• Parcoursup est devenu une vitrine publicitaire pour le privé pendant que l’enseignement supérieur suffoque
    https://www.nouvelobs.com/opinions/20250118.OBS99142/parcoursup-est-devenu-une-vitrine-publicitaire-pour-le-prive-pendant-que-

    Alors que pas moins de 60 #universités sur 75 pourraient se retrouver en déficit d’ici la fin de l’année prochaine, alors que le coût de la vie étudiante augmente, alors que les budgets de la #recherche stagnent ou diminuent irrésistiblement d’année en année, la casse de l’université publique permet le colossal essor de l’#enseignement_supérieur_privé lucratif. Un roc, un pic, un cap, une péninsule : jamais ce secteur n’a été si proéminent et si bien portant, engloutissant tout sur son passage, y compris les #étudiants les plus #précaires qui oseraient s’y aventurer.

    Dans l’ambiance dynamique et pédante des salons d’orientation pour étudiants, les stands (al) loués aux formations privées (qu’elles paient parfois une petite fortune) fleurissent et se multiplient, se mêlant astucieusement aux formations publiques, en en arborant les mêmes insignes et les mêmes sigles, ne formant qu’un immense essaim d’hypothèses de chemins de vie, dans lequel il est de plus en plus aisé de se faire piquer. Les formations privées les plus obscures dépensent une petite fortune pour être présentes à ces salons, tout comme elles le font sur la plateforme de désorientation et de sélection qu’est #Parcoursup.

    En quatre ans, le nombre de formations privées a doublé, passant de 4 992 formations en 2020 à 9 298 aujourd’hui. Le nombre de formations publiques n’a, quant à lui, augmenté que de 15,3 % au cours de la même période. Entre la surreprésentation aux salons d’orientation et la mise en valeur ostentatoire par Parcoursup, les résultats ne se sont pas fait attendre. Un quart des étudiants est inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur privé.
    Rassurons-nous collectivement : les étudiants n’y sont pour rien. C’est, comme toujours, l’Etat qui organise minutieusement et financièrement la casse du public, et l’essor collatéral du privé, en oubliant sur son passage la nécessité de contrôle, l’impératif de pédagogie, la probité, l’intégrité académique, au bénéfice du profit, des grosses entreprises, et de la casse tant attendue de l’université privée [coquille ?] par les libéraux. Parcoursup est devenu une vitrine publicitaire pour le privé, prospérant sur fond de laisser-faire et d’absence de contrôle gouvernemental.

  • "Motion_de_défiance #PDG_CNRS

    http://motion-keylabs.byethost7.com/?i=1

    Motion de défiance envers la #présidence_du_CNRS

    Téléchargez le texte complet de la #motion : fichier_PDF

    Nous, l’ensemble des agents (C, EC, IT, Doc, Pdoc, etc.) des laboratoires et UMR où le CNRS est tutelle, mais aussi l’ensemble de la communauté scientifique publique, inquiète de ce qu’une telle décision préfigurerait, exprimons notre plus #vive_inquiétude et notre opposition résolue aux orientations stratégiques récemment annoncées par M. #Antoine_Petit, président-directeur général du #CNRS.

    Ces orientations, notamment matérialisées par le projet des « Key Labs », constituent une remise en cause profonde de l’essence même de la recherche scientifique publique telle que le CNRS la défend depuis sa création. Les « Key Labs », en ciblant les financements et ressources sur quelques rares (25 %) laboratoires identifiés comme majeurs sur des critères inconnus, viennent accentuer la tendance préoccupante de l’intensification de la concurrence dans le monde de la recherche. Ce processus, largement engagé au fil des années de la mandature de M. Antoine Petit et totalement assumé et même prôné par lui, atteint cette fois un paroxysme pour nous insupportable.

    En effet, ce projet :

    Se dresse contre les principes fondamentaux de la liberté académique, en oubliant l’importance de conjuguer toutes les thématiques, qu’elles soient orientées par des intérêts économiques à moyen et court terme ou qu’elles s’inscrivent dans de la recherche fondamentale, exploratoire et désintéressée qui ne peut s’inscrire que sur un temps long ;
    Renforce des inégalités territoriales et disciplinaires en concentrant les financements et les ressources sur quelques laboratoires jugés « stratégiques », au détriment de l’écosystème scientifique global et en mettant ainsi à son ban la plus grande partie (75 %) de ses laboratoires et personnels ;
    Fragilise le statut des chercheuses et chercheurs et des ITA en favorisant des modèles de financement précaires et ponctuels, au lieu d’un soutien durable et structurant ;
    S’inscrit en contradiction avec la réforme de l’évaluation scientifique qui vise à mettre en place des critères plus qualitatifs et à intégrer les enjeux environnementaux ;
    S’impose de la manière la plus brutale qui soit aux autres tutelles des Unités Mixtes de Recherche (UMR) qui composent elles-mêmes l’essentiel du paysage de la recherche française ;
    Ne fait l’objet d’aucune concertation transparente avec la communauté scientifique, rompant ainsi avec les valeurs de collégialité et de démocratie scientifique qui devraient présider à toute évolution majeure au sein de notre institution.

    Face à ces dérives, nous estimons que M. Antoine Petit a failli à sa responsabilité de garantir un pilotage de l’organisme respectueux de sa mission première : le développement de connaissances au service de la société, dans un cadre public et autonome. Alors que l’urgence devrait être de faire en sorte que la France parvienne enfin à financer correctement sa recherche publique comme elle le devrait eu égard à ses engagements européens, ce projet ne pourra qu’entraîner la destruction même de tout ou partie du CNRS, organisme irremplaçable que nous envient nombre de pays, européens ou non.

    Nous réaffirmons que les transformations actuelles sont incompatibles avec les valeurs de la recherche publique et appelons :

    À un arrêt immédiat du projet des « Key Labs » et à une révision de l’ensemble des orientations stratégiques récentes du CNRS ;
    À une réforme en profondeur de la gouvernance du CNRS, incluant l’ensemble des personnels qui, pour la plupart, s’impliquent sans compter dans les différentes instances assurant la bonne marche de l’organisme, mais qui sont totalement ignorés, voire méprisés dans le mode de fonctionnement actuel ;
    À la #démission de M. Antoine Petit pour permettre une refondation collective de notre institution sur des bases conformes à ses missions fondamentales.

    Nous invitons l’ensemble des laboratoires, instances scientifiques et collectifs à soutenir cette motion et à se mobiliser pour défendre une recherche publique, libre et indépendante.

    Décidée dans la plus totale opacité, y compris envers ses propres agents, et sans qu’aucun responsable de fouille ne soit prévenu, ni ne puisse anticiper si ce n’est au dernier moment, cette coupe budgétaire compromet, voire interrompt de fait des programmes de recherche collectifs de long terme, dans lesquels s’investissent de nombreux collègues de diverses institutions et d’autres partenaires financiers et scientifiques.

    Le 10 janvier 2025

    Le #collectif « Motion de défiance A. Petit »

  • À #France_Travail, l’essor du #contrôle_algorithmique

    « #Score_de_suspicion » visant à évaluer l’honnêteté des chômeur·ses, « #score_d’employabilité » visant à mesurer leur « #attractivité », algorithmes de #détection des demandeur·ses d’emploi en situation de « perte de confiance », en « besoin de redynamisation » ou encore à « risque de dispersion »… France Travail multiplie les #expérimentations de #profilage_algorithmique des personnes sans emploi.

    Mise à jour du 12 juillet 2024 : le directeur général de France Travail a souhaité utiliser son droit de réponse. Vous la trouverez à la suite de l’article.

    Après avoir traité de l’utilisation par la #CAF d’un algorithme de notation des allocataires, nous montrons ici que cette pratique est aussi partagée par France Travail, ex-#Pôle_Emploi. À France Travail, elle s’inscrit plus largement dans le cadre d’un processus de #numérisation_forcée du #service_public de l’#emploi.

    –-> Retrouvez l’ensemble de nos publications sur l’utilisation par les organismes sociaux d’algorithmes à des fins de contrôle social sur notre page dédiée et notre Gitlab : https://git.laquadrature.net/la-quadrature-du-net/algo-et-controle.

    Au nom de la « #rationalisation » de l’action publique et d’une promesse « d’#accompagnement_personnalisé » et de « #relation_augmentée », se dessine ainsi l’horizon d’un service public de l’emploi largement automatisé. Cette #automatisation est rendue possible par le recours à une myriade d’algorithmes qui, de l’inscription au suivi régulier, se voient chargés d’analyser nos données afin de mieux nous évaluer, nous trier et nous classer. Soit une extension des logiques de #surveillance_de_masse visant à un #contrôle_social toujours plus fin et contribuant à une #déshumanisation de l’accompagnement social.

    De la CAF à France Travail : vers la multiplication des « scores de suspicion

    C’est, ici encore, au nom de la « #lutte_contre_la_fraude » que fut développé le premier algorithme de #profilage au sein de France Travail. Les premiers travaux visant à évaluer algorithmiquement l’#honnêteté des personnes sans emploi furent lancés dès 2013 dans la foulée de l’officialisation par la CAF de son algorithme de notation des allocataires. Après des premiers essais en interne jugés « frustrants » [1], France Travail – à l’époque Pôle Emploi – se tourne vers le secteur privé. C’est ainsi que le développement d’un outil de détermination de la probité des demandeur·ses d’emploi fut confié à #Cap_Gemini, une multinationale du CAC40 [2].

    La #notation des chômeur·ses est généralisée en 2018. La présentation qui en est faite par France Travail donne à voir, comme à la CAF, l’imaginaire d’une institution assiégée par des chômeur·ses présumé·es malhonnêtes. Ses dirigeant·es expliquent que l’algorithme assigne un « score de suspicion » – dans le texte – visant à détecter les chômeur·ses les plus susceptibles « d’#escroquerie » grâce à l’exploitation de « #signaux_faibles » [3]. Une fois l’ensemble des personnes sans emploi notées, un système d’« #alertes » déclenche ainsi des #contrôles lorsque l’algorithme détecte des situations « suspectes » (emploi fictif, usurpation d’identité, reprise d’emploi non déclarée) [4].

    Pour l’heure, France Travail s’est refusé à nous communiquer le code source de l’algorithme. Au passage, notons que ses dirigeants ont par ailleurs refusé, en violation flagrante du droit français, de fournir la moindre information aux demandeur·ses d’emploi que nous avions accompagné·es pour exercer leur droit d’accès au titre du #RGPD [5]. Nous avons cependant obtenu, via l’accès à certains documents techniques, la liste des variables utilisées.

    On y retrouve une grande partie des données détenues par France Travail. Aux variables personnelles comme la nationalité, l’âge ou les modalités de contact (mails, téléphone…) s’ajoutent les données relatives à notre vie professionnelle (employeur·se, dates de début et de fin de contrat, cause de rupture, emploi dans la fonction publique, secteur d’activité…) ainsi que nos #données financières (RIB, droits au chômage…). À ceci s’ajoute l’utilisation des données récupérées par France Travail lors de la connexion à l’espace personnel (adresse IP, cookies, user-agent). La liste complète permet d’entrevoir l’ampleur de la #surveillance_numérique à l’œuvre, tout comme les risques de #discriminations que ce système comporte [6].

    #Profilage_psychologique et gestion de masse

    Fort de ce premier « succès », France Travail décide d’accroître l’usage d’algorithmes de profilage. C’est ainsi que, dès 2018, ses dirigeant·es lancent le programme #Intelligence_Emploi [7]. Son ambition affichée est de mettre l’#intelligence_artificielle « au service de l’emploi » pour « révéler à chaque demandeur d’emploi son #potentiel_de_recrutement » [8].

    Un des axes de travail retient notre attention : « Accélérer l’accès et le retour à l’emploi [via un] #diagnostic “augmenté” pour un accompagnement plus personnalisé ». Ici, l’#IA doit permettre de d’« augmenter la capacité de diagnostic » relative aux « traitements des aspects motivationnels » via la « détection de signaux psychologiques » [9]. En son sein, deux cas d’usage retenus sont particulièrement frappants.

    Le premier est le développement d’algorithmes visant à « anticiper les éventuels #décrochages », prévenir les « #risques_de_rupture » [10] ou encore « détecter les moments où ils [les personnes au chômage] peuvent se sentir découragés ou en situation de fragilité » [11].

    Ces travaux ont trouvé, au moins en partie [12], un premier aboutissement dans l’outil du #Journal_de_la_Recherche_d’Emploi (#JRE) actuellement expérimenté dans plusieurs régions de France [13]. Le JRE assigne à chaque incrit·e quatre scores de « profilage psychologique » visant respectivement à évaluer la « dynamique de recherche » d’emploi, les « signes de perte de confiance », le « besoin de #redynamisation » ou les « risques de dispersion » [14].

    Ces informations sont synthétisées et présentées aux conseiller·es sous la forme d’un tableau de bord. « Parcours à analyser », « Situations à examiner », « Dynamique de recherche faible » : des alertes sont remontées concernant les chômeur·ses jugé·es déficient·es par tel ou tel algorithme. Le ou la conseiller·e doit alors faire un « #diagnostic_de_situation » – via l’interface numérique – afin d’« adapter l’intensité » des « actions d’accompagnement ». Et là encore, ils et elles peuvent s’appuyer sur des « #conseils_personnalisés » générés par un dernier algorithme [15].

    Contrôle, #mécanisation et déshumanisation de l’accompagnement : voilà la réalité de ce que le directeur de France Travail appelle « l’accompagnement sur mesure de masse » [16].

    Diagnostic et score d’#employabilité

    Le second cas d’usage est tout aussi inquiétant. Il s’agit de déterminer la « qualité » d’un·e demandeur·se d’emploi. Ou, pour reprendre les termes officiels, son « employabilité » [17]. Ce projet n’est pas encore déployé à grande échelle, mais nous savons qu’une première version – basée, elle, sur des techniques d’intelligence artificielle [18] – a été développée en 2021 [19].

    L’algorithme alloue à chaque inscrit·e un score prédisant ses « chances de retour à l’emploi ». Véritable outil automatique de #tri des chômeur·ses, il vise à organiser la « #priorisation des actions d’accompagnement » [20] en fonction d’un supposé #degré_d’autonomie de la personne sans emploi.

    Si les informations disponibles sur ce projet sont limitées, on peut imaginer que ce score permettra le contrôle en temps réel de la « progression de la #recherche_d’emploi » via les actions entreprises pour améliorer « l’attractivité [de leur] profil » [21]. Il serait alors un indicateur d’évaluation en continu de la bonne volonté des chômeur·ses.

    Mais on peut aussi penser qu’il sera utilisé pour inciter les personnes sans emploi à se diriger vers les « #métiers_en_tension », dont une majorité concentre les conditions de travail les plus difficiles. En demandant aux chômeur·ses d’améliorer leur score, via une #réorientation, ils et elles seraient encouragé·es à accepter un emploi au rabais.

    Agenda partagé & agences virtuelles

    Mais l’étendue du processus de numérisation à l’oeuvre à France Travail va bien au-delà de ces exemples. Côté contrôle numérique, citons l’interface « #XP_RSA » [22], l’outil numérique déployé dans le cadre de la récente réforme du #RSA. Cette interface n’est rien d’autre qu’un agenda partagé permettant de déclarer, et de contrôler, les quinze à vingt « #heures_d’activité » hebdomadaires dont vont devoir s’acquitter les bénéficiaires du minima social. Son remplissage forcé est un pas supplémentaire vers le #flicage des plus précaires.

    Côté IA, France Travail a lancé en 2024 le programme « #Data_IA » [23], successeur d’Intelligence Emploi mentionné plus haut. Présenté avec fracas au salon de l’« innovation technologique » VivaTech – organisé par le groupe Publicis –, on retrouve parmi les projets en développement une #IA_générative visant à numériser l’accompagnement et la #recherche_d’emploi (« #Match_FT ») [24]. France Travail s’intéresse aussi aux « #maraudes_numériques » pour « remobiliser les jeunes les plus éloignés de l’emploi » [25] et au développement d’« #agences_virtuelles » [26].

    #Austérité, automatisation et #précarisation

    La numérisation de France Travail signe la naissance d’un modèle de gestion de masse où coexistent une multitude d’algorithmes ayant chacun la tâche de nous classifier selon une dimension donnée. Risque de « fraude », de « dispersion », de « perte de confiance », suivi des diverses obligations : les capacités de collecte et de traitements de données sont mises au service de la détection, en temps réel, des moindres écarts à des normes et règles toujours plus complexes [27]. Cette numérisation à marche forcée sert avant tout à contrôler les personnes sans emploi [28].

    À l’heure où Gabriel Attal annonce une énième réforme de l’assurance-chômage passée en force alors que l’Assemblée nationale est dissoute, ce contrôle ne cache plus son but : forcer les plus précaires à accepter des #conditions_de_travail toujours plus dégradées [29].

    Loin des promesses de « libérer du temps pour les conseillers » ou d’offrir un accompagnement « plus réactif et plus personnalisé » [30] aux personnes sans emploi, cette numérisation contribue à la déshumanisation d’un service essentiel et à l’#exclusion des plus précaires, voire tend à une généralisation du #non-recours_aux_droits. Il ne s’agit pas d’idéaliser le traitement « au guichet », mais de rappeler que la numérisation forcée accentue les écueils de ce dernier. En accompagnant la fermeture des points d’accueil, elle transfère une partie du travail administratif aux personnes usagères du service public, participant à l’éloignement de celles et ceux qui ne sont pas en mesure de le prendre en charge [31].

    En standardisant les processus d’accompagnement, via la #quantification de chaque action et le profilage de toute une population, elle restreint les possibilités d’échange et supprime toute possibilité d’accompagnement réellement personnalisé [32].

    En facilitant le contrôle généralisé, elle accentue enfin la #stigmatisation des plus précaires et participe activement à leur #paupérisation.

    –-

    Mise à jour du 12 juillet 2024

    À la suite de notre article, France Travail, via son directeur général Thibaut Guilly, a souhaité exercer son droit de réponse que nous publions ci-dessous in extenso.

    « Madame, Monsieur,

    Je reviens vers vous suite à mon précédent courrier du 2 juillet.

    Bien que le délai de 3 jours prévu à l’article 1.1-III de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique soit aujourd’hui expiré, je constate que le droit de réponse qui vous a été adressé n’a pas été publié. Pour rappel, le non-respect de cette obligation est passible d’une amende de 3 750 €.

    Aussi, je réitère par la présente ma demande de publication d’un droit de réponse suite à la parution le 25 juin 2024 de l’article intitulé « A France Travail, l’essor du contrôle algorithmique » (librement accessible à l’adresse : https://www.laquadrature.net/2024/06/25/a-france-travail-lessor-du-controle-algorithmique).

    Dans cet article, vous évoquez un « service public de l’emploi largement automatisé », ainsi qu’une utilisation des algorithmes qui « contribue à la déshumanisation d’un service essentiel », favorise « la stigmatisation des plus précaires et participe activement à leur paupérisation » et constitue « un pas supplémentaire vers le flicage des plus précaires ». Il s’agirait d’une « extension des logiques de surveillance de masse visant à un contrôle social toujours plus fin et contribuant à une déshumanisation de l’accompagnement social », cette « numérisation à marche forcée ser[van]t avant tout à contrôler les personnes sans emploi ». Vous faites également état de « la fermeture des points d’accueil ».

    Nous nous inscrivons en faux contre ces propos erronés qui conduisent à jeter un discrédit sur le travail des plus de 55 000 collaborateurs qui accompagnent chaque jour les demandeurs d’emploi et les entreprises et à travestir la réalité concernant l’usage que nous faisons de ces algorithmes.

    L’utilisation des algorithmes au sein de France Travail ne vise en aucun cas à remplacer le travail des conseillers. L’intelligence artificielle (IA) vient en complément et ne se substitue jamais à une intervention humaine. Au contraire, nous concevons les algorithmes et l’IA comme des outils d’aide à la décision pour les conseillers ou un moyen de leur libérer du temps administratif afin de leur permettre de se consacrer pleinement à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

    Toute utilisation d’algorithmes est en outre encadrée par une charte éthique (https://www.francetravail.org/accueil/communiques/pole-emploi-se-dote-dune-charte-pour-une-utilisation-ethique-de-linte) qui décrit nos engagements pour garantir un cadre de confiance respectueux des valeurs de France Travail, à l’opposé de toute « notation de chômeurs » que vous pointez dans votre article. Un comité d’éthique externe composé de personnalités qualifiées garantit le respect de ce cadre. En aucun cas, les algorithmes ne sont utilisés pour « encourager les demandeurs d’emploi à accepter des emplois au rabais ».

    Concernant la « mécanisation » ou la « déshumanisation » de l’accompagnement que vous avancez, c’est méconnaitre le travail que réalisent les conseillers quotidiennement dans plus de 900 agences ou par téléphone. Aucun projet de fermeture d’agence n’est d’ailleurs envisagé contrairement à ce que vous dites et France Travail est un des rares services publics à être ouvert tous les jours, sur flux le matin et sur rendez-vous l’après-midi. Plus de 8,8 millions de personnes sont venues dans nos agences l’année dernière. Cet accueil en agence reflète justement notre politique de proximité et d’accompagnement notamment des plus précaires. L’ambition de la loi pour le plein emploi est en outre de renforcer l’accompagnement humain des plus éloignés, en particulier des bénéficiaires du RSA.

    Vous parlez enfin de « flicage des plus précaires » à travers l’utilisation d’algorithmes concernant le contrôle de la recherche d’emploi et la lutte contre la fraude. Il convient tout d’abord de souligner que ce sont deux activités distinctes, le contrôle de la recherche d’emploi ne saurait être assimilé à de la lutte contre de la fraude, qui est, par définition, une activité illégale et susceptible de poursuites pénales. Sur ce dernier point, l’utilisation des données dans la lutte contre la fraude vise avant tout à protéger nos usagers. En effet, la majorité des situations recherchées par les équipes de France Travail ne concerne pas des demandeurs d’emploi mais des individus qui détournent les services d’indemnisation du chômage, bien souvent au préjudice de nos usagers : usurpation d’identité des demandeurs d’emploi pour s’approprier leurs droits à l’assurance chômage ou détourner leurs paiements, individus se fabricant un faux passé professionnel ou une fausse résidence en France pour ouvrir des droits indus. Concernant le contrôle de la recherche d’emploi, là encore nous réfutons vivement l’idée selon laquelle nous mènerions une chasse aux plus précaires. Tout demandeur d’emploi inscrit à France Travail bénéficie de droits mais a également des devoirs qui lui sont présentés dès son inscription, dont celui de rechercher activement un emploi. 600 conseillers sont dédiés à ce contrôle et là encore, l’IA est un outil d’aide et en aucun la pierre angulaire des contrôles réalisés par ces conseillers en contact avec les demandeurs d’emploi tout au long de ce processus de contrôle. Là encore votre article méconnaît le travail de nos conseillers et constitue une atteinte à leur engagement et à leur intégrité.

    Je vous remercie de publier sans délai ce droit de réponse. A défaut, je me réserve la possibilité de saisir les juridictions à cet effet.

    Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sincères salutations.

    Thibaut Guilluy »

    Notre réponse :

    À la suite de notre article, France Travail, via son directeur général Thibaut Guilly, nous a initialement écrit pour faire des remarques d’ordre général sur notre article. Puis, dans une nouvelle lettre reçue aujourd’hui, il est subitement passé aux menaces : nous n’aurions, selon lui, pas fait droit à sa prétendue « demande de publication d’un droit de réponse ». Ces menaces sont particulièrement malvenues et, au demeurant, totalement vaines, puisque rien dans son courrier initial n’indiquait qu’il s’agissait d’une demande de droit de réponse…

    Le directeur général de France Travail s’en tient à une poignée d’éléments de langage sans jamais répondre sur le fond. Pas un mot sur la multiplication des algorithmes de profilage à des fins de contrôle. Tout au plus y apprend-on que des algorithmes d’IA sont aussi utilisés à des fins de « contrôle de la recherche d’emploi », ce que nous ignorions.

    Cette lettre se borne ainsi à un simple exercice, maladroit et malvenu, de communication. Elle s’essaye vainement à réfuter l’expression de « flicage des plus précaires » pour décrire les outils de surveillance des allocataires du RSA. La mise en place d’un agenda partagé pour le contrôle des 15 à 20 heures d’activité de ces dernier·ès serait ainsi – il faut savoir apprécier l’humour – une mesure visant à « renforcer l’accompagnement humain ».

    Quant à l’impact de la numérisation sur l’accueil des plus précaires, le directeur général de France Travail nie la réalité, tout comme son homologue de la CNAF, afin de minimiser l’étendue de la surveillance et le projet politique sous-jacent. Qu’a-t-il donc à répondre à la Défenseure des droits qui, en 2022 dans son deuxième rapportsur la dématérialisation des services publics, rappelait la hausse des inégalités et des réclamations en raison de cette dématérialisation « à marche forcée » ?

    Enfin, opposer, comme le fait cette lettre, le travail des salarié·es de France Travail et notre action de documentation et d’alerte sur les abus de l’administration est stérile : la déshumanisation et le changement de nature du service public se font non seulement au détriment des personnes au chômage mais également des agent·es de France Travail, comme l’ont dénoncé syndicats et associations au moment de la réforme de l’assurance chômage et la transformation de Pôle Emploi en France Travail [33].

    Ce que cette lettre souligne avant tout c’est donc l’absence de recul, de capacité de remise en cause et d’esprit critique du directeur général de France Travail quant à l’extension des logiques de contrôle numérique au sein de son institution. Ou sa pleine adhésion à ce projet.
    Notes

    [1] Voir cette note de synthèsenote de synthèse revenant sur les premières expérimentation faites par Pôle Emploi.

    [2] Voir cet article sur l’implication de Cap Gemini dans la réalisation de l’outil de scoring.

    [3] L’expression « score de suspicion » est extraite de l’analyse d’impact disponible ici, celle de « signaux faibles » d’une note de suivi des travaux OCAPI 2018 disponible ici, celle d’« indices » de l’ article présentant la collaboration de France Travail avec Cap Gemini. Quant au terme d’« escroquerie », il est issu d’un échange de mails avec un·e responsable de France Travail.

    [4] L’algorithme utilisé semble se baser sur des arbres de décisions, sélectionnés via XGBoost. Les principaux cas d’entraînement semblent être la détection de périodes d’activité dites « fictives » – soit des périodes de travail déclarées mais non travaillées – d’usurpation d’identité et de reprise d’emploi non déclarée. Voir ce document.

    [5] Nous accompagnons différentes personnes dans des demandes d’accès à leurs données personnelles. Pour l’instant, France Travail s’est systématiquement opposé à leur donner toute information, en violation du droit.

    [6] Voir notamment nos articles sur l’algorithme de la CAF, en tout point similaire à cette page.

    [7] Ce programme, financé à hauteur de 20 millions d’euros par le Fond de Transformation de l’Action Publique a été construit autour de 3 axes et s’est déroulé de 2018 à 2022. Voir notamment la note de 2020 envoyée à la DINUM par France Travail, disponible ici.

    [8] Rapport annuel 2018 de Pôle Emploi disponible ici.

    [9] Voir cette note envoyée par Pôle Emploi à la DINUM.

    [10] voir note 9

    [11] Voir ce support de webinaire.

    [12] En partie puisqu’au cœur des algorithmes du JRE, nulle trace de machine learning ou de traitements statistiques complexes. Chaque score résulte de l’application de règles simples, bien loin des ambitions initiales de recours à l’intelligence artificielle. Les dirigeant·es de France Travail semblent ici avoir éprouvé les limites d’un techno-solutionnisme béat. Voir ce document. À noter aussi que ce document évoque une « brique IA Mire » portant sur la détection de « situations de décrochage ». Il se pourrait donc que des algorithmes plus avancés soient en développement.

    [13] Le JRE est une refonte de l’interface numérique. Voir à ce sujet l’excellent article de Basta disponible ici. Si le JRE ne semble pas avoir été créé dans le cadre du programme Intelligence Emploi, il semble avoir été le cadre d’expérimentations de plusieurs des solutions produites. Voir ici.

    [14] Voir le document « Fiches pratiques à destination des conseillers » portant sur le JRE disponible ici.

    [15] Les documents les plus parlants sur la mécanisation de l’accompagnement via le JRE sont ce support et ce document à destination des conseiller·es. Voir aussi les documents que nous mettons en ligne sur l’utilisation d’IA pour générer des conseils automatisés, consultables par les personnes sans emploi et les conseiller·es.

    [16] Voir cette interview du directeur actuel de France Travail.

    [17] Pour un aperçu historique de la notion d’employabilité, voir le chapitre 5 de France Travail : Gérer le chômage de massse de J.-M Pillon.

    [18] Voir cette note envoyée par Pôle Emploi à la DINUM en 2020.

    [19] Voir cette autre note envoyée par Pôle Emploi à la DINUM en 2021.

    [20] voir note 18

    [21] Voir ce document sur l’utilisation de l’IA à Pôle Emploi.

    [22] Voir ce document de présentation de XP RSA.

    [23] Voir ce document de présentation du programme Data IA.

    [24] Pour Match FT, voir cet entretien, ce tweet et cet article de la Banque des Territoires. Voir aussi Chat FT, l’IA générative pour l’instant dédiée aux conseillers·es, dans ce document.

    [25] Voir ce tweet.

    [26] Voir ce tweet.

    [27] Sur la réforme à venir, voir notamment cet article du Monde. Sur le triplement des contrôles, voir cet articledu même journal.

    [28] Sur l’histoire du contrôle à France Travail, voir le livre Chômeurs, vos papiers de C. Vivès, L. Sigalo Santos, J.-M. Pillon, V. Dubois et H. Clouet, le rapport Le contrôle des chômeurs de J.-M. Méon, E. Pierru et V. Dubois disponible Sur le triplement des contrôles, voir ici et le livre France Travail : gérer le chômage de masse de Jean-Marie Pillon.

    [29] voir note 27

    [30] Voir, entre autres, cette vidéo du responsable du programme Data IA.

    [31] Voir le livre L’Etat social à distance de Clara Deville.

    [32] Voir le texte Déshumaniser le travail social de Keltoum Brahan et Muriel Bombardi, publié dans le numéro de février 2017 de CQFD.

    [33] La CGT a dénoncé une réforme qui n’« est pas favorable » aux personnes sans emploi. La CGT Pôle Emploi y voit une numérisation du service public qui « détruira les nécessaires relations humaines, et accentuera la fracture numérique et donc la précarité » et une réforme qui va « renforcer les devoirs au détriment des droits », ou encore « accroître les tensions entre les agents et les demandeurs d’emploi ». Solidaires a dénoncé le caractère « trompeur » de l’accompagnement. Côté personnes sans emploi, le constat est le même : cette transformation rend les personnes « Coupable[s] d’être au chômage » d’après le comité National CGT des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires. Enfin, les associations de solidarité et des syndicats ont ensemble dénoncé dans le Monde le « risque des contrôles abusifs de la situation globale des ménages ».

    https://lagrappe.info/?A-France-Travail-l-essor-du-controle-algorithmique-1132
    #algorithme #chômage #profilage

  • #Emmanuel_Macron, l’#art du #secret
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/12/21/emmanuel-macron-l-art-du-secret_6461505_823448.html

    Emmanuel Macron, l’#art_du_secret
    Par #Raphaëlle_Bacqué, #Ariane_Chemin et #Ivanne_Trippenbach
    Publié le 21 décembre 2024 à 20h02, modifié le 28 décembre 2024 à 11h52

    ENQUÊTE« Le président et son double » (4/4). Dans le dernier volet de la série sur l’évolution du président de la République depuis son arrivée à l’Elysée, « Le Monde » décrypte la façon dont il gère les questions de sécurité personnelle et de protection de son image.

    « #Brûle_tout ! » En 2017, pendant sa première campagne présidentielle, entre deux meetings et rendez-vous, Emmanuel Macron tendait parfois à son garde du corps des chemises cartonnées et, pour celles de couleur rouge, lui intimait de faire disparaître leur contenu. #Alexandre_Benalla, qui veille alors sur la sécurité du candidat, s’en souvient bien : il jetait lui-même les feuilles de papier dans un fût en métal, au sous-sol du QG de campagne, rue de l’Abbé-Groult, dans le 15e arrondissement de Paris, et y mettait le feu. Parfois, un brasero improvisé était allumé au bord de la route, sur le chemin d’un aéroport d’où le futur président décollait pour rejoindre une réunion publique. A l’intérieur, des notes, des idées griffonnées, des documents de campagne variés… Emmanuel Macron n’était pas encore élu que déjà le secret était une obsession.

    « Hypercloisonné », « superparano », « énigmatique »… Voilà comment ses très proches collaborateurs décrivent aujourd’hui le président de la République. C’est le lot des chefs d’Etat. Mais la méfiance et la précaution sont des réflexes qu’Emmanuel Macron a appris très tôt. Une partie de son adolescence et de sa vingtaine s’est en effet déroulée dans une forme de clandestinité. « Quinze ans (…) à être largement incompris », a-t-il confié à la journaliste du Figaro Anne Fulda, dans Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait (Plon, 2017), le livre qu’elle lui a consacré. Parce que Brigitte Trogneux était de vingt-quatre ans son aînée, il a passé des années à cacher aux autres leur histoire d’amour. « Emmanuel a besoin de tout le monde et de personne, a résumé un jour Brigitte Macron devant la biographe de son époux. On ne rentre jamais dans son périmètre. » D’Amiens, le président a gardé une certaine habitude de la solitude et du cloisonnement.

    Emmanuel Macron fonctionne en silos. Avec les « boucles » de messagerie téléphonique, lui seul sait à qui il parle, la nuit, puisque cet insomniaque travaille souvent jusqu’à 2 heures du matin, témoigne son compte Telegram. « Il faut cogiter », « Tu vois comment les choses ? », écrit-il sur WhatsApp à ses petites communautés d’anciens ministres, amis, élus, préfets, maires rencontrés en déplacement, ou, en pleine pandémie de Covid-19, de médecins, dans des messages dont Le Monde a eu connaissance. Mais aussi des « Tu me manques », « Je suis fier de toi », « Tu m’as fait de la peine », « La famille, c’est vous », ou, avant les ruptures politiques, « Nos routes se séparent ». Lui d’ordinaire si impénétrable se montre parfois imprudent dans ses messages écrits (sollicité à plusieurs reprises au cours des dernières semaines par l’intermédiaire des services de l’Elysée mais aussi par courrier personnel, Emmanuel Macron n’a pas donné suite).

    L’espionnage a toujours existé, mais les moyens ont changé. L’époque est aux #cyberoffensives. Dès 2017, les boîtes e-mails des équipes d’En marche ! font l’objet d’opérations de piratage par des hackeurs russes, et 20 000 courriels sont rendus publics juste avant le second tour de la présidentielle – les « MacronLeaks ». Pour déstabiliser le finaliste, d’authentiques e-mails ont été mélangés à des documents falsifiés. Mais il y a autre chose : la singularité du couple formé avec Brigitte, rencontrée quand il avait 14 ans, et cette « vie qui ne correspond en rien à celle qu’ont les autres », comme l’a résumé un jour Emmanuel Macron lui-même, ont suscité de sordides attaques contre lui et son épouse, notamment de la part de l’agence pro-Kremlin Spoutnik et du tabloïd russe Komsomolskaïa Pravda.

    Un autre épisode, antérieur, a marqué le président français. En janvier 2014, il était aux premières loges lorsque François Hollande a été photographié en scooter rue du Cirque, dans le 8e arrondissement de Paris, s’apprêtant à rejoindre clandestinement l’actrice Julie Gayet. Alors secrétaire général adjoint de l’Elysée, Emmanuel Macron avait suivi cette déflagration de l’intérieur. La leçon qu’il en a retenue, c’est que François Hollande n’était pas assez prudent, ou pas assez protégé. « Je ne ferai jamais comme lui », en a-t-il conclu. Un an après cette « paparazzade », il théorisait ainsi sa pratique du pouvoir devant Le Monde : « Quand on est aux manettes, il faut une distance, des moments de secret. » Depuis, il comprend chaque jour davantage cette réalité de l’économie des médias qui s’est imposée : aujourd’hui passés aux mains des Vincent Bolloré et autres grands patrons, les magazines people sont devenus de redoutables armes politiques.

    Avare de confidences
    « Maintenant nous sommes seuls. C’est l’Elysée qui veut cela : nous ne pouvons avoir confiance en personne. C’est une solitude à deux, mais une solitude totale », a confié Brigitte Macron aux journalistes Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon dans leur livre Mimi (Grasset, 2018), consacré à #Michèle_Marchand, la « #première_dame des #paparazzis ».

    Rarement la vie au palais a été aussi verrouillée que sous Emmanuel Macron, à l’abri des regards. « Vous passerez par-derrière, côté grille du Coq, direct », recommande Valérie Brilland-Lelonge, la secrétaire particulière du président de la République (« SPPR », son nom de code dans le répertoire téléphonique des initiés), de sa voix douce aux « visiteurs du soir » conviés à l’Elysée hors des circuits protocolaires. Parfois, après 22 heures, c’est le chef de l’Etat en personne qui appelle : « Passe. »

    Avec le souvenir de l’« épisode Hollande », le président de la République évite de se rendre chez des particuliers. Lorsqu’il sort à Paris, il choisit des restaurants du 6e, du 7e ou du 15e arrondissement, où il a ses habitudes, en fond de salle et dos au mur, avec ses gardes du corps à proximité. Dans son téléphone, les noms de ses contacts sont souvent notés par leurs initiales. Et, même en comité restreint, il reste avare de confidences. Du chiraquien #Pierre_Charon, 73 ans, qui lui raconte à sa façon la Ve République, Emmanuel Macron a retenu ce mot prononcé par un autre président, Georges Pompidou (1911-1974) : « Si vous ne voulez pas que cela se sache, n’en parlez pas. » Pour le coup de la dissolution de l’Assemblée nationale, il a fait sien ce conseil.

    Lire aussi le portrait | Pierre Charon, « baron noir » de la Macronie

    Mais le maître ès secrets, c’était François #Mitterrand (1916-1996). « Le vrai taulier », a confié le même Pierre Charon à Emmanuel Macron. En 1983, deux ans après son arrivée à l’Elysée, le président socialiste avait créé le groupe de sécurité de la présidence de la République (#GSPR) et privilégié les gendarmes – des militaires, des taiseux – aux policiers, jugés trop bavards. Macron, lui, s’est attaqué à la refonte de la protection présidentielle, six mois à peine après l’élection de 2017. Il ne veut plus que le détail de ses allées et venues, sous la protection du GSPR, atterrisse sur le bureau du ministre de l’intérieur.

    Avant l’« affaire » du 1er mai 2018, où il avait tabassé un manifestant sous un uniforme de policier, Alexandre #Benalla devait piloter cette réforme. Il a été écarté de l’Elysée – et condamné par la justice – mais a toujours la confiance du chef de l’Etat, laissant dans la place des hommes à lui. Au sein de la garde d’élite, cinq de « ses » policiers entourent toujours le #président – nom de code « F1 », pour « formule 1 ». Ces fonctionnaires de police permettent au couple présidentiel de s’offrir quelques marches dans Paris et des échappées, au théâtre notamment. Comme cette représentation du Cercle des poètes disparus, en mai 2024, sur l’une des scènes parisiennes de leur ami le producteur Jean-Marc Dumontet, avant de dîner au foyer avec les comédiens.

    Lire aussi l’enquête (2023) | Jean-Marc Dumontet, producteur influent du théâtre privé, connaît ses premiers déboires

    Mais protéger son image, c’est une autre affaire. A l’Elysée, le directeur de cabinet, #Patrice_Faure, en est chargé, en plus de ses autres dossiers. Cet ancien de la direction générale de la sécurité extérieure réunit régulièrement le commandement militaire de l’Elysée et la direction de la sécurité de la présidence de la République pour surveiller les rumeurs et menaces touchant Emmanuel Macron et sa famille. Ni énarque ni profil grandes écoles, mais de longues années dans les #forces_spéciales : Patrice Faure, lui aussi proche d’Alexandre Benalla et passé par la #Nouvelle-Calédonie et la #Guyane, a l’habitude des situations difficiles. C’est sur son bureau que remontent les alertes des #préfets et des services de #gendarmerie.

    « Gérer le #risque_réputationnel »
    Tous les chefs d’Etat ont été la proie de campagnes calomnieuses. Pendant l’affaire Stevan Markovic, cet employé d’Alain Delon (1935-2024) dont l’assassinat avait défrayé la chronique à la fin des années 1960, l’épouse de Georges Pompidou, Claude Pompidou (1912-2007), avait été victime d’un montage photographique visant à faire croire à sa participation à des soirées échangistes. Mais jamais un président et son épouse n’ont suscité autant d’attaques qu’Emmanuel et Brigitte Macron. C’est le problème des êtres secrets : ils suscitent tous les fantasmes. Patrice Faure appelle cela « gérer le risque réputationnel ». Et c’est contre cela qu’il doit bâtir un rempart.

    Depuis 2021, une intox insensée circule dans les sphères complotistes et les réseaux d’extrême droite, qui affirme que « Brigitte Macron est un homme ». La première dame est rebaptisée #Jean-Michel_Trogneux, le nom de son frère, comme si l’un et l’autre ne faisaient qu’un ! Si extravagante soit-elle, l’affaire est suivie de près par l’Elysée : Emmanuel Macron sait que son épouse en souffre. Il sait aussi que l’infox est relayée par les télévisions nationales turque, russe et jusqu’aux Etats-Unis par une figure de la droite alternative trumpiste et négationniste, Candace Owens, que Marion Maréchal et Eric Zemmour avaient invitée à un meeting, en 2019. Bref, à nouveau, des réseaux étrangers s’en mêlent. Dans le jargon de la sécurité élyséenne, on parle de « menaces projetées ».

    Cette fausse information est l’œuvre de « #fadas », soupire Emmanuel Macron au micro de TF1, en mars 2024, de « gens qui finissent par y croire et vous bousculent dans votre intimité ». A rebours de ses prédécesseurs, qui n’avaient recours qu’avec parcimonie à la justice, le chef de l’Etat engage une demi-douzaine de plaintes devant les tribunaux – contre un #afficheur qui l’avait dépeint en nazi et en maréchal #Pétain, contre un photographe de Saint-Tropez (Var) qui planquait devant son lieu de vacances à #Marseille (classée sans suite), contre X pour « faux, usage de faux et propagation de fausse nouvelle destinée à influencer le scrutin » présidentiel, après que Marine Le Pen a insinué à tort qu’il possédait « un compte offshore aux Bahamas »… « Ne rien laisser passer », dit-il, pour mettre fin aux attaques. Le 12 septembre, les deux femmes à l’origine de l’infox ciblant Brigitte Macron – qui se disent l’une « médium », l’autre « journaliste indépendante autodidacte » – ont été condamnées pour diffamation.

    Le cas « #Zoé_Sagan » s’est également invité aux réunions présidées par Patrice Faure, chargé de coordonner les actions en justice. Ce pseudonyme cache un #publicitaire d’Arles (Bouches-du-Rhône), #Aurélien_Poirson-Atlan, qui sous prétexte de raconter la comédie du pouvoir, diffuse fausses informations et accusations crapoteuses contre les élites. Il semble obsédé par le couple présidentiel. Le 27 août 2024, Brigitte Macron dépose plainte pour cyberharcèlement ; le 10 décembre, quatre hommes sont interpellés, dont le fameux « Zoé Sagan », placé trente-six heures en #garde_à_vue. En cause, « de nombreux propos malveillants portant sur le genre, la sexualité de Brigitte Macron ainsi que la différence d’âge avec son conjoint selon un angle l’assimilant à la pédophilie », résume le parquet de Paris.

    Eléments de langage
    Le plus sensible, en matière de « risque réputationnel », ce sont les photos. Dès le printemps 2016, Brigitte Macron a remarqué autour d’eux des paparazzis, y compris au Touquet (Pas-de-Calais), là où la #famille_Trogneux a l’habitude de se retrouver pour le week-end. Emmanuel Macron sait qu’une simple légende peut faire dire n’importe quoi à une image. Il devine qu’il lui faut un coup de main pour protéger sa vie personnelle.

    Le patron de Free, #Xavier_Niel (actionnaire à titre personnel du Monde), recommande aux #époux_Macron une professionnelle de la presse people, la fameuse Michèle Marchand. C’est ainsi que la sulfureuse « #Mimi » entre dans l’intimité du futur couple présidentiel. A 77 ans, elle a du métier et un sacré CV : elle a connu la prison, comme deux de ses ex-maris, et a longtemps frayé dans les arrière-salles de boîtes de nuit pour glaner des infos. Elle est à la fois la meilleure connaissance du milieu des paparazzis, dont elle négocie les photos, et la conseillère en image de personnalités dont elle détient les secrets.

    Beaucoup la craignent, car ils la savent capable, d’un simple coup de fil, de vendre la vie privée d’une célébrité. Elle sait vérifier que rien ne traîne, mais aussi… faire commerce des photos. C’est au moyen de clichés volés que la justice la soupçonne d’avoir voulu soutirer de l’argent à l’animatrice de télévision Karine Le Marchand – en avril 2024, elle a été renvoyée en correctionnelle pour extorsion de fonds. En 2021, elle avait été mise en examen dans l’un des volets de l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy. C’est elle qui est suspectée d’avoir joué les intermédiaires et organisé la fausse rétractation de l’homme d’affaires Ziad Takieddine pour aider l’ancien président.

    Une des spécialités de « Mimi » Marchand est d’orchestrer des « paparazzades » factices qui donnent un air de naturel à des clichés en réalité très maîtrisés. Après sa rencontre avec les époux Macron, au printemps 2016, les unes glamour se succèdent pour eux et les frayeurs du président sur d’éventuelles photos volées semblent oubliées. La victoire d’Emmanuel Macron, espère Michèle Marchand, doit être aussi un peu la sienne : en mai 2017, c’est bien elle, sur cette image prise avec son téléphone portable, levant les deux bras en V de la victoire, derrière le bureau présidentiel, comme si elle était chez elle.

    Après avoir connu quelques années de disgrâce liée à l’affaire Benalla (elle avait hébergé le garde du corps puis l’avait exfiltré dans l’un de ses « sous-marins », ces véhicules qui servent aux photographes à planquer), elle est revenue en cour cet été. Le 14 septembre, place de l’Etoile, pour la cérémonie en l’honneur des médaillés olympiques et paralympiques, qui attend pour les accueillir le président et son épouse, debout devant les barrières ? « Mimi ».

    Depuis que Xavier Niel, également propriétaire du Groupe #Nice-Matin, a racheté sa société de paparazzis #Bestimage, en juin, ses photographes ont leurs entrées partout à l’Elysée. Une position en or pour s’offrir l’exclusivité des images d’invités de marque aux dîners d’Etat ; des photos vendues ensuite très cher. Dans le même temps, la reine des #paparazzis veille sur les clichés du couple présidentiel. Elle possède de nombreuses photos des Macron dans l’intimité, whisky du soir à l’#Elysée et dîners privés.

    Autour d’Emmanuel Macron, des conseillers en poste ou d’#anciens_collaborateurs ayant officié à l’Elysée, mais toujours au service du président, cherchent à discréditer les médias ou les journalistes enquêtant sur le chef de l’Etat. Ils organisent des ripostes concertées sur les réseaux sociaux. Mais ces tenants du « nouveau monde » appellent aussi directement les patrons de presse comme autrefois. Ils distribuent des éléments de langage aux médias qui, sous les sept années d’Emmanuel Macron au pouvoir, se sont polarisés de manière spectaculaire : ils jouent des uns contre les autres, suivant les occasions, s’efforçant d’imposer un discours officiel. « Si ce n’est pas dans le communiqué, a lancé en octobre Emmanuel Macron lors d’une #conférence_de_presse, ça n’existe pas. »

    Marseille, sa « ville de cœur »
    Comme pour trouver une autre manière d’écrire la geste présidentielle, le chef de l’Etat a autorisé, depuis 2021, une équipe de #Mediawan, la société de production dirigée par l’un de ses amis, #Pierre-Antoine_Capton, à le filmer. Pas encore de diffuseur, mais des cameramen qui se relayent pour suivre les voyages officiels, les entraînements de boxe du président, les journées harassantes passées à diriger un pays dans le tourbillon mondial. Et la violence du pouvoir. L’équipe de tournage a ainsi vécu la surprise de la dissolution en avant-première. Le 9 juin, Emmanuel Macron lui avait ouvert la porte de la salle du conseil et les caméras ont saisi le moment historique de son annonce à son premier ministre, Gabriel Attal, à la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et à ses fidèles, effondrés. Le film existera-t-il un jour ?

    Parfois, tout haut, Brigitte Macron s’interroge sur l’avenir : « Il faut que je sois utile, que je trouve un travail pour aider les gens. » Son mari, lui, n’en parle guère. « Je ferai quelques conférences, comme Obama », a-t-il glissé devant son épouse et des témoins, comme pour éloigner l’inquiétude du lendemain.

    D’autres, autour de lui, l’imaginent rejoindre un jour le groupe #LVMH de Bernard Arnault – après tout, ce dernier rêvait déjà de s’offrir les services de l’ex-premier ministre britannique Tony Blair. Présider une organisation internationale, une fondation ou même la #FIFA, la puissante instance dirigeante du football mondial. Prendre le temps d’écrire des romans et des poèmes, comme il le rêvait à 16 ans. Ou tenter de se faire réélire en 2032…

    Emmanuel Macron n’a pas l’habitude de prévoir de point de chute. En août 2016, au lendemain de sa démission du ministère de l’économie, il avait logé un temps avec son épouse dans un Airbnb. Restera-t-il en France, à Paris, au #Touquet, ou à Marseille, sa « ville de cœur », où il s’est rendu dix-sept fois depuis sa réélection ? Ses premières vacances d’été de président, c’est au-dessus de la corniche Kennedy qu’il avait choisi de les passer avec sa femme, dans la villa du préfet des Bouches-du-Rhône. Etrange, ce coup de foudre avec cette ville. Au maire socialiste, Benoît Payan, Emmanuel Macron a tenté de faire croire que l’idylle datait de 1993 et « de la tête de Basile Boli et du sacre de l’#OM en finale de la Ligue des champions ». Le patron de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, #Renaud_Muselier, pourtant désormais macroniste de choc, croit pour sa part, mais sans avoir vraiment la clé, à un « truc de bourgeois qui viennent s’encanailler chez [eux] ». A Marseille, plusieurs élus le savent : le président se cherche discrètement une future résidence, pour « après ». Les pieds dans l’eau, face à la #Méditerranée.

    Retrouvez tous les épisodes de la série « Le président et son double »
    Emmanuel Macron, une certaine idée du pouvoir (1/4)
    Emmanuel Macron, le double état permanent (2/4)
    Emmanuel Macron, la diplomatie à lui seul (3/4)
    Emmanuel Macron, l’art du secret (4/4)

  • « Les ruines de #Mayotte ont mis en évidence l’importance de la #tôle_ondulée »

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/02/les-ruines-de-mayotte-ont-mis-en-evidence-l-importance-de-la-tole-ondulee_64

    « Les ruines de Mayotte ont mis en évidence l’importance de la tôle ondulée »
    CHRONIQUE

    #Jean-Baptiste_Fressoz

    #Historien, chercheur au CNRS

    #prefabriqués

    La reconstruction de l’île dépendra plus des #matériaux disponibles, éprouvés et bon marché, que des solutions toutes faites comme le préfabriqué, constate l’historien Jean-Baptiste Fressoz dans sa chronique.Publié le 02 janvier 2025 à 05h30

    « On a été capables de rebâtir Notre-Dame en cinq ans, ce serait quand même un drame qu’on n’arrive pas à rebâtir Mayotte », lâchait Emmanuel Macron, le 19 décembre 2024, en déplacement sur l’île. Le 30 décembre, François Bayrou proposait un délai plus court encore : « Peut-être deux ans. » Et pour y parvenir, le premier ministre évoquait le recours à des maisons préfabriquées, bon marché, « faciles à monter ».

    Urgence, reconstruction, préfabrication : dans une thèse récemment soutenue à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, Antoine Perron a raconté l’histoire de cette association qui s’impose comme une évidence après les catastrophes du XXe siècle (« La machine contre le métier. Les architectes et la critique de l’industrialisation du bâtiment [France 1940 à 1980] »).

    Si l’idée de préfabrication apparaît au XIXe siècle, la pratique demeure marginale jusqu’à la première guerre mondiale. En 1918, face au manque de matériaux et de main-d’œuvre, l’espoir d’une reconstruction rapide des régions dévastées par les combats s’évanouit. La préfabrication s’impose pour loger les réfugiés. Le service des travaux de première urgence utilise d’anciennes baraques militaires, puis fait appel à la société Eternit qui commercialise des maisons préfabriquées en plaques d’amiante-ciment.

    Un capital important
    La préfabrication suscite un regain d’intérêt après la seconde guerre mondiale. Le déficit de logements est alors immense. En 1947, la France produisait un logement pour 1 000 habitants par an, cinq fois moins que les pays d’Europe du Nord. Le ministère de la reconstruction lance une série de concours visant à accélérer et à moderniser la construction par la préfabrication. Des subventions sont accordées en échange du respect par les entrepreneurs de plans types et de prix plafonds amputant parfois d’un tiers les devis classiques.

    La préfabrication est employée à grande échelle pour construire des villes entières. Ces concours se soldent le plus souvent par des échecs. La raison est principalement technique : transporter des éléments lourds est coûteux, leur précision dimensionnelle est insuffisante, ils jouent davantage avec les effets de la dilatation, et leur jointage est problématique : souffrant de nombreuses malfaçons, ces logements « modernes » d’après-guerre seront unanimement critiqués et souvent démolis.

    Si la préfabrication lourde fut un échec, l’utilisation d’éléments produits en usine a connu en revanche un succès extraordinaire. Les ruines de Mayotte ont mis en évidence l’importance de la tôle ondulée. Dans Quoi de neuf ? (Seuil, 2013), l’historien britannique David Edgerton soulignait son caractère crucial dans l’histoire des techniques du XXe siècle. Apparu dans le Royaume-Uni en voie d’industrialisation, son usage devient massif lors de l’urbanisation rapide du monde pauvre après 1950.

    Comme il s’agit d’un des rares éléments qui ne peuvent être produits sur place, les tôles ondulées constituent un capital important. Elles sont récupérées, réutilisées et revendues. En 1994, au Rwanda, les Hutu pillèrent systématiquement les tôles ondulées des Tutsi. Et quand les Hutu durent fuir au Congo, ils emportèrent les tôles ondulées ou les enterrèrent dans leurs champs. Si la tôle ondulée est une technique clé du monde pauvre, elle n’est pas antithétique à la construction en dur : en Australie ou en Nouvelle-Zélande, elle est utilisée par les colons depuis le XIXe siècle et a même acquis de nos jours un cachet d’architecture vernaculaire.

    La « reconstruction de Mayotte » est un défi sans commune mesure avec celle de Notre-Dame. Des centaines de milliers de logements ont été détruits ou endommagés. Rappelons que la France entière ne produit qu’environ 400 000 logements par an. Il est aussi probable que la reconstruction de l’île dépende moins de solutions techniques toutes faites comme les « maisons préfabriquées faciles à monter » invoquées par François Bayrou que de la disponibilité de matériaux de construction éprouvés et bon marché (pisé, briques, parpaing, ciment, tôle ondulée…).

    Quant à la construction en dur qui a montré son utilité pendant le cyclone, elle dépend surtout de la sécurisation du statut des populations précaires qui pourront investir à la fois leur temps et leur argent dans l’autoconstruction de leur maison.

    Jean-Baptiste Fressoz (Historien, chercheur au CNRS)

  • 96 % des humains vivent encore dans leur pays natal : l’odyssée des migrations humaines s’expose à Paris

    Saviez-vous que les migrations humaines remontent à 300 000 ans ? Une exposition au musée de l’Homme explore nos origines et déconstruit les idées reçues.

    Saviez-vous que 96 % des êtres humains vivent encore dans leur pays de naissance ? Que ce chiffre est stable depuis plusieurs décennies ? Que 48 % des migrants sont des femmes ? Dans un contexte de polémiques internationales autour du phénomène migratoire, le #musée_de_l’Homme dresse un état des lieux des recherches scientifiques sur le sujet dans une exposition événement.

    Déconstruire les préjugés

    Appuyée par des disciplines comme l’anthropologie, la démographie, l’archéologie ou encore la génétique, cette initiative déconstruit les #idées-reçues sur le nombre, le profil et les motivations des candidats à l’exil. Pour incarner ces données statistiques, des parcours individuels sont aussi mis en lumière à travers des témoignages et des productions artistiques.

    Une migration vieille de 300 000 ans

    Ouvrant une fenêtre sur notre passé lointain, l’exposition rappelle enfin qu’Homo sapiens n’a cessé de se disperser sur le globe depuis 300 000 ans. Comme notre ADN, nos langues, et même nos traditions culinaires en témoignent, l’espèce humaine s’est construite à travers les #échanges et les #métissages suscités par ces #déplacements.

    https://www.geo.fr/histoire/96-des-humains-vivent-encore-dans-leur-pays-natal-l-odyssee-des-migrations-humai

    #exposition #migrations #préjugés #chiffres #statistiques #mobilité #histoire

    ping @karine4 @isskein @reka

  • Ralentir la traduction ?

    La #traduction_automatique n’a pas été conçue à des fins professionnelles, mais pour produire une traduction moins chère et suffisante. C’est-à-dire, une ubérisation.

    Dans un passionnant article pour la revue Traduire (https://journals.openedition.org/traduire/2869), la traductrice indépendante Laura Hurot explique comment le secteur de la traduction a changé ces dernières années, sous la forme d’une ubérisation silencieuse.

    Nombre d’agences de traduction imposent de travailler sur des plateformes dotées d’un système de #chronométrage intégré qui évalue la #productivité des traductrices et traducteurs. Mais cette #accélération n’affecte pas seulement la phase traductionnelle : des agences recourent également à des systèmes de #révision et de #contrôle_qualité en partie automatisés reposant sur des outils de #catégorisation des erreurs. Ces changements conduisent à une accélération de la productivité et à une perte d’#autonomie, des #savoir-faire et du #bien-être des traducteurs indépendants plateformisés. D’ailleurs, on ne parle plus de traduction, mais de #post-édition, pour désigner une #correction de traduction automatique, dont la conséquence première est de lisser les #tarifs de traduction vers le bas.

    Dans un article plus récent de la même revue, le collectif en chair et en os, qui défend une traduction humaine contre la généralisation des machines, souligne que dans l’édition, la traduction automatique touche d’abord certains genres littéraires dont la langue n’est pas plus facile à prendre en charge par la machine, mais des genres qui sont périphériques dans la hiérarchie culturelle et où la #précarité est depuis longtemps plus forte (les secteurs de la romance, des livres pratiques, des livres pour les jeunes ou des sciences humaines sociales sont également des secteurs où les rémunérations sont moindres et les statuts plus précaires… et ils se sont précarisés avec la forte #féminisation du secteur depuis les années 80). Et les auteurs de rappeler qu’“un outil développé puis déployé à des fins d’économie n’est pas qu’un outil : il est l’élément d’un système”. Et de rappeler que la traduction automatique n’a pas été conçue à des fins professionnelles mais pour produire une traduction moins chère et suffisante. Pour les acteurs de la tech, traduire un texte consiste en effet à le transposer en miroir, dans une vision purement mathématique, en remplaçant simplement un mot par un autre mot, même si désormais ces agencements sont largement statistiques. Ce n’est pourtant pas si simple, surtout quand les textes sont complexes et les langues rares, comme le pointent les limites à l’utilisation croissante d’outils de traduction automatiques pour accomplir des tâches trop complexes pour eux, comme pour remplir des formulaires de demandes d’asiles sans maîtrise de la langue, conduisant à des erreurs multiples et aux rejets massives des demandes.

    Il n’y a pas que la traduction depuis des langues rares qui se révèle complexe, dans leur numéro de décembre, les Cahiers du Cinéma revenaient, à la suite d’une tribune de l’Association des traducteurs et adaptateurs de l’audiovisuel (Ataa), sur la perte de qualité des #sous-titres des films, trop souvent réalisés automatiquement. Le problème n’est pas seulement économique et lié au fait que le sous-titrage ou le #doublage viennent en bout de chaîne de la production, qui échappe souvent à la production, que de savoir à qui elle incombe : producteur, distributeur, diffuseur… Un conflit de responsabilité qui permet de justifier la perte de qualité. Le plus fascinant pourtant est de constater combien la traduction automatique échoue sur des phrases assez simples, même depuis l’anglais. Ainsi cet « How’s my room ? » traduit par « Comment va ma chambre ? » au lieu de « Où en est ma chambre ?« , nous montrant toutes les limites de l’approche de la traduction statistique, qui se révèle bien moins performante qu’on ne le pense souvent.

    L’observatoire de la traduction automatique (https://www.atlas-citl.org/lobservatoire-de-la-traduction-automatique) rappelait récemment que sa tribune de 2023 demandant la transparence réelle des données d’entraînements de l’#IA_générative, la possibilité de refuser que le travail de traduction serve à l’entraînement des machines qui détruisent le métier, que les aides publiques soient exclusivement réservées aux créations humaines ou que les produits culturels créés avec de l’IA soient obligatoirement signalés… n’avait toujours reçu aucune réponse des autorités.

    Signalons enfin que le 10e numéro de la revue Contrepoint, la revue du Conseil européen des associations de traducteurs littéraires, est entièrement consacré à la question de la traduction sous IA. Pour Damien Hansen, qui rappelle que la traduction automatique reste incapable de comprendre le texte, “le problème n’est pas tant l’outil en soi que le fait qu’on l’impose aux professionnels et qu’on l’emploie pour des raisons purement économiques”. Plutôt que de venir aider et soutenir le traducteur, la traduction automatique est produite pour le contraindre voire le faire disparaître. L’utilisation de l’IA comme outil de contrôle montre à nouveau que leur orientation vers des outils de contrainte plutôt que d’assistance, contrairement à ce qui nous est asséné, risque de devenir une limite forte à son développement.

    Dans son article, Laura Hurot, rappelle, à la suite du livre du spécialiste de la cognition, Olivier Houdé, L’intelligence humaine n’est pas un algorithme (Odile Jacob, 2019), que la clé de l’intelligence réside certainement bien plus dans le #ralentissement de la pensée plutôt que dans son accélération. A l’heure où la #vitesse est une idole indétrônable, il faudrait pouvoir mieux mesurer ce qu’elle nous fait perdre.

    https://danslesalgorithmes.net/2025/01/16/ralentir-la-traduction

    #traduction #AI #IA #intelligence_artificielle #ubérisation #travail #conditions_de_travail #automatisation

    via @reka

  • Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’#Office_français_de_la_biodiversité appelés à faire la grève des contrôles
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/01/17/mis-en-cause-par-francois-bayrou-les-agents-de-l-office-francais-de-la-biodi

    Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’Office français de la biodiversité appelés à faire la grève des contrôles
    Trois jours après l’attaque frontale du premier ministre contre le travail des agents de l’#OFB, les syndicats de l’établissement public demandent des excuses publiques.

    Par Perrine Mouterde

    Publié le 17 janvier 2025 à 16h39

    Ne plus effectuer aucune mission de police, ne plus réaliser aucune opération en lien avec le monde agricole, ne plus transmettre aucun avis technique… tant que le premier ministre n’aura pas formulé des excuses publiques. Trois jours après que François Bayrou a attaqué frontalement le travail des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), les syndicats de l’établissement public appellent, vendredi 17 janvier, à une grève partielle et à un vaste mouvement de contestation. « En réponse à la remise en cause incessante de nos missions et afin d’éviter de commettre des “fautes”, l’intersyndicale demande à l’ensemble des personnels de rester au bureau », résument dans un communiqué cinq organisations (#Syndicat_national_de_l’environnement, FSU, FO, CGT, Unsa, EFA-CGC).

    Quasiment muet sur les #sujets_climatiques_et_environnementaux lors de sa déclaration de politique générale, mardi 14 janvier, #François_Bayrou a en revanche lancé un acte d’accusation sévère à l’encontre de l’instance chargée de veiller à la préservation de la biodiversité et au respect du droit de l’environnement. « Quand les #inspecteurs de la #biodiversité viennent contrôler le fossé ou le point d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran, c’est une humiliation, et c’est donc une faute », a-t-il affirmé.

    Cette déclaration ne pouvait que remettre de l’huile sur le feu après dix-huit mois de vives tensions entre l’établissement et certains syndicats agricoles. La #FNSEA et la Coordination rurale, notamment, assurent que les agriculteurs sont contrôlés de manière excessive et intimidante par les inspecteurs de l’environnement et réclament leur désarmement. Fin 2023 et début 2024, des personnels et des agences de l’OFB avaient été pris pour cibles lors de manifestations. Fin 2024, lors d’un nouveau mouvement de protestation agricole, une cinquantaine d’agressions et d’attaques ont été recensées.

    « Le premier ministre, qui a outrepassé ses fonctions en se faisant le porte-parole de syndicats agricoles, doit se reprendre et réparer sa faute, affirme aujourd’hui #Sylvain_Michel, représentant #CGT à l’OFB. Il est intolérable que le deuxième plus haut représentant de l’Etat attaque directement un établissement public dont les missions sont dictées par la loi et qui consistent à faire respecter le code de l’environnement. »

    Expression « mal comprise »
    La présidente du conseil d’administration de l’OFB, Sylvie Gustave-dit-Duflo, a également fait part de sa colère après les propos de François Bayrou. « Lorsque le premier ministre prend directement à partie l’OFB sans avoir pris la peine de s’intéresser à nos missions, à ses enjeux, c’est inconcevable, c’est une faute », a déclaré vendredi Me Gustave-dit-Duflo, qui est aussi vice-présidente de la région Guadeloupe. « La probabilité pour qu’une exploitation agricole soit contrôlée par les 1 700 inspecteurs de l’environnement, c’est une fois tous les cent-vingt ans », a-t-elle ajouté.

    Les propos du #premier_ministre avaient déjà fait réagir ces derniers jours. Dès mercredi, un membre du Syndicat national des personnels de l’environnement (SNAPE)-FO, Benoît Pradal, a décrit sur France Inter « l’humiliation » ressentie depuis des mois par les agents de l’OFB et assuré n’avoir aucun problème avec « la majorité » des agriculteurs. « On a le sentiment que ce que veulent [une minorité d’agriculteurs], c’est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités », a-t-il ajouté. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont aussitôt dénoncé « une comparaison honteuse » et réclamé la suspension des contrôles. Le patron des LR à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, a lui réclamé que l’OFB soit « purement et simplement supprimé ».

    L’ancien député Modem Bruno Millienne, conseiller de Matignon, juge que l’expression de François Bayrou a été « mal comprise » et prône « le bon sens et le respect mutuel de part et d’autre ». De son côté, la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a appelé vendredi à l’apaisement, en rappelant que les agents de l’OFB « font le travail que nous leur demandons ». « Si la loi doit évoluer, c’est aux parlementaires de la faire évoluer. Ce n’est pas aux agents de l’OFB de ne pas respecter la loi », a-t-elle ajouté.

    Etuis de port d’armes discrets
    Outre la suspension d’un certain nombre de missions, l’intersyndicale de l’établissement public invite les quelque 3 000 agents (dont les 1 700 inspecteurs de l’environnement) à cesser toute participation aux réunions organisées en préfecture sur des sujets agricoles ainsi que tout appui technique aux services de l’Etat, aux établissements publics et aux collectivités territoriales. Elle suggère aussi, dans le cadre d’une action symbolique, d’aller remettre en mains propres aux préfets les étuis de port d’armes discrets, censés permettre de dissimuler l’arme sous les vêtements.

    Une circulaire du 3 décembre 2024 prévoit la mise en place immédiate de ce port d’armes discret. Pour Sylvain Michel, cet outil est « de la poudre aux yeux », qui ne réglera en aucun cas les difficultés. « Ceux qui attaquent les armes violemment ne veulent pas de droit de l’environnement, et donc pas de police de l’environnement », a jugé récemment le directeur général de l’établissement, Olivier Thibault. La police de l’environnement est celle qui contrôle le plus de personnes armées chaque année.

    #Perrine_Mouterde

    • « L’Office français de la biodiversité, l’un des principaux remparts contre l’effondrement du vivant, est victime d’attaques intolérables »

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/07/l-office-francais-de-la-biodiversite-l-un-des-principaux-remparts-contre-l-e

      TRIBUNE
      Collectif

      Amputer les missions de l’#OFB, en réduire les moyens ou revenir sur ses dotations sacrifierait des ressources indispensables pour sa capacité à protéger la biodiversité et à la défendre face aux pratiques illégales qui la dégradent, explique, dans une tribune au « Monde », un collectif de personnalités d’horizons divers, parmi lesquelles Allain Bougrain-Dubourg, Marylise Léon, Christophe Béchu et Valérie Masson-Delmotte.

      ’Office français de la biodiversité (OFB) a récemment déposé une cinquantaine de plaintes au niveau national pour dégradations et menaces.

      Début octobre, la voiture d’un chef de service du Tarn-et-Garonne a été visée par un acte de sabotage. Le 26 janvier 2024, sur fonds de colère agricole, des manifestants ont tenté de mettre le feu au siège de Trèbes (Aude), tandis que l’enquête ouverte après l’incendie de celui de Brest (Finistère), à l’occasion d’une manifestation de marins pêcheurs mécontents, le 30 mars 2023, vient d’être classée sans suite.

      A Guéret (Creuse), les locaux de l’établissement public ont été saccagés, et des documents volés, pour la première fois ; à Beauvais, un service a été muré, et plusieurs services ont reçu un mail d’insultes et de menaces. D’autres établissements publics – tels que l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et certains agents ont été victimes d’attaques intolérables.

      3 000 agents répartis à travers la France
      L’OFB incarne pourtant l’un des principaux remparts contre l’érosion de la biodiversité. Cet établissement public, créé par le législateur, en 2019, lors de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, rassemble plus de 3 000 agents répartis à travers la France métropolitaine et les outre-mer. Inspecteurs de l’environnement, ingénieurs, experts thématiques, vétérinaires, techniciens, personnel administratif, œuvrent ensemble pour accompagner les collectivités et les divers acteurs économiques vers des pratiques respectueuses de la nature.

      L’OFB réunit des compétences uniques pour mesurer, analyser et anticiper l’effondrement du vivant. Que savons-nous de la fragilité des espèces ou des écosystèmes déjà affectés ? Quel est l’état de santé des zones humides, des milieux forestiers et marins ? Affaiblir l’OFB, c’est saper les fondations mêmes de notre connaissance et de nos capacités d’action. Le défendre, c’est affirmer que la science est un levier crucial de la résilience de nos sociétés.

      Protéger la biodiversité, c’est aussi la défendre face aux pratiques illégales qui la dégradent. L’une des missions centrales de l’OFB vise à assurer l’application des lois environnementales. Avec ses 1 700 inspecteurs, cette police de l’environnement lutte contre le braconnage, les pollutions et autres atteintes aux milieux naturels et aux espèces protégées. Ses équipes aident également les usagers à mieux comprendre et à respecter les réglementations, en proposant des solutions concrètes et constructives.

      L’OFB n’agit pas seul. Il constitue le cœur d’un réseau d’acteurs qui tissent ensemble des initiatives locales et nationales : Etat, collectivités, citoyennes et citoyens engagés, en particulier dans les associations, entreprises, scientifiques. De la ruralité au cœur des villes, cette force agit pour la préservation de la biodiversité et de l’équilibre de nos territoires.

      La base de notre existence
      Loin de faire cavalier seul, comme certains l’affirment, les agents de l’OFB participent à la résilience des activités économiques, établissent des ponts entre des intérêts parfois divergents, en facilitant le dialogue avec les agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, pratiquants des sports de nature ou encore les acteurs de l’énergie. Qu’il s’agisse de la restauration d’un marais, de la survie d’une espèce endémique ultramarine ou de l’éducation des plus jeunes, chaque avancée repose sur cette synergie avec la même ambition : léguer un futur viable aux prochaines générations.

      La biodiversité n’est pas un luxe, elle est la base même de notre existence : l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les sols qui nous nourrissent. Ses interactions et interdépendances ont permis, au cours de l’évolution, de créer les conditions d’émergence de l’ensemble du vivant. Ce fil fragile menace bientôt de rompre. Quand les océans s’élèvent, que les habitats naturels se dégradent, que les cours d’eau s’assèchent ou débordent, que les espèces sauvages disparaissent à un rythme sans précédent, nous devons faire front et nous unir derrière un unique objectif : protéger la vie.

      Dans ce contexte, amputer les missions de l’#OFB, réduire ses moyens budgétaires et humains ou revenir sur les dotations décidées il y a à peine un an pour les politiques publiques de biodiversité, sacrifierait des ressources indispensables pour notre capacité à agir efficacement pour préserver l’#avenir.

      C’est pourquoi, aujourd’hui, nous appelons élus, #associations, #scientifiques, #citoyennes_et_citoyens à faire front pour soutenir cet #opérateur_public, aujourd’hui sous le feu de #critiques_injustifiées. Celles-ci visent en réalité, à travers l’OFB ainsi qu’à travers l’ensemble de ses agents, des politiques publiques et des #réglementations qui ont mis des années à progresser et à commencer à faire leurs preuves.

      Premiers signataires : Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ; Antoine Gatet, président de France Nature Environnement ; Erwan Balanant, député (#MoDem) du Finistère ; Sandrine Le Feur, députée (Renaissance) du Finistère ; Marie Pochon, députée (#EELV) de la Drôme ; Dominique Potier, député (divers gauche) de Meurthe-et-Moselle ; Loïc Prud’homme, député (LFI) de Gironde ; Richard Ramos, député (MoDem) du Loiret ; Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT ; Christophe Béchu, maire d’Angers et ancien ministre ; Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherches au CEA ; Claude Roustan, président de la Fédération nationale de la pêche. Liste complète des signataires ici.

      Collectif

    • Jean-Baptiste Fressoz, historien : « Les #polices_environnementales subissent de nombreuses entraves »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/28/jean-baptiste-fressoz-historien-les-polices-environnementales-subissent-de-n

      Jean-Baptiste Fressoz, historien : « Les polices environnementales subissent de nombreuses entraves »
      CHRONIQUE

      Jean-Baptiste Fressoz

      Historien, chercheur au CNRS

      La mise en cause de l’Office français de la biodiversité à l’occasion des manifestations d’agriculteurs s’inscrit dans l’histoire des entraves à la protection de l’environnement, observe l’historien dans sa chronique.Publié le 28 février 2024 à 06h00, modifié le 28 février 2024 à 08h15 Temps deLecture 2 min.

      Les locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont été plusieurs fois visés par les manifestations d’agriculteurs, par exemple à Mende, le 2 février, et à Carcassonne, le 27 janvier. Le 26 janvier, le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé le placement de l’établissement public sous la tutelle des préfets. L’OFB fait partie des « polices environnementales », vocable regroupant différentes institutions qui vont des anciens gardes-chasse, gardes forestiers, gardes-pêche – devenus agents de l’OFB – aux inspecteurs des établissements classés (Polices environnementales sous contraintes, de Léo Magnin, Rémi Rouméas et Robin Basier, Rue d’Ulm, 90 pages, 12 euros).

      Le mot « police » a cela d’intéressant qu’il renvoie à l’origine de ces institutions. Sous l’Ancien Régime, la police méritait en effet pleinement son nom, car elle s’occupait de tout ce qui avait trait à l’espace urbain, à la fois l’ordre public, bien sûr, mais aussi l’ordre environnemental, la propreté des rues, l’organisation des marchés, les fumées des artisans…

      Le succès administratif des termes « environnement », dans les années 1970, puis « biodiversité », dans les années 2000, cache la profonde continuité des pratiques et des institutions qui encadrent les usages de la nature. A l’instar de la police d’Ancien Régime, la police environnementale recourt surtout à la pédagogie et aux rappels aux règlements bien plus qu’aux sanctions. Une police qui repose davantage sur les bonnes pratiques que sur des normes strictes et des instruments de mesure.

      On retrouve aussi une même rivalité entre administration et justice tout au long de son histoire. Au début du XIXe siècle, la mise en place du système administratif (préfets et Conseil d’Etat) avait conduit à marginaliser les cours judiciaires dans la gestion de l’environnement : d’un côté, une administration qui pense « production et compétitivité nationale », de l’autre, des cours qui constatent des dommages, des responsabilités et attribuent des réparations.

      Gestion de contradictions
      Les polices environnementales subissent également de nombreuses entraves. Tout d’abord celle liée au manque de personnel : pour surveiller l’ensemble de ses cours d’eau, la France ne dispose que de 250 agents, soit moins d’un agent pour 1 000 kilomètres de rivière. Quant aux établissements classés, on en compte plus de 500 000 en France, pour 3 100 inspecteurs. On est bien loin des 30 000 gardes champêtres qui quadrillaient les campagnes françaises au XIXe siècle !

      Entraves qui tiennent ensuite à la faible prise en charge judiciaire de ces affaires : les atteintes à l’environnement représentent ainsi une part infime des affaires correctionnelles. Entraves liées enfin à l’état du monde agricole français : moins de 2 % de la population exploite plus de la moitié du territoire métropolitain ; logiquement, les agriculteurs concentrent la majorité des contrôles. Et la peur de la violence d’un monde agricole en détresse économique taraude les inspecteurs : un contrôle de trop peut enclencher la faillite…

      Robert Poujade, tout premier ministre de l’écologie de 1971 à 1974, avait conté son expérience au Ministère de l’impossible (Calmann-Lévy, 1975). La police de l’environnement est une « police de l’impossible », davantage caractérisée par ses contraintes que par ses pouvoirs, une police « d’avant-garde » par certains aspects, mais qui tente de faire respecter des règles souvent anciennes, une police enfin qui n’est soutenue par aucune campagne de sensibilisation massive, contrairement à ce qui a été fait, par exemple, pour la sécurité routière, et qui se trouve devoir gérer les contradictions entre système productif et politique. Selon la formule des auteurs de Polices environnementales sous contraintes, « l’écologisation de nos sociétés n’a rien d’automatique et demeure un processus hautement contingent, sinon un objectif essentiellement discursif ». Les reculades de Gabriel Attal face aux revendications de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles confirment cette sombre appréciation.

      #Jean-Baptiste_Fressoz (Historien, chercheur au #CNRS)

    • « Il appartient aux autorités politiques de #défendre l’#existence de l’Office français de la #biodiversité, chargé d’appliquer les #réglementations_environnementales »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/02/il-appartient-aux-autorites-politiques-de-defendre-l-existence-de-l-office-f

      « Il appartient aux autorités politiques de défendre l’existence de l’Office français de la biodiversité, chargé d’appliquer les réglementations environnementales »
      TRIBUNE
      Collectif

      L’OFB est devenu le bouc émissaire de la crise agricole, déplorent dans une tribune au « Monde » les représentants des organisations siégeant au conseil d’administration de cet établissement national. Pour eux, la coopération entre agriculture et biodiversité est une évidente nécessité.Publié le 02 mars 2024 à 06h30 Temps deLecture 4 min.

      Le #déclin_de_la_biodiversité à une vitesse et à une intensité jamais égalées est #scientifiquement_établi depuis des années, et particulièrement dans les rapports de la Plate-Forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (#IPBES). Les menaces sur l’eau et la biodiversité sont toutes d’origine humaine et s’exacerbent mutuellement.

      Cet #effondrement_de_la_biodiversité, conjugué au changement climatique, remet en question l’habitabilité de notre planète et interroge l’avenir du vivant, humain et non humain.

      Face à ce constat, l’Etat a créé en 2020 un établissement national spécialisé, l’Office français de la biodiversité (#OFB), consacré à la protection et à la restauration de la biodiversité en métropole et dans les outre-mer. Le législateur et le gouvernement lui ont assigné des missions essentielles, en particulier :

      – la connaissance et l’expertise : mieux connaître les espèces, les milieux naturels, les services rendus par la biodiversité et les menaces qu’elle subit est essentiel pour protéger le vivant ;

      – un appui aux politiques publiques : à tous niveaux, les équipes de l’OFB appuient les politiques publiques pour répondre aux enjeux de préservation de la biodiversité ;

      – la gestion et restauration des espaces protégés : parcs naturels marins, réserves, appui aux parcs nationaux, travail en réseau… ;

      – la contribution à la police de l’environnement, qu’elle soit administrative ou judiciaire, relative à l’eau, aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvages, à la chasse et à la pêche ; à la lutte contre le trafic des espèces sauvages menacées d’extinction.

      Manque de moyens
      Quatre ans après sa création, l’OFB continue de consolider son identité et sa place dans le paysage institutionnel. En manque d’un véritable portage politique, ce « fer de lance de la biodiversité » a vu ses missions s’étoffer et se complexifier considérablement, tandis que ses effectifs n’ont augmenté qu’à la marge.

      Le manque de moyens humains reste une entrave à l’action, à tous niveaux.

      Par exemple, sur les seules missions de police judiciaire, à l’échelle du territoire national, l’OFB ne compte que 1 700 inspecteurs pour prévenir et réprimer les atteintes à l’environnement (surveillance du territoire, recherche et constat des infractions, interventions contre le braconnage, …), qui doivent également contribuer à la connaissance, apporter leur expertise technique, sensibiliser les usagers, réaliser des contrôles administratifs sous l’autorité du préfet, etc. Mais d’autres agents et métiers de l’OFB sont également en tension.

      Durant les manifestations de colère agricole, l’OFB se voit conspué, ses implantations locales dégradées, ses agents vilipendés. L’OFB est devenu le bouc émissaire de la crise agricole, en l’absence de réponses concrètes sur le revenu des paysans.

      La santé des agriculteurs en premier lieu
      Ces attaques réitérées contre l’OFB sont inacceptables, car elles visent, au travers de l’établissement et de ses agents, à affaiblir les politiques publiques de protection et de sauvegarde de la nature, de l’eau et de la biodiversité.

      Parce que l’eau et la biodiversité renvoient à la complexité du vivant, le bon sens, qu’il soit populaire ou paysan, ne peut suffire à protéger ou à restaurer un fonctionnement équilibré des milieux naturels. L’OFB est un outil précieux de connaissance et d’expertise pour accompagner et garantir la mise en œuvre des politiques publiques (collectivités, habitants, filières professionnelles, etc.). La remise en cause de certaines de ses missions et de sa capacité d’agir générerait des reculs concrets et dommageables pour l’intérêt général et nos modes de vie.

      Elle ne constituerait aucunement un gain pour le monde agricole, dont une grande partie a déjà intégré les enjeux de préservation des milieux et des cycles naturels. Rappelons que, en faisant appliquer les réglementations environnementales, l’OFB et les autres opérateurs publics de l’environnement protègent aussi la santé de tous les citoyens, celle des agriculteurs en premier lieu.

      A l’inverse de la tendance à opposer agriculture et protection de la nature, la coopération entre agriculture et biodiversité est une nécessité évidente : le système agroalimentaire intensif aujourd’hui dominant constitue l’une des principales pressions sur la biodiversité, dont l’érosion continue provoque, en retour, une fragilisation de tous les modèles agricoles.

      Rappeler les lois, voire sanctionner
      Les politiques publiques, comptables vis-à-vis des générations futures, ne doivent pas renoncer à la transition agroécologique ; elles doivent au contraire l’accompagner, la guider et la soutenir, au bénéfice de la biodiversité, de l’atténuation et de l’adaptation du changement climatique, de la santé des humains (et en premier lieu des producteurs), des autres êtres vivants et de l’agriculture elle-même.

      Nous soutenons sans réserve tous les paysans qui s’engagent dans cette transition agroécologique, dans un modèle à la fois vertueux pour l’environnement et où les femmes et les hommes qui nous nourrissent vivent dignement de leur travail, sans mettre en jeu leur santé et celle des citoyens.

      Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Face au changement climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »

      L’OFB a sa place au côté d’une agriculture en pleine mutation, pour accompagner les paysans de bonne volonté, engagés dans la transition, mais aussi pour rappeler les lois et règlements en vigueur, voire sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi, qu’ils soient des entreprises, des agriculteurs, des collectivités ou des individus.

      L’Etat doit lui en donner véritablement les moyens, avec des effectifs à la hauteur de ces enjeux et des agents reconnus qui vivent, eux aussi, dignement de leur travail. Comme pour d’autres établissements publics pris pour cible par des groupes d’intérêts économiques, il appartient aux autorités politiques de défendre l’existence de cet organisme dont les missions sont définies dans le cadre légitime de l’action publique de l’Etat

      Les signataires de cette tribune proviennent tous d’organisations siégeant au conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité : Véronique Caraco-Giordano, secrétaire générale du #SNE-FSU, Syndicat national de l’environnement ; Antoine Gatet, président de France Nature Environnement ; Bernard #Chevassus-au-Louis, président d’Humanité et biodiversité ; Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ; Claude Roustan, président de la #Fédération_nationale_de_la_pêche en France ; Vincent Vauclin, secrétaire général #CGT_environnement (domaine OFB et #parcs_nationaux).

  • Pour un universalisme minoritaire - avec #Bruno_Perreau

    Les condamnations répétées du wokisme, du communautarisme, du séparatisme, du « politiquement correct » reflètent la même peur des « #minorités » qui seraient devenues vindicatives voire « tyranniques »... Loin de ces fantasmes conservateurs reste ouverte la question de comment vivre les uns avec les autres dans une société plus juste ? Comment mener des combats minoritaires en échappant à l’#essentialisation ? Comment penser la présence minoritaire non pas comme une substance mais comme une relation ? C’est ce dont on va parler ce soir avec Bruno Perreau que nous recevons pour son livre Sphères d’injustice paru aux Éditions de La Découverte.

    https://spectremedia.org/les-oreilles-loin-du-front/?playing=2015
    #philosophie #justice #présence #co-présence #convergence_des_luttes #coalition

    • Sphères d’#injustice. Pour un #universalisme_minoritaire

      Qu’est-ce qu’une minorité ? un état d’#infériorité_numérique ? une #identité dominée ? une catégorie protégée par le #droit ? une communauté partageant certains traits culturels ? Pour Bruno Perreau, être minoritaire, c’est vivre dans un rapport de #substituabilité. Devant le spectacle de George Floyd, étouffé jusqu’à la mort par la police de Minneapolis, toute personne noire savait qu’elle aurait pu être à sa place. Toute autre personne constituée par la menace de la #violence ne put que se sentir interpellée.
      Sphères d’injustice réfléchit aux résonances entre les différents types d’expérience minoritaire et passe en revue les #obstacles que rencontre la notion de minorité aujourd’hui : comment articuler les combats minoritaires et éviter qu’ils soient en #compétition ? Comment impliquer la #majorité ? Comment éviter les dérives managériales et résister aux attaques réactionnaires ? Comment représenter les minorités à l’ère des #algorithmes ?
      Par son étude des jurisprudences américaine, française et européenne, Bruno Perreau montre qu’une catégorie peut toujours en abriter une autre. Les dispositifs qui protègent le #genre peuvent servir à protéger la #race, ceux qui protègent le #handicap peuvent protéger l’âge, la #classe, l’#orientation_sexuelle, et ainsi de suite. C’est ce que l’auteur appelle l’#intrasectionnalité.
      En actualisant Sphères de justice, l’ouvrage classique du philosophe Michael Walzer, Sphères d’injustice démontre l’utilité d’un universalisme minoritaire et avance une théorie analogique de la justice pour relever les défis de l’interdépendance économique, numérique et écologique au XXIe siècle.

      https://www.editionsladecouverte.fr/spheres_d_injustice-9782348080746

      #livre

  • Pourquoi acceptons-nous l’inacceptable ?

    Et comment construire une #santé_mentale_collective ?

    Les #injustices_sociales en France, comme la réforme des retraites, les discriminations raciales et la violence policière, sont exacerbées par des politiques migratoires répressives et des discours xénophobes. Les communautés LGBTQIA+, notamment les personnes trans, subissent aussi des attaques violentes et des régressions législatives. Ces inégalités sont systématiques et marginalisent des millions de personnes. Cependant, malgré ces luttes et mobilisations, une #résignation collective persiste, en partie à cause de mécanismes psychologiques invisibles qui rendent l’inacceptable acceptable.

    Malgré ces défis, des mouvements comme les Gilets jaunes ou les luttes féministes et antiracistes/décoloniales montrent que la #colère et la #résistance existent. Mais pourquoi ces élans s’essoufflent-ils ? Cette question dépasse les seules causes économiques et politiques, elle touche à des mécanismes psychologiques profonds. Ces mécanismes qui nous poussent à accepter l’inacceptable peuvent être déconstruits. En repensant la #santé_mentale comme un enjeu collectif, nous pouvons transformer notre manière de percevoir l’#injustice, en créant des espaces de #solidarité et d’#action commune. C’est à travers cette réinvention de notre rapport à l’autre et à la société que nous pourrons espérer changer les choses.

    Les mécanismes psychologiques de l’acceptation de l’inacceptable

    S’habituer à l’inacceptable ou le biais d’#adaptation

    Imaginez un bruit constant dans votre environnement, comme celui d’un ventilateur. Au début, ce bruit vous dérange, mais à mesure qu’il persiste, votre cerveau l’intègre et vous finissez par ne plus le remarquer. Ce phénomène, appelé #biais_d’adaptation, joue un rôle similaire face aux conditions de vie dégradées.

    Dans les sociétés contemporaines, ce biais se manifeste par l’#acceptation progressive de situations pourtant insupportables : précarité croissante, dégradation des services publics, ou explosion des prix de l’énergie. Par exemple, en France, le démantèlement progressif des hôpitaux publics, documenté par des sociologues comme Pierre-André Juven (La casse du siècle : À propos des réformes de l’hôpital public), a conduit à une pénurie de soignants et de lits. Pourtant, cette réalité est perçue comme une « #nouvelle_normalité » à laquelle il faudrait s’adapter, et non comme un #problème_systémique à résoudre.

    Ce phénomène se retrouve également dans des sphères plus personnelles. Prenons l’exemple du monde professionnel : un travailleur qui, année après année, voit ses #conditions_de_travail se dégrader – une #surcharge de tâches, des heures supplémentaires non payées, ou des #pressions_managériales croissantes – finit souvent par intégrer ces contraintes comme faisant partie du « métier ». Il rationalise : « C’est comme ça partout » ou « Je dois m’estimer chanceux d’avoir un emploi. » Pourtant, ces #ajustements_psychologiques masquent souvent une #souffrance profonde. En acceptant ces conditions, le salarié s’adapte à un #environnement_hostile sans remettre en question la structure qui en est responsable.

    De la même manière, les personnes racisées développent des #stratégies_d’adaptation face aux discriminations systémiques. Un exemple frappant est celui des #contrôles_au_faciès. Pour beaucoup, cette pratique récurrente devient une « #routine » : éviter certains quartiers, anticiper les interactions avec la police en préparant leurs papiers, ou encore minimiser l’expérience en se disant que « cela aurait pu être pire ». Ces #stratégies_d’ajustement sont des #mécanismes_de_survie, mais elles renforcent également la #banalisation de l’#injustice. Comme le souligne le sociologue Abdellali Hajjat dans ses travaux sur l’islamophobie et les discriminations, cette #normalisation contribue à invisibiliser les #violences_structurelles, car les individus finissent par intégrer ces traitements comme des faits inévitables de leur quotidien.

    D’un point de vue psychologique, cette #capacité_d’adaptation est un #mécanisme_de_protection : notre cerveau tend à minimiser les #chocs_émotionnels en « normalisant » ce qui devrait être exceptionnel. Mais cette adaptation, si elle nous protège individuellement, nous empêche collectivement de reconnaître l’#urgence_d’agir et peut paralyser l’#action_collective.

    L’#effet_de_normalisation : rendre l’injustice ordinaire

    Autre mécanisme à l’œuvre : l’effet de #normalisation. Les inégalités sociales, souvent présentées comme inévitables dans les discours politiques et médiatiques, finissent par être acceptées comme un état de fait.

    Prenons l’exemple des écarts de richesse. Lorsqu’un PDG gagne 400 fois le salaire moyen de ses employés, cette réalité devrait susciter l’indignation. Mais les récits dominants – comme celui de la « méritocratie » ou du « risque entrepreneurial » – transforment ces écarts en phénomènes normaux, voire légitimes. Les médias jouent ici un rôle central : en valorisant des figures comme Elon Musk ou Jeff Bezos, ils participent à cette construction idéologique. Comme l’explique le sociologue Pierre Bourdieu dans Sur la télévision, les médias ne se contentent pas de relater les faits : ils contribuent à modeler notre perception de ce qui est acceptable ou non.

    Cet effet de normalisation s’étend aussi à d’autres domaines. Les politiques d’#austérité, par exemple, sont souvent présentées comme des « nécessités économiques », rendant leurs conséquences – licenciements, fermetures de services publics – moins contestables. Les #discours_politiques insistent obstinément sur des #impératifs comme « réduire la dette publique » ou « améliorer la compétitivité », occultant les impacts humains et sociaux de ces choix. En nous habituant à ces récits, nous acceptons ce qui devrait être combattu.

    Cependant, il est essentiel de souligner que cette normalisation n’est ni totale ni irréversible. De nombreux travailleurs et travailleuses refusent ces conditions et s’organisent pour les contester. Les mouvements sociaux, les grèves et les luttes syndicales témoignent d’une résistance active face à cette normalisation.

    On peut par exemple observer le cas des femmes de chambre de l’hôtel Radisson Blu à Marseille déjà traitée par mon collègue Guillaume Etievant dans son article dédié. Après plusieurs mois de grève en 2024, ces travailleuses ont obtenu des augmentations salariales, une réduction des horaires de travail, et des compensations pour les heures supplémentaires. Elles ont ainsi mis en lumière les conditions de travail inacceptables qui étaient perçues comme normales dans l’industrie hôtelière, et ont prouvé qu’une organisation collective peut renverser cette « normalité ». En comparaison, la #lutte du personnel de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, bien qu’elle ait pris fin, illustre également comment les conditions de travail dégradées peuvent être confrontées par la mobilisation collective.

    Ces #grèves illustrent un point crucial : en conscientisant les mécanismes de normalisation, il devient possible d’agir collectivement. Identifier ces récits qui banalisent l’injustice, les déconstruire, et s’organiser pour les contester sont des étapes indispensables pour transformer une indignation individuelle en une action collective. Ainsi, si l’effet de normalisation est puissant, il n’est pas insurmontable. Les #résistances_collectives montrent qu’il est possible de refuser l’inacceptable et de poser les bases d’une société plus juste.

    Le biais d’#impuissance apprise : quand l’échec paralyse

    Enfin, le #biais_d’impuissance_apprise joue un rôle crucial dans notre passivité face aux injustices. Décrit par le psychologue #Martin_Seligman dans les années 1960, ce biais se développe lorsqu’un individu, confronté à des situations où ses efforts ne produisent aucun effet, finit par croire qu’il est incapable de changer quoi que ce soit.

    Sur le plan collectif, ce biais se manifeste après des mouvements sociaux réprimés ou qui échouent à obtenir des victoires significatives. Les manifestations massives contre la réforme des retraites en France en 2023, bien qu’intenses, n’ont pas empêché son adoption. Pour beaucoup, ce type d’échec renforce un sentiment d’inutilité de l’#action_politique. Cette #impuissance_apprise n’est pas seulement un phénomène individuel : elle est renforcée par des stratégies institutionnelles. La #répression_policière, les discours dénigrant les grèves ou les mobilisations, ou encore la lenteur des changements politiques contribuent à installer ce #sentiment_d’impuissance. Ces mécanismes participent à la #reproduction_des_inégalités en paralysant toute velléité de contestation comme l’indique la sociologue Monique Pinçon-Charlot.

    Ces #biais_cognitifs – l’adaptation, la normalisation et l’impuissance apprise – agissent de manière insidieuse pour nous maintenir dans l’acceptation de l’inacceptable. Les comprendre, c’est déjà commencer à s’en libérer. Mais ces mécanismes ne suffisent pas à expliquer la #passivité_collective : ils s’articulent à des structures sociales et économiques qui les renforcent.

    La #charge_psychologique_individuelle dans un système oppressif

    L’#individualisation des #problèmes_sociaux

    Beaucoup de personnes se retrouvent à vivre des situations difficiles, comme le chômage ou la pauvreté, dans la solitude, se sentant souvent responsables de leur propre sort. Cette #culpabilisation est renforcée par un #discours_dominant qui fait porter la faute sur l’individu, et non sur le système qui produit ces inégalités. C’est désormais bien connu, il suffit de “#traverser_la_rue” pour trouver du travail. Pourtant, il n’y a pas de honte à être confronté à des difficultés qui échappent à notre contrôle. Le #chômage, par exemple, est largement le résultat d’un marché du travail précarisé et d’une économie qui valorise l’exploitation plutôt que le bien-être. Il est essentiel de rappeler qu’il n’y a aucun aveu d’échec à se retrouver dans une situation où les structures économiques et sociales sont défaillantes. Ce n’est pas un échec personnel, mais bien une conséquence de l’organisation injuste du travail et des ressources.

    Le #capitalisme_émotionnel : une #aliénation des sentiments

    Le “capitalisme émotionnel” désigne la manière dont notre société capitaliste transforme nos #émotions en une #responsabilité_personnelle et une marchandise. Dans ce système, il nous est constamment demandé de « rester positif », de « faire face » et de « réussir malgré les difficultés », en particulier dans des contextes d’injustice sociale et économique. L’idée de la « #résilience », souvent véhiculée par les médias et les institutions, devient un impératif moral : si vous échouez à être heureux malgré les adversités, c’est de votre faute. Cette pression constante pour gérer nos émotions comme une #performance_individuelle fait partie d’un processus plus large d’#aliénation_émotionnelle. En d’autres termes, nous sommes poussés à croire que nos émotions et notre bien-être sont des éléments que nous pouvons maîtriser par la #volonté seule, alors qu’ils sont en réalité fortement influencés par les conditions sociales et économiques. Cela nous empêche de voir que nos luttes intérieures ne sont pas des défaillances, mais des réponses normales à des systèmes qui ne répondent pas aux besoins fondamentaux des individus.
    Le #capitalisme_émotionnel est donc un outil de contrôle social, car il détourne notre attention des causes profondes de notre #mal-être (injustices sociales, précarité, discriminations) et nous fait croire que notre souffrance est une question d’#aptitude_personnelle à surmonter les épreuves. Cela crée un sentiment de culpabilité, car on nous fait porter la #responsabilité de nos émotions et de notre résilience, sans jamais questionner les #structures_sociales qui alimentent cette #souffrance.

    Construire une santé mentale collective : la santé mentale comme #bien_commun

    Pour dépasser les limites de l’individualisme, il est essentiel de repenser la santé mentale comme un bien commun. Plusieurs initiatives inspirées des luttes féministes et des communautés marginalisées ont démontré que des structures communautaires de soutien peuvent offrir des solutions alternatives. Par exemple, les centres sociaux autogérés ou les réseaux d’entraide pour les travailleurs précaires permettent de créer des espaces où les personnes peuvent partager leurs expériences et trouver du soutien, loin des logiques de consommation des soins traditionnels. Ces espaces permettent de reconstruire des liens sociaux, de se soutenir mutuellement et de remettre en question l’#isolement imposé par les structures capitalistes.

    Dépolitiser l’#aide_psychologique individuelle pour la repolitiser

    L’accès aux #soins_psychologiques n’est pas égalitaire. Pour beaucoup, les thérapies sont hors de portée, soit en raison des coûts, soit à cause de l’absence de structures accessibles dans certains quartiers ou pour certaines populations. De plus, tous les thérapeutes ne partagent pas nécessairement une vision progressiste ou collective de la #santé_mentale. Il est donc essentiel de ne pas considérer la #thérapie comme une solution unique ou universelle à des problèmes sociaux qui sont avant tout politiques.
    Plutôt que de pathologiser systématiquement les effets du système sur les individus, il est plus pertinent de reconnaître que les #souffrances_psychologiques, dans de nombreux cas, sont des réponses normales à des conditions sociales et économiques injustes. Cependant, cela ne veut pas dire que la santé mentale doit être entièrement politisée de manière simpliste ou que l’on doit jouer aux « apprentis sorciers » de la #psychiatrie. L’enjeu est de comprendre qu’un #soutien_psychologique efficace doit tenir compte du contexte social et des inégalités qui peuvent fragiliser un individu. Les modèles de soutien collectifs, comme les #thérapies_communautaires ou les initiatives de santé mentale qui se nourrissent des #luttes_sociales (féministes, anticapitalistes, etc.), offrent des alternatives intéressantes. Elles ne visent pas à remplacer les #soins_individuels mais à compléter une approche qui permet de sortir de l’isolement, de reconnaître la dimension sociale des souffrances et d’offrir des #espaces_d’entraide où les individus peuvent se sentir soutenus collectivement.

    L’action politique comme remède à l’impuissance

    Redonner un sens à l’action collective est essentiel pour contrer le #sentiment_d’impuissance que beaucoup de personnes ressentent face aux injustices sociales. Participer à des #mouvements_sociaux peut être un moyen puissant de reconstruire l’#espoir et de lutter contre l’isolement. Cependant, il est important de souligner qu’il n’y a aucune culpabilité à ne pas être impliqué dans ces actions. Chacun évolue à son rythme, et l’#engagement_politique ne doit pas être un fardeau supplémentaire. Ce qui est essentiel, c’est d’être conscient des dynamiques collectives et de comprendre que, même si l’engagement direct dans les luttes peut sembler difficile ou épuisant, il existe des façons diverses et variées de soutenir la justice sociale. Il n’est pas nécessaire de répondre à une injonction de « se bouger le cul » pour se sentir utile. Beaucoup de personnes, éssoré.e.s par des oppressions systémiques telles que la toxicité managériale, le racisme, le validisme ou les violences faites aux personnes LGBTQIA+, peuvent se retrouver dans une situation de souffrance où chaque geste peut sembler trop lourd. La #solidarité ne se limite pas à l’action visible ; elle peut aussi passer par la création d’espaces de soutien, le partage d’informations, ou simplement par l’écoute et la compréhension. L’important est de trouver des moyens de participer, à son rythme et selon ses capacités.

    Les victoires obtenues par des mouvements sociaux, comme l’augmentation du salaire minimum ou la reconnaissance des droits des travailleurs, ont un impact psychologique direct : elles brisent le sentiment d’impuissance et rappellent qu’il est possible de transformer la réalité. Ces victoires, bien qu’elles puissent sembler petites à l’échelle globale, nourrissent l’espoir et renforcent la solidarité. Faire de la #justice_sociale une condition de la santé mentale implique de revendiquer des #politiques_publiques qui réduisent les inégalités et permettent à chacun de vivre dignement. Des propositions telles que l’accès gratuit aux soins psychologiques sont des leviers importants pour garantir une santé mentale collective et émancipée.

    Les mécanismes psychologiques qui nous poussent à #accepter_l’inacceptable ne sont ni inévitables ni figés. En comprenant mieux ces biais, en décryptant l’effet de normalisation et en reconnaissant l’impact de l’individualisation des problèmes sociaux, nous pouvons démystifier cette #résignation_collective. Nous avons le pouvoir de déconstruire ces dynamiques à travers l’éducation, la solidarité et, surtout, l’action collective. Ce processus n’est pas facile, mais il est possible. Changer de regard sur les inégalités, c’est déjà commencer à les transformer. Ce n’est pas un effort solitaire, mais une démarche collective, qui commence par la reconnaissance des souffrances et la volonté d’agir ensemble pour y remédier.

    https://www.frustrationmagazine.fr/pourquoi-acceptons-nous-l-inacceptable

    #invisibilisation #accès_aux_soins #psychologie

    déjà signalé par @gorekhaa :
    https://seenthis.net/messages/1092977

  • Le capital : une brève mise à jour, Temps Critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article550

    ÉTAT ET CAPITAL : SITUATION ACTUELLE

    Dans les idées et articles (...) qui circulent aujourd’hui sur le capital ou le #capitalisme, il est à remarquer qu’il est peu question de l’#État et, comme incidente, peu question non plus de la puissance en général et du pouvoir particulier qu’elle confère. L’accent est le plus souvent mis sur le profit, notion passe-partout et sans vertu explicative au niveau microéconomique (pourquoi Elon Musk ou Jeff Bezos voudraient-ils faire encore plus de profit ?) et sans vérification probante au niveau macroéconomique du calcul d’un taux général et de ses variations (cf. l’improbable tendance à la baisse du taux de profit promise par Marx il y a bientôt deux siècles). Ce que beaucoup appellent le néolibéralisme impliquerait cette quasi-disparition actuelle d’un État qui ne conserverait que ses fonctions régaliennes. Ce qu’il faut bien appeler une « vision » plus qu’une perception est mise en avant jusqu’à la caricature, afin de mieux l’opposer à un État d’avant et, in fine, à un capitalisme d’avant, tout aussi caricaturalement envisagé et par conséquent peu défini. Ainsi, on a parfois l’impression que, pour la gauche française d’aujourd’hui, le programme du CNR, ce n’était pas du capitalisme, mais le socialisme à visage humain !

    C’est pourtant ce rôle de l’État, certes changeant, et de la puissance publique qui permet de comprendre le lien contradictoire qu’entretiennent économie de marché et capitalisme. En effet, l’économie de marché ne peut exister et a fortiori fonctionner en tant que telle, c’est-à-dire selon les principes libéraux, que lorsque le marché a été institué par l’État (cf. Karl Polanyi). Là où il ne l’a pas été, c’est que, quel que soit le niveau technique atteint, il n’a pas encore dégagé de « forces productives » en vue de l’accumulation et de la reproduction élargie ; l’État est soit encore sous sa forme embryonnaire (les proto-États comme dans l’Athènes de l’Antiquité ou la République romaine), soit il est encore ce que nous appelons un État du premier type (Chine, Égypte pharaonique, etc., ce que Marx qualifiait de « mode de production asiatique »). C’est en effet l’État de deuxième type dans sa forme nation qui a accéléré le mouvement de dissolution des formes communautaires d’une part et favorisé d’autre part l’essor des villes. C’est lui qui a non seulement permis l’éclosion puis le développement des échanges et leur extension, mais a contribué à l’institution du marché, préalable à toute « économie de marché ». Aujourd’hui, dans la tendance des États-nations à se restructurer sous la forme réseau, cette intrication de l’État avec les grandes firmes, au niveau du capitalisme du sommet, fait que ce dernier échappe presque totalement à l’« économie de marché ».

    STRUCTURATION PAR NIVEAUX ET MISE EN RÉSEAUX

    Dans cette nouvelle structuration, le capitalisme du sommet représente le niveau I de la domination capitaliste. Il regroupe les États comme puissance politique, mais aussi économique, avec l’importance prise par les « fonds souverains », les grandes firmes multinationales, les organisations internationales, y compris certaines ONG, les grands syndicats. C’est là que sont censés se régler les grands problèmes de reproduction globale du monde capitaliste et capitalisé : la question de l’environnement et du climat, celle de l’accès aux matières premières et aux nouvelles technologies, la question des paradis fiscaux, la lutte contre le trafic de drogue. À ce niveau du capitalisme du sommet, il y a une indifférenciation des sphères politique et économique : elles sont unifiées ou plutôt totalisées sur la base de la priorité donnée à la fois à la domination (plutôt qu’à l’exploitation), à la puissance (plutôt qu’au profit) et à la capitalisation (plutôt qu’à l’accumulation ; nous y reviendrons) [c’est moi qui graisse, ndc]. Le personnage d’Elon #Musk est le meilleur représentant/symbole de ce capitalisme de la puissance, pour qui le profit au sens traditionnel du terme n’est qu’un élément secondaire (Tesla est un échec de ce point de vue là). Pour paraphraser le Hegel de la Philosophie du droit, Musk est la figure qui « rend effective la réalité substantielle » (transhumanisme, conquête de l’espace). Et Trump est son « digne » pendant politique, mais pour les deux il est clair que cette distinction entre politique et économie n’a plus de raison d’être.

    Le blog de Temps Critiques
    https://blog.tempscritiques.net

    #politique #économie #domination #puissance #capitalisation

    • (...) nous avons réfuté l’idée d’une « valeur » de la force de travail : nous ne la pensions plus comme une marchandise puisqu’elle n’est pas « produite » au même titre que les autres ; elle ne l’est que politico-socialement, par le fait que la capacité de travail humain est transformée en force de travail. Marx lui-même en parlait souvent, et Polanyi plus tard, comme d’une « quasi-marchandise ». Elle n’a donc pas de « valeur », mais seulement un prix, ce qui détruit la base de bien des calculs économiques de Marx. Celui-ci s’est évertué progressivement à faire passer ses résultats pour des lois économiques (cf. son rattachement à la loi d’airain de la baisse des salaires théorisée par Ricardo), abandonnant ainsi sa position préférentielle de critique de l’économie politique bourgeoise pour celle, positiviste, de la « science économique (plus-value et taux d’exploitation, baisse tendancielle du taux de profit, loi de paupérisation, etc.). En revanche, pour des théoriciens aussi différents que Keynes, l’aristocrate anti-bourgeois (« la question de la valeur est aussi vaine que celle sur le sexe des anges »), Castoriadis (la valeur comme « signification imaginaire sociale » ou représentation à partir du no 31 et surtout 35 de Socialisme ou Barbarie) et surtout les opéraïstes italiens dans les luttes d’usine des années 1968-1975 (le salaire « variable indépendante » de Sraffa et Tronti, puis le « salaire politique » de Negri), la « valeur » de la force de travail n’est fonction que du rapport de forces entre les classes sociales dans une conjoncture déterminée spatialement et temporellement. Une bonne prémisse pour abandonner la problématique de la valeur pour celle des prix. La lutte en Guadeloupe sur cette même question des prix avec le Manifeste sur les produits de haute nécessité (février 2009) semblait aussi ouvrir des perspectives. Le capital en tant que rapport social est un rapport de subordination et donc de pouvoir.

      #capital #opéraïsme #IA #general_intellect

    • Ce qui reviendrait à dire que toute soit-disant science économique ne serait qu’une chimère fondée sur des concepts complètement biaisés. A moins que toute cette « science » n’ait pour objet que le seul profit, le « business », activité chérie par les ultra libéraux fascistoïdes. La #prédation, en quelque sorte.

    • @rastapopoulos : rendez-vous à Grenoble le 25 janvier prochain pour une « rencontre du cercle de lecture Critique de la valeur-dissociation » :
      http://www.palim-psao.fr/2025/01/rencontre-du-cercle-de-lecture-critique-de-la-valeur-dissociation-a-greno

      (Désolé de vous décevoir, j’irai pas, c’est trop loin).

      Sinon : parution prochaine (07/02/2025) de cet ouvrage :

      Ernst Schmitter

      L’Economie comme catastrophe

      Une introduction à la critique de la valeur-dissociation

      Traduit de l’allemand par Sandrine Aumercier

      (Editions Crise & Critique, collection Palim Psao, 198 pages, 17 euros)

      Diffusion-distribution : Hobo-diffusion & Makassar

      http://www.palim-psao.fr/2025/01/parution-prochaine-le-7-fevrier-2025-ernst-schmitter-l-economie-comme-cat

  • Bretagne : deux prêtres suspendus pour leur « comportement » envers des femmes, une enquête préliminaire ouverte pour viols A.P.

    Les deux présumées victimes ont d’abord dénoncé les faits auprès de l’Église avant Noël. L’une d’elles a finalement porté plainte.

    Deux prêtres de la zone pastorale de Loudéac (Côtes-d’Armor) ont été suspendus de leur fonction ce samedi, a appris Le Figaro auprès du parquet de Saint-Brieuc, confirmant des informations du Courrier Indépendant. Peu avant les fêtes de fin d’année, deux femmes majeures « se sont manifestées auprès de l’Église pour se plaindre de leur comportement », a indiqué l’évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, Monseigneur Denis Moutel, dans un communiqué. Une enquête préliminaire a été ouverte « du chef de viols », précise de son côté le parquet. 
    . . . . .


    La suite : https://www.lefigaro.fr/faits-divers/bretagne-deux-pretres-suspendus-pour-leur-comportement-envers-des-femmes-un

    #prêtres #femmes #église #église_catholique #sexe #abstinence #culture_du_viol #viol #viols #violences_sexuelles #misogynie #Loudéac #litanie

  • Communication in support of Moussa Tchangari
    https://migreurop.org/article3322.html

    We demand the immediate release of Moussa Tchangari, rights defender and General Secretary of the Alternative Espaces Citoyens (AEC) association, who was imprisoned on 3 January 2025 after a month in police custody. Moussa Tchangari was arrested at his home on 3 December 2024 on his return from an international trip. Charged with undermining state security, criminal conspiracy in connection with terrorism and glorifying terrorism, he spent a month in police custody before being presented (…) #Press_releases

  • Was stimmt hier nicht ?
    https://www.berliner-zeitung.de/news/verkehr-in-berlin-am-montag-stau-gefahr-durch-mehrere-baustellen-li

    BLZ vom Montag, 13.1.2025
    Wannsee: Auf dem Askanierring beginnen im Straßenabschnitt zwischen Streitstraße und Fehrbelliner Tor/Schönwalder Straße Kanalarbeiten. Der Zufahrtsbereich zur Kreuzung Fehrbelliner Tor/Schönwalder Straße ist für den Kfz-Verkehr gesperrt.

    #Berlin #Ortskenntnis #Presse

  • L’éléphant (du déferlement technologique) dans la pièce (de l’anti-fascisme)

    Le 18 Juin, on reçoit un mail groupé du Fonds pour une presse libre (1), demandant à plus de 100 médias de signer l’appel « pour un front commun des médias contre l’extrême-droite ». Dans les jours d’après, quantité de mails en retour annonçant que Le courrier des balkans , Le crétois , Youpress , etc., signent. Au final 90 médias valident cet appel diffusé largement à partir du 20 Juin.
    Au Postillon , on n’a pas répondu, comme d’habitude. On nous demande régulièrement de signer des tribunes, appels, courriers, prises de position et à chaque fois on fait les morts. À vrai dire, on croit bien être atteint de tribunophobie. Oui mais là quand même, avec l’extrême-droite aux portes du pouvoir, l’heure est grave, non ?
    Le 24 Juin on reçoit un courrier papier (merci, ça fait toujours plaisir) d’un de nos abonnés, qui nous demande « je vois que Le Postillon ne figure pas dans la liste des médias contre l’extrême-droite. Pourquoi ? » Bonne question, Laurent. Alors pour une fois, on va tenter de répondre, ce long texte étant une sorte de complément d’analyse et de réflexions à côté de notre reportage dans le Nord-Isère.

    Lire la suite du texte ici : https://www.lepostillon.org/Elephant-du-deferlement-technologique.html

    • Cécile, une habitante du Nord-Isère rencontrée lors de notre reportage (voir page 16) assène que dans ses campagnes « la vrai figure repoussoir, ce n’est pas tant l’étranger que le bobo des villes donneur de leçons ». On fait des tribunes pour se tenir chaud, pour se rassurer et se compter entre gens d’accord, sans aucune évaluation de ce que cette forme de « militantisme » peut apporter. Pour nous, la multiplication des tribunes de la part de professions au capital culturel élevé (dont font partie les journalistes) ne peut qu’aggraver le côté repoussoir des « leçons » données. En cette fin Juin, presque tout le monde y est allé de sa petite tribune : « 500 artistes signent une tribune contre l’extrême-droite » (BFM TV, 21/06/2024) ; « 2 500 scientifiques signent une tribune contre l’extrême-droite » (La relève et la peste, 26/06/2024) ; « l’appel de 200 philosophes contre l’accession de l’extrême-droite au pouvoir » (Libération, 1/07/2024), etc. etc. on vous en passe et des meilleures. L’époque a cet avantage qu’il suffit de signer une tribune pour se déclarer antifasciste

      […]

      On ne croit ni en la régulation, ni en la contre-offensive numérique parce qu’on est d’accord avec l’écrivain McLuhan qui déclarait énigmatiquement : « Le message est le médium ». Depuis la réélection de Trump, quelques médias et militants prônent la désertion de X/Twitter, propriété d’Elon Musk, soutien et futur ministre de Trump. Comme si le « problème » des réseaux sociaux ne venait que de leurs propriétaires et de leur politique de régulation, et non pas de leur essence même, favorisent la création de « bulles » où chaque personne ne « reçoit » que des informations la confortant dans ses positions, sans être confrontée à des avis opposés. Bien avant l’arrivée de Musk, Twitter était déjà une machine à décérébrer. Scruter ce genre de réseau social, c’est comme fouiller des poubelles : ça raconte une partie de notre époque. Raccourcis simplistes, hystérisation, raids en meute, mensonges éhontés, clashs inintéressants, nombrilisme omniprésent : il y a presque tout à jeter. Allez d’accord certains comptes décalés sont assez drôles, d’autres apportent à l’occasion des informations introuvables ailleurs. Mais pour nous c’est tout vu : si on avait du faire un procès honnête des réseaux sociaux, le verdict serait sans appel : « fermeture immédiate », au nom de la tentative de conservation des bribes restantes d’intelligence humaine.

      Si, sporadiquement, l’écosystème du numérique peut faire progresser des idées généreuses, il aide d’abord les idées nauséabondes, parce que son développement entraîne un bouleversement anthropologique accentuant les pires travers de l’être humain.

      […]

      Pacôme Thiellement prône la désertion des réseaux sociaux, qui « pourraient disparaître du jour au lendemain, si nous le voulons ». Une perspective de bon sens, quoique complètement absente des programmes de gauche ou des tracts antifascistes. Encore une fois, être sur les réseaux et sur Internet par défaut est une chose (d’ailleurs on a un site !), défendre leur existence en est une autre. Il y a une chose pire que de se servir du numérique pour le critiquer, c’est de se servir du numérique sans le critiquer.

      […]

      Bien entendu, il faut enquêter sur l’extrême-droite (comme sur tous les autres partis d’ailleurs) mais on ne croit pas que l’enquête suffira à empêcher son accession au pouvoir.
      On en veut pour preuve la réélection triomphale de Trump, qui est cerné de procédures judiciaires, dont les multiples vices et turpitudes ont été maintes fois révélés et dont tous les multiples mensonges sont « fact-chekés ». Si toutes les enquêtes sur lui et sur ses proches, qu’elles soient judiciaires ou journalistiques, n’ont pas empêché son triomphe ; cela devrait nous pousser à plus nous intéresser à la lame de fond qui lui permet d’arriver quand même au pouvoir démocratiquement.

      #extrême_droite #presse #journalisme #critique_techno #réseaux_sociaux #internet

    • Lors de notre reportage dans le Nord-Isère, cette lame de fond destructrice s’est traduite dans plusieurs rencontres. C’est Maryse qui raconte comment son village de paysan est passé en une génération du XIXème siècle au XXIème siècle, les enfants de petits agriculteurs (« qui étaient certes pauvres mais qui avaient un statut, un rôle ») se retrouvant aujourd’hui à emballer des salades en plastique dans les entrepôts de Pierre Martinet (« en étant complètement interchangeables et plus respectés »). C’est Marc, électeur du rassemblement national, qui déplore de ne plus croiser personne « même au supermarché maintenant les gens vont faire leurs courses en Drive ». C’est Cheikh, ouvrier de la logistique, qui a vu l’arrivée des chariots autonome dans son entrepôt, qui a perdu son statut de cariste (conducteur de chariot) pour devenir un opérateur anonyme, interchangeable avec les autres postes. C’est Bruno Guillaud-Bataille, maire de Charavines, qui analyse : « L’espace public local ne sert plus à ‘‘rien’’, les cercles de sociabilisation sont maintenant les chaînes d’info et les réseaux sociaux… Chacun vit dans son cocon replié sur lui-même et les écrans ». C’est les bars restant dans les villages avec Cnews ou BFM tournant du matin au soir.

      Dans les services publics, les supermarchés, les fast foods, les interactions avec des humains disparaissent et sont remplacés par des interactions avec des serveurs vocaux, des écrans tactiles ou des interfaces numériques. Les écrans envahissent tout et font écran entre les humains. Les métiers manuels sont de plus en plus robotisés, les travailleurs de plus en plus pions interchangeables devant répondre aux injonctions des machines. Les métiers en général perdent en sens au fur et à mesure qu’ils gagnent en automatisation, et encore ! Le tsunami de l’intelligence artificielle ne fait que commencer. Les lieux de rencontre (bars, petits commerces, accueils physiques) disparaissent, les humains se retranchent dans leur bulle virtuelle.

      À notre sens, la plus grande menace de notre époque n’est pas le réchauffement climatique (réel et tragique sous bien des aspects), mais ce que nous dénommons « le grand refroidissement technologique ». Soit le fait qu’avec l’invasion des technologies, le monde devient de plus en plus « froid », distant, robotique, désincarné, ce qui ne peut que renforcer le repli sur soi, l’individualisme, la montée des tensions et donc au final les partis d’extrême-droite.

  • Aux Pays-Bas, le coût d’un scandale sur les allocations familiales qui engorge les tribunaux

    Pendant une dizaine d’années, des dizaines de milliers de familles ont été accusées à tort de fraudes et contraintes de rembourser les sommes perçues, quitte à s’endetter. En mars 2020, des dédommagements financiers avaient été décidés.

    L’administration et la justice néerlandaises sont désormais totalement débordées par l’ampleur de « l’affaire des allocations », un scandale qui a, pendant une dizaine d’années, injustement pénalisé des milliers de parents, accusés à tort de fraudes aux #allocations familiales. Les tribunaux sont saisis de 9 300 #recours contre les autorités et quelque 500 nouveaux dossiers sont ouverts chaque mois. Les familles lésées seraient officiellement au nombre de 68 000.

    Dans des arrêts récents relevés par le journal De Volkskrant, les tribunaux de Rotterdam et d’Utrecht, entre autres, ont dénoncé la situation, ingérable selon eux, créée par le gouvernement et le Parlement. Les familles contestent souvent les montants qui leur sont octroyés en #dédommagement, d’où l’engorgement des tribunaux et de l’administration chargée d’évaluer le #préjudice qu’elles ont subi. Si le service chargé des indemnisations ne prend pas de décision sur un recours dans un délai de deux semaines, il doit verser aux demandeurs une indemnité de quelque 1 400 euros. S’il n’y parvient pas au bout de douze semaines, les plaignants peuvent se pourvoir en justice et les tribunaux ont, quant à eux, huit semaines pour trancher. Si, à leur tour, ils n’y arrivent pas – ce qui est de plus en plus fréquent –, l’indemnité à verser aux plaignants peut atteindre 15 000 euros.

    Complexe, la situation est devenue carrément chaotique à la suite de la découverte d’abus : des familles ont introduit plusieurs recours successifs et d’autres, qui n’ont pourtant pas été victimes des pratiques abusives du fisc, ont elles aussi déposé plainte. A charge pour l’administration d’examiner quand même leur dossier dans le délai fixé et, le cas échéant, de les indemniser si elle ne répond pas à temps. Le tribunal de Rotterdam a, lui, décidé unilatéralement, en juillet 2024, de limiter le montant de ces indemnités mais il s’est exposé à un recours devant le Conseil d’Etat, le tribunal administratif suprême.

    [...]

    L’affaire a eu des répercussions en France, où l’association de défense des libertés numériques La Quadrature du Net, Le Monde et le média Ligthouse Reports ont révélé, en 2023, les méthodes assez semblables utilisées depuis 2010 par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). L’#algorithme utilisé par la CNAF, jusque-là secret, était, selon cette enquête, programmé pour cibler de façon discriminatoire les allocataires les plus précaires, chômeurs, handicapés, ou ménages à faible revenu.
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/09/aux-pays-bas-le-cout-d-un-scandale-sur-les-allocations-familiales-qui-engorg

    https://justpaste.it/d3xa5

    (en France, il semble qu’actuellement seules 1% des décisions de la CAF négatives pour les allocataires fassent l’objet d’un contentieux juridique)

    #fraude #suspicion_de_fraude #racisme #droits_sociaux #justice

  • Syrie : RSF appelle les nouvelles autorités à mener sept actions prioritaires pour mettre en œuvre leurs promesses en matière de liberté de la presse

    En ce début d’année 2025, le ministre de l’Information du gouvernement de facto de la Syrie a promis d’œuvrer pour la liberté de la presse dans le pays. Reporters sans frontières (RSF) salue cet engagement, tout en rappelant aux autorités leurs responsabilités envers les journalistes enlevés, tués et disparus depuis le début de la révolution en 2011. L’organisation les appelle à mettre en œuvre sept recommandations prioritaires, avec, en premier lieu, la libération des 20 journalistes toujours détenus par les groupes rebelles.

    Œuvrer pour une « presse libre » et s’engager à garantir la « liberté d’expression » : ces promesses du nouveau ministre syrien de l’Information Mohamed al-Omar, prononcé le 1er janvier 2025 à l’Agence France Presse (AFP), sont de bon augure pour les reporters qui ont subi le pire des sorts dans le pays classé 179e sur 180 pays dans le Classement de la liberté de la presse 2024 de RSF.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/09/syrie-rsf-appelle-les-nouvelles-autorites-a-me

    #international #syrie #presse

  • Le piattaforme di psicologia #online monitorano i propri utenti per finalità di marketing, anche durante la terapia
    https://scomodo.org/le-piattaforme-di-psicologia-online-monitorano-i-propri-utenti-per-finalita

    A svelarlo è “Tracciamenti”, una delle quattro inchieste finaliste del Premio di giornalismo investigativo Roberto Morrione 2024. Attraverso l’uso di strumenti di analisi, sono riusciti a dimostrare che le aziende di psicologia online tracciano continuamente i dati degli utenti per scopi pubblicitari. L’articolo Le piattaforme di psicologia online monitorano i propri utenti per finalità di marketing, anche durante la terapia proviene da Scomodo.

    #Marginalità #inchiesta #intervista #italia #Premio_Roberto_Morrione #salute_mentale #telepsicologia #Tracciamenti

  • « Les ruines de Mayotte ont mis en évidence l’importance de la tôle ondulée », Jean-Baptiste Fressoz
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/02/les-ruines-de-mayotte-ont-mis-en-evidence-l-importance-de-la-tole-ondulee_64

    « On a été capables de rebâtir Notre-Dame en cinq ans, ce serait quand même un drame qu’on n’arrive pas à rebâtir Mayotte », lâchait Emmanuel Macron, le 19 décembre 2024, en déplacement sur l’île. Le 30 décembre, François Bayrou proposait un délai plus court encore : « Peut-être deux ans. » Et pour y parvenir, le premier ministre évoquait le recours à des maisons préfabriquées, bon marché, « faciles à monter ».

    Urgence, reconstruction, préfabrication : dans une thèse récemment soutenue à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, Antoine Perron a raconté l’histoire de cette association qui s’impose comme une évidence après les catastrophes du XXe siècle (« La machine contre le métier. Les architectes et la critique de l’industrialisation du bâtiment [France 1940 à 1980] »).

    Si l’idée de préfabrication apparaît au XIXe siècle, la pratique demeure marginale jusqu’à la première guerre mondiale. En 1918, face au manque de matériaux et de main-d’œuvre, l’espoir d’une reconstruction rapide des régions dévastées par les combats s’évanouit. La #préfabrication s’impose pour loger les réfugiés. Le service des travaux de première urgence utilise d’anciennes baraques militaires, puis fait appel à la société Eternit qui commercialise des #maisons_préfabriquées en plaques d’amiante-ciment.

    Un capital important

    La préfabrication suscite un regain d’intérêt après la seconde guerre mondiale. Le déficit de logements est alors immense. En 1947, la France produisait un #logement pour 1 000 habitants par an, cinq fois moins que les pays d’Europe du Nord. Le ministère de la #reconstruction lance une série de concours visant à accélérer et à moderniser la construction par la préfabrication. Des subventions sont accordées en échange du respect par les entrepreneurs de plans types et de prix plafonds amputant parfois d’un tiers les devis classiques.

    La préfabrication est employée à grande échelle pour construire des villes entières. Ces concours se soldent le plus souvent par des échecs. La raison est principalement technique : transporter des éléments lourds est coûteux, leur précision dimensionnelle est insuffisante, ils jouent davantage avec les effets de la dilatation, et leur jointage est problématique : souffrant de nombreuses malfaçons, ces logements « modernes » d’après-guerre seront unanimement critiqués et souvent démolis.

    Si la préfabrication lourde fut un échec, l’utilisation d’éléments produits en usine a connu en revanche un succès extraordinaire. Les ruines de #Mayotte ont mis en évidence l’importance de la tôle ondulée. Dans Quoi de neuf ? (Seuil, 2013), l’historien britannique David Edgerton soulignait son caractère crucial dans l’histoire des techniques du XXe siècle. Apparu dans le Royaume-Uni en voie d’industrialisation, son usage devient massif lors de l’#urbanisation rapide du monde pauvre après 1950.

    Comme il s’agit d’un des rares éléments qui ne peuvent être produits sur place, les #tôles_ondulées constituent un capital important. Elles sont récupérées, réutilisées et revendues. En 1994, au Rwanda, les Hutu pillèrent systématiquement les tôles ondulées des Tutsi. Et quand les Hutu durent fuir au Congo, ils emportèrent les tôles ondulées ou les enterrèrent dans leurs champs. Si la tôle ondulée est une technique clé du monde pauvre, elle n’est pas antithétique à la construction en dur : en Australie ou en Nouvelle-Zélande, elle est utilisée par les colons depuis le XIXe siècle et a même acquis de nos jours un cachet d’architecture vernaculaire.

    La « reconstruction de Mayotte » est un défi sans commune mesure avec celle de Notre-Dame. Des centaines de milliers de logements ont été détruits ou endommagés. Rappelons que la France entière ne produit qu’environ 400 000 logements par an. Il est aussi probable que la reconstruction de l’île dépende moins de solutions techniques toutes faites comme les « maisons préfabriquées faciles à monter » invoquées par François Bayrou que de la disponibilité de matériaux de construction éprouvés et bon marché (pisé, briques, parpaing, ciment, tôle ondulée…).

    Quant à la construction en dur qui a montré son utilité pendant le cyclone, elle dépend surtout de la sécurisation du statut des populations précaires qui pourront investir à la fois leur temps et leur argent dans l’#autoconstruction de leur maison.

    #habitat #villes

    • Faut-il « empêcher la reconstruction des bidonvilles » à Mayotte ? La promesse de François Bayrou fait débat
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/01/03/la-promesse-d-empecher-la-reconstruction-des-bidonvilles-a-mayotte-fait-deba

      « On voit mal comment l’Etat, qui peine déjà à répondre aux besoins, pourrait envoyer les forces de l’ordre empêcher la reconstruction des bidonvilles, complète le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue. Les annonces du premier ministre sont néanmoins dangereuses : des citoyens pourraient se sentir autorisés à les appliquer, créant un risque d’affrontement avec les personnes qui tentent de se récréer un toit. »

      (...) La situation des immigrés à Mayotte, même en situation régulière, est compliquée par le fait qu’ils ont très rarement accès aux aides sociales, conditionnées dans le département à l’obtention d’un titre de séjour de dix ans. Et par le refus de déterritorialiser leurs titres de séjour : « Ils ne peuvent donc pas se rendre dans l’Hexagone ou à La Réunion, ce qui permettrait pourtant de réduire le besoin de relogement sur place », explique la doctorante.

      (...) La loi sur la rénovation de l’habitat dégradé, promulguée en avril, a, pour sa part, étendu la possibilité pour un propriétaire guyanais ou mahorais de demander l’intervention des forces de l’ordre si un habitat informel est érigé sur son terrain : ce délai de flagrance a été porté à 96 heures, au lieu de 48 heures.

      Quelles solutions seront proposées pour héberger ou reloger les ex-habitants des #bidonvilles ? Les élus mahorais insistent sur la nécessité d’expulser ceux qui sont en situation irrégulière – environ un adulte sur deux serait concerné, sans considérer ceux qui, parents d’un enfant français, ne seront pas expulsables, selon des enquêtes récentes.

      https://justpaste.it/gqiwk

    • Bidonvilles à Mayotte : le préfet prend un arrêté pour restreindre la vente de tôles bac acier
      https://www.francetvinfo.fr/meteo/cyclone-ouragan/cyclone-chido-a-mayotte/bidonvilles-a-mayotte-le-prefet-prend-un-arrete-pour-restreindre-la-ven

      Le préfet de Mayotte annonce, vendredi 3 janvier, sur X, avoir pris un arrêté "restreignant la vente de tôles bac acier aux particuliers réparant leur domicile sur présentation d’un justificatif d’identité et d’un justificatif de domicile, et les professionnels". Il entre en vigueur samedi. Lors de son déplacement dans le département, le Premier ministre François Bayrou a promis de prendre des mesures pour "interdire et empêcher la reconstruction des bidonvilles". Il a détaillé son plan « Mayotte debout » pour la reconstruction sur l’archipel après le passage du cyclone Chido.

      "Cette mesure vise à protéger les Mahorais, alors que lors du passage du cyclone Chido, les constructions et clôtures en tôle ont été détruites et les tôles ont constitué des projectiles, occasionnant un risque pour la vie humaine et la sécurité des biens et des personnes", justifie vendredi le préfet de Mayotte.

      edit Mayotte : Malgré l’engagement de François Bayrou, la plupart des bidonvilles sont déjà reconstruits
      https://www.20minutes.fr/societe/4131833-20250103-mayotte-malgre-engagement-bayrou-plupart-bidonvilles-deja

      La maison que rebâtit Soubira Attoumani avec son frère à Cavani Sud est ainsi « moins résistante que celle qui était là avant », soupire l’homme de 41 ans. Il désigne les tôles en patchwork : « Vous voyez la différence de couleur ? Certaines étaient celles d’origine, d’autres ont été récupérées, d’autres achetées ». « Avant, on pouvait étudier quelle planche on mettait, l’endroit où on construisait, aujourd’hui c’est la précipitation », explique-t-il.
      Pour Abdou Ansoirdine aussi, « c’était mieux avant, quand c’était neuf ». Le boulanger confie avoir dépensé 400 euros pour racheter « 27 tôles » mais avoir dû se rabattre sur « de la récupération, à gauche, à droite, pour le reste ».
      Chaher a « mis deux jours » à remettre sur pied la maison familiale, entièrement détruite par les vents. Sourire aux lèvres, il montre fièrement les panneaux solaires installés sur le toit, qui lui procurent une précieuse électricité, défaillante sur l’île après Chido.

      Les habitants sont obligés de « bricoler » pour ne pas « avoir à dormir dehors », se désole Youssoufi Said qui a été contraint d’utiliser du bois plutôt que de la tôle. « L’urgence, c’est de s’abriter pour faire face à la saison des pluies, puisqu’il n’y a pas de solutions proposées par l’Etat », soupire, fataliste, Soubira Attoumani.

  • #Mayotte : #histoire_coloniale, fractures sociales et désastre environnemental

    Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en #crise, où la #misère humaine et les #catastrophes_naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – #séismes, #tornades, #montée_des_eaux – ne sont que la face visible d’un #effondrement plus global. Ils révèlent une #vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des #inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.

    En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’#Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.

    L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette #départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des #infrastructures et des #services_publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.

    Effondrement des services publics

    L’#éducation, en particulier, est le symbole de cet #échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le #système_scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du #système_éducatif alimente un sentiment d’#abandon et de #mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’#égalité_républicaine reste une illusion.

    Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une #pression_démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les #bidonvilles, des espaces d’#exclusion où se forment des #bandes_de_jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de #violences et d’#émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du #droit_du_sol, ces enfants peuvent acquérir la #nationalité_française.

    La #colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’#environnement. Mayotte est une île en pleine #dégradation_écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’#assainissement, rejettent leurs #déchets dans une #mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des #mangroves (due à un #développement_urbain incontrôlé et au #changement_climatique) et en conséquence des #récifs_coralliens, essentiels pour limiter l’#érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.

    Une gestion écologique devenue symbole technocratique

    À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du #parc_naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la #biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette #conservation comme une nouvelle forme de #colonialisme : une « #colonisation_bleue » où la priorité est donnée à la #nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le #sentiment_d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.

    Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les #sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en #eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.

    Un avenir impensable et tragique

    Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le #présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’#urgence et l’incapacité d’anticiper.

    Mayotte incarne cette #temporalité_brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’#impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.

    La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’#hypercriticité : un état où les #tensions_sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un #effondrement_global.

    Ce terme désigne non seulement l’accumulation des #vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’#accès_à_l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.

    Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la #globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses #fractures_coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans "Une planète, plusieurs mondes" (https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/une-planete-plusieurs-mondes), ce croisement marque une #rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.

    Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’#effondrement_insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la #double_identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’#hybridité_culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.

    https://theconversation.com/mayotte-histoire-coloniale-fractures-sociales-et-desastre-environne
    #Comores #colonialisme #environnement

  • Le retour du scorbut dans les pays riches, une ancienne maladie qui frappe les pauvres mal-nourris
    https://ricochets.cc/Le-retour-du-scorbut-dans-les-pays-riches-une-ancienne-maladie-qui-frappe-

    Le « saint progrès » vanté par la civilisation industrielle nous ramène des décennies en arrière, notamment à l’époque de l’essor industriel et de ses ouvriers surexploités et mal-nourris qui se tuaient à la tâche pour que les patrons puissent s’enrichir et accumuler du Capital. Dans des pays « riches » comme la France, l’Angleterre et les USA, du fait surtout de la pauvreté et aussi des habitudes liées à la classe sociale, de plus en plus de personnes, notamment des adolescents et (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle

    https://www.medisite.fr/actualites-scorbut-rachitisme-ces-2-maladies-reviennent-en-europe.5714516.2

  • Pourquoi les mannequins de secourisme n’ont pas de seins ? | Les Glorieuses
    https://lesglorieuses.fr/mannequins-sans-seins

    Les sondages suggèrent que certaines personnes hésitent à effectuer un massage cardiaque sur des femmes parce qu’elles pensent qu’elles sont fragiles et donc sujettes aux blessures. D’autres s’inquiètent d’être accusées d’agression sexuelle ou se sentent gênées à l’idée de devoir retirer des vêtements. Les conséquences sont mortelles. Les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes de mourir d’un arrêt cardiaque.

    “Nous pensons qu’il existe un lien entre la façon dont nous formons les gens et le fait que les femmes ne reçoivent pas de RCP”, a déclaré une des autrices de l’étude, Jessica Stokes-Parish, infirmière en soins intensifs et professeure de médecine à l’Université Bond en Australie.

    C’est en réfléchissant à la manière de préparer le personnel aux urgences obstétricales que Jessica Stokes-Parish et sa co-autrice, Rebecca Szabo, ont réalisé qu’elles n’avaient jamais croisé de mannequins de secourisme avec des seins auparavant, et encore moins un mannequin qui ressemblerait à une femme enceinte.

    “En tant que soignant·es travaillant en soins intensifs, la RCP est notre pain quotidien. Nous savons comment faire”, a déclaré l’infirmière. “En tant que femmes, la question des seins ne nous était jamais venue à l’esprit. Mais ensuite, nous avons pensé : qu’en est-il des formations
    de premiers secours et des jeunes qui n’ont jamais vu une autre personne nue auparavant ? Dans ces cas, être confronté·e à des seins est un sacré choc ! Alors nous avons décidé de creuser la question.”

    Elles se sont mises à cataloguer les fournisseurs de mannequins de RCP pour adultes, identifiant 72 fournisseurs qui travaillaient avec neuf fabricants différents, et proposant un total de 20 mannequins. Cinq de ces mannequins étaient supposément féminins, mais un seul avait des seins. Un autre seulement proposait une surcouche mammaire en option.

  • L’« agribashing », un élément de langage endossé par les pouvoirs publics pour un phénomène quasi introuvable
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/12/27/l-agribashing-un-element-de-langage-endosse-par-les-pouvoirs-publics-pour-un

    Cinq ans après leur mise en place, les observatoires de l’agribashing, chargés d’évaluer, à l’échelle des départements, les « atteintes idéologiques » au monde agricole, ont eu une activité très limitée, voire nulle, selon des documents obtenus par l’ONG ARIA.

    • Quel a été le bilan de ces mesures ? Loin des discours qui ont légitimé, en 2019, l’ouverture de la chasse à l’agribashing, ce phénomène demeure cinq ans plus tard quasi introuvable. Tout en se situant au centre de propositions parlementaires visant à durcir la réponse pénale face aux actions des militants environnementalistes.

      [...]

      La préfecture de Vendée mentionne deux réunions, en janvier 2020 et en avril 2021, mais leurs comptes rendus ne signalent aucune #atteinte_idéologique. En janvier 2020, 198 délits commis sur des exploitations sont identifiés, dont 140 vols divers, un vol avec violence, 34 cambriolages, 23 actes de destructions. Aucune mention de liens avec l’activisme écologiste ou antispéciste. En avril 2021, le constat n’est guère différent, le seul délit pouvant relever d’une atteinte « idéologique » est une intrusion dans une exploitation porcine, mais le compte rendu de la réunion de l’observatoire ne précise pas les motivations du prévenu. Le dispositif mis en place ne semble pas avoir été d’une grande nécessité puisque ensuite, selon la préfecture de Vendée, « l’instance ne s’est pas réunie de 2022 à 2024 »

      De même, la préfecture de Seine-Maritime relève une unique réunion, le 17 janvier 2020, pour lancer l’observatoire. Le compte rendu de celle-ci signale « le phénomène d’attaques militantes antispécistes caractérisées par des intrusions suivies de tags et la diffusion des vidéos prises lors de ces forfaits sur les réseaux sociaux, notamment les élevages de porcs ». « Des incendies sont également à déplorer », est-il par ailleurs mentionné, sans plus de détails. « Les services de renseignement sont particulièrement attentifs à l’émergence de nouveaux groupes tels que L214, ajoute la note. Le sujet de la réglementation récente relative à l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires peut également nourrir le climat d’hostilité envers les pratiques des professions agricoles. » Les seuls éléments circonstanciés d’atteintes idéologiques sont, en novembre 2018, « des vidéos tournées lors d’intrusions (…) mises en ligne sur Internet par l’association Direct Action Averywhere [sic] ainsi que le réseau “L214” » et, en octobre 2019, « des tags à caractère antispécistes réalisés sur le mur d’une exploitation agricole à Sommery »..

      Le Monde [c’est-à-dire ici Stéphane Foucart, ndc] a contacté les #préfectures ayant fait l’objet de ces demandes d’accès aux documents, afin de recueillir leurs commentaires sur la teneur (ou l’absence) de ces documents relatifs aux observatoires de l’agribashing. Seules celles de Seine-Maritime et d’Ille-et-Vilaine ont répondu à nos sollicitations, le 25 novembre, assurant qu’elles apporteraient ultérieurement des réponses à nos questions, avant de ne plus donner suite. Les autres n’ont pas accusé réception. « A notre connaissance, seule la préfecture de la Vienne a communiqué sur le suivi des délits touchant les exploitations du département, qui compte près de 4 000 irrigants, dit de son côté Antoine Gatet, le président de France Nature Environnement (FNE). La préfecture a compté 133 plaintes en 2022 et 90 en 2023. »

      L’opacité sur les chiffres réels de l’agribashing ne se joue pas uniquement à l’échelon départemental. Le Monde a également sollicité la gendarmerie nationale à deux reprises, afin d’obtenir un bilan des actions menées par la cellule Demeter depuis sa création, en 2019 – nombre d’enquêtes, d’interpellations, de condamnations, etc. Aucune suite n’a été donnée à ces demandes.

      https://justpaste.it/7ybn3
      #Police #économie #FNSEA #Modèle_agricole #agriculture #Demeter #agribashing #écoterrorime #mégabassines #irrigants #pesticides #élevage_industriel #propriétaires #patrons #agriculteurs

    • Elections dans les chambres d’agriculture : début de la campagne le 7 janvier, report du scrutin à Mayotte
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/27/elections-dans-les-chambres-d-agriculture-debut-de-la-campagne-le-7-janvier-

      Alors que le secteur est en crise et que des tensions opposent les syndicats, les agriculteurs sont appelés à voter du 15 au 31 janvier, par correspondance ou voie électronique, pour élire leurs représentants professionnels.

      À suivre, sans illusion.