• A Saint-Malo, Airbnb délogé en appel d’une habitation
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/29/a-saint-malo-airbnb-deloge-en-appel-d-une-habitation_6203014_4500055.html

    Nil Caouissin, l’élu de l’Union démocratique bretonne, l’avait suggéré dans un manifeste sorti à l’occasion des élections régionales de 2021 : pourquoi ne pas mettre en place un #statut_de_résident en Bretagne ? L’idée, consistant à réserver l’acquisition des biens immobiliers dans les zones les plus recherchées à des ­personnes ayant déjà vécu un an au même endroit, avait alimenté un sérieux débat.

    Parmi les citoyens intéressés par cette proposition, la Malouine Véronique Deschamps. Celle qui a jeté l’ancre il y a plus de trente ans dans la cité fortifiée fait partie des quelques centaines d’habitants à l’année intra-muros. Elle s’inquiète du devenir de ce fief très touristique, où le phénomène #Airbnb a pris une ampleur considérable, avec des milliers d’annonces recensées.

    La coiffeuse au civil en a même fait les frais. La maison historique où elle réside est divisée en trois appartements et a vu arriver, en 2016, une #location_saisonnière de courte durée dans l’un d’eux. Valises à gogo et passages ininterrompus ont envahi ce logis fait de bois et de torchis. « J’ai vu ce lieu si petit se transformer en un hall de gare, et mon adresse devenir une destination touristique », pointe-t-elle inlassablement. Alors qu’elle écrivait une « lettre aux Malouins » pour avertir de la situation en 2018, signée par six cents personnes, elle cofondait un an plus tard le collectif Saint-Malo, j’y vis… j’y reste !

    Parallèlement, elle entamait un combat judiciaire contre les propriétaires de l’appartement loué sur des plates-formes comme Airbnb ou #Booking, au motif du « trouble anormal de voisinage ». Une « qualité de vie altérée », selon ses mots, à laquelle cette lanceuse d’alerte voulait mettre un terme. « J’avais le choix entre subir et me taire ou vendre et partir, confie-t-elle. J’ai préféré une troisième option : me battre et avoir peur tout le temps. »

    Si le statut de résident n’a pas vu le jour en Bretagne, la problématique du #logement, elle, s’est encore intensifiée. En juillet 2023, la chambre régionale des notaires recensait une augmentation annuelle de 9,4 % du prix médian d’un appartement ancien à Saint-Malo, pour s’établir à 4 810 euros le mètre carré. Il était, à titre de comparaison, à 2 650 euros en 2015.
    Dans un contexte déjà brûlant, Saint-Malo avait adopté, en 2021, une réglementation très restrictive en instaurant des quotas de locations de courte durée par quartier (12,5 % pour l’intra-muros). Son maire, Gilles Lurton (LR), estime que la mesure « a au moins mis un frein à l’inflation du phénomène, qui prenait une proportion industrielle ». Et reconnaît une prise de conscience tardive à ce sujet de la part des institutions.

    Et, le 24 août, la cour d’appel de Rennes a donné raison à Véronique Deschamps, a appris M Le magazine du Monde, lui accordant une indemnisation au titre du préjudice subi. La cour a également confirmé l’arrêt de l’activité de location de courte durée dans l’immeuble, requise par le tribunal judiciaire en première instance deux ans auparavant pour non-respect du règlement de copropriété et de sa clause d’« habitation bourgeoise ». Il n’y a donc plus de va-et-vient incessants dans cette ancienne maison intra-muros. Une décision qui fait émerger une# jurisprudence favorable à l’#habitat_permanent. « On aboutit à une #présomption_de_nuisance provenant des locations de courte durée », explique Cyrille Moncoq, l’avocat de Véronique Deschamps.

    D’après le jugement, les immeubles d’habitation à caractère résidentiel ne sont pas compatibles avec la location pratiquée via Airbnb qui nuit à leur tranquillité. « D’autres personnes pourraient s’appuyer sur cette décision » pour faire reconnaître cette inadéquation, indique l’avocat, qui prend en charge de plus en plus de dossiers comme celui de la Malouine un peu partout en Bretagne.

    Sept ans après les débuts de son action en justice, et alors que les députés ont déposé une proposition de loi pour une régularisation plus importante des plates-formes comme Airbnb, mardi 28 novembre, Véronique Deschamps ne réalise pas encore sa victoire. Elle formule malgré tout un vœu : « J’aimerais me dire que mes enfants auront la possibilité de vivre ici. »

    #tourisme

  • « Le contrôle d’identité au faciès est un problème systémique, structurel, institutionnel »

    Dans un entretien au « Monde », l’avocat Slim Ben Achour estime que les contrôles d’identité constituent la « porte d’entrée » des violences policières. Alors qu’il a obtenu plusieurs décisions sur le sujet, en particulier devant la Cour de cassation, il explique pourquoi le droit, et singulièrement la procédure civile, est la clé du succès.

    Près de 14 millions de contrôles d’identité ont lieu chaque année, a indiqué l’Assemblée nationale, le 29 juin 2016, et un jeune Noir ou Arabe a vingt fois plus de risques d’être contrôlé par la police, selon une étude du Défenseur des droits datant de 2017. Les émeutes urbaines sont toutes nées après un contrôle d’identité, et la loi laisse une très grande latitude aux policiers. L’avocat Slim Ben Achour a fait condamner l’Etat à plusieurs reprises pour « faute lourde » et explique au Monde comment il lutte contre ces « contrôles au faciès ».

    Comment en êtes-vous arrivé à batailler contre les contrôles d’identité ?

    En 2005, quand des gamins se révoltaient après la mort de Zyed et Bouna, électrocutés alors qu’ils cherchaient à échapper à un contrôle de police, je me suis dit que j’allais y consacrer une partie de mon temps. C’était un peu un choc pour moi, j’avais fait des études aux Etats-Unis et j’avais touché du doigt l’énorme faiblesse de la compréhension des textes de non-discrimination en France.

    Or, les protocoles utilisés aux Etats-Unis contre les discriminations faites aux Afro-Américains ont été utilisés à Paris par le CNRS : deux sociologues, bons connaisseurs de la police, Fabien Jobard et René Lévy, ont publié une enquête, en 2009, qui portait sur 37 833 personnes. Et il s’est avéré que gare du Nord, par exemple, les Noirs ont 5,6 fois plus de risques d’être contrôlés que les Blancs ; les Maghrébins 5,5 fois. Pour la première fois, le contrôle au faciès était objectivé scientifiquement.

    Des associations de quartier et l’Open Society Justice Initiative sont alors venus me voir, moi qui fais surtout du droit du travail, et, avec Félix de Belloy, un remarquable pénaliste, nous avons monté les premiers dossiers, après un tour de France des quartiers où s’étaient multipliés les contrôles. Le contrôle d’identité est souvent l’interaction qui engendre la violence, les contrôles d’identité ne sont pas perçus comme des violences policières, mais c’en est au moins la porte d’entrée. C’est un rituel d’humiliation, de soumission.

    Pourquoi avoir choisi des procédures civiles ?

    Le pénal est très compliqué, il faut des preuves absolues, difficiles à réunir. A supposer que vous gagniez contre des policiers – ce qui semble impossible en l’état de notre procédure –, le ministre de l’intérieur, quelle que soit sa couleur, dit : « Merci, vous avez identifié les pommes pourries », mais le système n’est en rien remis en cause. Nous sommes donc partis sur des procédures civiles, seules susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat.

    La suite est réservée aux abonnés.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/01/police-le-controle-d-identite-au-facies-est-un-probleme-systemique-structure

    • Le pénal est très compliqué, il faut des preuves absolues, difficiles à réunir. A supposer que vous gagniez contre des policiers – ce qui semble impossible en l’état de notre procédure –, le ministre de l’intérieur, quelle que soit sa couleur, dit : « Merci, vous avez identifié les pommes pourries », mais le système n’est en rien remis en cause. Nous sommes donc partis sur des procédures civiles, seules susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat. Nous sommes donc partis sur des procédures civiles, seules susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat. (...)

      Que dit la loi ?

      La loi du 27 mai 2008 dit deux choses. Elle admet un « aménagement de la charge de la preuve » : il s’agit d’établir une présomption, pas une preuve, de discrimination. C’est le but des attestations de témoin. On joint au dossier les statistiques de sociologues, il y en a eu vraiment beaucoup : outre l’étude de Jobard et Lévy, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne en a produit une en 2010, Human Rights Watch en 2012, l’institut de sondage OpinionWay en 2014, et surtout le Défenseur des droits en 2017.

      C’est ensuite à l’Etat d’apporter la preuve qu’il ne s’agit pas de discrimination, qu’il y a une raison réelle à ces contrôles. Or, l’Etat ne cherche même pas à se justifier, les trois quarts du temps, la hiérarchie ne sait même pas qui sont les policiers ayant fait le contrôle. (...)

      Il s’agit d’imposer une réforme dont les policiers ne veulent pas, c’est-à-dire des #récépissés après chaque contrôle, une traçabilité de ces contrôles sous la surveillance d’une autorité indépendante, une réforme de l’#IGPN, la formation des policiers…

      https://justpaste.it/4qhck

      edit idem pour diverses violences policières, il peut y avoir avantage à saisir le TA car le pénal de donne rien (cf. diverses victoires partielles, indemnisation et non pas condamnation de flics suite à des éborgnements par LBD) poke @ant1

      #police #État
      #contrôles_d'identité :
      – Jobard : https://seenthis.net/messages/1008999#message1009082
      – Blanchard : https://justpaste.it/cj369

      #violences_policières #violences_d'État #racisme #présomption_de_discrimination #droit_civil #droit_pénal #défense_militante

  • Assurance-chômage : le décret sur la présomption de démission reporté - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2023/04/info-politis-assurance-chomage-le-decret-sur-la-presomption-de-demission-rep

    Côté syndical comme patronal, on ne défend d’ailleurs pas particulièrement cette disposition. Chez les représentants des salariés, on la qualifie de « purement idéologique » et de « gage aux Républicains pour que la loi soit votée ». « Cette idée de #présomption_de_démission n’est pas très partagée dans le camp patronal non plus. Jusqu’à présent, on gérait ça dans un flou juridique assez sécurisé pour l’employeur », note, de son côté, Eric Chevée.

    Les deux camps soulignent que, jusqu’ici, l’#abandon_de_poste permettait de gérer « à l’amiable » bon nombre de départs. Pour l’employeur, ce dispositif permettait de s’éviter une rupture conventionnelle jugée coûteuse. Pour les salariés, il garantissait d’avoir #droit_au_chômage, le temps de retrouver un emploi.

    Avec la mobilisation, tous les sujets irritants et potentiellement inflammables sont mis en pause.

    Près d’un mois après cette réunion houleuse, où le ministère assurait alors travailler sur une nouvelle version du texte de décret, les organisations syndicales indiquent n’avoir reçu aucune nouvelle proposition. « On a l’impression qu’avec la mobilisation, tous les sujets irritants et potentiellement inflammables sont mis en pause », confie Denis Gravouil.

    #chômage

  • Uber condamné à verser plusieurs millions d’euros à des chauffeurs
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/20/uber-condamne-a-verser-plusieurs-millions-d-euros-a-des-chauffeurs_6158711_3

    Le tribunal des prud’hommes de Lyon a condamné la société Uber à verser près de 17 millions d’euros à 139 chauffeurs lyonnais, a annoncé leur avocat, Stéphane Teyssier, vendredi 20 janvier. « On a eu une décision assez historique aujourd’hui. Uber a été condamnée à requalifier les contrats de 139 chauffeurs », a-t-il déclaré, confirmant une information du quotidien régional Le Progrès.

    La firme américaine a annoncé son intention de faire appel de la décision, qu’elle qualifie d’« isolée », « en opposition d’une décision prise le 22 novembre 2022 ». « Depuis l’arrêt de la Cour de cassation requalifiant un chauffeur en salarié en mars 2020, les demandes de requalification en salariat de chauffeurs n’ont pas abouti dans plus de 65 % des cas », a réagi Uber dans les colonnes de la Tribune de Lyon. « Cette décision vient à rebours de la position largement partagée par les conseils de prud’hommes et les cours d’appel qui confirment l’indépendance des chauffeurs VTC utilisant l’application, jugeant notamment qu’il n’existe aucune obligation de travail, ni d’exclusivité vis-à-vis d’Uber ou encore que les chauffeurs demeurent totalement libres dans l’organisation de leur activité », poursuit l’entreprise.

    #Uber #uberisation #travail #présomption_de_salariat #subordination #droit_du_travail

  • Collectif des Livreurs Autonomes de Plateformes @_CLAP75
    https://twitter.com/_CLAP75/status/1565572729046110208

    Les livreurs Uber Eats ne veulent plus se laisser faire.
    L’annonce de cette mobilisation se répand comme une trainée de poudre via les réseaux.
    Des centaines de livreurs sont attendues.
    Du jamais vu en Europe.

    #livreurs #lutte_collective #travail #droits_sociaux #Uber_eats #Deliveroo #Stuart #Glovo #Frichti #droit_du_travail #présomption_de_salariat #auto_entrepreneurs #service_à_la_personne #commerce #restauration #ville #auto_organisation

    • Deliveroo, reconnu coupable de travail dissimulé, condamnée à verser 9,7 millions d’euros à l’Urssaf
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/02/la-plate-forme-deliveroo-reconnue-coupable-de-travail-dissimule-condamnee-a-

      L’entreprise britannique, coupable d’avoir dissimulé 2 286 emplois de livreurs en Ile-de-France entre avril 2015 et septembre 2016, a dit qu’elle ferait appel.

      « Cette décision est difficile à comprendre et va à l’encontre de l’ensemble des preuves qui établissent que les livreurs partenaires sont bien des prestataires indépendants, de plusieurs décisions préalablement rendues par les juridictions civiles françaises », a réagi Deliveroo. « L’enquête de l’Urssaf porte sur un modèle ancien qui n’a plus cours aujourd’hui », selon la plate-forme.
      « Aujourd’hui, les livreurs partenaires bénéficient d’un nouveau modèle basé sur un système de “connexion libre” qui permet aux livreurs partenaires de bénéficier d’encore plus de liberté et de flexibilité », indique Deliveroo, en rappelant sa participation prochaine au dialogue social organisé en France pour les travailleurs des plates-formes.

      #travail_dissimulé

  • Mineurs étrangers : le fichier antifraude bientôt imposé à tous les départements

    Le projet de #loi « #protection_des_enfants » prévoit de rendre obligatoires à tous les départements le recours au #fichier_anti-fraude concernant les #mineurs_non_accompagnés, ainsi que la transmission de #données_personnelles aux autorités préfectorales. Les associations y voient un « outil de lutte contre l’immigration irrégulière ».

    Il avait été instauré en 2019, officiellement pour lutter contre le « #nomadisme » des #jeunes_migrants, soupçonnés de tenter leur chance d’un département à l’autre pour être reconnus #mineurs et pris en charge par l’#Aide_sociale_à_l’enfance. Le fichier « antifraude » (dit « #AEM », pour aide à l’#évaluation_de_la_minorité) revient, en force, sur le devant de la scène dans le cadre du projet de loi relatif à la « protection des enfants », examiné cette semaine à l’Assemblée nationale.

    Le texte prévoit en effet de le rendre obligatoire à tous les départements, alors qu’une poignée de récalcitrants – dont #Paris, la #Seine-Saint-Denis et le #Val-de-Marne – résistaient jusqu’alors, malgré les #sanctions_financières établies par un décret datant de juin 2020, venant réduire le montant de la contribution forfaitaire de l’État versée pour l’évaluation de la #minorité et la #prise_en_charge des jeunes. La somme passait, pour les départements refusant d’y avoir recours, de 500 à 100 euros.

    Depuis 2019, le gouvernement invite les #départements, sur la base du volontariat, à renvoyer les jeunes se présentant comme mineurs vers la préfecture, où un certain nombre de #données_personnelles (prise d’#empreintes_digitales, photos, #adresse_de_domiciliation, #numéro_de_téléphone...) sont alors collectées et enregistrées. Ces dernières sont ensuite comparées au fichier dit « #Visabio », qui répertorie les demandes de #visa formulées depuis l’étranger et peut biaiser les déclarations des jeunes se présentant comme mineurs, puisque certains d’entre eux tentent d’abord une demande de visa en se déclarant majeurs, dans le but de s’éviter la traversée par la mer.

    « Certains départements ne prennent même plus la peine de faire l’évaluation pour un jeune si la préfecture dit qu’il se trouve dans Visabio », souligne Jean-François Martini, juriste au Gisti. Selon le Groupe d’information et de soutien des immigrés, 77 départements ainsi que la métropole de Lyon auraient déjà recours au fichier AEM permettant la collecte d’informations. Pourtant, jusqu’à présent, impossible de mesurer l’éventuelle « fraude » à laquelle pourraient s’adonner les jeunes migrants en recherche de protection en France.

    « Rien ne justifie l’utilisation de ce fichier »

    Aucun chiffre, aucun bilan, rappelle Camille Boittiaux, référente MNA chez Médecins du monde, ne permettent d’« objectiver le phénomène de “nomadisme” ». « Rien ne justifie l’utilisation de ce fichier. Les arguments avancés par le gouvernement ne sont pas convaincants. Les MNA sont encore une fois considérés comme des migrants, de potentiels fraudeurs, avant d’être vus comme des #enfants. »

    Pourquoi donc vouloir rendre obligatoire un #fichier_biométrique controversé, auquel même la Défenseure des droits a manifesté son opposition, dans un avis critique adressé à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale fin juin, pointant un texte « pas à la hauteur des besoins que l’on note en #protection_de_l’enfance », rappelant, au passage, que le droit des MNA de refuser de transmettre leurs #informations_personnelles « n’est plus considéré ni prévu » ?

    Pour les associations d’aide aux migrants et aux MNA, comme pour le député Guillaume Chiche, la réponse est simple : il s’agit de faire de la protection de l’enfance un « outil de #lutte_contre_l’immigration_irrégulière ». « On passe du champ de la protection de l’enfance à un système policier, et le fichier AEM en est le premier pont », prévient Jean-François Martini. Dans un communiqué interassociatif (https://www.gisti.org/spip.php?article6614) rassemblant le Gisti, La Cimade, Infomie, Médecins du monde et le Secours catholique, ces organisations dénoncent un « #fichage policier systématique » et la « nocivité » de ce fichier. « Depuis sa mise en œuvre par la plupart des départements métropolitains, c’est une catastrophe pour les jeunes à tous points de vue », poursuit le juriste auprès de Mediapart.

    La référente MNA de Médecins du monde pointe, elle aussi, les « effets délétères » du fichier dans les départements où il a déjà été mis en place : « On a constaté que certains mineurs craignaient le passage en préfecture et décidaient de ne pas intégrer le système de la protection de l’enfance. D’autres sont laissés sans mise à l’abri en attendant le passage à la préfecture. D’autres encore n’ont ni mise à l’abri ni évaluation après consultation du fichier par le département. » Une sorte de #tri faisant fi du principe de #présomption_de_minorité, qui doit normalement garantir une protection aux jeunes se déclarant mineurs durant toute la durée de leurs démarches.

    « L’article 15 relève exclusivement de la gestion de flux migratoires, relève le député Guillaume Chiche, membre de la commission des affaires sociales. On organise la délivrance de renseignements sur les MNA aux autorités préfectorales. Pire, on oblige les départements à leur présenter les MNA ! » Avec le risque, aux yeux du député ex-LREM, de « reléguer les travailleurs sociaux au rang d’enquêteurs et de supplétifs des forces de l’ordre ». « Il n’y a plus de #secret_professionnel, cela rompt le lien de #confiance avec les jeunes », déplore-t-il.

    Mélange des genres

    Dans son avis, la Défenseure des droits exprime « ses profondes inquiétudes » quant à l’article 15, qui tend « davantage à traiter du #contrôle_migratoire qu’à une réelle amélioration de la protection des mineurs non accompagnés ». MNA qui relèvent, rappelle-t-elle, uniquement des dispositifs de la protection de l’enfance « jusqu’à l’établissement de leur âge par une décision judiciaire », et qui devraient être exclus de procédures relevant « d’un contrôle et d’une gestion des flux migratoires ».

    Un mélange des genres « intolérable » pour le Gisti. « On ne peut pas à la fois faire de la protection de l’enfance et mettre en œuvre des mesures elles-mêmes affichées comme de la lutte contre l’immigration irrégulière, estime Jean-François Martini. Le résultat de l’évaluation finit entre les mains d’une préfecture qui peut en tirer un argument pour prononcer une mesure d’éloignement, on organise une collaboration objective entre professionnels de la protection de l’enfance et services des préfectures. »

    Contacté, le département du Val-de-Marne n’a pas donné suite à l’heure où nous publions cet article. Désormais passé à droite, celui qui faisait partie des derniers « résistants » au fichier AEM et avait même déposé un recours auprès du Conseil d’État avec la Seine-Saint-Denis pour contester le décret du 23 juin 2020, risque de changer de cap. En Seine-Saint-Denis, le fichier est jugé « inacceptable » et reste à ce jour inutilisé.

    « Ce n’est pas notre rôle, tranche Stéphane Troussel, président du Conseil départemental. Les départements ne sont pas des supplétifs du ministère de l’intérieur. C’est à ce titre qu’on a refusé d’appliquer le décret jusqu’ici. Avec le recours obligatoire au fichier, on va fouler au pied la libre administration des collectivités territoriales. L’État devrait aller au bout de sa logique : s’il considère que cela relève de la question migratoire, à lui de prendre en charge la mise à l’abri et l’évaluation ! »

    Difficile, pour Dominique Versini, adjointe en charge de la protection de l’enfance à Paris, de dire si le département pourra continuer de « résister » bien longtemps : « Avec la Seine-Saint-Denis et la #Gironde, on n’a pas cessé de subir des #pressions. On a été pointés du doigt par le gouvernement comme des “gauchistes” qui voudraient favoriser l’appel d’air. On a essayé de nous attaquer par le porte-monnaie avec le décret réduisant la contribution forfaitaire. On a admis le fait de ne pas recevoir l’argent de l’État, qui représente une perte de 2,2 millions d’euros de recettes par an pour Paris, parce que nos valeurs l’emportaient. Mais là, le problème, c’est que le recours au fichier va être rendu obligatoire par la loi... », appréhende l’élue.

    Alors que le gouvernement mène déjà une politique de lutte contre l’immigration illégale « très dure », il « passe » désormais par les départements, selon elle, pour récupérer des jeunes à expulser. « C’est une façon d’utiliser la protection de l’enfance au profit d’une politique de lutte contre l’immigration illégale et cela me choque profondément », dénonce l’ancienne ministre, qui souligne une violation de la Convention internationale des droits de l’enfant et de la présomption de minorité, les jeunes étant contraints de se rendre en préfecture avant même d’avoir fait l’objet d’une évaluation. « La puissance du ministère de l’intérieur l’emporte sur le secrétariat en charge de la protection de l’enfance et je le déplore », poursuit Dominique Versini.
    Rien pour améliorer le quotidien des mineurs étrangers

    Le projet de loi prévoit par ailleurs d’interdire le placement des mineurs à l’#hôtel, mais introduit tout de même un caractère d’urgence, avec une durée maximale de deux mois, qui laisse planer le doute : « Deux mois, c’est déjà énorme ! Il y a entre 7 500 et 10 000 enfants placés à l’hôtel, et cela répond quasiment tout le temps à des situations d’#urgence et de #mise_à_l’abri. Donc cela ne va rien changer », alerte Guillaume Chiche, ajoutant qu’une majorité des enfants placés à l’hôtel sont des MNA. « Quand j’ai interpellé le ministre [Adrien Taquet] en commission, il a répondu que la durée de deux mois correspondait au temps qu’il fallait aux départements pour évaluer la minorité. Il y a donc un #droit_d’exception pour les MNA, et il est criminel d’organiser le tri entre les enfants. »

    En 2020, 4 750 jeunes se sont présentés à Paris pour une évaluation (contre 1 500 en 2015). Les MNA représentent un tiers des enfants confiés à l’#ASE. Paris et la Seine-Saint-Denis comptabilisent, à eux seuls, 50 % des évaluations réalisées en France (et 70 % pour l’Île-de-France). Ces deux départements restent ceux qui accueillent le plus de mineurs isolés. Pour mieux prendre en compte les spécificités socio-économiques des départements, et notamment le niveau de pauvreté, le projet de loi prévoit de modifier les critères du système de #répartition des MNA sur le territoire français - créé en 2016 pour soulager les départements les plus sollicités.

    S’il ambitionne d’apporter une « réponse précise », guidée par « l’intérêt supérieur de l’enfant et la pérennisation de notre système de protection de l’enfance », force est de constater que le projet de loi reste à mille lieues des enjeux (lire notre analyse : https://www.mediapart.fr/journal/france/160621/enfants-en-danger-un-projet-de-loi-mille-lieues-des-enjeux), et que rien ou presque ne vise à améliorer la prise en charge et le quotidien des MNA, dont l’histoire et le parcours migratoire sont souvent traumatisants.

    Rien concernant ces jeunes voyant d’abord leur minorité contestée, exclus du dispositif de protection et laissés à la #rue durant la durée de leur recours, puis reconnus majeurs par le juge des enfants [un jeune sur deux à saisir le juge serait reconnu mineur - ndlr]. Rien concernant ces jeunes reconnus mineurs par un département, puis réévalués majeurs dans un second département en raison du système de répartition imposé. Rien, enfin, concernant ces ex-MNA qui, à leur majorité et malgré une formation en apprentissage, parfois avec le soutien d’un employeur, sont menacés d’expulsion, révélant toutes les incohérences de l’État (lire ici ou là le récit de ces gâchis).

    Un projet de loi « de #maltraitance », juge Jean-François Martini. « Il n’y a rien sur la protection des enfants ! Qu’il s’agisse de l’évaluation, des #tests_osseux qu’on ne veut pas interdire ou de la possibilité de placement à l’hôtel dans des cas d’urgence, on les met en situation de #fragilité extrême, et on ose dire que la République fait le job », tacle Guillaume Chiche. Et Camille Boittiaux de conclure : « Il aurait pu y avoir des dispositions protectrices pour une vraie prise en charge de ce public. Mais ils sont uniquement sur le volet sécuritaire et le contrôle des enfants. C’est une occasion manquée. »

    https://www.mediapart.fr/journal/france/070721/mineurs-etrangers-le-fichier-antifraude-bientot-impose-tous-les-departemen
    #France #mineurs_étrangers #MNA #fraude #anti-fraude #antifraude #amende #préfecture #biométrie #chantage #résistance

    ping @etraces @karine4 @isskein

    • Pas de mesures anti-mineurs isolés étrangers dans le projet de loi relatif à l’enfance !

      Le 16 juin a été présenté en Conseil des ministres un projet de loi relatif à l’enfance qui a pour ambition de « garantir véritablement aux enfants un cadre de vie sécurisant et serein, et aux professionnels un exercice amélioré de leurs missions ». Plusieurs dispositions concernent les mineur⋅es isolé⋅es. Pour ces enfants, il n’est pas question de « cadre sécurisant et serein » mais d’un fichage policier systématique et d’une modification de la clé de répartition territoriale des prises en charge, sans tenir compte de leur intérêt.

      Le texte prévoit un recours systématique au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), qui fait du passage en préfecture un préalable à toute mesure de protection de l’enfance. L’utilisation de ce fichier depuis 2019 par de nombreux départements a démontré sa nocivité : mineur·es laissé·es à la rue dans l’attente de leur passage en préfecture, refus de mise à l’abri et d’évaluation à l’issue de la consultation des fichiers, édiction de mesures d’éloignement à l’égard de ceux et celles « déclaré⋅es » majeur⋅es, les privant de leur droit à un recours devant le ou la juge des enfants, etc. Le gouvernement veut maintenant imposer l’utilisation de ce fichier aux derniers départements qui refusent de confondre protection de l’enfance et lutte contre l’immigration [1].

      La clé de répartition nationale des mineur·es isolé·es entre les départements est modifiée en fonction de nouveaux critères qui ne tiennent aucun compte de l’intérêt de l’enfant : rien sur les délais interminables de transfert entre certains départements qui retardent leur scolarisation et leur prise en charge éducative ; et rien non plus sur les « doubles évaluations » qui conduisent des départements à remettre en cause la mesure de protection prise à l’initiative d’autres départements.

      Encore une occasion manquée pour le gouvernement de prendre des mesures de protection propres à se mettre en conformité avec les droits de l’enfant : détermination de la minorité basée sur l’état civil, présomption de minorité, prise en charge des jeunes majeur·es renforcée, droit au séjour sécurisé…

      Nous appelons donc au retrait de ces dispositions du projet de loi, à l’inclusion de mesures protectrices pour les mineur·es isolé·es et à un approfondissement de celles qui peuvent constituer des pistes d’amélioration de la protection de tous les enfants : prévention de la maltraitance dans les établissements, limitation des placements à l’hôtel, renforcement des normes d’encadrement, etc.

      https://www.gisti.org/spip.php?article6614

  • La sociologue et l’ourson

    De septembre 2012 à mai 2013 la #France s’enflamme autour du projet de loi sur le mariage pour tous. Tout le pays en parle. Quoi ? Juste pour quelques unions ? Non, non, non, le débat s’avère complexe et ouvre de nombreuses questions. Durant ces neuf mois Etienne Chaillou et Mathias Théry ont enregistré les conversations téléphoniques entre la sociologue de la #famille #Irène_Théry et son fils Mathias. De ces enregistrements ils ont fait leur cinéma : un cinéma d’ours en peluches, de jouets, de bouts de cartons... et d’humains. Portrait intime et feuilleton national, ce film nous fait redécouvrir ce que nous pensions tous connaître parfaitement : la Famille.

    https://lcp.fr/programmes/la-sociologue-et-l-ourson-60971

    #famille #mariage_pour_tous #mariage #homosexualité #homoparentalité #manif_pour_tous #code_civil #lien_de_couple #insémination_artificielle #PMA #fécondation_in_vitro #gestation_pour_autrui #adoption #modèles_familiaux #modèle_familial #mystère_de_paternité #présomption_de_paternité #lien_de_sang
    #documentaire #film #film_documentaire (en partie #film_d'animation)

  • Marchands de sommeil : « Ce juteux business doit cesser »
    http://www.batiactu.com/edito/marchands-sommeil-ce-juteux-business-doit-cesser-51531.php?MD5email=4bcd3e

    Le Gouvernement se dirige vers une modification du Code général des impôts. « Nous allons élargir le champ d’application de son article 1649 en créant une présomption de revenus imputable aux marchands de sommeil. Cela va permettre à la justice de présumer qu’ils ont perçu de l’argent de la location illégale de leur logement insalubre.Cela change tout, car, en renversant la charge de la preuve, il revient au marchand de sommeil de prouver qu’il n’a pas perçu de telles ressources. »

    Le but est louable mais on peut s’inquiéter de l’établissement, une fois de plus de la #présomption_de_culpabilité dans le droit.

  • #Viol d’un #enfant : « notre loi protège les agresseurs »
    https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/23019-Viol-d-un-enfant-notre-loi-protege-agresseurs/amp

    Un enfant ne veut pas d’un acte sexuel. Les gens n’ont pas le courage de se représenter une fillette de 11 ans avec un pénis d’adulte dans la bouche. Ils ne veulent pas imaginer ce qu’est le vagin d’une petite fille, pénétré par celui d’un adulte de 28 ans. Il y a un déficit de la représentation. Pourtant, dit comme ça, c’est assez clair ?

    Toute l’attention est fixée sur le consentement de cette fillette. On ne met pas le projecteur sur l’adulte de 28 ans, père de deux enfants. Lui savait parfaitement ce qu’il faisait. Il s’agit ni plus ni moins de #pédocriminalité.