• BnF : après plus d’un mois de grève, la #mobilisation ne faiblit pas

      Réorganisation du travail, missions supplémentaires, manque d’effectifs… En grève depuis le 4 mai, les salariés de la Bibliothèque nationale de France ne décolèrent pas et le bras de fer avec la direction est engagé. Décryptage.

      À trois mois de la réouverture de la somptueuse bibliothèque Richelieu, la Bibliothèque nationale de France (BnF) se heurte au mécontentement de ses employés, en grève depuis le 4 mai. Plus d’un mois plus tard, les grévistes répondent toujours présents. L’intersyndicale CGT-FSU-SUD appelle encore à la mobilisation ces mercredi 15 et jeudi 16 juin pour dénoncer une réorganisation du travail orchestrée par la direction de l’établissement et un sous-effectif. D’ores et déjà, le préavis de grève court jusqu’au 30 juin. Retour sur une mobilisation exceptionnelle en quatre questions.
      Pourquoi les salariés sont-ils en grève ?

      À cause du nouveau système de communication des documents aux usagers, goutte d’eau qui a fait déborder le vase déjà plein des agents de la bibliothèque François-Mitterrand. Concrètement, qu’est-ce que cela change ? Auparavant, les visiteurs de la bibliothèque pouvaient commander des documents toute la journée pour les consulter sur place. Depuis la crise sanitaire, cette communication directe des documents se fait seulement l’après-midi, de 13h30 à 17 heures. De plus, la réservation à l’avance doit se faire au minimum la veille, avant 20 heures. « Cela signifie qu’un lecteur ne peut pas demander le matin pour l’après-midi même. C’est absurde », estime Lucie, magasinière. Pour justifier ce nouveau fonctionnement, la direction s’appuie sur des chiffres : 44 % de communications en moins depuis dix ans. « Les usagers du matin ont considérablement baissé », avance-t-elle encore.

      Que cela change-t-il aux conditions de travail des employés ? Du fait de la concentration d’activité l’après-midi, les agents se disent surchargés, à l’image de Guillaume, catalogueur. « Les vagues de demandes arrivent toutes à 13 heures. Par conséquent, nous avons une charge de travail regroupée sur un moment de la journée, au détriment de l’accueil des usagers. » Des habitués de la bibliothèque qui soutiennent les grévistes, notamment à travers l’Association des lecteurs et usagers de la BnF (ALUBnF) et une pétition en ligne qui a récolté près de seize mille signatures. Si certains employés, comme Lucie, déplorent l’indifférence de la direction face au mécontentement manifeste des usagers, Kevin Riffault, directeur général de la BnF, dément : « Nous ne sous-estimons pas l’impact du nouveau dispositif sur les pratiques de recherche, mais il est limité. Et nous réfléchissons bien sûr à des améliorations. »
      Pour quelles raisons les grévistes réclament-ils des recrutements ?

      De nombreux chantiers occupent actuellement les agents de la BnF. Au premier chef desquels la préparation du nouveau centre de conservation nationale de la presse à Amiens et l’élargissement du dépôt légal aux œuvres numériques. Pour Gaël Mesnage, secrétaire général de la CGT-BnF, « c’est toujours la même logique de faire plus avec moins ». Car, selon les chiffres officiels, deux cent cinquante postes ont été supprimés entre 2009 et 2016. Depuis, les effectifs seraient « stables », assure la direction, qui ne cache pas son besoin de redéployer les employés chargés de la communication des documents aux lecteurs pour les poster sur ces nouvelles missions. « Les heures gagnées grâce au nouveau dispositif de communication permettront d’y répondre », soutient Kevin Riffault.

      « Si la direction n’avait pas décidé de supprimer 25 % des effectifs qui s’occupent de la communication aux lecteurs, on n’en serait pas à une telle réduction du service au public », affirme Gaël Mesnage. Au lieu de renouveler des contrats d’agents contractuels de catégorie C, l’établissement privilégierait des contrats à durée déterminée destinés aux étudiants. Une aberration pour Jean-François Besançon, délégué FSU à la BnF, qui redoute une précarisation de ces postes : « Comme réponse à notre désaccord, on nous dit que nous avons un devoir envers les étudiants qui ont souffert pendant la crise sanitaire, alors qu’il s’agit d’emplois précaires. »
      En quoi la réouverture du site Richelieu pose-t-elle problème ?

      Après plus de dix ans de travaux, la bibliothèque Richelieu, site historique de la BnF, rouvrira ses portes au public le 17 septembre prochain. Une réouverture qui n’enchante guère les employés en grève. Elle va même jusqu’à cristalliser leurs inquiétudes d’un affaiblissement des effectifs qui viendrait encore dégrader leurs conditions de travail. Gaël Mesnage, de CGT-BnF, dénonce la suppression de quarante postes à la bibliothèque François-Mitterrand pour les « transférer » vers Richelieu. La direction parle, quant à elle, d’environ cinquante emplois, venus de plusieurs sites de la BnF (il y en a sept en tout), dont le redéploiement « a déjà été opéré et intégré il y a un an, dès l’été 2021 ». « Cela doit se faire par redéploiement car le ministère de la Culture ne veut pas de recrutement », explique-t-elle encore.
      Où en sont les discussions avec la direction et le ministère de la Culture ?

      Au point mort, à en croire les grévistes. Voilà plus d’un mois que la grève est reconduite toutes les deux semaines, et les rapports sont plus que jamais tendus entre les salariés et leur hiérarchie, qualifiée de « macroniste et technophile » par certains. Le contrôle policier d’agents de la BnF lors de la mobilisation au site Richelieu du 2 juin est venu remettre de l’huile sur le feu. « La police nous a informés que nous allions être reçus par le ministère de la Culture. Puis, cette même police nous a empêchés de nous y rendre », raconte, indigné, Jean-François Besançon. Finalement reçue au ministère le 8 juin, l’intersyndicale ne dissimule pas son mécontentement : « Zéro avancée. Ils nous ont convoqués pour écouter. C’est incroyable d’avoir aussi peu de réponse », entend-on côté CGT.

      Du côté de la direction, on se dit encore ouvert aux négociations. « Des renforts sont prévus dans certains départements. Par ailleurs, le dispositif n’est pas figé et nous réfléchissons à de nouvelles évolutions de fonctionnement et de moyens », annonce le directeur général Kevin Riffault. La direction est actuellement en discussion avec ses « tutelles », les ministères de la Culture et du Budget, pour améliorer les moyens de l’institution. Une mention de Bercy qui ne devrait guère rassurer les grévistes dans leurs velléités de recrutement…

      https://www.telerama.fr/debats-reportages/bnf-apres-plus-d-un-mois-de-greve-la-mobilisation-ne-faiblit-pas-7010915.ph

    • « Madame la Présidente de la Bibliothèque nationale de France, votre #réforme est un #échec »

      Un collectif rassemblant plus de 350 acteurs du monde universitaire et culturel dénonce dans une tribune au « Monde » les mesures mises en place à la BNF, qui conduisent à une sévère réduction du temps pendant lequel la consultation des ouvrages est possible.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/20/madame-la-presidente-de-la-bibliotheque-nationale-de-france-votre-reforme-es

    • « Jour du dépassement universitaire » : « A partir de mercredi, tous les enseignements seront faits en dehors du service officiel des titulaires »

      Anne Roger, secrétaire générale du syndicat Snesup-FSU, dénonce un recours excessif aux vacataires et contractuels à l’université, faute de professeurs en nombre suffisant. Elle appelle à une grève jeudi.

      Ce mercredi marque, selon le syndicat Snesup-FSU, le « jour du dépassement universitaire », date symbolique à partir de laquelle les cours de l’année 2021-2022 cesseraient si l’on se contentait des heures statutaires des enseignants-chercheurs. Elle représente avant tout une manière, pour la secrétaire générale du syndicat, Anne Roger, de mettre en avant le sous-financement de l’université et le recours excessif aux heures supplémentaires, vacataires et contractuels.

      C’est quoi le « jour du dépassement pour l’année universitaire » ?

      C’est le jour à partir duquel les titulaires ont fait toutes les heures officielles qu’ils devaient faire pour l’année scolaire 2021-2022, dans l’hypothèse où les cours de ce premier semestre auraient tous été dispensés par eux. Concrètement, à partir d’aujourd’hui, tous les enseignements qu’il reste à couvrir seront faits en dehors de notre service officiel. Soit sur nos heures supplémentaires ou par le recrutement de contractuels ou de vacataires.

      Comment ce chiffre a-t-il évolué par rapport aux années précédentes ?

      Nous n’avons pas d’élément de comparaison car dans les bilans sociaux des années précédentes, il n’y avait pas les données suffisantes pour pouvoir établir un jour du dépassement. En revanche, il va être intéressant de voir dans les années à venir comment ça évolue, et surtout d’essayer de le comparer composante par composante, car toutes ne sont pas sur un pied d’égalité. En Staps [Sciences et techniques des activités physiques et sportives, ndlr] par exemple, qui est une filière particulièrement sous-dotée, dans de nombreuses universités ce jour du dépassement est beaucoup plus tôt. Au Staps de Bobigny, l’un des plus sous tension, ce jour est tombé le 1er décembre. Pour Marne-la-Vallée, c’était le 11 décembre, Rouen le 13…

      Ça montre que la question du sous-encadrement n’est pas un faux problème. Comment peut-on imaginer que les deux tiers des cours d’une année soient faits par des gens qui ne sont pas titulaires ? Comment peut-on continuer à faire de la recherche dans le même temps si on doit déjà multiplier les heures supplémentaires ? Ce n’est pas possible, c’est ingérable… Ça donne envie de dire « stop, on arrête ».

      Quelles conséquences cela entraîne-t-il, tant pour les professeurs que pour les étudiants ?

      Avant d’avoir des conséquences, cela met surtout en évidence le manque de financement de l’enseignement supérieur. Ça veut dire qu’on a, en gros, à l’échelle de la France entière, la moitié des moyens pour pouvoir tenir toute l’année avec des enseignants qui sont titulaires, en poste et stables. Nous sommes vraiment face à un sous-financement chronique de l’enseignement car on doit s’appuyer sur des personnels précaires pour pouvoir tenir l’année.

      Qu’est-ce que cela a comme incidence ? Eh bien cela crée une surcharge énorme sur les personnels. Sur les titulaires, parce qu’ils doivent accepter de faire des heures supplémentaires. Sur les contractuels, qui ont tous les ans leur contrat remis en cause. Et enfin sur les vacataires, à qui on donne des conditions de travail compliquées tout les sous-payant.

      Qui sont les personnes qui viennent compléter les professeurs pour donner des cours ?

      Cela peut être des doctorants en cours de thèse qui ont besoin de financer leurs études, des attachés temporaires d’enseignement et de recherche qui sont souvent des étudiants. On trouve aussi des enseignants qui viennent d’ailleurs : par exemple, en Staps, on a beaucoup de profs d’EPS qui viennent chez nous faire des vacations. Et il y a aussi de plus en plus de contractuels qui sont des doctorants sans poste de maître de conférences car aucun poste n’est créé, à qui ont fait signer des contrats leur demandant le double d’heures d’enseignement tout en continuant aussi à faire de la recherche, ce qui est impossible. Finalement, on a tout un tas de personnes que l’on met dans des situations précaires, que l’on paye au lance-pierre et qui viennent prêter main-forte aux enseignants qui font déjà des heures supplémentaires.

      Vous appelez donc à une grève jeudi. Quelles sont vos revendications ?

      Nous misons sur trois mots d’ordre. L’emploi tout d’abord, car le jour du dépassement n’est qu’une preuve de plus de notre besoin de postes, et nous voulons des postes titulaires, pas des vacataires ou contractuels car cela crée trop de tensions et de difficultés, avec des situations précaires. Ensuite, nous souhaitons une amélioration des conditions de travail, en lien avec ce qu’on a évoqué précédemment. On constate une énorme surcharge de travail, une dégradation des collectifs de travail : quand on fait trop d’heures on ne peut plus se parler et échanger sur les cours, ce qui entraîne une baisse de qualité des formations. Et le troisième point, c’est une hausse des salaires puisque, comme tous les fonctionnaires, nous avons un indice gelé depuis une grosse dizaine d’années, ce qui nous a fait perdre beaucoup en termes de pouvoir d’achat.

      https://www.liberation.fr/societe/education/jour-du-depassement-universitaire-a-partir-de-mercredi-tous-les-enseignements-seront-faits-en-dehors-du-service-officiel-des-titulaires-20220126_NBAXJWJOTBA35BGBODH2XRNO6Q/?redirected=1

    • Enseignants-chercheurs : « Moins il y a de moyens, plus le climat se dégrade, plus la sélection sociale est poussée »

      Un collectif de professeurs et chercheurs, titulaires ou vacataires, parmi lesquels Philippe Corcuff, Eva Debray, Caroline Déjoie, Ivan Sainsaulieu, tire, dans une tribune au « Monde », le signal d’alarme sur le niveau de précarité atteint actuellement dans l’université. Ils se demandent si l’amour de la recherche est devenu payant.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/31/enseignants-chercheurs-moins-il-y-a-de-moyens-plus-le-climat-se-degrade-plus