative Aufgaben, betreuen Studierende, unterrichten, korrigieren Prüfungen und helfen in anderen Projekten mit.

      Ähnliche Umfragen zur Arbeitssituation von Doktorierenden und Postdocs organisierte der Mittelbau in den letzten Monaten und Jahren auch an den anderen Deutschschweizer Unis. Mit praktisch deckungsgleichen Resultaten – obwohl sich die Rahmenbedingungen zwischen den Fakultäten, Instituten und einzelnen Lehrstühlen zum Teil stark unterscheiden. Sie zeigen: Prekär bedeutet auch, dass die befristete Anstellungsdauer oft zu kurz ist, um erfolgreich zu doktorieren oder sich zu habilitieren. Meist ist man auf drei Jahre hinaus angestellt, mit der Option auf Verlängerung um maximal drei weitere Jahre. In Basel erhalten Doktorierende sogar bloss einen einjährigen, Postdocs einen zweijährigen Vertrag, den sie um drei respektive vier Jahre verlängern können. Vier von fünf bekommen allerdings, wenn überhaupt, eine Verlängerung von einem Jahr oder weniger.

      Prekär bedeutet darüber hinaus: Der Lohn reicht kaum zum Leben – zumal, wenn man in der Stadt wohnt oder bereits eine Familie gegründet hat. In Luzern etwa hatte zum Zeitpunkt der Umfrage jedeR zweite Oberassistierende Kinder, der Bruttojahreslohn von 50 000 Franken genügte indes niemandem, um die Familie zu ernähren. Und familiäre Betreuungspflichten lassen sich, das betonte über die Hälfte aller Befragten mit Kindern, kaum mit einer wissenschaftlichen Qualifikation vereinbaren.

      Zunehmend prekär – namentlich mit Blick auf eine alternative Berufskarriere – wirkt sich auch die biografisch späte Selektion aus. «Über viele Jahre wissen bestens qualifizierte Akademikerinnen und Akademiker im Alter von 35–45 Jahren nicht, ob sie eine gesicherte Existenz an einer Hochschule oder im Wissenschaftssystem im Allgemeinen erreichen werden», hält der Report «Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung» (2018) der Akademien der Wissenschaften Schweiz fest. Denn an Deutschschweizer Universitäten gibt es nur einen einzigen Karriereweg: «up or out» – rauf oder raus. Drei von vier Postdocs streben eine Professur an, aber nur jedeR zehnte unter ihnen schafft es tatsächlich, einen Lehrstuhl zu ergattern.

      Vor diesem Hintergrund bezeichnen MBAs den Rekrutierungspool, in dem sie selber schwimmen, als «Haifischbecken». In der Selektion sei die viel beschworene wissenschaftliche «Exzellenz» kein entscheidendes Kriterium – andere Kompetenzen seien gefragt: die Bereitschaft, sich auf prekäre Arbeitsbedingungen einzulassen, sich finanziell einzuschränken, sich selbst auszubeuten und unsichere Zukunftsperspektiven auszuhalten. «Wer im System überlebt, entspricht einem gewissen Typus Mensch: Haie, die ellbögeln, sich nur um sich selbst kümmern und gleichzeitig kuschen und das System nicht hinterfragen», bilanziert eine MBA.
      Alles QuerulantInnen

      Wer sich wehrt, auch darin sind sich MBAs verschiedener Unis einig, gilt rasch als QuerulantIn. Mitunter genüge bereits ein «kritisches Nachfragen», um dieses Label zu erhalten, sagt einer. Und seit an einem Kollegen «ein Exempel statuiert» worden sei, herrsche im Mittelbau seiner Uni ein «Klima der Angst». «Dieses System bietet viel Platz für Willkür. Und dieser Willkür werden keine Grenzen gesetzt von denjenigen, die es könnten: den Professoren. Sie haben alle Macht, aber eine verschwindend geringe Zivilcourage.» Auch an anderen Unis lautet die Diagnose ähnlich: Die ProfessorInnen getrauten sich nicht, einander auf die Finger zu klopfen – sei es «aus Angst, als Nestbeschmutzer zu gelten», sei es im Wissen darum, sich so selbst zur Zielscheibe zu machen.

      Im universitären Feudalsystem ist die Macht der ProfessorInnen quasi absolut. Jeder Lehrstuhl, jedes Institut, jede Fakultät ist ein kleines Königreich für sich, über das die ProfessorInnen im Rahmen der universitären Selbstverwaltung uneingeschränkt herrschen. Sie verfügen nicht nur über die Mittel, aus denen sie das wissenschaftliche Personal finanzieren, sondern bestimmen auch über die Pflichten und Rechte der damit Angestellten. Der Institutsleiter, die Fakultätsdekanin sowie der Unirektor sind bloss auf Zeit gewählt und werden aus den eigenen Reihen rekrutiert.

      Ähnlich absolut ist umgekehrt die Machtlosigkeit der Assistenten, Oberassistentinnen und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen respektive ihre Abhängigkeit von einzelnen ProfessorInnen – eine Art Leibeigenschaft, um im Bild des Feudalsystems zu bleiben. Dieser Professor – in weit selteneren Fällen ist es eine Professorin – ist nämlich zugleich Arbeitgeber, Betreuer und Beurteiler der wissenschaftlichen Qualifikation. Konkret bedeutet das: Er bestimmt nicht nur über Dauer, Umfang, Lohn und Inhalt der Arbeit, er hält auch alle Fäden in der Hand, wenn es um die Chancen auf eine akademische Karriere geht, waltet er doch nicht nur als Förderer und Mentor, sondern beurteilt auch die wissenschaftliche Leistung.
      Macht und Missbrauch

      Der Förderung von «Exzellenz» ist diese Machtkonzentration in keiner Weise zuträglich, wie sämtliche Mittelbauumfragen zeigen. Im Gegenteil: Die Missstände sind deutlich und so weitverbreitet, dass von einem systembedingten Machtmissbrauch gesprochen werden kann. Eine Ausdrucksform davon ist Vernachlässigung. In den Umfragen beklagen sich je nach Uni 25, 35 oder gar über 40 Prozent aller Befragten über eine mangelnde oder völlig fehlende Betreuung und Unterstützung in Bezug auf ihre wissenschaftliche Qualifizierung. An der ETH hatten 60 Prozent der Doktorierenden nie ein Feedback- und Laufbahngespräch mit dem Professor. An der Universität Zürich schreiben viele von «Desinteresse vonseiten des Profs»: Er habe «keine Zeit, antwortet auf keine Mails», «nimmt sich keine Zeit, meine Beiträge / Kapitel der Diss zu lesen, und kommt unvorbereitet in eine Besprechung. Jedes Mal anderes Feedback.»

      Vielen ist bewusst, dass die ProfessorInnen selbst völlig überlastet sind: Die Zahl der Studierenden und Doktorierenden wächst ebenso wie der Aufwand, Drittmittel einzuwerben, und sie werden im Rahmen der universitären Selbstverwaltung mit immer mehr Administrationsaufgaben betreut. Vernachlässigen sie darob ihre Betreuungsfunktion zu stark, kann das für den Nachwuchs akademisch fatale Folgen haben. Eine MBA erzählt im Gespräch von mehreren ihr bekannten Fällen, in denen der Professor respektive die Professorin nach drei Jahren eine Dissertation oder sogar Habilitation abgelehnt habe – etwa mit der Begründung, es sei halt das «falsche Thema».

      Sowohl an der ETH wie an der Uni Zürich wird der Vorwurf des Machtmissbrauchs von jeder vierten Person in den Umfragen explizit erhoben – die persönlichen Erfahrungen sind die immer gleichen: Man wird gezwungen, auch am Wochenende zu arbeiten, stets erreichbar zu sein, selbst in den Ferien, die mitunter sogar verweigert werden. Vertragsverlängerungen werden an Bedingungen geknüpft. «Die Leute werden auf drei bis sechs Monate hinaus angestellt, Verträge als Druckmittel eingesetzt», sagt auch ein MBA einer anderen Uni.

      Zu den häufig und überall genannten Fällen von Machtmissbrauch gehört wissenschaftliches Fehlverhalten aufseiten von ProfessorInnen. So kommt es an einzelnen Unis offenbar immer wieder vor, dass sie Doktorierende Publikationen für Fachzeitschriften schreiben lassen, ohne sie auch nur als MitautorInnen zu nennen. Oder der Professor setze einfach seinen Namen drauf, obwohl er gar nichts zur eigentlichen Forschung beigetragen habe. Ein MBA berichtet, die Professorin habe ihn vor die Wahl gestellt, das zu akzeptieren oder sich einen neuen Job zu suchen.

      «Moralisch verwerfliches Verhalten im Umgang mit Angestellten ist häufig legal», sagt ein anderer MBA. Auch wenn an den einzelnen Unis unterschiedlichste Reglemente den Anstellungsrahmen definieren – das Reglement zu den Rechten und Pflichten von Assistierenden und Oberassistierenden der Uni Luzern gibt ihm recht: «Die Autorschaft und die Koautorschaft werden von der vorgesetzten Person (…) ermöglicht.» Oder, so der Tenor aus dem Mittelbau aller Unis: «Man ist dem Goodwill des Profs komplett ausgeliefert.»
      Bitte recht unverbindlich

      Wissenschaftliche Publikationen wie auch ausgewiesene Lehrerfahrung sind zentrale Meilensteine auf dem akademischen Karriereweg. Doch obwohl besonders in den philosophisch-historischen Fakultäten Assistierende und Oberassistierende extrem stark in die Lehre involviert sind, können sie das kaum je als eigene wissenschaftliche Leistung ausweisen. Zwar gibt es an den meisten Universitäten mittlerweile Reglemente, die den maximalen Umfang der Lehrverpflichtung festlegen – sie reichen von 20 Prozent der bezahlten Anstellung in Basel bis zu 66 Prozent in Luzern –, «das reicht aber nirgends hin», so eine MBA. «Einfordern kann die Beschränkung sowieso niemand», sagt eine andere: «Aufgrund der Machtverhältnisse getraut sich das keiner.»

      Das extreme und einseitige Abhängigkeitsverhältnis von Doktorierenden und Postdocs haben die Universitätsleitungen mittlerweile als Problem anerkannt. Man ist bemüht, die Abhängigkeit von einer einzigen Betreuungsperson zu reduzieren. Reglemente und Doktoratsvereinbarungen halten fest, dass eine zweite Betreuungsperson entweder als fachliche Zweitgutachterin oder besser noch als Förderin und Mentorin eingesetzt werden soll. An der Uni Zürich versucht man es seit 2010 mit Doktoratskomitees und seit Anfang des Jahres mit einer Graduiertenschule in der Philosophischen Fakultät, in der die Betreuung und Förderung aller Doktorierenden auf eine Leitungskommission, verschiedene KoordinatorInnen sowie Fachausschüsse verteilt ist. Auch gestehen die Reglemente dem wissenschaftlichen Nachwuchs ein Mindestmass an Zeit für die eigene Forschung sowie das Recht auf Unterstützungs- und Fördermassnahmen und regelmässige Laufbahngespräche zu.

      Bloss: Die Umsetzung all dieser Massnahmen ist freiwillig und bleibt den Fakultäten, Instituten und damit letztlich den einzelnen ProfessorInnen überlassen. Es gibt keine Zahlen darüber, ob und wie es tatsächlich geschieht. Oft wissen Doktorierende und Postdocs nicht einmal um ihre Rechte. «Wenn ich eine einjährige Assistenzstelle antreten will, muss ich mich selber um die Reglemente kümmern», sagt ein MBA. In den meisten Fakultäten kommt eine Mehrheit aller Doktorierenden und Postdocs aus dem Ausland und ist weder mit den hiesigen Gepflogenheiten noch mit der Sprache vertraut, in der Reglemente fast immer verfasst sind. Das verschärfe die Machtlosigkeit noch, empört sich eine andere MBA: «Es kann doch nicht sein, dass Doktorierende ihnen zustehende Rechte selber einfordern müssen!» Tatsache sei, so eine MBA einer dritten Uni, dass gerade Doktoratsvereinbarungen von den ProfessorInnen häufig ignoriert würden. Und die Umfrage an der Uni Zürich zeigt: Vier von fünf Befragten, die eine Doktoratsvereinbarung unterzeichnet haben, halten diese für «nicht hilfreich». Kein Wunder, fordern mehr als die Hälfte, es müssten Massnahmen zur Einhaltung der Reglemente und Vereinbarungen ergriffen werden.

      Als Reaktion hat die Uni Zürich einen «Best-Practice-Leitfaden» für die Doktoratsstufe erstellt, der genau darauf pocht. Allein, verbindlich ist auch dieser nicht. «Wir legen viel Wert auf akademische Selbstverwaltung», lautet die Begründung von Michael Schaepman, Prorektor Forschung, im «UZH Journal». «Es besteht immer ein Abhängigkeitsverhältnis zwischen Doktorierenden und ihren Professorinnen und Professoren und damit ein Potenzial für Konflikte», hält er fest. «Aber angesichts der speziellen Situation von Doktorierenden, die sich von den meisten anderen Arbeitsverhältnissen unterscheidet, ist die Zahl der Konflikte klein.»
      Deckel drauf

      Wohin sollten sie sich auch wenden? Aus der Perspektive des Mittelbaus bedeutet «akademische Selbstverwaltung» nichts anderes als innerbetriebliche Kontrolle und Unterdrückung. Zwar gibt es an allen Unis eine wachsende Zahl interner Beratungs- und Anlaufstellen personalrechtlicher, psychologischer und konfessioneller Natur sowie Ombudspersonen. In Basel und Zürich dürfen sich Doktorierende und Postdocs seit kurzem in jeder Fakultät an eine designierte «Vertrauensperson» wenden. Bloss handelt es sich bei ihnen um ProfessorInnen aus derselben Fakultät. Schlimmstenfalls landet also, wer Knatsch mit seiner Betreuungsperson hat, bei ebendieser.

      Die Rolle sämtlicher Stellen beschränkt sich darauf, zu beraten, zu vermitteln oder allenfalls zu schlichten. Im Zentrum stehen «Deeskalation, Krisenbewältigung, Kooperation und das Erreichen von Win-win-Situationen», wie es bei der neu eingerichteten Beratungs- und Schlichtungsstelle der Uni Zürich heisst. Auch die Ombudsperson kann nur Empfehlungen aussprechen, die «niemanden zu etwas verpflichten» (Bern), sie ist «kein Richter und trifft keine Entscheide» (Basel). Letztinstanzlich entscheidet immer das Rektorat.

      «Grundsätzlich will die Uni alle Konflikte intern regeln», sagt ein MBA, der selber erfahren hat, wie aussichtslos es ist, sich zu wehren. Sämtliche Stellen hätten sich im Verlauf der Schlichtungsgepräche auf die Seite der Uni geschlagen. «Mir sind keine Verfahren bekannt, die weitergegangen wären oder in Disziplinarverfahren gemündet hätten.» Und wer sich zu stark wehrt, dem bleibt im System des «up or out» nur die eine Option: out.

      Jüngst hat Actionuni, der Dachverband der Mittelbauorganisationen, ein Positionspapier zur Nachwuchsförderung veröffentlicht, das mit dem Dogma des «up or out» brechen will und einen radikalen Strukturwandel fordert. Im Zentrum steht eine Diversifizierung der Karrierewege ab Doktoratsstufe. Die Hälfte der Anstellungen soll unbefristet sein und alternative Karriereprofile in Forschungsmanagement, Lehre oder wissenschaftlicher Verwaltung eröffnen. Der Report «Next Generation» stärkt dieser Forderung den Rücken und zeigt sogar im Detail auf, wie sie sich praktisch umsetzen liesse – unter anderem mit einer Verlagerung der finanziellen Mittel weg von den «Grossordinariaten» hin zu unbefristeten Mittelbaustellen. «Da steckt viel Utopie drin», meint ein MBA, «so beharrlich, wie die Machtverhältnisse an den Universitäten sind.»

      https://www.woz.ch/-9ce8

    • Forschende der Universität Zürich fühlen sich ausgebeutet

      Eine Umfrage zeigt: An einem Zürcher Institut ist Gratisarbeit normal. Es ist kein Einzelfall.

      Am Historischen Institut der Universität Zürich müssten wissenschaftliche Angestellte weit mehr arbeiten, als in ihrem Vertrag steht. Zu diesem Ergebnis kommt eine Umfrage des Studierendenmagazins «etü» (http://www.etue.ch/die-mittelbau-umfrage). Von den gut 90 Doktoranden, Postdocs und Assistenten hat die Hälfte geantwortet. Zwei Drittel geben an, dass sie mehr als das vereinbarte Pensum arbeiten würden. Die Hälfte kommt sich ausgebeutet vor, wie aus den Zahlen hervorgeht, die der «NZZ am Sonntag» vorliegen.

      «Tatsächlich sind die Anstellungsbedingungen des Mittelbaus teils problematisch, teils – um es nett zu sagen – kreativ», schreiben die Autoren im Magazin, das am 15. Februar online erschien und am Montag, 17. Februar, zum Semesterbeginn verteilt wird.

      Wie die Autoren schreiben, müssen die Befragten bei einem vertraglichen Arbeitspensum von meist 50 bis 60 Prozent im Durchschnitt knapp einen Tag pro Woche zusätzlich unentgeltlich für den Lehrstuhl arbeiten. Oft betreiben sie ihre Forschung in der Freizeit, obwohl ihnen dafür ein Teil der Arbeitszeit zur Verfügung stehen sollte.
      Gut für die Wissenschaft

      Das Historische Seminar steht diesbezüglich nicht allein da in der Schweiz. Das Missverhältnis zwischen vereinbartem Pensum und effektivem Aufwand ist im Mittelbau allgegenwärtig. Das bestätigen nicht nur Vertreter der Standesorganisationen: «Es ist ein gesamtschweizerisches Phänomen», sagt auch Antonio Loprieno, ein Kenner der akademischen Welt. Loprieno war Präsident der Akademien der Wissenschaften, sitzt im Zürcher Universitätsrat und präsidierte einst die Uni-Rektorenkonferenz.

      Dazu muss man wissen, dass ein grosser Teil der Forschung und Lehre an den Universitäten von ebendiesem Mittelbau geleistet wird. Schweizweit sind dies 32 000 Personen, davon allein an der Uni Zürich 5300. Es sind Doktorierende, Postdocs und Assistierende, die den Wissenschaftsbetrieb am Laufen halten.

      Gleichzeitig arbeiten sie an ihrer akademischen Karriere, indem sie ihre Forschungsprojekte vorantreiben – viele mit dem Ziel einer Professur. Diese Stellen seien rar, entsprechend gross sei die Konkurrenz, sagt Loprieno: «Für die Wissenschaft ist das gut, für die Wissenschafter ist es schlecht.» Vor diesem Hintergrund sind fast alle bereit, ein Teilpensum anzunehmen und mehr zu arbeiten.

      Wie eine Auswertung von Zahlen des Bundesamtes für Statistik zeigt, sind die Mittelbauangehörigen je nach Universität im Durchschnitt zwischen 45 und 93 Prozent angestellt. Hohe Werte weisen die ETH Zürich und Lausanne auf, tiefe die Unis St. Gallen und Luzern.

      In den Geisteswissenschaften sind kleine Pensen weiter verbreitet als in den Naturwissenschaften. An der Universität Zürich ist das Problem schon länger bekannt: Bereits 2013 ergab eine Umfrage der Vereinigung akademischer Mittelbau, dass 64 Prozent mehr arbeiten, als im Vertrag steht.

      Dass sich seither wenig geändert hat, zeigt nun die Umfrage am Historischen Institut. Konkret heisst das, dass ein Assistent auf einen Lohn von rund 3500 Franken kommt für ein 50-Prozent-Pensum. Gemäss Umfrage von «etü» liegt der Median der Löhne der Befragten bei 4200 Franken im Monat. Ein Zusatzverdienst ist für viele nicht möglich, da sie mehr als das Pensum arbeiten und forschen müssen. «Es braucht einen Kulturwechsel an den Universitäten», fordert darum eine Sprecherin von Actionuni, der Vereinigung des Schweizer Mittelbaus. «Es geht nicht an, dass wir unser Privatleben aufgeben müssen für unsere Arbeit.»
      Uni erwartet Engagement

      Erstaunt ob der Umfrageergebnisse am Historischen Institut ist Co-Seminarvorstand Simon Teuscher: «Wir werden diesen Zahlen nachgehen», sagt der Professor. Sollte sich die Umfrage bestätigen, wäre er dafür, die Pensen der Angestellten zu erhöhen. Das Budget müsste aber gleich bleiben, das heisst: «Weniger Angestellte mit höheren Pensen und dafür bessere Förderung.»

      Übers Knie brechen liessen sich solche Massnahmen nicht. Die Uni selber sieht kaum Handlungsbedarf: «Bei den Doktoratsanstellungen handelt es sich um ein langjährig bewährtes Modell», schreibt die Pressestelle. Sie verweist auf die Rahmenpflichtenhefte, die den Angestellten einen Anteil der Arbeitszeit für die eigene Forschungszeit zur Verfügung stellen. Zudem sei ein «hohes, auch privates Engagement selbstverständlich», heisst es. «Es handelt sich ja auch um eine persönliche Weiterqualifizierung.»

      Auch Antonio Loprieno sieht kaum einen Ausweg. «Das System ist zwar für den Einzelnen brutal, aber es lässt sich nicht leicht verbessern.» Die Budgets der Universitäten blieben beschränkt und der Druck auf den wissenschaftlichen Output gross.

      https://nzzas.nzz.ch/schweiz/problematische-arbeitsbedingungen-uni-forschende-fuehlen-sich-ausgebeutet-

      #Zurich #université_de_Zurich #travail_gratuit

    • Le débat - La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      Débat entre Yves Flückiger, recteur de l’UNIGE, président de swissuniversities, Ola Söderström, président de la division Sciences humaines et sociales du FNS, Verity Elston, responsable conseil en carrières, doctorat et postdoctorat au Graduate Campus de l’UNIL, et Céline Guérin, docteur en neurosciences.


      https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/le-debat-la-suisse-forme-t-elle-trop-de-chercheurs?id=11080302

      –-> Le journaliste fait référence à l’article de la Tribune de Genève (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) et demande au recteur de l’Université de Genève invité sur le plateau de réagir...
      Et il ne répond pas du tout, mais alors pas du tout !!!!!!

      Ola Söderström, lui, parle en tant que représentant du Fonds national suisse de la recherche scientifique... et commence par « les situations sont singulières »... évidemment, rien de structurel, tout est « individuel et singulier »... Et puis, eh voilà... il défend bec et ongles le « propre » du FNS : compétition, faut que les meilleurs restent, sélection précoce... et il faut plus de #tenure_track et de profs assistants qui sont évalués de manière « fine » pour pouvoir obtenir un poste de prof ordinaire...

    • Un environnement de travail toxique ? Débat sur les conditions de travail du corps intermédiaire

      Quel est votre degré de satisfaction ? C’est ce que le magazine zurichois d’étudiant·e·s « etü » a voulu savoir auprès des quelque 90 membres du corps intermédiaire du département d’histoire. La moitié d’entre eux ont répondu à l’enquête en ligne. Le magazine a publié les résultats à la mi-février. Deux tiers des participant·e·s ont déclaré travailler plus que la charge de travail convenue, la moitié a même affirmé se sentir parfois exploité·e·s. Le comité du département a mis les résultats en perspective dans une prise de position. Le co-directeur du département, Simon Teuscher, s’est quant à lui exprimé dans une interview en faveur de salaires et, surtout, de taux d’occupation plus élevés dans le corps intermédiaire.

      Les conditions de travail du corps intermédiaire académique, que beaucoup de personnes concernées considèrent comme précaires, font depuis longtemps l’objet d’une attention particulière dans les médias : le monde universitaire serait devenu un « environnement de travail toxique », selon un article d’opinion rédigé par cinq post-doctorant·e·s en sociologie de l’Université de Neuchâtel dans le journal « Le Temps ».

      Le Conseil fédéral, le Fonds national et les hautes écoles devraient de toute urgence prendre au sérieux le malaise des doctorant·e·s, des post-doctorant·e·s ainsi que des chercheurs et chercheuses afin d’en tirer les conséquences pour leur politique de recherche. Cette contribution a été précédée par un article publié en janvier dans la « Tribune de Genève » sur les conditions de travail précaires à l’Université de Genève.
      La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      En 2018, les universités suisses ont décerné un total de 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Un nouveau rapport de l’Association suisse de science politique a examiné la situation dans son domaine et a recommandé un débat plus ouvert sur le nombre et les possibilités de carrière des doctorant·e·s. Un débat radiophonique diffusé par la Radio Télévision Suisse réunissant des acteurs du paysage de la recherche en Suisse a posé la même question sur les structures de promotion de la relève dans le système universitaire, mais en la formulant de manière plus provocante : « La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ? » En 2018, l’ASSH avait déjà esquissé une vision structurelle pour le nombre croissant de chercheurs et chercheuses de la relève en Suisse dans son rapport « Next Generation », qui envisageait des parcours de carrière diversifiés et davantage de postes bénéficiant d’un contrat de durée indéterminée.

      https://sagw.ch/fr/assh/offre/publications/newsletter/details-newsletter/news/ein-toxisches-arbeitsumfeld-debatte-zu-den-arbeitsbedingungen-des-mittelbaus

    • Parliamentary resolutions

      Thanks to the outreach of the petition, the Petition Committee and mid-level staff associations have been in touch with local and national politicians. This led to several parliamentary resolutions that support better working conditions and open-ended contracts for PhD Students and Post-docs in Swiss universities. All resolutions and responses can be downloaded in the links below.

      Federal Council

      - Interpellation 20.4622 de Christian Dandrès : "Lorsque la faim est à la porte, les chercheurs et chercheuses s’en vont par la fenêtre"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20204622

      - Question 20.5974 de Christian Dandrès : "Conditions de travail du “corps intermédiaire” dans les universités et les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20205974

      – Interpellation 20.3121 de Fabien Fivaz : "Statut précaire du corps intermédiaire dans les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203121

      Canton of Neuchâtel

      - Interpellation Sera Pantillon 21.140 : "Quelle est la précarité du corps intermédiaire à l’UniNE ?"
      https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Interpellations/2021/21140_RepEcr.pdf

      Canton of Geneva

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1429-A : "Fonctions et rémunérations à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01429A.pdf

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1430-A : "Typologie des contrats et taux d’activité des membres du corps intermédiaire à l’Université de Genève"
      https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjBo_nS2_rvAhXN4KQKHRxoBcw

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1431-A : "Origine des financements des postes à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01431A.pdf

      https://info.petition-academia.ch/parlamentary-resolutions

    • Les hautes écoles universitaires s’emploient à promouvoir des conditions de travail, d’enseignement et de recherche optimales en faveur de la relève scientifique

      La pétition nationale pour mettre fin à la précarité dans les hautes écoles suisses exige de meilleures conditions de travail pour le personnel scientifique, notamment la création d’emplois permanents dans le monde académique après l’obtention du doctorat. Les hautes écoles universitaires sont sensibles aux demandes formulées dans la pétition. Elles offrent aux jeunes chercheur·se·s un encadrement et un environnement aussi favorables que possible, tout en mettant l’accent sur les plus hautes exigences de qualité selon les standards internationaux.

      Les associations du corps intermédiaire de différentes hautes écoles suisses ont lancé en octobre 2020, en concertation avec des syndicats, une pétition adressée à l’Assemblée fédérale. Cette pétition exige des mesures concrètes visant à améliorer les conditions de travail du personnel scientifique. Conscientes des préoccupations des pétitionnaires, les hautes écoles universitaires poursuivent leurs efforts visant à renforcer la promotion de la relève au cours de ces prochaines années.

      Les profils et les carrières académiques sont différents suivant les domaines d’études et le cadre institutionnel. Aussi les hautes écoles universitaires plaident-elles en faveur d’une compréhension globale des carrières académiques présentant des options au sein et en dehors des hautes écoles. Pour que les carrières puissent être planifiées, il faut que les procédures de sélection soient claires et transparentes et que les personnes concernées sachent à quel moment les décisions importantes sont prises. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que les membres du corps intermédiaire puissent participer activement à la gestion de leur carrière.

      Les hautes écoles universitaires ont pour mission de mener des recherches de haute qualité et d’offrir un enseignement exigeant. La meilleure promotion de la relève consiste à former de jeunes chercheur·se·s à même de réussir une carrière scientifique internationale. Par conséquent, les hautes écoles universitaires souhaitent leur offrir un environnement propice au plein développement de leur potentiel.

      Différents instruments déjà existants permettent de répondre aux objectifs visés par la pétition. En effet, les hautes écoles universitaires ont pris de nombreuses mesures au cours de ces dernières années en vue d’améliorer la situation du personnel scientifique et poursuivront leurs efforts dans ce sens. Elles ont notamment augmenté le nombre de postes de professeur·e·s assistant·e·s en tenure track et créé de nouvelles positions et de nouveaux emplois permanents au-dessous des postes de professeur·e·s. Grâce à ces mesures, elles seront à même d’offrir à la relève différentes options de carrière aux objectifs et aux possibilités de développement clairement définis. Outre les carrières académiques classiques, les profils du troisième espace (« third space ») peuvent également offrir de nouveaux débouchés au sein de la haute école. Par ailleurs, elles entendent structurer davantage la phase post-doctorale. Cette mesure va de pair avec une sélection précoce, des objectifs précis et une orientation de carrière personnelle. Enfin, les doctorant·e·s et les post-doctorant·e·s disposent d’instruments efficaces qui les soutiennent dans leur carrière académique ou en vue d’une activité hors de la haute école : attribution de temps protégé (« protected time »), possibilités d’allègement, mesures et offres permettant de renforcer l’égalité des chances, mentorats, consultations et cours pratiques.

      Les hautes écoles universitaires sont sensibles à l’argumentation des pétitionnaires selon lesquels les conditions de travail et d’emploi des chercheur·se·s et des enseignant·e·s devraient être améliorées afin qu’il·elle·s disposent d’un cadre optimal pour compléter leur formation et planifier leurs prochaines étapes de carrière. A cet égard, il faut tenir compte du fait que les postes de qualification après l’obtention du doctorat revêtent aussi un caractère formatif. Par ailleurs, il ne faudrait pas que la mise en place d’emplois fixes entrave la mobilité des jeunes chercheur·e·s censé·e·s se perfectionner et se qualifier dans d’autres universités. Enfin, la flexibilité du système ne devrait pas subir de restriction au détriment des futur·e·s chercheur·se·s.

      Du point de vue des hautes écoles universitaires, la création de postes stables constitue une mesure parmi d’autres. Pour que leur mise en œuvre soit efficace et garantie durablement, ces mesures doivent être réalisées par chaque haute école en fonction de son cadre institutionnel respectif. La création de postes stables pour les chercheur·se·s et les enseignant·e·s ayant obtenu un doctorat requiert des moyens financiers correspondants. Le financement de base des hautes écoles doit pouvoir suivre le rythme de croissance de l’encouragement à la recherche. En l’occurrence, swissuniversities a demandé une augmentation des contributions de base dans sa planification stratégique 2021-2024 afin de pouvoir poursuivre la concrétisation ciblée de mesures visant à améliorer la situation de la relève scientifique.

      https://www.swissuniversities.ch/fr/actualite/les-hautes-ecoles-universitaires-semploient-a-promouvoir-des-condi

    • Das Bild der Exzellenz hängt schief in der Akademie

      Über die Arbeitsbedingungen im akademischen Mittelbau wird lebhaft diskutiert. Ein neuer Bericht des Wissenschaftsrats analysiert die Situation der Postdocs.

      Diskussionen über akademische Karrierewege und den sogenannten «Mittelbau» im Hochschulsystem sind ein wissenschaftspolitischer Dauerbrenner. Schon 1962 forderte der damals 35-jährige Astronom Uli Steinlin in seiner Streitschrift «Hochschule wohin?» in Anlehnung an das amerikanische Modell eine flachere Hierarchie an den Universitäten, einen Abbau von Lehrstühlen und dafür mehr Assistenzprofessuren. 60 Jahre später sind die Universitäten zwar nicht mehr dieselben (die Zahl der Studierendaen hat sich seither fast verzehnfacht), das Grundproblem einer steilen Pyramide mit höchst unsicheren Karriereperspektiven ist aber noch immer da.
      Wird die Postdoc-Blase überschätzt?

      In den letzten zwei Jahren hat die Mittelbau-Debatte wieder Fahrt aufgenommen. Nun legt auch der Schweizerische Wissenschaftsrat, ein Beratungsorgan des Bundes, einen Bericht dazu vor. Anhand quantitativer und qualitativer Daten untersucht er darin die Situation der Postdocs an den Schweizer Hochschulen und formuliert Empfehlungen.

      Erfreulich ist: Der quantitative Teil des Berichts, der zusammen mit dem Bundesamt für Statistik (BfS) erarbeitet wurde, legt erstmals belastbare Zahlen über Zahl und Karriereverläufe der Postdocs vor. Das BfS schätzt, dass gegenwärtig rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt sind, 62 Prozent davon in den Mint-Disziplinen, 18 Prozent in den Bereichen Medizin und Pharmazie und ebenfalls 18 Prozent in den Geistes- und Sozialwissenschaften. Seit 2014 ist die Zahl der Postdocs nur leicht angestiegen. Daraus könnte man ableiten, dass das Bild einer «Postdoc-Blase», wie es unter anderem der SAGW-Bericht «Next Generation» von 2018 zeichnete, hinterfragt werden muss. Allerdings muss die Aussagekraft des kurzen Untersuchungszeitraums 2014–2020 ebenfalls hinterfragt werden. Wenn man zum Beispiel den Zeitraum seit der Jahrtausendwende in den Blick nimmt, zeigt sich ein ganz anderes Bild der Mengenausweitung punkto Zahl der Studierenden, der Doktoranden, der Postdocs, der Projekte, der Publikationen.

      „Heute sind schätzungsweise rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt“

      Aufhorchen lässt aber vor allem eine andere Zahl: Von den Forscherinnen und Forschern, die 2015 ihr erstes Postdoktorat antraten, haben nach vier Jahren lediglich rund 16 Prozent eine feste Anstellung in der Schweiz gefunden, die ihren Qualifikationen entspricht und mit Wissenschaft und Forschung zu tun hat. Gerade einmal ein Prozent der Kohorte erreichte in diesem Zeitraum eine Professur.
      Zurück auf Feld eins der Mittelbau-Debatte

      Die SAGW, die Mittelbauvereinigung Actionuni oder die Petition Academia haben in den letzten Jahren eine ganze Reihe von Berichten, Studien und Empfehlungen publiziert. Im Grundsatz sind sie sich einig: Das derzeitige Postdoc-System ist dysfunktional und muss grundlegend restrukturiert werden. Eine der wichtigsten Änderungen, die sie vorschlagen, ist die Einführung von mehr unbefristeten Stellen, im Mittelbau oder im sogenannten Third Space, beispielsweise als Lecturer, Data Stewards oder Forschungsmanager. Sie stehen damit weitgehend in Einklang mit den Schlussfolgerungen des 2021 veröffentlichten OECD-Berichts «Reducing the precarity of academic research careers».

      Die Empfehlungen des Wissenschaftsrats gehen in die entgegengesetzte Richtung. Sie stehen in einem losen Verhältnis zu den empirisch-analytischen Teilen des Berichts und beruhen teilweise auf «den kollektiven Erfahrungen» der Ratsmitglieder, wie SWR-Präsidentin Sabine Süsstrunk auf einem zur Publikation organisierten Podium sagte.

      Für ein auf Exzellenz ausgerichtetes System sei eine grosse «Postdoc-Population» eine flexible, kostengünstige und letztlich «unverzichtbare Ressource». Dass nur eine kleine Minderheit davon langfristig Chancen auf eine akademische Karriere hat, sei «an sich nicht problematisch, da ein Postdoc als die letzte Phase der wissenschaftlichen (und nicht nur akademischen) Ausbildung betrachtet werden sollte.» Der Wissenschaftsrat empfiehlt den universitären Hochschulen zwar, mehr Tenure-Track-Positionen zu schaffen, von unbefristeten Stellen unterhalb der Professur hingegen rät er aus ökonomischen Überlegungen ab.

      Postdocs, so ein Lösungsansatz des Berichts, sollten nach ihren Lehr- und Wanderjahren vielmehr dazu ermutigt werden, sich nach Stellen ausserhalb der akademischen Wissenschaft umzusehen oder unternehmerisch tätig werden und Start-ups gründen.

      Wer die Mittelbau-Debatte in den letzten Jahren verfolgt hat, reibt sich verwundert die Augen über dieses, nun ja, traditionelle Verständnis der Rahmenbedingungen für akademische Selektion, Kompetivität und Exzellenz, bei der jede unbefristete Stelle unterhalb der Professur die Universität in einen mediokren Ponyhof zu verwandeln droht.
      Dann heisst es «Pech gehabt» – für Forschende, Unis und Steuerzahler

      Weshalb sollten die besten Köpfe überhaupt mitmachen in einem System, das theoretisch für Exzellenz sorgt, in der Praxis aber erwiesenermassen anfällig für Fehler und Missbrauch ist? Ein aus dem Leben gegriffenes Beispiel für einen Karriereweg im heutigen System: Eine frisch habilitierte Politologin, Schweizerin, Promotion in England mit Auszeichnung, Forschungsaufenthalte in den USA und anderswo auf dem Erdball, wirbt mit 36 Jahren einen der angesehenen und in einem höchst kompetitiven Verfahren vergebenen Eccellenza-Fellowships des Nationalfonds ein. Sie wird schulterbeklopft und darf nun als Assistenzprofessorin an einer Schweizer Uni selbstständig forschen und lehren. Aber nur fünf Jahre lang, dann ist Schluss. Zu einer Tenure-Track-Position mit Entfristung bei guter Leistung kann oder will sich ihre Uni nicht entscheiden. Und die unbefristeten Professuren in ganz Europa in ihrem Spezialgebiet kann die Assistenzprofessorin an einer Hand abzählen. Wenn in dieser Zeit zufällig keine frei wird, gilt: Pech gehabt.

      „Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie“

      Aber wer hat hier eigentlich Pech? Die gut vernetzte Politologin, die sich nebenbei vielleicht längst ein zweites Standbein ausserhalb der Akademie als Beraterin aufgebaut hat? Oder die auf Exzellenz ausgerichtete Uni, die nun eine vom SNF als – eben – exzellent ausgewiesene Forscherin und Hochschullehrerin verliert? Oder die Steuerzahler, die jahrelang eine Karriere mitfinanzierten, die systembedingt in die Sackgasse führte?
      Hinkende Vergleiche mit dem Spitzensport

      Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie. Ins Bild passen die hinkenden Vergleiche mit dem Spitzensport, wie sie neulich auch am Podium des Wissenschaftsrats zu hören waren. Klar: Nur die wenigsten, die gerne und gut Fussball spielen, schaffen es auch in den Profi-Fussball oder gar in die Nationalmannschaft. Und wer zu wenig Leistung bringt, der fliegt aus dem Kader. Aber: Im Fussball gilt die laufende Evaluation nicht nur für die Spieler, sondern auch für die Trainer und die Sportdirektoren. Genauso klar: Nur wer herausragende Leistungen bringt, schafft es in die Top 10 der Tennisweltrangliste. Aber: Roger Federer ist mit 41 Jahren nach einer «Geschichte anhaltender Exzellenz», wie eine Sponsorin seine Karriere in einem Werbespot bezeichnete, als Tennis-Methusalem in einem Alter zurückgetreten, mit dem man im Wissenschaftsbetrieb gut und gerne noch als Nachwuchs durchgeht.
      Auf die Disziplin kommt es an

      Der Bericht des Wissenschaftsrats ist bewusst aus einer Makroperspektive verfasst. Das ist nachvollziehbar. Gleichzeitig scheint es sinnvoll, die Spezifika der einzelnen Fachbereiche stärker in den Vordergrund zu rücken. In den Geistes- und Sozialwissenschaften beispielsweise zeigen sich einige Probleme ausgeprägter als in den Natur- oder Technikwissenschaften: Geistes- und Sozialwissenschaftler sind im Durchschnitt etwas älter, wenn sie ihre erste Postdoc-Stelle antreten als Personen aus anderen Fächern (34 Jahre, Durchschnitt 32 Jahre) und sie sind früher wissenschaftlich unabhängig, weil Gruppen- und Laborarbeit weniger verbreitet sind als in den Mint-Disziplinen. Gleichzeitig sind sie viel häufiger in Teilzeitpensen angestellt.1 Zudem scheint in den Geistes- und Sozialwissenschaften ein Postdoc für den ausserakademischen Arbeitsmarkt tendenziell keinen Vorteil zu bringen, was für eine frühere Selektion und eine berufliche Weichenstellung nicht erst auf Postdoc-Stufe spricht. Eine Analyse der BfS-Daten spezifisch für die Geistes- und Sozialwissenschaften wäre aufschlussreich.

      «Die akademische Welt muss sich an die Anforderungen des heutigen Arbeitsmarktes anpassen, insbesondere an die Erwartungen der neuen Generationen, was ihre Unabhängigkeit und ihre Perspektiven betrifft», liess sich SNF-Direktorin Angelika Kalt kürzlich zitieren. Der Bericht des Wissenschaftsrats hat in seinen empirisch-analytischen Teilen die Grundlagen, auf denen diese Anpassungen gemacht werden müssen, erweitert. Die Schlüsse, die er daraus zieht – und an denen die SWR-Präsidentin in der Podiumsdiskussion eisern-orthodox festhielt – stimmen aber wenig zuversichtlich, dass sich in absehbarer Zeit ein produktives Gleichgewicht einstellen könnte. Die Mittelbau-Debatte bleibt so vorerst ein Dauerbrenner – zuungunsten vieler junger Forscherinnen und Forschern und zum Nachteil der Attraktivität der Universitäten und letztlich der Gesellschaft.
      Fussnoten

      1 2020 waren ein Viertel der Postdocs in den Geistes- und Sozialwissenschaften in einem Pensum von weniger als 60 Prozent angestellt. Gleichzeitig ist die Zahl der Studierenden in den Geistes- und Sozialwissenschaften deutlich höher als in anderen Fachbereichen und das Betreuungsverhältnis entsprechend schlechter. Im Jahr 2021/22 gab es rund 48 000 Studierende in den Geistes- und Sozialwissenschaften, rund 33 000 in den Naturwissenschaften, und je 21 000 in der Medizin und den technischen Wissenschaften.
      Referenzen

      Actionuni (2017): Positionspapier zur Nachwuchsförderung an Schweizer Hochschulen.

      Hildbrand, Thomas (2018): Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung (Swiss Academies Reports 13,1). https://doi.org/10.5281/zenodo.1216424

      OECD (2021). Reducing the precarity of academic research careers (OECD Science, Technology and Industry Policy Papers 113).

      Pétition Academia (2021) : Pétition adressée à l’Assemblée Fédérale: Pour la création d’emplois permanents dans le monde académique: de meilleures conditions de recherche, d’enseignement et de travail.

      Schmidlin, Sabina, Eva Bühlmann und Fitore Muharremi (2020): Next Generation und Third Space: neue Karriereprofile im Wissenschaftssystem. Studie im Auftrag der Schweizerischen Akademie der Geistes- und Sozialwissenschaften (Swiss Academies Reports 15,3). https://doi.org/10.5281/zenodo.3923494

      Schweizerischer Wissenschaftsrat (2022): Postdoktorierende an Schweizer Hochschulen.
      Erkenntnisse und Empfehlungen des Schweizerischen Wissenschaftsrates SWR.

      Zürcher, Markus und Marlene Iseli (2018): Zur Diskussion: Qualität vor Quantität (Swiss Academies Communications 13,5). https://doi.org/10.5281/zenodo.1409674

      Zürcher, Markus: Vier Handlungsoptionen zur Stärkung des akademischen Mittelbaus (SAGW-Blog décodage), 14. Oktober 2021. https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/vier-handlungsoptionen-zur-staerkung-des-akademischen-mittelbaus

      https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/das-bild-der-exzellenz-haengt-schief-in-der-akademie

  • Les #indicateurs de l’UGA :

    - très bien dotée, avec des ressources en nette augmentation,
    – un bon #taux_d'encadrement, mais avec une des plus forte baisse de France,
    – et un taux de titularité bas et qui s’écroule.

    https://twitter.com/JulienGossa/status/1219750402821885958?s=03
    #Université_Grenoble_Alpes #UGA #université #ressources #dotation #comparaison #universités #France #précarisation #statistiques #chiffres

  • Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)...

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • Faire tâche d’huile et oeuvre utile chez les chercheurs : dix revues en #grève illimitée

      En trois jours, plus de dix comités de rédaction de revues académiques importantes dans le monde de la recherche en sciences humaines et sociales ont annoncé qu’ils se mettaient en grève pour rejoindre, soutenir et amplifier le mouvement social. Mais que signifie une revue en grève ?

      C’est Genèses qui a tiré en premier. Le 6 janvier, la revue interdisciplinaire de sciences humaines et sociales annonçait qu’elle était “en grève”. Dans ce message de son comité de rédaction, la publication trimestrielle créée en 1990 par des chercheurs comme Gérard Noiriel ou Michel Offerlé détaillait :

      Le 6 janvier 2020, le mouvement social en France entame son 33e jour de grève. Contrairement à ce que veut faire croire le gouvernement, ce mouvement ne concerne pas la seule conservation de régimes spéciaux ou de privilèges corporatistes spécifiques. Il s’agit de défendre non seulement un système de protection sociale, mais aussi des valeurs telles que la solidarité, l’idée de service public, l’indépendance de la recherche (et, au-delà, la possibilité de décrire rationnellement le monde), face à la lente destruction des conditions de production du savoir et à sa marchandisation qui menace l’accès de tou.tes aux connaissances. En soutien et en participation aux luttes en cours, le comité de rédaction de Genèses a décidé de se mettre en grève : à partir de maintenant et jusqu’à nouvel ordre, le comité n’examinera aucun article et aucune proposition de dossier.

      Depuis, ce sont au moins neuf autres revues de sciences humaines et sociales qui, de même, on fait savoir qu’elles étaient elles aussi en grève (mais peut-être davantage, n’hésitez pas nous écrire : depuis la publication de cet article, Cultures et conflits et Socio-logos ont par exemple annoncé leur avoir emboîté le pas) :

      Politix
      Politiques de communication
      Critique internationale
      Participations
      Tracés
      Genre, sexualité et société
      La Nouvelle Revue du Travail
      Actes de la recherche en sciences sociales
      Sociétés contemporaines

      La plupart de ces titres ne vous sont peut-être pas familiers. Il ne s’agit pas de fanzines gauchistes produits sur un coin de table, mais de publications reconnues, légitimes et parfois centrales parmi la production académique, et ce depuis près d’un demi-siècle pour certaines : la création de "Actes” remonte à 1975, sous la houlette du sociologue Pierre Bourdieu et avec le soutien de la Maison des sciences de l’homme qui densifiait alors sa vocation de structuration de la recherche.

      Une revue universitaire en grève paraît incongru ? Les temporalités de ces revues semblent a priori bien loin du tempo d’une mobilisation sociale : la plupart voient souvent s’écouler plusieurs trimestres entre une proposition d’article ou l’idée d’un dossier thématique, la réception des papiers, plusieurs passes et repasses en comité de lecture (de plus en plus, sous le sceau de l’anonymat), des allers-retours avec leurs auteurs, pour enfin partir à l’impression et, finalement, rejoindre les bibliothèques universitaires ou voyager via le portail numérique Cairn ou la plateforme en ligne OpenEdition. C’est notamment, couplé à la place qui se fait rare, ce qui explique que bien des recensions académiques d’ouvrages se retrouvent finalement publiées très à distance de la sortie d’un livre - et de son calendrier médiatique.

      Huile de coude et caisses de grève

      Et puis, une revue a certes un comité éditorial (une grosse quinzaine de personnes souvent, parfois un peu plus) et des financements pour continuer à paraître dans un contexte de plus en plus tendu pour la recherche, mais personne n’est strictement payé en tant que salarié de Genèses ou Politix, parmi ceux qui ont rédigé l’annonce de la grève. Quelques mauvais esprits pourraient même siffler qu’annoncer qu’on est en grève en tant que membre d’une revue alors qu’on ne se déclare pas forcément, ou pas toujours ni tout le temps, gréviste sur son lieu de travail, n’est pas sans quelque bénéfice secondaire : la vertu de l’affichage politique sans qu’il en coûte un prix personnel trop faramineux.

      Pour autant, même sans piquet de grève ou retenues sur salaires, la grève des revues se veut un geste fort aussi dans la mesure où il entend faire parler de la mobilisation contre le gouvernement, et lui donner quelques balles neuves. Ainsi, elle vise également à rendre plus visible l’étendue d’un mouvement social dont ces observateurs de la société qualifiés estiment qu’il est en partie négligé, minimisé.

      Ainsi, comme les avocats, les hôpitaux, le port de Marseille ou encore 70% des écoles maternelles et élémentaires en Ile-de-France le 9 janvier, certains départements universitaires se sont mis en grève générale et reconductible sans trouver grand écho (c’est le cas de laboratoires, ou par exemple du département de science politique à Paris 1 Sorbonne depuis une AG du 7 janvier). Idem pour des séminaires de recherche qui déprogramment leurs séances depuis décembre, ou même de cohortes d’étudiants qui votent à la majorité la fin des cours et des examens, et font valoir auprès de leurs directions des études qu’ils veulent pouvoir participer au mouvement social sans pour autant être pénalisés. Le tout s’inscrit dans le cadre d’une motion votée le 14 décembre 2019 par la "coordination nationale des facs et labos en luttes", et articule souvent une action "solidaire de la grève et de la mobilisation nationale contre les réforme des retraites et de l’assurance-chômage" à "la défense du service public de l’enseignement et de la recherche (menacé par la prochaine "Loi de programmation pluriannuelle de la recherche")."

      Au-delà de la profession de foi qui compte, et de l’effet de loupe sur le mouvement, l’engagement n’est pas cosmétique :

      certains appels listent des caisses de grève en ligne que les chercheurs s’engagent à abonder en tant que membre du comité de rédaction
      l’arrêt de l’activité éditoriale est bien réel car, de fait, les papiers ne seront plus examinés (une revue en reçoit beaucoup plus qu’elle n’en publie), et des chercheurs ne seront pas publiés comme prévu (mais plus tard).

      Toutefois, comme souvent en grève, cela ne signifie pas que tous ces chercheurs cessent de travailler tout court, ou qu’ils désertent leur lieu de travail. Plutôt qu’ils entendent faire nombre en se déclarant grévistes, et que le tout puisse féconder autre chose. D’ailleurs, Genèses annonce la préparation d’un numéro spécial “En grève”, qui doit remplacer celui prévu pour ce début d’année 2020, et Politix précise dans son annonce : “Nous nous engageons et appelons à soutenir toutes les actions locales et manifestations nationales, à participer aux assemblées générales interprofessionnelles et à celles du mouvement des "Facs et labos en lutte", à contribuer aux caisses de grève, pour intensifier et élargir la mobilisation, à travailler avec les camarades des autres revues (Genèses, Sociétés contemporaines, Actes de la recherche en sciences sociales, etc.) en vue d’interventions communes.” Quant à Actes de la recherche en sciences sociales, la revue annonçait explicitement "se mettre au service de la grève" à compter du 8 janvier.

      Sur une liste de diffusion dans le monde académique, un chercheur a pris au mot son comité de rédaction. Alors que publier dans la prestigieuse revue de sociologie reste un Graal (et un sésame) pour bien des chercheurs en quête de reconnaissance, il leur a dit "Chiche !" - ou en substance : "Et si vous alliez plus loin et laissiez plutôt faire le sommaire du prochain numéro aux précaires de la recherche et autres chercheurs sans poste ?” Aujourd’hui, l’entrée d’un chercheur dans la carrière académique, puis ensuite sa trajectoire, sont crucialement liées au nombre de ses publications. Et notamment dans ces revues à comité de lecture.

      https://www.franceculture.fr/societe/faire-tache-dhuile-et-oeuvre-utile-chez-les-chercheurs-dix-revues-en-g
      #revues #revues_scientifiques

    • #Appel solennel aux enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, chercheuses et chercheurs titulaires de la fonction publique.

      Nous, jeunes chercheuses et chercheurs précaires, docteures et docteurs sans poste, doctorantes et doctorants appelons les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires de la fonction publique à réagir à la situation dramatique de l’emploi dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      Appel solennel aux enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, chercheuses et chercheurs titulaires de la fonction publique.

      Nous, jeunes chercheuses et chercheurs précaires, docteures et docteurs sans poste, doctorantes et doctorants appelons les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires de la fonction publique à réagir à la situation dramatique de l’emploi dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      On ne compte plus les postes de titulaires gelés, voire supprimés, à l’université et au CNRS, alors que les exigences auxquelles les jeunes chercheuses et chercheurs doivent se soumettre et les cohortes d’étudiant-e-s n’ont jamais été aussi élevées. Nous demander toujours plus, pour nous en donner toujours moins, pour nous priver toujours plus d’emplois stables permettant de nous projeter et nous protéger a minima dans nos vies, mais également dans notre travail : cela n’est plus possible. Cette situation n’engendre pas seulement de la frustration : elle casse, elle humilie, elle détruit trop de personnes.

      Les titulaires en charge des recrutements ne savent plus quoi dire aux candidates et candidats, tellement elles et ils se sentent désemparé·e·s, si ce n’est qu’"il manque des postes", que la « situation est difficile »... Elles et ils ne souhaitent pas nous décourager, tant elles et ils savent les efforts que nous avons dû nécessairement fournir pour ne serait-ce qu’espérer nous faire une place dans ce milieu. Elles et ils voient également que la compétition entre chercheuses et chercheurs s’est substituée, pour le pire, à leur désir de collaboration collégiale.

      Elles et ils savent enfin que le système d’enseignement supérieur et de recherche dépend fondamentalement des précaires pour tenir. Et à effectifs d’étudiantes et étudiants constants, si ce n’est plus élevés (comme cela a déjà été annoncé pour l’année prochaine), nous savons toutes et tous ce que le gel et la suppression de poste systématiques signifient en termes de situation de l’emploi : encore plus de précaires et de précarité qu’auparavant, un manque croissant d’encadrement des étudiantes et étudiants, si ce n’est même un réel abandon de ces dernier·e·s (inscrites et inscrits par ailleurs de plus en plus systématiquement en contrôle terminal, ou même en enseignement à distance, lorsque les capacités d’accueil sont insuffisantes), et des burn outs de plus en plus fréquents chez les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires, contraint.e.s d’accepter des sur-services parfois délirants et de gérer elles-mêmes et eux-mêmes administrativement la précarité dans leur université.

      Si toutes et tous les titulaires ne sont pas touché·e·s de manière égale dans leurs conditions de travail personnelles, en revanche, nous ne pouvons croire qu’elles et ils se réjouissent du sort actuel des jeunes chercheuses et chercheurs ou de leurs étudiantes et étudiants.

      Des modes d’action existent pour se faire entendre, réclamer et obtenir ce qui est dû au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche :
      - refuser d’assurer des sur-services
      - refuser de recruter des enseignantes et enseignants vacataires au sein de son unité d’enseignement
      - se prononcer et voter dans les différents conseils d’UFR et centraux contre tout gel ou toute suppression de poste et pour l’embauche de titulaires enseignants et administratifs (les personnels administratifs souffrant également de cette précarisation à tous niveaux)
      - se mettre en grève administrative et retenir les notes

      Les difficultés pour se mobiliser existent, elles ne sont cependant pas insurmontables.

      Nous appelons les syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche à nous soutenir activement, à diffuser cet appel auprès des titulaires de l’ESR, et à organiser dès à présent au sein des universités des réunions pour discuter des modes d’action à entreprendre, et apporter une réponse cohérente et solidaire.

      Les titulaires voulant par ailleurs manifester individuellement leur soutien et leur désir d’agir face à cette situation peuvent également nous contacter directement à l’adresse suivante : appeldesprecaires@gmail.com

      Ils peuvent également contacter les collectifs de jeunes précaires signataires de cet appel :

      Collectifs signataires :
      – CJC (Confédération des Jeunes Chercheurs)
      – ANCMSP (Association Nationale des Candidat·e·s aux métiers de la science politique)
      – Collectif DICENSUS (Défense et Information des Chercheur·es et Enseignant·es Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg)
      – Collectif Marcel Mauss (Collectif Marcel Mauss des jeunes chercheurs en sciences sociales de Bordeaux)
      – Collectif Doctoral de Sorbonne Université (Association des doctorants et doctorantes de la Faculté des Lettres)
      – Association MobDoc de Paris 1 - Panthéon Sorbonne (L’Association des Doctorant·e·s Mobilisé·e·s pour l’Université)
      – Collectif vacataires Celsa Paris-Sorbonne
      – Collectif des précaires de l’université de Poitiers
      – Collectif les 68+ de Nanterre
      – Collectif Convacs de l’université de Strasbourg
      – Collectif des Doctorant.e.s et Non Titulaires de l’université Lyon 2

      Premiers syndicats signataires :
      – Section locale du Snesup université Paris Nanterre
      – Section locale du SNESUP-FSU université de Strasbourg
      – Section locale de Sud Éducation de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
      – Section locale du Snesup-FSU de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
      – Le SNESUP-FSU de l’université de Lille

      http://www.sociologuesdusuperieur.org/article/appel-solennel-aux-enseignantes-chercheuses-et-enseignants-c

    • Par ce mail, nous souhaitons récapituler les RDV et les ressources dont vous aurez besoin pour la mobilisation contre la réforme des retraites et contre la LPPR.

      Nous vivons depuis le 5 décembre un mouvement de grève interprofessionnel inédit, le plus long dans les transports depuis Mai 1968. Le gouvernement est pour l’instant déterminé à ne pas lâcher sa contre-réforme, mais les grévistes sont tout aussi déterminés à continuer.

      Depuis la rentrée, les déclarations de grève se multiplient dans notre secteur : les revues (https://www.franceculture.fr/societe/faire-tache-dhuile-et-oeuvre-utile-chez-les-chercheurs-dix-revues-en-g, les labos, les UFR, les séminaires, etc. font savoir qu’ils entrent dans la bataille. Cela est d’autant plus logique que nous sommes directement attaqués : la LPPR qui sera discutée dès fin janvier est annoncé dans le projet de loi sur les retraites, une manière de graver dans le marbre la destruction de l’Université, de la recherche et de nos statuts à venir.

      Depuis le 2 décembre, nous sommes plusieurs centaines de collègues à agir pour la coordination de ce mouvement sur les facs et labos. Nous avons déjà fait deux assemblées générales de coordination de 200 collègues et sur Paris, nous avons construit des cortèges des facs et labos de plus d’un millier de personnes lors des manifestations. Nous avons été interpeller Frederique Vidal (https://universiteouverte.org/2019/12/13/lanr-et-f-vidal-parlent-dinnovation-et-de-notre-avenir-devant-des) mais aussi la Conférence des Président d’Université à l’Assemblée Nationale (https://universiteouverte.org/2019/12/19/les-chercheur%C2%B7ses-a-lassemblee) et nous avons fait une inauguration populaire du Campus Condorcet (https://universiteouverte.org/2019/12/20/inauguration-populaire-du-campus-condorcet.

      Dans le cadre de l’organisation d’Etats-généraux de lutte qui auront lieu en Région Parisienne les 1 et 2 février, nous renforçons ce travail de mise en commun et nous commençons une campagne de rappel des labos/département en grève.

      Pour se mettre en contact :
      – Vous pouvez rejoindre la liste mail https://framalistes.org/sympa/info/mobilisationemploiesr
      – Vous pouvez rejoindre le groupe Telegram en installant l’application sur votre téléphone t.me/mobilisationESR
      – En PJ un document qui dresse un état de la mobilisation, telle que nous avons pu la recenser avec tous les mails envoyé depuis la rentrée. C’est partiel mais ça donne une idée.

      Pour vous informer / trouver des ressources pour vos AG :
      – Nous mettons en ligne du matériel sur le site Université ouverte : notamment des exemples de tracts (https://universiteouverte.org/2019/12/22/materiel-militant), des powerpoint et des arguments (https://universiteouverte.org/loi-pluriannuelle-de-programmation-de-la-recherche), et la motion de la dernière AG du 14 décembre (https://universiteouverte.org/2019/12/16/motion-de-lassemblee-generale-nationale-de-coordination-des-facs-.
      – Sauvons l’Université a sorti des analyses de la LPPR ici.
      – Les analyses du collectif nos retraites sur la réforme.

      Pour les RDV Nationaux de ce mois-ci // CHAQUE FACS/UFR/LABO EN LUTTE EST INVITÉS A ENVOYER AU MOINS UNE DELEGATION //
      – Une AG nationale de coordination des facs et des labos en lutte ce samedi 18 janvier à l’Université Paris Diderot (https://www.facebook.com/events/1390865447751770).
      – Des Etats-généraux des facs et des labos en lutte le week-end du 1 et du 2 février en région parisienne. Vous trouverez l’appel ici, à présenter dans toutes vos AG (https://universiteouvertedotorg.files.wordpress.com/2020/01/contre-la-casse-du-service-public-de-lesr.pdf) !

      Mail reçu le 13.01.2020

    • 📣 Pas de retraites, pas de rentrée 📣

      Motion de l’assemblée générale de l’IHEAL du 13 janvier 2020 :

      L’assemblée des enseignant·es, des étudiant·es et du personnel administratif de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL) de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 décide de suspendre le début du second semestre de l’année universitaire en cours. Cet arrêt des activités est accompagnée d’une mobilisation active dans l’espace public et d’une réflexion collective dans le cadre d’une université populaire du Campus Condorcet. Cette décision est prise en protestation contre les projets gouvernementaux de réforme des retraites et de réforme universitaire proposée dans la dite Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Ces deux projets s’inscrivent en continuité de la destruction du système de protection sociale, du service public et de l’État social que nous défendons comme garanties d’une société intégrée et démocratique. Tout comme la réforme de l’assurance chômage, ces deux initiatives ne feront qu’augmenter la précarité et la souffrance déjà vécues à l’université comme ailleurs. L’IHEAL se rend ainsi solidaire de toutes les luttes syndicales (transports, hôpitaux, éducation, travailleur·ses de l’industrie, des services et du commerce) ainsi que d’autres mouvements sociaux (gilets jaunes, mouvements de quartiers, sans papiers…) mobilisées depuis plusieurs semaines et mois en défense d’un modèle de société plus juste, solidaire et démocratique. L’IHEAL s’inscrit ainsi dans le mouvement de nombreuses instances de l’enseignement et de la recherche, et invite les autres collectifs à se joindre à la mobilisation. Nous demandons le retrait du projet de réforme du système des retraites, nous demandons l’arrêt du projet de LPPR et nous exigeons que l’université demeure considérée comme un service public dont l’accès doit être gratuit, universel et financé par l’État.

      https://www.facebook.com/IHEALCREDA/photos/a.584492084954611/3483709778366146/?type=3&theater

    • Décision département géo : rétention des notes et report de la rentrée

      Face à la gravité des propositions de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, le département de géographie de l’#Université_de_Tours, réuni en assemblée extraordinaire le vendredi 10 janvier 2020, s’oppose aux réformes en cours et décide :

      1) - la rétention sine die des notes du premier semestre

      2) - le report de la rentrée d’une semaine a minima, avec accueil des étudiants le lundi 13 janvier à partir de 8h pour expliquer notre position.

      #rétention_des_notes

      Reçu par email via la mailing-list Geotamtam, le 10.01.2020

    • Site temporairement retiré (sic) à l’initiative des organisateur.rice.s et animateur.rice.s du site du CEPN et du séminaire « Atelier d’économie politique »

      Bonjour à toutes et tous,

      Les organisateur.rice.s et animateur.rice.s du site du CEPN et du séminaire « Atelier d’économie politique » soutiennent et participent activement aux mobilisations en cours et invitent l’ensemble du personnel à les rejoindre en se mettant en grève !

      Comme vous le savez la mobilisation contre la réforme des retraites se poursuit et celle contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche commence. Ces deux réformes vont avoir pour conséquences directes la fragilisation et la réduction drastique de nos pensions pour la première et d’institutionnaliser la précarité de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses (la suppression du statut de MCF, disparition progressive des agents administratifs titulaires, etc.) pour la seconde. Ces attaques viennent s’ajouter à une longue série depuis la LRU notamment, à un contexte très dégradé à l’Université Sorbonne (banlieue) Paris Nord par une insuffisance de ses moyens, et par la structuration de nos disciplines (extinction du pluralisme).

      Notre Unité Mixte de Recherche est ainsi particulièrement touchée. La bonne volonté et la motivation des un.e.s et des autres ne peuvent plus pallier les trop nombreuses défaillances et l’absence de soutien de nos instituions. Il nous est impossible de continuer physiquement et psychologiquement comme si de rien n’était. Les précaires et les titulaires précarisé.e.s de l’ESR en ont assez ! Nous ne pouvons plus, nous ne voulons plus !

      Dans ces conditions nous décidons les diverses modalités suivantes : de soutenir financièrement et physiquement la grève en cours (caisses de grève) et de nous mettre en grève totalement ou partiellement.

      Cela se traduit dans le cas présent par la suspension, à l’image de l’initiative d’Open edition, des activités du site du CEPN et de certains des séminaires du CEPN qui nous le rappelons sont assurés de manière bénévole et essentiellement par des précaires alors même que les activités de communications n’ont jamais été aussi sollicitées ou centrales (circulation des savoirs, évaluations, carrières individuelles, changement de nom, etc.).

      Conformément à la motion de l’Assemblée Générale du 14 décembre à Bagnolet de la coordination nationale des facs et labos en lutte, nous appelons l’ensemble de nos collègues notamment titulaires à se mobiliser (puisque leur statut le leur permet amplement, appel) contre ces casses du système de retraite et de l’ESR et pour construire des lendemains qui chantent !

      Restons mobilisés.e.s jusqu’au retrait !

      https://cepn.univ-paris13.fr

    • Une action discrète enfin pour les parents d’élèves que sont certain.e.s. Écrire au premier ministre (par mail : https://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre et/ou par courrier au Cabinet du premier ministre, 57 rue de Varenne, 75700 Paris) une lettre d’honnêtes gens et de belles familles de France.

      Modèle de lettre :

      Objet : pour le retour à la tranquillité dans les écoles

      Monsieur le Premier Ministre,

      À l’évidence, le projet de loi sur les retraites ne rencontre pas le consensus espéré par le gouvernement. Le mouvement de grève dans les écoles complique grandement la vie quotidienne des parents, des enfants et de la communauté éducative, jusqu’à rendre la situation très préoccupante pour nombre de familles sans moyens de garde. C’est pour cela que nous, parents de l’école maternelle (ou primaire, ou autre) XX à YY, en appelons au représentant de l’intérêt général que vous vous devez d’être.

      Afin de restaurer la concorde et la tranquillité, il est désormais temps de retirer le projet de loi sur les retraites.

      Dans l’espoir que nous pourrons être entendus, nous vous assurons, Monsieur le Premier Ministre, de nos sentiments respectueux.

      #lettre

    • #Résistance_féministe à la réforme des retraites

      Le vendredi 10 janvier 2020, à l’appel des étudiant-es, nous nous sommes réuni-es en Assemblée Générale équipe pédagogique et étudiant-es M1 et M2 du Master Genre Egalité et Politiques Sociales, de l’Université de Toulouse II Jean-Jaurès Mirail.
      Dans le contexte d’attaque renouvelée du modèle social, nous avons choisi de renforcer la mobilisation commune contre la réforme des retraites. Nous actons cette urgence.
      Nous ne pouvons continuer d’étudier ou enseigner quotidiennement les systèmes d’oppressions et les effets désastreux des réformes néo libérales, tout en laissant faire le cours normal des choses.
      Nous sommes inspiré-es par l’initiative du Master Nouvelles Économies Sociales.
      Comme beaucoup, nous n’en pouvons plus de constater que les « #minorités », qui sont la majorité des êtres humains ! vivent et finissent leur vie dans la #pauvreté. Nous étudions et analysons au quotidien les mécanismes de ce système qui permet et renforce des #injustices croisées… Au profit et au service de qui, de quoi ?
      Nous avons décidé de prendre part à la mobilisation, de diverses manières : exercer notre droit de grève, diffuser des analyses féministes des impacts de la réforme, produire du matériel militant, organiser des AG, participer aux manifestations unitaires, rédiger une tribune…
      Nous appelons les travailleur-euses, les enseignant-es - chercheur-euses, les étudiant-es, notamment en études genre, en sciences humaines et sociales, en travail social... à renforcer les mobilisations et à médiatiser leur engagement en faveur d’une lutte sociale commune.
      L’équipe étudiante, enseignante et administrative du Master GEPS
      Vous pouvez nous retrouver, en salle GS116 du bâtiment Olympe de Gouges, pour réfléchir, nous organiser et lutter ensemble ! Pour nous contacter : mgeps2020@protonmail.com

      https://www.facebook.com/gepsenlutte
      #féminisme

    • Je suis invitée mardi par le master NES, justement. J’ai pris mes billets mais sans certitude sur la tenue de mon intervention. Je dirais : on la fait quand même, ouvrez les portes pour en faire une #université_populaire ! (Enfin, comme on fait les universités populaires aujourd’hui.)

      Paris 7 Diderot fait ça et merci, le programme n’est pas toujours en ligne que sur
      https://www.facebook.com/univpopdiderot
      https://paris.demosphere.net/rv/76573

    • #Motion de l’Assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte réunie le 14 décembre 2019 à Bagnolet
      –-> en lien avec la nouvelle #LPPR (#loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche)

      L’assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte réunie le 14 décembre 2019 à Bagnolet a rassemblé des étudiant·es, des enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es, chercheur·ses, personnels ingénieur·es, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (BIATSS), venu·es de plusieurs établissements.

      L’assemblée générale constate que la réforme des retraites n’est qu’un aspect des politiques néolibérales mises en place par les gouvernements successifs depuis une trentaine d’années. La #violence de ces politiques qui empêchent de travailler sereinement, de se nourrir correctement, de se loger dignement ; la violence de ces politiques qui tuent, appelle une mobilisation plus déterminée. Il est urgent de prendre conscience de la situation actuelle et de sortir de nos routines. La réforme des retraites ne peut être isolée des autres réformes passées ou en cours, celle de l’assurance chômage, celles qui touchent l’éducation nationale et l’enseignement supérieur (loi ORE et #Parcoursup, #Réforme_Blanquer, augmentation des #frais_d’inscription à l’université, notamment pour les étudiant·es étranger·es extra-européen·nes, réforme du recrutement et de la formation des enseignants du second degré, #LPPR…).

      Ces différentes réformes contribuent à la #précarisation croissante de tou·tes, y compris dans l’#ESR : étudiant·es français·es et étrangèr·es surtout, enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es, chercheur·ses, personnels BIATSS.

      La préparation de la Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche, loin d’apporter des éléments pour lutter efficacement contre la précarité et la #surcharge_de_travail des personnels des facs et des labos, annonce une destruction des dernières garanties sur les #conditions_de_travail, en particulier des enseignant·es-chercheur·ses : modulation de service obligatoire, non paiement des heures complémentaires (fin des 192h de service), CDI-chantier, titularisations encore plus rares et tardives (#tenure_track). La LPPR c’est aussi l’aggravation de l’#Université_à_deux_vitesses, pénalisant la plupart des étudiant·es et des personnels : quelques universités d’#excellence très bien financées, avec des statuts dérogatoires et des primes, et des étudiants d’origine favorisée d’un côté ; un système universitaire délaissé, limité au niveau licence pour l’essentiel, avec des personnels toujours plus précaires, sans moyens pour mener de la recherche, pour la majorité des étudiants et étudiantes d’origine sociale populaire ou intermédiaire.

      Notre lutte s’inscrit dans la défense du principe de solidarité et des services publics. Elle vise à défendre l’université comme lieu ouvert à tout·es. Pour une université critique des politiques néolibérales en son sein et dans l’ensemble de la société. Pour une recherche et un enseignement libres et indépendants des intérêts du marché. Créons des lieux et des outils pour produire des savoirs qui nous émancipent ! L’Assemblée Générale appelle à amplifier les luttes localement et au niveau national, pour étendre la mobilisation au sein de l’ESR et pour faire converger tou·tes celles et ceux qui luttent.

      REVENDICATIONS

      Pour un service public de l’enseignement et de la recherche de qualité, l’assemblée générale du 2 décembre proposait les revendications suivantes :

      – Pour une université gratuite et accessible à toutes et tous et une recherche scientifique publique au service de toutes et tous.

      – Pour la titularisation de tout·es les précaires qui remplissent des fonctions pérennes au sein de l’ESR, quel que soit leur statut (doctorant·es, postdoctorant·es, contractuel·les, vacataires…) et pour un plan de recrutement massif de titulaires à la hauteur de l’augmentation du nombre d’étudiant·es et des besoins publics de recherche, en accord avec la plateforme de 2016 des précaires de l’ESR, à laquelle le mouvement souscrit.

      – Pour la contractualisation des vacations, la mensualisation des paiements, le respect de la législation en vigueur et pour une véritable revalorisation des rémunérations.

      – Pour la création massive de postes pérennes à la hauteur de la mission de service public que nous assurons. Contre la casse du statut de fonctionnaire (refus des CDI-chantier, des tenure track qui ouvrent la voie à la remise en cause des statuts de MCF et de CR) ; contre la dérégulation des carrières ; pour la revalorisation du point d’indice ; contre la modulation des services des enseignant·es-chercheur·ses, pour la réduction du temps de travail de l’ensemble des personnels de l’ESR.

      – Pour la suppression de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et des autres outils de management néolibéral de l’université et de la recherche.

      – Contre l’imposition du modèle de l’entreprise privée à l’ESR (et la concurrence généralisée et déloyale qui creuse les inégalités existantes et la précarisation de tous les personnels).

      – Pour la mise en place de moyens effectifs de lutte contre toutes les discriminations.

      – Pour la création de postes pour les candidat·es injustement déclassé·es aux concours CNRS des années précédentes, dont la situation illustre l’étendue de la précarité dans les métiers de la recherche, les tentatives d’imposer un pouvoir gestionnaire discrétionnaire au détriment de l’évaluation par les pairs et l’importance des discriminations subies tout au long des carrières dans l’ESR.

      – Pour une véritable démocratie universitaire, contre l’augmentation du pouvoir gestionnaire des directions des universités et des établissements de recherche (refus du contournement des instances nationales d’évaluation par les pairs – CNU, Comité national du CNRS).

      – Pour des mesures efficaces de lutte contre la précarité étudiante (revalorisation des bourses à court terme, création d’un salaire étudiant à moyen terme, création de logements étudiants salubres et à faible loyer, amélioration de l’accès à la médecine universitaire).

      – Pour la réintégration des services sous-traités au sein de l’ESR (entretien, sécurité, restauration, accueil, services sociaux et de santé).

      L’assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte du 14 décembre a voté ces revendications, et ajouté les suivantes :

      – Pour la réouverture des sites universitaires fermés autoritairement depuis le 5 décembre.

      – Pour la suppression du statut d’agent temporaire vacataire.

      – Pour la suppression de la Conférence des présidents d’université (CPU).

      – Contre l’augmentation du temps de travail des BIATSS et ITA.

      – Pour la démission d’Antoine Petit, PDG du CNRS, et de Frédérique Vidal, ministre de l’ESR.

      ACTIONS

      Depuis le début du mois de décembre, des luttes sont en cours partout en France. L’AG appelle à poursuivre les luttes localement et au niveau national, pour amplifier la mobilisation au sein de l’ESR et pour renforcer la solidarité avec tou·tes celles et ceux qui luttent.

      Lors de l’AG, ont été adoptées au consensus les actions suivantes :

      – Rendez-vous universités/recherche à quelques centaines de mètres de la manifestation mardi 17/12, pour se coordonner ensuite avec les collègues de l’Éducation nationale : à Paris, rendez-vous au jardin May Picqueray à 12h30 (94 bd Richard Lenoir, Paris 11e) avant de rejoindre ensuite le cortège commun IdF de la maternelle à la fac.

      – Se joindre aux mobilisations interprofessionnelles et à tous les secteurs en lutte.

      – Occuper des lieux dans les universités pour les ouvrir à toutes les luttes en cours.

      – Demander des comptes aux président·es d’université et mettre en cause la responsabilité de la Conférence des président·es d’université.

      – Reporter ou annuler les évènements scientifiques pendant la durée de la grève.

      – Rejoindre la grève suivant diverses modalités en cette période d’examen (validation universelle/grève des examens/grève des corrections/rétention des notes) qui devront être coordonnées.

      – Suspendre immédiatement le recrutement de vacataires en urgence pour le prochain semestre.

      A été adopté à l’unanimité des présent·es le calendrier suivant :

      – Se joindre à la mobilisation du 11 janvier 2020 « Blanquer Vidal, il faut les sortir ».

      – Organiser un événement propre à l’ESR à la mi-janvier 2020.

      – Organiser des États généraux de l’ESR les 1 et 2 février 2020.

      – Construire un ultimatum pour la mi-février : à cette date, on arrête tout si on n’obtient pas satisfaction.

      Établissements représentés : université d’Angers, université de Bordeaux, université de Bourgogne, Campus Condorcet, Cnam, UPEC, EHESS, ENS Ulm, ENS Jourdan, INSPE Paris, Lille, UPEM, Muséum d’histoire naturelle, université Paris Nanterre, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 3, université Paris-Descartes, université Paris Diderot, université Paris 8, université Paris 13, université Paris-Saclay, université Paris Sud, université de Poitiers, centre CNRS Pouchet, université de Rennes 2, Sorbonne Université, université de Tours, avec la participation de collègues enseignant·es également en BTS.

      Participation de syndicalistes de la FERC CGT, du SNCS-FSU, du SNESUP, du SNTRS, de Sud Éducation, de Sud Recherche EPST et de membres de Sauvons l’Université et Université Ouverte.

      #université #enseignement_supérieur #réforme #recherche #France #résistance #néolibéralisme #service_public #inégalités #concurrence

      Reçu via email le 16.12.2019

      Disponible ici aussi :
      https://universiteouverte.org/2019/12/16/motion-de-lassemblee-generale-nationale-de-coordination-des-facs-

    • #OpenEdition et l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) en lutte : continuons à « faire tache d’huile » !

      La parole est à la section SUD ESR à Open Édition. Elle revient sur l’action de blocage des sites internet que le laboratoire public « Open Édition » héberge… et qui voient passer 6 millions de visiteurs chaque mois. Excusez du peu !

      OpenEdition (unité de service et de recherche 2004) développe, depuis 1999, des plateformes d’édition et de communication numériques de la recherche en sciences humaines et sociales. Le 17 décembre 2019, dans le cadre du préavis de grève interprofessionnelle demandant le retrait du projet de réforme des retraites, une assemblée générale du personnel a voté, à une très large majorité, le blocage des sites hébergés sur les quatre plateformes OpenEdition Books, OpenEdition Journals, Hypothèses et Calenda, ainsi que de tous ses services. Ce blocage était accompagné d’une redirection automatique vers un texte, traduit en six langues, de soutien aux travailleuses et travailleurs des secteurs privé et public en lutte.

      La conclusion du communiqué était la suivante :

      “Aujourd’hui, 54 assistant·e·s-ingénieur·e·s et ingénieur·e·s travaillent quotidiennement à la mise en ligne et à la diffusion de plus de 530 revues, 9 000 livres, près de 3 200 carnets de recherche, à l’annonce de 43 525 évènements et à la formation de 250 personnes à nos outils chaque année. Ces missions de diffusion et de mise à disposition de la connaissance auprès de toutes et tous viennent en appui au monde de la recherche et sont assurées pour moitié par des personnes contractuelles.

      Ancrées dans une réalité sociale, les plateformes numériques reposent essentiellement sur un travail quotidien d’hommes et de femmes. C’est en ce sens que nous nous inquiétons légitimement du maintien et du développement de nos structures dans de bonnes conditions, tout autant pour ceux qui y travaillent que pour ceux qui les consultent dont étudiants, chercheurs, demandeurs d’emploi, retraités…”

      Voir : Les personnels d’OpenEdition en lutte contre la réforme des retraites
      sur academia.hypotheses.org

      Suite à cette action de blocage, une partie du personnel d’OpenEdition souhaite rester mobilisée. De nouvelles actions sont à penser avec nos collègues de l’enseignement supérieur et de la recherche mais aussi avec ceux du secteur du numérique et de l’édition. C’est dans cette perspective qu’un blog a été a été ouvert sur Mediapart motivé « par le besoin d’échanger et de partager des expériences et des idées nouvelles avec celles et ceux qui pensent le monde du numérique dans toute sa matérialité et ses rapports aux réalités écologiques, économiques et sociales. C’est en ce sens que nous essayons aujourd’hui d’inventer de nouvelles formes de contestations qui puissent être visibles et justes. Ce blog est aussi un espace pour nous poser la question de comment continuer à nous opposer à cette réforme des retraites en tant que travailleurs du web ».

      Voir : Pourquoi ouvrir un blog sur Mediapart ?
      par les invisibles de l’USR

      Dans un billet plus complet, on peut y lire les raisons du blocage :

      “Les six millions de visiteurs uniques par mois, la dimension internationale et la portée symbolique (auprès du monde de la recherche et au-delà) des plateformes d’OpenEdition, associés à notre invisibilité, nous ont convaincus d’utiliser cet outil numérique (celui que nous développons et maintenons au quotidien) comme une caisse de résonance et un levier pour donner de la visibilité à notre engagement”.

      Voir : Une nouvelle place de grève ? Retour sur un blocage numérique

      Depuis le début de l’année, d’autres initiatives ont été prises ailleurs dans l’ESR, comme la motion de l’AG du 7 janvier de l’UFR 11 de science politique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, actant leur entrée dans une grève générale et reconductible jusqu’au retrait de la réforme. Ou encore celle de l’unité mixte de recherche (UMR) CERAPS à Lille. De plus, fait rarissime, une douzaine de revues académiques de sciences sociales, dont certaines diffusées sur OpenEdition ont annoncé se mettre en grève générale. Une partie d’entre elles se sont aussi solidarisées avec le blocage des plateformes d’OpenEdition.

      Voir : Faire tache d’huile et œuvre utile chez les chercheurs : dix revues en grève illimitée
      sur le site de France Culture

      Le 13 janvier, le site du Centre d’Economie de l’Université Parsi 13 (CEPN) a également été rendu inaccessible et affiche un texte se référant à l’action d’OpenEdition du 17 décembre, pour le retrait de la réforme des retraites et contre le projet de loi pluriannuelle de la recherche, voir copie d’écran :

      En tant que syndicalistes, mais aussi employé·e·s d’OpenEdition, nous nous associons pleinement à toutes les initiatives prises par nos collègues. Nous sommes persuadé·e·s que c’est en alliant actions visibles (numériques et physiques), convergence entre enseignant·e·s-chercheurs·euses, « fonctions supports » (personnels BIATSS, ITA), étudiant·e·s, et en généralisant la grève pour tendre vers la grève reconductible partout que nous parviendrons à faire plier le gouvernement ! Convergeons aussi avec les autres secteurs mobilisés de l’Éducation Nationale, de la SNCF, des transports et des raffineries pour créer les conditions d’un réel « tous et toutes ensemble » ! Contre cette réforme inique et pour l’amélioration – par le haut – de notre système de retraite par répartition ainsi que des conditions de travail de toutes et tous, secteur public comme secteur privé !

      Texte de SUD Recherche EPST OpenEdition

      https://www.solidaires13.org/openedition-et-lenseignement-superieur-et-la-recherche-esr-en-lutte-co

    • Aux côtés de laboratoires, départements, UFR chaque jour plus nombreux, 45 #revues scientifiques, principalement en sciences humaines et sociales, rejoignent la mobilisation contre la réforme des retraites et la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR). Le vendredi 17 janvier 2020, 127 membres de comités de rédaction se sont réuni.e.s pour organiser la poursuite du mouvement et l’interruption du cours normal de la production scientifique. Plus d’une dizaine de revues sont déjà en grève. Deux motions ont été votées en soutien à tous les travailleur.se.s qui participent à la fabrication des revues et à la diffusion des articles en ligne. Plusieurs actions auront lieu la semaine prochaine, dont la publication d’une tribune commune et une présence collective visible dans le cortège « Enseignement Supérieur et Recherche » (ESR) du 24 janvier. Elles seront prolongées par d’autres types d’intervention par lesquelles les revues entendent se mettre au service du mouvement social et défendre un véritable service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      Reçu via email le 20.01.2020

      Page internet sur le site de Université ouverte - Facs et labos en luttes : https://universiteouverte.org/2020/01/19/revues-en-lutte

    • Facs et labos en lutte : un #concert exceptionnel

      Pas de séminaire “Fight the power” dans le contexte actuel de grève, mais toujours du hip-hop ! Alors que la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) est de plus en plus large, le comité de mobilisation des facs et labos en lutte, l’Université Ouverte et l’Université populaire de Paris Diderot ont organisé un concert exceptionnel vendredi dernier.

      Réuni.es pour mener la lutte en musique, une chorale militante, un Piki Blind Test de Tomas & Pierre, le rappeur Edouard Kissifrott, La Fanfare Invisible… et un plateau exceptionnel de rappeuses : Fanny Polly, Ekloz, Nayra, Loréa et Billie Brelok. Découvertes pour certain.es, artistes confirmées et appréciées pour d’autres, une présentation rapide n’est pas superflue.

      https://surunsonrap.hypotheses.org/4435
      #musique

    • En soutien aux personnels d’#OpenEdition : notre lutte doit être aussi numérique

      Le 16 décembre 2019, les employés·es d’OpenEdition réuni·es en assemblée générale ont voté le blocage pour 24h des plateformes qu’elles et ils maintiennent et animent dans le cadre de la journée interprofessionnelle du 17 décembre 2019 contre la réforme des retraites.

      Nous, travailleur·es de l’enseignement supérieurs et de la recherche, avons découvert cette initiative avec enthousiasme.

      Dans le contexte d’une réforme des retraites qui accroît les inégalités et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui poursuit le travail de démantèlement des statuts de la recherche publique, mais aussi d’un mouvement plus vaste et plus ancien de précarisation constante des conditions de travail dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) dont Parcoursup et la mise en place de frais d’inscription à l’université publique, la question des modalités de résistances et de lutte des travailleurs de l’ESR se pose avec une acuité croissante.

      L’initiative des personnels d’OpenEdition et leurs prises de position répondent en partie à ces interrogations, tout en représentant une participation de poids à la mobilisation en cours. Il ne s’agit de rien de moins que de la réappropriation d’un outil de travail par les agents qui en sont le plus souvent invisibilisés, derrière une novlangue numérique qui veut nous faire croire à une production immatérielle, hors sol et sans travailleur·es.

      L’économie numérique des savoirs est un lieu privilégié d’appropriation et d’exploitation par le système capitaliste de notre travail de production et de diffusion de connaissances. Les conflits récurrents avec les multinationales marchandes de l’édition scientifique qui s’accaparent des savoirs publics nous le rappellent. Il est donc nécessaire que cette économie numérique devienne aussi un terrain de lutte sociale, tout comme le sont les universités, les transports, etc.

      Nous avons également découvert que l’action légitime des employé·es d’OpenEdition s’est attirée les foudres des tutelles de leur laboratoire, qui sont bien souvent aussi nos propres tutelles. Suite au blocage de 24h des plateformes d’OpenEdition, ces tutelles ont convoqué l’ensemble des responsables de services du laboratoire pour un « recadrage administratif ». De surcroît, les travailleur·es d’OpenEdition se sont vu·es interdire l’usage d’un moyen de communication qu’elles et ils font exister au quotidien (http://leo.hypotheses.org) pour informer les usagers de leur action (finalement rendue publique sur Academia) ! Nous y voyons une entrave à la liberté d’expression salariale et syndicale.

      En tant qu’usagers d’OpenEdition (OpenEdition Journals, Calenda, Hypothèses, Books…), mais aussi en tant que contributrices et contributeurs directs ou indirects à ces outils de travail qui sont aussi les nôtres, en tant que membres des rédactions des revues, gestionnaires de listes d’information, carnetier·es, autrices et auteurs de livres et d’articles scientifiques, organisatrices, organisateurs et participant·es à des événements scientifiques, membres de comités scientifiques…, nous soutenons l’action des travailleuses et travailleurs d’OpenEdition et nous tenons à leurs côtés dans la lutte.

      https://academia.hypotheses.org/8135

    • Lettre des revues aux membres de la section 23 du CNU (2019-2023)

      Le Conseil National des Universités, dans sa section 23, instance collégiale de pairs et, pour une large part, élue par des pairs, s’est renouvelé pour la mandature 2019-2023 à l’occasion d’une élection dont le scrutin s’est tenu entre le 26 août et le 14 octobre 2019. Il se prononce notamment sur des mesures relatives à la qualification et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences avec, de ce fait, un rôle central dans la définition de la valeur académique des travaux et des parcours des enseignants-chercheurs en géographie. Dans le cadre de la campagne pour ces élections, et pour participer à un débat constructif sur le fonctionnement de cette instance importante, des revues de géographie, ou de sciences sociales largement ouvertes aux géographes, souhaitent porter un certain nombre de points à l’attention des membres de la section 23 ainsi que de l’ensemble des collègues.

      Pour accéder à la qualification aux fonctions de maître de conférences, de professeur et bénéficier d’avancements de grade, le fait d’avoir publié dans des revues dites « classées » est devenu un critère central voire décisif. La liste des revues dites « qualifiantes » n’est pour le moment pas totalement stable. Elle dépend largement d’un classement effectué en 2013 par l’AERES (ancêtre de l’HCERES), dont on peut rappeler qu’elle n’est pas une instance collégiale élue par des pairs. Un certain nombre de revues avaient d’ailleurs fait le choix de refuser d’y être classées. C’est pourtant cette liste qui continue à faire foi, alors qu’elle ne rend que partiellement compte de la réalité de la recherche en géographie et qu’elle ne garantit pas la qualité du travail éditorial effectué dans les revues référencées. D’autres listes, comme celles de l’Institute for Scientific Information (ISI) et de Scopus, sont également utilisées : leurs classements n’étant pas équivalents (ils sont souvent confus, incomplets, voire contradictoires), elles brouillent encore davantage le processus d’évaluation.

      Par conséquent, l’ensemble des revues signataires de cette lettre ouverte demandent que les revues, fonctionnant par évaluation des pairs en double aveugle et possédant un comité de lecture/rédaction, soient considérées comme « qualifiantes » et plus généralement reconnues comme contribuant au sérieux et à la qualité de la production scientifique dans notre discipline. Ce critère doit primer sur celui d’un référencement dans les listes de l’HCERES ou d’autres instances.

      Par ailleurs, le critère de publications « de niveau clairement international » pour la qualification aux fonctions de professeur des universités porte à confusion. Le critère implicite est la publication dans des revues de langue anglaise. Toutefois, de nombreuses revues anglophones sont de mauvaise qualité, certaines pouvant même être qualifiées de prédatrices. De plus, le français reste une langue énormément parlée à travers le monde : les pays de la francophonie permettent ainsi aux revues de langue française d’avoir un rayonnement international. De même, les publications dans des revues étrangères non-anglophones souffrent d’un manque de reconnaissance car ces revues sont mal connues par la communauté scientifique non spécialiste du pays considéré. Il convient également de prendre en considération les articles publiés dans des revues francophones mais traduits en langue étrangère (anglais ou autre) qui permettent d’élargir leur lectorat.

      Il n’y a ici pas de solution simple mais il semble important qu’une réflexion puisse émerger à ce sujet entre les membres de la nouvelle section 23 du CNU. Dans cette perspective, l’ensemble des revues signataires de cette lettre ouverte souhaitent un élargissement des critères de définition des publications « de niveau international » (au-delà de la seule publication dans une revue anglophone) dans l’évaluation des dossiers des enseignants-chercheurs.

      Premiers signataires :

      1) Ambiances

      2) Annales de la Recherche Urbaine

      3) Bulletin de l’Association de géographes français (BAGF)

      4) Belgeo

      5) Bulletin de la Société Géographique de Liège (BSGL)

      6) Cahiers Agricultures

      7) Cahiers balkaniques

      8) Cahiers des Amériques Latines

      9) Les Cahiers d’EMAM – Etudes sur le Monde arabe et la Méditerranée

      10) Cahiers d’études africaines

      11) Cahiers de géographie du Québec

      12) Les Cahiers scientifiques du transport

      13) Carnets de géographes

      14) Confins. Revue franco-brésilienne de géographie

      15) Développement durable et Territoires (économie, géographie, politique, droit, sociologie)

      16) EchoGéo

      17) Espaces et sociétés

      18) Espace, Populations, Sociétés

      19) Etudes rurales

      20) Genre, sexualités et sociétés (GSS)

      21) Géographie Économie Société

      22) Géographie et cultures

      23) L’information géographique

      24) Justice spatiale / Spatial Justice (JSSJ)

      25) Karstologia

      26) Métropoles

      27) Mondes du tourisme. Revue pluridisciplinaire de recherche

      28) Norois. Environnement, aménagement, société

      29) Physio-Géo. Géographie Physique et Environnement

      30) Projets de paysage

      31) Revue d’Economie Régionale et Urbaine (RERU)

      32) Revue d’études comparatives Est-Ouest

      33) Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI)

      34) Revue francophone sur la santé et les territoires

      Message reçu par email, le 22.01.2020

    • #Précaires de l’ESR : communiqué de l’AG d’Ile-de-France

      Communiqué de l’Assemblée Générale Ile-de-France des précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du 11 janvier 2020.

      Nous, personnels précaires de divers établissements d’enseignement supérieur de la région parisienne (Paris 1, Paris 3, Paris 7, Paris 8, Paris Nanterre, Paris 13, Université de Marne-la-Vallée, Université d’Evry, EHESS, ENS), réuni⋅es en assemblée générale ce samedi 11 janvier 2020 à Paris, nous déclarons en grève. Nous réaffirmons ainsi notre statut de travailleur⋅euses et rappelons que sans nous et notre travail, trop souvent invisibilisé ou non rémunéré, les facs et les labos ne sont pas en mesure de fonctionner.

      Suite à l’appel solennel des précaires diffusé pour la première fois à l’été 2019 et dans l’urgence de la mobilisation historique en cours pour sauver notre système de retraite, nous nous engageons plus que jamais cette semaine à prendre part à la lutte. Nos collectifs de précaires ESR déjà existants (Mobdoc à Paris 1, CECPN à Nanterre) se joignent aux nouveaux groupes de précaires ESR en cours d’organisation dans les autres universités participantes pour réactiver une AG Île-de-France des précaires de l’ESR.

      Dans ce contexte de destruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, de casse de toutes les protections sociales (retraites, chômage…), nous refusons de participer plus longtemps aux faux-semblants. Nous refusons de continuer à jouer les petites mains faisant tourner un enseignement supérieur au bord de l’effondrement, les petites mains d’un monde académique s’orientant vers une logique de mise en concurrence généralisée et d’évaluation à tout prix, dont l’absurdité s’illustre dans la tenue actuelle d’examens à marche forcée. Nous refusons l’exploitation dont nous sommes victimes aujourd’hui comme nous refuserons demain d’exploiter quiconque. Nous mettrons tout en oeuvre pour rendre notre mobilisation visible et durable. Ainsi nous signifions à nos collègues, à nos étudiant⋅es et au reste de la société, que l’université publique et la recherche émancipées des intérêts privés ne peuvent exister sans nous.

      Nous appelons les personnels titulaires, et les précaires qui le peuvent, de l’enseignement supérieur et de la recherche à se mettre en grève et à participer activement à la généralisation de celle-ci. Les actions symboliques, très suivies lors des précédents mouvements sociaux à l’université, ont démontré leur inefficacité. Être en grève signifie :

      ne plus donner cours,
      refuser d’organiser les partiels ou de noter des évaluations,
      empêcher la remontée des notes si celles-ci sont déjà mises,
      interrompre l’activité des revues scientifiques,
      annuler les événements scientifiques,
      repousser les deadlines des appels à communication ou à contribution et des candidatures à des post-docs,
      annuler les déplacements professionnels.
      refuser de recruter des vacataires et exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme (contrats doctoraux, ATER) pour les doctorant⋅es et des postes de MCF pour les docteur⋅es
      cesser toute activité de recherche (terrain, expériences, traitement de données, écriture…) afin de pouvoir participer activement à la mobilisation.

      Nous soulignons que les personnels titulaires qui ne cessent pas véritablement toute activité, freinent la grève des enseignant·es-chercheur.euses contractuel·les, des BIATSS et des étudiant·es, qui se trouvent obligé⋅es d’effectuer le travail qui leur est donné par les enseignant⋅es et chercheur⋅euses titulaires.

      Nous appelons tous⋅tes les précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche à rejoindre la lutte, qu’iels soient vacataires, doctorant⋅es, contractuel⋅les ou stagiaires, qu’iels soient affecté⋅es à des missions techniques, d’ingénierie, d’administration, des bibliothèques, des services sociaux et de santé universitaires, d’enseignement, de recherche, et quelle que soit leur discipline, qu’iels relèvent des formations dites professionnalisantes comme de recherche, des sciences dites humaines et sociales comme de celles dites expérimentales, qu’iels soient à l’université, en IUT, en Institut de travail social, etc.
      Il y va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’université publique. Soyons à la hauteur de l’enjeu de cette grève !

      https://universiteouverte.org/2020/01/15/precaires-de-lesr-ag-ile-de-france

    • OpenEdition en lutte en appelle à ses contributrices et contributeurs !

      Ce texte est un appel aux revues, éditeurs, carnetiers, organisateurs d’événements scientifiques, contributrices et contributeurs d’OpenEdition à prendre part à la lutte contre la réforme des retraite et la LPPR par le blocage et l’occupation de leurs sites et contenus ! Ce texte est aussi l’histoire d’une action avortée et des moyens de lutte que nous devons inventer ensemble.

      OpenEdition en lutte contre la réforme des retraites et la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)

      Le 20 janvier 2020, l’assemblée des personnels d’OpenEdition a voté la déclaration de l’unité en lutte aux côtés des travailleurs et travailleuses du secteur privé et public mobilisé·es. (30 votes exprimés dont 29 oui et un non)

      Aujourd’hui, nous, les personnels d’OpenEdition en lutte, appelons les comités de rédaction des revues, les éditeurs et éditrices, les carnetier·es et les organisateurs et organisatrices d’événements scientifiques à demander publiquement à OpenEdition la mise en place de pop-up, de bannières,... sur les pages publiant leurs contenus (site de revues, carnets, événements Calenda, livres).

      De même nous enjoignons tous les membres de l’enseignement supérieur, de l’édition scientifique, des humanités numériques, les laboratoires et les universités en lutte à faire circuler cette demande.

      Vous pouvez faire cette demande via twitter (@OpenEditionActu, @hypothesesorg, @calendaSHS) contact@openedition.org, la liste des carnetiers, calenda@openedition.org et les canaux de contacts que vous utilisez habituellement avec les équipes d’OpenEdition.

      Un pop up pour toutes et tous ! Ou l’histoire une action avortée...

      Pourquoi cet appel ?

      Le 22 janvier les personnels d’OpenEdition ont voté la mise en place d’une fenêtre modale (ou pop up) sur l’ensemble des plateformes à compter du 24 janvier. Cette action aurait été une réponse à l’appel au blocage numérique lancé par des travailleuses et travailleurs de ce secteur.

      L’objectif était – en occupant nos outils de travail – d’afficher notre soutien au mouvement de lutte contre la réforme des retraites, notre opposition à la loi de programmation annuelle de la recherche telle qu’elle se présente aujourd’hui, et plus largement à la précarisation de l’emploi dans tous les secteurs d’activités.

      Cependant, le 23 janvier 2020, la direction d’OpenEdition lors d’une réunion d’information du personnel organisée par ses soins a considéré que le personnel d’OpenEdition ne devait pas faire d’ingérence sur les espaces éditoriaux des carnetiers, des revues et des éditeurs de livres et ne devait pas s’en servir comme moyen de mobilisation. Selon les membres de cette direction un pop-up ne répond pas à ces critères et ne peut donc pas être mise en œuvre à moins d’être explicitement demandé par les revues et éditeurs eux-mêmes.

      Cette position prise par la direction n’a pas pu être discutée durant cette réunion d’information. En effet, dès la première minute, on nous a expliqué que nous pourrions « participer à un temps d’expression, il ne s’agit pas d’une discussion : nous ne répondrons pas aux questions, ce n’est pas le but de cette réunion » et qu’ils et elles prendrons note de nos remarques et que « celles-ci pourront contribuer à nourrir l’ordre du jour et les discussions qui auront lieu lors de la prochaine réunion du conseil d’unité »

      Une partie des personnels, considérant que ce cadre sans débat n’était pas acceptable a alors quitté la salle.

      Producteurs de contenus et diffuseurs ensemble !

      La position de la direction interroge profondément sur l’espace de liberté qu’il est possible de porter au sein du numérique. Les personnels de la plateforme OpenEdition, en tant qu’hébergeurs et diffuseurs, ne peuvent donc porter aucune manifestation collective sur leur outil de travail. Seuls les producteurs de contenus en auraient le droit. À l’image de ce que nous disions lors de notre précédent billet, que signifie alors faire grève dans le numérique ? À nous, tous ensemble, de l’inventer !

      Nous remercions vivement les signataires de la motion « En soutien aux personnels d’OpenEdition : notre lutte doit aussi être numérique ! » et toutes celles et ceux qui nous ont exprimé leur soutien, peu importe la suite du mouvement, cette solidarité ne sera jamais perdue !

      Elles sont en grève ! Rejoignez-les !

      Voici la liste des 36 revues (sur 533) diffusés sur OpenEdition Journals qui ont mis en place ou sont sur le point de mettre en place leur soutien aux mouvements sociaux et/ou aux actions d’OpenEdition.

      La revue Zilzel hébergée sur Cairn a très courageusement suspendu sa commercialisation : https://www.cairn.info/revue-zilsel-2017-2.htm

      https://journals.openedition.org/ahrf

      https://journals.openedition.org/emam

      https://journals.openedition.org/etudesafricaines

      https://journals.openedition.org/chrhc

      https://journals.openedition.org/com

      https://journals.openedition.org/clo

      http://journals.openedition.org/cal

      http://journals.openedition.org/cdg

      http://journals.openedition.org/champpenal

      http://journals.openedition.org/clio

      https://journals.openedition.org/coma

      http://journals.openedition.org/conflits

      https://journals.openedition.org/genrehistoire

      http://journals.openedition.org/gss

      https://journals.openedition.org/geocarrefour

      https://journals.openedition.org/imagesrevues

      https://journals.openedition.org/itineraires

      https://journals.openedition.org/jda

      http://journals.openedition.org/metropoles

      https://journals.openedition.org/netcom

      http://journals.openedition.org/nrt

      http://journals.openedition.org/nuevomundo

      https://journals.openedition.org/paysage/index.html

      https://journals.openedition.org/rdlc

      http://journals.openedition.org/rh19

      https://journals.openedition.org/revss

      http://journals.openedition.org/remi

      https://journals.openedition.org/samaj

      http://journals.openedition.org/socio-logos

      http://journals.openedition.org/sdt

      https://journals.openedition.org/temporalites

      https://journals.openedition.org/terrain

      http://journals.openedition.org/traces

      https://journals.openedition.org/transposition

      https://journals.openedition.org/trema

      http://journals.openedition.org/volume

      https://blogs.mediapart.fr/les-invisibles-de-lusr-2004/blog/240120/openedition-en-lutte-en-appelle-ses-contributrices-et-contributeurs

    • Mobilisation dans les labos : les raisons de la colère

      La prochaine loi de programmation sur la recherche met les facs et les laboratoires de recherche en ébullition. Financement, emploi, innovation : Mediapart balaye les sujets qui fâchent.

      Au moins, chercheurs et gouvernement sont d’accord sur un constat : la recherche française décroche (désormais au 7e rang mondial pour le nombre de publications scientifiques) ; les rémunérations ne sont pas à la hauteur ; il faut donc augmenter le financement de la recherche publique. La ministre Frédérique Vidal vient d’ailleurs d’annoncer une revalorisation des salaires des jeunes chercheurs. Mais cette promesse ne suffira pas à calmer les personnels mobilisés contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), initialement annoncée pour février, toujours en cours de rédaction.

      Des propositions publiées fin septembre, élaborées par trois groupes de travail nommés par le gouvernement (financement, emploi et innovation), ont depuis mis le secteur en ébullition. Parmi les sujets d’inquiétude : le renforcement du financement par projet et de la recherche sur des temps courts, des changements dans l’évaluation, l’arrivée de nouvelles formes de contrats de travail à l’américaine…

      Si la ministre s’entretient bien avec les syndicats, ces derniers n’ont pas été invités à participer aux groupes de travail, sinon au travers une consultation en ligne ouverte par le ministère en mai dernier. Au total, 679 contributions ont été déposées, bien moins que les 9 000 réponses aux questionnaires lancés en parallèle par les « sociétés savantes », auxquels ont répondu chercheurs (employés par les organismes de recherche) et enseignants-chercheurs (employés par les universités).

      Dans les trois groupes, ce sont plutôt des personnalités scientifiques qui ont siégé, directeurs d’université ou d’organisme de recherche, voire des députés. « La communauté de l’ESR [enseignement supérieur et recherche] n’y est pas représentée, ce ne sont que des gens extrêmement haut placés », regrette Julien Gossa, maître de conférences en informatique à l’université de Strasbourg et auteur du blog sur EducPros Docs en stock.

      Lui déplore que les recommandations des sociétés savantes – dont les sociétés françaises des différentes disciplines – n’aient pas été reprises, telle la nécessité de « redonner du temps », notamment en allégeant le service d’enseignement et en limitant « le gaspillage des ressources et le temps de recherche à écrire des projets ». Côté financement, les sociétés savantes recommandent l’augmentation des dotations de base des laboratoires et aussi du taux de projets financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’établissement dédié.

      De leur côté, les rapporteurs du groupe de travail sur le financement préconisent, entre autres, de « donner aux organismes et aux universités les moyens de développer une politique scientifique de niveau mondial » avec une subvention abondée « sur la base de leur performance », afin de « de répartir davantage de crédits compétitifs ».

      On retrouve aussi la notion de compétition dans les mots d’Antoine Petit, PDG du CNRS. Dans une tribune publiée fin novembre dans Les Échos, il a souhaité « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne ». Il n’en fallait pas moins pour qu’un collectif de 16 chercheurs lui réponde dans Le Monde que « le darwinisme social appliqué à la recherche est une absurdité ». Parmi eux, Pierre-Henri Gouyon, enseignant-chercheur en génétique, rattaché au Muséum national d’histoire naturelle.

      Ce spécialiste de l’évolution rappelle que « Darwin lui-même était opposé absolument à l’idée de la compétition entre les humains ». Le généticien d’ajouter que « la théorie darwinienne de l’évolution montre à quel point les phénomènes de coopération ont été importants dans l’évolution ».

      Plus récemment, un autre collectif de plus de 500 chercheurs a signé une autre tribune – elles se sont multipliées depuis les propos d’Antoine Petit – contre cette vision compétitive, défendant une recherche publique attachée au collectif.

      Pour doper la compétition, le gouvernement souhaite adosser le financement aux résultats, passant par des changements en matière d’évaluation. Cette dernière est déjà très présente dans la recherche et menée en partie par les pairs, dans des instances telles que le Conseil national des universités ou les comités éditoriaux des revues.

      Le groupe de travail « financement » propose en effet de lier l’attribution des moyens aux résultats en fonction de critères définis par l’université et/ou l’organisme de recherche. Cette feuille de route inquiète, notamment en ce qui concerne le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), autorité administrative indépendante créée en 2013 et chargée d’évaluer structures et formations.

      Alors que ses missions devraient être renforcées par la loi de programmation, il n’y a plus personne à la tête du HCERES depuis plus d’un mois. Parce que le nom de Thierry Coulhon circule (c’est l’actuel conseiller ESR d’Emmanuel Macron), plus de 5 000 personnes ont déposé une candidature collective pour protester et « défendre l’autonomie de la recherche et des formations », candidature encadrée par le collectif RogueESR.

      Plutôt composé de chercheurs, celui-ci a déjà été très actif en 2018 face à l’annonce de l’ouverture de seulement 250 postes au concours CNRS en 2019, contre 300 en 2017 et 400 en 2010.

      Pour RogueESR, qui vient de se réactiver, le pilotage de la recherche fait aussi des remous. Contacté par Mediapart, Julien*, physicien au CNRS basé à Toulouse, précise – au nom du collectif –, qu’il n’y a rien de nouveau et que le système est menacé depuis une quinzaine d’années. Le physicien rapproche cette situation de celle de l’hôpital, avec « des gens déconnectés des réalités du terrain qui vont arbitrer en observant un certain nombre de critères », dont la bibliométrie, soit la mesure quantitative et qualitative de la production scientifique.

      Le collectif RogueESR s’oppose aussi au développement du financement par projet. « Ce mode de fonctionnement, avec une mise en compétition des chercheurs, contribue à une forme de perte de liberté et de prise de pouvoir de ces structures de management que sont le HCERES et l’ANR. C’est assez dramatique », juge-t-il.

      Contre le financement par projet et pour l’égalité du financement des unités de recherche, les représentants des syndicats Sud Recherche EPST et Sud Éducation ont évoqué ce point avec Frédérique Vidal, qui les a reçus le 15 janvier. Contacté, le ministère n’a pas donné suite à notre sollicitation.

      Christine Buisson, directrice de recherche au site lyonnais de l’université Gustave-Eiffel, n’est pas satisfaite des réponses de la ministre sur leur revendication de financements récurrents. Tout comme Stéphan Bernard, ingénieur d’études à l’Inrae à Clermont-Ferrand, pour qui « dire que ce sera plus facile de décrocher un projet ANR n’est pas un argument recevable ».

      Les deux syndicalistes ont aussi abordé la question de la précarité et des rémunérations. Frédérique Vidal vient d’annoncer le déblocage de 118 millions d’euros pour la revalorisation des carrières, dont 26 millions pour les jeunes chercheurs. « Tout chargé de recherche et tout maître de conférences sera recruté à au moins 2 Smic, contre 1,3 à 1,4 Smic aujourd’hui », a-t-elle déclaré lors de ces vœux le 21 janvier, perturbés par les opposants à la LPPR. La revalorisation figure dans le projet de réforme des retraites et doit être réalisée dans le cadre de la loi de programmation.

      S’agissant de l’emploi scientifique, les personnels de recherche se mobilisent aussi contre la précarisation des métiers, avec le développement du « contrat à durée indéterminée de mission scientifique », autrement dit, le “CDI de chantier”, déjà permis par la réforme de la fonction publique de 2019. La nouveauté réside dans les tenure tracks, ou chaires d’excellence junior, soit un dispositif de recrutement en CDD de 5 à 7 ans par les universités, sans passer par la case concours, qui pourrait déboucher sur un poste de professeur.
      « Licornes » françaises trop rares

      Interrogé par Mediapart, Philippe Berta, député MoDem, un des rapporteurs du groupe de travail sur l’emploi, précise que l’idée est de détecter le plus tôt possible les jeunes chercheurs, peu de temps après leur thèse, et de leur proposer un contrat. « C’est une façon de garder les jeunes chercheurs, plutôt que de les voir aller grossir les laboratoires à l’étranger, précise l’élu de la majorité, lui-même enseignant-chercheur en génétique. On sait que dans nos métiers, c’est à ce moment-là que les jeunes sont les plus productifs. »

      Le collectif RogueESR s’inquiète, lui, de cette « mise en œuvre de carrières dépareillées ». Julien*, le physicien précité, voit plutôt la création des tenure tracks comme des chemins parallèles, « dans lesquels on embaucherait des gens qui seraient mieux payés, qui feraient moins d’enseignement ».

      Tout comme Eli Haddad, chercheur à l’Ehess, membre de l’association Sauvons l’université, fondée en 2008, qui craint que ce nouveau statut n’entraîne la disparition du corps des maîtres de conférences. À ses yeux, tous ces changements vont à l’encontre du statut des enseignants-chercheurs français, « fonctionnaires d’État avec la liberté de poursuivre la recherche à l’abri des pressions des pouvoirs ».

      Si la fusion des corps des maîtres de conférences et des professeurs est évoquée dans les rapports, Frédérique Vidal a précisé qu’il n’en était pas question. Autre changement pour les jeunes enseignants-chercheurs, l’allègement du service d’enseignement, aujourd’hui fixé à 192 heures par an, pour « améliorer l’entrée dans la carrière ». Elie Haddad, de Sauvons l’université, redoute que ce cadre ne saute et que la répartition des heures d’enseignement ne passe entre les mains des services RH et des présidents d’université.

      Marie, maîtresse de conférences en sociologie dans une université de l’ouest de la France, estime que ces propositions représentent une dérégulation du temps de travail. « Il va falloir avoir de bonnes publications et de bons contrats pour avoir le droit de faire de la recherche », désespère cette membre active de la coordination nationale des Facs et labos en lutte, qui regroupe des personnels d’une cinquantaine d’établissements et se veut représentative de l’ensemble des métiers et statuts de la recherche.

      Marie est très active dans l’organisation des manifestations. « J’ai un poste d’enseignant-chercheur mais on me demande de faire plus d’administratif au détriment de la recherche, dit-elle. On ne sait pas comment on va continuer, nos conditions de travail sont en jeu. » Cette enseignante-chercheuse qui a des responsabilités au sein d’une licence n’oublie pas de mentionner les précaires de l’enseignement à l’université, ces vacataires « payés deux fois par an, qui sont de plus en plus des docteurs sans postes ».

      L’insertion professionnelle des docteurs est aussi évoquée dans le dernier rapport, dédié à la recherche partenariale et à l’innovation. Les auteurs veulent améliorer les débouchés pour les docteurs dans le privé. C’est tout l’objet de PhDTalent, entreprise qui propose des profils aux entreprises et aux institutions. Pour Florian Andrianiazy, son directeur général, « c’est une bonne nouvelle que le gouvernement s’intéresse à la recherche », sans se prononcer davantage en l’absence de texte de loi.

      Une chose est sûre : il perçoit d’un bon œil la valorisation du doctorat auprès des entreprises. « Il y a de moins en moins de postes dans les EPST [établissement public à caractère scientifique et technologique – ndlr] et les universités, alors que 15 000 docteurs sont diplômés chaque année », rappelle Florian Andrianiazy.

      Les rapporteurs illustrent le décrochage rapide de la France en citant le top 100 du classement Forbes Global 2000 (trois entreprises françaises en 2018, contre dix en 2006) et aussi les six licornes françaises – startups dont la valorisation est supérieure au milliard, telles Blablacar ou Doctolib – parmi les 375 dans le monde.
      Leur solution ? « Créer des leaders mondiaux d’origine française fondés sur des découvertes issues de la recherche publique » en renforçant notamment la mobilité entre les secteurs public et privé. « On sent bien une vocation à adosser la recherche scientifique à une certaine forme d’objectif, de rentabilité, en termes de transfert vers le monde économique, estime Julien, de RogueESR. C’est de plus en plus prégnant. »

      Pour lui, les allers-retours entre le public et le privé ne sont pas forcément une mauvaise chose, mais il ne faut pas que le monde privé dicte au public quels sont les objectifs de recherche. Le physicien insiste : « C’est absolument fondamental que cette autonomie persiste et qu’on puisse ainsi vraiment explorer le monde, qu’il soit historique, social, scientifique, dans sa totalité. En tout cas, qu’il n’y ait pas de frontières à s’attaquer à des problèmes profonds […], sans savoir où l’on va, ce que ça va nous rapporter, ou si on va pouvoir publier. »

      Tous les collectifs interrogés attendent le texte avec impatience. Ils pointent du doigt le calendrier flou de cette loi promise au départ pour février et s’inquiètent du passage par ordonnances. Tous déplorent également que les rapporteurs n’analysent pas la situation au regard des réformes structurelles de la recherche de ces 15 dernières années.

      Pour Bruno Andreotti, enseignant-chercheur en physique à l’université de Paris, « tout ce qui arrive est dans le rapport Éducation et croissance d’Aghion et Cohen » remis en 2004. On y retrouve l’idée qu’il faut se rapprocher du système américain, qui concentre les moyens sur quelques établissements, et procéder à une politique d’excellence. Pour cet enseignant-chercheur membre du groupe Jean-Pierre Vernant, qui réunit « 59 universitaires proches de la gauche de gouvernement », la dérégulation des statuts et le recrutement sous tutelle bureaucratique sont en train d’assécher la biodiversité de la recherche.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230120/mobilisation-dans-les-labos-les-raisons-de-la-colere?onglet=full

    • Petits cœurs, flash mob, candidatures multiples, grève des revues... la recherche trouve de nouveaux modes d’action

      En lutte à la fois contre la réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle, le monde de la recherche s’efforce de se faire entendre.

      Le chercheur Samuel Hayat a ajouté des petits cœurs sur l’enveloppe destinée à porter sa candidature au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Histoire de se distinguer de la masse mais aussi de souligner avec autodérision le caractère symbolique de cette entreprise de conquête. Car tous les candidats savent qu’ils n’ont absolument aucune chance de remporter ce siège.

      Malgré tout, le 21 janvier, une centaine de chercheurs se sont rendus au ministère de l’enseignement supérieur, coiffés de leur toque, pour déposer les courriers dans lesquels ils se proposent de présider le HCERES, sans chef depuis un mois. Près de 5 000 universitaires les ont imités, dans l’espoir de « faire dérailler la machine bureaucratique » et de montrer leur opposition à la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Si elle était votée, le HCERES, en tant qu’autorité administrative, aurait un pouvoir décuplé d’évaluation des laboratoires de recherche, craignent les chercheurs mobilisés. Cet organisme revêt une importance particulière, car le conseiller enseignement supérieur et recherche d’Emmanuel Macron, Thierry Coulhon, serait en pole position pour en décrocher la présidence. « Cette candidature collective dénonce ce nouveau pouvoir de contrôle », explique Samuel Hayat, chercheur au CNRS et membre du comité de mobilisation.

      Le monde de la recherche est en ébullition. Comme le raconte ce billet de blog du journaliste Sylvestre Huet, une tribune dans Les Échos le 26 novembre d’Antoine Petit, le président du CNRS, a inquiété : il y défend « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies ». Les chercheurs ont donc une double raison de se mobiliser. La réforme des retraites a été le premier catalyseur de la colère. Puis la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et les inquiétudes qu’elle génère, s’est greffée à la protestation initiale.

      Depuis plusieurs semaines, un mouvement social traverse la France. Les grévistes, tous corps de métiers confondus, mobilisés contre la réforme des retraites multiplient les happenings, les danses et chants symboliques pour protester dans la joie et se donner du courage. Des cérémonies de vœux, des déplacements ministériels ou des sorties présidentielles ont été perturbés. Il devient de plus en plus difficile aux membres de la majorité d’échapper à ces comités d’accueil d’un nouveau genre. Ces séquences sont capturées pour être reprises par la presse et devenir virales sur les réseaux sociaux. On ne compte plus les professions qui dansent le Lac des cygnes, tutus inclus, comme ces enseignants du lycée Joliot-Curie de Nanterre, ou qui se lancent dans un haka protestataire, comme les avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis. D’autres préfèrent lancer leur robe d’avocat, leur blouse ou leur code du travail (lire l’article de Mathilde Goanec sur le sujet).

      Pour le monde de la recherche, l’équation est complexe. Quel outil de travail peut-il brandir pour en faire le symbole de sa lutte ? Comment être efficace et audible dans le bruit ambiant ? Certains ont organisé des universités populaires, des déambulations dans le Quartier latin à Paris, quartier symbolique s’il en est. Des motions sont votées dans différents départements et universités (voir le décompte sur le site Sauvons l’université). Reste alors à trouver un moyen de matérialiser la grève et d’attirer, si possible, l’attention pour faire exister le mouvement. La perturbation des vœux de Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, a été relayée sur BFMTV, souligne Samuel Hayat : « Ce n’est pas rien pour nous. »

      Mais cela ne suffit pas. Les chercheurs mobilisés espèrent parvenir à casser les habitudes trop ancrées. Samuel Hayat le reconnaît aisément, trop longtemps la lutte des universitaires s’est cantonnée à un triptyque devenu inefficace : un texte est écrit et publié dans la presse, une pétition est lancée et certains se joignent aux manifestations. Impossible de rendre populaire une lutte ainsi, tant elle apparaît déconnectée du réel. Aujourd’hui, rien de tout cela. « Les gens s’amusent et sont combatifs, c’est une mobilisation qui va durer et qui peut gagner. La preuve : la ministre a été obligée de recevoir les syndicats. On les met sous pression », veut croire Samuel Hayat.

      C’est grâce, croit-il, à un changement, salutaire selon lui, de stratégie. « On a appelé à manifester, en dehors de la mobilisation dans les universités et en dehors des syndicats. On a aussi fait le choix de manifester dans le cortège de tête. On entre ainsi en rupture avec les modes traditionnels de lutte assez sages. » Ou perdants. En 2009, les chercheurs opposés à la loi d’autonomie des universités (LRU) se relayaient pour une ronde infinie des obstinés. Cette marche sans fin avait pour but de porter hors les murs les revendications du mouvement universitaire.
      Une grève inédite des revues

      Cette lutte perdue a laissé des traces profondes et a pu réfréner les velléités de mobilisation ultérieures. Anne Bory, maître de conférences en sociologie à Lille et membre du comité de rédaction Actes de la recherche en sciences sociales, le concède mais espère que les choses sont en train d’évoluer. « Depuis la LRU, il a été compliqué de déconstruire le découragement. Mais, aujourd’hui, les gens ne veulent plus être découragés. »

      Dix ans plus tard, la configuration a changé, veut croire Samuel Hayat. « Là, on a un coup d’avance. Le mouvement de 2007-2009 contre l’autonomie des universités a eu lieu après le vote de la loi, juste lors de la mise en place des décrets d’application. Là, on se mobilise avant. »

      Johanna Siméant, professeure des universités en science politique à l’École normale supérieure et membre du comité de rédaction de la revue Genèses, abonde en ce sens. Elle considère en effet que depuis trop longtemps, les revendications de la communauté universitaire ne sont pas écoutées et encore moins entendues, et qu’il est temps d’y remédier. « On oscille entre le mépris de toute la technostructure qui s’est développée et les leçons dispensées par ces hommes quinquagénaires qui nous expliquent comment on doit chercher. Il est temps pour nous de réaffirmer nos valeurs et expliquer ce en quoi on croit, et surtout dire à quel point ce projet est toxique pour nous. »

      Johanna Siméant était invitée à la cérémonie des vœux de Frédérique Vidal au titre de récipiendaire de la médaille d’argent du CNRS. La prise de parole de la ministre a été perturbée et un doctorant blessé par les forces de l’ordre. Johanna Siméant a pris la parole pour, entre autres, dire ceci : « Madame la ministre, la communauté scientifique ne veut pas de cette énième soi-disant “réforme” dont nous ne savons que trop qu’elle porte le darwinisme, la concurrence toxique, la bureaucratie de l’évaluation permanente et de la soumission de projets. De la soumission tout court. »
      La chercheuse tenait à ce que son titre soit utile. En tant que personne titulaire d’une production scientifique validée et reconnue par ses pairs, elle espère contribuer à diffuser l’idée que ce mouvement n’est pas guidé par des « doctorants excités » mais par une partie de la communauté universitaire bien décidée à reprendre la main sur son destin.

      La candidature collective au HCERES s’inscrit dans cette droite ligne de lutte. « On en a marre de jouer en défense et de réagir seulement, décrypte encore Johanna Siméant. Nous sommes dans un mouvement de réaffirmation collective, où on ne fait pas que pleurer sur le service public en train d’être détruit sous nos yeux. On joue quelque chose d’important, on dénonce la dégradation de nos conditions de production intellectuelle. »

      Le 6 janvier, Genèses, la revue interdisciplinaire de sciences humaines et sociales, a impulsé un mouvement inédit de grève des revues scientifiques. Pour expliquer la grève, la revue proclame sur son site : « Il s’agit de défendre non seulement un système de protection sociale, mais aussi des valeurs telles que la solidarité, l’idée de service public, l’indépendance de la recherche (et, au-delà, la possibilité de décrire rationnellement le monde), face à la lente destruction des conditions de production du savoir et à sa marchandisation qui menace l’accès de tou·te·s aux connaissances. »

      Le comité de rédaction de Genèses ne traitera plus de propositions d’article ou de dossiers jusqu’à nouvel ordre. Une dizaine de revues de sciences humaines et sociales ont annoncé faire de même.

      Anne Bory, maître de conférences en sociologie à Lille et membre du comité de rédaction d’Actes de la recherche en sciences sociales, explique que cette forme d’action a répondu à plusieurs préoccupations. La première étant de libérer du temps pour ceux qui alimentent ces revues. « On souhaite le ralentissement du cours normal du travail pour nous permettre de tenir des assemblées générales dans nos facs, aller assister aux AG interprofessionnelles, fournir aussi des outils d’analyse et de connaissance utiles au mouvement. Il nous faut lever le pied pour mobiliser, tout simplement. »

      Sans compter que les revues revêtent un intérêt particulier, car les publications sont utilisées pour évaluer les chercheurs, ce qui pourrait aller s’amplifiant avec ce projet de loi.

      Johanna Siméant explique que l’utilisation du mot « grève » à Genèses est volontaire pour signifier que ces chercheurs suspendent cette activité. Tant pis s’il s’agit d’une des facettes « les plus plaisantes du métier », poursuit-elle.

      Il est indispensable à ses yeux, dans cette période charnière, de montrer le fonctionnement de la science de manière concrète et de visibiliser ainsi « l’écosystème de la recherche ». Dans le cas précis des revues, cela consiste pour les membres des comités de rédaction à relire et amender les articles d’autres chercheurs, bénévolement et sur leur temps personnel. L’universitaire raconte encore vouloir dénoncer la dégradation des conditions de travail dans ces revues, où il est de plus en plus rare de trouver des secrétaires de rédaction à temps plein.

      Anne Bory identifie un risque important avec une réforme qui renforcerait l’évaluation des chercheurs. « Ce projet de loi va mettre les revues au cœur d’un système d’évaluation et de sanction. Il y aura forcément une course à l’échalote de la publication avec une moindre qualité des articles et surtout une fragilisation complète de leurs conditions de production. » Samuel Hayat partage cette crainte : « On va nous faire endosser un rôle de DRH. On ne veut pas que ce travail des revues devienne un instrument darwininien, un instrument d’un système de sélection. »

      Open éditions, la plateforme publique d’édition de revues scientifiques, a été bloquée 24 heures le 16 décembre. La page d’accueil présentait un texte qui expliquait les raisons de la grève. Anne Bory juge qu’il s’agit d’une bonne manière d’inciter ceux qui ne se mobilisent pas à la faire notamment chez les étudiants qui utilisent ce site. « C’est une modalité parmi d’autres, une façon de reprendre la main sur ce qu’on nous impose. On revendique aussi du temps pour réfléchir. » Ce qui reste leur raison d’être.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230120/petits-coeurs-flash-mob-candidatures-multiples-greve-des-revues-la-recherc

    • LPPR : les chercheurs aussi descendent dans la rue
      La future loi de programmation pluriannuelle de la recherche et le dossier des retraites inquiètent la communauté scientifique, dont les membres se joignent dorénavant aux manifestations, à l’instar de celle du 24 janvier.

      Un investissement très attendu, enfin « à la hauteur » pour la recherche française : c’est la promesse de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), en cours de préparation. C’est pourtant contre ce texte que montent désormais des contestations dans une partie de la communauté universitaire.

      Jusque-là, le mouvement contre la réforme des retraites, dans laquelle les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche sont présentés comme des « perdants », au même titre que les enseignants du secondaire, n’avait eu que peu d’écho dans le monde universitaire et estudiantin. Une série de mesures de « compensations » a été promise par le gouvernement pour assurer un niveau de pension équivalent.

      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/27/lppr-les-chercheurs-aussi-descendent-dans-la-rue_6027419_1650684.html

    • Les #revues_scientifiques fragilisées par les projets de loi

      Pour marquer leur opposition à la réforme des retraites et au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), près de 70 revues ont décidé, par-delà leurs différences de disciplines, de se constituer en collectif, et elles s’alarment, dans une tribune au « Monde », de l’afflaiblissement du service public de la recherche.

      Depuis le début de l’année, plusieurs dizaines de revues de sciences humaines et sociales se déclarent les unes « en lutte », les autres « en grève . En soutien et en participation au mouvement social en cours, leurs comités de rédaction protestent à la fois contre le projet visant les retraites et contre les projets actuellement en circulation de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Cette mobilisation est inédite. Par bien des aspects, aussi, elle est incongrue : que peut bien vouloir dire, pour une revue, « se mobiliser », se dire « en lutte », « se mettre en grève » ?

      En perturbant ou en interrompant leur activité, en refusant de se tenir à distance de ce qui se joue dans la communauté scientifique autant que dans le monde social, ces revues souhaitent mettre en avant aussi bien ce qui les fait que celles et ceux qui les font. Car leur travail intellectuel et éditorial, la production et le partage des savoirs qu’elles assurent sont eux aussi menacés par les projets de lois actuels, qui vont contribuer à la fragilisation toujours plus forte du service public.

      L’existence de nos revues relève d’une économie de la connaissance efficace. Ce sont des scientifiques, dont une partie conséquente sont des agents publics, qui évaluent les textes, les discutent, les amendent ou les rejettent, pour finalement publier les travaux susceptibles de contribuer à la connaissance collective. Ces travaux bénéficient ensuite du travail de mise en forme, réalisé par des professionnels formés aux métiers de la do cumentation et de l’édition qui ont des statuts variés, du fonctionnariat au CDD. Enfin, ce sont surtout les bibliothèques universitaires, organismes publics, qui achètent les revues à l’unité ou en bouquets par des plates-formes numériques. Cette offre en ligne, gratuite pour les étudiants, permet une diffusion hors du champ universitaire : les journalistes ainsi que les enseignants, les associations, les élus, les citoyens bénéficient d’un apport substantiel de connaissances fiables et renouvelées.

      Si cette économie de la connaissance assure l’enrichissement du savoir, elle rapporte toutefois peu en termes financiers. Elle est en effet adossée à une infrastructure invisible, celle du service public de la recherche.

      C’est ce service public qui garantit des personnels formés, qualifiés et stables de secrétariat de rédaction.

      C’est ce service public qui offre des réseaux ou des maisons d’édition, pour la numérisation, l’archivage ou la promotion des articles.

      C’est ce service public qui permet l’existence de revues scientifiques numériques de qualité en accès ouvert et entièrement gratuites.

      C’est ce service public, enfin, qui, malgré la lente dégradation des conditions de travail des enseignants-chercheurs statutaires et la précarisation des jeunes chercheurs, continue de leur offrir le temps nécessaire pour siéger aux comités de rédaction, pour concevoir les dossiers, lire, évaluer et discuter les articles proposés. Mais in fine, les revenus produits par les revues ne servent pas à rémunérer les scientifiques qui les font vivre, ou encore les travailleurs et travailleuses qui les fabriquent. Ces quelques revenus reviennent en effet aux sociétés qui éditent, et plus encore qui diffusent ces revues au sein d’un secteur éditorial fragile sauf à avoir recours à des dispositifs d’accès ouvert, que quelques revues ont lancé ces dernières années et qui demandent à être renforcés pour diffuser encore plus largement les savoirs scientifiques.

      La LPPR, telle qu’annoncée, promet de saper les fondements de cette triple économie, financière, scientifique et humaine, des revues. Elle frappe de plein fouet les personnels dits de soutien à la recherche, qui sont justement ceux qui permettent aux revues d’exister en tant qu’objets, en tant que produits manufacturés (même en ligne, même dans l’espace virtuel, un article est mis en page et monté). Elle précarise ces personnels, substituant à l’emploi pérenne des contrats dits « de chantier », qui obligeront les revues, collectifs comme on l’a vu fragiles, à épuiser leurs forces pour soumettre des dossiers à des évaluations tatillonnes et solliciter le droit de bénéficier de quelques heures du contrat de travail d’un travailleur de l’édition.

      Promouvant une recherche par projets assortie à des contrats de recherche de durée limitée, diminuant drastiquement les recrutements de chercheurs titulaires, cette loi fragilise de façon dramatique les jeunes chercheurs en quête de poste, qui sont celles et ceux qui contribuent massivement à la production d’articles scientifiques et au renouvellement dynamique des connaissances. La concentration de l’argent public sur d’obscurs « grands défis sociétaux » tend à un mouvement malthusien de la production scientifique et à l’élimination « darwiniste », pour re prendre les termes funestes du président du CNRS, des revues qui ne répondent pas de prime abord à ces « grands défis . Ce faisant, elle contribue à affaiblir le pluralisme et l’indépendance de la recherche publique.

      Qu’elles se mettent en grève ou se déclarent en lutte, qu’elles fassent paraître un numéro blanc ou publient des textes sur les réformes actuelles et à venir, les revues montrent d’un coup l’envers du décor et tout ce qui rend possible la production et la diffusion d’un savoir à la fois indépendant (notamment des mannes industrielles), fiable (car discuté par des scientifiques de haut niveau) et neuf (c’est ce savoir qui est à la base des futurs manuels universitaires, puis scolaires).

      Nos revues ne doivent leur existence qu’au service public de la recherche. Voir l’une et l’autre simultanément menacés est au jourd’hui ce qui nous amène, collectif des revues en lutte, à nous opposer aux projets de réforme en cours avec la plus grande fermeté.

      Pour le collectif des revues en lutte : Sylvie Tissot (Actes de la recherche en sciences sociales) ; Caroline Ibos (Les Cahiers du genre) ; Anne Jollet (Les Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique) ;Fabrice Ripoll (Carnets de géographes) ; Clyde Plumauzille (CLIO. Femmes, genre, histoire) ; Laurent Bonelli (Cultures & Conflits) ; Manuel Schotté (Genèses. Sciences sociales et histoire) ; Christophe Daum (L’Homme et la Société) ; Julie Landour (Nouvelle revue du travail) ; Laure Bereni (Politix) ;François Sarfati (Sociologies pratiques) ; Fanny Gallot (Travail, genre et sociétés)

      La liste complète des revues en lutte sur Universiteouverte.org

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/28/les-revues-scientifiques-fragilisees-par-les-projets-de-loi_6027462_3232.htm

    • Grève à l’Université ? A propos des débats stratégiques dans le mouvement

      Aujourd’hui, le monde académique semble loin d’être au diapason d’une grève sans concession. La mobilisation universitaire ressemble, à ce jour, davantage à une mosaïque de débrayages partiels qu’à une #grève générale illimitée. Une grève conséquente aurait pourtant pour vertu d’ouvrir une brèche pour une mobilisation étudiante, cruciale pour redonner du souffle à une révolte sociale dont la durée est inédite.

      À la rentrée 2018, les Gilets jaunes initiaient le soulèvement inédit des salariés les plus subalternisés. Les ronds-points voyaient alors la convergence des chômeurs, précaires, travailleurs pauvres, auto-entrepreneurs, artisans, retraité.e.s démuni.e.s, etc. À la faveur de la « réforme » des retraites, le mouvement social historique qui ébranle le gouvernement français depuis le 5 décembre 2019 a pris le relais. La grève interprofessionnelle mobilise une large base syndicale et les travailleurs statutaires de différents secteurs (transports, énergie, santé, éducation, etc.), mais aussi des avocats, des médecins, des directeurs d’hôpitaux, certains cadres et haut-fonctionnaires, des journalistes de l’audiovisuel, des chercheuses et chercheurs, ou encore des universitaires, bien que l’alma mater, notamment en région parisienne, soit entrée relativement tardivement dans cette grève dont l’ampleur est inégalée depuis 1968. Manifestement, l’inclination des diplômés urbains vers le conformisme, lequel s’est exprimé dans leur vote massif pour Emmanuel Macron au premier et second tour de l’élection présidentielle, est en voie d’effondrement. Le penchant petit-bourgeois à lorgner vers la bourgeoisie parisienne plutôt que de se solidariser avec les classes populaires, semble entrer en crise et le phénomène de se propager également au sein du milieu académique. Pour la première fois, à Paris (dont 12 des 15 députés sont macronistes), les cortèges universitaires auto-organisés étaient très visibles lors de la manifestation intersyndicale du 24 janvier 2020. Intellos, prolos : même combat, alliés dans la grève ?

      Pour certains, rien ne semble moins sûr. Le 20 janvier dernier, Ronan de La Lande de Calan et Geoffroy de Lagasnerie publiaient, dans le blog des invités de Mediapart, une tribune intitulée « Une mobilisation impossible ? Quand les universitaires confondent la lutte et l’autopunition » (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/200120/une-mobilisation-impossible-quand-les-universitaires-confondent-la-l). Les deux signataires commencent par y saluer les divers secteurs en lutte contre la réforme des retraites qui « se sont appuyés sur des formes traditionnelles d’action dont l’efficacité n’est plus à démontrer – débrayages, blocages du système productif et des moyens de transport, manifestations monstres ». Ils soulignent également la créativité du répertoire d’action du mouvement de certaines corporations (avocats, médecins, pompiers, danseurs, etc.). Cet hommage est à l’évidence un soutien au mouvement de grève interprofessionnel, mais le positif du tribut sert surtout, ici, à dénoncer le supposé manque d’imagination du champ universitaire, lequel se contenterait « par défaut » de répliquer mécaniquement des formes de mobilisation parmi les plus traditionnelles et les moins efficaces. Dans le domaine de la conflictualité sociale, ce qui semble utile et efficient pour certains serait donc, pour le monde universitaire, infertile. Au ban des accusés : les assemblées générales, la grève et les blocages. Pour nos deux philosophes, l’Université (personnels et usagers ?) se prendrait pour un secteur productif comme les autres, « comme si le pouvoir allait trembler parce que telle revue ne paraîtrait pas, ou tel séminaire serait annulé ».

      Il y a, dans cette dénonciation, une part critique intéressante qui tient au fait de souligner qu’une partie du champ universitaire, peu encline à sortir de sa zone de confort, continue sans aucun doute à entretenir quelque illusion quant à sa magnificence intellectuelle et se plaît à penser que ce sont le(ur)s idées qui mènent le monde et, en l’espèce, feraient les mobilisations. Pourtant, il est patent que les séminaires, journées d’étude, colloques, revues, etc., n’ont pas pour prime vocation à « saisir les masses » (ça se saurait !). Quand, de temps à autre, ces lieux d’élaboration font lien avec d’autres espaces sociaux, il faut bien des médiations pour qu’ils en viennent à participer à des forces matérielles qui soient autre chose qu’un travail intellectuel. Cesser les différentes formes de production symbolique caractéristiques de l’académisme ne dérange guère que l’entre-soi universitaire (et encore !). De même, estimer que la multiplication des motions, tribunes, billets et pétitions (pour le moins mesurées, voire carrément frileuses) ne se diffusant que fort parcimonieusement dans l’espace public dominant puisse avoir quelque effet pratique est sans doute, encore, une concession à un idéalisme qui s’avère d’autant plus vain que les cibles de ses adresses s’avèrent aussi sourdes qu’aveugles.

      Mais La Lande et Lagasnerie vont un cran plus loin. Ils estiment que la grève « ordinaire » signe un renoncement à produire des idées. C’est là que l’interpellation se transforme en leçon ; de celles que Lagasnerie, avec un certain sens du placement public, affectionne de dispenser assez régulièrement à ses « collègues ». L’invective apparaît alors d’une grande prétention, subsumant sous le chapeau de la routine et du suivisme, mille initiatives à la base dont ils semblent tout ignorer. Car c’est bien, là, méconnaître la riche diversité des actions des personnels et des usagers de l’Université, dont la portée souvent assez modeste peut, néanmoins prendre quelque importance, notamment par des formes de répétition persévérante qui ne sauraient seulement être vues comme un rabâchage paresseux et sans issue. Souvenons-nous, en 2009, de la ronde infinie des (universitaires) obstiné.e.s, initiée et votée en AG par des personnels et usagers de l’université Paris 8 qui se relayaient pour tourner jour et nuit devant l’Hôtel de ville (place de la grève). Sans doute est-il utile de repenser « l’imaginaire de la lutte, [et d’]inventer de nouvelles formes de mobilisation et de présence dans l’espace public », mais si tant est que la chose soit une nécessité, celle-ci n’est certainement pas une concession à cette antienne de l’idéologie dominante faisant fatalement de la grève un mode d’action contreproductif. Rien dans la séquence présente ne permet de prendre au sérieux ce type d’anathème, sauf à condescendre à l’éditocratisme crasse des chaînes d’information continue ou au syndicalisme collaborationniste.

      Messieurs La Lande et Lagasnerie devraient savoir que tous les grands mouvements de grève interprofessionnels en France (et ailleurs) ont produit des modes d’action créatifs qui ne furent nullement en contradiction avec le répertoire d’action traditionnel du mouvement ouvrier (doléances, pétitions, manifestations de rue, assemblées générales, comités et piquets de grève, etc.). En mai 1968, l’une des plus flamboyantes affiches de l’atelier populaire (fabriquée au sein des Beaux-Arts de Paris en grève) montre une manifestante lançant un pavé. Elle est légendée « La beauté est dans la rue ». Quant à la grève générale de juin 1936, elle fut, par exemple, rythmée par des bals populaires dans les usines occupées, et accompagnée par de fort nombreuses œuvres (photographies, chansons, peintures, etc.). À cette époque, les universitaires marxistes étaient convaincus de la portée d’une alliance de classe entre l’intelligentsia de gauche et les classes populaires.

      Aujourd’hui, le monde académique semble loin d’être au diapason d’une grève sans concession. La mobilisation universitaire ressemble, à ce jour, davantage à une mosaïque de débrayages partiels qu’à une grève générale illimitée. Peu de composantes des universités sont concrètement en grève. Si les responsabilités administratives et d’évaluation, prenantes et peu/pas rémunérées, sont des cibles toutes trouvées (et encore !) de ralentissement des missions, les mandats d’enseignement et de recherche font l’objet d’âpres négociations intérieures chez les enseignant.e.s-chercheur.e.s dont une part non négligeable a tendance à considérer que ne pas assurer les activités au fondement de leur métier serait une violence intolérable faite à ce qu’ils sont ou croient être (les lieux de l’autopunition sont d’abord dans les têtes). D’aucun.e.s auraient ainsi l’impression de renoncer à leur singularité sociale durement acquise et à cette position symbolique à laquelle ils.elles tiennent tout particulièrement, parfois jusqu’à la névrose narcissique. Aussi, la tribune de nos deux compères ne s’avère pas d’une grande originalité quand ils affirment que « la ‘‘grève’’ à l’Université, avec cessation de toute activité d’enseignement et de recherche [?], ne correspond qu’à [...] une condamnation des intellectuels au silence ». Comme si les lieux d’élaboration et d’analyse pouvaient n’émerger qu’au sein de l’alma mater. C’est, là, faire montre d’une forme évidente d’épistémocentrisme scolastique. D’ailleurs, il n’est pas très étonnant de constater que le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) dont la vocation est de précariser au maximum l’ESR et de le placer sous la coupe du privé, semble mettre davantage le feu aux poudres académiques que la réforme des retraites. Pourtant, l’un des enjeux majeurs pour le mouvement universitaire tient sans doute à sa capacité à décoller le nez du guidon corporatiste.

      Même au sein de ses espaces censément les plus critiques, l’Université n’est pas ce lieu de résistance dont ses oblats les plus dévoués (i.e. celles et ceux qui en tirent le plus d’avantages) produisent le mythe. Aussi faut-il admettre que les pilotis de la LPPR (Labex, Idex, EUR, etc.) ont été plantés depuis plusieurs années avec l’assentiment du plus grand nombre, de certaines avant-gardes « radical chic » et des Janus Bifrons qui se vivent en pourfendeurs des dominations et en hérauts de l’empowerment, mais sont, dans les faits, les meilleurs suiveurs de l’ordinaire universitaire, prêts à accueillir et examiner toutes les propositions susceptibles de leur apporter quelque avantage. Se déclarant contre la précarité ou le délire évaluatif, certain.e.s n’ont pourtant pas hésité à participer à ces dispositifs « d’excellence ». On voudra bien pardonner ces petits dévoiements « corpo » (la chaire universitaire est faible), s’ils n’étiolent pas, aujourd’hui, les nécessités d’une mobilisation massive et de prendre une pleine part aux dynamiques interprofessionnelles. Car l’Université est frappée des mêmes maux que les secteurs de la santé, de la justice, des transports, de la culture, de l’enseignement, etc. Les « réformes » macronistes sont portées par un projet politique d’ensemble qui ne s’est jamais autant révélé, notamment quant à sa nature butée et autoritaire.

      Dans cette perspective, ce sont les étudiant.e.s qui nous semblent devoir jouer un rôle tout à fait primordial. L’expérience montre que ce sont eux.elles – plus dégagé.e.s de l’emprise des identités professionnelles qui brident – qui sont les plus susceptibles d’étendre le mouvement social à l’espace universitaire et qui ont la volonté la plus affirmée de faire se conjoindre les luttes, seule manière d’instaurer, dans la longueur (car ça va durer), un rapport de force qui pourrait s’avérer gagnant. Aussi, considérons-nous qu’il n’y a pas trop de grève, mais, a contrario, pas assez. Penser que la grève est une « condamnation collective à l’impuissance et un maintien de l’ordre universitaire » ; qu’elle est un renoncement aux « conditions de la production d’analyse, de critique et de contre-proposition », c’est faire, malgré soi, le jeu de la macronie et ne pas placer le curseur au bon endroit, surtout à rajouter : « puisqu’à la fin ce sont les professeurs qui décident des modalités de rattrapage des examens et qui très souvent imposent la reprise aux étudiants ». On a, là, un exemple caricatural de la difficulté qu’ont nos intellectuels situés – croyant détenir le seul brevet valable à dire le sens politique – à considérer le mouvement social dans sa globalité et de rabattre des enjeux politiques généraux sur des problèmes de pouvoir internes au monde universitaire. Et même à vouloir se centrer pour l’essentiel sur les difficultés spécifiques à l’université, la grève n’est-elle pas le moyen adéquat pour prendre du temps, discuter franchement de la situation pesant sur l’institution, se donner les moyens de s’organiser en dehors des instances officielles ?

      La Lande et Lagasnerie affirment que « le premier point sur lequel la grève pourrait avoir comme telle une réelle efficacité, serait de renoncer à produire des diplômes, qui constituent l’unique produit sur ce qui est devenu un ‘‘marché’’ de l’enseignement supérieur, et l’unique levier d’action sur les pouvoirs publics ». S’agit-il de se mettre en grève pour porter la revendication générale de ne plus avoir à produire de diplômes (perspective radicale qui ne saurait tenir seule), ou bien est-ce, plus modestement, de configurer, pour l’heure, la « grève universitaire » autour de la non délivrance des diplômes attendus (politiques de rétention en février ?) ? On ne saisit pas très bien le sens de la proposition qui, dans un cas comme dans l’autre, nous semble, de toute manière, passer à côté de l’utilité stratégique de la grève. La production d’accréditations et d’évaluations est, certes, un élément important de l’économie politique et symbolique du secteur, à repenser (avec bien d’autres points), mais elle n’est certainement pas la justification première de la grève dont la principale vocation est de dé-cadencer et faire effraction dans les habitudes professionnelles.

      L’engagement politique des connaissances ne saurait notamment se résumer à une histoire de champ et ne tenir dans les connaissances elles-mêmes, mais dépend des fonctions sociales que celles-ci sont susceptibles d’assurer, notamment dans le cadre de conflits sociaux. Aussi, les sciences s’engagent essentiellement quand elles sont articulées à des espaces et des communautés d’action dont l’université mobilisée n’est qu’une modique fraction. On sait notamment la force qui peut émerger de la jonction du mouvement ouvrier et du mouvement étudiant. Une lecture intéressée avait voulu dépeindre mai 1968 comme une fête étudiante plus ou moins folklorique qui se serait déroulée à l’écart de la grève générale ouvrière de type cégétiste. Les sociologues qui ont développé cette vue culturaliste et générationnelle ont, ensuite, clairement évolué vers la droite, à l’instar d’Alain Touraine qui en est venu à soutenir Alain Juppé et, plus récemment, Emmanuel Macron. En revanche, Henri Lefebvre a écrit, dès 1968, que les affiches colorées, les barricades improvisées et les drapeaux levés lors de l’insurrection étudiante dans le Quartier latin ont joué comme un fanal, comme un signal reçu par les travailleurs que le passage à l’acte était à l’ordre du jour. C’est sans doute une question qui reste actuelle : comment concevoir le passage entre la révolte étudiante et les fonctionnaires en grève qui font habituellement tourner l’Université ? La révolte est autant de nature matérielle (contre la précarité, les bullshit jobs, les stages trop peu rémunérés, les bourses anémiques, les logements pitoyables, la vie chère, etc.) que symbolique (une autre vie doit être possible, plus joyeuse, pleine de sens) et même morale ou éthique (refuser l’inégalité, la sélection, la discrimination des étudiants étrangers, le saccage des droits et la destruction de la planète). C’est en se ressourçant de cette « contre-culture » que les scholars pourront se détourner de l’illusion narcissique qui les poussent à penser qu’ils se doivent de jouer les conseillers du prince et des classes dirigeantes macronistes.

      À l’université, une vraie grève aurait notamment pour vertu de permettre une mobilisation d’ampleur des étudiant.e.s, cruciale pour redonner du souffle à une révolte sociale dont la durée est inédite. Parce que son avenir est largement hypothéqué et la misère étudiante renouvelée, la jeunesse a tout intérêt – et ses raisons – à entrer massivement dans la lutte ; mais encore faut-il lui faciliter la chose. Ouvrir une brèche pour le mouvement étudiant, lui donner les moyens de ses ambitions, est plus que jamais essentiel. À cet égard, la grève apparaît comme l’un des leviers essentiels du champ universitaire qui, contrairement à d’autres secteurs pionniers, n’en a fait, jusqu’alors, qu’un usage pour le moins modéré. Plus largement, la grève est également la condition de possibilité pratique pour que puisse précisément s’inventer un espace public oppositionnel porteur de propositions concrètes construites par la documentation, la rencontre, la discussion, l’auto-organisation et l’action. Le projet d’une « Université ouverte à toutes et à tous, tout le temps [...], foyer de la critique » ne doit pas participer à la sanctuarisation de l’institution, mais inviter celle-ci à « sortir sa science » en d’autres lieux et à produire, avec/sur/pour eux, des communs de la connaissance politiques. Aussi, le retrait de la LPPR pour lequel il faut évidemment se battre ne saurait être un but suffisant. La présente séquence doit aussi être un moment d’éducation des éducateurs par l’ouverture aux différents secteurs mobilisés, afin de construire des intellectuels collectifs à même de porter, tant théoriquement que pratiquement, un projet alternatif de société : « Contre les impératifs marchands et les contrôles bureaucratiques, les forces critiques au sein de l’université devraient chercher à se liguer avec tous les foyers de production de connaissance [...] pour coopérer à la reconfiguration d’un espace public laminé par l’horreur économique de la logique néolibérale » (Daniel Bensaïd : « Faut-il défendre l’Université ? »), par la brutalité gouvernementale et par le mensonge institutionnel. Et à prendre au sérieux cette nécessité, parions que se dire ni de droite ni de gauche, répudier les classes populaires – prétendument incultes, sexistes et racistes –, ou encore récuser les formes d’action traditionnelles du mouvement ouvrier, deviendra demain, au sein des universités, aussi ringard que ne le fut, hier, la référence à Marx.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Greve-a-l-Universite-A-propos-des-debats-strategiques-dans-le-m

    • #Nantes : les vœux du président de l’université annulés

      #Olivier_Laboux, le président de l’université de Nantes, avait prévu de présenter ses vœux aux personnels ce mardi midi mais une manifestation organisée par le syndicat Sud Éducation l’en a empêché.

      La traditionnelle cérémonie des vœux devait se faire dans le Théâtre Universitaire. Olivier Laboux qui clos deux années de mandat à la présidente de l’université nantaise avait prévu d’y recevoir les personnels pour faire, comme il est de coutume, un bilan et évoquer l’avenir de l’établissement.

      Mais, le rendez-vous a été finalement annulé, une manifestation ayant été organisée sur place.

      Le syndicat Sud Education avait mobilisé une trentaine d’enseignants pour une « contre cérémonie » symbolique et pour adresser au président ses « bons vœux de retraite anticipée ».

      « On a organisé cette cérémonie, a déclaré avec un certain humour Christèle Allès, enseignante et syndiquée à Sud Education, pour remercier le président de toutes les actions qu’il a menées pendant ses deux années de mandat. On a de plus en plus d’heures assurées par des vacataires, des précaires. On demande donc un plan de titularisation. ll y a eu des grands projets de réorganisation sur lesquels on a été vaguement consultés mais pas de vraie dynamique de concertation. »

      Le syndicat a également critiqué la présence de la police à plusieurs reprises sur le campus, lors de différentes moblisations.

      Quant à la succession d’Olivier Laboux : « La candidate qui se présente pour le remplacer estime Christèle Allès, est issue de son équipe et devrait mener la même politique. »

      https://www.youtube.com/watch?v=_ls9esYO6hM&feature=emb_logo

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/nantes/nantes-voeux-du-president-universite-annules-1780233.ht

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      Le texte de remerciements (sic) :

      Cher collègue, cher Président,

      Nous sommes venus vous adresser nos vœux de départ en retraite anticipée et vous remercier nous aussi pour les temps forts de ces huit années écoulées. Cette liste de nos remerciements est longue et non-exhaustive :

      Merci pour tous vos grands succès : la comue UBL, Next 1, la NU !

      Merci pour nous avoir consulté pour le logo de la nouvelle université, et de nous avoir épargné une consultation directe sur le fond !

      On est impatient de voir Next 2 et d’expérimenter collectivement la précarité à la sauce LPPR.

      Merci pour la préservation des pôles, au Nord et au Sud de la ville !

      Merci de lutter contre le réchauffement climatique en gelant tous ces postes de titulaires BIATSS et EC !

      Merci de préserver le suspens pour le jour de paie des vacataires !

      Merci pour l’erreur de la banque en faveur des vacataires, et merci d’avoir partagé la responsabilité de cette erreur avec tous les précaires !

      Merci d’être venu de si nombreuses fois sur le campus Tertre, comme aujourd’hui où vous repartez avant d’être arrivé !

      Merci d’avoir socialisé votre prime annuelle de 28 000 euros avec les collègues de catégorie C, un beau geste de team-building !

      Merci pour ces nombreuses fermetures administratives !

      Merci d’avoir permis à nos étudiants de passer leurs partiels dans des conditions sereines et dans le confort de leur 9 m² en « distanciel » !

      Merci pour votre sens inné du dialogue social !

      Merci de nous donner un coup de main pour relire les mails syndicaux en ce moment, et merci de les faire modérer à notre place !

      Merci de nous avoir fait l’honneur du titre de zadistes extrémistes !

      Merci d’avoir envoyé vos seconds couteaux briefer les syndicalistes étudiants !

      Merci d’avoir collabourer avec la Préfecture pour compléter le trombinoscope des étudiants !

      Merci d’avoir à de nombreuses reprises cultivé la proximité de nos étudiants avec les forces de « l’ordre » !

      Merci d’avoir familiarisé deux de nos collègues aux instances du conseil disciplinaire !

      Et enfin, nous vous remercions de votre hospitalité envers les exilé.e.s en pleine trêve hivernale !

      Chanson 1 (sur l’air des gilets jaunes) : On est là / On est là ! / Même si Laboux ne veut pas / Nous on est là / Pour l’honneur des enseignants / Et celui des étudiants / … / Pour l’honneur des vacataires / Et pour celui des précaires / ...

      Chanson 2 (sur l’air de « merci patron ») : Merci Laboux merci Laboux / Quel plaisir de travailler avec vous / On est heureux comme des fous / Merci Laboux merci Laboux / Ce que vous faîtes ici-bas / Un jour Vidal vous l’rendra

    • Les enseignants chercheurs et les étudiants de l’UPV disent non à la LPPR !

      https://www.youtube.com/watch?v=5LxnzmXQE6Y&feature=youtu.be

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      Montpellier. Grogne : les universitaires sont en colère contre la loi sur la recherche

      A Montpellier, les chercheurs dénoncent la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) portée par le gouvernement qui, selon eux, condamne la recherche publique.


      https://actu.fr/occitanie/montpellier_34172/montpellier-grogne-universitaires-sont-colere-contre-loi-sur-recherche_31156179

    • #Balance_ton_rapport (photos et vidéos) : tout le monde déteste l’HCERES
      Aujourd’hui 30 janvier 2020, j’ai participé avec une centaine de collègues universitaires, doctorant.e.s et étudiant.e.s, à une action à l’université Paris Diderot en protestation contre la réforme des retraites, les réformes Blanquer (lycées) et le projet de loi de Programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) : toutes ces réformes sont en effet liées par leur caractère systémique, autoritaire (aucun débat n’est possible), et ultra-libéral. Il s’agit de mettre en coupe réglée l’ensemble des services publics au profit du seul marché, en cassant les principes de solidarité et de collégialité de nos métiers. Ces réformes, issues de la radicalisation violente du libéralisme gouvernemental et entrepreneurial, sont toutes profondément injustes et inégalitaires. Elles vont accentuer la précarité et le centralisme bureaucratique partout où elles s’appliqueront. C’est pourquoi nous les refusons toutes en bloc, et c’est aussi pourquoi nous revendiquons non pas l’immobilisme, mais un débat authentique et un renforcement des solidarités et des collégialités contre la mise en concurrence de tous contre tous.

      Lors de cette action interprofessionnelle, il y a eu jonction entre plusieurs cortèges sur l’Avenue de France : université, personnels du rail, enseignant.e.s des lycées et collèges et personnels hospitalier. Enfin, l’action des universitaires et étudiant.e.s s’est terminée devant le bâtiment de l’HCERES (Haut Comité à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur) par un jet symbolique de rapports de recherche et d’évaluation devant la porte fermée à double tour de cette institution.

      Pour celles et ceux pas très au fait du volapuk universitaire, L’HCERES, pour reprendre l’expression ironique de pas mal de collègues quand leur labo ou leur formation est évaluée par cette bureaucratie, c’est les “bœuf carottes” de l’université. Alors que nous passons notre temps à rendre des comptes et à nous évaluer constamment les un.e.s les autres, l’HCERES en rajoute une couche tous les 5 ans, sur la base de critères que nous ne partageons pas et qui n’ont jamais été sérieusement débattus. Et ces évaluations sont fantastiquement chronophages : pour chaque labo ou chaque formation, elles imposent à des dizaines d’universitaires de travailler durant des mois pour justifier de leur métier au lieu de le pratiquer… L’HCERES n’a donc de cesse de nous empêcher de faire notre travail d’enseignant.e.s et de chercheurs par son harcèlement bureaucratique, et par son adhésion aux dogmes de la compétition et de l’autoritarisme managérial.

      En tant que chercheurs et chercheuses, nous savons pourtant que c’est la collaboration et l’auto-organisation qui favorisent la créativité dans la recherche et l’enseignement supérieur. De même que nous savons toutes et tous que ces réformes vont à l’encontre des urgences écologiques et de la préservation de la viabilité de la planète. En effet, comme l’a rappelé récemment le Réseau Thématique “Sociologie de l’environnement et des risques” (RT 38) de l’Association Française de Sociologie, “aucun progrès sur le plan environnemental ne sera efficient sans véritable progrès social“. Et comme le soulignent également les sociologues de l’environnement, on ne peut se satisfaire :

      Ni de la réforme des retraites actuellement induite par les fonds de pension – ce sont les mêmes organisations, tournées vers le profit à court terme, qui détruisent les conditions d’un monde viable.
      Ni de la Loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui entrainerait des régressions sociales importantes et limiterait de fait les contributions pourtant nécessaires des chercheurs.es à l’analyse des enjeux sociaux et environnementaux.

      Fait symptomatique et assez comique, au retour de cette action qui se situait au siège de l’HCERES, pas très loin du bâtiment Olympe de Gouge de l’université Paris Diderot, la présidence de l’université – ou peut-être les services de répression… pardon… de sécurité de l’université – paniquée par la horde de vandales anarcho-punks au couteau entre les dents et au bâton de dynamite entre les mains qu’elle devait fantasmer à notre sujet, avait verrouillé toutes les grilles de l’entrée du bâtiment, et bloquait donc elle-même la circulation des étudiant.e.s et des collègues. En fait, il y avait une majorité de bac + 10, de professeur.e.s et de maitre.sse.s de conférences, de doctorant.e.s et d’étudiant.e.s, dont on sait parfaitement qu’ils et elles ne sont pas des adeptes du cocktail Molotov, mais plutôt de l’argumentation rationnelle et de la bonne vieille disputatio. Mais dans l’université de Paris 2.0, très “disruptive”, “communicante”, “inclusive” et “win-win”, il n’est pas question d’argumenter avec les enseignant.e.s et les étudiant.e.s : on bloque les accès de manière autoritaire et on appelle la sécurité. C’est lamentable, et ça en dit long sur les conceptions de la démocratie qui sévissent au sein de la présidence de cette université qui devient un lieu d’internement dès qu’un débat pourrait se mettre en place. Il est temps de dégager ces pompeux cornichons !

      Mais assez de texte ! Voici les photos de cette après-midi festive et mobilisée. Cliquez sur les images pour accéder à la visionneuse plein écran. Plus bas, vous avez une vidéo du lancer de rapports :


      http://igorbabou.fr/balance-ton-rapport-tout-le-monde-deteste-lhceres

    • Marche ou Grève #25 : Université, la rébellion face au désastre qui vient

      Dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites, un mouvement se massifie dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche contre des mesures annoncées par le gouvernement (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche) qui amplifieront encore la précarité déjà existante.

      Depuis décembre, des étudiant-e-s et des personnels se mobilisent par la grève ou la suspension de leurs activités et l’implication dans des manifestations et des actions diverses. La table ronde d’aujourd’hui vise à appréhender l’ensemble des enjeux de cette mobilisation avec des représentant-e-s des différents acteurs des facs et des labos en lutte tandis qu’une coordination nationale des universités se tiendra ce week-end.

      https://www.lemediatv.fr/emissions/marche-ou-greve/marche-ou-greve-25-universite-la-rebellion-face-au-desastre-qui-vient-TRLc

    • #Précaires de l’enseignement et de la recherche : on ne soutient pas la grève, on la fait ou on l’empêche

      Un collectif de précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche en Île-de-France, mobilisé·es depuis plusieurs semaines contre la réforme des retraites, appelle à « la prise de risques pour sauver l’Université publique ». Il propose notamment aux enseignant·es titulaires un nouveau moyen d’action, en les appelant à « une démission collective des fonctions administratives ».

      Ces derniers jours, différents médias, dont Mediapart, ont relayé plusieurs textes relatifs à la mobilisation en cours dans notre secteur, qui nous ont interpellé·es. Nous sommes un collectif de précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en Île-de-France, mobilisé·es depuis plusieurs semaines pour protester tant contre la réforme des retraites que contre les transformations promises à l’Université par le gouvernement actuel. Faisant ici particulièrement référence à la loi pluriannuelle de programmation de la recherche (LPPR) annoncée, nous n’en oublions pas pour autant les différentes mesures mises en place depuis plusieurs années, visant à réduire les possibilités ouvertes aux chercheur·euses de produire et de diffuser le savoir. Force est de constater que l’accumulation rapide de réformes structurelles réduisent et réduiront encore comme peau de chagrin tant la qualité des travaux de recherche en France que les enseignements dispensés aux étudiant·es. Le cocktail des réformes s’avère ainsi particulièrement brutal, teinté de mépris et deviendra sans aucun doute explosif si ces dernières aboutissent. Si les revendications du secteur de l’ESR gagnent en visibilité, certains points brillent par leur absence, en témoignent les nombreuses tribunes de titulaires qui passent sous silence nos conditions de travail et nos luttes.

      Nous sommes d’abord touché·es par l’invisibilisation voire, parfois, la déconsidération des précaires de l’ESR qui affleurent dans différents articles publiés, en dépit de nos nombreux comptes-rendus d’assemblées générales et communiqués largement relayés, notamment via le site de l’Université ouverte[1]. La condition spécifique des précaires de l’ESR, résultat de politiques néolibérales engagées depuis au moins une quinzaine d’années, est pourtant au cœur de ce qui devrait constituer le refus de ces réformes. Les précaires constituent par ailleurs une masse de travailleurs·ses non négligeable[2] qui participent à l’effort de production intellectuelle et d’enseignement en France. Ces « oublis » renforcent une représentation tronquée de l’Université, où notre travail de fourmi, nécessaire, est passé sous silence : tout comme nous corrigeons l’immense majorité des partiels, réalisons la quasi-totalité des heures de travaux dirigés ou assurons une part cruciale de l’administration universitaire, nous — et en particulier des femmes — sommes des piliers de la mobilisation actuelle, dans ses différents foyers, où nous peinons à mobiliser nos pairs titulaires. Ces textes reflètent la négation tant de notre existence en tant que collectif faisant partie intégrante de la « communauté universitaire », que de notre nécessaire voix pour mobiliser en son sein.

      Jusqu’ici, nous avons soit été englobé·es dans un groupe admonesté sur un ton paternaliste quant aux modalités de sa mobilisation, soit réduits à une marge d’« excité·es ». Nous appelons au contraire la communauté universitaire à se saisir de l’opportunité de cette mobilisation pour remettre en cause les rapports de domination qui la gouvernent.

      Cette invisibilisation des précaires comme groupe et acteur important des mobilisations actuelles se répercute dans la critique politique. Nous ne contredisons pas les collègues concernant la nécessité d’être inventif dans la lutte ni sur le diagnostic d’un manque d’indépendance de l’Université et d’une aggravation de la situation avec les réformes promises. Mais ces dernier·es écartent trop souvent toute une autre série de problèmes : les transformations à venir de l’Université vont également renforcer des logiques de précarisation[3]. Notoirement, l’accès à un poste pérenne dans l’ESR arrive en moyenne à l’âge de 34 ans, soit 10 ans environ après le début d’une thèse. La mise en place d’un dispositif de « tenure track » — directement importé du modèle américain, ou, plus concrètement, un CDD de 6 ans post-thèse avant l’obtention d’un poste — allongera sans aucun doute la durée de carrières déjà longues et chaotiques. Faut-il rappeler que les précaires de l’ESR réalisent la même variété d’activités que leurs collègues titulaires[4], dans des conditions d’incertitude autrement plus difficiles ?

      L’enjeu de la titularisation colonise nos intimités : comment prendre du repos quand il faut publier sans cesse pour espérer être recruté·e ? Est-il acceptable de devoir attendre la quarantaine pour savoir si et où l’on va pouvoir s’installer ? Comment travailler sereinement, quand les vacations — des charges administratives ou d’enseignement ponctuelles — sont payées avec des mois, voire une année de retard, et parfois assurées sans même qu’un contrat de travail n’ait été signé ? Comment survivre tandis que du travail gratuit nous est de plus en plus fréquemment extorqué, alors qu’entre corrections et préparations de cours nous touchons en majorité moins qu’un SMIC horaire ? Nous n’acceptons plus d’être réduit·es à des pions interchangeables, à une main-d’œuvre anonyme et corvéable à merci. De telles conditions de travail dans un secteur désinvesti par les financements publics conduisent à considérer les non-titulaires de l’ESR comme des objets — y compris sexuels, comme le prouvent tristement les nombreuses révélations de viols et d’agressions sexuelles à l’encontre d’étudiant·es et de doctorant·es[5]. Pour autant, et en dépit des conditions objectives de travail qui nous atomisent (rares sont les précaires d’Île-de-France qui ont accès à un bureau) et nous placent dans un système de féroce compétition pour l’obtention d’un poste pérenne, nous parvenons à (nous) mobiliser, et nous attendons, sans tomber dans le corporatisme, un soutien effectif et bienveillant de la part de nos pairs titulaires et par-là bien mieux protégé·es.

      Nous rappelons que nous sommes en grève et appelons à l’arrêt total des activités administratives, d’enseignement et de recherche. On ne « soutient » pas la grève : on la fait ou on l’empêche. Ce mode d’action est prioritaire : la grève réaffirme notre statut de travailleurs·ses, et signifie à nos collègues, aux étudiant·es et à l’ensemble de la société civile que l’université publique et la recherche émancipée des intérêts privés ne peuvent exister sans nous. La grève est utile : elle dégage le temps nécessaire pour intervenir dans les universités ouvertes, dans la construction de solidarités entre établissements et dans le blocage des autres secteurs au travers de coordinations interprofessionnelles. Par ailleurs, elle politise nos universités, en suscitant des interactions avec et entre nos étudiant·es et permet de rendre compte des conditions indignes de travail et de rémunération dans lesquelles nous enseignons, ainsi que des conséquences à très court terme des réformes en cours. Du fait de notre position dominée, nous sommes au contact direct des étudiant·es les plus fragiles, et ne pouvons que constater qu’il serait indécent de continuer à travailler eu égard à cette précarité étudiante, qui, aujourd’hui, s’avère mortelle, comme en témoigne la triste actualité d’un étudiant lyonnais qui s’est immolé par le feu devant le siège du Crous. Nous côtoyons quotidiennement les premières victimes d’une destruction accélérée de l’Université publique, mais aussi du système de solidarité français.

      Afin de nous montrer un réel soutien, nous proposons aux enseignant·es titulaires un nouveau moyen d’action, en les appelant à une démission collective des fonctions administratives. À l’instar des hospitaliers, il est temps pour les enseignant·es-chercheurs·ses de se mobiliser à la hauteur de l’urgence. Il est désormais l’heure pour ces enseignants·es de prouver leur solidarité avec l’ensemble des personnels de l’ESR, de considérer leur position privilégiée et d’assumer pleinement les responsabilités qu’une telle position implique. La prise de risques pour sauver l’Université publique et gratuite ne peut incomber uniquement aux étudiant·es, privé.es de formation diplômante, et aux précaires.

      En bref, nous ne sommes ni angoissé·es ni excité·es. Nous sommes déterminé·es et en colère. La revendication d’un plan de création massif de postes de titulaires (BIATSS, ITA, enseignant·e·s-chercheur·ses) constitue notre revendication centrale et doit devenir celle de l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne nous battrons pas pour d’autres revendications tant que celle-ci ne sera pas satisfaite. Nous exigeons de l’ensemble des titulaires qu’ils et elles nous rejoignent dans la grève des activités administratives, pédagogiques et scientifiques. Nous n’organiserons pas les diplômes, nous refuserons de prendre des postes de vacataires, nous ne ferons pas la rentrée. Nous appelons à ce titre l’ensemble des acteurs·trices de l’enseignement supérieur et de la recherche à nous rejoindre massivement dans l’effort de grève. Nous enjoignons également tous·tes les étudiant.es à rejoindre cette mobilisation, en participant aux assemblées générales, en renforçant les piquets de grève, en grossissant les rangs des manifestant.es, pour des conditions de travail et d’étude décentes, pour une université gratuite et ouverte à toutes et tous. Soyons collectivement à la hauteur des enjeux : il en va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’Université publique.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/300120/precaires-de-l-enseignement-et-de-la-recherche-ne-soutient-pas-la-gr

    • L’université a besoin du soutien des #parents

      A vous, parents de nos étudiant·e·s,
      A vous, à nous tou·te·s mères, pères de tous nos enfants et de tous nos jeunes,
      A vous, à nous, adultes qui participons à faire grandir et à former les jeunes

      Partout en France, dans les universités et les équipes de recherche, enseignant·e·schercheur·e·s, doctorant·e·s, jeunes chercheur·e·s et étudiant·e·s se mobilisent contre le projet
      de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).

      D’autres mobilisations ont lieu en même temps dans les secteur éducatif et culturel et dans les hôpitaux. Et des millions de voix s’élèvent depuis plusieurs mois contre la réforme des retraites.
      Les institutions du service public en charge de la transmission, du soin et du souci des autres, celles qui sont au service des plus jeunes, des plus âgés, ou des plus vulnérables, sont en
      colère : elles connaissent depuis plusieurs années une dégradation du service qu’elles sont censées rendre, à cause d’un #sous-financement chronique que les réformes actuelles,
      conduites au nom de #mesures_d'économies, de la #compétitivité, et de l’#optimisation vont
      accentuer.

      Pourquoi ce mouvement contre la « LPPR » ? Et pourquoi est-il essentiel de partager avec vous les raisons de cette mobilisation ?

      Une mise en cause obstinée de la mission de partage et de transmission aux plus jeunes par un sous-financement chronique et organisé de l’université publique

      Comme le souligne le site Sauvons l’université , une loi de Programmation 1 Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) serait en principe une bonne chose, s’il s’agissait d’un engagement
      financier de l’État sur plusieurs années. La France en a besoin : la recherche publique et l’enseignement des savoirs issus de la recherche sont des activités vitales pour les pays et les
      sociétés humaines.

      Or depuis quinze ans, et particulièrement depuis le vote en 2007 de loi dite « Responsabilité et autonomies des universités » (LRU) dont les effets délétères avaient pourtant été annoncés,
      les postes à l’université ont énormément diminué, alors que les étudiant·e·s sont de plus en plus nombreux et nombreuses. Cela a entraîné une dégradation des conditions d’apprentissage et de travail à l’université que vos enfants, les jeunes de ce pays, subissent, à nos côtés : locaux vétustes et parfois peu ou mal chauffés, intervenants peu ou pas payés et précarisés, difficultés croissantes à mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques originales et créatives en dépit du terme trompeur d’« autonomie » des universités, qualité de l’encadrement fragilisée, etc.
      Malgré un engagement de tous les jours auprès des étudiants, nous avons de plus en plus
      de difficultés à faire dignement notre métier d’enseignant.
      Cette dégradation s’est accompagnée de la mise en place d’un système de #sélection et d’orientation ubuesque, et que vous connaissez toutes et tous : la plateforme #Parcoursup. Vous
      et vos enfants êtes désormais pris dans un véritable parcours du « combattant » (figure valorisée par un pouvoir obsédé par la compétition), qui ne garantit pas aux étudiant·e·s de
      s’engager sereinement et intelligemment dans des études qui les mèneront à leur vie professionnelle. De leur côté, les enseignant·e·s-chercheur·e·s se retrouvent chaque année
      dans la situation absurde d’être obligés de « trier » des dossiers sans véritables critères justes.

      Au nom d’évidences indiscutables pour le pouvoir, et pourtant choquantes, il semble impossible d’accueillir plus d’étudiant·e·s. On nous dit qu’il faut faire barrage à ceux qui « n’y auraient pas leur place ». Pourquoi une conquête des politiques éducatives des années 1980 (amener 80% d’une classe d’âge au baccalauréat) est-elle devenue aujourd’hui pour les hommes et les femmes politiques une sorte de scandale irréaliste ? Pourquoi des politiques publiques pensées et mises en oeuvre après la seconde guerre mondiale, dans des conditions difficiles dans un pays appauvri et qui ont permis l’accès de la population et notamment des plus jeunes à la santé, à la justice, à l’enseignement et la formation, deviennent-elles soudain impensables et déraisonnables ? Pourquoi enfin l’une des premières puissances économiques mondiales, qui a été capable d’injecter en quelques jours des milliards dans son système bancaire quand celui-ci était en
      difficulté, qui a pu dégager des milliards de crédits d’impôts au bénéfice des entreprises, rechigne-elle tant désormais à utiliser sa richesse pour sa jeunesse, en finançant comme il se
      doit ses universités et ses institutions éducatives et culturelles ?
      Le #mépris dans lequel le pouvoir actuel tient l’université publique, et ce faisant une partie de nos jeunes, est extraordinairement choquant. Il est intolérable car il signifie que nous ne faisons plus société collectivement, et que nous sommes prêt·e·s à spolier certain·e·s au bénéfice d’une petite partie. Une grande part de la richesse publique est dissipée dans des crédits d’impôts qui ne servent plus fondamentalement les besoins essentiels des populations.
      Et l’accroissement des inégalités et les gains indécents des actionnaires sont devenus tels que des hauts fonctionnaires, des cadres, et certains millionnaires en viennent à soutenir les
      mobilisations en cours, refusant d’être les bénéficiaires de politiques qui se font au prix du mensonge et de l’indignité.

      Les diagnostics des « experts » et le projet de réforme : ce qui ne va pas du tout !

      Les experts qui sont à l’origine du projet de réforme font un diagnostic que les enseignant·e·s-chercheur·e·s partagent en partie : la recherche manque d’argent, et les enseignant·e·s-chercheur·e·s sont mal payé·e·s. Ils ajoutent à cela un discours inquiétant, voire décliniste, sur la position de la recherche française et des universités à l’international, parlant « d’#urgence à agir » et de lutte contre « le #décrochage_scientifique ». Une telle situation exige à leurs yeux la refonte de fond en comble de la recherche et des universités, en conditionnant les financements à des logiques productivistes, de compétition, et en obéissant à des principes « managériaux » permettant de « piloter » la recherche d’en haut, via de grands projets aux thématiques imposées.

      Pourquoi sommes-nous opposé.e.s à leurs propositions ?

      Contre les logiques productivistes et de compétition à tout va

      Les auteurs d’une tribune récente dans Le Monde rappellent les résultats indiscutables de l’évaluation statistique des politiques publiques : la quantité de publications scientifiques est proportionnelle à l’argent investi dans la recherche, elle est pratiquement insensible aux réformes structurelles. Or pendant les quinze dernières années, l’effort financier s’est concentré sur une niche fiscale, le crédit d’impôt recherche, destinée à contourner l’interdiction européenne des aides publiques directes aux entreprises. L’évaluation officielle qui en a été faite montre que même son effet sur l’investissement privé est négatif. On
      appauvrit pour rien l’institution publique universitaire.

      Nous savons par ailleurs que la logique productiviste et la compétition forcenée sont destructrices des coopérations, des collectifs et des individus, et n’ont plus de sens face à l’imminence des transformations environnementales massives qui impacteront vos enfants, nos enfants.

      Nous ne cessons de lire et d’entendre que les mesures d’économies se font pour ne pas léguer des dettes aux générations futures. Mais nous privons la recherche et l’enseignement des moyens de s’adapter aux priorités vitales, de créer, et d’expérimenter dans un monde abimé qui doit rester habitable et riche d’avenirs possibles pour notre jeunesse. La recherche, réduite à la vision qui inspire le projet de réforme, aveugle et enferme plus qu’elle n’éclaire et émancipe.

      Contre la logique managériale et le « #pilotage » d’en haut

      Nous l’avons dit : non seulement l’Etat ne donne pas les moyens aux enseignant·e·scherheur·e·s de mener à bien leurs missions de service public, mais il les pointe du doigt, dénonçant leur manque de productivité et de compétitivité.

      Nous tenons d’abord à dénoncer le procédé qui est désormais bien connu et qui s’applique aussi à l’hôpital : les institutions sont entravées, les dysfonctionnements sont dénoncés, et les entreprises privées désignées comme étant plus efficaces. Une telle attitude repose sur une foi déraisonnable dans les vertus d’un management particulièrement virulent quand il s’agit de « transformer » une organisation, toute opposition étant qualifiée de « résistance au changement ». C’est ce qui s’est passé à #France_Télécom, avec les effets humains désastreux que vous connaissez. Nous refusons cette situation dans laquelle nous sommes placé·e·s, et tenons à affirmer que nous « ne résistons pas au changement » comme il est courant d’entendre dire. Nous résistons à ce changement et, en dépit de toutes les difficultés, ce que nous voulons c’est une université ouverte à l’ensemble des étudiant·e·s, autonome, gratuite et
      où l’#esprit_critique se cultive ; une université où les étudiant.e.s se forment à un métier et trouvent ainsi leur place dans la société, où ils et elles peuvent aussi transformer celle-ci à partir de leurs aspirations ; une université où l’on apprend à observer et à analyser le monde et à faire en sorte qu’il soit habitable et qu’il le redevienne pour celles et ceux qui en sont exclu·e·s ; une université, enfin, qui rayonne.

      Les rapports préparatoires à la loi proposent pour leur part un management de la recherche sur projets, ceux-ci décidés « en haut », participant d’une concentration du pouvoir au niveau de l’État que l’on observe dans de nombreux domaines depuis plusieurs années. Mais là encore, si notre gouvernement souhaite une recherche puissante, il doit laisser aux chercheur·e·s de
      l’autonomie et de la liberté, une autonomie et une liberté que le monde académique encadre lui-même puisque nous ne cessons d’évaluer les travaux de nos confrères et consoeurs, et d’être évalué.e.s par eux et elles.

      Et nos étudiant·e·s dans tout ça ? Et l’enseignement ? Les grands absents… à moins que…

      Les rapports préparatoires à la loi ne se préoccupent nullement de la qualité de l’enseignement délivré aux étudiant·e·s. Cela semble indifférent aux experts qui les ont préparés, obnubilés par la productivité et la compétition internationale où seule la recherche compterait.

      Pire encore, un élément important de la réforme trahit une indifférence à la jeunesse : alors que les universitaires sont à la fois chercheurs et enseignants, et qu’ils et elles ne conçoivent pas de séparation entre ces deux activités, la réforme prévoit d’alourdir les charges d’enseignements de certain·e·s, l’enseignement devenant une sorte de #punition, pour permettre aux « meilleur·e·s » de se consacrer à leurs recherches. C’est là une vision de
      l’enseignement qui nous scandalise, et qui trahit une méconnaissance totale de ce qui fait la force et la spécificité de l’université : l’imbrication étroite de la recherche et de l’enseignement qui permet d’enseigner des savoirs régulièrement mis à jour, et non des connaissances statiques, périmées ou figées dans des programmes édictés par des bureaucrates.

      Enfin, nous sommes en droit de nous demander si cette réforme, qui risque d’accentuer et d’encourager un monde universitaire à plusieurs vitesses, ne mènera pas au développement de formations universitaires payantes (plus ou moins chères selon le rang de l’université) et au développement du crédit aux étudiants.

      Réfléchir et assumer ce que nous voulons collectivement pour notre jeunesse
      Alors, que souhaitons-nous pour l’université ? Nos propositions, constamment réitérées et jamais entendues par le gouvernement, nous voulons les partager avec vous, car nous avons l’espoir que nous pouvons tous et toutes agir en tant que parents de l’ensemble de la jeunesse.

      Signalons pour commencer que tout n’a pas à être détruit dans notre système : en dépit d’un discours de dévalorisation permanente de l’ensemble du système éducatif et universitaire français, fondé sur la conviction idéologique absurde qu’un secteur public non compétitif ne peut être de même niveau qu’un secteur soumis à la concurrence, le modèle universitaire français continue de fonctionner et d’attirer des jeunes du monde entier. De nombreux collègues et étudiants de pays supposés être « en avance » dans la réforme nous demandent de résister au démantèlement de notre espace universitaire qui reste ouvert, même s’il a été profondément altéré depuis 15 ans. Il conserve encore des potentialités de régénération que nous avons le devoir de maintenir :

      1. L’université accueille et doit continuer d’accueillir un public nombreux, aux caractéristiques socio-culturelles diverses. Il s’agit d’un service public d’enseignement ouvert à toutes et tous, et gratuit et nous devons absolument aller vers un accès encore plus ouvert même si des formations ou filières sont plus sélectives que d’autres. L’université soit s’enrichir de la diversité sociale et culturelle, et non courir le risque de s’aligner sur la médiocrité déjà souvent constatée d’une « élite » sociale internationale insensible, peu créative, et nourrie par les idéologies du management et par des clichés dépassés sur les
      sociétés et sur l’environnement. Nous souhaitons préserver les valeurs d’un service public ouvert à toutes et tous, combattant les inégalités au lieu de les exacerber.

      2. L’université doit être pensée à l’échelle des générations et non par rapport à des impératifs du seul marché. Aligner la définition des thématiques prioritaires à l’agenda industriel - notamment celui des industries américaines du Web qui posent de graves problèmes juridiques, éthiques, environnementaux - ne permet pas à la recherche d’être en phase avec ce qui se passe. La recherche ne peut pas se donner les moyens d’appréhender la société actuelle si elle est financée par des gens qui ne considèrent qu’une infime de partie de
      cette société. L’université transmet des savoirs sur le long terme qui ne se laissent pas réduire à des statistiques de réussite. Les étudiant·e·s en ressentent les bénéfices parfois des années après avoir reçu leur diplôme et après avoir intégré le monde professionnel.

      3. L’université est un lieu d’émancipation. La société doit se nourrir des aspirations de sa jeunesse et non lui demander de sacrifier celles-ci. Pour cela, l’université doit se réformer, surtout pas dans le sens d’un accroissement de la hiérarchie et de la bureaucratie managériale, mais dans le sens d’un accroissement des libertés d’expérimenter, car la pensée ne peut pas engendrer de nouvelles idées lorsqu’elle se trouve prise dans des carcans normatifs et idéologiques.

      4. Les études universitaires sont un temps de découverte, d’ouverture sur le savoir et, plus largement, sur le monde, qui devrait bénéficier à toutes et tous : à celles et ceux qui font des études, à celles et ceux qui contribuent à la production des savoirs, à celles et ceux qui comptent sur les savoirs. Ce que nous reconnaissons être essentiel pour les plus jeunes enfants vaut pour l’ensemble des étapes de la vie. Nous savons tous, en tant que parents et
      enseignants que le renforcement des inégalités par la mise en concurrence permanente ne donne rien de bon. C’est une volonté commune d’aller vers la #coopération qui est à la base de nos efforts éducatifs Or, face aux crises que nous vivons, il est temps de prendre au sérieux, enfin, la coopération, trop souvent reléguée au monde domestique ou non productif.

      5. Les universités sont ancrées dans des territoires. Elles dépendent non seulement des activités des enseignant·e·s, des chercheur·e·s et des étudiant·e·s mais aussi de dizaines, de centaines, des milliers de personnes qui y interviennent : enseignant·e·s vacataires, ingénieur·e·s, technicien·ne·s, et personnels administratif, dont certains sont mal payés, et parfois même ne sont pas payés. Ces personnels sont celles et ceux qui accueillent, nettoient,
      réparent, entretiennent nos établissements publics. Il y a également celles et ceux qui, par dizaines, par centaines, par milliers, aident d’une manière ou d’une autre à la production des savoirs publics et à leur diffusion, et contribuent aux milliers d’enquêtes, à des productions culturelles, à la transmission, à des expérimentations pédagogiques. Nous souhaitons que ces contributions, ces liens, ces partages, soient reconnus, et qu’ils soient structurants : ces liens et partages sont masqués au profit d’une représentation tronquée de la recherche et de l’université, comme étant uniquement affaire de spécialistes.

      Chers membres de la communauté des parents, chers adultes, nous sommes collectivement responsables des enfants et des jeunes. Les universités peuvent vous sembler lointaines, elles peuvent vous sembler complexes, mais elles sont essentielles pour l’avenir de nos jeunes et elles sont publiques. Merci de les aider. Ne laissons pas la politique actuelle devenir une machine à désespérer et à dépouiller les générations futures de l’intérêt général du service public. Soutenez la mobilisation des universités, soutenez la mobilisation de l’ensemble du
      système éducatif, soutenez la mobilisation de toutes les institutions de service public : éducation, recherche, culture, santé, soin, justice. Nous en avons hérité collectivement, nous devons les transmettre. Manifestez avec nous, rejoignez les mouvements de parents en soutien aux enseignants et à leurs enfants mobilisés. Ecrivez à vos élus, prenez la parole et la plume pour défendre une université et une recherche au service de l’intérêt général, pour défendre plus largement tout ce que nous devons transmettre à nos jeunes : sans vous, sans le soutien du public, cet héritage disparaîtra.

      Le 29 janvier 2020,
      Douze enseignants-chercheurs (Cergy, Université Polytechnique des Hauts de France, Lille,
      Paris-Diderot, Paris 13, Sorbonne Université - CELSA & INSPé, Paris 8, Sorbonne Nouvelle-
      Paris 3).

      https://aoc.media/opinion/2020/02/03/luniversite-a-besoin-du-soutien-des-parents
      https://aoc.media/opinion/2020/02/03/luniversite-a-besoin-du-soutien-des-parents

    • Motion de la coordination des facs et Labos en lutte - 2 février 2020

      Calendrier voté en AG :
      – 5 février : journée d’anniversaire de la mobilisation + journée de la fonction publique
      – 6 février : journée interpro
      – 11 février : journée de mobilisation sur la précarité (a l’appel des précaires)
      – 17 février : journée interpro
      Entre le 17 février et le 5 mars : mobilisations sur toutes les journées interpro
      – 5 mars : première journée "l’université et la recherche s’arrêtent"
      – 6 et 7 mars : coordination nationale
      – 8 mars : des cortèges ESR dans les mobilisations et les grèves féministes

      La coordination nationale des facs et labos en lutte réunie les 1er et 2 février 2020 à Saint-Denis, aux côtés d’autres secteurs en lutte, a rassemblé plus de 750 étudiant·es, enseignant·es et/ou chercheur·es appartenant à 82 disciplines, ingénieur·es, membres des personnels administratifs, techniques, sociaux, de santé et des bibliothèques (BIAT.O.SS, IT.A), précaires ou titulaires, venu·es de nombreux établissements d’Île-de-France et de 33 autres agglomérations, ainsi que de 5 pays étrangers.

      Dans la continuité du mouvement interprofessionnel initié le 5 décembre, la coordination appelle à la grève contre la casse des retraites, la réforme de l’assurance chômage, la sélection à l’université (ParcourSup), l’augmentation des frais d’inscription et en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (Bienvenue en France), la réforme de formation des enseignant·es, et le projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), qui, dans l’esprit de la Loi de Transformation de la Fonction Publique de 2019, va achever la destruction du service public de l’enseignement et de la recherche. Nous savons que ces logiques néolibérales ne sont pas propres à notre secteur. Elles frappent avec violence tous les secteurs publics et s’intensifient dans les secteurs privés : mise en concurrence systématique, sur-travail et travail gratuit, dérives managériale et autoritaire, perte de sens du métier et de son utilité sociale, maltraitance et souffrances des agent·es comme des usager·es, course à la rentabilité, recul de la solidarité, précarisation, bureaucratisation, répression, division internationale inégalitaire du travail scientifique, discrimination selon le genre, la classe, la race, le handicap, la nationalité, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, etc. La précarité structurelle et la dégradation des conditions de travail, d’étude et de vie, qui touchent les acteurs et actrices du privé comme du public, affectent d’ores et déjà le monde universitaire.

      En effet, l’université et la recherche reposent aujourd’hui sur le travail gratuit, l’exploitation et l’invisibilisation d’un ensemble de travailleur·ses : membres du personnel d’entretien, de sécurité, de restauration, dont les tâches sont massivement sous-traitées ; membres du personnel technique et administratif ; soignant·es et travailleur·ses sociales·aux ; étudiant·es ; doctorant·es et post-doctorant·es, vacataires d’enseignement et de recherche. Ici comme ailleurs, cette précarité, qui touche prioritairement et plus durement les personnes appartenant à des groupes discriminés, peut se traduire par le mal-logement et la malnutrition, le manque d’accès aux soins et aux produits de première nécessité, la mobilité forcée, des souffrances psychiques (burn out, dépression, anxiété, etc.).

      Malgré les déclarations d’intention, cet ensemble de réformes n’offre aucune solution à cette précarité généralisée mais, bien au contraire, l’aggrave. La réforme des retraites, dans un milieu marqué par des carrières tardives et hachées, viendrait prolonger ces situations de précarité après l’arrêt de l’emploi. Avec la réforme de l’assurance-chômage, qui cible les contrats courts, les précaires de l’enseignement et de la recherche voient leur situation s’aggraver. La Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) en préparation dégraderait les statuts et les conditions de travail (CDI-chantier, tenure track, généralisation du financement sur appel à projets…). La sélection à l’entrée et l’augmentation des frais d’inscription à l’université détérioreraient encore davantage les conditions d’étude et de vie des étudiant·es, en particulier étrangèr·es.

      Contre cette vision néolibérale et autoritaire, contre la marchandisation des savoirs, nous voulons un véritable service public d’enseignement et de recherche, intégré à une éducation publique de qualité de la maternelle à l’université, financé à la hauteur de ses besoins grâce à un plan d’investissement massif jusqu’à 1% du PIB pour la recherche publique. Contre la prolifération des emplois précaires, nous voulons un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires. Contre la précarité étudiante, nous voulons la mise en place d’un salaire étudiant. Contre l’extractivisme scientifique et la colonialité de la recherche et de l’enseignement, nous voulons des relations scientifiques et universitaires fondées sur le partage et la co-construction des savoirs ainsi que sur la libre circulation des personnes. Contre la compétition généralisée, les logiques d’exclusion et de discrimination, nous voulons une université ouverte à tout·es, fondée sur la coopération, productrice d’émancipation collective et de justice sociale.

      Jusqu’au retrait de l’ensemble de ces réformes, nous continuerons la lutte aux côtés de nombreux autres secteurs, en nous mobilisant au sein de l’enseignement et de la recherche, comme dans les actions interprofessionnelles. Nous condamnons absolument les violences policières et la répression qui s’abattent sur les mouvements sociaux, comme elles frappent déjà constamment les personnes les plus précarisées et les plus discriminées. Face à l’obstination et à la violence du gouvernement, nous appelons à poursuivre et étendre la grève reconductible dans l’enseignement et la recherche !

      Cette motion est adoptée à l’unanimité des votant·es, avec trois abstentions.

      La coordination nationale appelle à la tenue d’assemblées générales locales (de laboratoires, de départements, d’UFR et d’universités ; de catégories d’usager·es et de travailleur·ses) afin d’organiser la grève notamment grâce aux modalités d’action suivantes.

      Voici la liste des différentes propositions d’action issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
      Mise en place d’une grève réelle et effective :

      – Bloquer et dénoncer toutes les sanctions pédagogiques et disciplinaires ainsi que les pressions hiérarchiques contre les lycéen·nes, étudiant·es et travailleur·ses mobilisé·es.
      – Mettre fin aux heures complémentaires pour tou·tes les travailleur·ses titulaires.
      – Se réunir en rencontres inter-catégorielles, inter-disciplinaires, inter-composantes, inter-labos pour discuter de la mobilisation.
      – Appeler les travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche titulaires à :
      ne plus donner cours pour libérer à tou·tes du temps pour la mobilisation
      refuser d’organiser les partiels en modifiant si nécessaire les règles de contrôle des connaissances.
      pratiquer la rétention des notes et cesser toute forme d’évaluation.
      cesser la remontée des maquettes.
      refuser de participer aux jurys semestriels.
      cesser toute activité de recherche (terrains, expériences, traitements de données, rédactions…).
      interrompre l’activité des revues scientifiques.
      annuler l’organisation ou la participation à tous les événements et réunions scientifiques.
      suspendre jusqu’à nouvel ordre tout appel à communication ou à contribution.
      n’assurer le travail d’encadrement de la recherche qu’en réponse à des demandes explicites des étudiant·es ou des doctorant·es concerné·es.
      refuser de recruter des vacataires pour la prochaine rentrée.
      refuser tout contrat LRU, CDI chantier, contrat trop court et vacations abusives ; exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme.
      participer à l’alimentation des caisses de grève, notamment en reversant des jours de salaire lorsqu’ils ne sont pas prélevés.
      bloquer ParcourSup.
      refuser de participer aux corrections et aux jurys du baccalauréat et de tous les concours de l’Éducation Nationale.
      arrêter de gérer les contrats.
      boycotter et démissionner des systèmes d’évaluation (HCERES, ANR, etc.).
      démissionner des responsabilités collectives.
      Actions de pression et de visibilisation :

      – Envoyer massivement des articles aléatoires aux revues prédatrices.
      – Fabriquer un mini-mémo avec les droits et l’explication des réformes.
      – Faire des séances de mobilisation avec les étudiant·es.
      – Faire signer un contrat d’engagement individuel à tout arrêter.
      – Signer les publications « Université publique » ou « Service public de l’enseignement et de la recherche ».
      – Facturer le temps de travail pour l’ANR et l’envoyer à l’ANR.
      Pour une mobilisation interprofessionnelle :

      – Organiser et animer des universités ouvertes et populaires permanentes.
      – Rejoindre et participer activement aux actions interprofessionnelles.
      Pour une mobilisation inclusive et solidaire :

      – Mener des actions juridiques et solidaires des travailleur·ses et étudiant·es étrangèr·es de l’enseignement et de la recherche.
      – Mener des actions juridiques et solidaires des réprimé·es du mouvement social.
      – S’opposer aux contrôles des titres de séjours des étudiant·es dans les universités.
      – Dénoncer toutes les discriminations dans les procédures de recrutement en France.

      La coordination nationale appelle également à ce que les assemblées générales locales se prononcent collectivement sur les revendications suivantes pour mandater sur ces points des délégué·es à la prochaine coordination nationale des Facs et Labos en Lutte qui se tiendra les 6 et 7 mars 2020.

      Voici la liste des différentes propositions de revendications issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
      Le retrait des réformes et des projets de réforme suivants :

      – Réforme des retraites.
      – Réforme de l’assurance chômage.
      – Sélection à l’université (ParcourSup).
      – Augmentation des frais d’inscription, en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »).
      – Projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR).
      – Loi de Transformation de la Fonction Publique.
      – Réforme de la formation des enseignant·es.
      Pour un monde de la recherche et une université égalitaires et non-discriminantes :

      – Mettre un terme aux discriminations dans les recrutements et instaurer l’égalité dans les rémunérations et les responsabilités.
      – Abroger les critères de nationalité dans l’accès aux études, aux postes et aux financements.
      – Garantir à tou·tes les étudiant·es étrangèr·es le droit d’étudier en sécurité administrative et juridique (renouvellement du titre de séjour pendant toute la durée des études).
      – Garantir à tou·tes les chercheur·ses étrangèr·es un visa.
      – Imposer le respect effectif du droit à utiliser un prénom d’usage.
      – Développer les programmes d’accueil des étudiant·es et chercheur·ses en danger dans leurs pays de résidence.
      – Avoir dans toutes les instances de décision des représentant·es de tou·tes les membres de l’enseignement et de la recherche (précaires, étudiant·es, etc.).
      – Appliquer des sanctions réelles contre les personnes coupables de harcèlement sexuel et/ou moral.
      – Mettre en place des crèches gratuites dans les universités et les établissements de recherche.
      – Recruter des soignant·es et des travailleur·ses sociales·aux.
      Pour l’amélioration des conditions de travail et d’étude dans l’enseignement et la recherche :

      – Une université gratuite pour tou·tes et ouverte à tou·tes.
      – Le respect du droit du travail.
      – La rémunération de toutes les activités invisibles effectuées par les travailleur·ses administratif·ves, techniques et ingénieur·es (BIAT.O.SS et ITA), les enseignant·es et/ou chercheur·ses non-titulaires, les étudiant·es.
      – La revalorisation immédiate des bourses étudiant·es et la mise en place d’un salaire étudiant pour toutes et tous.
      – L’arrêt de la sous-traitance et la réintégration des services externalisés dans nos établissements.
      – La revalorisation des grilles de salaires de toutes les catégories de travailleur·ses et l’augmentation du point d’indice (gelé depuis 10 ans avec un retard de 17%).
      – L’alignement immédiat des salaires des non-titulaires sur ceux des statutaires.
      – Un plan massif de recrutement et de titularisation dans toutes les catégories de travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche, sur statut de fonctionnaire avec respect des grilles salariales.
      – La titularisation de tou·tes les contractuel·les et vacataires employé·es sur des fonctions pérennes.
      – L’alignement des primes sur le reste de la fonction publique pour toutes les catégories de travailleur·ses et la transformation des primes en rémunérations pérennes.
      – La fin des primes au mérite.
      – Le dédoublement systématique des TD à partir de 30 étudiant·es.
      – Une vraie formation continue à la pédagogie (avec un temps de travail réservé à cela) pour tou·tes les enseignant·es.
      – Le passage à 128h d’enseignement en présentiel pour les enseignant·es, afin de dégager du temps pour l’encadrement des étudiant·es, la réflexion sur la pédagogie et la recherche ainsi que pour partager le travail entre plus de titulaires.
      Pour une redistribution égalitaire des budgets de la recherche :

      – La suppression du Crédit impôt recherche.
      – La suppression de l’ANR.
      – La suppression de l’HCERES.
      – La suppression de l’IUF.
      – L’arrêt des Idex, Labex et autres structures « d’excellence ».
      – La garantie que chaque instance de financement soit composée à majorité d’élu·es.
      – La redistribution égalitaire des budgets des différentes agences, pour arriver à 14 000 euros par an et par travailleur·ses.
      – La gestion collective dans les laboratoires de l’ensemble des financements.
      – Le refus de la logique d’évaluation individuelle généralisée, notamment pour les BIAT.O.SS et ITA qui y sont déjà soumis.e.s.
      Pour un service public de la publication de la recherche :

      – Refuser la bibliométrie comme outil d’évaluation.
      – Défendre la science ouverte et la libre diffusion des travaux de recherche.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8631

    • « On ne peut pas réformer la recherche sans les chercheurs »

      Le sénateur communiste #Pierre_Ouzoulias, chercheur de profession, porte un regard acéré sur la politique du gouvernement pour la recherche. Il appelle la ministre Frédérique Vidal à « sortir du bois ».

      Depuis un an maintenant, le milieu académique attend la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) promise par le gouvernement. Mais, à part des prises de paroles polémiques, les seules annonces concrètes pour le moment concerne le déblocage de 118 millions d’euros pour revaloriser les primes de tous et les salaires des derniers recrutés. La loi elle-même devait être ambitieuse et présentée en Conseil des ministres en février. Elle risque d’être réduite (une dizaine d’articles) et repoussée au printemps.

      Pour le sénateur communiste et ancien chercheur Pierre Ouzoulias, ces atermoiements sont « une forme de mépris ». Il appelle la ministre Frédérique Vidal à « sortir du bois ».

      Le contour de la LPPR reste très flou, alors qu’elle a été annoncée il y a un an. Aux dernières nouvelles, elle devrait être repoussée. Que vous inspire cette séquence ?

      Je ne suis même pas sûr qu’il y ait une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Le Sénat n’a jamais été informé qu’il serait susceptible de se saisir de ce texte avant la fin de la session parlementaire en juin. Cela repousse l’étude de ce texte à l’automne. Or il me semble politiquement compliqué de débattre en même temps d’une loi de programmation et du budget pour 2021… Tout ceci démontre de la précipitation, de l’improvisation et, au final, une forme de mépris pour la communauté scientifique et universitaire.
      Dans son avis très commenté sur la réforme des retraites, le Conseil d’Etat a notamment critiqué le fait de prévoir une loi de programmation pour compenser la perte de retraite des fonctionnaires. Le salaire des chercheurs va-t-il est revalorisé ?

      Cet épisode montre encore une forme d’improvisation totale. Le dossier n’est pas géré. Cela fait deux ans que l’on parle de revalorisation du salaire des chercheurs. Aujourd’hui, on parle aussi de compensation en raison du projet de réforme des retraites. Clairement, les collègues craignent d’avoir une compensation mais jamais de revalorisation. Pourtant, tout le monde est d’accord pour dire que les salaires dans la recherche publique sont trop bas.

      La ministre a annoncé une revalorisation des salaires des entrants. Que savez-vous d’autre sur le sujet ?

      Nous sommes dans le flou. Est-ce que c’est la grille des salaires qui va être revalorisée ? Ou bien cette hausse passera-t-elle par des primes ? Et si c’est le cas, seront-elles dépendantes de la future évaluation que le gouvernement veut mettre en place ? Il faut que la ministre sorte du bois et donne à lire son projet. La seule chose que nous savons au Sénat, c’est que cette loi ferait une dizaine d’articles. Cinq pour la compensation des retraites et cinq autres pour le reste. Mais cela est faible et très loin des ambitions montrées au début par le Premier ministre et le président de la République…

      Le réel moment de vérité sera le budget 2021. En trois ans, le gouvernement n’a jamais fait un effort spécifique en direction de la recherche. Je ne crois pas que leur dernière année budgétaire pleine soit suffisante pour réaliser un rattrapage budgétaire conséquent. Si le sujet était vraiment primordial pour eux, ils s’y seraient pris plus tôt.
      La politique du gouvernement sur la recherche ne passe pas uniquement par la LPPR. Que retenez-vous de son action ?

      Un dispositif mis en place par la loi Pacte est passé un peu inaperçu. Il permet aux chercheurs de créer une entité privée pour abriter une partie de leurs activités. Il s’agit d’une transformation des dispositifs mis en place par les lois Allègre. J’ai lu les rapports de la Cour des comptes sur ces dispositifs. Ils sont peu utilisés par les chercheurs. Ils ne veulent pas échapper aux règles de la fonction publique, ils veulent du temps et des moyens pour mener leurs travaux.
      Ce n’est pas ce que dit le gouvernement qui veut contourner les concours de recrutement et créer des postes de chercheurs en CDI.

      Je pense que ce gouvernement ne s’est pas posé certaines questions essentielles. Le concours de recrutement au CNRS est un concours hautement international. Des personnes du monde entier postulent, alors même que les salaires ne sont pas mirobolants et les conditions de travail se dégradent. Pourquoi ? J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.
      Même si le projet n’est pas complètement présenté, on voit des réactions fortes de la communauté universitaire contre cette loi (lire ici ou ici). Est-ce que le gouvernement a peur, avec cette loi, d’ajouter un conflit universitaire au front social ?

      Oui je pense. Le projet esquissé par ce gouvernement est dans la droite ligne de ce qui se fait depuis dix ans avec Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso. Si les collègues réagissent fortement, c’est parce qu’ils voient bien cette continuité. Continuité dans la précarité, continuité dans l’idée que l’excellence naît de la concurrence. Tout ceci est délétère pour la recherche. Les récents prix Nobels et médaille Fields que la France a reçus, comme celle de Cécric Villani, sont les fruits du système mis en place dans les années 80. C’est ce système que l’on veut casser.
      On a entendu aux 80 ans du CNRS Emmanuel Macron parler de l’évaluation des chercheurs…

      Les chercheurs crèvent sous les évaluations. C’est sans fin ! Ce qui est vécu comme une injustice, c’est l’écart entre les évaluations auxquelles sont soumis les chercheurs et la faiblesse de l’évaluation du Crédit impôt recherche, qui s’élève tout de même à 6,5 milliards d’euros.

      Ceci dit, on voit une fronde s’élever contre l’évaluation. On ne peut pas réformer la recherche sans les chercheurs. Une règle d’or académique postule que l’on soit évalué par ses pairs. S’ils décident de ne pas participer aux évaluations, le système s’effondre.

      Quelles sont vos propositions pour la recherche française ?

      Je pense qu’il existe un consensus autour de quelques points. La science française est en danger. Les salaires sont trop bas et les conditions de travail ne sont pas bonnes. Il faut augmenter la part du PIB consacrée à la recherche. Si nous ne le faisons pas, nous allons décrocher par rapport à nos voisins allemands notamment. Nous sommes un des rares pays où le nombre de doctorant diminue alors même que le nombre de bacheliers augmente. C’est un très mauvais signe. Il faut un engagement budgétaire fort.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • La Présidente de l’UT2J #Toulouse, porte-parole de la mobilisation

      Lundi 3 février, 17h24

      Cher·ère·s collègues,
      Cher·ère·s étudiant·e·s,

      Le texte du projet de Loi de programmation pluriannuelle de programmation de la recherche, annoncée par le gouvernement, n’est pas encore connu, mais les rapports préparatoires ont déjà été publiés, soulevant des interrogations et des inquiétudes fortes chez l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche au niveau national. Au sein de notre université, des réactions nombreuses se sont exprimées, dans différents cadres, unanimes dans leur rejet d’un grand nombre de propositions contenues dans les rapports.

      En tant que présidence, nous réaffirmons que la vision de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous portons et que nous déployons au sein des instances de l’UT2J ne correspond pas aux perspectives tracées par les rapports préparatoires au projet de loi.

      Notre vision de la recherche ne cherche pas à accélérer la concurrence entre unités de recherche ou entre chercheur·e·s ; elle n’a pas pour objectif d’allouer les ressources sur la base d’une évaluation surplombante et discriminante ; elle ne vise pas à affaiblir le statut des enseignant·e·s chercheur·e·s et à accentuer la précarité. Dans un contexte budgétaire et d’emploi de plus en plus contraint, nous cherchons à préserver et soutenir les collectifs de recherche que sont les unités de recherche qui constituent le terreau des activités scientifiques, à leur apporter des moyens (dotations récurrentes, services mutualisés développés par la DAR, personnels d’appui, accompagnement des études doctorales, etc.), à veiller, autant que possible, à l’équilibre entre les aspirations et projets individuels et la nécessaire implication dans la formation et les responsabilités administratives collectives. Nous partageons le refus exprimé par les communautés scientifiques de dispositions qui viendraient aggraver la précarisation et l’insécurisation, remettre en question le statut des enseignant·e·s chercheur·e·s, accentuer la mise en concurrence par une allocation des ressources financières faisant prévaloir la logique des appels à projets au détriment des dotations pérennes.

      Concernant la précarité, l’UT2J travaille depuis plusieurs années à améliorer ce qui relève de son pouvoir, particulièrement l’amélioration du processus de traitement des rémunérations. Nous entendons poursuivre cet effort pour sécuriser davantage les conditions de vie et de travail des personnels concernés. Cela suppose que nous engagions aussi une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes pour réfléchir à nos pratiques et à nos modes d’organisation et pour explorer les pistes qui permettraient de limiter la précarité de certains emplois dans l’ensemble de nos activités.

      Dans l’attente que soit rendu public le texte de loi, nous relaierons, tant auprès du ministère que de la CPU, les différentes prises de position afin que soient entendues les craintes exprimées, mais aussi l’attachement de notre communauté aux principes qui fondent le service public d’enseignement et de recherche. Par ailleurs, notre université prendra part, selon des modalités qui restent à définir, à la journée « L’université et la recherche s’arrêtent » prévue le 5 mars prochain.

      Cordialement,

      Pour la Présidence,
      #Emmanuelle_Garnier

      https://academia.hypotheses.org/10895
      #Université_Toulouse_Jean_Jaurès #Université_de_Toulouse

    • Misère des universités et universités de la misère

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen·ne·s et les étudiant·e·s.

      Novembre 1997. L’Association de réflexion sur les enseignements supérieurs et la recherche (ARESER) publie un ouvrage auquel de nombreux universitaires et chercheur-e-s-ont participé[1]. Parmi eux, Pierre Bourdieu qui, avec l’historien Christophe Charle et le sociologue Bernard Lacroix, a coordonné cette publication. Les diagnostics établis sont graves et, déjà, révélateurs de la situation alarmante des universités Sous-investissement chronique de la puissance publique, manque d’encadrement des étudiant-e-s en particulier en sciences humaines et en droit ce qui a notamment pour conséquence un taux d’échec élevé en premier cycle dont sont victimes les personnes socialement et culturellement les plus fragiles, démoralisation des enseignants toujours plus absorbés par des tâches administratives multiples[2] et incapables d’accomplir dans de bonnes conditions les missions d’enseignement et de recherche qui sont les leurs, opacité des mécanismes de recrutement des enseignants-chercheurs et « poids croissant du localisme » auxquels s’ajoute une « concurrence » exacerbée « pour des postes raréfiés » en raison de restrictions budgétaires et d’une politique malthusienne qui ne s’est jamais démentie.

      Et les auteurs de rappeler ce paradoxe singulier. Alors que l’éducation et la scolarité des enfants sont des préoccupations majeures des familles dans un contexte de chômage de masse et de longue durée, de même la poursuite des études supérieures après l’obtention du baccalauréat, les responsables politiques ne s’inquiètent de l’état des universités, de la situation des étudiant-e-s, de celle des personnel-le-s administratifs et des enseignant-e-s qu’à l’occasion de mobilisations significatives et/ou de difficultés financières d’une particulière gravité en alternant mesurettes élaborées dans la précipitation pour rétablir le calme et poursuite des politiques de « rigueur. »

      Vingt-trois ans plus tard, la situation n’a cessé d’empirer et ce quels que soient les majorités à l’Assemblée nationale, les gouvernements en place et les présidents. Le quinquennat de François Hollande l’a confirmé. Qui se souvient des diaphanes secrétaires d’Etat à l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso d’abord, Thierry Mandon ensuite, et de leurs actions significatives en faveur des universités ? Après avoir servi avec docilité le fossoyeur en chef de la majorité présidentielle et du Parti socialiste, ils ont, comme beaucoup d’autres, disparu corps et bien avec la débâcle politique que l’on sait. A droite comme au sein de la défunte gauche gouvernementale, nonobstant de menues oppositions rhétoriques sans grandes conséquences pratiques, le budget de l’enseignement supérieur est depuis longtemps une variable d’ajustement toujours conçue comme une dépense, jamais comme un investissement à long terme exigeant une constance certaine dans l’allocation des ressources financières et humaines afin de bâtir des universités capables d’assurer de façon optimale leurs missions d’enseignement et de recherche.

      Aujourd’hui, les communicants affairés ont trouvé d’autres termes que celui de rigueur pour qualifier les orientations mises en œuvre. « Modernisation », « rationalisation » et désormais « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) présentée par le Premier ministre, Édouard Philippe pour, dixit les éléments de langage utilisés, « redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté et des moyens. » A charge pour Frédérique Vidal, la transparente ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de mettre en place « une vaste consultation de la communauté scientifique française » qui, selon elle, a déjà « imprimé en partie sa marque » sur ce projet. Après le soi-disant « Grand débat national » et la préparation de la loi sur les retraites, on sait ce qu’il en est des consultations présidentielles et gouvernementales : de grossières et bruyantes machineries prétendument démocratiques au service de l’imposition autoritaire des orientations décidées en haut lieu. Faire diversion, alimenter les medias et les bavards radiophoniques et télévisuels qui se pressent sur les plateaux, diviser autant qu’il est possible les forces en présence, tels sont les ressorts principaux de ces coûteuses mises en scène.

      Merci au président-directeur général du CNRS, Antoine Petit, d’avoir révélé ce que cache le ronflement sonore des formules précitées, et ce que trament Matignon et de Bercy, en se prononçant haut et fort en faveur d’une « loi ambitieuse, inégalitaire » et « darwinienne » (26 novembre 2019). Lumineux mais très inquiétant. De tels propos permettent de comprendre ceci : pour les néo-libéraux engagés dans la destruction des services publics en général et dans celle de l’enseignement supérieur en particulier, la liberté signifie lutte de tous contre tous pour obtenir des fonds publics et privés afin de financer la recherche, et renforcement des liens universités/entreprises pour les établissements qui le pourront et qui bénéficieront ainsi de sommes très substantielles. En témoigne l’implantation souhaitée du groupe pétrolier Total sur le campus de l’Ecole polytechnique où il finance déjà, à hauteur de 3,8 millions d’euros, une chaire d’enseignement intitulée : « Défis technologiques pour une énergie responsable. » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que ceux qui tiennent les cordons de la bourse déterminent également le contenu des recherches et les usages qui en seront fait. Les ministres et les béni-oui-oui de la majorité présidentielle chantent les louanges de la « modernisation » et de la liberté retrouvée, il faut comprendre vassalisation et privatisation rampantes des activités de recherches, et paupérisation pour le plus grand nombre.

      Indignations subjectives ? Vérités objectives. A preuve. Combien de temps encore allons-nous tolérer la dégradation continue des universités de ce pays qui se trouve en huitième position pour les sommes consacrées à l’enseignement supérieur ? Rappelons que « la dépense intérieure d’éducation rapportée à la richesse a baissé de 7,7% à 6,7% entre 1996 et 2016. Cela veut dire que chaque année », la France « consacre une part moindre de sa richesse à la formation de la jeunesse. » (Sources Observatoire des inégalités et OCDE) Combien de temps encore allons-nous tolérer que 20 % les étudiant-e-s- et des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté soit 3,6% de plus qu’en 2002 ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que de 30 000 étudiant-e-s fréquentent les Restos du cœur faute de moyens financiers suffisants ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 13,5% des étudiant-e-s renoncent à des soins médicaux pour ne pas grever davantage leur budget ? Combien de temps encore allons-nous tolérer les ravages de la sélection sociale dans les établissements d’enseignements supérieurs auxquels accèdent seulement 11% des enfants d’ouvriers alors qu’ils représentent 30% des jeunes âgés de 18 à 23 ans ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 46% des étudiant-e-s travaillent pendant l’année universitaire au risque de compromettre sérieusement leurs études [3] ? Combien de temps encore allons-nous tolérer des amphithéâtres surchargés et des taux d’encadrement des étudiant-e-s qui découragent les plus faibles et sont les causes des nombreux échecs en premier cycle ?

      Combien de temps encore allons-nous tolérer l’obscénité ajoutée à l’horreur lorsque la ministre Frédérique Vidal, à la suite de l’immolation d’un étudiant de 22 ans devant le Centre régional des œuvres universitaires (Crous) de Lyon le 8 novembre 2019, propose comme solution, pour celles et ceux qui sont confrontés à de graves difficultés financières, la mise en place d’un numéro d’appel, payant qui plus est ? L’auteur du présent article a donc téléphoné pour savoir ce qu’il en était et il a découvert ceci : les étudiant-e-s concernés sont renvoyés aux services sociaux déjà existants et simplement informés de leurs droits. Telle est donc la réponse de ce gouvernement au 130 000 étudiants en situation de grande précarité. Combien de temps encore allons-nous tolérer l’augmentation constante des précaires parmi le personnel administratif et enseignant, et la baisse continue du nombre de postes de titulaires pour les seconds (3650 postes ont ainsi été perdus entre 2012 et 2018) ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que des doctorants, au terme de leur contrat, utilisent leur allocation chômage pour achever leur thèse dans des conditions toujours plus difficiles ?

      Chacun-e- est libre de compléter cette liste qui n’est pas exhaustive, tant s’en faut. Derrière ces chiffres, il y a des dizaines de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes dont les espérances sont ruinées par cette politique qui transforme en destin social l’existence de ceux qui sont les moins préparés à affronter la massification et à la paupérisation de l’enseignement supérieur. Sordide et insupportable violence sociale et symbolique infligée aux plus démunis.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s. Ce sont de vos aspirations personnelles, universitaires et professionnelles dont il est question. La coordination des universités et des laboratoires en lutte a décidé de faire du 5 mars 2020 une journée de mobilisation nationale. Il est urgent de faire reculer ce gouvernement et le chef de l’Etat.

      O. Le Cour Grandmaison, université Paris-Saclay-Evry-Val-d’Essonne.

      [1]. ARESER, Quelques diagnostics et remèdes urgents pour une université en péril, Paris, Liber-Raisons d’Agir, 1997. Furent également associés F. Balibar (Paris-VII), C. Baudelot (ENS Ulm) et D. Roche ( Paris-I), notamment.

      [2]. En 1964, déjà, Paul Ricœur écrivait : « Il faut mettre fin à l’écrasement stupide des universitaires sous les tâches administratives, sinon ancillaires, à la monumentale bêtise du gaspillage d’énergie que le manque de moyens entraîne. » « Faire l’université. » In Lectures 1. Autour du politique, Paris, Seuil, 1991, p. 375. Le chef de l’Etat, qui a réussi à faire croire qu’il est un disciple de ce philosophe, serait bien inspiré de le lire au plus vite.

      [3]. « S’ils ne travaillaient pas les étudiants salariés auraient une probabilité plus élevée de 43 points de réussir leur année. » Enquête Insee du 19 novembre 2009. « L’impact du travail salarié des étudiants sur la réussite et la poursuite des études universitaires. » M. Beffy, D. Fougère et A. Maurel. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi554241rf

      https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/040220/misere-des-universites-et-universites-de-la-misere

    • Première cérémonie populaire des contre-vœux d’#Université_de_Paris

      Nous, les personnels administratifs et enseignant·e·s, ainsi que les étudiant·e·s de l’UP, sommes mobilisé·e·s contre la réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Si nous tenions à être là, c’est parce que nous trouvons votre silence assourdissant sur les sujets qui nous sont chers.

      Nous aurions aimé des vœux qui apportent le soutien de l’Université de Paris aux personnels, administratif comme enseignant, dont une grande partie, comme vous le savez, sont déjà précaires, et dont les pensions ne manqueront pas d’être laminées la réforme des retraites. Nous aurions aimé des vœux qui apportent un soutien aux étudiant·e·s de l’Université de Paris, futur·e·s salarié·e·s, et premier·e·s concerné·e·s. Madame la présidence, la mobilisation est là sous vos yeux : cours non assurés, examens annulés ou reportés, revues et séminaires arrêtés, bibliothèques fermées, assemblées générales, UFR en lutte et enseignant·e·s en grève…

      Puisque notre université forme de futurs médecins, nous aurions aimé des vœux qui expriment la solidarité de l’Université de Paris avec les services hospitaliers qui se mobilisent depuis des mois contre le démantèlement de l’hôpital public, alors que l’AP-HP menace aujourd’hui le personnel gréviste de sanctions.

      Et plus largement, pour prendre de la hauteur, nous aurions aimé des vœux qui dénoncent le projet de loi pour la recherche qui va accentuer la compétition entre les établissements, la compétitions entre les laboratoires, la compétition entre collègues, et qui va généraliser la précarité, fragiliser les emplois, créer quelques chaires d’excellence et beaucoup de vacataires, distribuer toujours plus de de crédits à quelques-uns et rien aux autres, selon le modèle aberrant d’Antoine Petit, non pas darwinien mais bassement capitaliste… Bref une loi qui va abîmer encore plus le service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Mais tous vos discours et ceux de la CPU viennent en soutien de cette politique que nous combattons.

      Nous aurions aimé que ces vœux soient l’occasion d’annoncer publiquement la reconduction de l’exonération systématique des frais d’inscription pour les étudiant·e·s étranger·e·s, et que s’appuyant sur la décision du conseil constitutionnel, l’Université de Paris interpelle enfin le ministère pour mettre fin à cette procédure indigne. A l’inverse, certaines de vos déclarations se prononcent en faveur de cette hausse.

      Ce ne sont que quelques sujets ; la liste est longue. Dans vos vœux, vous parlez gouvernance et classement, mais vous vous trompez de perspective. L’université n’est pas une entreprise. Le savoir n’est pas une marchandise.

      Alors, nos vœux pour 2020 sont que l’UP mette en œuvre concrètement, et défende fermement auprès des tutelles, une université de service public, une université ouverte à toutes et tous, où il fasse bon enseigner, travailler, chercher et étudier.

      Les personnels et étudiant·e·s en lutte de Paris-Diderot

      Reçu via mail, le 07.02.2020

    • Université : la « #Sorbonne en lutte » contre la précarité

      Mobilisés depuis début décembre contre la réforme des retraites et la loi de programmation de la recherche, enseignants-chercheurs, doctorants et étudiants se sont rassemblés sur la place de la Sorbonne à Paris pour une « veillée des idées ».

      C’est incognito sous leurs masques blancs que les enseignants et étudiants de la Sorbonne lancent leur performance pour mettre en scène « le vide » créé par la loi de programmation de la recherche et « la destruction des infrastructures publiques ». Depuis le 5 décembre, le département de science politique de l’université parisienne (Panthéon-Sorbonne) est en grève. Deux mois plus tard, en ce vendredi 7 février, ils organisent un « happening », pour se mobiliser autrement.

      Dès 17 h 30, professeurs et étudiants arrivent au compte-gouttes. Quelques-uns discutent devant une banderole flambant neuve portant leur nom de leur mouvement Sorbonne en lutte. D’autres tentent d’accrocher, avec les moyens du bord, un drap blanc où sont dessinées des fourmis entre les inscriptions « enseignement » et « précaire ».

      Un peu avant 18 heures, une enseignante-chercheuse démarre la performance et liste tout ce qu’ils incarnent ce soir. Une trentaine de personnes masquées sont postées derrière elle. « Nous sommes vidés… Nos corps sont vidés, nos cerveaux sont vidés… Ce soir, nous incarnons l’angoisse de la page blanche, les têtes creuses, le vide vertigineux de la connaissance qui ne sera pas produite, qui ne sera pas transmise, du fait des coups de boutoir de politiques qui tuent l’université à petit feu, que la LPPR [loi de programmation pluriannuelle de la recherche – ndlr] viendrait couronner. »

      L’universitaire précise ensuite que ces politiques fragilisent en particulier les doctorants, les jeunes chercheurs, sans oublier de mentionner « les petites mains de la recherche » que sont les précaires, à savoir les techniciens et personnels administratifs, et tous ceux qui ne sont pas fonctionnaires, ou « titulaires » dans leur jargon.

      Puis elle formule leurs inquiétudes concernant les libertés académiques.

      Le projet de loi de programmation de la recherche est toujours en cours de rédaction. Mais les propositions des groupes de travail, désignés en amont par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont déjà réussi à mettre les facs et les labos en ébullition.

      Parmi les sujets d’inquiétude : le renforcement du financement par projet et de la recherche sur des temps courts, des changements dans l’évaluation, l’arrivée de nouvelles formes de contrats de travail à l’américaine… Chercheurs des labos et enseignants-chercheurs des universités craignent une précarisation accrue de leurs métiers et de voir des étudiants « fatigués » et « angoissés ».

      En ce vendredi de février, une dizaine de prises de paroles s’enchaînent, sans le masque cette fois-ci. Trois étudiants racontent leurs conditions de vie précaires et appellent leurs professeurs à faire grève, pour qu’eux-mêmes puissent continuer à se mobiliser.

      Emma, étudiante à Paris-Sorbonne en géographie, rappelle la motion votée le 2 février par la coordination nationale des facs et labos en lutte. « Il est temps de joindre nos forces », clame la jeune étudiante, qui mentionne aussi la répression du mouvement des lycéens. Tout comme Pierre, en L2 science politique à Panthéon-Sorbonne, remonté contre les violences policières, la casse du code du travail, la LPPR, la précarité des étudiants – parfois obligés de travailler, la baisse des aides au logement (APL), les conditions d’accueil des étudiants étrangers.

      Pierre évoque Anas, l’étudiant précaire qui s’est immolé à Lyon début novembre, toujours dans le coma, avant de dénoncer la réponse apportée par le gouvernement : une ligne téléphonique… payante.

      Interrogé après son intervention, il regrette que les cours reprennent, tout simplement parce qu’on peut perdre sa bourse si on ne va pas en TD. Déçu que les problématiques des étudiants soient peu comprises, il profite de cette tribune pour les rappeler aux enseignants.

      Avec d’autres étudiants de Paris-I, ils se sont rapprochés des doctorants, « qui sont dans une précarité scandaleuse, qui peuvent comprendre aussi notre situation ». Mais connaître les galères de ses « aînés » n’est pas sans conséquence : « Je rêve d’étudier et de pouvoir faire avancer la recherche. Aujourd’hui, je me dis juste que c’est impossible. Donc je suis juste triste, désemparé de me dire qu’on ne donne plus la possibilité aux étudiants de croire à cette perspective d’avenir. C’est démoralisant. »

      Tous comme les étudiants, les doctorants appellent les enseignants à « prendre leurs responsabilités ». Membres de l’AG des précaires, trois femmes ont troqué le masque blanc contre un bout de tissu noir sur le haut de leur visage. Elles rapportent les inquiétudes sur la retraite à points, ou encore le durcissement des conditions d’indemnisation chômage – qui, jusque-là, permettait à de certains doctorants de terminer leur thèse.

      Elles rappellent également que « l’université tourne grâce à [leur] exploitation », et que « les conditions matérielles sont indignes, même dans les universités dites d’excellence ». Applaudies par la centaine de personnes présentes sur la place, elles concluent par leur slogan « précaires, précaires et en colère », repris en chœur.

      L’une d’elles, doctorante, nous explique que les doctorants ne se mobilisent plus, car moins précaires parmi les précaires. Sa consœur, doctorante en science politique, termine pourtant sa thèse sans aucune entrée d’argent : elle n’a plus de financement et plus de droit au chômage. « On a des amis vacataires, qui peinent à survivre avec un petit job alimentaire à côté, qui se logent à droite à gauche quand ils doivent donner leurs cours à Paris. Ils n’ont pas l’énergie et le temps d’être là en AG et de construire une mobilisation. »

      Et la doctorante d’ajouter qu’elles ont pris la parole pour se faire connaître mais aussi pour faire passer le message : « On aimerait que les titulaires aussi prennent leurs responsabilités parce qu’ils sont encore plus protégés que nous. [...] Quand eux ne se mettent pas vraiment en grève, ils maintiennent une pression sur les étudiants qui doivent rendre des devoirs, les précaires qui doivent continuer à rendre des articles et pareil pour les personnels administratifs. »

      Les chercheurs qui prennent la parole en sont conscients, ils n’oublient pas les étudiants, les doctorants et jeunes chercheurs. Johanna Siméant, politologue à Paris-I, a enseigné vingt-deux ans à l’université qu’elle voit se dégrader depuis de nombreuses années. Elle évoque « tous ses anciens élèves qui pensaient que ça valait la peine » de se lancer dans la recherche avant de déchanter. Elle mentionne aussi ce doctorant qui a atterri aux urgences psychiatriques, qui ne sera pas remboursé faute de mutuelle.

      Membre du comité éditorial de la revue Genèses – la première à s’être mise en grève –, elle revient avec nostalgie sur leur joie d’être intégrée dans les revues, les échanges dans les réunions, « ce temps qu’on pouvait se permettre de prendre ». Depuis quinze-vingt ans, ils perçoivent une baisse de la qualité des articles envoyés, « formatés pour le marché de la bibliométrie, débités pour qu’il n’y ait pas trop d’idées dans un article », et ainsi pouvoir en publier plus.

      Le site de la revue Genèses, en grève © capture d’écran du 8 février Le site de la revue Genèses, en grève © capture d’écran du 8 février

      Cette course à la publication risque de s’accélérer. Pour doper la compétition entre les chercheurs, le gouvernement souhaite adosser le financement aux résultats. Il est aussi envisagé de financer davantage via les appels à projets. Gilles Dorronsoro, enseignant-chercheur en science politique, regrette qu’« on ne calcule pas le temps passé collectivement à chercher de l’argent » ni « le temps passé à monter des projets qui ne verront jamais le jour ».

      Chercheurs et gouvernement sont au moins d’accord sur le décrochage de la recherche française. Idem sur la nécessité d’augmenter son budget. Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, lui-même chercheur de profession, n’y croit pas une seule seconde. Il pense plutôt qu’il va continuer à baisser et qu’il n’y aura peut-être même pas de loi de programmation. Au micro, il appuie ses dires en rappelant les propos de son président, Gérard Larcher (LR) : « Il faut d’abord trouver un agenda, un contenu et des moyens mais peut-être aussi une méthode d’approche. »

      Interrogé par Mediapart, le sénateur venu « témoigner sa solidarité aux étudiants, aux précaires, aux chercheurs », plaide lui aussi pour une convergence entre les étudiants, très mobilisés à l’arrivée de Parcoursup (admission postbac), et les enseignants, aujourd’hui en pointe contre les projets du gouvernement.

      « Mais c’est toute la stratégie du gouvernement, résume-t-il, ne jamais attaquer l’ensemble du corps en même temps et faire porter les réformes uniquement sur des petits secteurs parfaitement délimités. [...] Sur la durée, c’est évidemment très efficace. »

      Dans les interventions suivantes, un chercheur revient sur la mobilisation contre la réforme des retraites. Un autre dénonce « la clique bureaucratique » et le management qui seront sans doute exacerbés par la future loi de programmation de la recherche.

      Pour finir, le philosophe camerounais Achille Mbembe, enseignant à Johannesburg, évoque les luttes dans les universités sud-africaines, « pour décoloniser les institutions et refaire de l’institution universitaire un bien commun, à l’heure où tout concourt à privatiser cette ressource ». L’ancien étudiant de la Sorbonne souligne que la mobilisation qui a lieu ici entre en résonance « avec un moment global, un moment de brutalisation des sociétés ».

      https://www.mediapart.fr/journal/france/080220/universite-la-sorbonne-en-lutte-contre-la-precarite?onglet=full

    • #DroitsDansLeMur

      Jeudi 6 février 2020, journée de mobilisation nationale, des universitaires, titulaires et précaires, des facultés de droit et de science politique (entre autres Nanterre, Paris 1, Paris 2, Paris 12, Paris 13, Sceaux, Rennes, Lyon 2, Valenciennes, Angers) ont érigé un mur de codes - de la sécurité sociale, de la fonction publique, de l’éducation, du travail... - devant le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, pour dire leur opposition aux projets de réforme des retraites et de l’enseignement supérieur qui mènent dans le mur le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que le contrat social entre les générations.

      Ces enseignant.e.s-chercheur.e.s ont lu à voix haute, solennellement, des extraits des articles les plus précieux, aujourd’hui malmenés, comme l’article L111-2-1 du code de la sécurité sociale : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. (...) La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, et par la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités. La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. »

      https://www.youtube.com/watch?v=8akUZp2OoaU&feature=youtu.be


      #Droits_dans_le_mur

    • Lettre que les étudiantes et étudiants mobilisés de l’UFR LAC (Paris 7) ont lue le 4 février en ouverture du Conseil d’UFR, à l’issue duquel la grève a été votée.

      Cher·ère·s professeur·e·s,

      Nous nous permettons de prendre la parole quelques minutes avant le début
      de ce Conseil d’UFR au nom des étudiantes et étudiants mobilisé·e·s depuis
      maintenant deux mois contre la réforme des retraites et, plus récemment,
      contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Nous sommes là aujourd’hui parce qu’à l’échelle nationale comme à l’échelle
      de l’université, la mobilisation se trouve confrontée à un pallier décisif
      que nous voulons nous donner les moyens de franchir. Si la grève a été
      incontestablement suivie dans les secteurs des transports, si les sondages
      ont été plus favorables que jamais, si les manifestations ont été parmi les
      plus massives jamais enregistrées depuis ces dernières années, force est de
      constater la raideur et l’autoritarisme du gouvernement, qui se mesure à
      l’aune de la répression s’abattant sur toutes celles et tous ceux qui lui
      opposent résistance. Nous sommes donc à un point de bascule : le mouvement
      doit s’amplifier, sinon se radicaliser, ou alors il mourra à petit feu.
      Progressivement, de nombreux secteurs entrent en lutte, et en premier lieu
      les universités, tant attendues dans ce mouvement. Ce n’est donc pas le
      moment de rentrer dans les rangs, puisque nous venons de commencer la
      bataille, tant sur les retraites que sur la LPPR.

      À l’échelle de Paris-7, nous pouvons désormais affirmer qu’il existe une
      base étudiante prête à se mobiliser. Mais cela ne s’est pas fait tout seul.
      Il nous aura fallu deux mois de discussions, d’initiatives — à l’image de
      cette « formidable université populaire » que tant d’universités mobilisées
      nous ont enviée... Nous sommes mobilisé·e·s sur l’université populaire
      depuis deux mois, nous participons, avec les doctorant·e·s et le soutien de
      certains professeur·e·s, à mettre en place un programme dont les
      interventions, les échanges et les ateliers sont tous plus enrichissants et
      instructifs les uns que les autres. Car ce qu’il faut à tout prix éviter,
      c’est que la fac soit désertée et nous considérons, comme vous, qu’il est
      primordial qu’elle reste un lieu de savoir et de stimulation
      intellectuelle. Mais considérer que le maintien des cours n’est pas
      incompatible avec la mobilisation, c’est ne pas avoir conscience de notre
      situation car la mobilisation, tout comme la recherche, a ses petites
      mains. Bloquer des dépôts, écrire et maquetter des tracts, organiser des
      réunions d’information, remplir la caisse de grève, tenir le stand,
      organiser des assemblées générales, rédiger des comptes-rendus en tous
      genres, créer des outils informatiques, centraliser les outils de synthèse,
      faire des ateliers de banderoles ou de chorale, de l’affichage, des tours
      de service, des débrayages d’amphis, ce sont des actions qui demandent du
      temps et nous mobilisent intensément depuis deux mois. Faire vivre la grève
      est devenu notre activité à temps plein.

      Nous avons pleinement conscience des enjeux qu’un tel engagement implique.
      Nous sommes pour la plupart des élèves passionné·e·s, et les cours nous
      manquent. Mais c’est précisément parce que nous avons suivi vos cours et lu
      Aristote, Rawls mais aussi Rancière ou Camus que nous osons à notre tour « 
      dire non ». C’est précisément à force de développer notre esprit critique
      que nous nous rendons compte de l’urgence de la situation. Et plus nous y
      réfléchissons, plus nous nous en effrayons. Plus nous lisons, plus nous
      nous radicalisons. Non, il n’est pas « incongru » « à (n)otre âge et dans
      les études que (n)ous avons choisies (…) de se passionner pour la question
      des retraites », pas plus que de s’inquiéter de la dérive autoritaire du
      gouvernement, ou de la crise écologique. C’est précisément parce que nous
      étudions avec diligence en vue d’un futur meilleur que nous ne pouvons plus
      supporter de voir notre avenir confisqué par l’inaction climatique, par des
      dérives autoritaires toujours plus violentes, et par un gouvernement qui
      nous méprise. Nous avons raté trop de coches — pour ne citer que cela, et
      pêle-mêle : la fusion en 2016, la loi Travail bien sûr, Parcoursup, la
      hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers, les gilets
      jaunes, la réforme de l’assurance chômage... Autant de défaites qui nous
      donnent aujourd’hui la détermination de lutter plus fort. Il va donc de soi
      pour nous que dans le combat des retraites se trouve la somme des énergies
      et des liens accumulés au fil de ces années dans un combat pour un modèle
      de société plus juste, plus humain, plus égalitaire, où il fasse bon se
      projeter. Nous voyons les métiers auxquels nous aspirons se défaire sous
      nos yeux ; nous voyons notre démocratie prendre les traits de
      l’autoritarisme le plus abject — à coups de surveillance généralisée, LBD,
      et autres États d’urgence devenus constitutionnels ; nous voyons enfin la
      société capitaliste courir à sa perte, foncer droit dans le mur, et si les
      choses continuent ainsi, nous ne pourrons pas descendre du train à temps.

      La vérité, c’est que nous sommes à la fois épuisé·e·s, paniqué·e·s et
      révolté·e·s. Certaines et certains trouveront peut-être que nous en faisons
      trop, d’autres que c’est l’excitation inconsidérée et irréfléchie de la
      jeunesse qui parle, et à ceux-là nous répondons au contraire que ce refus
      de continuer à exercer normalement notre rôle d’étudiant·e montre plutôt à
      quel point nous avons compris, à quel point nous avons conscience de ce qui
      se joue aujourd’hui. Face à ces considérations, un semestre de perdu,
      quoiqu’il nous en coûte, ne nous fera pas hésiter, car c’est maintenant ou
      jamais. Plus le gouvernement et le capitalisme néolibéral piétinent nos
      espoirs, moins nous avons à perdre. Mais parce que nous ne voulons pas être
      acculé·e·s à de telles extrémités, nous nous tournons vers vous : la grève
      des titulaires peut créer les conditions matérielles de la naissance d’un
      mouvement étudiant massif. Comment s’engager à temps plein si l’on craint
      les partiels de fin de semestre, ou pire, les partiels de mi-semestre ? si
      l’on est boursier et que l’on dépend de la bienveillance des professeurs
      pour ne pas comptabiliser les absences, au risque de perdre sa bourse ? si
      l’on anticipe une fin d’année faite de montagnes de validations ? En
      faisant cours normalement, vous croyez nous aider mais vous nous condamnez.
      C’est cette posture en demi-teinte, cette posture de compromis mou qui nous
      paralyse. Et comme l’expriment les précaires de l’ESR dans leur appel : « 
      on ne soutient pas la grève, on la fait ou on l’empêche. » Vous avez,
      aujourd’hui, pour ce conseil d’UFR, une responsabilité lourde : celle de
      décider de la suite de ce mouvement social historique. Que nous ne soyons
      pas dupé·e·s par l’échelle de notre UFR, face aux milliers de personnes qui
      manifestent chaque semaine : une UFR en grève, c’est mille étudiant·e·s
      libres d’aller mener des actions coup de poing et de s’engager dans le
      mouvement social, cinquante enseignant·e·s mettant du temps à disposition
      pour s’organiser, et un modèle à suivre, pour toutes les universités de
      France. C’est pourquoi nous réitérons, aux côtés des précaires de l’ESR,
      notre appel à la grève totale : la grève des enseignements, à la grève des
      activités de recherche, à la grève administrative, à la rétention des
      notes, au boycott de Parcoursup. Autant de temps libéré pour lutter.

      Aujourd’hui, la situation fait que nous n’arrivons plus à exercer
      normalement notre fonction d’étudiant·e·s. Nous n’y arrivons plus, parce
      que franchir le seuil de la salle de classe, s’y asseoir quelques heures
      pour écouter parler de Chateaubriand ou Balzac nous est insupportable, tant
      c’est nier la violence et la gravité de ce qui est en train de se produire
      dans notre pays. Reprendre le fonctionnement normal de l’université, dans
      le contexte actuel, pour nous, cela signifie se voiler la face et se murer
      dans une logique court-termiste qui équivaut à jouer le jeu du
      gouvernement. Car face à cet avenir sinistre qu’on nous impose, comment
      faire comme si « tout allait bien se passer » et continuer à étudier
      sereinement ? Tout ce que nous revendiquons, c’est une chance concrète de
      prendre en main notre avenir, dans un moment politique où, plus que jamais,
      le gouvernement tente de nous le confisquer.

      –-> reçue par email via la mailing-llist de mobilisation, le 10.02.2020

    • Message du Président de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

      « Cher.e.s collègue.s,

      Cher.e.s étudiant.e.s,

      Les propositions présentées dans les trois rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et les informations ayant filtré des rencontres entre la Ministre de l’Enseignement Supérieur et les organisations syndicales provoquent une inquiétude légitime au sein de notre communauté. Cette inquiétude, en tant que Président de la Sorbonne Nouvelle, je la partage car je m’oppose fermement à toute remise en cause des fondements du système de financement de la recherche publique en France.

      En pareil contexte, et à l’encontre de plusieurs des préconisations contenues dans ces trois rapports, je tiens à vous redire mon attachement à une université de service public, et à vous confirmer mon opposition à toute mise en concurrence des établissements d’enseignement supérieur, des unités de recherche et des chercheur.e.s.

      Si l’objectif est d’augmenter la part de notre PIB consacrée à nos activités scientifiques, au delà des effets d’annonce, de renforcer durablement celle-ci, les solutions présentées, au cas où elles seraient retenues, iraient à l’encontre de l’effet escompté. Depuis trop longtemps, la recherche fondamentale est négligée au profit d’une logique de performance immédiate. Depuis trop longtemps, les modèles et les temporalités qui régissent les sciences exactes et expérimentales sont artificiellement plaqués sur les ALL-SHS.

      Là où les mesures envisagées consistent à concentrer les moyens, renforcer une logique d’appels à projets et introduire un nouveau dispositif d’entrée dans la carrière universitaire avec les tenure tracks, il me semble à l’inverse nécessaire de donner la part belle aux crédits récurrents et de réhabiliter le temps long d’une recherche prise en charge, dans des conditions plus sereines, par des enseignants-chercheurs fonctionnaires.

      En tant que Président d’université, je considère que ma mission est de combattre sans relâche toutes les formes de précarisation qui frappent les métiers et les carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que nos étudiant.e.s.

      Afin qu’un débat le plus ouvert et constructif possible puisse s’engager au sein de notre communauté, je souhaite, en accord avec toute l’équipe présidentielle, organiser deux temps forts, de réflexion et d’échanges : une journée banalisée le jeudi 5 mars prochain ainsi qu’une demi-journée d’étude sur les enjeux des réformes en cours. Et vous pouvez compter sur moi pour relayer nos préoccupations auprès de la CPU et de nos tutelles.

      Bien cordialement,

      Jamil Jean-Marc DAKHLIA

      Président de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 »

    • Précarité, financement : les enseignants-chercheurs mobilisés contre la future loi Vidal

      Les enseignants-chercheurs dénoncent les conséquences du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils craignent que leurs conditions de travail, déjà dégradées par la précarité, empirent. Les opposants pointent « une transformation néolibérale de l’université » qui fait place à « la figure du chercheur-entrepreneur ».

      Sur le campus de Pont-de-bois, de l’université de Lille, « aujourd’hui, c’est journée spécial précarité ». C’est le thème du jour, raconte Grégory Salle. Ce chargé de recherche en sociologie du CNRS est « un mobilisé parmi d’autres ». D’autres enseignants-chercheurs qui, partout en France, craignent l’arrivée du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Annoncé en février 2019 par le premier ministre, il se fait attendre. L’objectif est d’atteindre un budget équivalent à 3% du PIB pour la recherche. Il est aujourd’hui de 2,2%. Si ses contours exacts sont encore inconnus, trois rapports préparatoires, et les échanges entre syndicats et ministère ont amorcé le mouvement.

      C’est surtout une tribune du PDG du CNRS, Antoine Petit, qui « met le feu au poudre » se souvient Grégory Salle. « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire - oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies » écrit le 26 novembre, dans Les Echos, le patron du CNRS. « Ça a eu un effet de cristallisation » explique Christophe Voilliot, co-secrétaire général du SNESUP-FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur. « C’était particulièrement maladroit. Ça a remué même les plus modérés » constate Grégory Salle.
      Manifs et flashmob

      Depuis quelques semaines, le mouvement se développe, mêlé de contestation contre la réforme des retraites, qui touche particulièrement le monde des fonctionnaires et de l’enseignement. Les manifestants et opposants multiplient les actions et innovent : aux traditionnelles AG, affiches et manifestations, grèves de l’enseignement et grèves des fonctions administratives, s’ajoutent les rétentions de notes ou, comme la semaine dernière, un flashmob féministe devant la gare de Lille Flandres, au petit matin. Quand de fait, on est relativement peu nombreux, il faut se faire remarquer. On parle aussi de démissions de fonctions. Maintenant, ce sont les revues universitaires qui se joignent au mouvement. Une journée fac morte se prépare pour le 5 mars.

      https://twitter.com/websaison/status/1225316989872361475?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Les questions sont nombreuses. Pour le SNESUP-FSU, « il y a des problèmes qui tiennent au mode de financement de la recherche et au statut des personnels ». Alors que le nombre d’étudiant augmente, « avec 30.000 de plus ces dernières années », le nombre d’enseignants-chercheurs recule, « de l’ordre de 2.500 enseignants en moins, c’est considérable » alerte Christophe Voilliot. « Mécaniquement, soit on embauche sur des statuts précaires, soit on augmente le temps de travail » pointe le responsable syndical, par ailleurs maître de conférences en Sciences politiques à l’université de Nanterre. Il « demande un plan de recrutement ».
      « On leur renvoie l’image qu’ils ne servent à rien pour la société. C’est terrible »

      Le sénateur PCF Pierre Ouzoulias connaît bien le sujet pour être lui-même chargé de recherche du CNRS en archéologie. « Il y a une dégradation constante depuis 10 ans des conditions de travail des enseignants-chercheurs » souligne le sénateur des Hauts-de-Seine. Résultat de ce malaise, le sentiment d’un métier dévalorisé. « On leur renvoie l’image qu’ils ne servent à rien pour la société. C’est terrible » dit Pierre Ouzoulias.

      Grégory Salle « n’aime pas trop ce terme de malaise » pour sa part, car il renvoie au « registre psychologique ». Or le problème vient avant tout « des conditions sociologiques, économiques et matérielles, qui sont intenables ». « Si on met ensemble la surcharge de travail, le fait d’être sous-payé, soumis à une bureaucratie de plus en plus démente, ça met les gens matériellement sous pression » explique le sociologue.

      Selon Grégory Salle, « la précarité professionnelle, vraiment méconnue du plus grand nombre », joue beaucoup dans la mobilisation. Il ajoute :

      Pour les étudiants, on doit passer pour des notables. Devant eux, il y a de vrais professeurs d’université qui ont des positions tout à fait stables, mais aussi de vrais précaires qui ne vivent pas forcément avec plus de 1.000 euros par mois.

      Conséquence : les jeunes docteurs ne trouvent pas de poste. Et face à un secteur bouché, les vocations s’en trouvent découragées. « Le nombre d’étudiants inscrits en thèse diminue » constate Christophe Voilliot.
      La ministre Frédérique Vidal promet de revaloriser le salaire des jeunes chercheurs

      Face à la fronde, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, tente de désamorcer et de rassurer. Invitée de Public Sénat le 31 janvier, elle expliquait ne pas vouloir « du tout » toucher au temps de travail des chercheurs – l’une des craintes – assurant qu’« il ne faut pas prendre à la lettre tout ce qui est écrit dans les rapports » (voir à 47 min dans la vidéo). La câlinothérapie continue via une tribune, publiée lundi 10 février dans Le Monde. La ministre dit avoir « entendu leur appel à réinvestir massivement dans la recherche ».

      Plus concret, en janvier, lors de ses vœux, Frédérique Vidal annonce l’augmentation des jeunes chercheurs à l’embauche, avec 2 Smic dès 2021, contre des salaires d’environ 2.200 à 2.500 euros brut aujourd’hui (soit 1,3 à 1,4 Smic). « Une bonne idée » reconnaît Christophe Voilliot, « sauf que vous risquez d’embaucher des gens mieux payés que des enseignants qui ont 6 ou même 9 ans d’ancienneté. Il faut donc revoir toutes les grilles ».

      Ce mardi, dénonçant « les rumeurs », lors des questions d’actualité au gouvernement, Frédérique Vidal en a remis une couche et assure que « chaque discipline trouvera sa place dans cette loi programmation de la recherche ». Une précision qui n’est pas anodine. Car les sciences humaines et sociales mobilisent plus qu’en physique, chimie ou mathématique.
      « Une vision catastrophique de la science »

      Une situation en partie liée à la question du financement. « Il est proposé d’accroître les financements par appels à projet, et non plus par laboratoire ou équipe. (…) On est dans un marché de la recherche, qui renvoie au darwinisme » explique le co-secrétaire général du SNESUP-FSU. Le tout mêlé à une évaluation renforcée, où la publication devient le critère.

      Derrière ça, « il y a une vision utilitariste de la recherche. Je mets l’argent, je veux des résultats. Et évidemment, tout ce qui est sciences humaines n’a plus de raison d’être. Pourquoi travailler sur l’araméen, le latin, l’archéologie ? ça ne sert à rien, il n’y a pas d’innovation. C’est une vision catastrophique de la science » dénonce le sénateur Pierre Ouzoulias. Pour Gregory Salle, « on est en plein dans la figure du chercheur-entrepreneur », mâtiné d’une « novlangue managériale où on parle d’innovation et de synergie. Mais en réalité, cela débouche sur une standardisation de la recherche. Tout le monde essaie d’être dans les clous ».
      « Ce qui compte, c’est l’individu seul et plus l’esprit d’équipe. Or depuis le XVIIIe siècle, la recherche, c’est d’abord une recherche d’équipe »

      Autre conséquence : une individualisation de la recherche. « Ce qui compte, c’est l’individu seul et plus l’esprit d’équipe. Or depuis le XVIIIe siècle, la recherche, c’est d’abord une recherche d’équipe » explique Pierre Ouzoulias. « Les grandes réussites scientifiques sont faites de coopérations très larges, comme le GIEC, sur le climat » ajoute Christophe Voilliot.

      Reste à savoir quand sortira le projet de loi. Frédéric Vidal évoquait sur notre antenne « fin mars, début avril ». Mais selon Pierre Ouzoulias, il ne verra peut-être jamais le jour. Entre la réforme des retraites et le budget 2021, à l’automne, le calendrier n’est pas évident. Pour le sénateur communiste, ce ne sera pas pour autant une victoire : « Le gouvernement n’a pas besoin de cette loi pour mener une transformation néolibérale de l’université » Ce mardi, devant les députés, Frédérique Vidal parlait pourtant bien au futur. Sa loi « réarmera notre pays et mettra la science au cœur du débat public ».

      https://www.publicsenat.fr/article/politique/precarite-financement-les-enseignants-chercheurs-mobilises-contre-la-fut

    • Liste des personnes qui ont signé une lettre de #démission_collective des responsabilités :

      Contre la LPPR et l’état actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche :
      démission collective de nos responsabilités administratives

      Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,

      Nous sommes enseignant·es, enseignant·es chercheur·es et chercheur·es : maîtres·ses de conférences, professeur·es d’université, chargé·es de recherche ou directeur·rices de recherche. Nous tenons par ce courrier à vous faire part de notre profonde indignation et de notre opposition résolue au projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) que vous portez.

      Si le projet de loi venait à être adopté, il conduirait inévitablement à une dégradation accrue des conditions d’enseignement et de recherche ainsi qu’à une amplification inacceptable de la précarisation, pourtant déjà si répandue dans l’enseignement supérieur et la recherche. Au-delà de la modulation des services (sans l’accord des intéressé·es, sans plafond d’heures et sans paiement d’heures complémentaires), qui réduirait drastiquement le temps de recherche des universitaires, la remise en cause du statut même d’enseignant·e-chercheur·e (système de « tenure tracks », « CDI de chantier » n’ayant de CDI que le nom, etc.) constitue une faute morale grave, particulièrement à l’encontre de nos collègues les plus exposé·es à la précarité. Pour ces dernier·es, la perspective d’obtenir un poste de titulaire s’amenuise dramatiquement. Nous, titulaires de l’ESR, nous sentons particulièrement responsables vis-à-vis des doctorant·es et docteur·es sans poste qui se consacrent à des études longues et exigeantes, prennent au sérieux la qualité de la recherche et la dimension émancipatrice des savoirs. Elles et ils participent au dynamisme de la recherche et assurent une part conséquente des enseignements dispensés dans le supérieur. En ce sens, elles et ils fournissent, dans des conditions difficiles, un travail (parfois) gratuit ou (souvent) mal rémunéré sans lequel l’Université cesserait de fonctionner. Nous refusons de nous résigner à nous faire gestionnaires de la précarité et demandons à votre gouvernement de répondre à l’urgence de la situation en créant des postes de titulaires.

      Nous alertons également sur les dangers que constitue le développement de la recherche sur projets fléchés au détriment de financements pérennes, pourtant seuls à même de garantir l’autonomie de la recherche, d’accompagner la recherche fondamentale et de permettre des expérimentations indispensables à l’émergence de savoirs nouveaux. Nous rappelons que l’histoire devrait nous inciter à la plus grande prudence face aux prétentions à mettre la main sur le pilotage de la production des savoirs. La course aux brevets et à la propriété intellectuelle, ainsi que le développement de financement sur fonds privés sont antinomiques avec une recherche au service de l’intérêt public et du bien commun. Nous nous élevons contre l’esprit inégalitaire et « darwinien » de la LPPR qui renforce la mise en concurrence généralisée des établissements, des unités de recherche, des disciplines et des personnels, alors même que nous savons à quel point celle-ci est contre-productive en termes de création de savoirs, réduisant le partage et la coopération et accroissant considérablement les risques de fraudes et les dérives éthiques.

      La réduction de la part des financements pérennes est allée de pair avec un accroissement de la logique évaluatrice. La recherche de financements dans laquelle nous a précipité cette politique scientifique déplorable affecte profondément les missions de recherche et d’enseignement, qui sont pourtant le cœur de notre métier. Combien de temps perdu à répondre aux appels à projet, à monter des dossiers en s’adaptant aux critères de tel ou tel organe de financement, et à évaluer nous-mêmes la conformité des projets déposés par nos collègues ou futurs collègues à ces critères souvent arbitraires qui relèvent d’une logique externe à celle du champ scientifique. Ces activités se font au détriment du temps et de l’attention que nous devrions consacrer à former et encadrer nos étudiant·es, à mener et diffuser nos recherches et à faire vivre la communauté scientifique.

      Nous sommes attaché·es à l’idéal de la science ouverte et au principe de liberté académique, inhérente à la fonction de chercheur·e. C’est le sens même des mobilisations en cours dans l’ESR. De nombreuses propositions ont déjà été faites, et continuent de l’être, pour inventer un autre modèle de gouvernance de la recherche : par exemple par la « Coordination nationale des facs et des labos en lutte », qui a poursuivi cet important travail lors d’une réunion nationale les 1er et 2 février 2020. Nous constatons que vos rapports n’en tiennent aucunement compte : l’absence d’écoute de votre Ministère vis-à-vis de nos revendications légitimes est proprement sidérante.

      L’état actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche rend impossible la poursuite de nos missions et activités ordinaires. Il est impensable de faire comme si de rien n’était en participant au fonctionnement habituel de l’Université et des institutions de recherche. C’est pourquoi, en tant que :

      membre des commissions d’évaluation de l’Hcéres, membres des conseils centraux d’universités (CAC, CA, CFVU, CR), directeur·trices d’écoles doctorales, directeur·trices de laboratoires (UP ou UMR), directeur·trices d’UFR, responsables de mentions, de parcours ou de spécialités de Licence et de Master, président·es de jury de diplôme, membres de conseils d’UFR et de conseils de laboratoire, responsables de commissions pédagogiques, des relations internationales, des équivalences, des mineures externes, des stages, membres de conseils de perfectionnement, etc.

      nous décidons collectivement de démissionner de nos fonctions et mandats de responsabilités administratives si nous n’obtenons pas le retrait du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ou que vous optez pour un passage en force à travers des cavaliers législatifs ou des décrets.

      Aucun programme d’excellence ne pourra prospérer sur les ruines de l’Université.

      Veuillez croire, madame la Ministre, à notre attachement véritable au service public et à ses valeurs.

      https://framaforms.org/demission-collective-de-nos-responsabilites-administratives-esr-15808983

      J’en fait partie...

    • « La Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche ne doit pas consacrer une seule forme d’excellence »

      Si une réflexion sur le financement de la recherche est nécessaire, la concentration de moyens sur certaines universités risquerait d’appauvrir davantage les autres établissements, estime la sociologue Christine Musselin dans une tribune au « Monde »

      Une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) est forcément une excellente nouvelle alors que les dépenses dans ce domaine sont loin de l’objectif de 3 % du PIB. Mais fallait-il une loi pour la recherche et l’innovation plutôt que pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

      Certes, une réflexion sur le financement de la recherche est utile, et un des groupes de travail installés par la ministre, Frédérique Vidal, au printemps 2019, a été chargé de la mener. Il a proposé des mesures qui conforteraient les effets des trois précédents PIA (Programmes d’investissements d’avenir) : renforcement de la différenciation entre les universités et entre les équipes ; concentration des moyens sur les établissements les plus scientifiquement reconnus. La loi reprendrait donc le modèle de la « Grande université de recherche ». Mais il ne concerne ni tous les établissements ni toutes leurs missions !
      Prendre en compte la diversité des profils

      Une loi qui ne consacre qu’une forme « d’excellence » risque d’appauvrir un peu plus ceux et celles qui ne rentrent pas dans ce cadre et de rendre moins attractives les autres missions de l’université – notamment celle d’enseignement –, pourtant tout aussi indispensables.
      Le ministère répondra que le dialogue de gestion qu’il veut instaurer avec chaque établissement permettra de pallier ce manque. Mais quels budgets significatifs pourront y être consacrés une fois la LPPR financée ? Comment ce dialogue de gestion, très cadré, pourrait-il prendre en considération la diversité des profils ? Seuls des contrats pluriannuels globaux le permettraient.

      Le second enjeu est celui de la gestion des personnels scientifiques. La question était posée à un autre groupe de travail. Parmi les propositions, celle de la revalorisation des rémunérations semble acquise, ne serait-ce que pour amortir la possible réforme des retraites. Espérons toutefois que les propositions iront au-delà et qu’elles permettront, enfin, d’atteindre des niveaux de salaires proches de ceux de nos voisins européens. D’autres mesures avancées par ce groupe sont urgentes : revalorisation du doctorat, allongement de la durée des contrats doctoraux, amélioration des conditions d’entrée dans la carrière… Mais certaines sont inquiétantes et leur juxtaposition problématique.

      Un « CDI de plusieurs années », et après ?

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/la-loi-de-programmation-pluriannuelle-pour-la-recherche-ne-doit-pas-consacre
      #paywall

    • Loi de programmation pluriannuelle de la recherche : « Une réforme néolibérale contre la #science et les #femmes »

      Un collectif de chercheuses et d’universitaires spécialistes du genre dénonce, dans une tribune au « Monde », la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, car elle accroîtra les inégalités au sein de la science française en concentrant les ressources dans les mains de quelques-uns.

      Depuis quelques semaines, les protestations grondent dans le monde universitaire contre le projet gouvernemental annoncé d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Cette réforme, inscrite dans le sillage de politiques néolibérales engagées au milieu des années 2000, prévoit de diminuer encore davantage le nombre d’emplois publics stables au profit d’emplois précaires, de concentrer les moyens sur une minorité d’établissements, de subordonner la production scientifique à des priorités politiques de courte vue, d’accroître les inégalités de rémunération et de soumettre les universitaires et chercheurs à une évaluation gestionnaire plutôt qu’à celle de leurs pairs.

      On connaît les effets délétères que ces politiques vont continuer d’engendrer sur la diversité, l’originalité et l’excellence des savoirs produits, sur la qualité de la formation dispensée aux jeunes générations et, in fine, sur la capacité de la France à répondre à de grands défis de société, comme l’urgence environnementale, les problèmes de santé publique, ou encore la montée des régimes autoritaires.

      « #Gestionnarisation » à outrance de l’université

      Les technocrates qui font ces réformes, coupés de nos métiers, ne voient pas que la « gestionnarisation » à outrance de l’université, comme celle de l’hôpital, est « contre-performante », pour reprendre leurs termes. Mais ces projets contiennent une autre menace, plus rarement dénoncée : ils vont accroître les inégalités liées à la classe, à l’assignation ethnoraciale, à la nationalité, au handicap, à l’âge, ainsi que les inégalités entre les femmes et les hommes.

      Le monde académique, qui fut jusqu’aux années 1970 un bastion masculin, ne diffère pas d’autres univers de travail : les hommes y occupent la plupart des positions dominantes. Alors que les femmes représentent 44 % des docteurs, elles sont 45 % des maîtres de conférences mais 25 % des professeurs des universités.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche-une-reforme-neoliberale-c

    • « A l’université, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre »

      Des chercheurs et des enseignants-chercheurs, membres du collectif Sauvons l’université, estiment, dans une tribune au « Monde », que la réforme annoncée pour la recherche affaiblira encore davantage le service public, à l’image de ce qui s’est fait pour l’hôpital.

      L’hôpital public est en crise absolue, le grand public en a désormais pleinement conscience. Ce qu’il sait moins, c’est que la recherche et l’enseignement supérieur le sont aussi. Si leurs « usagers » ne sont pas dans la même urgence vitale que les malades des hôpitaux – encore que la pauvreté d’un jeune étudiant lyonnais l’ait poussé à s’immoler par le feu le 8 novembre –, leur formation intellectuelle est plus que jamais en péril, leur avenir professionnel plus que jamais compromis. Si la détérioration des conditions d’exercice des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur reste sans comparaison possible avec celle des hospitaliers, c’est la même destruction du service public qui est à l’œuvre ici et là.

      Comme à l’hôpital, les professionnels de l’enseignement supérieur travaillent désormais au sein d’une institution totalement désorganisée, épuisée par quinze années de réformes successives. Répondant à l’injonction de se hisser dans des classements internationaux aux critères absurdes, des laboratoires d’excellence, des équipements d’excellence, des formations d’excellence ont surgi dans le paysage universitaire. Tel un rat de laboratoire, le chercheur erre dans un labyrinthe de guichets à la recherche de financements. Il rédige des projets, des rapports de projets en cours, des évaluations de projets, des bilans de projets. Il recommence quand il a terminé. Vissé derrière son ordinateur, sur lequel il cherche dans quelle fenêtre « innovante » il pourrait s’inscrire, il réduit de jour en jour le temps consacré à la recherche et à ses étudiants.

      Comme à l’hôpital où, à côté de plateaux techniques coûteux, on manque de simples compresses, ces nouvelles structures concentrent l’essentiel des moyens financiers, au détriment de la plupart des unités de recherche et d’enseignement dont les dotations ont diminué, dont les locaux sont délabrés, dont les fournitures les plus élémentaires se tarissent. Comme à l’hôpital, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre dans la mise en concurrence généralisée des personnes et des équipes, dans la course au projet innovant, dans une réorganisation institutionnelle incessante.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/a-l-universite-la-destruction-des-collectifs-de-travail-est-a-l-uvre_6029014

    • Il faut défendre le Conseil national des universités

      Nombreux sont ceux qui aujourd’hui regardent le #Conseil_national_des_universités comme un organe obsolète. Ils ajoutent que sa suppression serait toutefois vécue par les enseignants comme une « hérésie ». Le choix des mots n’est pas anodin : défendre le #CNU n’est pas être un censeur orthodoxe, réaffirmant une foi doctrinale qui se passerait d’arguments – en voici quelques-uns, qui ne sont pas des moindres.

      https://aoc.media/opinion/2020/02/11/il-faut-defendre-conseil-national-des-universites

    • La ministre de la recherche Frédérique Vidal reçue sous les huées de chercheurs du CNRS de Grenoble

      Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, était au CNRS de Grenoble ce jeudi 13 février. L’objet de sa visite ? Un temps d’échange avec des directeurs de laboratoires dans le cadre de la préparation de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. La ministre a essuyé les huées d’un comité d’accueil réfractaire aux futures dispositions de ladite loi, ainsi qu’au projet de réforme des retraites.

      C’est sous les huées d’un groupe d’une cinquantaine de chercheurs que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est arrivée au CNRS de Grenoble, ce jeudi 13 février. L’objet de cette visite, annoncée au dernier moment et placée sous haute protection policière ? Un temps d’échange avec des directeurs de laboratoires et des chercheurs, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) initiée il y a tout juste un an.

      Un dispositif encore en cours d’élaboration mais qui suscite nombre d’inquiétudes dans les rangs des chercheurs et syndicats FO, Sud et FSU du CNRS. Que lui reprochent-ils entre autres griefs ? Notamment « de mettre la recherche au service du fric » et de créer les conditions d’une mise en concurrence des chercheurs « en ne gardant que les meilleurs ». Et, en filigrane, un autre projet gouvernemental, celui de la réforme des retraites dont ils réclament en bloc le retrait.

      La LPPR « creuse la tombe de la recherche publique en France » selon les syndicats

      « La LPPR c’est une loi contre la recherche qui va dans le sens des précédentes lois », affirme Pierre Giroux, secrétaire général du SNTRS CGT. Son constat ? « Les personnels sont de plus en plus isolés. Il n’y a plus de travail d’équipe et nous sommes obligés de faire des demandes de contrats pour faire avancer nos recherches », déplore le syndicaliste.

      Le texte en préparation « creuse la tombe de la recherche publique en France », selon ce dernier, qui concède toutefois ne pas en connaître tous les détails. « Nous nous prononçons contre cette loi. Et demandons l’ouverture de négociations pour qu’une autre loi et un autre financement de la recherche soient possibles », appuie Pierre Giroux.

      Mêmes échos négatifs de la part de Benjamin Trocmé, directeur de recherche au CNRS et conseiller départemental. Ce dernier brocarde « une ministre qui arrive en catimini et sans vraiment rencontrer les personnels ». Lui aussi reconnaît ne pas exactement savoir à quelle sauce les chercheurs vont être mangés.

      « Des rumeurs commencent à circuler. Il y a toute une philosophie tendant à mettre les labos en compétition », s’inquiète-t-il. « Jusqu’à présent, la recherche ça a toujours été de la coopération et de l’émulation. Cette loi est incompatible avec le principe même de la recherche », tranche Benjamin Trocmé.

      Les manifestants ont refusé de dialoguer avec Frédérique Vidal

      Cette réaction épidermique, tant sur la LPPR que sur les retraites, n’a pas manqué d’étonner Émilie Chalas, députée de la conscription sur laquelle se situe le CNRS. « C’est surprenant parce que les textes sont toujours en cours de discussion à l’Assemblée nationale. […] On sent bien là une instrumentalisation politique des inquiétudes », juge-t-elle. « Frédérique Vidal est une ministre qui a le contact plutôt facile. Peut-être s’arrêtera-t-elle pour échanger avec les manifestants ? », a-t-elle envisagé.

      Mais non. Les manifestants ont catégoriquement refusé le dialogue, pourtant proposé par le directeur de cabinet du préfet de l’Isère. En cause ? La présence d’un contingent de gendarmes mobiles ayant pris position dans l’enceinte du CNRS et qui les avaient prévenus qu’ils feraient usage de la force s’ils ne se déplaçaient pas au-delà d’une ligne imaginaire.

      « En quarante ans de présence, on n’a jamais vu ça au CNRS ! », s’indignent des chercheurs, remontés comme des coucous. Mais ce n’est pas tout. Un peu plus tôt, bien qu’ils soient en possession d’une invitation officielle, plusieurs enseignants et syndicalistes de l’Université Grenoble-Alpes (UGA) n’avaient pas pu pénétrer sur le site.

      « Il y avait clairement une volonté de ne pas nous faire rentrer », estime Nicolas Sieffert, enseignant-chercheur au Département de la licence sciences et technologies (DLST). « Nous sommes juste des chercheurs. Il n’y avait aucune volonté de bloquer, sinon celle de protester », plaide-t-il.

      « Cette loi va nous donner la trajectoire des investissements dans la recherche »

      « Cette loi de programmation est une loi budgétaire qui va nous donner la trajectoire des investissements dans la recherche sur les sept à dix prochaines années », explique, quant à elle, Frédérique Vidal. Le challenge ? Trouver comment utiliser au mieux cet argent « qui viendra en plus de ce qui est fait actuellement » pour répondre à trois questions fondamentales. À savoir : « rendre la recherche attractive, continuer à faire de la France un grand pays de recherche, et mieux articuler les recherches fondamentales publiques et privées », énumère la ministre.

      « La loi sera une loi budgétaire mais il faudra ensuite la décliner en circulaires ou règlements. S’il y a quelques modifications à y apporter, il faudra le faire dans les semaines qui viennent », précise Frédérique Vidal. « C’est tout l’objet des rencontres d’aujourd’hui », a-t-elle expliqué.

      Pour autant, si l’on en croit la fraîcheur du comité d’accueil, la pilule risque bien de ne pas passer aussi facilement.

      Frédérique Vidal déclare entendre les inquiétudes des chercheurs. Cependant, et sans surprise, la ministre n’en défend pas moins pied à pied la future loi, en vantant une initiative gouvernementale inédite.

    • Interpellation du Président #Michel_Deneken par l’AG des personnels de l’#Université_de_Strasbourg

      Lors de la présentation à la presse du projet Cap 2030 de notre université, vous avez prononcé cette phrase, rapportée par les DNA (https://www.dna.fr/edition-strasbourg/2020/02/13/une-vision-commune-et-des-priorites-a-l-horizon-2030) ce 13 février dans un article intitulé « Une vision commune et des priorités à l’horizon 2030 » :

      "Nous sommes une #entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de #clients".

      En tant qu’universitaire, vous connaissez la valeur des mots. Ces mots ne sont pas les nôtres.

      Non, Monsieur le Président, nous ne sommes pas une « entreprise », mais un Service public.

      Les étudiants ne sont pas des « clients » : nous leur offrons une formation publique, des savoirs publics et une recherche publique. Nous vous prions instamment de défendre les valeurs de la Fonction publique de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et non celles du secteur privé, auquel nous n’appartenons pas et auquel nous ne voulons en aucun cas
      appartenir.

      L’Assemblée générale des personnels de l’Université résistante de Strasbourg.

      #Deneken

      –-----

      L’article paru dans le journal DNA (Dernières Nouvelles d’Alsace) :

      Université de Strasbourg : une vision commune et des priorités à l’horizon 2030

      L’Unistra a élaboré un document d’orientation stratégique afin de définir ses priorités d’ici 2030. Avec l’objectif de déterminer des grands axes d’actions pour l’enseignement supérieur et la recherche mais aussi de répondre à court terme aux préoccupations actuelles.

      • Cap 2030 : plus de 600 propositions

      « Autrefois les stratégies des universités étaient décidées par les ministères. Nous nous sommes emparés des marges d’autonomie. Nous avons le devoir de donner une perspective, une stratégie à notre université. L’immédiat ne doit pas nous faire oublier de tracer un cap », explique Michel Deneken, président de l’Unistra. Avant de poser cette question : « Quels sont les grands défis, dans les 10 ans, qui peuvent nous mobiliser ? »

      Pour y répondre, l’université avait lancé, l’an dernier, auprès des plus de 60 000 membres de sa communauté – composée de 52 000 étudiants, plus de 5 500 enseignants, enseignants-chercheurs et personnels, et plus de 4 500 intervenants professionnels extérieurs – une consultation inédite nommée Cap 2030.

      Plus de 6 000 réponses ont été apportées et près de 620 propositions ont été faites, « dont 30 % sont déjà mises en œuvre », note Christelle Roy, vice-présidente chargée des Stratégies et développements. Avec deux préoccupations majeures : la qualité de vie et le développement durable.

      • Un document de référence

      L’idée de l’Unistra de définir sa vision et ses grandes priorités à l’horizon 2030 remonte à la fin 2018.

      La consultation de sa communauté avait été organisée en mars et avril 2019, l’année de ses 10 ans d’existence (depuis la réunification).

      Le document d’orientation stratégique a été adopté, le 28 janvier 2020, par le congrès de l’université. Ce document de cinq pages n’est pas un document décisionnel, ne prévoit pas de financements particuliers, mais constitue un document de référence, explique Christelle Roy.

      Chaque composante, chaque unité de recherche, chaque service, chaque personne pourra s’en saisir, pour s’en inspirer, élaborer ou participer à des projets, formuler de nouvelles actions concrètes. Il servira également de document d’appui pour consolider des grands appels à projets nationaux ou européens. Prochaine étape, la réalisation en mars d’un livret de référence qui permet « d’acter et de partager une vision commune ».

      • « Quel est notre ADN ? »

      Ce travail de prospective « nous a permis de prendre la mesure de ce que nous sommes », remarque Michel Deneken. « Il existe 80 universités en France, chacune est insérée dans un territoire et tributaire d’une histoire différente. Quel est notre ADN ? Qui sommes-nous dans le paysage français et européen ? Nous sommes une grande université de recherche. Nous sommes insérés dans Eucor et labellisés européenne avec Epicur. Comme le fait le CNRS, cette différenciation nous permet de mettre les moyens là où la différence est la plus grande. »

      • Une vision réaliste

      Plusieurs propositions pourront être rapidement mises en œuvre, notamment pour améliorer le développement durable, une demande qualifiée de « lame de fond » par Michel Deneken.

      Le document d’orientation propose « une vision réaliste », dans un contexte où
      « nous avons du mal à être financés de manière pérenne », remarque le président de l’Unistra. « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m2, pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. À un moment... » Puis de finir sur une bonne note : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      https://www.dna.fr/edition-strasbourg/2020/02/13/une-vision-commune-et-des-priorites-a-l-horizon-2030

    • Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à l’université de Nantes.

      Ne pas céder sur son désir. Depuis 7 ans je suis responsable pédagogique et administratif d’une licence professionnelle en Community Management. Je l’étais. Car à compter d’aujourd’hui, je démissionne. Rien ne permet d’indiquer aujourd’hui si celle licence pourra ouvrir l’année prochaine. Il faudra assurer son recrutement, le suivi des inscriptions et des négociations estivales d’étudiants en recherche de contrats ou simplement en demande d’information. Il faudra aussi recruter de nouveaux vacataires. Il faudra faire les emplois du temps en jonglant avec d’innombrables contraintes. Je ne le ferai pas. Je démissionne. Je démissionne de toutes mes fonctions administratives.

      En 7 ans, je pense avoir exploré toutes les principales failles d’une université qui achève de se renier dans chacune de ses valeurs fondamentales et qui ne tient plus que par la curiosité et l’envie de ses étudiants et le dévouement, hélas souvent mortifère, d’une partie de son personnel enseignant, technique et administratif.

      Quand j’ai voulu monter cette licence professionnelle je suis passé par toutes les phases au mieux ubuesques et au pire kafkaïennes. On m’a fait remplir d’innombrables dossiers et formulaires sans cesse recommencés, qui n’avaient aucun autre sens que celui de m’habituer à vivre dans un monde où chaque décision, chaque choix, chaque envie et chaque idée ne vaut que si elle peut être déclinée en autant de procédures cherchant l’épuisement de la (bonne) volonté. J’ai avalé toutes les couleuvres possibles, j’ai commencé, déjà, à m’asseoir sur un certain nombre de mes principes, parce que je pensais qu’il demeurerait une possibilité de les retrouver plus tard. Que ce renoncement n’était que provisoire. J’avais tort. Je vous avais raconté tout cela ici.

      Pendant des années, j’ai du défendre une formation qui n’était jamais « assez rentable » au regard d’autres formations, en tout cas pour certains collègues et responsables de site, de pôle ou de toute autre entité managériale superfétatoire. Pendant des années à l’échelle globale de l’université comme à celle de chacune de ses composantes, des formations ont été « mises en concurrence », non sur le plan pédagogique mais uniquement sur des paramètres et des critères financiers. Cette folie a conduit à d’innombrables tensions entre collègues, jusqu’à l’année dernière et cette scène surréaliste où le directeur de ma composante m’a demandé, sous peine de fermer la formation, de m’engager personnellement à trouver 5 ou 6 contrats. On nageait déjà en plein délire. Je vous avais raconté tout cela ici (sautez directement au passage « Mes chers collègues, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être ... »).

      Et puis il y a eu, cette rentrée à l’université de Nantes, l’affaire du trop-perçu des vacataires. Une erreur initiale de la direction des finances publiques, et quelques strates logicielles et administratives plus tard, des vacataires sommés de rembourser des sommes allant de quelques dizaines et plus d’un millier d’euros. Des vacataires qui représentent, rappelons-le près de 30% des heures d’enseignement dans les universités françaises. A l’université de Nantes, comme en atteste l’extrait du bilan social ci-dessous, ces vacataires assurent 127 000 heures d’enseignement. Pour vous donner un point de comparaison relatif, une formation de licence professionnelle c’est 450 heures d’enseignement en moyenne. Je vous laisse faire le produit en croix.

      Vacataires que l’on a donc, matériellement et symboliquement, traité comme du bétail. Depuis le mois de Septembre, nombre d’entre eux ont démissionné, mettant en péril l’existence même de certaines formations. Nombre d’entre eux sont également restés. Parce qu’ils n’avaient pas le choix (financier). Parce qu’ils étaient sincèrement attachés aux étudiants et aux formations. Et aussi parce que la possibilité de faire figurer « enseignant à l’université » sur son CV reste une reconnaissance symbolique importante. La licence dont je m’occupe emploie chaque année une quinzaine de vacataires intervenant pour deux ou trois heures et parfois pour assurer des enseignements complets autour d’une quarantaine d’heures. A ces gens-là on a envoyé différents courriers les sommant de payer sans même leur offrir la possibilité d’étalonner les paiements. Et sans que je ne sois, comme responsable de formation, jamais informé ni des sommes en jeu ni même de la nature desdits courriers. Puis devant le tollé du premier courrier tant la forme était violente, méprisante et humiliante, un courrier « d’excuse » fut envoyé aux mêmes pour déplorer la violence formelle du premier. Et puis ... et puis tout à continué. Les relances incessantes dont celles en guise de voeu de bonne année. Les demandes d’étalement pour lesquelles on vous somme de produire un dossier digne des services sociaux de l’Angleterre Thatcherienne. Vous sollicitez une exonération ou un étalement et vous avez déjà rempli 2 dossiers différents ? Merci de nous envoyer « un état de vos ressources actuelles selon votre situation familiale, un état de vos dépenses (loyer, électricité, téléphone, taxe habitation, impôts sur le revenu, crédit), les justificatifs d’une situation de difficulté financière importante (incident bancaire...). » Tout cela est bien sûr authentique.

      C’était là ma limite. La plupart de ces gens, de ces « vacataires », je les connais depuis plus de 10 ans. Pour nombre d’entre eux c’est moi qui les ai « recrutés » ou plus exactement « embarqués » dans cette histoire. Ils viennent pour une paie de misère. Ils n’ont même pas le droit d’être défrayés parce que l’université ne le permet pas. Alors bien sûr on triche. On fait des faux. Oui. Des faux. Dix ans que je fais des faux. Je rajoute ici ou là des fausses heures de cours parce que j’ai honte de ne pas pouvoir faire autrement pour pouvoir au moins défrayer un petit peu les vacataires qui sont à nos côtés et devant nos étudiants. Chaque année je « pose » les emplois du temps de ces vacataires. On finit par pénétrer dans des zones d’intimité. Pas de cours le mercredi parce qu’il est divorcé et a la garde de ses enfants. Pas de cours pour elle les semaines impaires, pour la même raison. Que des cours le vendredi après-midi en Janvier parce qu’il en profite pour visiter des clients dans le coin le vendredi matin. Pour elle, pas de cours le lundi matin de Septembre à Décembre parce qu’elle suit un traitement médical un peu « lourd ». Et tout le reste. La famille. Les enfants. Les loisirs. Les opinions politiques. Depuis 10 ans. 10 ans qu’on les connaît ces vacataires. Qu’on prend le café avec eux. Elle c’est sans sucre. Et lui c’est plutôt du thé. Il y en a qu’on accueille à la maison pour leur éviter de payer l’hôtel. Car certains viennent de loin. Il y en a qui nous amènent des chocolats à Noël. Il y en a qui prennent nos étudiants en stage. Ou en contrat. Il y en a qui versent chaque année de la taxe d’apprentissage à nos formations. A l’université de Nantes. Celle-là même qui leur réclame ce « trop-perçu ». Il y en a tellement. Qui passent. Qui restent. Qui reviennent. Certains sont devenus des copains. Le resteront quoi qu’il arrive.

      Dans l’affaire du trop-perçu des vacataires j’ai averti et alerté tous les services centraux de l’université. Présidence, DGS, DRH, directions concernées de l’IUT. J’ai arrosé large. Je n’ai pas du être le seul. J’ai demandé et j’ai expliqué. J’ai dit que nous ne pourrions pas supporter ces démissions. J’ai dit que des formations allaient être en (grand) danger. J’ai dit que sur le fond comme sur la forme rien de ce qui était fait n’était ni normal, ni digne, ni respectueux. J’ai même proposé un protocole pour en sortir. Un « tuto » de sortie de crise. Qui consistait par exemple à prioriser avec les responsables de formation, les sommes à recouvrer dans l’immédiat, celles à recouvrer plus tard, et enfin un volet de cas particuliers pour lesquels une exonération partielle ou totale, immédiate ou différée, était à la fois envisageable et justifiée, soit au regard de la situation des personnes, soit au regard des exigences et nécessités de service des formations. Mais rien. Nombre de vacataires ayant finalement payé, nombre d’entre eux ayant également démissionné, et étant toujours en contact étroit avec chacun d’entre eux, j’ai fini par demander une exonération totale des sommes qu’il restait à payer pour 4 d’entre eux. Il y avait à chaque fois une bonne raison : l’entreprise de l’un nous versait régulièrement de la taxe d’apprentissage, une autre s’était tapée le trajet Bordeaux - La Roche sur Yon 4 fois par an pendant 7 ans, et un autre traversait un moment personnel compliqué. C’était bien sûr inéquitable. Mais dans un système à ce point dysfonctionnel il ne peut plus y avoir de point d’équilibre ou d’équité, seulement des points de rupture. Et j’ai mis ma démission dans la balance.

      Pendant que l’université continuait de réclamer quelques centaines d’euros « d’argent public » à de récalcitrants vacataires, le président sortant de l’université, Olivier Laboux, nous livrait son « bilan de mandat », sur les pages web de l’université, en version .pdf et ... avec un document imprimé de 32 pages sur papier glacé diffusé à ... je n’ose imaginer combien d’exemplaires. Avec cet argent également public d’une impression tout à fait inutile, combien de vacataires aurait-il été possible d’épargner et de soulager ? J’ai posé cette question par mail au président. J’attends toujours sa réponse.

      Parmi les gens auxquels j’ai écrit, il y a quelques managers venus du privé et il y a surtout beaucoup, beaucoup d’universitaires. Mais non. Rien. La seule réponse que j’obtins fut celle du « je partage votre exaspération » mais « il s’agit d’argent public » suivi d’un inénarrable « mais on va apprendre de cet échec pour s’améliorer, pour alléger les procédures ». Malgré tout cela et depuis désormais presque 6 mois que cette affaire a éclaté, jamais ces gens n’ont agi en universitaires. Pourtant beaucoup d’entre eux sont universitaires. Jamais ils n’ont pris de contact direct avec les responsables de formation. Jamais ils n’ont envisagé de prendre en compte l’impact de leurs décisions de recouvrement sur le contenu des formations. Jamais ils n’ont pris en compte l’aspect humain et la relation de sens qui unit l’immense majorité de ces « vacataires » à l’université. Tous ces gens n’ont été que comptables, et en plus de cela de mauvais comptables, tristement incapables d’une quelconque forme d’expertise. Je crois que c’est cela qui est le plus navrant. Que des universitaires puissent à ce point être oublieux de ce qu’ils sont.
      Nous sommes devenus indignes de ce(ux) que nous représentons.

      Parce qu’il faut que les formations soient toujours plus « rentables », l’université déploie des trésors d’ingéniosité budgétaire pour accompagner les étudiants dans la recherche de contrats (contrats pro ou contrat d’apprentissage) qui vont lui rapporter de l’argent, des « ressources propres » comme l’on dit dans la novlangue managériale. Et pourquoi pas.

      Mais à l’heure où la précarité étudiante (matérielle et psychologique) progresse, la médecine universitaire du 21ème siècle est indigente, les services sociaux sur les campus sont soit inexistants soit totalement saturés, et - expérience vécue - quand nous sommes confrontés à des cas extrêmement difficiles de harcèlement sur un lieu de stage les services juridiques sont absents, surchargés ou se déclarent eux-mêmes incompétents et d’autres services (la DEVU en l’occurence, merci à eux d’ailleurs) font ... ce qu’ils peuvent. J’en suis arrivé, cette année, à faire intervenir une inspectrice du travail à la retraite pour sensibiliser les étudiants à ces questions, intervention que je dois bien entendu payer « sur les crédits de ma formation », grâce à l’argent que me rapportent ... les contrats. Je n’ai même pas cherché à discuter quand on me l’a annoncé. Pour être sincère, sur le moment, cela m’a d’ailleurs presque paru ... normal. La formation est désormais rentable. Je paie donc certains intervenants sur mes propres crédits. Tout cela est un non-sens absolu. Et occupe l’essentiel de nos agendas qui ne sont faits que de fausses urgences alimentées par d’imbéciles procédures nécessitant d’improbables et toujours plus complexes dossiers soumis à d’aléatoires et aveugles arbitrages budgétaires.

      Je ne pense pas, en l’état actuel de la gestion des universités françaises, qu’il soit encore possible de faire avancer les choses. En tout cas par des formes de négociation qui postulent ou présupposent une acceptation de l’environnement managérial actuel de l’université. Même les gens intelligents sont pris dans un environnement auto-référentiel qui les aveugle et les abrutit. Ils dansent comme des lapins dans des phares. Quand l’université leur annonce qu’ils vont devenir des « préfigurateurs de la vision » (là encore c’est authentique) ils trouvent ça normal et se précipitent aux réunions pour en être. Quand le ministère baptise « Bienvenue en France » un plan visant à multiplier par 16 les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, ils trouvent ça cohérent. Eux-mêmes, dans leur propre université, font voter une baisse de 20% du budget des bibliothèques universitaires. De leur bibliothèque universitaire. Quand on les interpelle sur la violence systémique et symbolique de leurs courriers et de leur mode de management ils disent n’y voir « aucune intentionnalité ». Si demain on leur annonçait le remplacement du ministère de l’enseignement et de la recherche par celui des démarches ridicules ils se mettraient à marcher en canard ou en crabe.

      J’avais jusqu’à maintenant « résisté » parce qu’à chaque fois c’est moi qui prenait la décision finale. Et cette décision était prise conformément à un certain nombre de mes valeurs. Et me permettait, du moins le pensais-je, de protéger et d’accompagner au mieux les étudiants et parfois les collègues. Juste un exemple parmi tant d’autres : on m’expliquait (avec force) qu’il ne fallait prendre que des étudiants « financés » par un contrat en licence pro ? Je maintenais un accès de droit en formation initiale pour des étudiants avec de bons dossiers et continuais de refuser des étudiants avec des contrats mais de mauvais dossiers. Parce que je ne suis pas là pour faire du chiffre. Mais pour former des étudiants qui ont un projet cohérent. Cela peut vous paraître fou mais voilà contre quoi nous sommes nombreux à lutter, pied à pied, chaque jour, depuis des années.

      Aujourd’hui la plupart des digues qui me permettaient de protéger et d’accompagner efficacement les étudiants sautent les unes après les autres. Et celles qui me permettaient, pour une formation dont j’ai la charge, de rester (vaguement) responsable parce que décisionnaire du sort qui était fait aux collègues, titulaires, précaires et vacataires, ces digues là ont donc également sauté. Je n’ai donc plus aucune raison de continuer. Le système en lui-même ne semble plus capable d’une forme, même vague, même lointaine, de résilience. Si mon seul rôle consiste à accompagner des collègues sur le chemin de l’humiliation administrative, financière et symbolique sans pouvoir de quelque manière que ce soit l’empêcher, l’éviter ou la combattre, alors c’est que je ne suis plus à ma place, ou que ma place est celle d’un allié de ce système. Ce n’est bien sûr pas envisageable.

      Mais derrière tout « système » il y a des gens, décisionnaires, responsables devant la communauté qu’ils sont supposés représenter. A chaque étage franchi dans l’échelle des responsabilités universitaires - et même en laissant de côté les simples arrivistes déjà nombreux - j’ai l’impression que l’on ne fait que grandir en aveuglement et dans l’acceptation cynique et réfléchie de formes douces d’inhumanité. Jusqu’à l’étage ministériel et l’immonde plan « Bienvenue en France » contre lequel la communauté universitaire dans son ensemble n’a même plus été en capacité de réunir les formes de résistance nécessaires à son abolition immédiate.

      Très sincèrement je ne sais plus comment me comporter avec ces gens là. Les ignorer est coupable. Leur parler semble vain. Les insulter soulage à peine.

      Il (me) faut trouver d’autres terrains de lutte. Peut-être plus essentiels. Probablement moins universitaires. Car ce qui reste à sauver de l’université semble se jouer désormais principalement en dehors d’elle-même.

      « Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner » écrivait Saint-Exupéry. Alors soyons exigeants :-)

      Je remercie sincèrement, les collègues, titulaires, vacataires, précaires, grégaires, mais aussi, et leur part est immense, les secrétariats et services administratifs, services de formation continue, qui ont fait vivre et porté à bout de bras cette formation pendant 7 années à mes côtés. Que nous ayons été d’accord ou pas, pendant 7 années cette licence a aussi été la votre et ce que chaque diplômé est devenu, il vous le doit aussi un peu. Chaque parcours aura été unique et chaque rencontre précieuse. Ce que vous avez apporté aux étudiants n’a pas vraiment de prix. Vous le savez. La vie continue.

      La vie continue mais il va falloir que quelque chose change. Pour que nous retrouvions du sens à faire ce que nous faisons chaque jour. Nous le devons à nos étudiants. A nos collègues. Surtout précaires. D’abord précaires. Et un peu à nous-mêmes.

      « Ne pas céder sur son désir » disait Lacan, pour que la personne devienne sujet. Il ne nous reste que nos désirs à opposer aux ratiocinations faussement rationnelles du New Public Management dans les dernières strates encore capables de prendre collectivement soin des êtres et de ces choses bizarres que l’on trouve notamment dans les bibliothèques universitaires et que l’on appelle des connaissances. Ne pas céder sur son désir. Celui de prendre soin. A l’université comme à l’hôpital. Alors ne cédons pas sur nos désirs.

      Le 5 Mars l’université et la recherche s’arrêtent. C’est écrit sur les murs.

      https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/02/pourquoi-je-demissione-universite-nantes.html
      #démission #violence #résilience #humiliation_administrative #aveuglement #inhumanité #désirs #new_public_management #connaissances #prendre_soin

    • #Montpellier : des manifestants perturbent l’inauguration du #village_des_sciences pour interpeller les élus

      Près de 150 personnes se sont invitées à l’inauguration du village des sciences de Montpellier, ce 11 février, pour protester contre la précarité des étudiants, mais aussi protester contre la loi de programmation de la recherche et la réforme des retraites (LPPR).

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/montpellier-manifestants-perturbent-inauguration-du-vil

    • #Campus_Triolet : des manifestants perturbent l’inauguration du Village des sciences

      Une centaine de manifestants ont perturbé l’inauguration des nouveaux bâtiments du village des Sciences sur le Campus Triolet, ce mardi matin.

      Le cortège, composé de syndicats, d’enseignants et de personnels de l’université, a envahi le bâtiment 35, en début de visite puis le bâtiment dédié à l’enseignement, jusqu’à la cérémonie de coupure de ruban.

      La visite s’est ensuite poursuivie avec les manifestants, dans un amphithéâtre où une prise de parole des officiels, dont la nouvelle rectrice Sophie Béjean, était prévue et a été perturbée.

      L’inauguration a finalement été écourtée par les organisateurs.

      https://www.lagazettedemontpellier.fr/live/5e4284a6be881b00305f7478/campus-triolet-des-manifestants-perturbent-l-inauguration-du-

    • Doctorants et docteurs précaires : « On n’est jamais assez bien, alors qu’on se tue au travail »

      Sous-payés, sous pression, les précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche sont en lutte depuis deux mois. Ils racontent leur quotidien pour « Libération ».

      « On est exploités alors que sans nous, l’université ne tourne pas ! » soupire Juliette (1), en deuxième année de thèse. Assise sur un banc place de la Sorbonne, elle jette un regard désabusé vers l’université Paris-1, où elle est vacataire. Depuis deux mois, comme elle, de nombreux précaires sont mobilisés pour dénoncer leur situation : grèves, tribunes, manifestations, la parole se délie. « Ça fait des années qu’on est maltraités, mais personne n’en parlait, par peur de perdre nos contrats », marmonne la doctorante de 24 ans derrière son écharpe.

      En France, 24% des enseignants du supérieur sont précaires (sans compter les vacataires). Ils peuvent aussi bien être doctorants ou docteurs enchaînant les contrats courts, et travaillent sous différents statuts : doctorants, thèse financée ou non, avec une mission d’enseignement, Ater (attaché temporaire d’enseignement et de recherche), avec un CDD d’un an renouvelable une fois… C’est encore plus compliqué pour les quelque 130 000 vacataires. Ils sont payés à l’heure de cours donnée et ne cotisent pas. Docteure en arts, Eugénie (1) va bientôt fêter ses 45 ans mais n’a toujours pas de poste fixe. Depuis dix ans, elle enchaîne les vacations avec un deuxième emploi pour s’en sortir.

      Un salaire de misère

      Sans le savoir, on voit leurs noms partout sur les emplois du temps des facs : les TD (travaux dirigés) sont assurés par des précaires. Les vacataires, « ceux pour qui c’est le pire », comme le souligne Juliette, touchent 41,41 euros brut de l’heure. « Sauf qu’on est payés uniquement à l’heure de cours donnée ! » rappelle Paula, exaspérée. Elle a été vacataire pendant sa thèse à Montpellier et se souvient des heures de travail à rallonge, non rémunérées : « J’avais dû préparer un concours blanc d’agrégation. L’écriture m’a pris une semaine, la surveillance sept heures, la correction huit heures. Et j’ai été payée uniquement pour une heure de cours. »

      Juliette, vacataire en science politique, enchaîne elle aussi les heures de cours pour à peine 200 euros par mois. Et encore, quand elle touche son salaire. Depuis le début de l’année scolaire, elle n’a pas reçu le moindre centime alors qu’elle enseigne toutes les semaines : « Les vacataires sont toujours rémunérés à la fin du semestre. L’année dernière, j’ai été payée fin août pour des TD donnés en janvier. »

      A Paris-1, Juliette et les autres vacataires ont même fait une rétention de notes entre avril et juin 2019 pour réclamer la mensualisation de leur salaire. La fac a accepté, mais rien n’a changé. Même son de cloche du côté de Lille, où William est vacataire : « Depuis des années, on nous promet partout qu’on va être payés mensuellement, mais ce n’est jamais mis en place. »
      « J’aurais dû faire un CAP soudure »

      Bien sûr, Juliette n’a pas les moyens de se payer un loyer à Paris. Coup de chance, des amis l’hébergent gratuitement dans leur appartement, et ses parents lui font parfois des pleins de courses. Mais ce n’est toujours pas assez pour s’en sortir financièrement. Alors à côté, elle est ouvreuse dans un théâtre les soirs et week-ends, pour 200 euros par mois. Le reste du temps, elle jongle entre sa thèse et ses cours. « Je suis jeune, donc ça va, mais je ne vais pas pouvoir continuer comme ça toute ma vie », confie la jeune femme, honteuse de devoir constamment se reposer sur les autres : « Je suis toujours celle qui n’a pas d’argent, qui demande à aller dans un bar moins cher… »

      Eugénie, elle, a soutenu sa thèse il y a près de dix ans et n’a toujours pas été titularisée. Amoureuse de l’enseignement, elle ne veut pas lâcher la fac pour autant et donne des vacations dans une université parisienne. En parallèle, elle est rédactrice à temps partiel, pour toucher un revenu décent. Elle a supporté ce cumul pendant près d’une décennie, en espérant que la précarité n’était qu’une étape. Mais aujourd’hui, l’épuisement n’est plus surmontable : « Je prévois enfin de me reconvertir, bien malgré moi. Franchement, j’aurais dû faire un CAP soudure. »
      Une réponse positive sur trente candidatures

      Pour Suzanne (1) aussi, la question de la reconversion commence à se poser. Pourtant, elle s’estime presque chanceuse : elle a obtenu un poste d’Ater avec un salaire de 1 657,87 euros net par mois. A 34 ans, elle n’a jamais gagné autant d’argent, mais reste anxieuse : « Je vais savoir en juin si mon CDD est renouvelé en septembre… »

      Pour obtenir une place d’Ater, il faut postuler via la plateforme en ligne Galaxie. Suzanne a tenté l’expérience à cinq reprises, avec une trentaine de candidatures chaque fois partout en France. Elle n’a reçu qu’une seule réponse positive : à Tours, alors qu’elle vit à Nancy avec son conjoint, en CDI. Pas le choix, elle a déménagé seule dans un studio et essaie de le voir quand elle peut, en économisant pour se payer des billets de train. « Etudiante, j’étais déjà très précaire. Ça n’a jamais changé. Sauf que maintenant, il y a la déprime de se dire que même en étant surdiplômée et hyperqualifiée, je ne décroche pas de contrat », admet-elle.
      « Deux de mes amis se sont suicidés »

      Paula, doctorante en géographie, a elle aussi décroché un poste d’Ater en septembre, à Rouen. Un « miracle » : sur cinquante candidatures, elle n’a eu que trois réponses positives, « et c’est considéré comme un super score ».

      Ces rejets sont difficiles à encaisser : « Qu’est-ce qu’il faut faire pour être pris ? On n’est jamais assez bien, alors qu’on se tue au travail ! » Pour « améliorer » leur dossier, les doctorants et docteurs doivent multiplier les activités : participer à des colloques, publier dans des revues académiques, donner des cours… Tout ça pour espérer être titularisé tôt ou tard, alors que les postes sont de plus en plus rares. William, vacataire à Lille, a été témoin des conséquences dramatiques que peut avoir une telle pression : « Deux de mes amis se sont suicidés parce qu’ils n’arrivaient plus à tenir. »

      « C’est une angoisse terrible. Ça te bouffe de l’intérieur… » confirme Paula. Pour ne pas se laisser sombrer, elle a décidé de prendre plus de temps pour elle cette année : pour la première fois, elle ne travaille pas les week-ends : « Ce que j’aime, c’est l’université, mais je préfère me reconvertir plutôt que supporter ce stress permanent. »
      Des collectifs de précaires pour lutter

      Quelque chose rassure encore Juliette : dans cette précarité, elle a rencontré d’autres personnes qui vivent la même chose et sont prêtes à lutter pour leurs droits. Depuis deux mois, les collectifs de précaires se multiplient : à Rouen, Tours, Lille, Paris… Des actions ont lieu régulièrement pour faire connaître leur situation. « La réforme des retraites, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)… Ce sont des réformes qui vont avoir un impact encore pire sur nous ! explique William, en grève depuis le 5 décembre. En n’assurant plus nos cours, on a enfin pu se rencontrer et créer un mouvement collectif. »
      Leurs revendications : des titularisations plus nombreuses, une revalorisation des salaires, le retrait des projets de réformes… Face à tant de mobilisation, Eugénie croise les doigts, mais ne veut pas se faire d’illusions : « Si ces réformes passent, j’espère presque mourir de mon tabagisme avant la retraite. Car plus jamais ce niveau de précarité ! »

      https://www.liberation.fr/france/2020/02/12/doctorants-et-docteurs-precaires-on-n-est-jamais-assez-bien-alors-qu-on-s

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».
      « A l’université, la population étudiante augmente quand les recrutements chutent (de près de 40 % pour les enseignants-chercheurs entre 2012 et 2018. »
      Faute de tenir les engagements budgétaires pris par l’Etat à l’occasion de l’agenda de Lisbonne (2000), le service public de recherche et d’enseignement supérieur décroche. Son indépendance et sa stabilité sont ébranlées par des pratiques d’évaluation, de management et de gestion empruntées au secteur privé. Les politiques publiques favorisent ainsi les contrats courts et précaires au détriment des emplois pérennes, elles promeuvent la compétition contre la coopération et enjoignent de trouver des résultats rentables aux dépens de la liberté de chercher et de son incertitude radicale.

      Le 1er février, confirmant le projet d’élaboration d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, le premier ministre déclarait : « Gouverner, c’est choisir, et choisir, c’est renoncer ; nous devons donc faire des choix et décider ce qui est le plus important. » On comprend qu’il ne faudra garder que les « meilleurs » d’entre nous. Mais selon quels critères ? Ceux qui obtiennent des prix internationaux ou des labellisations d’« excellence », déposent des brevets, obtiennent de très gros financements européens et font des recherches à haut « facteur d’impact » ?
      Soumettant la recherche à une pensée utilitariste et comptable, le management public mesure aujourd’hui la performance à court terme et ne considère le fruit du travail scientifique que par les seuls travaux à haute visibilité et à rentabilité immédiate. Pourtant chacun sait que la recherche ne peut être que le fait d’une vaste communauté, « stars » comprises : aucun « génie » n’existe sans un collectif stable, compétent et à l’abri de la précarité.

      Des postes précaires de compensation de plus en plus nombreux

      L’application généralisée et systématique des critères de la « performance », dont on connaît pourtant bien les défauts et les travers, constitue un danger majeur qui met notamment en péril notre indépendance vis-à-vis des financements privés et internationaux. Que se passera-t-il quand les chercheuses et les chercheurs travaillant dans les domaines de l’énergie, de l’économie, de l’agriculture ou de la pharmacie ne seront plus financés que par le secteur privé ou des intérêts sectoriels ? Les sciences où les brevets sont rares, qui ne nécessitent pas de gros équipements et dont les travaux profitent davantage à l’intelligence collective et au progrès social sont-elles amenées à disparaître ?

      Nous nous sommes engagés dans la direction de laboratoires pour animer des collectifs, soutenir des recherches diversifiées (fondamentales, appliquées, critiques, participatives, etc.) et leur valorisation au profit de l’ensemble de la société. Cependant notre activité consiste de plus en plus à contenir les effets délétères d’une politique qui entrave les raisons de notre engagement et réduit le pluralisme de la pensée. Les organismes publics de recherche ont vu leur personnel fondre. A l’université, la population étudiante augmente quand les recrutements chutent (de près de 40 % pour les enseignants-chercheurs entre 2012 et 2018).

      Les postes précaires de compensation sont désormais partout légion. La recherche dite « sur projet » se substitue aux crédits récurrents, pourtant seuls à même de créer les conditions propices à l’élaboration de l’intelligence collective qui fait notre force. La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, nous a invités à faire connaître nos besoins et à formuler des propositions concrètes dans le but affiché de nous associer à l’élaboration de cette loi.

      La vocation de toute la science n’est pas de créer des start-up

      En juillet 2019, les personnels issus de l’ensemble de la communauté scientifique, regroupés au sein du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), ont à cette occasion affirmé la nécessité d’infléchir les orientations actuelles : « Il importe que la loi réaffirme le caractère de bien commun de la connaissance scientifique, […] qu’elle permette la réalisation des conditions les plus propices à l’expression de la créativité des chercheurs et des chercheuses qui nécessite stabilité, sérénité et liberté de recherche ; qu’elle fixe des perspectives pluriannuelles en termes de croissance de l’emploi scientifique et du financement public de la recherche publique. »
      Ces propositions qui permettraient de renforcer l’attractivité et l’efficacité de la recherche française ont reçu l’assentiment de près de 96 % de 467 votants issus des instances qui nous représentent ; 3 % se sont abstenus, 1 % a voté contre… Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ?

      La vocation de toute la science n’est pas de créer des start-up, d’obtenir des médailles ou de mener des recherches qui satisfassent le calendrier politique et le secteur privé. Nous tous savons que l’existence d’une science plurielle et indépendante, reposant sur des collectifs sereins et des recherches menées dans le temps long, est un pilier indispensable à la stabilité de toute société démocratique.

      Contre la dégradation du service public de recherche

      En dégradant son service public de recherche, la France s’apprête à se priver des moyens qui permettraient de surmonter l’ampleur de l’actuelle crise écologique, sociale, économique et environnementale. Naturellement, nous nous y opposons. Nous refusons de devoir subir davantage de compétition, de perdre plus de temps à nous battre les uns contre les autres et d’être évalués suivant des critères utilitaristes au profit d’intérêts particuliers.
      Nous défendrons une loi de programmation pluriannuelle de la recherche si elle se fonde sur les propositions mûrement réfléchies par notre communauté, sur la volonté de renforcer les collectifs et non sur la promotion d’une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs.

      Cette loi doit réaffirmer la nécessité du statut particulier et l’indépendance de celles et ceux qui font la richesse du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a maintenant quinze ans, notre communauté dénonçait la politique dangereuse qui s’impose aujourd’hui. Notre position est identique et nous restons déterminés à agir pour sauver les universités et la recherche.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s

    • #Revendications syndicat SNESUP :

      Le dernier congrès de la FSU, en décembre dernier, a rappelé que nous demandons depuis plus de 15 ans un plan pluriannuel pour la recherche avec : une augmentation du budget de la recherche publique de 1 milliard d’euros par an pendant dix ans pour atteindre 1 % du produit intérieur brut (PIB) de dépenses publiques de Recherche et développement ; un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique avec la création de 6000 postes de titulaires (enseignant·es-chercheur·es, chercheur·es, ingénieur·es, technicien·nes et administratif/ve·s) par an pendant dix ans ; des dotations de base des laboratoires de Recherche qui permettent de financer leur programme de Recherche ; une revalorisation des rémunérations de tous les personnels. La FSU demande que ce plan pluriannuel soit engagé dès 2020. Elle s’opposera à toutes les mesures qui pourraient être introduites dans la LPPR conduisant vers plus de précarité dans la Recherche publique (contrats dits « de mission » ou les « tenure track ») et vers un renforcement du pilotage de la Recherche publique, du système d’appels à projets, de la compétition et des inégalités.

      60 000 postes titulaires (enseignant·es-chercheur·es, chercheur·es, ingénieur·es, technicien·nes et administratif/ve·s) d’ici 10 ans ;

      Budget : 3,5 milliards par an soit 1 milliard pour l’immobilier, 1.5 milliards pour l’Enseignement supérieur soit (2 % du PIB en 2030), 1 milliard pour la Recherche publique (1 % PIB en 2030) avec relèvement significatif des financements de base des laboratoires à la hauteur des ⅔ du budget ;

      Revalorisation indiciaire pour toutes et tous et non par des primes discriminatoires et ne concernant qu’une minorité de collègues ;

      Revalorisation de la grille indiciaire des MCF par prise en compte du doctorat (soit l’équivalent de 90 points d’indice ou environ 450 euros net par mois, du début à la fin de carrière) et augmentation de l’indice maximal des PR (50 points d’indice) ;

      Augmentation du nombre des contrats doctoraux et allongement d’un an de la durée des contrats ;

      Possibilité offerte à tous les enseignant·es-chercheur·es de bénéficier plusieurs fois dans leur carrière d’un congé : Congé Recherche Conversion Thématique (CRCT), congé pour projet pédagogique (CPP), délégations CNRS ;

      Fin de la logique des politiques de sites qui concentrent l’essentiel des moyens, via les PIA notamment, sur les seuls territoires où le tissu socio-économique est le plus dense ;

      Remise à plat du Crédit Impôt Recherche vers l’embauche de docteurs (vers les PME et ETI) et promotion du dispositif Cifre auprès des entreprises.

      https://www.snesup.fr/article/retraites-lppr-tenons-tous-les-fronts-lettre-flash-ndeg1

    • La recherche publique en France en 2019 : Diagnostic et propositions du Comité national

      Extrait des propositions du Comité National (p. 20) :
      Pour le seul CNRS, et s’il l’on veut seulement revenir aux effectifs de personnels scientifiques permanents de 2005, campagnes de recrutement de 400 chercheur·se·s et 700 ingénieur·e·s et technicien·ne·s par an pendant au moins trois ans.

      Pour les universités publiques, si l’on veut augmenter les effectifs d’enseignants-chercheurs dans la même proportion que les effectifs étudiants sur la même période (+ 16%), il faudra environ 3000 recrutements supplémentaires par an pendant (au moins) trois ans, auxquels il convient d’ajouter, en proportion, le recrutement de 2000 personnels BIATSS supplémentaires par an.

      https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf

    • Chercheurs et enseignants se mobilisent contre une future « #précarité_institutionnalisée » à l’Université

      Depuis le début de l’année 2020, les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche se mobilisent en amont de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Ils dénoncent un financement insuffisant de la recherche publique et un recours croissant à la #contractualisation des effectifs.

      https://www.rue89strasbourg.com/mobilisation-des-chercheurs-et-enseignants-la-precarite-a-luniversi

      #Strasbourg

    • Réponse au Président de l’université de Strasbourg, Michel Deneken, qui a déclaré :

      « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients ».

      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

      –------

      La réponse sur Mediapart :
      Nous ne sommes pas une entreprise, nous sommes l’Université

      Dans une lettre ouverte à Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, cent membres du personnel de l’Université de Strasbourg fustigent l’assimilation de leur université à une « entreprise » et la « lente déformation de notre idéal que signale la diffusion d’un langage managérial » qui accompagne la destruction méthodique de leur service public.

      Monsieur le Président,

      En une seule phrase, envoyée tel un camouflet à l’ensemble des personnels et étudiants de l’Université de Strasbourg, vous avez trahi notre idéal humaniste et les valeurs du Service public. Lors d’une conférence de presse sur « l’orientation stratégique » que vous voulez imprimer à notre établissement pour la décennie à venir, vous avez dit ceci, rapporté par les DNA du 13 février :

      « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. »

      Non, Monsieur le président, notre université n’est pas une « entreprise », ses étudiants ne sont pas des « clients », et leur nombre important ne nous empêche en rien d’être heureux. Nous ne sommes pas une entreprise : nous sommes l’Université. Faut-il vous rappeler le sens de ce mot ? Il dit l’universalité des savoirs que nous devons faire fructifier et transmettre au profit de toutes et tous. Il dit une communauté de recherche et d’enseignement unie par la construction et la transmission de la connaissance, au service de la société. Il dit encore : égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique.

      Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal que signale la diffusion d’un langage managérial devenu aussi incompréhensible et ridicule que le globish. Vous vous en êtes fait le héraut, alors que, premier parmi vos pairs, vous devriez défendre l’honneur, la joie de faire vivre et de transmettre l’idéal de l’humanisme rhénan dont vous vous targuez pour mieux le bafouer.

      Nous ne voulons plus entendre ce langage qui accompagne la destruction méthodique de notre service public. Nous voulons continuer à être l’université, caractérisée par la production et la transmission des connaissances à tous et toutes, une université ouverte sur le monde et accessible à tous ceux en recherche de connaissances. Nous ne voulons plus de managers et technocrates de la recherche et de l’enseignement supérieur qui, au lieu de soutenir le développement de notre activité, l’entravent en réduisant le nombre de personnels permanents et en rendant aléatoires les financements.

      Nous ne sommes pas une entreprise, nous sommes l’université.

      Et vous, Monsieur le Président, êtes-vous aussi l’Université ?

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/210220/nous-ne-sommes-pas-une-entreprise-nous-sommes-luniversite

    • Tué·es par le #Vidalovirus...

      Jeudi 20 février à 10 H 30, au Muséum national d’histoire naturelle, les chercheur.es, étudiant.es, biatoss sont tombé.es sur leur lieu de travail touché.es par la LPPR, la réforme des retraites, la loi de transformation de la Fonction Publique et autres virus macroniens...

      (reçu via une mailing-list de lutte)

    • La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain

      Motion du Conseil des enseignant·es de la licence informatique, 4 février 2020

      À l’Université Paris 8, le Conseil des enseignant·es de la licence informatique((instance créée par le conseil de l’UFR MITSIC du 19 novembre 2019 pour s’occuper de la licence informatique, et regroupant l’ensemble des enseignant·es intervenant dans la licence, quelque soit leur statut, y compris les étudiant·es tuteurices.)) s’est réuni le 4 février 2020 et a pris la décision de ne pas ouvrir la première année de licence à la rentrée 2020.

      Cette décision, lourde de conséquences et difficile à prendre, est la conclusion inévitable d’une situation catastrophique. Depuis des années, l’équipe pédagogique n’est plus en mesure d’assurer correctement sa mission de service public d’enseignement supérieur. Les groupes d’étudiant·es sont de plus en plus surchargés alors que le nombre d’enseignant·es diminue (non-remplacement des départs en retraite, etc).

      Cela fait plusieurs années que les séances de travaux pratiques ne sont plus assurées en demi-groupe comme c’est censé être le cas, que chaque cours de première et deuxième année est amputé d’une dizaine d’heures, que plus aucune option n’est ouverte en troisième année, et depuis l’an dernier, des cours obligatoires de deuxième année ne sont plus dispensés. Tout cela malgré une équipe pédagogique dévouée qui assurait jusque là en moyenne une centaine d’heures de service complémentaire (au-delà du service réglementaire de 192h) par enseignant·e titulaire, en plus du recrutement de plusieurs chargé·es de cours vacataires.

      La situation n’est plus tenable, et il ne serait pas correct d’accueillir dans ces conditions de jeunes étudiant·es en demande légitime d’une formation de qualité : celle-là même que nous voudrions pouvoir leur offrir, celle pour laquelle nous avons choisi d’exercer ce métier.

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      Interrogé par Academia, Pablo Rauzy, maître de conférences au Département informatique de l’Université Paris-8 et syndiqué à la CGT Ferc-Sup, explique :

      « Comme le dit notre motion, la situation est alarmante depuis trop longtemps. Nos tutelles le savent, aussi bien la présidence de notre université que le rectorat. Avec la LPPR qui arrive et promet une aggravation de la situation, dans la continuité logique de la managérialisation et la privatisation de l’enseignement supérieur (Bologne, LMD, LRU, ORE, …), l’équipe pédagogique qui tenait jusque là la formation à bout de bras ne s’en sent plus la force ».

      Chronique d’une destruction annoncée ? Il faut espérer que cette décision terrible à prendre permette d’une part de protéger les personnels à bout, et d’autre part — dans une vision optimiste — de repenser correctement la formation des étudiant-es et le travail des personnels dédiés à l’enseignement et à la recherche.

      https://academia.hypotheses.org/11100

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      Ouverture de la licence d’informatique : bluff de la présidence de Paris-8 ?

      La présidence de l’université Paris 8, en accord avec la direction de l’UFR dont dépend la licence informatique tient à informer que, contrairement à des informations qui peuvent circuler, la licence d’informatique est ouverte, comme on peut le vérifier sur Parcoursup avec une capacité de 90 places, et sera en mesure d’accueillir, comme prévu, les nouveaux bacheliers à la rentrée 2020. Celles et ceux qui feront le choix de cette formation peuvent être assurés que tous les moyens sont mis en œuvre, comme chaque année et comme pour toutes les autres formations, pour garantir l’accueil des étudiants et leur accès à l’ensemble des cours.

      La présidence s’avance sur des bases légales assez faibles, puisque seuls les Conseils centraux, notamment le Conseil de la formation et de la vie étudiante (CFVU), peuvent décider de l’ouverture ou non d’une licence. Or, lorsque la lourde décision a été prise le 4 février 2020 par le Collectif des enseignant·es de la licence d’informatique ((instance créée par le conseil de l’UFR MITSIC du 19 novembre 2019 pour s’occuper de la licence informatique, et regroupant l’ensemble des enseignant·es intervenant dans la licence, quelque soit leur statut, y compris les étudiant·es tuteurices.)), le personnel titulaire n’était pas en nombre suffisant pour assurer l’encadrement de 90 étudiant·es et les éventuelles vacations nécessaires pour couvrir la maquette. La présidente déterminant les services, mais ne pouvant imposer d’heures complémentaires, il reste à savoir si la présidente Annick Allaire a bien comptabilisé les heures de service des enseignant·es affecté·es à la licence. Les enseignant·es n’étant pas obligé·es d’accepter des heures complémentaires, qui, payées 23 centimes en dessous du SMIC, pénalise fortement les activités de recherche qui sont non seulement indispensables à l’évaluation de leur carrière mais surtout à leur maintien à niveau comme enseignant·e.

      Espérons que l’Université de Paris-8 prendra rapidement conscience des besoins de recrutement pérennes d’enseignants et d’enseignantes-chercheuses compétent·es et ouvrira, dès 2021, des emplois de maîtres·es de conférences et de professeurs des universités, pour suivre les recommandations du CNESER, qui le 5 février 2020, dénonçait « une insuffisance de dotation récurrente de l’État » et insistait sur la nécessité

      de poursuivre et d’amplifier l’accompagnement budgétaire pérenne de l’État pour dégeler et ouvrir de nouveaux postes de titulaires (en particulier en L1 pour diminuer les effectifs en TD et aussi à l’IUT de Tremblay ), améliorer les conditions d’étude et de travail et maintenir la qualité de l’enseignement.
      Le maintien d’une université de qualité est essentiel pour le département de Seine-Saint-Denis et le CNESER ne saurait accepter sa mise en danger.

      https://academia.hypotheses.org/16090
      #Paris_8

    • #François_Métivier sur le système de #production_scientifique optimale :
      « Dans un système à productivité marginale décroissante (= où ça coûte de + en + cher de faire publier un chercheur), l’optimum c’est de diviser le budget également entre tous les chercheurs »

      Deux leçons à tirer :
      1. Fermons l’#ANR
      2. Il faudrait faire confiance aux chercheurs sans s’embêter avec des #appels_à_projets

      Vers la minute 36’
      https://www.youtube.com/watch?v=MuOCfASFp7M

    • #François_Métivier sur le système de #production_scientifique optimale :
      « Dans un système à productivité marginale décroissante (= où ça coûte de + en + cher de faire publier un chercheur), l’optimum c’est de diviser le budget également entre tous les chercheurs »

      Deux leçons à tirer :
      1. Fermons l’#ANR
      2. Il faudrait faire confiance aux chercheurs sans s’embêter avec des #appels_à_projets

      Vers la minute 36’

      Et #FrançoisMétivier conclut : « L’allocation de ressources sur la base d’une mise en #compétition ne conduit pas à l’optimum ».
      Voilà, c’est dit. Sur la base d’une analyse statistique...


      https://www.youtube.com/watch?v=MuOCfASFp7M

    • #François_Métivier sur le système de #production_scientifique optimale :
      « Dans un système à productivité marginale décroissante (= où ça coûte de + en + cher de faire publier un chercheur), l’optimum c’est de diviser le budget également entre tous les chercheurs »

      Deux leçons à tirer :
      1. Fermons l’#ANR
      2. Il faudrait faire confiance aux chercheurs sans s’embêter avec des #appels_à_projets

      Vers la minute 36’

      Et #FrançoisMétivier conclut : « L’allocation de ressources sur la base d’une mise en #compétition ne conduit pas à l’optimum ».
      Voilà, c’est dit. Sur la base d’une analyse statistique...


      https://www.youtube.com/watch?v=MuOCfASFp7M

  • #Loi_de_transformation_de_la_fonction_publique

    Avec la préparation de la nouvelle loi sur la recherche, est également passée relativement inaperçue la loi de transformation de la fonction publique, publiée au Journal officiel du 7 août 2019 et entrée en vigueur le 1er janvier 2020 (https://www.fonction-publique.gouv.fr/loi-de-transformation-de-la-fonction-publique).

    Cette loi prévoit "la #rupture_conventionnelle_de_contrat" entre les personnels de la fonction publique, et l’Etat employeur, autrement dit prévoit la pratique des #licenciements, c’est-à-dire, en d’autres termes encore, la fin de la #sécurité_de_l'emploi et du #statut de #fonctionnaire :

    Voici une analyse de ce point crucial de la loi ici (écrite par Sud éducation), à mettre en perspective avec la nouvelle loi en préparation sur la recherche :

    La rupture conventionnelle, prévue par la loi dite de « #transformation_de_la_fonction_publique » est entrée en vigueur le premier janvier 2020. Cette disposition est une attaque de plus contre le statut des personnels et un pas de plus de franchi vers une #précarisation massive.
    La loi dite de « transformation de la fonction publique » est une attaque frontale contre le statut de fonctionnaire. La loi prévoit ainsi de nouveaux #contrats_à_durée_déterminée_non_renouvelables, ne permettant ni l’accès au #CDI, ni à la #titularisation.
    Cette loi prévoit également à un titre expérimental pour 5 ans la rupture conventionnelle. Jusqu’à présent, le droit de la fonction publique interdisait tout accord conclu entre un agent public et son employeur destiné à mettre un terme à la relation de travail. Il s’agissait d’une protection contre les pressions à la démission de la hiérarchie.
    Les #indemnités minimales sont faibles :
    • 25 % d’un mois de traitement brut par an jusqu’à dix ans d’ancienneté ;
    • 40 % d’un mois de traitement brut par an de 10 à 15 ans d’ancienneté ;
    • 50 % d’un mois de traitement brut par an de 15 à 20 ans d’ancienneté ;
    • 60 % d’un mois de traitement brut par an de 20 à 24 ans d’ancienneté.
    Leur plafond supérieur est d’un mois de salaire brut par année d’ancienneté. Cette marge, qui devient de plus en plus importante en fonction de l’ancienneté de l’agent-e, est un vecteur d’inégalités important entre les agent-e-s qui à ancienneté et traitement égaux pourront se voir proposer par l’administration une indemnité qui pourra varier du simple au triple.
    La rupture conventionnelle n’est pas autre chose qu’un #licenciement déguisé : l’agent-e démissionne en échange d’une indemnité, en ne bénéficiant au cours de la procédure que d’une protection syndicale minimale. Pour l’État-patron et son gouvernement, c’est faire d’une pierre deux coups : c’est d’une part un instrument de plus au service d’une politique managériale visant à briser les solidarités collectives, et d’autre part un moyen de se débarrasser des #fonctionnaires à moindres frais en empêchant les agent‑e-s, y compris les contractuel-le-s, de prétendre à un emploi dans la fonction publique de l’État dans les six années qui suivent.
    Le fonctionnaire qui signe cette rupture conventionnelle prend le risque de devoir rembourser son indemnité en cas de nouveau recrutement dans un emploi public, car l’objectif est bien de remplacer les titulaires par des contractuel-le-s.

    Reçu par email, le 12.01.2020

    #réforme #France #fonction_publique

  • Faillite de l’État de droit ? L’étranger comme symptôme

    L’État de droit. «  Ligne infranchissable  » pour certains, «  argutie juridique  » pour d’autres, l’État de droit est plus souvent invoqué pour des besoins de communication politique que pour se référer à ses exigences, ses #valeurs. Pour se prétendre «  de droit  », un État doit satisfaire à deux conditions. La première est d’ordre formel : l’État de droit suppose l’existence de #règles_hiérarchisées, connues de tous, élaborées selon des procédures codifiées et – surtout – dont la violation est sanctionnée, ce qui confère au #juge un rôle éminent. La seconde condition est d’ordre substantiel : n’est État de droit que celui qui consacre et respecte les #droits_fondamentaux – l’effectivité de ces droits étant, à son tour, garantie par la hiérarchie des normes, le formalisme des procédures et l’existence d’un #contrôle_juridictionnel.

    L’État de droit et les #étrangers. En dépit des combats menés pour faire triompher l’#égalité_des_droits, les personnes étrangères ne bénéficient toujours pas des mêmes droits et #libertés que les nationaux. Et ceux qui leur sont concédés sont souvent privés d’effet par la #précarisation croissante du séjour et la menace de l’éloignement. À ce déficit de droits substantiels s’ajoute la #défaillance des mécanismes juridictionnels qui, en théorie, devraient permettre aux étrangers de se défendre contre l’#arbitraire de l’#administration et de faire valoir leurs droits. Impossibilité de fait de saisir le juge, droits de la défense mal ou pas assurés, délocalisation des audiences, rôle ambigu et pratiques contestables du parquet, décisions de #justice ignorées par l’#administration... Autant de facteurs qui concourent à rendre les recours factices et le contrôle des juges illusoire. C’est dans ce naufrage des garanties formelles que la faillite de l’État de droit est la plus perceptible.

    L’objet de cette journée d’étude est de montrer comment et pourquoi, en dépit du respect apparent de la hiérarchie des normes, des garanties procédurales, de la présence des juges et de l’existence de recours, les #droits_des_étrangers sont si souvent ineffectifs et si facilement bafoués.

    https://www.gisti.org/spip.php?article5483
    #Etat_de_droit #étrangers #droits

  • #Antoine_Petit contesté au #CNRS

    Antoine Petit, le PDG du CNRS, avait cru bon d’en appeler à une loi « darwinienne » pour le financement de la recherche. « Une loi ambitieuse, inégalitaire — oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies. »

    Il vient de se prendre un retour de manivelle percutant. Signé par le gratin de son établissement. Dont la présidente du Conseil scientifique, Dorothée Berthomieu (Institut de chimie moléculaire et des matériaux – Institut Charles-Gerhardt à Montpellier), mais aussi la quasi-totalité des présidents de section du Comité national de la recherche scientifique, des présidents des conseils scientifiques des Instituts du CNRS.

    Cette réaction très officielle et très fâchée s’ajoute à un texte cinglant publié dans Le Monde, intitulé « Le darwinisme social appliqué à la recherche est une absurdité ». Un texte déjà signé par plus de 9 000 personnes et des sociétés savantes (1) qui souligne l’aporie de la métaphore utilisée par Antoine Petit : « Invoquer Darwin pour justifier une #politique_de_la_recherche est un contresens : la #sélection naturelle porte sur des variations aléatoires, or les chercheurs ne travaillent pas au hasard. De plus, ils ne transmettent pas à leurs élèves leur supposé talent… Si l’analogie est vide de sens, peut-être faut-il se tourner vers la doctrine dite du #darwinisme_social ? C’est sous ce label que l’accent mis sur la compétition a été instrumentalisé par ceux qui, derrière le philosophe et sociologue anglais Herbert Spencer (1820-1903), cherchaient à justifier le laisser-faire propre au libéralisme économique, grâce auquel les “plus aptes” écraseraient naturellement les “inaptes”. Pourtant, Darwin lui-même vit très tôt ce que les évolutionnistes explorent massivement depuis cinquante ans : l’entrelacement de la compétition et de la coopération. »

    Plébéiens et patriciens

    L’ironie des auteurs du texte, dont quelques biologistes spécialistes de l’évolution des espèces, s’explique. Les métaphores biologiques utilisées en politiques, c’est une vieille histoire. Déjà, sous la République romaine naissante, un consul expliquait à la plèbe en grève que la société, c’est comme un corps. Certes, l’estomac (les patriciens) semblent n’être que des parasites des bras et des jambes (la plèbe), mais sans estomac, ils ne seraient pas nourris. Donc, faire grève, et ne pas fournir ses aliments à l’estomac allait se retourner contre eux. On ne sait si les plébéiens furent convaincus, mais la solution fut de les engager dans l’armée pour aller conquérir les esclaves qui allaient travailler à leur place.

    Dans le cas de la recherche, la #métaphore_biologique bancale d’Antoine Petit débouche sur la nécessité de dire qui est bon et qui est mauvais, de gaver le premier et de sacrifier le second. Mais comment le savoir ? A la fin des années 1970, le pouvoir politique voulait sacrifier la recherche en virologie, jugée obsolète et peu performante. Un laboratoire plutôt modeste, qui serait aujourd’hui très mal noté par les visiteurs du Haut Conseil pour l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (l’outil que le président Emmanuel Macron veut utiliser pour désigner les bons et les mauvais), s’y consacrait à l’Institut Pasteur. Heureusement, ses dirigeants n’ont pas suivi le vouloir politique. Et l’équipe de M. Montagnier et Mme Barré-Sinoussi ne fut pas éliminée. Du coup, elle découvrit le virus du sida, ce qui accéléra grandement diagnostics et traitements, sauva un nombre de vies innombrable, et, accessoirement, apporta deux Nobel.

    Ajoutons un exemple plus récent : la découverte de CRISPR (une technique d’édition des génomes qui permet d’intervenir avec plus de précision sur l’ADN) dont le potentiel en biotechnologies pour la santé et l’agriculture est immense. Voici ce qu’en dit dans un livre Jennifer Doudna, l’une des deux scientifiques qui ont le plus contribué à sa découverte : « Un ingénieur de la Silicon Valley m’avait dit : “Donnez-moi n’importe quel problème et je vais y investir 10 millions de dollars puis j’embaucherai la meilleure équipe et je résoudrai le problème.” Cela s’applique-t-il à CRISPR ? Probablement pas, car, cette découverte « a été inspirée par une recherche motivée par la curiosité envers les phénomènes naturels. La technologie que nous avons créée n’a pas demandé 10 à 20 millions de dollars pour être développée, mais elle nécessitait une compréhension approfondie de la chimie et de la biologie de l’immunité adaptative bactérienne, un sujet qui peut sembler sans rapport avec l’édition de gènes. Ceci n’est qu’un exemple de l’importance que revêt la recherche fondamentale — la poursuite de la recherche scientifique afin de comprendre notre monde naturel — et de sa pertinence dans le développement de nouvelles technologies. » Au moment où cette recherche commence, impossible de la ranger parmi les « bons » ou « mauvais sujets », impossible de juger ses auteurs comme « bons » ou « mauvais ».

    https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/12/12/antoine-petit-conteste-au-cnrs
    #recherche #France #darwinisme #compétition #inégalité #loi #réforme #it_has_begun #sélection

    • « Le darwinisme social appliqué à la recherche est une absurdité »

      La politique de la science est de plus en plus conduite par la compétition « au détriment de la coopération », s’indigne un collectif de 16 chercheurs.
      Le monde de la recherche française a bondi deux fois en une seule journée, le mardi 26 novembre : le matin, en lisant les propos du président-directeur général du CNRS [publiés dans le quotidien Les Echos], et le soir en visionnant le discours du président de la République pour les 80 ans de cette institution.

      Le premier, Antoine Petit, résumait ainsi l’idéologie qui sous-tend la future loi de programmation de la recherche, dont la présentation est prévue pour février 2020 : « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies. »

      Le second assurait que les innombrables évaluations auxquelles sont soumis les chercheurs (annuelle, biennale, quinquennale, et lors de chaque publication et projet évalué par les pairs) pourraient diminuer à condition qu’elles permettent une « différenciation » et que les « mauvais » en « assument les conséquences ». Emmanuel Macron a également cité, parmi les « chantiers » de la future loi, la création, à côté des modes de travail statutaires de plus en plus rares, de « CDI de projets », nouvel oxymore désignant des contrats voués à durer le temps d’un projet.

      La dévalorisation des « mauvais » chercheurs fait ainsi écho à l’éloge des « plus performants » par le PDG du CNRS. Une « loi inégalitaire » ? Mesurons la charge : on propose ici de poser comme principe légal la négation d’un des piliers de notre devise républicaine. Mais, au-delà, un « darwinisme » dans la recherche, qu’est-ce à dire ?

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/06/le-darwinisme-social-applique-a-la-recherche-est-une-absurdite_6021868_3232.

      #paywall

    • Lettre à MM. Petit et Macron, et à tous les tenants de la compétition comme mode de fonctionnement des sociétés humaines

      Cela fait de très nombreuses années que les gouvernements successifs cherchent à mettre en avant les inégalités de traitement comme moteur d’une plus grande efficacité supposée des services publics. Le dernier exemple en date concerne le monde de la recherche et émane de M. Petit, président du CNRS, dans une tribune publiée par Les Echos (26/11/2019). Parlant de la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, M. Petit appelle de ses vœux « une loi ambitieuse, inégalitaire - oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies. » Ces propos ont déjà fait réagir plusieurs chercheurs dans deux tribunes publiées simultanément par Le Monde (ici et là) la semaine dernière.

      Nous, acteurs de la recherche publique, souhaitons maintenant collectivement interpeller M. Petit et toutes les personnes pensant que la compétition entre individus est une solution pour améliorer le fonctionnement de nos sociétés : depuis Charles Darwin, plus de 150 ans de recherche nous ont appris que la sélection naturelle n’est pas un processus d’optimisation collective. Au contraire, la sélection naturelle opère souvent à l’échelle des individus, favorisant les caractéristiques des individus les plus aptes à survivre et à se reproduire, parfois au détriment du groupe. En biologie évolutive, on ne compte plus les exemples de « culs de sacs évolutifs », voire de « suicides évolutifs », où les avantages à court terme des individus finissent à long terme par faire disparaître une population entière.

      Pour ne prendre que l’exemple de la recherche, que nous connaissons mieux : si l’objectif de la future loi est bien, comme nous l’espérons, de faire progresser la connaissance et son utilité pour la société, sur quels critères devrait se fonder une loi soi-disant « darwinienne » ? Sur l’attribution de plus de moyens aux chercheur.e.s, ou aux groupes de chercheur.e.s, les plus productifs ? Une telle approche repose sur plusieurs postulats non vérifiés, notamment :

      – Qu’il est possible d’évaluer de façon objective la productivité ou la créativité des chercheurs. Or, la dérive du système d’évaluation actuel de la recherche pose beaucoup de questions [1]. Ce système est fondé sur des indicateurs quantitatifs, et favorise donc les chercheur.e.s qui publient le plus, parfois en utilisant des méthodes au mieux discutables (« sélection naturelle d’une mauvaise science », [2]), au pire frauduleuses [3].

      – Que les avancées scientifiques sont obtenues par quelques génies ou dans quelques « centres d’excellence ». Une vision critique de l’histoire des sciences balaie cette assertion [4]. La recherche est avant tout le fait d’équipes de recherche, de travaux expérimentaux de plus en plus collectifs, d’échanges d’idées et de discussions qui enrichissent nos perceptions des problèmes auxquels nous faisons face, rarement d’éclairs de génie isolés.

      – Que les moyens financiers sont « mieux » utilisés lorsqu’ils sont réorientés vers quelques rares personnes ou centres de recherche. Au contraire, miser de manière très inégalitaire sur quelques chercheur.e.s conduit inéluctablement à une perte de productivité de la science. En effet, la productivité marginale (en termes de connaissances produites) d’un euro injecté dans la recherche diminue avec les montants alloués - autrement dit, la même somme produit plus quand elle est divisée entre un plus grand nombre de groupes de recherche (voir la synthèse sur ce sujet [5]).

      En résumé, nous pensons qu’une politique de la recherche fondée sur une augmentation à outrance de la compétition sera contre-productive, parce qu’elle ne sélectionnera pas les caractéristiques des chercheurs qui promeuvent une science de qualité : rigueur, coopération, inventivité, scepticisme et originalité. Ces caractéristiques seront indispensables pour répondre aux défis scientifiques posés par les grands problèmes de société tels que les changements planétaires.

      Nous pensons également que notre raisonnement est valable pour le fonctionnement de bien d’autres institutions, au-delà du monde de la recherche : dès lors qu’un raisonnement fondé sur la mise en concurrence des acteurs est appliqué, les individus qui tirent leur épingle du jeu sont celles et ceux qui ont compris comment remplir les critères de sélection. Dans certains cas, cela peut aller de pair avec une augmentation du bien commun, mais c’est souvent fortuit, et dans de nombreux cas cela conduira à une diminution du bien commun et à une augmentation des inégalités : lorsque réduire son investissement pour le collectif permet de mieux remplir les critères de sélection, alors cette stratégie sera sélectionnée.

      Enfin, les choix de société ne doivent pas nécessairement être inspirés de ce qui se passe dans la nature. C’est aux sociétés humaines de choisir leur système de valeur en utilisant des arguments moraux. Les effets de la compétition dans la recherche et de nombreux autres secteurs de la société font déjà des dégâts considérables démontrés sur la santé mentale des personnes (« Le blues des chercheurs français », Le Monde 14/10/2019). Les recherches les plus sérieuses qui se sont penchées sur le sujet démontrent d’ailleurs que les inégalités pécuniaires ou de statut sont un moteur de mal-être et d’inefficacité, et ce dans toutes les couches de la société [6].

      Concernant la future loi de programmation de la recherche, nous soutenons donc les recommandations des sociétés savantes académiques de France, qui résultent d’une longue consultation de l’ensemble des acteurs de la recherche. Les recommandations identifiées comme prioritaires sont :

      – Faciliter l’organisation de la recherche en redonnant du temps de recherche aux chercheur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s, en rétablissant une confiance mutuelle entre administrations et chercheur.e.s et en facilitant la gestion des laboratoires via un assouplissement des règles budgétaires notamment ;

      – Donner plus de moyens à la recherche publique civile en augmentant les dotations de base des laboratoires, en améliorant le fonctionnement et la transparence de l’agence nationale de la recherche [ANR, l’agence en charge de distribuer les crédits sur projet] et en soutenant le montage des dossiers européens et la gestion des contrats obtenus ;

      – Renforcer l’emploi scientifique en augmentant les recrutements permanents dans tous les corps, contrairement à la tendance de ces dix dernières années, et en améliorant les carrières académiques, notamment en diminuant la précarité des jeunes chercheur.e.s ;

      – Dynamiser les interactions entre la sphère académique et le reste de la société en valorisant le doctorat dans le monde économique, en prenant en compte dans leur formation et leur progression de carrière l’implication des acteurs de la recherche publique dans des interactions avec la société et en encourageant des collaborations mutuellement bénéfiques entre la recherche publique et d’autres sphères de la société.

      A l’heure où les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur se doivent d’être des parangons de rigueur scientifique pour contrer la montée des nouveaux obscurantismes, l’irruption d’un projet de réorganisation du monde de la recherche fondé sur une adhésion dogmatique à des idées néfastes, qui s’appuient sur des postulats systématiquement contredits par les données, suggère une incompréhension, feinte ou patentée, du métier de chercheur par ceux qui aimeraient le régenter. Ne nous méprenons pas sur la justification pseudo-darwinienne donnée à ce projet, renforcer l’inégalité ne saurait augmenter la productivité académique, mais permettra bel et bien d’appliquer la maxime latine Divide et Impera : diviser pour mieux régner. Et régner sur une recherche publique vidée de ses forces vives n’améliorera certainement pas le rang de la France dans les classements académiques qui servent de bréviaires aux défenseurs de ce projet.

      Bibliographie

      [1] Gingras, Y. (2014) Les dérives de l’évaluation de la recherche : du bon usage de la bibliométrie, Raisons d’agir.

      [2] Smaldino, P. E. & McElreath, R. (2016) The natural selection of bad science. Royal Society Open Science, 3. https://doi.org/10.1098/rsos.160384

      [3] Chevassus-au-Louis, N. (2016) Malscience. De la fraude dans les labos, Le Seuil.

      [4] Conner, C. (2011) Histoire populaire des sciences, L’Echappée.

      [5] Aagaard, K., Kladakis, A. & Nielsen, M. W. (2019) Concentration or dispersal of research funding ? Quantitative Science Studies, https://doi.org/10.1162/qss_a_00002

      [6] Wilkinson, R. & Pickett, K. (2013) Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Les Petits Matins.

      https://www.petitions.fr/recherche__non_a_une_loi_inegalitaire

    • « Loi darwinienne » : au CNRS, le torchon brûle entre le PDG et les scientifiques

      Ses déclarations sur le financement de la recherche publique n’ont pas convaincu les chercheurs - c’est un euphémisme. Résultats : voilà Antoine Petit, actuel PDG du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), sous le feu des critiques, rapporte ce jeudi le Monde, et notamment celles de la présidente du Conseil scientifique de l’établissement, Dorothée Berthomieu et de l’ensemble des présidents de section du CNRS. Dénonçant dans un courrier les écrits d’Antoine Petit, qui appelaient fin novembre à l’élaboration d’une « loi inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne » en vue de la future loi de programmation de la recherche, les scientifiques s’inquiètent en effet du vote d’un texte qui « ne pourrait que renforcer les fragilités actuelles de la recherche publique française » et « une vision de la recherche basée sur la compétition à tous les niveaux ».

      Ils rejoignent ainsi un collectif d’éminents scientifiques auteur·e·s d’une tribune (dans le Monde également) sévère à l’égard de la direction, mais également d’Emmanuel Macron après son discours fin novembre pour les 80 ans de l’institution. Interrogé sur les moyens de la recherche, le président de la République avait alors affirmé qu’« on ne pourra pas mettre plus de moyens pour tout le monde » et qu’il faudra « travailler sur l’attractivité » de la recherche. « La référence au darwinisme social dit le fond d’une politique de la recherche, soulèvent quant à eux les signataires de la tribune, depuis vingt ans, le curseur a été sciemment poussé vers la compétition au détriment de la coopération. (...) La loi à venir poussera à son terme cette logique, dont aucun effet positif n’a pu être observé. »

      https://www.liberation.fr/direct/element/loi-darwinienne-au-cnrs-le-torchon-brule-entre-le-pdg-et-les-scientifique

    • François-Xavier Fauvelle : « Monsieur le PDG du CNRS, savez-vous ce que votre darwinisme fait à la recherche ? »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/23/francois-xavier-fauvelle-monsieur-le-pdg-du-cnrs-savez-vous-ce-que-votre-dar

      M. Petit nous dit qu’il aurait été mal compris et que ce darwinisme social serait très éloigné de ses valeurs personnelles [Le Monde du 18 décembre]. Le problème, voyez-vous, M. Petit, c’est que ce sont vos mots et vos formules qui nous permettent de juger de vos valeurs.

      Les propos d’Antoine Petit ne sont ni tout à fait neufs ni surtout de nature à améliorer le système français de recherche. Ils s’inscrivent dans une histoire déjà longue de gouvernance managériale du milieu académique, appliquée par tous les gouvernements successifs depuis deux décennies et dont M. Petit est aujourd’hui l’instrument. Le mot d’ordre de cette gouvernance est : soyez plus « compétitifs ». Les moyens pour y parvenir sont la précarisation, l’évaluation, et à présent la sélection darwinienne.

      #paywall

    • #Merci @simplicissimus voici le texte complet :

      #François-Xavier_Fauvelle : « Monsieur le PDG du CNRS, savez-vous ce que votre darwinisme fait à la recherche ? »

      L’historien interpelle, dans une tribune au « Monde », Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, après le plaidoyer de celui-ci en faveur d’une recherche plus compétitive. Ce n’est pas, estime le professeur au Collège de France, ce qui améliorera les performances, mais ce qui les entrave aujourd’hui et pourrait les détruire demain.

      Tribune. Antoine Petit, PDG du CNRS, le plus grand organisme français de recherche, a livré à la communauté scientifique et au public sa vision du monde de la recherche et les orientations qu’il compte faire inscrire dans la future loi de programmation [Les Echos du 26 novembre, Le Monde du 18 décembre]. Quelques « petites phrases » savamment dosées et plusieurs fois réitérées ont fait bouillir l’immense majorité de la communauté scientifique. Selon Monsieur Petit, la recherche serait un monde « darwinien » dans lequel les « meilleurs » chercheurs et équipes devraient être favorisés par des lois « inégalitaires », et les autres condamnés à la disparition.

      De tels propos reflètent une ambiance politique décidément à la mode, qui aime à se représenter la société comme le théâtre d’un combat à mort dont sortent des « vainqueurs » et des « perdants »

      De tels propos reflètent une ambiance politique décidément à la mode, qui aime à se représenter la société comme le théâtre d’un combat à mort dont sortent des « vainqueurs » (winners) et des « perdants » (losers). On croyait à tort ce darwinisme social confiné à certaines marges idéologiques de nos sociétés. Car comment peut-on lucidement plaider pour que des lois naturelles qui expliquent la lutte pour la survie des espèces deviennent des lois normatives s’appliquant à la société ? M. Petit nous dit qu’il aurait été mal compris et que ce darwinisme social serait très éloigné de ses valeurs personnelles [Le Monde du 18 décembre]. Le problème, voyez-vous, M. Petit, c’est que ce sont vos mots et vos formules qui nous permettent de juger de vos valeurs.

      Les propos d’Antoine Petit ne sont ni tout à fait neufs ni surtout de nature à améliorer le système français de recherche. Ils s’inscrivent dans une histoire déjà longue de gouvernance managériale du milieu académique, appliquée par tous les gouvernements successifs depuis deux décennies et dont M. Petit est aujourd’hui l’instrument. Le mot d’ordre de cette gouvernance est : soyez plus « compétitifs ». Les moyens pour y parvenir sont la précarisation, l’évaluation, et à présent la sélection darwinienne.

      Un supposé « modèle américain » caricaturé

      Ce discours n’a cessé de brandir deux instances qui commanderaient une telle orientation. D’une part un supposé « modèle américain » caricaturé, qui garantirait des résultats quantifiables (comme par le classement dit « de Shanghaï ») dans un environnement de compétition internationale. On a donc « américanisé » le système français de recherche. Par l’assèchement des crédits récurrents des laboratoires et des universités, on a jeté chacun contre tous en quête d’un poste salarié, d’un programme financé ; on a multiplié les procédures d’évaluation ; on a diminué le nombre de postes et multiplié les contrats courts. Mais on a oublié de compenser cette pression supposément « vertueuse » par des conditions « américaines » de recherche : la sécurité de l’emploi (dont bénéficient, sauf banqueroute de leur institution, la quasi-totalité des universitaires en poste aux Etats-Unis, universités publiques et privées comprises), les salaires plusieurs fois supérieurs à ceux de la France, les crédits de recherche systématiquement alloués aux chercheurs individuels, l’accès à de multiples agences de financement.

      L’autre instance est le « contribuable » : c’est en lui hurlant à l’oreille pour s’assurer ses bonnes grâces que nos gouvernants n’ont cessé de répéter que les chercheurs et chercheuses devaient être soumis à une « évaluation », comme les élus sont soumis à l’évaluation de leurs électeurs, les boulangers à celle des clients du quartier, les entreprises à celle du marché, du manageur, des actionnaires. On a donc créé de toutes pièces, à l’intention des chercheurs, des procédures « démarche qualité » envahissantes. Il y a pourtant de très bonnes raisons pour que la recherche ne soit pas soumise à ces procédures : notre domaine d’activité est fondé sur des règles de fonctionnement instituées depuis deux siècles. Ce sont des procédures dites d’« évaluation par les pairs » (peer review), parfois publique (dans le cas d’une thèse, par exemple, parce que c’est un diplôme universitaire qui donne le titre de docteur, reconnu par l’Etat), parfois anonyme (pour éviter les conflits de personnes), parfois même en « double anonyme » (double blind).

      La loi du métier

      C’est la loi de ce métier, sans doute le seul soumis à une évaluation permanente : on ne cesse d’évaluer et d’être évalué à chaque diplôme que l’on passe, à chaque concours, à chaque article que l’on soumet pour publication, à chaque demande de financement que l’on dépose à un bâilleur de fonds publics ou une fondation. Faut-il s’étonner, comme le font certains, de l’autonomie de ces procédures internes par rapport au reste de la société ? Elles sont pourtant le fruit d’un équilibre entre le consensus nécessaire à l’existence de savoirs partagés et le dissensus qui permet le dépassement de vérités par d’autres vérités.

      M. Antoine Petit, votre vision d’une recherche plus compétitive et mieux évaluée n’est pas ce qui améliorera les performances des chercheuses et des chercheurs ; elle est ce qui les entrave aujourd’hui et ce qui les détruira demain si nous vous laissons faire. La « sélection » que vous appelez de vos vœux pour satisfaire votre représentation rêvée de l’Amérique et du contribuable est en réalité déjà là. La politique systématique d’assèchement des crédits récurrents de la recherche, la réduction catastrophique du nombre de postes ouverts aux jeunes chercheurs, la compétition pour les financements de recherche « sur projet » pour pallier la pénurie de financements récurrents, l’évaluation administrative permanente aux niveaux individuel et collectif et à tous les échelons de toutes les structures (universités, organismes, laboratoires, filières de formation…) ont déjà pour effet de jeter tout le monde contre tout le monde.

      « En vouloir »

      Il faut déjà « en vouloir » pour réaliser une thèse de doctorat qui durera quatre, cinq ou six ans selon les spécialités, en ne bénéficiant le plus souvent pas (du moins dans les sciences humaines et sociales) de contrats doctoraux financés ; l’oublier, c’est négliger le fait que la formation doctorale est de ce fait essentiellement subventionnée par les chercheurs eux-mêmes et leurs familles, qui sont aussi des contribuables. Il faut « en vouloir » pour se présenter plusieurs années de suite aux concours de recrutement des universités et des grands organismes de recherche ou dans le privé, souvent sans salaire, tout en répondant de son mieux à l’injonction « Tu publieras, pour être recrutable, trois articles par an comme premier auteur dans une revue de rang A » ; l’oublier, c’est refuser de voir qu’une partie essentielle de ce que la recherche produit de plus neuf l’est par des hommes et des femmes en recherche de postes et par leurs familles, qui sont toujours nos contribuables.

      Savez-vous, M. Petit, ce que ce système, les mots que vous employez pour le décrire, votre darwinisme, fait à la recherche ? Savez-vous la misère morale, les rancœurs, les renoncements, qu’engendre cette compétition inutile et toxique ? Voyez-vous son absurdité économique ?

      Quant aux « perdants » des recrutements, celles et ceux qui à la mi-trentaine, après avoir consacré leur première carrière bénévole à la recherche, se tournent, faute de postes, vers d’autres métiers, diriez-vous qu’ils ou elles sont des losers qui ne méritent que leur sort, des spécimens moins adaptés que d’autres et voués à l’extinction darwinienne ? Il faut encore « en vouloir » pour, ayant satisfait de telles exigences, avoir néanmoins poursuivi une recherche de fond qui ne privilégie pas la « rentabilité » à court terme, l’article court et sexy, facilement publiable et vite périmé. Il faut « en vouloir » pour, constatant, à peine recruté, qu’on ne bénéficiera de rien d’autre que de son salaire et d’un bureau partagé à trois ou quatre, et que le système ne vous alloue pas de crédits de recherche, comprendre qu’il faudra alors « se battre », c’est-à-dire déposer plusieurs fois chaque année, jusqu’au succès, des projets de recherche à plusieurs dizaines ou centaines de milliers d’euros.

      A ce jeu, bien sûr, il ne peut pas y avoir que des vainqueurs, la principale agence de financement française (l’Agence nationale de la recherche) offrant des taux de retour de projets « gagnants » inférieurs à 15 % : un taux aussi scandaleusement bas ne peut pas garantir qu’un excellent projet, même soumis plusieurs fois, l’emporte sur d’autres projets, excellents ou pas. Ce système est donc plus injuste qu’une loterie. Il faut « en vouloir » pour, n’ayant pas obtenu ce type de financement sur projet, poursuivre néanmoins sa recherche sur ses crédits personnels, ou bien frapper à la porte de sa ou de son collègue de bureau, ni plus ni moins méritant, ou peut-être plus constant, ou peut-être plus winner, et lui demander quelques centaines d’euros pour un déplacement. Savez-vous, M. Petit, ce que ce système, les mots que vous employez pour le décrire, votre darwinisme, fait à la recherche ? Savez-vous la misère morale, les rancœurs, les renoncements, qu’engendre cette compétition inutile et toxique ? Voyez-vous son absurdité économique ? Avez-vous la moindre idée que ce système éteint chez beaucoup le génie et le désir, pour favoriser vos survivants darwiniens qui n’ont jamais demandé que leur succès passe par un tel gâchis ?

      Une réforme en profondeur

      Puisque vous avez l’air, M. Antoine Petit, de vouloir une réforme en profondeur, nous vous en proposons une, radicale et authentiquement ambitieuse ; elle libérerait l’énergie, le talent, l’excellence, aujourd’hui freinés. Elle tient en deux points qui ne vous coûteront rien, plus un qui nous coûtera.

      Un : réabondez les crédits récurrents de la recherche en diminuant drastiquement ceux alloués sur projets. L’immense majorité des chercheurs et des chercheuses y retrouveront les modestes moyens dont ils ont besoin pour travailler et, le moment venu au cours de leur carrière, ils déposeront un projet ambitieux nécessitant des moyens plus importants. Les agences de financement ne seront plus dès lors inondées de demandes, évalueront avec sérieux celles soumises et offriront des taux de retour de 40 %, conformes aux moyennes « américaines » qui garantissent qu’un projet excellent soit financé à la première, deuxième ou troisième tentative.

      Deux : exigez que soient supprimées toutes les « agences de notation » qui s’ajoutent à nos procédures scientifiques en mobilisant, plusieurs semaines par an, soit en tant qu’évalué, soit en tant qu’évaluateur, tous les acteurs de l’enseignement et de la recherche, au prix d’un invraisemblable gaspillage d’énergie, de temps et d’argent.

      Trois : ouvrez des postes, recrutez à tour de bras dans tous les domaines où nous avons besoin de connaissances nouvelles, de connaissances pas forcément « rentables » mais néanmoins utiles pour nous diriger dans le monde et connaître nos prochains, mais aussi de connaissances dont nous n’avons pas encore besoin. Ce dernier conseil permettrait au système français de recherche de se rapprocher un tout petit peu du modèle « américain » ; et c’est un contribuable qui vous parle.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/23/francois-xavier-fauvelle-monsieur-le-pdg-du-cnrs-savez-vous-ce-que-votre-dar
      #performance #vainqueurs #perdants #précarisation #évaluation #sélection_darwinienne #modèle_américain #compétition_internationale #évaluation_par_les_pairs #peer_review #évaluation_administrative

    • Le cauchemar de Darwin — à propos d’une tribune d’Antoine Petit, pdg du CNRS (18 décembre 2019)

      Antoine Petit a commis une tribune en accès payant dans le quotidien Le Monde ce 18 décembre 2019, dont le ton et le contenu restent à l’opposé de ce que la communauté des chercheurs et chercheuses a récemment dit attendre (voir https://academia.hypotheses.org/6055 et https://academia.hypotheses.org/5859). En voici une lecture assurée par le mathématicien #Antoine_Chambert-Loir, nouveau rédacteur d’Academia.

      Dans une tribune publiée par le journal Le Monde du mercredi 18 décembre 2019 (https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/18/antoine-petit-nous-avons-un-imperieux-besoin-d-une-grande-loi-ambitieuse-et-), Antoine Petit, président-directeur-général du CNRS, revient sur les « réelles ambitions scientifiques » qu’il a pour l’établissement qu’il dirige. Cette tribune fait suite à une précédente, qu’il avait publiée dans Les Echos, du 26 novembre 2019 (https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/la-recherche-une-arme-pour-les-combats-du-futur-1150759) et à son discours du même jour, prononcé au Palais de la découverte, à l’occasion du 80e anniversaire du CNRS, en présence du président de la République.

      Les propos d’Antoine Petit avaient déjà suscité étonnement et colère, en particulier par la référence à la théorie de l’évolution de Darwin :

      « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire — oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies. »

      et par le #vocabulaire_guerrier employé tout au long de sa tribune, dès son titre : « La #recherche, une #arme pour les #combats du futur. »

      Des réseaux sociaux jusqu’au Conseil scientifique du CNRS (https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/12/12/antoine-petit-conteste-au-cnrs), de nombreux collègues ont émis une contestation détaillée des propos d’Antoine Petit.

      La façon dont Antoine Petit revient aujourd’hui sur ses propos initiaux est encore plus problématique. Petite revue en quelques points.

      1. Son texte commence par un auto-satisfecit bienvenu du CNRS et par l’affirmation de la volonté de la communauté scientifique de répondre aux grands défis du moment. C’est une entrée en matière et on peut comprendre que la recherche

      fondamentale disparaisse provisoirement du radar. Il continue en évoquant « une très large consultation des laboratoires » qui a permis au CNRS de formuler dès juillet 2019 des propositions « que ce soit en matière de financement de la recherche, d’attractivité des emplois et carrières scientifiques, ou plus largement de recherche partenariale et d’innovation ». Là, Antoine Petit marche joyeusement sur la tête — ou plutôt sur les pieds de toute la communauté scientifique.
      Car ce qui est sorti de ces consultations était très différent du rapport produit par la direction du CNRS, malgré toute la diversité que commandent des pratiques scientifiques parfois assez éloignées.
      La communauté réclame des moyens, des postes, la diminution du poids de la recherche par projet ; le CNRS propose des contrats de chantier, la création de « tenure tracks pour les universités volontaires » et diminue le nombre de postes statutaires. Invité à l’émission du Téléphone sonne (France Inter) du 27 novembre (https://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-27-novembre-2019), Petit énonçait l’idée même qu’un recrutement précoce lui semblait anachronique.

      2. Antoine Petit devait bien sûr revenir sur sa demande d’une « loi vertueuse et darwinienne » pour la recherche, d’une « loi ambitieuse, inégalitaire – ou différenciante s’il faut faire dans le #politiquement_correct ».
      Tout le monde est passé assez vite sur sa demande d’une loi « inégalitaire » dans un pays dont la devise est Liberté, égalité, fraternité. L’allusion au « politiquement correct » n’a pas non plus fait couler trop d’encre ; elle est pourtant une génuflexion à la droite extrême américaine qui est peu à peu parvenue à imposer cette idée que le souci de l’égalité serait une aberration utopique un peu

      ridicule.
      Des collègues juristes pourraient probablement commenter longuement l’idée qu’une loi soit « vertueuse ». Antoine Petit reconnaît aujourd’hui « bien volontiers » une provocation. Est-ce bien là une posture raisonnable pour le président-directeur-général du principal établissement de recherche publique français que de diffuser des provocations à l’encontre de ses personnels dans une presse (Les Échos) pas particulièrement bienveillante envers la recherche publique ? Est-ce que ce « bien volontiers » un peu patelin peut excuser ce débordement ?
      Des collègues biologistes ont expliqué dans le détail en quoi la comparaison avec Darwin était un contre-sens, comment cette théorie explique l’évolution des espèces sur un temps long, et non par une compétition immédiate entre individus. D’autres ont démontré comment ce darwinisme relevait plutôt de la théorie du « darwinisme social » — une adaptation par Herbert Spencer de la théorie de Darwin à la société, que Darwin avait d’ailleurs lui-même combattue. Il aurait pu tenir compte de ces explications, les lire, se documenter. Mais non, il reproche un « glissement sémantique », fait référence à ses opinions personnelles qui, en tant que président-directeur-général du CNRS, nous intéressent beaucoup moins que le projet qu’il a pour cet établissement.
      Et c’est justement là qu’Antoine Petit, précisément en tant qu’il est le président-directeur-général du CNRS, dépasse largement les bornes de la décence, lorsqu’il qualifie de façon méprisante ces collègues « d’esprits savants » en regrettant seulement qu’il ait « pu heurter la sensibilité de certains ». Manifestement, Antoine Petit a quitté le cercle des scientifiques auquel il appartenait pour rejoindre celui où l’on espère quelque profit politique à moquer les savants qui, chaque jour, font progresser la connaissance, les mêmes savants dont il a pourtant la charge.

      3. Il évoque les difficultés financières du CNRS, « la perte de plus de 3000 emplois en 10 ans ». Mais il ne dit rien de son attitude face aux représentants du collectif RogueESR lorsque la communauté, au début de cette année, avait protesté contre les suppressions de 50 postes de chargés de recherche. Il ne dit rien non plus de la façon dont le Conseil scientifique modifie les classements de recrutements qu’avaient effectué les collègues des sections du Comité national (https://academia.hypotheses.org/3289), certes en en ayant le droit, mais en s’asseyant de façon très cavalière sur leur travail fouillé, le dénigrant même comme lorsqu’il disait au micro de France Culture le 25 juin 2019 (https://www.franceculture.fr/societe/cnrs-le-pdg-repond-aux-accusations-de-discrimination :

      « J’imagine que dans votre métier, vous êtes capable de me dire : ceux-là, c’est plutôt des “bons journalistes”, ça c’est plutôt des “journalistes moyens”, et ceux-là sont plutôt “moyennement journalistes”… »

      Il sait pourtant, il n’a probablement pas oublié, que le travail de recrutement d’un Comité national est un peu plus détaillé que de classer les candidats en bons ou moyens. Il ne dit rien encore de la façon dont il espère attirer des « stars » venues de l’étranger. Sans parler des différences de rémunération, on pourrait par exemple imaginer qu’il se préoccupe de leur future retraite, notamment dans la situation incertaine de la réforme proposée par le gouvernement.
      Il n’évoque pas non plus les craintes soulevées par le journaliste Martin Clavey dans son blog The Sound of Science (https://www.soundofscience.fr/1899) que d’utiliser la section 50 (Gestion de la recherche) du Comité national, cette année dotée de 12 postes de directeur de recherche (contre 2 ou 3 les années précédentes) pour nommer — via le Conseil scientifique — des candidats éventuellement désignés par les autres sections du CNRS. Bien entendu, il n’évoque pas le fait que ces dernières années, la politique du CNRS ait explicitement prohibé (sous menace de déclassement) le recrutement de directeurs de recherche qui ne fussent pas issus du CNRS, au mépris des lois sur l’impartialité des recrutements.

      4. Le 26 novembre, Antoine Petit, à moins que ce ne fût Emmanuel Macron lui-même, nous disait « vous ne serez pas moins évalués ». Aujourd’hui au moins, il reconnaît un « trop-plein d’évaluation ». Mais il exige de ne soutenir que les recherches « au meilleur niveau international ». Et cela n’a aucun sens ! Cela signifierait ne plus soutenir des disciplines dans laquelle la France ne serait pas en pointe, au risque d’une perte de savoir-faire, sans voir que le développement de ces disciplines pourrait être fondamental pour des disciplines voisines. Il feint aussi d’ignorer que, presque par principe, la recherche scientifique connaît des creux, des obstacles ; grâce à l’acharnement des collègues, ce n’est que pour mieux rejaillir ensuite.

      5. Il fallait bien qu’Antoine Petit évoque le financement de la recherche. Il le fait au moyen d’un truisme « L’argent n’est pas infini » problématique à plusieurs titres. Tout d’abord, il admet sans contestation les arbitrages de Bercy. Si la fonction d’Antoine Petit n’est pas d’aller chercher l’argent avec les dents, à quoi sert-il ?
      Ensuite, ce truisme minore le faible investissement de la France dans sa recherche publique. On peut revenir ici sur le rôle qu’il laisse à l’Agence nationale de la recherche lorsqu’il demande que son budget « s’aligne sur les standards internationaux ». Alors que la communauté scientifique lui a dit, dans le détail, le temps qu’elle perdait à répondre à ces appels d’offre, que ne réclame-t-il que cet argent soit affecté directement au CNRS et à ses chercheurs ? Si c’est une question d’évaluation des travaux, le CNRS, via le Comité national, ou l’Hceres, seraient en très bonne position pour lui indiquer les équipes les plus dynamiques, ou celles dont les besoins sont les plus urgents.

      6. Comme lors du 26 novembre, c’est la perspective de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche qui semble motiver la tribune d’Antoine Petit. Seulement, il y a loin d’une loi à ses effets. Surtout quand ce qui empêche la recherche française de fonctionner raisonnablement n’est pas tant son organisation que le manque de moyens qui lui est donné. Car si tous les exposés des motifs des lois successives consistent à répéter « excellence, excellence, excellence » (en sautant sur sa chaise comme un cabri ?), on devinait dès 2008, et on sait aujourd’hui, tant par l’analyse a posteriori des différents rapports produits dès 2003, que par les effets de la #loi_LRU, comment cette invocation de l’excellence n’a pour seul but que de masquer la baisse de l’investissement français à la recherche publique.

      7. La fin de la tribune d’Antoine petit évoque la « #coopétition, mélange de coopération et de compétition ». Dans l’entreprise, ce néologisme caractérise des situations où des concurrents décident de mener un partenariat industriel ou commercial. Mais je dis que dans le contexte de la recherche, ce mot subtil n’est que du baratin. Il existe bien sûr une forme de compétition dans la recherche, qui consiste dans certains cas à faire la course pour obtenir une découverte avant une équipe concurrente.
      Mais prenons un peu de recul : à l’échelle de l’humanité, du point de vue des connaissances acquises par les humains, quel intérêt cette compétition a-t-elle ?

      Institutionnalisée, elle est en revanche un remarquable outil de management. Il y a une dizaine d’années, le ministre allemand de la recherche était invité à prononcer un discours lors de l’inauguration de la promotion de l’Institut universitaire de France auquel j’avais été nommé. Son vocabulaire m’avait déjà frappé : lorsqu’il s’agissait d’États ou d’organismes de recherche, il s’agissait de coopération ; dès qu’il était question de chercheurs, de compétition. Antoine Petit dit que « la compétition ne nous fait pas peur ». Et bien elle devrait. Car toutes ces choses-là, de la compréhension du VIH à celle de la cohomologie des schémas en passant par les trous noirs et le linéaire B, sont trop importantes pour être ravalées à une sordide compétition.

      https://academia.hypotheses.org/6219
      #LRU

    • Backlash over call for ‘Darwinism’ in French research funding

      Ahead of a new law that critics fear will reduce tenure rights, French scientists have opposed CNRS chief’s full-throated support for competition.

      The chief executive of France’s leading network of research institutes has faced a huge backlash from scientists after calling for a new law to unleash “Darwinian” competition among academics for funding.

      Antoine Petit’s comments appear to have set off an unprecedented row within the French National Centre for Scientific Research (CNRS) ahead of a new research law set to come before the French parliament in February or March.

      Writing in Les Echos in November, Professor Petit called for an “ambitious, unequal law – yes, unequal, a virtuous and Darwinian law, which encourages the most efficient scientists, teams, laboratories and establishments on an international scale”.

      Some of the CNRS’ top scientists, including the president of its scientific council, responded that the comments had caused “deep disapproval and deep concern” in an open letter released the following month.

      “There is complete consensus within the CNRS [against this approach] – except for the head,” said François Massol, a CNRS evolutionary ecologist.

      The row has continued into the new year, with a steady stream of public condemnation from French scientists. One geneticist argued in a recent Liberation article that Darwin himself, who preferred “patient reflection away from competitive relentlessness”, would never have had his research supported under the CNRS as envisaged by Professor Petit.

      Meanwhile, 29 faculties and 26 labs were reported to be on strike in protest against the proposed changes, and the wider pension reforms that in December brought hundreds of thousands of protesters on to the streets.

      One group of researchers, including Dr Massol, have taken aim at what they see as Professor Petit’s misapplication of Darwinism.

      “Natural selection operates at the individual level, favouring the characteristics of those who can survive and reproduce, sometimes to the detriment of the group or even the species,” they wrote in a petition in December, which has garnered close to 15,000 signatures and support from 39 academic societies. Instead, they recommend freeing up more research time, better funding and more permanent positions.

      Professor Petit has been “misusing science for the sake of science policy”, said Dr Massol.

      Speaking to Times Higher Education, Professor Petit acknowledged that if looked at “from a specialist point of view, the use of the Darwin term was not fully appropriate”.

      The point was to emphasise that France needs to “attract the best scientists and support the best teams” and that it would be “useless” to distribute money equally across all the country’s research institutions, he said.

      “Sometimes in France, we have a problem with equality, we like to have everybody equal,” Professor Petit said. “Science is like sport. Everybody can play soccer, but not everybody can play in the Champions League.”

      Critics disagreed. “If you concentrate research money on a few labs or people, you’ll have much more conservative science, which is less exploratory,” said Philippe Huneman, a CNRS research director focusing on evolutionary biology.

      Pervasive job insecurity would drive more academics to research fraud, he added.

      France’s new research law is yet to be made public. But judging from preliminary discussions, Professor Huneman feared it could make the previously permanent positions of assistant professor and CNRS junior researcher temporary.

      Professor Petit said that he would be “very surprised” if the law scrapped tenure for these positions, given the strength of opposition. Instead, it could introduce a new “experimentation” career track for a small proportion of academics, with tenure awarded later than it is now. He also hoped that the new law would come with substantial new funding.

      https://www.timeshighereducation.com/news/backlash-over-call-darwinism-french-research-funding

      Comme dit Benoît Kloeckner sur twitter :

      « Chaque fois que Petit s’explique sur sa sortie Darwinnienne c’est pire »

      –-> commentaire à cette citation :

      « “Sometimes in France, we have a problem with equality, we like to have everybody equal,” Professor Petit said. “Science is like sport. Everybody can play soccer, but not everybody can play in the Champions League.” » (Antoine Petit cité par le THE).

      https://twitter.com/BrKloeckner/status/1219714969505271809?s=03
      #sport #football

    • Petit debunk sur la notion d’#égalité par Julien Gossa

      « Le système de la recherche n’est pas égalitaire, ça n’a pas de sens. »
      Interview d’Antoine Petit dans @TheMeta_News

      –---

      1. « C’est la #nature »

      C’est la définition même du spencérisme ou darwinisme social.

      2. « C’est partout pareil »

      Il s’agit d’une pure reprise de @LaurenceParisot, ex présidente du MEDEF : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »

      Ce type de comparaison a très peu de sens :
      – les domaines ne sont en rien comparables ;
      – rien ne prouve que les inégalités dans ces domaines soient efficaces.

      Exemple : le sport est inégalitaire, mais les règles sont claires et on peut facilement mesurer les performances. Au 100m, le premier arrivé gagne.

      En recherche, on ne sait pas définir "premier arrivé" et on ne sait pas le mesurer.

      La comparaison tombe à l’eau.

      Exemple : le cinéma et la grande cuisine sont inégalitaires, mais a-t-on mesuré ce qu’on y gagnait et ce qu’on y perdait ?
      De combien de bons plats ou films se passe-t-on à cause de ce système ? Impossible à dire.

      L’inégalité existe, mais elle n’est pas nécessairement bonne.

      3. « On le fait déjà, il n’y a donc rien de choquant »

      On a là l’enchaînement logique qui permet de tout justifier.
      « [insérez un truc ignoble] ? C’est la nature humaine, d’autres le font, et nous aussi on le fait déjà. » Donc c’est ok ?

      (essayez, ça marche vraiment)

      4. Mélange du #besoin et des #performances

      Ce n’est pas du tout la même démarche que de distribuer à chacun selon ses besoins et selon ses performances.

      Mélanger les deux est particulièrement spécieux.

      Une analogie avec la santé pour essayer de préciser les choses :
      Soigner selon les besoins, c’est décider de soigner les plus malades.
      Soigner selon les performances, c’est décider de soigner les plus importants (donc les plus riches).

      Ca s’exclue mutuellement.

      5. Le coup du tabou : Antoine Petit dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas...
      Ou pas. Il n’en sait rien. Qu’il le prouve.

      Il a les moyens de monter une enquête auprès des personnels, qu’il le fasse. Et qu’il en tire les conséquences.

      En attendant, on a une très grosse consultation menée par 23 sociétés savantes qui a reçu plus de 9000 réponses, et ses conclusions sont contraires aux affirmations du PDG du CNRS.

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2019/08/15/bilan-2018-2019-iv-recherche

      6. Mélange de trois choses qui n’ont strictement rien à voir : ANR, classements et disputatio (édition scientifique).

      La #disputatio est inhérente et aussi vieille que la production scientifique.

      L’ANR et les classements ont 15 ans et n’ont jamais prouvé leur efficacité.

      En clair, il est indispensable pour la production scientifique que les chercheurs soumettent leurs articles à d’autres chercheurs qui les sélectionnent.

      Il n’est pas du tout indispensable de passer par l’ANR et les classements. On a fait très longtemps sans, et mieux.

      7. Parmi ceux qui s’expriment contre les inégalités, on trouve des gagnants des inégalités. « c’est d’ailleurs drôle ».

      Ici, on a simplement une négation des principes et de l’idéal. Pour Petit, si on est gagnant d’un système, on ne doit pas le critiquer.

      Illustration : Sauf à me balader nu, je dois porter des vêtements, la plupart fabriqués par des enfants de pays pauvres. Donc je dois être pour le travail des enfants, et la pauvreté d’autres pays.

      C’est « Mister Gotcha », dans le texte :

      Les raisonnements et confusions présentés par M. Petit visent à empêcher toute pensée critique et donc toute amélioration.

      Ils oublient simplement les notions de principe, d’idéal et de progrès, en justifiant l’existant par l’existant.

      Il ne peuvent conduire qu’au pire.

      https://twitter.com/JulienGossa/status/1220633089107464193?s=20

    • « Le milieu de la recherche est inégalitaire »

      Antoine Petit, PDG du CNRS, a choisi TMN pour parler de la future loi de programmation, du système de recherche, de la parité… et de Darwin, bien sûr. Interview.

      Si on lit la tribune des Echos parue en novembre dernier, vous plaidez pour une réforme darwinienne, d’une part, mais surtout inégalitaire. Qu’est-ce qu’une réforme inégalitaire ?
      J’ai indiqué le soir des 80 ans du CNRS devant Emmanuel Macron que la réforme devait être inégalitaire ou « différenciante », si l’on devait faire dans le politiquement correct [Si vous voulez réécouter, c’est par ici, NDLR]. Pour moi, le milieu de la recherche est par nature inégalitaire, comme le sont tous les milieux de haut niveau : le sport est inégalitaire, la grande cuisine est inégalitaire, le cinéma aussi. En recherche, on passe notre temps à créer des inégalités : entre les gens pris au CNRS et ceux qui ne le sont pas, entre les directeurs de recherche et ceux qui ne le sont pas, etc. Je ne pensais pas que cela allait perturber les gens à ce point-là : je voulais simplement dire qu’on ne pouvait pas avoir une loi qui consisterait à avoir 100 et à donner 1 à chacun. La loi devait assumer que tout n’est pas égal, que certaines disciplines ont besoin de plus de moyens que d’autres, qu’il y a des champs où il faut moins investir, que des gens sont plus performants que d’autres, etc. Ce sur quoi tout le monde est d’accord… mais il ne faut pas le dire. Je n’ai notamment pas entendu grand monde remettre en cause l’existence de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui crée des inégalités de fait : soit vous êtes pris, soit vous ne l’êtes pas. Nous avons en 2019 proposé que les taux de succès aux appels à projet soient portés à 30% ou 40%, cela crée également des inégalités. Autre exemple : le classement de Shanghai, qui traumatise totalement les universités. C’est donc une fausse polémique comme on les adore ; le milieu de la recherche veut se croire égalitaire alors qu’il est tout sauf égalitaire, en commençant par la base : quand on soumet un papier, il peut être rejeté. C’est le quotidien des chercheurs. Mais le fait de le dire a perturbé un certain nombre de gens, y compris parmi des normaliens, des gens en poste à l’institut universitaire de France ou même, c’est d’ailleurs drôle, au Collège de France. Le système de la recherche n’est pas égalitaire, ça n’a pas de sens.« M’accuser de darwinisme social
      est très facile mais ce n’est que
      de la rhétorique . »

      https://www.themeta.news/interview-a-petit

  • Le déclin...

    Chose promise chose due : comparatif en base 100 du nombre de postes ouverts #MCF (Université) vs CR (#CNRS) depuis 2001. Encore un peu d’avance pour l’Université : un modèle linéaire prédit 0 postes en 2030 contre 2050 pour le @CNRS

    . Pour les 2 ensembles on est à 2031 #TimeIsShort
    https://twitter.com/mixlamalice/status/1201750702260936705

    #université #France #it_has_begun (depuis bien lurette) #visualisation #postes #travail #MCF #graphique #visualisation #précarisation #statistiques #chiffres #recherche #CNRS

  • Ce que le gouvernement fait aux chômeurs
    par Dan Israel pour Mediapart

    https://www.mediapart.fr/journal/economie/281019/ce-que-le-gouvernement-fait-aux-chomeurs

    Aujourd’hui, pour susciter le débat, il faut expliquer concrètement, simulations à l’appui, ce que l’exécutif va faire vivre aux demandeurs d’emploi, et souvent aux plus fragiles d’entre eux.

    Des allocations mensuelles en baisse, divisées par plus de trois dans les pires des cas ; des centaines d’euros versés en moins sans beaucoup d’explications ; des modifications techniques entraînant des conséquences parfois désastreuses, et incohérentes avec le discours gouvernemental valorisant le travail et la reprise d’un emploi à tout prix… Voilà les conséquences attendues d’une réforme largement inspirée par les idées avancées dans une note de 2015 des économistes Corinne Prost et Pierre Cahuc. Ce dernier est très proche de Marc Ferracci, conseiller spécial de la ministre du travail Muriel Pénicaud, et par ailleurs témoin de mariage d’Emmanuel Macron.

    #chomage #casse_sociale #c'est_qui_les_casseurs

  • Ken Loach : « Plus besoin d’un #patron pour exploiter les gens, la #technologie s’en charge »

    Le nouveau #film de #Ken_Loach, « #Sorry_We_Missed_You », aborde les ravages de l’#ubérisation et de la #soustraitance. L’occasion de rencontrer un cinéaste au regard toujours aussi acéré.

    https://www.humanite.fr/node/679049
    #sous-traitance #uber #travail #exploitation #cinéma #précarité #précarisation #flexbilisation #droit_du_travail

    ping @albertocampiphoto @reka