• #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • #François_Piquemal : « la #rénovation_urbaine se fait sans les habitants des #quartiers_populaires »

    Il y a 20 ans naissait l’#Agence_Nationale_pour_la_Rénovation_Urbaine (#ANRU). Créée pour centraliser toutes les procédures de #réhabilitation des quartiers urbains défavorisés, elle promettait de transformer en profondeur la vie des habitants, notamment en rénovant des centaines de milliers de logements. Malgré les milliards d’euros investis, les révoltes urbaines de l’été 2023 ont démontré combien les « #cités » restent frappées par la #précarité, le #chômage, l’#insécurité et le manque de #services_publics. Comment expliquer cet échec ?

    Pour le député insoumis #François_Piquemal, qui a visité une trentaine de quartiers en rénovation dans toute la #France, la #rénovation_urbaine est réalisée sans prendre en compte les demandes des habitants et avec une obsession pour les #démolitions, qui pose de grands problèmes écologiques et ne règle pas les problèmes sous-jacents. Il nous présente les conclusions de son rapport très complet sur la question et nous livre ses préconisations pour une autre politique de rénovation urbaine, autour d’une planification écologique et territoriale beaucoup plus forte. Entretien.

    Le Vent Se Lève – Vous avez sorti l’an dernier un rapport intitulé « Allo ANRU », qui résume un travail de plusieurs mois mené avec vos collègues députés insoumis, basé sur une trentaine de visites de quartiers populaires concernés par la rénovation urbaine dans toute la France. Pourquoi vous être intéressé à ce sujet ?

    François Piquemal – Il y a trois raisons pour moi de m’intéresser à la rénovation urbaine. D’abord, mon parcours politique débute avec un engagement dans l’association « Les Motivés » entre 2005 et 2008 à Toulouse, qui comptait des conseillers municipaux d’opposition (Toulouse est dirigée par la droite depuis 2001, à l’exception d’un mandat dominé par le PS entre 2008 et 2014, ndlr). C’est la période à laquelle l’ANRU est mise en place, suite aux annonces de Jean-Louis Borloo en 2003. Le hasard a fait que j’ai été désigné comme un des militants en charge des questions de logement, donc je me suis plongé dans le sujet.

    Par ailleurs, j’ai une formation d’historien-géographe et j’ai beaucoup étudié la rénovation urbaine lorsque j’ai passé ma licence de géographie. Enfin, j’étais aussi un militant de l’association Droit au Logement (DAL) et nous avions de grandes luttes nationales sur la question de la rénovation urbaine, notamment à Grenoble (quartier de la Villeneuve) et à Poissy (La Coudraie). A Toulouse, la contestation des plans de rénovation urbaine est également arrivée assez vite, dans les quartiers du Mirail et des Izards, et je m’y suis impliqué.

    Lorsque je suis devenu député en 2022, j’ai voulu poursuivre ces combats autour du logement. Et là, j’ai réalisé que l’ANRU allait avoir 20 ans d’existence et qu’il y avait très peu de travaux parlementaires sur le sujet. Bien sûr, il y a des livres, notamment ceux du sociologue Renaud Epstein, mais de manière générale, la rénovation urbaine est assez méconnue, alors même qu’elle est souvent critiquée, tant par des chercheurs que par les habitants des quartiers populaires. Donc j’ai décidé de m’emparer du sujet. J’en ai parlé à mes collègues insoumis et pratiquement tous ont des projets de rénovation urbaine dans leur circonscription. Certains connaissaient bien le sujet, comme Marianne Maximi à Clermont-Ferrand ou David Guiraud à Roubaix, mais la plupart avaient du mal à se positionner parmi les avis contradictoires qu’ils entendaient. Donc nous avons mené ce travail de manière collective.

    LVSL – Ce sujet est très peu abordé dans le débat public, alors même qu’il s’agit du plus grand chantier civil de France. Les chiffres sont impressionnants : sur 20 ans, ce sont 700 quartiers et 5 à 7 millions de personnes, soit un Français sur dix, qui sont concernés. 165.000 logements ont été détruits, 142.000 construits, 410.000 réhabilités et 385.000 « résidentialisés », c’est-à-dire dont l’espace public environnant a été profondément transformé. Pourtant, les révoltes urbaines de l’été dernier nous ont rappelé à quel point les problèmes des quartiers en question n’ont pas été résolus. On entend parfois que le problème vient avant tout d’un manque de financement de la part de l’Etat. Partagez-vous cette analyse ?

    F. P. – D’abord, les chiffres que vous venez de citer sont ceux du premier programme de l’ANRU, désormais terminé. Un second a été lancé depuis 2018, mais pour l’instant on dispose de peu de données sur celui-ci. Effectivement, lors de son lancement par Jean-Louis Borloo, la rénovation urbaine est présentée comme le plus grand chantier civil depuis le tunnel sous la Manche et les objectifs sont immenses : réduire le chômage et la précarité, renforcer l’accès aux services publics et aux commodités de la ville et combattre l’insécurité. On en est encore loin.

    Ensuite, qui finance la rénovation urbaine ? Quand on regarde dans le détail, on se rend compte que l’Etat est peu présent, comme le montre un documentaire de Blast. Ce sont les collectivités locales et les bailleurs sociaux qui investissent, en plus du « 1% patronal » versé par les entreprises. Concernant l’usage de ces moyens, on a des fourchettes de coût pour des démolitions ou des reconstructions, mais là encore les chiffres varient beaucoup.

    LVSL – Vous rappelez que les financements de l’Etat sont très faibles dans la rénovation urbaine. Pourtant, certains responsables politiques, comme Eric Zemmour, Jordan Bardella ou Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’Etat à la ville de Macron, estiment que trop d’argent a été investi dans ces quartiers…

    F. P. – C’est un discours que l’on entend souvent. Mais on ne met pas plus d’argent dans les quartiers populaires que dans d’autres types de territoires. Par exemple, on mentionne souvent le chiffre de 90 à 100 milliards d’euros en 40 ans, avec les douze plans banlieue qui se sont succédé depuis 1977. Dit comme ça, ça semble énorme. Mais en réalité, cela représente en moyenne 110€ par habitant et par an dans les quartiers de la politique de la ville (QPV), un chiffre inférieur aux montants dépensés pour les Français n’habitant pas en QPV. Néanmoins, nous manquons encore d’informations précises et j’ai posé une question au gouvernement pour avoir des chiffres plus détaillés.

    LVSL – Parmi les objectifs mis en avant par l’ANRU dans les opérations qu’elle conduit, on retrouve tout le temps le terme de « mixité sociale ». Il est vrai que ces quartiers se sont souvent ghettoïsés et accueillent des populations très touchées par la pauvreté, le chômage et l’insécurité. Pour parvenir à cette fameuse mixité, il semble que l’ANRU cherche à gentrifier ces quartiers en y faisant venir des couches moyennes. Quel regard portez-vous sur cette façon d’assurer la « mixité sociale » ?

    F. P. – D’abord, il faut questionner la notion même de mixité sociale. Ce concept, personne ne peut être contre. Mais chacun a une idée différente de comment y parvenir ! Pour la droite, la mixité sociale passe par le fait que les classes moyennes et populaires deviennent des petits propriétaires. Pour la gauche, c’est la loi SRU, c’est-à-dire l’obligation d’avoir 25% de logement public dans chaque commune, afin d’équilibrer la répartition sur le territoire national.

    Peu à peu, la gauche et la droite traditionnelles ont convergé, c’est ce que le philosophe italien Antonio Gramsci appelle le « transformisme ». En réalité, c’est surtout l’imaginaire de la droite s’est imposé : aujourd’hui, vivre en logement public n’est pas perçu comme souhaitable, à tort ou à raison. Ceux qui y vivent ou attendent un logement public ne voient cela que comme une étape dans leur parcours résidentiel, avant de devenir enfin petit propriétaire. Dès lors, habiter en logement public devient un stigmate de positionnement social et les quartiers où ce type de logement domine sont de moins en moins bien perçus.

    Concrètement, ça veut dire que dans un quartier avec 50 ou 60% de logement public, la politique mise en œuvre pour parvenir à la mixité sociale est de faire de l’accession à la propriété, pour faire venir d’autres populations. Ca part d’un présupposé empreint de mépris de classe : améliorer la vie des personnes appartenant aux classes populaires passerait par le fait qu’elles aient des voisins plus riches. Comme si cela allait forcément leur amener plus de services publics ou de revenus sur leur compte en banque.

    Quels résultats a cette politique sur le terrain ? Il a deux cas de figure. Soit, les acquéreurs sont soit des multi-propriétaires qui investissent et qui vont louer les appartements en question aux personnes qui étaient déjà là. C’est notamment ce que j’ai observé avec Clémence Guetté à Choisy-le-Roi. Soit, les nouveaux propriétaires sont d’anciens locataires du quartier, mais qui sont trop pauvres pour assumer les charges de copropriété et les immeubles se dégradent très vite. C’est un phénomène qu’on voit beaucoup à Montpellier par exemple. Dans les deux cas, c’est un échec car on reproduit les situations de précarité dans le quartier.

    Ensuite, il faut convaincre les personnes qui veulent devenir petits propriétaires de s’installer dans ces quartiers, qui font l’objet de beaucoup de clichés. Allez dire à un Parisien de la classe moyenne d’aller habiter à la Goutte d’Or (quartier populaire à l’est de Montmartre, ndlr), il ne va pas y aller ! C’est une impasse. Rendre le quartier attractif pour les couches moyennes demande un immense travail de transformation urbanistique et symbolique. Très souvent, la rénovation urbaine conduit à faire partir la moitié des habitants d’origine. Certes, sur le papier, on peut trouver 50% de gens qui veulent partir, mais encore faut-il qu’ils désirent aller ailleurs ! Or, on a souvent des attaches dans un quartier et les logements proposés ailleurs ne correspondent pas toujours aux besoins.

    Donc pour les faire quitter le quartier, la « solution » est en général de laisser celui-ci se dégrader jusqu’à ce que la vie des habitants soit suffisamment invivable pour qu’ils partent. Par exemple, vous réduisez le ramassage des déchets ou vous laissez les dealers prendre le contrôle des cages d’escaliers.

    LVSL – Mais cet abandon, c’est une politique délibérée des pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’ANRU ou de certaines mairies ? Ou c’est lié au fait que la commune n’a plus les moyens d’assurer tous les services ?

    F. P. – Dans certains quartiers de Toulouse, que je connais bien, je pense que cet abandon est un choix délibéré de la municipalité et de la métropole. Par exemple, dans le quartier des Izards, il y avait un grand immeuble de logement public, certes vieillissant, mais qui pouvait être rénové. Il a été décidé de le raser. Or, beaucoup d’habitants ne voulaient pas partir, notamment les personnes âgées. Dans le même temps, d’autres appartements étaient vides. Certains ont été squattés par des réfugiés syriens, avant que le bailleur ne décide de payer des agents de sécurité pour les expulser. Par contre, ces agents laissaient sciemment les dealers faire leur business dans le quartier !

    Dans d’autres cas, le bailleur décide tout simplement d’abandonner peu à peu un immeuble voué à la démolition. Donc ils vont supprimer un concierge, ne pas faire les rénovations courantes etc. Et on touche là à un grand paradoxe de la rénovation urbaine : en délaissant certains immeubles, on dégrade aussi l’image du quartier dans lequel on souhaite faire venir des personnes plus aisées.

    LVSL – Il semble aussi que la « mixité sociale » soit toujours entendue dans le même sens : on essaie de faire venir ces ménages plus aisés dans les quartiers défavorisés, mais les ghettos de riches ne semblent pas poser problème aux pouvoirs publics…

    F. P. – En effet, il y a une grande hypocrisie. Faire venir des habitants plus riches dans un quartier prioritaire, pourquoi pas ? Mais où vont aller ceux qui partent ? Idéalement, ils visent un quartier plus agréable, qui a une meilleure réputation. Sauf que beaucoup de maires choisissent de ne pas respecter la loi SRU et de maintenir une ségrégation sociale. Résultat : les bailleurs sociaux ne peuvent souvent proposer aux personnes à reloger que des appartements trop chers ou inadaptés à leurs besoins.

    Donc on les déplace dans d’autres endroits, qui deviennent de futurs QPV. A Toulouse par exemple, beaucoup des personnes délogées par les programmes de rénovation urbaine sont envoyées au quartier Borderouge, un nouveau quartier avec des loyers abordables. Sauf que les difficultés sociales de ces personnes n’ont pas été résolues. Donc cela revient juste à déplacer le problème.

    LVSL – Ces déplacements de population sont liés au fait que les programmes de rénovation urbaine ont un fort ratio de démolitions. Bien sûr, il y a des logements insalubres trop compliqués à rénover qu’il vaut mieux détruire, mais beaucoup de démolitions ne semblent pas nécessaires. Pensez-vous que l’ANRU a une obsession pour les démolitions ?

    F. P. – Oui. C’est très bien montré dans le film Bâtiment 5 de Ladj Ly, dont la première scène est une démolition d’immeubles devant les édiles de la ville et les habitants du quartier. Je pense que l’ANRU cherchait à l’origine un effet spectaculaire : en dynamitant un immeuble, on montre de manière forte que le quartier va changer. C’est un acte qui permet d’affirmer une volonté politique d’aller jusqu’au bout, de vraiment faire changer le quartier en reconstruisant tout.

    Mais deux choses ont été occultées par cet engouement autour des démolitions. D’abord, l’attachement des gens à leur lieu de vie. C’est quelque chose qu’on retrouve beaucoup dans le rap, par exemple chez PNL ou Koba LaD, dont le « bâtiment 7 » est devenu très célèbre. Ce lien affectif et humain à son habitat est souvent passé sous silence.

    L’autre aspect qui a été oublié, sans doute parce qu’on était en 2003 lorsque l’ANRU a été lancée, c’est le coût écologique de ces démolitions. Aujourd’hui, si un ministre annonçait autant de démolitions et de reconstructions, cela soulèverait beaucoup de débats. A Toulouse, le commissaire enquêteur a montré dans son rapport sur le Mirail à quel point démolir des immeubles fonctionnels, bien que nécessitant des rénovations, est une hérésie écologique. A Clermont-Ferrand, ma collègue Marianne Maximi nous a expliqué qu’une part des déchets issus des démolitions s’est retrouvée sur le plateau de Gergovie, où sont conduites des fouilles archéologiques.

    LVSL – Maintenant que les impacts de ces démolitions, tant pour les habitants que pour l’environnement, sont mieux connus, l’ANRU a-t-elle changé de doctrine ?

    F. P. – C’est son discours officiel, mais pour l’instant ça ne se vérifie pas toujours dans les actes. J’attends que les démolitions soient annulées pour certains dossiers emblématiques pour y croire. Le quartier de l’Alma à Roubaix est un très bon exemple : les bâtiments en brique sont fonctionnels et superbes d’un point de vue architectural. Certains ont même été refaits à neuf durant la dernière décennie, pourquoi les détruire ?

    Maintenir ces démolitions est d’autant plus absurde que ces quartiers sont plein de savoir-faire, notamment car beaucoup d’habitants bossent dans le secteur du BTP. Je le vois très bien au Mirail à Toulouse : dans le même périmètre, il y a l’école d’architecture, la fac de sciences sociales, plein d’employés du BTP, une école d’assistants sociaux et un gros vivier associatif. Pourquoi ne pas les réunir pour imaginer le futur du quartier ? La rénovation urbaine doit se faire avec les habitants, pas sans eux.

    LVSL – Vous consacrez justement une partie entière du rapport aux perceptions de la rénovation urbaine par les habitants et les associations locales, que vous avez rencontré. Sauf exception, ils ne se sentent pas du tout écoutés par les pouvoirs publics et l’ANRU. L’agence dit pourtant chercher à prendre en compte leurs avis…

    F. P. – Il y a eu plein de dispositifs, le dernier en date étant les conseils citoyens. Mais ils ne réunissent qu’une part infime de la population des quartiers. Parfois les membres sont tirés au sort, mais on ne sait pas comment. En fait le problème, c’est que l’ANRU est un peu l’Union européenne de l’urbanisme. Tout décideur politique peut dire « c’est pas moi, c’est l’ANRU ». Or, les gens ne connaissent pas l’agence, son fonctionnement etc. Plusieurs entités se renvoient la balle, tout est abstrait, et on ne sait plus vers qui se tourner. Cela crée une vraie déconnexion entre les habitants et les décisions prises pour leur quartier. La rénovation se fait sans les habitants et se fait de manière descendante. Même Jean-Louis Borloo qui en est à l’origine en est aujourd’hui assez critique.

    A l’origine, les habitants ne sont pas opposés à la rénovation de leur quartier. Mais quand on leur dit que la moitié vont devoir partir et qu’ils voient les conditions de relogement, c’est déjà moins sympa. Pour ceux qui restent, l’habitat change, mais les services publics sont toujours exsangues, la précarité et l’insécurité sont toujours là etc. Dans les rares cas où la rénovation se passe bien et le quartier s’améliore, elle peut même pousser les habitants historiques à partir car les loyers augmentent. Mais ça reste rare : la rénovation urbaine aboutit bien plus souvent à la stagnation qu’à la progression.

    LVSL – L’histoire de la rénovation urbaine est aussi celle des luttes locales contre les démolitions et pour des meilleures conditions de relogement. Cela a parfois pu aboutir à des référendums locaux, soutenus ou non par la mairie. Quel bilan tirez-vous de ces luttes ?

    F. P. – D’abord ce sont des luttes très difficiles. Il faut un niveau d’information très important et se battre contre plusieurs collectivités plus l’ANRU, qui vont tous se renvoyer la balle. Le premier réflexe des habitants, c’est la résignation. Ils se disent « à quoi bon ? » et ne savent pas par quel bout prendre le problème. En plus, ces luttes débutent souvent lorsqu’on arrive à une situation critique et que beaucoup d’habitants sont déjà partis, ce qui est un peu tard.

    Il y a tout de même des exemples de luttes victorieuses comme la Coudraie à Poissy ou, en partie, la Villeneuve à Grenoble. Même pour l’Alma de Roubaix ou le Mirail de Toulouse, il reste de l’espoir. Surtout, ces luttes ont montré les impasses et les absurdités de la rénovation urbaine. La bataille idéologique autour de l’ANRU a été gagnée : aujourd’hui, personne ne peut dire que cette façon de faire a fonctionné et que les problèmes de ces quartiers ont été résolus. Certains en tirent comme conclusion qu’il faut tout arrêter, d’autres qu’il faut réformer l’ANRU.

    LVSL – Comment l’agence a-t-elle reçu votre rapport ?

    F. P. – Pas très bien. Ils étaient notamment en désaccord avec certains chiffres que nous citons, mais on a justement besoin de meilleures informations. Au-delà de cette querelle, je sais qu’il y a des personnes bien intentionnées à l’ANRU et que certains se disent que l’existence de cette agence est déjà mieux que rien. Certes, mais il faut faire le bilan économique, écologique et humain de ces 20 ans et réformer l’agence.

    Jean-Louis Borloo est d’accord avec moi, il voit que la rénovation urbaine seule ne peut pas résoudre les problèmes de ces quartiers. Il l’avait notamment dit lors de l’appel de Grigny (ville la plus pauvre de France, ndlr) avec des maires de tous les horizons politiques. Je ne partage pas toutes les suggestions de Borloo, mais au moins la démarche est bonne. Mais ses propositions ont été enterrées par Macron dès 2018…

    LVSL – Justement, quelles répercussions votre rapport a-t-il eu dans le monde politique ? On en a très peu entendu parler, malgré les révoltes urbaines de l’été dernier…

    F. P. – Oui, le rapport Allo ANRU est sorti en avril 2023 et l’intérêt médiatique, qui reste limité, n’est arrivé qu’avec la mort de Nahel. Cela montre à quel point ce sujet est délaissé. Sur le plan politique, je souhaite mener une mission d’information pour boucler ce bilan de l’ANRU et pouvoir interroger d’autres personnes que nous n’avons pas pu rencontrer dans le cadre de ce rapport. Je pense à des associations, des collectifs d’habitants, des chercheurs, des élus locaux, Jean-Louis Borloo…

    Tous ces regards sont complémentaires. Par exemple, l’avis d’Eric Piolle, le maire de Grenoble, était intéressant car il exprimait la position délicate d’une municipalité prise entre le marteau et l’enclume (les habitants de la Villeneuve s’opposent aux démolitions, tandis que l’ANRU veut les poursuivre, ndlr). Une fois le constat terminé, il faudra définir une nouvelle politique de rénovation urbaine pour les deux prochaines décennies.

    LVSL – Concrètement, quelles politiques faudrait-il mettre en place ?

    F. P. – Des mesures isolées, comme l’encadrement à la baisse des loyers (réclamé par la France Insoumise, ndlr), peuvent être positives, mais ne suffiront pas. A minima, il faut être intraitable sur l’application de la loi SRU, pour faire respecter partout le seuil de 25% de logement public. On pourrait aussi réfléchir à imposer ce seuil par quartier, pour éviter que ces logements soient tous concentrés dans un ou deux quartiers d’une même ville.

    Ensuite, il faut changer la perception du logement public, c’est d’ailleurs pour cela que je préfère ce terme à celui de « logement social ». 80% des Français y sont éligibles, pourquoi seuls les plus pauvres devraient-ils y loger ? Je comprends bien sûr le souhait d’être petit propriétaire, mais il faut que le logement public soit tout aussi désirable. C’est un choix politique : le logement public peut être en pointe, notamment sur la transition écologique. Je prends souvent l’exemple de Vienne, en Autriche, où il y a 60% de logement public et qui est reconnue comme une ville où il fait bon vivre.

    Pour y parvenir, il faudra construire plus de #logements_publics, mais avec une #planification à grande échelle, comme l’avait fait le général de Gaulle en créant la DATAR en 1963. Mais cette fois-ci, cette planification doit être centrée sur des objectifs écologiques, ce qui implique notamment d’organiser la #démétropolisation. Il faut déconcentrer la population, les emplois et les services des grands centres urbains, qui sont saturés et vulnérables au changement climatique. Il s’agit de redévelopper des villes comme Albi, Lodève, Maubeuge… en leur donnant des fonctions industrielles ou économiques, pour rééquilibrer le territoire. C’est ambitieux, quasi-soviétique diront certains, mais nous sommes parvenus à le faire dans le passé.

    https://lvsl.fr/francois-piquemal-la-renovation-urbaine-se-fait-sans-les-habitants-des-quartier

    #quartiers_populaires #urbanisme #TRUST #Master_TRUST #logement #aménagement_territorial #écologie

  • « Le #président_sénégalais a donné des permis de tuer à ses #forces_de_sécurité » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/120224/le-president-senegalais-donne-des-permis-de-tuer-ses-forces-de-securite?us
    #Macky_Sall

    #Guy_Marius_Sagna est l’une des principales figures de la contestation du pouvoir sénégalais, d’autant que le leader reconnu de l’opposition, Ousmane Sonko, comme le candidat qu’il avait adoubé pour la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye, sont toujours en #prison.

    Député du parti fondé en 2014 par Ousmane Sonko et officiellement dissous, le Pastef (les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), Guy Marius Sagna est également le fondateur du Frapp, le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine, dont le slogan « France dégage » résonne fortement dans toute une partie de l’#Afrique_de_l’Ouest. Pour #Mediapart, il revient sur la mobilisation en cours, les intérêts en jeu et les stratégies en vue.

  • Salut le dessin de presse !
    http://anarlivres.free.fr/pages/nouveau.html#caricature

    Historien et dessinateur, Guillaume Doizy, auteur de plusieurs ouvrages sur la caricature, le dessin de presse et l’image, a fondé le site https://www.caricaturesetcaricature.com en 2006 pour traiter l’actualité de cet art de la « charge » et de l’« outrance d’une vérité » (exposition, étude, portrait de dessinateurs…). Il propose aussi des expos itinérantes à louer ou à imprimer que l’on peut visionner. Citons, entre autres, « 1789-1905, la séparation des Eglises et de l’Etat », « 1871, la Commune », « Louise Michel, femme révoltée », « Les femmes dans la Grande Guerre », « La Chanson de Craonne, la Grande Guerre autrement », « La paix et ses symboles », « Gays et lesbiennes à la Belle Epoque ». Plus récemment, il a mis en ligne des podcasts de quelques minutes pour faire connaître des thèmes du dessin de presse.
    Présentation.
    Et une sélection « bouffe curés » :
    « 4. Le dessin de presse et l’Eglise catholique »
    « 5. De la caricature anticléricale à la farce biblique »

    #dessin #presse #libertaire #caricature #anticléricalisme

  • Jordan Bardella, les dessous d’une « politique TikTok »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/10/jordan-bardella-les-dessous-d-une-politique-tik-tok_6215810_823448.html

    Le président du Rassemblement national cultive sa « marque » à coups de discours flous. Dépassant largement en popularité Marine Le Pen, il commence à s’en émanciper, sous le regard bienveillant de Vincent #Bolloré.
    Par Clément Guillou et Corentin Lesueur

    Difficile de s’imaginer dans une réunion politique. Le tube Bande organisée résonne au Duplex, célèbre boîte de nuit parisienne, pour accompagner l’arrivée de la star du soir, ce samedi 27 janvier, vers 23 heures. Un costume sombre fend une nuée de téléphones tournés vers lui. L’ambiance est festive, rythmée par les textes subversifs des rappeurs marseillais, aux antipodes des valeurs que l’invité principal entend incarner. Des centaines de jeunes endimanchés scandent « Jordan, Jordan ! », rient lorsqu’un amuseur rêve tout haut de « Jordan 2027 » : nous sommes bien au lancement de l’écurie personnelle du président du Rassemblement national (#RN), Les Jeunes avec #Bardella.
    Cela n’est pas qu’une soirée en discothèque. Il faut se figurer la valeur symbolique d’un tel événement dans un mouvement qui entretient le culte du chef et n’a jamais sanctifié qu’un seul nom, celui de Le Pen. Mais Jordan Bardella est porté par un courant puissant : l’opinion. En témoigne son entrée dans le traditionnel baromètre des 50 personnalités préférées des Français, produit par l’IFOP pour Le Journal du dimanche, publié le 2 janvier, où il est le seul homme politique présent. Il s’y classe en 30e position, alors que Marine Le Pen n’y a jamais figuré. Au panthéon du consensus et du conservatisme, dans un palmarès très masculin, se hisse un homme de 28 ans imprégné des idées de la #nouvelle_droite, un courant racialiste de l’#extrême_droite, mais que les Français peinent encore à cerner. Aux yeux d’une majorité d’entre eux, il est encore ce jeune costumé et bien peigné qui s’inscrit dans le sillage de Marine Le Pen (...)
    Un positionnement flou recherché par la tête de liste du RN pour les élections européennes de juin.

    [...]

    Il y a plus concret que les sondages : la justice, avec le procès à venir concernant l’affaire des assistants parlementaires du parti au Parlement européen, où Marine Le Pen risque une peine d’inéligibilité et dans lequel Jordan Bardella n’est pas inquiété, bien que son nom figure au dossier.

    [...]

    Le président du RN ressemble à un produit à la mode. Du premier slogan de sa campagne des européennes, qui ne dit rien sinon une date (« Vivement le 9 juin ! »), le député du Gard Pierre Meurin dit qu’il vise à susciter l’attente d’un événement, « comme la sortie du dernier iPhone ». « Sa personnalité, ce qu’il incarne, fait appel aux mêmes réflexes de consommation. » « Il est devenu une marque, renchérit le sénateur lepéniste Aymeric Durox. Un visage connu dans une époque dépolitisée, une époque du selfie. » En Seine-et-Marne où il est élu, ce dernier dit rencontrer des élus de #droite qui n’attendent plus que la prise du pouvoir du jeune homme pour basculer. Le sénateur se dit que « pour avoir toutes les chances de gagner, il faudrait que Jordan puisse faire le débat d’entre-deux-tours à la place de Marine ».

    https://justpaste.it/fw0sn

    #Hanouna #identitaire

    • « On aurait plus de chances avec Bardella » : les doutes des militants du RN sur Marine Le Pen

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/11/on-aurait-plus-de-chances-avec-bardella-les-doutes-des-militants-du-rn-sur-m

      De nombreux membres du parti lepéniste jugent le jeune président du RN mieux placé pour s’imposer lors de la prochaine élection présidentielle, convaincus que Marine Le Pen payera in fine son nom et ses échecs passés.
      Par Clément Guillou et Corentin Lesueur

      En monarchiste convaincue, Geneviève Salvisberg n’a rien contre les dynasties. Mais cette adhérente historique du Rassemblement national (RN), passée par l’Action française dans sa jeunesse, est prête à faire exception avec la famille qui règne depuis un demi-siècle sur son parti. « Marine Le Pen est toujours très appréciée, mais Jordan Bardella est tout simplement extraordinaire, beau gosse et tellement brillant, loue la septuagénaire, suppléante du député de l’Aude Julien Rancoule. Il est assez intelligent pour attendre son tour. Mais pourquoi ne pas le lancer dès 2027 ? »

      Laisser Jordan Bardella représenter l’ex-Front national dès la prochaine #présidentielle à la place de Marine Le Pen ? Beaucoup d’adhérents l’envisagent à trois ans du scrutin roi de la vie politique nationale. Durant le mois de janvier, Le Monde est parti à la rencontre des militants lepénistes lors des cérémonies de vœux de certains députés. A la question d’une éventuelle victoire en 2027, une majorité d’entre eux considérait que le jeune homme offrirait davantage de chances que la triple candidate. Dans un parti aux réflexes légitimistes, et alors que Marine Le Pen a annoncé vouloir représenter le parti dans trois ans, ce fond de l’air bardelliste dans la base militante n’est pas anodin.
      La fille de Jean-Marie Le Pen reste unanimement saluée pour sa résilience et le travail de dédiabolisation du parti. Le « ticket » proposé, avec Jordan Bardella présenté en premier ministre putatif, séduit. Mais les militants n’échappent pas à la dynamique qui, depuis plusieurs mois, porte leur jeune président, bien au-delà des rangs du mouvement d’extrême droite. « Beau », « trop fort à la télé », « il présente et s’exprime bien », « sens de la répartie ».
      Les atouts brandis par les défenseurs de Jordan Bardella se rapportent presque uniquement à ses passages télévisés et à son image « lisse ». Un profil « rassurant » pour rallier à leur cause des électeurs hésitant encore à assumer un vote radical. « Pour les frileux, c’est bien… On sera au pouvoir un jour, mais jamais avec un Le Pen », tranche Gérard Aubenas, électeur lepéniste depuis 1981 et retraité dans la région de Cavaillon (Vaucluse).

      Des punchlines sur les plateaux télé
      Le bardellisme existe jusque dans le bassin minier du Pas-de-Calais, le fief de Marine Le Pen. « Son discours, quand elle était présidente du parti, m’a convaincue. Mais c’est quand Bardella est arrivé que j’ai complètement adhéré », raconte Tatiana Focqueur, 27 ans, qui a troqué sa carte Les Républicains contre celle du RN. « Bardella fait le travail pour enlever cette étiquette de racisme », se réjouit son mari, Sébastien, 47 ans. Qui, lui, se moque bien des étiquettes : il dirige le Black Shadow North, un club de motards associé au Gremium MC, de l’ancien chef du groupe parisien de skinheads #néonazis, Serge Ayoub. Avant de tracter pour le RN, il s’affichait avec cette figure du milieu en 2021, comme l’a documenté le site d’information StreetPress.

      Si certains élus tancent Jordan Bardella pour son absence de ligne idéologique, nombre de militants y voient une force. Une #stratégie, même, pour dissimuler les fondamentaux du RN sous une communication se résumant à quelques #punchlines répétées sur tous les plateaux et relayées sur les réseaux sociaux. « Un homme politique n’a pas à rabâcher ce qu’il pense : on sait très bien ce que défend Jordan puisqu’il représente le parti et son histoire, explique Nathalie, 59 ans, en Seine-et-Marne. Il est jeune, parle bien et dispose d’une bonne gueule : exactement comme Macron en 2017. A l’époque, beaucoup ont voté pour lui sans trop savoir ce qu’il pensait. »

      Se libérer du patronyme Le Pen
      Chez les plus jeunes adhérents frontistes, séduits par ses vidéos sur TikTok ou sa présence sur le plateau de Cyril Hanouna, Jordan Bardella est décrit en figure tutélaire. « Son physique nous influence sans qu’on s’en rende compte, c’est inconscient », avoue Loly Lucas, 19 ans. « J’adhère aux idées de Marine Le Pen mais il y a toujours cette peur vis-à-vis de sa famille, alors que Bardella n’a pas de passé politique », distingue l’étudiante de Montpellier. Alimenté par la malédiction qui collerait à la lignée des Le Pen, l’enthousiasme pour le natif de Drancy (Seine-Saint-Denis) transcende désormais les générations.

      Parmi ceux qui cotisaient déjà sous « Jean-Marie », beaucoup n’y croient plus après trois premiers échecs de sa fille à la présidentielle. « Le nom lui colle toujours à la peau. Macron veut continuer à dire “Front national”, et on comprend pourquoi… », déplore Dominique Caplin, retraité d’un établissement public de gestion de l’eau et néoadhérent gardois. Au-delà du patronyme, d’autres considèrent que Marine Le Pen a péché, lors de ses tentatives infructueuses, dans les domaines qui font justement la réputation de son cadet.
      « On aurait plus de chances avec Bardella. Marine est plus énervée et agressive, elle n’a pas le même sang-froid, tranche Frédéric, un policier de 56 ans. A chaque débat d’entre-deux-tours, elle est mauvaise. » Et, lorsque vient la question de la jeunesse de Jordan Bardella, la réponse est toujours la même : « Et notre nouveau premier ministre, il a quel âge ? »

      Aux vœux de Jordan Bardella, l’ombre de la « #GUD connexion »
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/15/aux-v-ux-de-jordan-bardella-l-ombre-de-la-gud-connexion_6210954_823448.html

      Le président du Rassemblement national a dû s’expliquer lundi sur le maintien de relations d’affaires avec Frédéric Chatillon, ancien patron du Groupe union défense, une organisation étudiante d’extrême droite connue pour son radicalisme et sa violence.

      https://justpaste.it/cnu61

      Le reportage consacré au jeune président du RN sera bien diffusé, même si le parti a déclaré avoir missionné des huissiers pour empêcher la diffusion d’un extrait relatif au compte Twitter anonyme, raciste et homophobe, qu’aurait utilisé Jordan Bardella.

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/18/complement-d-enquete-sur-jordan-bardella-france-televisions-maintient-sa-ver

    • Jordan Bardella tente de séduire la droite pour « élargir » la base électorale du Rassemblement national, Clément Guillou
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/16/jordan-bardella-tente-de-seduire-la-droite-pour-elargir-la-base-electorale-d

      Alors que Marine Le Pen cible en priorité les classes populaires, le président du parti d’extrême droite s’efforce de séduire les classes moyennes supérieures et les retraités. Une répartition des rôles plus assumée entre eux. Publié le 16 septembre 2023.

      « Il a fait une campagne à l’américaine exemplaire. C’est même un modèle qu’on pourra étudier plus tard à Sciences Po. » Ainsi parlait, en 2007, Jean-Marie Le Pen au sujet de Nicolas Sarkozy, après s’être fait siphonner ses électeurs au premier tour de l’élection présidentielle. Sa fille Marine, directrice de campagne, ne partageait pas son enthousiasme vis-à-vis du personnage, qu’elle « trouvait faux », se souvient l’un des acteurs de la présidentielle 2007 au Front national. L’ancien chef de l’Etat, qui, entre deux actualités judiciaires, distribue les bons et mauvais points à l’occasion de la parution du deuxième tome de ses mémoires (Le Temps des combats, Fayard, 592 pages, 28 euros), est aussi de retour dans les discussions au sein du parti à la flamme.
      Cet été, le député Rassemblement national (RN) du Nord Sébastien Chenu s’est rafraîchi la mémoire en revisionnant La Conquête, le film de Xavier Durringer (2011) retraçant, dit-il, « la meilleure campagne de ces quinze dernières années, [qui] n’était pas une union des droites mais une capacité rare à faire sauter les clivages sociologiques ». Dans une vidéo tournée à l’occasion de la rentrée scolaire, Jordan Bardella laisse traîner, en évidence sur son bureau, le dernier opus sarkozyste.
      Le pavé est au même endroit quelques jours plus tard, quand les caméras de France 3 l’interrogent : « J’avais déjà lu Le Temps des tempêtes [L’Observatoire, 2020] », leur signale le président du mouvement d’extrême droite, qui doit lancer sa campagne pour les élections européennes de juin 2024, samedi 16 septembre, lors des universités d’été du RN, à Beaucaire (Gard).

      Le sillon sarkozyste
      Jordan Bardella avait 11 ans durant la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy. De son propre aveu, son intérêt pour la politique n’était pas tel qu’il puisse en garder un souvenir net. « J’ai admiré le personnage, disait-il toutefois au Monde en février. Il avait la capacité de tout changer, réunissait les classes moyennes, l’ouvrier d’Aubervilliers et le cadre sup de Versailles. Je pense que c’est la clé du pouvoir et qu’on est sur ce chemin-là. Parler, au-delà de la France des oubliés, à la France qui se lève tôt » – un label sarkozyste.

      En ce début de campagne des élections européennes, celui qui sera la tête de liste du RN tente d’emprunter le sillon sarkozyste. M. Bardella encourage ses troupes à « recréer l’UMP [Union pour un mouvement populaire, devenue Les Républicains, LR] », rapporte Le Figaro. Le RN n’a pas l’armée de militants, de cadres locaux et politiques chevronnés qu’avait la formation de droite, lors de l’accession de M. Sarkozy au pouvoir. Mais rien ne l’empêche d’en adopter certains accents.
      Auprès d’un parti qui veut désormais renforcer son implantation chez les classes moyennes supérieures et les #retraités, le candidat Sarkozy exerce une forte attraction, bien que son action à l’Elysée demeure largement rejetée. Dans la bouche de quelques-uns des néodéputés de la vague élue en juin 2022, on entend les comparaisons avec le Rassemblement pour la République (RPR) d’antan, tentative d’extraire le RN du champ des extrêmes auquel son programme fondé sur la préférence nationale et le rejet de l’Union européenne le ramène inexorablement. Le député des Bouches-du-Rhône Franck Allisio, ancien de l’UMP, n’a-t-il pas récupéré la marque RPR pour fonder un mouvement local d’« union des droites » ?

      Dans le duo Marine Le Pen-Jordan Bardella, au sein duquel le rapport hiérarchique est de moins en moins affirmé, c’est au cadet de 28 ans que revient l’incarnation de la jambe la plus droitière ; à Marine Le Pen revient celle d’un national-populisme qui s’adresse à une partie des #classes_populaires. Depuis les violences urbaines du mois de juillet, la double finaliste de l’élection présidentielle a acté le principe d’une répartition des rôles encore plus assumée qu’elle ne l’était. Cela vaut pour la différence de stratégie médiatique – à elle la rareté, à lui l’omniprésence – comme politique – à elle la figure protectrice, à lui celle d’autorité. « Elle considère qu’il touche des gens différents et que c’est à exploiter », explique-t-on dans le premier cercle de Marine Le Pen.

      Clins d’œil à l’électorat de gauche
      La cheffe de file de l’extrême droite a laissé Jordan Bardella bénéficier de l’exposition offerte par Emmanuel Macron, qui l’a convié personnellement, par téléphone, aux « rencontres de Saint-Denis » (Seine-Saint-Denis), le 30 août. A l’issue, les proches du chef de l’Etat ont distillé des propos flatteurs à son endroit, louant son attitude générale et sa préparation – qu’importe qu’il ait, dans sa lettre de propositions au locataire de l’Elysée, confondu défiscalisation et exonération de cotisations patronales. Les mots du camp présidentiel visent à piquer la jalousie de Marine Le Pen, qui ne montre pour l’heure aucun signe d’agacement. Elle a même validé la publication d’une tribune de M. Bardella sur la présence française en Afrique, le 31 août, dans Valeurs actuelles ; elle qui considère pourtant l’international comme son domaine réservé.
      Omniprésent en cette rentrée politique, le jeune homme tente de s’ancrer à droite, même s’il conserve sa matrice populiste qu’il reprend dans Le Figaro, en dépeignant M. Macron comme « politiquement de nulle part ». « Mérite », « autorité », « charges », « taxes »… Celui qui incarne la marque identitaire et sécuritaire du RN s’efforce désormais de reprendre les mots traditionnels du parti Les Républicains. Interrogé sur RTL, le 12 septembre, il aborde ainsi la question des salaires : « Il faut permettre un petit coup de pouce salarial, ce que beaucoup de chefs d’entreprise ne peuvent pas faire compte tenu du niveau de charges délirant dans notre pays. » En février, il avait déjà lancé, depuis un château de la Sarthe, une campagne de communication baptisée « Où passe notre argent ? », dépeignant une France « championne d’Europe des impôts et des taxes ».

      Ce discours est compensé par quelques clins d’œil à l’électorat de gauche, comme la taxation des superprofits énergétiques, la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité et l’opposition à la réforme des retraites. Mais tout va comme si le parti avait acté que sa marge de progression se situe à la droite de l’échiquier politique, et non plus chez les abstentionnistes ou dans la gauche souverainiste, dite « patriote ».
      « Il faut maintenir et élargir notre nouvelle base sociologique née des législatives. Il n’y a plus, dans notre électorat, cet aspect “déclassés” contre “élites”, souligne Pierre-Romain Thionnet, le bras droit de Jordan Bardella. Il ne faut pas laisser dire qu’on est socialistes. » C’est particulièrement vrai à l’aube d’un scrutin européen, en juin 2024, où l’#abstention_différenciée (l’écart de participation entre différents électorats) devrait jouer contre le RN, les classes populaires s’exprimant traditionnellement peu dans ces élections. « Ceux qui aujourd’hui s’intéressent aux européennes sont très politisés et plutôt à droite ; c’est le lectorat du Figaro. Parler aux classes populaires de cette élection en septembre, c’est parler à des gens qui ont bien d’autres préoccupations », explique Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale.

      Apprécié par les électeurs d’Eric Zemmour
      Le RN avait déjà revu à la baisse ses ambitions sociales dans son programme présidentiel de 2022, et envoyé plusieurs signaux favorables aux employeurs au long de la première année de la législature. Une évolution peu visible dans son discours, focalisé sur le pouvoir d’achat et l’immigration, et le magma des débats parlementaires.
      Jordan Bardella se positionne pour être celui qui incarne ce RN plus « droitard », un mot que Marine Le Pen prononce avec un dégoût non dissimulé. Dans les enquêtes d’opinion, il est, bien plus qu’elle, très apprécié par les électeurs de droite et d’Eric Zemmour. « Si Jordan n’était que Marine avec les cheveux courts, cela n’aurait que peu d’intérêt », estime Sébastien Chenu, lui-même issu de l’UMP. « Jordan a son espace et doit aller le prendre. L’intérêt est qu’il puisse continuer à élargir notre base électorale. Il nous faut des profils et des sensibilités différents. C’est un de nos défis », reconnaît-il.
      Sauf que, dans le même temps, le président du RN ouvre aussi les bras à Reconquête !, faisant mine de croire à une union de leurs forces pour le scrutin du 9 juin 2024, malgré les supposées différences de nature entre deux visions économiques et sociétales. Et alors même que Marine Le Pen a toujours refusé de se laisser tenter par l’arlésienne de l’« union des droites ».

      Le risque de ces multiples manœuvres est d’écailler franchement le vernis « ni droite ni gauche » que la dirigeante d’extrême droite, à la suite de son père, a patiemment apposé sur le parti à la flamme. Et de se perdre dans la tactique électorale. Alors que l’option « ni droite ni gauche » fut une clé de l’explosion des scores lepénistes après la scission avec Bruno Mégret, en 1999.

      #stratégie_électorale

  • Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

  • #Espace_Schengen : l’Union européenne trouve un #accord pour clarifier le cadre des contrôles aux frontières

    Depuis 2015, de nombreux pays ont réintroduit dans l’espace de libre circulation européen des contrôles d’identité à leurs frontières, invoquant la #pression_migratoire ou la #menace_terroriste.

    Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil (Etats membres) ont trouvé un accord, mardi 6 février, sur une réforme du #code_Schengen destinée à clarifier et renforcer le cadre prévu pour la réintroduction et la prolongation des contrôles aux frontières intérieures de cet espace de libre circulation.

    Au sein de l’espace Schengen, qui regroupe 27 pays − dont 23 Etats membres de l’Union européenne (UE) plus l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse −, plus de 400 millions de personnes peuvent en principe circuler sans être soumises à des contrôles. Mais depuis 2015, invoquant la pression migratoire ou la menace terroriste − voire les deux −, de nombreux pays ont réintroduit des contrôles d’identité à leurs frontières. Ils sont actuellement plus de la moitié à le faire. L’espace Schengen a aussi été fragmenté par des restrictions de circulation décidées par les Etats membres pendant la pandémie de Covid-19.

    Or, ces contrôles sont autorisés par le code Schengen à titre exceptionnel, en cas de #menace_grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un Etat, mais de manière 3provisoire. Et la Cour de justice de l’UE a rappelé en avril 2022 qu’ils ne devaient pas excéder six mois. En décembre 2021, la Commission européenne a proposé une révision du code Schengen pour tenter de mettre de l’ordre et tirer les leçons de la crise du Covid-19.

    Libre circulation et sécurité

    Selon l’accord trouvé mardi soir, qui devra encore être approuvé formellement par le Parlement européen et le Conseil, en cas de menace grave à sa sécurité, un Etat peut autoriser des contrôles à ses frontières, pour une durée maximale de deux ans, avec une prolongation possible d’un an. Ces Etats devront évaluer la nécessité et la proportionnalité de ces contrôles et déterminer si les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints par des mesures alternatives.

    Aux frontières extérieures, la réforme prévoit en cas d’urgence sanitaire de grande ampleur d’harmoniser les règles d’entrée dans l’UE en provenance de pays tiers − les éventuelles mises en quarantaine ou tests notamment. Les citoyens et résidents de l’UE seraient exemptés de telles restrictions d’entrée. Elle prévoit aussi des réponses aux tentatives d’Etat tiers d’« instrumentaliser » les migrants dans le but de déstabiliser un pays de l’UE − comme la Biélorussie et la Russie ont été accusées de le faire −, notamment en limitant les points de passage.

    « La #libre_circulation dans nos frontières intérieures et la sécurité de nos frontières extérieures sont les deux pierres angulaires de l’espace Schengen. L’accord conclu aujourd’hui (…) clarifiera et renforcera ces deux piliers », a commenté la ministre de l’intérieur belge, Annelies Verlinden, dont le pays assure la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.

    L’eurodéputée française Sylvie Guillaume (membre du groupe Alliance progressiste des socialistes & démocrates) s’est déclarée « satisfaite ». « Avec cet accord, nous avons protégé la libre circulation des personnes tout en répondant aux défis auxquels l’espace Schengen a été confronté au cours des dix dernières années », a-t-elle insisté.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/07/espace-schengen-l-union-europeenne-parvient-a-un-accord-pour-clarifier-le-ca

    #frontières_intérieures #frontières_internes #frontières #Schengen #contrôles_systématiques_aux_frontières #EU #UE #Union_européenne #migrations #asile #réfugiés #exception

    • Border controls: EU updates Schengen rules despite racial profiling concerns

      The Schengen Border Code will be updated as the Belgian Presidency of the Council of the EU and negotiators from the European Parliament have reached a provisional agreement on the adjustment of the border rules, announced Interior Minister Annelies Verlinden (CD&V).

      The update clarifies the rules on (re)introducing border controls between the 27 European countries who are part of the Schengen area, and ensures that they remain “a last resort,” Verlinden’s office said in a press release.

      “Smooth movement across our internal borders and the security of our external borders are the two cornerstones of the Schengen area,” she said. “This agreement on the revision of the Schengen Borders Code will clarify and strengthen these two pillars.”

      The Schengen Borders Code provides for the absence of internal border controls in the Schengen area, which in principle allows over 420 million people to travel freely between the Member States. From 31 March 2024, Bulgaria and Romania will also become part of the area.

      Introducing border controls

      In recent years, discussions about updating the border rules of the area flared up several times, as a result of the debate around migration but also due to travel restrictions during the Covid-19 pandemic.

      The amended Schengen Borders Code will provide Member States with new opportunities to effectively manage the EU’s external borders in a situation where migrants are used for political gain. “This includes limiting the number of border crossing points or shortening their opening hours.”

      In practice, this means that the deal would allow internal checks and increased policing in situations of so-called “instrumentalisation of migration,” which is when a Member State claims that a non-EU country or ’hostile non-state actor’ is pushing migrants towards external EU borders for political reasons.

      “This is an extremely problematic concept, whose codification into EU law would introduce broad derogations to fundamental rights, including the right to asylum and freedom of movement,” said PICUM, a Brussels-based network of over 160 NGOs working to advance the rights of undocumented people. They added that the new deal would de facto legitimise racial profiling in border checks.

      While the reform of the Schengen Borders Code aims to reduce the amount of temporary generalised internal EU border checks, PICUM stressed that it would escalate checks on specific groups of people. The deal would allow police authorities in joint patrols to carry out “random” document checks near internal EU borders, under the guise of apprehending people without valid travel or residence documents.

      Research has already shown that police tend to stop people for checks based on racial, ethnic, or religious characteristics. It is clear that these checks will depend on the police’s decisions about who “looks like” a person without valid papers, the network said.

      “This agreement embraces a very harmful narrative which assumes that people crossing borders without valid documents are a threat to the EU and proposes to address it by increasing policing, while de facto encouraging racial profiling,” said Silvia Carta, Advocacy Officer at PICUM.

      Internal pushbacks, no safeguards

      The new code also introduces “alternative measures” to counter unauthorised movements of third-country nationals staying in the Schengen area. If they are apprehended in the border area, a new procedure will allow Member States to return them to the Member State from which they arrived directly. The arrest must take place in the context of a bilateral partnership, the deal states.

      However, PICUM stressed that this would legalise the violent practice of “internal pushbacks,” which consists of apprehending and detaining people caught without a valid document near an internal border, and transferring them to the Member State the police think the person came from without conducting an individual assessment.

      It is still unclear which “safeguards” have been introduced to protect children, who are not explicitly excluded from such transfer procedures.

      The deal would most likely also escalate the use of monitoring and surveillance technologies that do not apply relevant safeguards and would be at odds with existing EU data protection legislation and fundamental rights.

      If there is a serious threat to public order or internal security, the deal will also allow Member States to exceptionally (re)introduce border controls. However, this will only be possible after assessing “the necessity and proportionality” of this reintroduction, and ensuring that other measures are not sufficient.

      Controls will be able to be introduced immediately if threats to public order or security are unpredictable. In that case, the Commission, Member States and the European Parliament are required to be informed at the same time. “These controls may then be reintroduced for a period of up to one month and extended for up to three months.”

      Internal border controls for foreseeable threats – which have been communicated to the Commission, other Member States and the European Parliament before being reintroduced – can remain in force for a maximum of six months. They can be extended for a renewable period of up to six months, with a maximum duration of two years.

      In serious exceptional situations relating to a persistent threat, internal border controls may be extended after two years for a maximum of six more months, which may then be extended once more (total duration of one year).

      Another health crisis

      In the event of another large-scale public health emergency, the Council can decide to authorise temporary travel restrictions at the EU’s external border. The decision may also include health-related travel restrictions, such as testing, quarantine and self-isolation. During the Covid-19 pandemic, the EU could only make non-binding recommendations to Member States.

      Certain categories of people – those enjoying the right of free movement, long-term residents and people enjoying international protection – will be exempted from the entry restrictions.

      Now, this provisional agreement will be submitted to the representatives of the Member States in the Council for confirmation. After that, it must still be formally adopted by both institutions.

      https://www.brusselstimes.com/eu-affairs/914176/reintroducing-border-controls-eu-agrees-on-schengen-code-update

      #profilage_racial #instrumentalisation_de_la_migration #contrôles_au_faciès #refoulements #refoulements_internes #push-backs

    • Schengen : le Conseil et le Parlement européen conviennent d’une révision du code frontières de l’UE

      La présidence belge du Conseil de l’UE et les négociateurs du Parlement européen sont parvenus aujourd’hui à un accord provisoire sur la modification du droit de l’UE qui fixe les règles de fonctionnement de l’espace Schengen aux frontières extérieures et intérieures. Les modifications convenues, qui devront être approuvées et adoptées formellement par les deux institutions, renforceront la coordination de l’UE et amélioreront les outils dont disposent les États membres pour faire face aux difficultés rencontrées aux frontières de l’UE.

      « Le franchissement sans entrave de nos frontières intérieures et la sécurité de nos frontières extérieures sont les deux pierres angulaires de l’espace Schengen. L’accord intervenu aujourd’hui en vue de la révision du code frontières Schengen clarifiera et renforcera ces deux piliers. » (Annelies Verlinden, ministre de l’intérieur, des réformes institutionnelles et du renouveau démocratique de la Belgique)

      La mise à jour clarifie en particulier les règles relatives au rétablissement des contrôles aux frontières en veillant à ce qu’ils restent une mesure de dernier recours, propose des solutions pour les situations dans lesquelles les migrants sont instrumentalisés et permet d’introduire des mesures communes pour harmoniser les restrictions de déplacement en cas d’urgence de santé publique.
      Lutte contre l’instrumentalisation des flux migratoires

      Le code frontières Schengen modifié mettra à disposition des États membres de nouvelles mesures pour une gestion efficace des frontières extérieures de l’UE dans les cas d’instrumentalisation des migrants à des fins politiques. Cela passe notamment par une limitation du nombre de points de passage aux frontières ou par la réduction de leurs heures d’ouverture.

      On parle d’instrumentalisation lorsqu’un pays tiers ou un acteur non étatique encourage ou facilite le déplacement de ressortissants de pays tiers vers les frontières extérieures de l’UE afin de déstabiliser l’UE ou un État membre.
      Rétablissement des contrôles aux frontières intérieures

      Le texte approuvé clarifie et renforce le cadre du rétablissement et de la prolongation des contrôles aux frontières intérieures. Les États membres peuvent rétablir des contrôles à titre exceptionnel en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure. Ils devront évaluer la nécessité et la proportionnalité de ce rétablissement et estimer si les objectifs poursuivis ne peuvent pas être atteints par d’autres moyens, notamment par des mesures alternatives.

      Selon les nouvelles règles, si des menaces pour l’ordre public ou la sécurité ont un caractère imprévisible, des contrôles peuvent être mis en place immédiatement en en informant simultanément la Commission, les autres États membres et le Parlement européen. Ces contrôles sont limités à une période d’un mois maximum et ne peuvent être prolongés que pour une durée maximale de trois mois.

      Dans le cas de menaces prévisibles, les contrôles aux frontières intérieures, notifiés à la Commission, aux États membres et au Parlement européen avant d’être rétablis, peuvent rester en place pendant une période de six mois maximum. Ils peuvent être prolongés par périodes renouvelables de six mois maximum, pour une durée n’excédant pas deux ans. Dans des situations exceptionnelles majeures liées à une menace persistante, les contrôles aux frontières intérieures peuvent être prolongés au-delà de deux ans, pour une période maximale de 6 mois supplémentaires, renouvelable une fois, la durée totale n’excédant pas un an.
      Promotion de mesures alternatives

      Une autre mise à jour du code frontières Schengen sur laquelle la présidence et le Parlement européen ont marqué leur accord concerne le recours à des mesures alternatives aux contrôles aux frontières intérieures.

      Le recours à ces mesures alternatives permettra aux États membres de limiter considérablement le rétablissement éventuel des contrôles aux frontières intérieures, en garantissant la sécurité tout en préservant l’espace de libre circulation sans contrôles aux frontières intérieures.

      Le nouveau code introduit également des mesures alternatives pour lutter contre les déplacements non autorisés de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’espace Schengen. Une nouvelle procédure permettra à un État membre de transférer des ressortissants de pays tiers arrêtés dans la zone frontalière et séjournant illégalement sur son territoire vers l’État membre d’où ils sont arrivés directement. L’arrestation devrait s’effectuer dans le cadre d’une coopération bilatérale.
      Mesures aux frontières extérieures en cas de crise sanitaire

      En vertu du nouveau code frontières Schengen, le Conseil peut adopter une décision autorisant des restrictions temporaires de déplacement aux frontières extérieures en cas d’urgence de santé publique de grande ampleur. Pendant la pandémie de COVID-19, l’UE n’a pu émettre que des recommandations non contraignantes à l’intention des États membres.

      La décision peut également prévoir des restrictions de déplacement liées à la santé, telles que des tests, une quarantaine et l’isolement à domicile.

      Certaines catégories de personnes seront exemptées des restrictions à l’entrée : les personnes jouissant du droit à la libre circulation, les résidents de longue durée et les bénéficiaires d’une protection internationale.
      Prochaines étapes

      L’accord provisoire intervenu aujourd’hui sera soumis aux représentants des États membres au sein du Conseil (Coreper) pour confirmation. Il devra également être formellement adopté par les deux institutions.
      Contexte

      L’espace Schengen s’étend sur plus de 4 millions de kilomètres carrés, se compose de 27 pays européens et permet à plus de 400 millions de personnes de voyager librement entre les pays membres sans passer par des contrôles aux frontières.

      La coopération entre les forces de police, les autorités douanières et les autorités chargées du contrôle des frontières extérieures des pays de l’espace Schengen contribue à la sécurité de la zone.

      Le code frontières Schengen, qui va être mis à jour par cet accord entre le Conseil et le Parlement européen, constitue le cadre réglementaire qui prévoit l’absence de contrôles aux frontières intérieures et fixe des règles pour le contrôle des personnes aux frontières extérieures de l’espace Schengen.

      Le code permet aux États membres de rétablir des contrôles aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de l’espace Schengen.

      https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/02/06/schengen-council-and-european-parliament-agree-to-update-eu-s-borde

    • Réforme Schengen : le nouveau code rend possible les refoulements aux frontières intérieures

      Un accord a été trouvé, mardi, par les négociateurs du Parlement et du Conseil européens quant à la révision du code Schengen des frontières. Cet accord introduit de nouvelles mesures qui, rendent notamment légal le transfert de migrants depuis une zone frontalière vers le pays dont il arrive. Infomigrants fait le point.

      L’accord a été annoncé mardi soir. Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil européen viennent d’aboutir à une version finale de révision du code Schengen des frontières. Ce code régit les pratiques aux frontières intérieures et extérieures de l’espace Schengen, territoire composé par 27 États au sein duquel, en théorie, chacun peut circuler sans contrôle.

      L’accord doit encore être approuvé formellement par le Parlement et le Conseil. Si un communiqué de presse en donne les grandes lignes, le texte détaillé n’a pas encore été rendu public. « La libre circulation dans nos frontières intérieures et la sécurité de nos frontières extérieures sont les deux pierres angulaires de l’espace Schengen. L’accord conclu aujourd’hui (...) clarifiera et renforcera ces deux piliers », soutient la ministre belge de l’Intérieur, Annelies Verlinden, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE.

      Depuis 2015, de nombreux États, dont la France, ont réintroduit des contrôles d’identité à leurs frontières intérieures. En raison de la menace terroriste, mais aussi des restrictions sanitaires dues au Covid-19. Ils sont actuellement plus de la moitié des États membres de l’espace Schengen à le faire, rappelle l’AFP. Et ce, alors que ces contrôles internes sont contraires au principe de libre circulation dans l’espace Schengen.
      Un an de prolongation supplémentaire pour les contrôles aux frontières intérieures

      Ce type de contrôle est autorisé par le code Schengen « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État ». La réintroduction d’un contrôle aux frontières intérieures est d’une période de six mois maximum. Ces périodes sont ensuite renouvelables, sur une durée maximale de deux ans.

      La nouvelle réforme du code Schengen réaffirme le caractère exceptionnel de ces contrôles. La « nécessité et la proportionnalité » de ces derniers devra être argumentée.

      Mais elle ajoute la possibilité de les prolonger encore d’une année supplémentaire. Le nouveau code encadre donc mieux la pratique… Tout en allongeant sa possibilité à trois années maximum.
      Une nouvelle mesure qui légitime les refoulements aux frontières intérieures

      À partir de cette base, les négociateurs ont introduit une nouvelle mesure pour contrôler les mouvements migratoires au sein de l’espace Schengen qui inquiète fortement les ONG et avocats en droit des étrangers. Le nouveau code permettra en effet à un État membre de « transférer les ressortissants de pays tiers appréhendés dans la zone frontalière et séjournant illégalement sur son territoire vers l’État membre d’où ils sont directement arrivés. L’arrestation devra avoir lieu dans le cadre d’un cadre de coopération bilatérale », détaille le communiqué.

      Par exemple : à la frontière franco-italienne, avec cette nouvelle mesure, « toute personne qui se trouve dans la zone frontalière pourra être arrêtée si les autorités françaises soupçonnent que cette personne est en situation irrégulière et venue d’Italie », décrit Ulrich Stege, avocat en droit des étrangers membre du réseau juridique italien ASGI, et enseignant à l’International University de Turin. Il sera possible de la refouler via « une procédure simplifiée, par exemple un unique document indiquant l’identité de la personne. On le lui fait signer, puis on la repousse ». Des pushbacks qui deviendraient légaux, en somme.

      Cette pratique a pourtant été épinglée, pas plus tard qu’en septembre 2023, par la Cour de Justice de l’UE. « La volonté est clairement de codifier et généraliser, dans la législation européenne, une pratique qui est en ce moment même en place notamment entre la France et l’Italie », confirme Ulrich Stege.
      Risques accrus de contrôles au faciès

      Edwige*, une exilée ivoirienne rencontrée à Vintimille en octobre, avait raconté à Infomigrants le déroulement des contrôles de police menant à des refoulements, dans les trains entre l’Italie et la France. « Les policiers nous ont dit de sortir. Directement, sans regarder nos documents. Moi, j’étais aux toilettes à ce moment-là : ils sont rentrés, ils m’ont tirée dehors. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait », témoignait-elle. « C’est là que je me suis rendue compte qu’ils avaient fait sortir tous les Noirs du train. »

      « Rappelons que, dès que l’on parle de contrôles aux frontières intérieures, on ne peut pas imaginer autre chose que ce que l’on voit depuis 2015 : c’est-à-dire des contrôles avec un profilage racial des personnes. Cela ne peut pas se faire autrement », met en garde Ulrich Stege.

      Avec cette nouvelle mesure, « on s’oriente vers une systématisation de ces contrôles basées sur du profilage racial », soutient l’avocat et professeur d’université italien. Pour rappel, ces contrôles au faciès sont bien entendus illégaux... Car discriminatoires. "Il est clair que les contrôles « aléatoires » de documents dépendront des décisions de la police quant à savoir qui « ressemble » à une personne sans-papiers", abonde l’ASGI dans son analyse de la réforme, parue mi 2022.

      « Jusqu’ici, on avait des pratiques basées sur des accords bilatéraux. Cette fois, il y aurait une loi européenne qui régularise et légitime ces pratiques. Or, ce sont des pratiques violentes, de refoulements et de discriminations raciales », tranche Silvia Carta, chargée de plaidoyer politique migratoire pour le réseau PICUM (Plateforme pour la coopération internationale sur les migrants sans papiers), également interrogée par Infomigrants.
      Pas d’exception pour les mineurs, les demandeurs d’asile ou les familles ?

      Plusieurs questions restent en suspens. Existera-t-il un droit au recours, pour les personnes soumises à cette nouvelle mesure ? Mais aussi : combien de temps les personnes pourront-elles être placées dans des locaux de rétention, en attendant leur refoulement ? Par-dessus tout : y aura-t-il des exceptions pour les catégories protégées, à savoir les mineurs non-accompagnés, les familles avec enfants, ou encore les demandeurs d’asile - qui ont le droit imprescriptible de déposer une demande d’asile partout dans l’UE ?

      « Notre crainte, c’est que cette mesure favorise, entre autres, la rétention illégale des personnes », pointe Silvia Carta. « Le Parlement avait envisagé des garde-fous. Mais nous ne savons pas exactement ce qui a été retenu dans le texte, d’autant que le Conseil était, à l’inverse, réticent à les intégrer dans l’accord... »

      Or, « sans précision, sans règle claire, chacun fait un peu comme il le veut. On le voit bien à la frontière franco-italienne, où des demandeurs d’asile sont refoulés », insiste Ulrich Stege.

      De manière globale, le nouveau code Schengen vise à promouvoir et créer d’autres « mesures alternatives pour lutter contre les mouvements non autorisés de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’espace Schengen », assume le communiqué européen.

      Sans publication du texte, difficile de savoir pour le moment ce que recouvre ce champ des « mesures alternatives ». Les ONG craignent une intensification du recours aux technologies de surveillance. Avec l’idée de « faciliter les détections et les interceptions des gens de façon de plus en plus systématique. Via des drones, des caméras, l’intelligence artificielle... », souligne Silvia Carta.
      Des mesures face aux tentatives « d’instrumentalisation » de migrants

      La révision du code Schengen concerne aussi les frontières extérieures. Il est prévu une harmonisation des règles d’entrée dans l’UE « en cas d’urgence sanitaire », avec des « éventuelles mises en quarantaine ou tests », laisse entrevoir le communiqué.

      Surtout, l’accord prévoit des mesures face aux tentatives d’Etats tiers d’"instrumentaliser" les migrants « dans un but politique » de déstabilisation - comme le Bélarus ou encore la Russie ont été accusés par l’UE de le faire, en 2023. Il s’agira de « limiter le nombre de points de passage, ou de réduire leurs horaires d’ouverture », annonce le communiqué.

      "Ce concept d’"instrumentalisation" est problématique et inquiétant", réagit Silvia Carta. "Il associe la migration à une menace sécuritaire. Et puis, qui rentrera dans cette définition de l’"instrumentalisation" ? Est-ce qu’à terme, cela pourrait viser aussi les missions de sauvetage des personnes exilées menées par des ONG ?"

      Le rôle de l’agence de garde-frontières Frontex s’en verra renforcé, souligne dans son analyse détaillée le réseau Border Violence Monitoring. Dans les moments de tension aux frontières extérieures, comme entre la Finlande et la Russie fin 2023, des agents sont envoyés sur place, en mission.

      « C’est un constat que l’on fait pour tous les textes sur les migrations, y compris le nouveau Pacte migratoire européen : l’UE produit des nouvelles règles qui se basent sur une approche sécuritaire, avec la criminalisation de la figure du migrant », conclut Ulrich Stege. « Et cela nuit aux droits fondamentaux qui devraient s’appliquer ».

      https://www.infomigrants.net/fr/post/55028/reforme-schengen--le-nouveau-code-rend-possible-les-refoulements-aux-f

    • Racial profiling and « internal pushbacks » in new Schengen borders legislation

      Statewatch is publishing the final compromise text of the revised Schengen Borders Code, which is due for adoption soon by the Council and the Parliament. The text has been heavily criticised for encouraging racial profiling through the increased use of police patrols and checks at internal borders in the Schengen area, as well as legitimating “internal pushbacks”, with the aim of avoiding the full-blown reintroduction of internal border controls.

      The proposed Regulation, which comes hot on the heels of other new legislation as part of the Pact on Migration and Asylum, has a number of goals, as explained in the compromise text document (pdf):

      a) establish a new mechanism which should allow for a timely adoption by the Council of a binding instrument setting out temporary travel restrictions at the external borders in case of a pandemic,

      b) address the instrumentalisation of migrants, where a third country actor is using human beings to destabilise the Union or its Member States,

      c) create a new mechanism allowing for a European response to problems affecting a majority of Member States at the same time and thus putting the overall functioning of the Schengen area at risk,

      d) clarify and expand the list of elements that must be assessed by a Member State when taking the decision on temporary reintroduction of border controls,

      e) provide that safeguards should always be applied, to limit the negative impact of the temporary reintroduction of border checks at internal borders, should this reintroduction be inevitable.

      The Platform for International Cooperation on Undocumented Migration has said that the text will increase the use of police checks at internal borders that will be based on “racial, ethnic, or religious characteristics,” whilst warning that it also legalises “the violent practice of ‘internal pushbacks’, which consists in apprehending and detaining people caught without a valid document near an internal border, and transferring them to the member state the police think the person came from without conducting an individual assessment.”

      The document includes an explanation from the Presidency of “the key elements of the compromise text”:

      – Travel restrictions – The definition and concept of “large-scale public health emergency” were agreed and the Parliament accepted that Member States can apply stricter measures than those agreed at EU level. A supplementary list of categories of travellers that could be exempted from travel restrictions was included from which categories of essential travellers could be added to Annex XI by means of an implementing act.

      – Alternative police measures – These measures are intended to enable Member States to avoid having to resort to the reintroduction of internal border controls. These provisions were largely maintained in the final agreement. This is an important element since it will expand the toolbox available to Member States to deal with threats before reintroducing internal border controls.

      – Transfer procedure – The procedure will take place in the context of a bilateral cooperation framework. Minors will not be exempted from the procedure, but procedural safeguards will be included.

      – Instrumentalisation – A cross-reference was made to the definition of instrumentalisation as contained in the Crisis Regulation

      – Attempt to cross the external border en masse and using force – The wording of a ruling of the European Court of Human Rights was maintained.

      – Reintroduction/prolongation of internal border controls – On the issue of a maximum duration for which Member States can reintroduce internal border controls, an agreement was reached for a total period of two years, with possibility of two additional prolongations of 6 months each. In the case of a situation putting at risk the overall functioning of the area without internal border controls that affects several Member States, the application of the provision will be restricted to large scale public health emergencies.

      https://www.statewatch.org/news/2024/february/racial-profiling-and-internal-pushbacks-in-new-schengen-borders-legislat

    • Asylum and migration reform: EU member states’ representatives green light deal with European Parliament

      Today, EU member states’ representatives (Coreper) approved the provisional deal that was reached between the Council presidency and the European Parliament on 20 December 2023, constituting a pact of five key laws which will reform the EU’s asylum and migration system.

      “The member states today confirmed their commitment to improve the European asylum and migration system. These new rules will make the European asylum system more effective and increase solidarity between member states. This agreement will fundamentally change the way in which we deal with migration and asylum on the ground, at the borders and within our territories. The agreement will not change the situation on the ground from day one after its adoption, but now we have to be fully committed to implement what we have decided.” (Nicole de Moor, Belgian State Secretary for Asylum and Migration)

      Pact on asylum and migration

      The five EU laws of the pact touch upon all stages of asylum and migration management.

      The update of the Eurodac regulation (the EU fingerprint database) will make it possible to better tackle irregular movements and monitor the paths of asylum seekers and persons in an irregular situation throughout the EU.

      The screening regulation’s aim is to strengthen controls of persons at external borders. It also ensures fast identification of the correct procedure – such as return to their country of origin or start of an asylum procedure – when a person enters the EU without fulfilling the right entry conditions.

      The asylum procedure regulation (APR) establishes a common procedure that member states need to follow when people seek international protection. It streamlines the procedural arrangements and sets standards for the rights of the asylum seeker. It introduces a mandatory border procedure, with the aim of quickly assessing at the EU’s external borders whether applications for asylum are unfounded or inadmissible.

      The asylum and migration management regulation (AMMR) will replace the current Dublin regulation. It sets out rules determining which member state is responsible for the examination of an asylum application. To balance the current system whereby a few member states are responsible for the vast majority of asylum applications, a new solidarity mechanism will be established. The new rules combine mandatory solidarity to support member states who cannot cope with the number of irregular arrivals into their territory with flexibility for member states as regards the choice of their contributions

      The fifth leg of the Pact is a new law that establishes a framework allowing member states to address situations of crisis in the field of asylum and migration. They would be authorised to adjust certain rules, for instance concerning the registration of asylum applications or the asylum border procedure. On the other hand these countries would be able to request solidarity and support measures from the EU and its member states.
      Reception conditions, qualification and resettlement

      The permanent representatives committee also gave the thumbs up to three asylum and migration laws on which Council and Parliament had already reached agreement in 2022. These three laws comprise a revision of the reception conditions directive, an update of the qualification regulation and a regulation establishing an EU resettlement framework.

      A return border regulation was also approved which allows the pact to apply to those European countries with differing Schengen rules.
      Next steps

      The laws approved today will have to be formally adopted by the European Parliament and the Council.

      Background

      The asylum procedure regulation, asylum and migration management regulation, Eurodac regulation, screening regulation and crisis regulation are components of the new pact on migration and asylum, which the Commission proposed on 23 September 2020.

      The reception conditions directive, qualification regulation and EU resettlement framework were proposed in 2016.

      https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2024/02/08/asylum-and-migration-reform-eu-member-states-representatives-green-

  • Incendie du foyer ADEF Lenain de Tillemont (Montreuil) :
    J+12, encore des sinistrés à la rue ! [par mel]

    Dans la nuit du 28 au 29 janvier dernier, un incendie s’est déclaré au foyer Lenain de Tillemont géré par ADEF, à #Montreuil (93). Le feu, parti du bâtiment B, s’est propagé au 3ème et au 4ème étage. Heureusement aucun mort n’est à déplorer, mais un blessé grave est encore hospitalisé, et de nombreux sinistrés, plus d’une centaine, ont pour la plupart tout perdu : logement, vêtements, effets personnels, petit mobilier, papiers.

    Après une première nuit sans qu’aucune solution de mise à l’abri et d’accompagnement psychologique et autres ne leur soit proposée, un groupe de sinistrés a trouvé refuge au cinéma Le Méliès, grâce notamment à la présence de citoyens horrifiés par l’abandon de ces personnes et à l’intervention du député Alexis Corbière qui assistait à une projection. Le préfet et le cabinet du maire ont été joints, aucun hébergement d’urgence n’a été proposé.

    Les sinistrés se sont rassemblés devant la mairie deux jours de suite avec leurs maigres bagages pour demander de l’aide et d’être relogés en urgence. Vaine démarche.
    Assa Traoré, venue en soutien, s’est rendue accompagnée de 70 sinistrés devant le siège d’#ADEF, à Ivry-sur-Seine. Reçus par la direction, un début de suivi s’est amorcé pour trouver des relogements et une salle municipale a été mise à leur disposition pour deux nuits par le maire d’Ivry.

    Aujourd’hui vendredi 9 février, à 12 jours du drame, s’il faut saluer l’effort du maire d’Ivry et le travail d’ADEF Habitat pour trouver des relogements, nous déplorons qu’aucune aide n’ait été encore débloquée à ce jour.

    Pas de mise à l’abri en attendant les relogements, aucun accompagnement administratif, social, médical ou psychologique et autres aides de nécessité vitales comme des vêtements chauds ou des couvertures alors que nous sommes en plein hiver.

    Ces personnes particulièrement vulnérables ne peuvent pas se reposer correctement depuis plus de dix jours alors qu’elles sont prioritaires au vu du drame subi. Cela d’autant plus qu’elles continuent de travailler par crainte de perdre leur emploi. Certains, surmenés, épuisés, tombent malades.

    Nous sommes scandalisés par l’attitude de la #mairie et de la #préfecture qui se disputent pour savoir qui doit agir pendant que des dizaines de personnes, travailleurs pour la plupart, se retrouvent à dormir à la rue en plein hiver. Les citoyens de Montreuil ont été d’une bien plus grande aide aux sinistrés que n’importe quel responsable politique. En l’absence d’aides qui devraient être fournies par ces autorités, les sinistrés cherchent à s’organiser et appellent autour d’eux à la solidarité.

    Nous demandons à la Ville de Montreuil d’activer une cellule de crise pour traiter les problèmes de ces personnes. Au traumatisme de l’incendie, se rajoute celui d’être renvoyé de bureaux en bureaux pour finalement obtenir une fin de non-recevoir à leurs demandes.

    Nous demandons d’informer la population sur le sort de nos concitoyens sinistrés et de coordonner les efforts d’entraide. La communication municipale depuis le sinistre laisse entendre qu’il n’y pas de problème. Cela est préjudiciable à l’action des soutiens et peut avoir donc de graves conséquences.

    Nous demandons qu’un effort logistique soit mis en place, en particulier un local pour stocker les dons et pouvoir recevoir les sinistrés.

    Enfin, nous demandons instamment à la Ville de Montreuil d’examiner toutes les solutions de logement d’urgence à Montreuil pour mettre à l’abri les résidents encore dans le besoin à ce jour. Ils sont pour la plupart des Montreuillois de longue date. Plusieurs lieux vacants pourraient être mobilisés immédiatement :

    – Les barres promises à la destruction, dans le cadre du renouvellement urbain, du 13 au 31 Clos français où les appartements sont vides ;
    – L’annexe de l’école maternelle Berthelot, rue François Debergue ;
    – Le CMP, rue Victor Beauce ;
    – Le centre d’accueil au parc Montreau, rue Théophile Sueur ;

    – Le gymnase d’Estienne d’Orves.

    Montreuil, le 9 février 2024

    Le COPAF et Le collectif de soutien des sinistrés du #foyer ADEF Lenain de Tillemont

  • Benoît Jacquot, un système de prédation sous couvert de cinéma
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/benoit-jacquot-un-systeme-de-predation-sous-couvert-de-cinema_6215357_3224.h


    L’actrice Isild Le Besco et le réalisateur Benoît Jacquot au 57ᵉ Festival de Cannes, le 14 mai 2004. BRUNO VINCENT / GETTY IMAGES VIA AFP

    A la suite de Judith Godrèche, plusieurs comédiennes prennent la parole dans « Le Monde » pour dénoncer des violences et du harcèlement sexuel de la part du réalisateur. Le cinéaste reconnaît certains faits.
    Par Lorraine de Foucher et Jérôme Lefilliâtre

    Dans l’amphithéâtre de Sciences Po à Paris, Julia Roy s’assoit au fond de la salle. L’étudiante de 23 ans vient écouter, ce 29 janvier 2013, la conférence d’un réalisateur qu’elle ne connaît pas, Benoît Jacquot, invité à parler de « politique de l’intime ». « Il me fixe pendant toute la séance, ça m’étonne un peu », raconte-t-elle au Monde onze ans plus tard. A la fin, elle s’approche pour saluer l’animateur de la rencontre. « Benoît Jacquot me saute dessus pour me remettre un papier avec son numéro, et me demande plusieurs fois de l’appeler. »
    Depuis son enfance autrichienne à Vienne, Julia Roy, qui n’a alors joué qu’un petit rôle dans une série télévisée, nourrit une cinéphilie précoce. Elle décide de rappeler ce cinéaste : peut-être peut-il la conseiller, elle qui rêve de faire des films ? Au restaurant Le Hangar, dans le Marais, où ils se retrouvent, « il me regarde comme un miracle ». D’après son récit, il lui fait immédiatement de grandes déclarations : « Il m’annonce qu’il va faire tous ses films avec moi, qu’il m’aidera à écrire les miens, qu’il veut m’avoir tout le temps avec lui et devant lui. » Tout juste est-il déçu en apprenant son âge : il la pensait plus jeune.
    Six ans après, en 2019, c’est une jeune femme traumatisée par la relation nouée avec le réalisateur qui s’enfuit en Autriche. « J’ai été diagnostiquée comme atteinte d’un syndrome de stress post-traumatique. » En janvier 2024, elle découvre les accusations de Judith Godrèche sur sa relation passée avec Benoît Jacquot qui ont motivé l’ouverture d’une enquête préliminaire, mercredi 7 février. Elle décide à son tour d’évoquer publiquement son vécu avec le réalisateur, composé de manipulation, de domination, de violences physiques et de harcèlement sexuel. Certains des faits qu’elle dénonce pourraient ne pas être couverts par la prescription.

    TW #domination_masculine #VSS #viol #pédocriminalité

    l’article se trouve là
    https://justpaste.it/et5dx
    avec : « C’est une histoire d’enfant kidnappée » : l’actrice Judith Godrèche porte plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot ; La lettre de Judith Godrèche à sa fille : « Je viens de comprendre. Ce truc, le consentement, je ne l’ai jamais donné. Non. Jamais au grand jamais. »

    #cinéma

    • Jacques Doillon accusé de viol, d’agression sexuelle et de harcèlement par Judith Godrèche, Anna Mouglalis et Isild le Besco
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/jacques-doillon-accuse-de-viol-d-agression-sexuelle-et-de-harcelement-par-ju

      « Le Monde » a recueilli trois témoignages visant le réalisateur de « La Fille de 15 ans ». L’avocate de M. Doillon dit vouloir réserver ses explications à la justice.

      Ce jeudi sur France Inter, Judith Godrèche a accusé le réalisateur Jacques Doillon d’agressions sexuelles sur le tournage du film La Fille de 15 ans, qui a eu lieu au printemps 1987. Il voulait, a-t-elle affirmé, « la même chose » que Benoît Jacquot, contre lequel la comédienne de 51 ans a déposé plainte mardi pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans » commis par personne ayant autorité. « Sur le tournage, c’était hallucinant. Il a engagé un acteur (…), il l’a viré et il s’est mis à la place. Tout d’un coup, il décide qu’il y a une scène d’amour, une scène de sexe entre lui et moi. On fait 45 prises. J’enlève mon pull, je suis torse nu, il me pelote et il me roule des pelles. »

      Tout cela se déroule sous les yeux de Jane Birkin, alors compagne du réalisateur, qui l’a engagée comme assistante sur le film. « Il embrassait vingt fois de suite Judith Godrèche en me demandant quelle était la meilleure prise. Une vraie agonie ! », a raconté Birkin dans son journal intime paru en 2018, Munkey Diaries. Le film La Fille de 15 ans est sorti en salles au printemps 1989.
      Lors de son interview sur France Inter, Judith Godrèche a aussi évoqué de façon sibylline, et sans entrer dans les détails, d’autres faits qui se seraient déroulés avant ce tournage, au domicile de Jacques Doillon. Dans sa plainte contre Benoît Jacquot, enregistrée le 6 février par la brigade de protection des mineurs de la police judiciaire de Paris et consultée par Le Monde, elle décrit précisément les agissements de Jacques Doillon. En l’occurrence, il s’agirait d’un viol qu’aurait commis le cinéaste sur elle, alors qu’elle avait 14 ans. Les faits auraient eu lieu rue de la Tour, à Paris, dans la maison de Jane Birkin.

      https://justpaste.it/22zms

      #parents #parentalité #témoins #non_assistance_à_personne_en_danger

  • Après les sénateurs, les députés adoptent un amendement qui remet en cause la loi de 1881 sur la presse
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/apres-les-senateurs-les-deputes-adoptent-un-amendement-qui-remet-en-cause-la

    Défenseurs de la liberté d’expression et syndicats professionnels demandent le retrait de ce texte qu’ils considèrent « antidémocratique ».
    Par Aude Dassonville

    « C’est une poursuite sournoise du démantèlement de la loi de 1881 sur la presse. » L’avocat William Bourdon ne décolère pas depuis la découverte de l’adoption par les sénateurs, la semaine dernière, et son arrivée dans l’Hémicycle, mercredi 7 février, d’un amendement qui porte atteinte à la loi sur la liberté de la presse. « Cette loi est un totem de la République depuis cent cinquante ans, et dix élus la modifient en catimini sans prévenir personne », s’indigne, tout aussi sidéré, son confrère Christophe Bigot, président de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse – et avocat du Monde.
    Approuvé à la faveur de l’adoption de la loi visant à renforcer la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, le texte doit permettre à tout « titulaire d’un mandat électif public ou candidat à un tel mandat » de bénéficier d’un délai de prescription d’un an pour porter plainte en cas de diffamation ou d’injure publique. Actuellement de trois mois, ce délai « permet à la presse d’éviter d’être soumise aux aléas judiciaires d’une manière prolongée, poursuit Me Bigot. Or énormément de maires, ou de présidents de conseil régional mettent déjà une pression de dingue sur la presse quotidienne régionale ».
    Allonger la période au cours de laquelle une action leur reste possible revient à faire peser une épée de Damoclès sur les rédactions et les éditeurs de presse. « Le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT-Journalistes et le SGJ-FO, organisations syndicales représentatives de journalistes en France, condamnent avec la plus grande fermeté cette modification d’une des lois les plus protectrices de la liberté d’expression, de la liberté d’informer et d’être informé », blâme l’intersyndicale dans un texte publié en ligne mercredi en début de soirée.

    Dans l’objet de l’amendement – déposé par la sénatrice Catherine Di Folco (Les #Républicains, Rhône) et le groupe #socialiste –, lors de l’examen du texte en octobre, les sénateurs stipulaient que « les auteurs des propos diffamatoires et injurieux à l’endroit des élus sur les réseaux sociaux » bénéficient aujourd’hui d’une « impunité totale » du fait de la relative brièveté de ce délai, alors que les élus « n’ont ni le temps, ni les moyens de procéder à une veille numérique, qui leur permettrait de prendre connaissance à temps des faits délictueux ».
    « Il ne faut pas s’y tromper, critique l’Association des avocats praticiens du droit de la presse dans un communiqué. Sous couvert de lutte contre la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux, objectif légitime dans nos sociétés démocratiques, c’est toute la critique de l’action des élus qui est concernée. »

    A l’Assemblée nationale, certains députés, de même que le gouvernement, ont exprimé leur réticence à valider cet article, que Violette Spillebout (Renaissance, Nord) a justifié par le fait que les élus « sont bien plus largement exposés » que les particuliers aux délits d’injure et de diffamation. « Un passif s’est créé entre les responsables politiques de ce pays et les citoyens, intimement lié à la conviction que le principe d’égalité devant la loi serait une fiction, ou un leurre, commente encore Me Bourdon. Or ce texte aggrave le sentiment d’un deux poids, deux mesures. »

    L’Association des avocats praticiens du droit de la presse appelle le Parlement à renoncer à son texte : « Ce projet, dont la constitutionnalité est plus que douteuse (…) est profondément antidémocratique », insiste-t-elle. De son côté, l’intersyndicale demande le retrait du texte, qui devrait être examiné en commission mixte paritaire à la fin du mois, et promet de « déposer une question prioritaire de constitutionnalité si cette proposition de loi est adoptée en l’état ».

    #presse #élus #droit_de_la presse

  • Ecole inclusive : alertes sur un système qui craque

    De 134 000 enfants handicapés scolarisés en milieu dit « ordinaire » en 2004, ils étaient plus de 436 000 en 2022. Faute de formation et d’accompagnement, les professeurs se disent démunis et en souffrance, dans des classes déjà surchargées.

    .... les familles rappellent que de nombreux enfants handicapés recensés comme scolarisés ne le sont pas à temps plein, et que certains n’ont pas accès du tout à l’éducation – le ministère dit en ignorer l’effectif ; la jeune association Ambition école inclusive les estime à 200 000. De l’autre, « un véritable cri s’élève de la part des personnels » de l’éducation nationale au sujet de l’inclusion, prévenaient, en octobre 2023, Benjamin Moignard et Eric Debarbieux, auteurs de l’enquête sur le climat scolaire dans le premier degré. Près des trois quarts du personnel s’y disaient confrontés à des difficultés « fréquentes », voire « très fréquentes », avec des enfants « gravement perturbés » ou « présentant des troubles du comportement », soit deux fois plus qu’en 2011.

    « Enseignants démunis »

    A tel point que le Snudi-FO, syndicat minoritaire du premier degré, a appelé à la grève, le 25 janvier, contre l’« inclusion systématique et forcée » des élèves en situation de handicap en « milieu ordinaire ». Ce mot d’ordre, inédit, a indigné de nombreuses associations et n’a pas été repris par les autres organisations syndicales. Il est toutefois révélateur d’un désarroi dont tous les représentants des enseignants se font l’écho : la dénonciation de l’« école inclusive sans moyens » faisait partie des motifs de la grève intersyndicale du 1er février.

    « Les enseignants sont démunis face à certains troubles, notamment du neurodéveloppement, qui ne relèvent pas de nos compétences pédagogiques. C’est devenu l’une des principales causes de souffrance au travail », s’alarme Guislaine David, à la tête du premier syndicat du primaire, le SNUipp-FSU, soulignant la hausse des situations signalées dans les registres santé et sécurité au travail. Elle s’inquiète désormais que les « tensions résultant du manque de moyens » n’alimentent un rejet du principe même de l’inclusion – il a été attaqué, en 2022, par le candidat Reconquête ! à l’élection présidentielle Eric Zemmour.


    https://www.lemonde.fr/education/article/2024/02/06/ecole-inclusive-alertes-sur-un-systeme-qui-craque_6214976_1473685.html

    https://justpaste.it/cawb8

    edit les commentaires plaident pour la relégation dans des « structures spécialisées » (IME, etc.)

    #école #école_inclusive #ségrégation #AESH

    • Les accompagnants des élèves en situation de handicap, très précaires piliers de l’école inclusive
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/03/les-accompagnants-des-eleves-en-situation-de-handicap-tres-precaires-piliers

      Un rapport d’information du Sénat, publié mercredi, dresse un sévère bilan de la gestion et des conditions de travail de ces personnels, qui représentent pourtant le deuxième métier de l’éducation nationale en effectifs.
      Par Eléa Pommiers, 03 mai 2023

      En moins de dix ans, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont devenus le deuxième métier de l’éducation nationale. Leur effectif a été multiplié par cinq en sept ans pour atteindre presque 124 000 personnes en 2022, presque exclusivement des femmes. Une progression fulgurante, dans le sillage de celle des enfants en situation de handicap dans les écoles, au nombre de 432 000 en 2023, contre 321 000 en 2017 et 134 000 en 2004. Ces professionnels sont désormais « le principal moyen de compensation du handicap », notait, dans un rapport rendu public en décembre 2022, l’inspection générale de l’éducation, et, de fait, les chevilles ouvrières de la scolarisation des élèves handicapés dans le cadre de « l’école inclusive ».

      Mais « l’essor, sur le plan quantitatif, de la fonction d’AESH ne s’est pas accompagné d’une même dynamique sur le plan qualitatif », déplore un rapport d’information du Sénat publié mercredi 3 mai. Une semaine après la conférence nationale du handicap (CNH), lors de laquelle le président de la République, Emmanuel Macron, a promis des mesures encore floues pour les accompagnants des élèves, le sénateur (Les Républicains) de la Savoie Cédric Vial, rapporteur de cette mission d’information, dresse un bilan sévère de la gestion « totalement inadaptée » de ces personnels par l’éducation nationale. Cette dernière, constate le rapport, n’était « indéniablement pas préparée à gérer, tant sur le plan juridique, administratif que budgétaire, cette nouvelle catégorie d’agents ».

      Dix ans après la création de ce métier en 2014, les AESH ne bénéficient toujours d’aucun statut de la fonction publique et cochent toutes les cases de la #précarité. Près de 80 % d’entre eux travaillent en contrat à durée déterminée (#CDD) – une proposition de loi adoptée en décembre 2022 autorise toutefois désormais le passage en contrat à durée indéterminée (CDI) après trois ans en CDD, contre six jusqu’alors.

      Leur rémunération moyenne est comprise, selon les sources, entre 750 et 850 euros net mensuels. La conséquence d’une grille de #salaire au #smic [horaire] sur les neuf premières années, doublée de l’impossibilité pour l’éducation nationale de proposer des temps complets à ces personnels, qu’elle ne peut embaucher que sur le temps de classe et non sur la pause méridienne et le temps périscolaire, à la charge des collectivités territoriales. Les temps complets concernent à peine moins de 2 % des accompagnants des élèves en situation de handicap. « Avec ces contrats, vous ne vivez pas », résume Elisabeth Garnica, présidente du collectif AESH.

      « Mon formateur, c’est Google »

      Dans le cadre de la CNH, Emmanuel Macron a réitéré sa promesse de campagne de proposer, en partenariat avec les collectivités, des contrats de trente-cinq heures aux AESH [absolument délirant en terme de charge de travail !]-, mais aucune modalité concrète de mise en œuvre n’a été avancée, alors que persistent des obstacles de financement et d’organisation du temps de travail pour les personnels.

      En plus de son contrat de vingt-quatre heures avec l’éducation nationale, Clarisse (elle n’a pas souhaité donner son nom, comme toutes les personnes citées par leur prénom), qui exerce dans le Val-de-Marne, cumule par exemple déjà les employeurs pour compléter les 800 euros qui rémunèrent ses vingt-quatre heures d’accompagnement : en plus de son contrat avec l’éducation nationale, elle a signé avec la ville pour deux heures quotidiennes sur la pause méridienne, et avec une association pour une heure trente d’études le soir.
      « Je fais des journées continues de dix heures quatre jours par semaine, et je n’atteins même pas 1 000 euros net par mois, ce n’est pas possible de nous faire travailler comme ça », s’agace cette accompagnante de 50 ans.

      Cette précarité salariale se double de conditions de travail unanimement décrites comme « pénibles » par les AESH, amenés à côtoyer tout type de handicap, du handicap moteur aux troubles du spectre autistique, en passant par les troubles de l’attention ou encore les troubles des apprentissages, sans formation spécifique. « Mon formateur, c’est Google », ironise Clarisse. Il lui a fallu cinq ans avant de recevoir la #formation de soixante heures désormais promise à tous les AESH durant leurs trois premiers mois d’exercice, mais c’était « trop tard » et « trop peu » pour la préparer à la diversité des situations individuelles.

      La plupart des accompagnants des élèves en situation de handicap accompagnent plusieurs élèves chaque semaine, l’#aide_mutualisée a pris le pas sur l’aide individuelle ces dernières années.
      « On est censé écouter les cours, comprendre, reformuler pour les élèves, les aider à écrire quand c’est nécessaire, rappeler les consignes, les canaliser, les calmer s’ils font des crises… Et on en a parfois plusieurs dans une même classe_, détaille Isabelle, qui travaille dans l’Hérault. Il faut être en alerte sans arrêt, après une journée de six heures vous êtes vidé. »

      « Défections de plus en plus nombreuses »

      La tâche est d’autant plus difficile que, comme le constatait l’inspection générale en décembre 2022, et comme le confirme à présent le Sénat dans son rapport, des enfants qui devraient être orientés vers des « établissements et services spécialisés » du fait de leur handicap sont scolarisés en « milieu ordinaire » faute de places dans les établissements médico-sociaux, et dépendent alors entièrement de l’aide humaine que représentent les AESH.

      Nadia accompagne ainsi une fillette de CP à Saint-Etienne qui attend une place dans un institut médico-éducatif. « Nous n’arrivons pas à nous comprendre, elle hurle dans la classe, me mord jusqu’au sang… », déplore l’accompagnante, payée 900 euros par mois pour son CDD de vingt-six heures, qu’elle envisage de ne pas renouveler à l’issue des trois ans. « On sait qu’on fait un travail utile, mais les conditions sont impossibles, c’est de l’exploitation », juge cette femme de 47 ans. L’ancienneté moyenne dans le métier est inférieure à trois ans.

      Le rapport d’information du Sénat s’ajoute à une série d’études précédentes alertant sur des conditions à l’origine d’un profond manque d’attractivité du métier, qui « fait face à une pénurie de plus en plus inquiétante de candidats, à une volatilité grandissante de ses personnels en poste, à des défections de plus en plus nombreuses ». Les remplacements n’étant pas assurés, les ruptures de prise en charge sont ainsi fréquentes pour les élèves. Bien qu’il estime que le recours de plus en plus systématique à « l’aide humaine » traduit « les dysfonctionnements d’un système d’inclusion scolaire » qui a « atteint ses limites », le rapport de Cédric Vial invite à une réforme urgente des « conditions d’emploi des AESH », dont le métier demande encore à être « professionnalisé ».

      Faudra-t-il pour cela redéfinir leurs fonctions afin de pouvoir proposer des temps complets ? Les spécialiser dans l’accompagnement du handicap et donc créer davantage de ponts avec le secteur médico-social, ou bien élargir leur mission à « l’accompagnement à la scolarité » et rapprocher leur travail de celui de personnels de vie scolaire comme les assistants d’éducation ? Cette dernière piste – loin de faire l’unanimité – a été avancée par l’exécutif dans le cadre de la CNH, mais le ministère de l’éducation explique que des « concertations » sont nécessaires et prendront du temps [En fait, la fusion des deux fonctions a manqué d’être adoptée sous forme de cavalier législatif dans la loi de finance, ndc]. Quoi qu’il en soit, conclut le rapport, « il ne peut pas y avoir de politique d’inclusion efficace et pérenne sans évolution notable du statut, du temps de travail et donc de la rémunération des agents chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap ».

      Les revendications des AESH, qui se sont plus mobilisés que quiconque dans l’éduc nat ces dernières années
      https://www.sudeducation.org/tracts/la-lutte-continue-en-greve-le-3-octobre-aesh-un-metier-un-statut-une-r

      . la titularisation sans condition de concours, d’ancienneté ni de nationalité de tou·tes les AESH dans un corps de fonctionnaire par la création d’un métier d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e ;
      . l’augmentation des salaires avec une grille de progression salariale à l’ancienneté, un salaire minimum à 2200 euros bruts (soit environ 1870 euros nets, primes et indemnités comprises) ;
      . l’accès aux primes et indemnités dans les mêmes conditions et aux mêmes montants que ceux fixés pour les autres personnels (notamment l’indemnité REP/REP+) ;
      . la reconnaissance d’un temps plein pour 24 heures d’accompagnement auxquelles s’ajoutent les heures connexes pour le travail de préparation, de suivi et de concertation ;
      l’abandon des PIAL et de la logique de mutualisation ;
      une véritable formation initiale et continue, sur temps de service ;
      . la création de brigades de remplacement pour assurer le remplacement des collègues absent·es ;
      . un droit à la mobilité, interacadémique et intra-académique.

    • Face aux défaillances de l’Etat, des accompagnants privés pour les élèves en situation de handicap
      https://www.lemonde.fr/education/article/2022/09/13/face-aux-defaillances-de-l-etat-des-accompagnants-prives-pour-les-eleves-en-


      AUREL

      Des parents sont contraintes d’engager leur propre AESH dit privé, souvent par le biais d’associations, avec l’accord des rectorats ou des chefs d’établissement. Au risque de la rupture d’égalité.
      Par Carla Monaco, 13 septembre 2022

      « Bonjour, nous recherchons une AESH privée pour accompagner notre enfant pour l’année scolaire 2022-2023. Nous proposons un contrat en milieu scolaire et des heures en plus en dehors si possible. » Bien avant la rentrée, les petites annonces de parents à la recherche d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) fleurissaient sur plusieurs groupes Facebook. Comme pour les enseignants, le métier d’accompagnant souffre d’un manque d’attractivité.

      L’annonce, en juillet, par le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, du recrutement de 4 000 AESH à la rentrée 2022 n’a pas résolu entièrement le problème. Le 1er septembre, de nombreux enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP, selon la terminologie officielle), pourtant notifiés d’un accompagnement par la Maison départementale des personnes handicapées, se sont retrouvés seuls, sans AESH, au risque de voir leur accès en classe entravé. Selon une enquête du syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN-UNSA), publiée mardi 13 septembre, 44 % des personnels de direction du second degré manquaient d’au moins un AESH pour accompagner leurs élèves au moment de la rentrée.
      Face aux carences de l’Etat, des familles recherchent par elles-mêmes, ou par le biais d’associations, des AESH dits privés. « Nous étions obligés car la directrice nous a dit que notre fille ne pouvait pas être scolarisée sans AESH », raconte Sabrina (le prénom a été modifié), mère d’une enfant porteuse du trouble du spectre autistique (TSA). Avec son mari, ils ont embauché un accompagnant durant quelques mois en 2020 pour intervenir quinze heures par semaine aux côtés de leur petite fille dans son école à Courbevoie (Hauts-de-Seine) mais également à domicile. Malgré un contrat chèque emploi-service universel, qui permet que les dépenses soient remboursées à 50 % grâce au crédit d’impôt, le couple peine à couvrir toutes les dépenses, déjà acculé financièrement par le coût de la supervision de l’association et les honoraires des professionnels de santé pour son enfant. « On avait dû faire un crédit, c’était très compliqué. La psychologue superviseuse [de l’association] nous coûtait 70 euros de l’heure », ajoute Sabrina.

      « Rupture d’égalité »

      Le montant d’une prise en charge peut se révéler conséquent. L’association B-aba Autisme le chiffre à 1 141 euros par mois pour seize heures par semaine, accompagnement scolaire, supervision par des professionnels médico-sociaux et « coaching des intervenants et des parents » compris. « Il y a une vraie rupture d’égalité parce que les classes populaires n’y ont pas accès, ce n’est pas un service public », relève Manuel Guyader, AESH et représentant syndical SUD-Education, tout en déplorant que « la version service public » soit « vraiment au rabais, autant pour les personnels que pour les élèves ».

      Le recours à des AESH privés s’est développé principalement dans l’accompagnement d’enfants autistes et se pratique surtout dans les académies d’Ile-de-France. De nombreuses associations y proposent leur offre. Auparavant AESH dans le public, avant de s’arrêter après la naissance de son enfant, Céline Le Clanche a repris l’exercice en privé en mars dans l’académie de Versailles. « J’ai vu une annonce sur Facebook postée par une dame qui habitait la même ville que moi. J’ai sauté sur l’occasion. Après l’entretien avec les parents et la psychologue de l’association, j’ai été embauchée », retrace-t-elle. Elle intervient entre douze et seize heures par semaine en classe, et à domicile pendant les vacances. Lorsqu’elle s’est présentée pour la première fois à l’école, personne ne lui a rien demandé. « C’est assez étonnant. La psychologue avait dû envoyer mon CV », présume-t-elle.

      Initialement, l’intervention d’un accompagnant se faisait plutôt dans les établissements privés, plus souples. Mais depuis la loi dite handicap de 2005, qui garantit notamment l’inclusion scolaire des enfants handicapés, l’éducation nationale a progressivement ouvert ses portes mais a parfois du mal à assurer ce droit. « Quand il n’y a plus d’argent, l’accompagnement cesse et on invite les familles à se tourner vers des associations pour que l’enfant reste en classe. C’est un chantage, un stratagème illégal car une AESH peut seulement être recrutée par l’éducation nationale », tonne Jean-Luc Duval, du Collectif Citoyen Handicap, qui organise des opérations militantes.

      Convention particulière

      Le procédé peut surprendre, surtout avec le plan Vigipirate, limitant l’accès dans les écoles pour toute personne extérieure. Comment ces travailleurs peuvent-ils y intervenir ? Et leur « psychologue référent », censé leur rendre visite ? « Ces personnels embauchés sous statut privé n’ont pas un statut d’AESH. Si des familles ont recours à des personnes pour l’accompagnement de leur enfant, ce ne peut pas être dans la classe, sauf avec l’accord express du directeur d’école ou du chef d’établissement des professeurs concernés… », rappelle le ministère. L’autorisation prend la forme d’un papier signé par le chef d’établissement, l’association et l’inspecteur. L’AESH prend dès lors d’autres noms, comme accompagnant psycho-éducatif.

      Certaines associations bénéficient néanmoins d’une convention avec les services académiques. Après avoir présélectionné leurs accompagnants, elles les soumettent à l’Etat qui les recrute directement. « Leur coût est beaucoup moins élevé pour des familles qui n’auraient pas eu les moyens de se payer une accompagnante privée », se réjouit Jean-René Buisson, président de Sur les bancs de l’école, conventionnée depuis deux ans en Ile-de-France. Le rectorat de Paris reconnaît collaborer avec certains acteurs associatifs « pour le recrutement d’AESH dits privés comme explicitement prévu pour le champ de l’autisme via la loi de 2005 », et se félicite d’un « service de grande qualité avec une rotation moindre notamment du fait de leur formation de qualité ».

      Mieux payés, mieux formés que dans le public

      Salariés ou non de l’éducation nationale, ces accompagnants sont supervisés et formés par les associations, alors même qu’aucun lien hiérarchique officiel ne les y relie. C’est dans cet encadrement officieux que des AESH trouvent satisfaction. « Cette supervision fait tout parce que ce n’est pas un métier si facile. On peut parler des petites choses qui se sont moins bien passées avec un psychologue qui nous conseille et nous remotive », explique Astrid (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), qui a accompagné un collégien porteur de TSA pendant un an. En 2020, cette ancienne employée d’entreprise décide de se tourner vers l’accompagnement privé par le biais d’une association, « freinée » par la rémunération modeste proposée par l’éducation nationale, de 750 euros mensuels en moyenne. « J’étais mieux payée qu’une AESH publique », indique-t-elle, sans vouloir préciser ce qu’elle touchait.

      Mieux payés que dans le public, mieux formés aussi. Formations spécifiques sur l’autisme, les troubles « dys » et de déficit d’attention, méthodes d’apprentissages alternatives sont dispensées au sein des associations, sur le temps libre des accompagnants.

      Du côté de l’éducation nationale, la formation initiale s’étale sur 60 heures mais elle arrive souvent bien après la prise de fonction. Quant à son contenu, beaucoup le jugent insuffisant. « C’est plus que survolé, se souvient Christelle Stock, éducatrice spécialisée libérale, ancienne AESH dans le public et le privé dans le Vaucluse. Une grande partie porte sur le fonctionnement de l’éducation nationale. Or, nous, ce qu’on veut savoir c’est : qu’est-ce que l’autisme ? Un enfant qui a des troubles neurodéveloppementaux ou des troubles du comportement ? »

      Meilleure reconnaissance

      La différence public-privé se ressent aussi en matière de reconnaissance. Céline Le Clanche et Astrid disent s’être senties vues comme de vraies professionnelles et non des « pions » utilisés parfois pour « faire autre chose ». Un sentiment qui a pu s’exacerber avec la mise en place décriée des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL). Ce dispositif de mutualisation lancé en 2019 consiste à répartir les AESH sur les établissements d’un même secteur et donc entre plusieurs élèves, diminuant du même coup le nombre d’heures d’accompagnement.

      « Je rencontre beaucoup d’AESH qui sont prêtes soit à laisser tomber la profession, soit à travailler différemment. Elles sont très demandeuses car on leur propose de suivre un seul enfant, lorsque les PIAL leur en font suivre plusieurs », remarque Gladys Lauzeat, créatrice du groupe Facebook « AESH privées et parents : recrutements, placements, formation, conseils ». Ex-accompagnante éducation nationale, elle a lancé son service de mise en relation de parents et d’AESH. L’idée lui est venue durant les confinements, lorsque des AESH se sont retrouvés sans nouvelles des enfants accompagnés car, dans le système public, ils n’ont pas le droit d’entrer en contact avec les familles en l’absence de l’enseignant.

      Très sollicités, Gladys Lauzeat et Jean-René Buisson demeurent conscients que leur offre d’accompagnement ne peut être la réponse aux carences de l’Etat, du fait de son caractère inégalitaire. « Nous étions satisfaits par ce service mais c’est une solution de dernier recours. L’école étant un droit, l’enfant doit pouvoir être accompagné », souligne pour sa part Sabrina, soulagée que sa fille soit de nouveau accompagnée par une AESH publique en cette rentrée.

    • .... avec les groupes de niveau, le ministère entend faire une nouvelle économie de personnels AESH. Si les groupes de niveau sont mis en place, les élèves en situation de handicap, qui réussissent moins bien faute d’adaptation et de compensation, seront orientés vers les groupes d’élèves faibles dès la classe de sixième. Avec la mutualisation mise en place depuis 2017 par le ministère, il pourra être demandé à un⋅e personnel AESH d’accompagner simultanément tou⋅tes les élèves en situation du groupe qu’importe leur handicap et leurs besoins.

      https://www.sudeducation.org/communiques/les-mauvaises-reponses-de-gabriel-attal-pour-lecole-inclusive-aesh-ces

      #groupes_de_niveau #AESH_mutualisé

  • Cadences, sous-traitance, pression… quand le travail tue

    « Morts au travail : l’hécatombe. » Deux personnes meurent chaque jour, en moyenne, dans un accident dans le cadre de leur emploi. Ce chiffre, sous estimé, qui n’intègre pas les suicides ou les maladies, illustre un problème systémique

    « J’ai appris la mort de mon frère sur Facebook : la radio locale avait publié un article disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé près de la carrière, raconte Candice Carton. J’ai eu un mauvais pressentiment, j’ai appelé la gendarmerie, c’était bien lui… L’entreprise a attendu le lendemain pour joindre notre mère. » Son frère Cédric aurait été frappé par une pierre à la suite d’un tir de mine le 28 juillet 2021, dans une carrière à Wallers-en-Fagne (Nord). Il travaillait depuis dix-sept ans pour le Comptoir des calcaires et matériaux, filiale du groupe Colas.

    Deux ans et demi plus tard, rien ne permet de certifier les causes de la mort du mécanicien-soudeur de 41 ans. D’abord close, l’enquête de gendarmerie a été rouverte en septembre 2023 à la suite des conclusions de l’inspection du travail, qui a pointé la dizaine d’infractions dont est responsable l’entreprise. Cédric Carton n’avait pas le boîtier pour les travailleurs isolés, qui déclenche une alarme en cas de chute. « Ils l’ont retrouvé deux heures après, se souvient sa sœur. Le directeur de la carrière m’a dit que mon frère était en sécurité, et qu’il avait fait un malaise… alors qu’il avait un trou béant de 20 centimètres de profondeur de la gorge au thorax. » En quête de réponses, elle a voulu déposer plainte deux fois, chacune des deux refusée, multiplié les courriers au procureur, pris deux avocats… Sans avoir le fin mot de cette triste histoire.

    Que s’est-il passé ? Est-ce la « faute à pas de chance », les « risques du métier » ? Qui est responsable ? Chaque année, des centaines de familles sont confrontées à ces questions après la mort d’un proche dans un accident du travail (AT), c’est-à-dire survenu « par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause ».

    « Un chauffeur routier a été retrouvé mort dans son camion », « Un ouvrier de 44 ans a été électrocuté », « Un homme meurt écrasé par une branche d’arbre », « Deux ouvriers roumains, un père et son fils, trouvent la mort sur un chantier à Istres [Bouches-du-Rhône] »… Le compte X de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie, qui recense depuis 2019 les accidents dramatiques à partir des coupures de presse locale, illustre l’ampleur du phénomène. Vingt-huit ont été comptabilisés depuis janvier.

    En 2022, selon les derniers chiffres connus, 738 décès ont été recensés parmi les AT reconnus. Soit deux morts par jour. Un chiffre en hausse de 14 % sur un an, mais stable par rapport à 2019. Et, depuis une quinzaine d’années, il ne baisse plus. A cela s’ajoutent 286 accidents de trajet mortels (survenus entre le domicile et le lieu de travail) et 203 décès consécutifs à une maladie professionnelle.

    Et encore, ces statistiques sont loin de cerner l’ampleur du problème. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne couvre que les salariés du régime général et n’intègre donc ni la fonction publique, ni les agriculteurs, ni les marins-pêcheurs, la majorité des chefs d’entreprise ou les autoentrepreneurs. C’est ainsi qu’en 2022 la Mutualité sociale agricole (MSA) a dénombré 151 accidents mortels dans le secteur des travaux agricoles, 20 % de plus qu’en 2019.

    Pour disposer de chiffres plus complets, il faut se tourner vers la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares). Problème : sa dernière étude porte sur 2019… A cette époque, elle dénombrait 790 AT mortels chez les salariés affiliés au régime général ou à la MSA et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

    Le secteur de la construction est celui où la fréquence des accidents mortels est la plus importante (le triple de la moyenne). Arrivent ensuite l’agriculture, la sylviculture et la pêche, le travail du bois et les transports-entreposage. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des hommes, et les ouvriers ont cinq fois plus de risques de perdre la vie que les cadres.

    Les accidents mortels sont deux fois plus fréquents chez les intérimaires. (...)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/06/cadences-sous-traitance-pression-quand-le-travail-tue_6214988_3234.html

    https://justpaste.it/2ozrb

    #travail #accidents_du_travail #le_travail_tue

    • Accidents du travail : la lenteur de la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur
      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/morts-au-travail-la-douloureuse-lenteur-de-la-justice_6215011_1698637.html

      Les familles de victimes d’accidents mortels doivent parfois attendre des années avant de voir le bout de procédures judiciaires complexes.

      Pour ceux qui ont perdu un proche à la suite d’un accident du travail, la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur est essentielle. Mais les procédures, d’ordre pénal ou civil, tournent parfois au parcours du combattant, voire s’étirent sur des années, ajoutant à la douleur des familles. Fabienne Bérard, du collectif Familles : stop à la mort au travail, cite l’exemple de Fanny Maquin, qui a perdu son mari cordiste, Vincent, il y a douze ans. Et qui n’est toujours pas passée en justice pour être indemnisée. « Comme souvent, il y a eu un grand nombre de renvois d’audience, explique-t-elle. L’avocat adverse met en avant que, depuis ce temps, elle a reconstruit une cellule familiale et que le préjudice ne peut pas être établi de la même manière… »

      Tout accident du travail mortel est suivi d’une enquête de l’inspection du travail (qui doit intervenir dans les douze heures), et de la gendarmerie ou de la police. Depuis 2019, les deux institutions peuvent mener une enquête en commun, mais c’est encore rare. Et souvent, l’enquête de l’inspection dure plusieurs mois, parce que les effectifs manquent pour mener à bien les constats immédiats, les auditions des témoins ou encore solliciter des documents auprès de l’entreprise.

      Ces investigations permettent de déterminer si la responsabilité pénale de l’employeur est engagée. Si les règles de santé et sécurité n’ont pas été respectées, l’inspection du travail en avise le procureur, qui est le seul à pouvoir ouvrir une procédure. « Dès lors, le parquet a trois possibilités, explique l’avocat Ralph Blindauer, qui accompagne souvent des familles. Soit l’affaire est classée sans suite, soit une information judiciaire avec juge d’instruction est ouverte, car le cas est jugé complexe, soit, le plus couramment, une ou plusieurs personnes sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel. »

      Un montant négligeable

      En cas de poursuite au pénal, l’employeur est fréquemment condamné pour homicide involontaire en tant que personne morale – ce qui est peu satisfaisant pour les victimes, et peu dissuasif. L’amende est en effet de 375 000 euros maximum, un montant négligeable pour un grand groupe. L’employeur est plus rarement condamné en tant que personne physique, car il est difficile d’identifier le responsable de la sécurité – la peine encourue est alors l’emprisonnement.

      Dans le cas d’une procédure au civil, la reconnaissance d’une « faute inexcusable » de l’employeur permet aux ayants droit (conjoints, enfants ou ascendants) d’obtenir la majoration de leur rente, ainsi que l’indemnisation de leur préjudice moral. La faute est caractérisée lorsque l’entreprise a exposé son salarié à un danger dont il avait, ou aurait dû, avoir conscience et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

      « Le nœud du sujet, c’est la conscience du danger, en particulier lors d’un malaise mortel, explique Morane Keim-Bagot, professeure de droit à l’université de Strasbourg. Les employeurs remettent en question le caractère professionnel de l’accident, en démontrant qu’il y a une cause étrangère exclusive. » Certains prétendent ainsi que la victime souffrait d’un problème cardiaque décelé au moment de l’autopsie, de surpoids, de stress ou de tabagisme.

      « Si vous tombez sur un inspecteur surchargé, un parquet qui s’y attelle moyennement, des gendarmes non spécialisés et débordés, les procédures durent facilement des années, sans compter les renvois d’audience fréquents, conclut Me Blindauer. La longueur très variable de ces affaires illustre aussi le manque de moyens de la #justice. »

      #responsabilité_de_l’employeur #inspection_du_travail #responsabilité_pénale

    • Entre déni des entreprises et manque de données, l’invisibilisation des suicides liés au travail

      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/entre-deni-des-entreprises-et-manque-de-donnees-l-invisibilisation-des-suici

      Le manque de prise en compte du mal-être au travail renforce les risques d’accidents dramatiques.
      Par Anne Rodier

      « La dernière conversation que j’ai eue avec mon mari [Jean-Lou Cordelle] samedi 4 juin [2022] vers 22 heures concernait les dossiers en cours à son travail. Le lendemain matin, mon fils découvrait son père au bout d’une corde pendu dans le jardin », témoigne Christelle Cordelle dans la lettre adressée aux représentants du personnel d’Orange pour leur donner des précisions sur l’état psychologique de son mari avant son suicide, à l’âge de 51 ans, après des mois de surcharge de travail, d’alertes vaines à la hiérarchie et à la médecine du travail.

      Son acte, finalement reconnu comme « accident de service » – c’est ainsi que sont nommés les accidents du travail (#AT) des fonctionnaires –, n’est pas recensé dans le bilan annuel de la Sécurité sociale. Celui-ci ne tient pas, en effet, compte de la fonction publique, invisibilisant les actes désespérés des infirmières, des professeurs ou encore des policiers.

      L’Assurance-maladie parle d’une quarantaine de suicides-accidents du travail par an. Un chiffre stable, représentant 5 % du total des accidents du travail mortels, mais qui serait nettement sous-évalué. C’est entre vingt et trente fois plus, affirme l’Association d’aide aux victimes et aux organismes confrontés aux suicides et dépressions professionnelles (ASD-pro), qui l’évalue plutôt entre 800 et 1 300 chaque année, sur la base d’une étude épidémiologique sur les causes du suicide au travail réalisée fin 2021 par Santé publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Suicide%20et%20activité%20professionnelle%20en%20France

      L’explosion des risques psychosociaux (RPS) en entreprise constatée étude après étude et par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM : https://assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2018-sante-travail-affections-psychiques) apporte de l’eau au moulin de l’ASD-pro : 1 814 maladies professionnelles relèvent de maladies psychiques, en augmentation régulière, note le rapport 2022. Quant au dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine, publié en novembre 2023, il est sans équivoque : près d’un salarié sur deux (48 %) était en détresse psychologique en 2023.

      « Passage à l’acte brutal »

      La mécanique mortifère de la souffrance au travail est connue. « Les mécanismes à l’œuvre semblent être toujours liés : atteintes à la professionnalité et à l’identité professionnelle, perte de l’estime de soi, apparition d’un sentiment d’impuissance », explique Philippe Zawieja, psychosociologue au cabinet Almagora.
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      Tous les RPS ne conduisent pas au geste fatal. « Il y a moins de suicidés chez les #salariés que parmi les #chômeurs, et 90 % des suicides interviennent sur fond de problème psychiatrique antérieur », souligne M. Zawieja. Mais « il existe des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif antérieur, qui marquent un passage à l’acte brutal [raptus], lié à un élément déclencheur conjoncturel », indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html. Comme ce fut le cas du management toxique institutionnel à France Télécom. C’est alors que survient l’accident.

      « Pour Jean-Lou, tout s’est passé insidieusement, témoigne sa veuve. Il était en surcharge de travail depuis octobre-novembre 2021, avec des salariés non remplacés, des départs en retraite. Un jour de janvier, je l’ai vu buguer devant son ordinateur. A partir de là, j’ai été plus attentive. En mars [2022], ils ont allégé sa charge de travail mais insuffisamment. En avril, il a craqué. La médecine du travail a été prévenue. Il a finalement été mis en arrêt, sauf qu’il continuait à recevoir des mails. Ils lui avaient laissé son portable professionnel et il n’y avait pas de message de gestion d’absence renvoyant vers un autre contact. Jusqu’au bout, Orange n’a pas pris la mesure ».

      Le plus souvent, les suicides au travail sont invisibilisés, au niveau de l’entreprise d’abord, puis des statistiques. « Classiquement, l’entreprise, quand elle n’est pas tout simplement dans le déni, considère que c’est une affaire privée et que le travail n’en est pas la cause », explique le juriste Loïc Lerouge, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du sujet.

      Un déni qui a valu à Renault la première condamnation pour « faute inexcusable de l’employeur pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires alors qu’il avait conscience du danger » concernant les salariés du Technocentre de Guyancourt (Yvelines) qui ont mis fin à leurs jours dans les années 2000. [en 2012 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/12/suicide-au-technocentre-renault-condamne-pour-faute-inexcusable_1700400_3224 « On reconnaît pleinement la responsabilité de la personne morale de l’entreprise depuis l’affaire #France_Télécom », précise M. Lerouge.

      Caractérisation délicate

      L’#invisibilisation des suicides commence par le non-dit. En réaction aux deux suicides de juin 2023 à la Banque de France, où l’une des victimes avait laissé une lettre incriminant clairement ses conditions de travail, la direction a déclaré avoir « fait ce qui s’impose » après un tel drame https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/10/a-la-banque-de-france-le-suicide-de-deux-salaries-empoisonne-le-dialogue-soc . Puis, lors des vœux 2024 adressés au personnel le 2 janvier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, n’a pas prononcé le mot « suicide », évoquant les « décès dramatiques de certains collègues ». Et s’il a déclaré « prendre au sérieux les résultats et les suggestions » de l’enquête qui acte le problème de #surcharge_de_travail, présentée au comité social et économique extraordinaire du 18 janvier, il n’a pas mis sur pause le plan de réduction des effectifs dans la filière fiduciaire. Celle-là même où travaillaient les deux salariés qui ont mis fin à leurs jours. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail et sont en souffrance. Il existe à la Banque de France une forme de maltraitance généralisée », affirme Emmanuel Kern, un élu CGT de l’institution.

      La caractérisation des suicides en accidents du travail est un exercice délicat, au cœur de la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur. Pour Santé publique France, la définition est assez simple (« Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail », 2021). Il s’agit de tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : la survenue du décès sur le lieu du travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs.

      Mais pour l’administration, le champ est beaucoup plus restreint : l’Assurance-maladie prend en compte « l’acte intervenu au temps et au lieu de travail ». Et la reconnaissance n’aura pas lieu si des éléments au cours de l’enquête permettent d’établir que « le travail n’est en rien à l’origine du décès », précise la charte sur les accidents du travail rédigée à destination des enquêteurs de la Sécurité sociale https://www.atousante.com/wp-content/uploads/2011/05/Charte-des-AT-MP-acte-suicidaire-et-accident-du-travail.pdf. « En dehors du lieu de travail, c’est à la famille de faire la preuve du lien avec l’activité professionnelle », explique Michel Lallier, président de l’ASD-pro. Une vision nettement plus restrictive, qui explique cet écart entre les bilans des suicides au travail.

      #suicide_au_travail #risques_psychosociaux #médecine_du_travail #conditions_de_travail #management #cadences #pression #surcharge_de_travail

    • Manque de sécurité sur les chantiers : « Notre fils est mort pour 6 000 euros », Aline Leclerc
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/manque-de-securite-sur-les-chantiers-notre-fils-est-mort-pour-6-000-euros_62

      Pour réduire les coûts et tenir les délais, certaines entreprises du bâtiment accumulent les négligences et infractions au code du travail, susceptibles d’engendrer de graves accidents du travail

      Alban Millot avait trouvé l’offre d’emploi sur Leboncoin. Touche-à-tout débrouillard enchaînant les petits boulots, il n’avait aucune expérience dans la pose de panneaux photovoltaïques ni dans le travail en hauteur. Trois semaines après son embauche, il est passé à travers la toiture d’un hangar, le 10 mars 2021. Une chute mortelle de plus de 5 mètres. Le jour de ses 25 ans.

      « Quand le gendarme vous l’annonce, il parle d’un “accident”, comme on dit quand quelqu’un meurt sur la route », se rappelle douloureusement Laurent Millot, son père. La chute renvoie toujours d’abord l’idée d’une erreur d’attention, d’un déséquilibre. La faute à pas de chance. Et à la victime surtout – Alban n’a-t-il pas marché sur une plaque translucide qu’il savait fragile ?

      Ce n’est que quelque temps après que reviennent en mémoire ces petites phrases qui donnent à l’« accident » un autre sens. « J’avais eu Alban au téléphone une semaine avant. Il m’a dit que son travail était hyperdangereux, et qu’il allait s’acheter son propre harnais parce que celui fourni par la boîte était bas de gamme », raconte Véronique Millot, sa mère. Quand pour la rassurer il lui a dit : « Je fais ça seulement jusqu’à l’été », elle a répondu : « Te tue pas pour un boulot… »

      Inexpérimentés

      L’enquête, étoffée dans ce dossier, a mis en évidence une effarante liste de dysfonctionnements et d’infractions au code du travail de la PME qui l’employait, dont l’activité officiellement enregistrée (son code NAF ou APE) était « commerce de détail en quincaillerie, peintures ». Le seul technicien dûment diplômé avait quitté la société deux mois avant l’embauche d’Alban. Sur les vingt-cinq salariés, une dizaine de commerciaux et seulement trois équipes de deux poseurs, lesquels étaient en conséquence soumis à un rythme intense pour honorer les commandes.

      Avant sa mort, Alban et son collègue de 20 ans, et trois mois d’ancienneté seulement, étaient partis le lundi de Narbonne (Aude) pour un premier chantier en Charente, puis un autre en Ille-et-Vilaine, avant un troisième, le lendemain, dans les Côtes-d’Armor, et un ultime, le mercredi, en Ille-et-Villaine, où a eu lieu l’accident. Alban, seul à avoir le permis, avait conduit toute la route.

      Inexpérimentés, les deux hommes n’avaient reçu qu’une formation sommaire à la sécurité. Et, surtout, ne disposaient pas de harnais complets pour s’attacher, comme l’a constaté l’inspectrice du travail le jour du drame.

      « Méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant

      Sans matériel, ils ont loué sur place une échelle chez Kiloutou. « Combien pèse une plaque photovoltaïque ? », a demandé le président du tribunal correctionnel de Rennes, lors du procès en première instance. « Dix-huit kilos », a répondu le chef d’entreprise. « Il faut monter l’échelle avec le panneau sous le bras ? », s’est étonné le président. « Cela dépend du chantier. »

      Il sera démontré pendant l’enquête, puis à l’audience, la « méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant, commercial de formation, de la réglementation en vigueur sur le travail en hauteur comme sur les habilitations électriques. Il n’avait entrepris aucune démarche d’évaluation des risques. Et ce, alors que deux autres accidents non mortels avaient eu lieu peu de temps avant sur ses chantiers.

      Dans son jugement du 6 juin 2023, le tribunal a reconnu l’employeur – et non l’entreprise, déjà liquidée – coupable d’homicide involontaire, retenant la circonstance aggravante de « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence, « tant l’inobservation était inscrite dans ses habitudes ».

      Enjeux financiers

      Car ces négligences tragiques cachent aussi des enjeux financiers. Monter un échafaudage, c’est plusieurs heures perdues dans un planning serré, et un surcoût de 6 000 euros, qui aurait doublé le devis, a chiffré un ouvrier à l’audience. « En somme, notre fils est mort pour 6 000 euros », souligne Mme Millot.

      L’affaire résonne avec une autre, dans laquelle Eiffage Construction Gard et un sous-traitant ont été condamnés en première instance comme en appel lors des procès qui se sont tenus en mai 2021 et avril 2022, à Nîmes. Mickaël Beccavin, cordiste de 39 ans, a fait une chute mortelle le 6 mars 2018, alors qu’il assemblait des balcons sur les logements d’un chantier d’envergure. Pour une raison restée inexpliquée, une corde sur laquelle il était suspendu a été retrouvée sectionnée, trop courte de plusieurs mètres. Quand la défense de l’entreprise a plaidé la seule responsabilité de la victime, qui aurait mal vérifié son matériel, l’inspecteur du travail a proposé une autre analyse.

      « On peut vous expliquer que le cordiste doit faire attention, mais la question n’est pas que là. La question est : est-ce qu’on devait faire appel à des cordistes pour ce chantier ? », a expliqué Roland Migliore à la barre, en mai 2021. Car la législation n’autorise les travaux sur cordes, particulièrement accidentogènes, qu’en dernier recours : cette pratique n’est possible que si aucun autre dispositif de protection dite « collective » (échafaudage, nacelle…) n’est envisageable. « La protection collective protège le salarié indépendamment de ce qu’il peut faire lui. S’il s’attache mal, il est protégé, rappelle l’inspecteur du travail. Au contraire, si l’on choisit la protection individuelle, on fait tout reposer sur le salarié. »

      « Précipitation »

      Le recours à la corde était apparu à l’audience comme un choix de dernière minute, sur un chantier où « tout le monde était pressé ». L’inspecteur du travail avait alors souligné cet aspect : « Malheureusement, dans le BTP, les contraintes sur les délais de livraison poussent à la précipitation : on improvise, quitte à ne pas respecter le plan général de coordination. »

      Secrétaire CGT-Construction, bois et ameublement de Nouvelle-Aquitaine, Denis Boutineau n’en peut plus de compter les morts. « Très souvent, c’est lié à un manque de sécurité. Quand vous êtes en ville, regardez les gens qui travaillent sur les toits, il n’y a aucune protection ! Pourquoi ? Pour des raisons économiques ! » Il cite ainsi le cas d’un jeune couvreur passé à travers un toit Everite. « L’employeur avait fait deux devis ! Un avec la mise en sécurité, un sans ! Bien sûr, le second était moins cher. Lequel croyez-vous qu’a accepté le client ? »

      Caroline Dilly reste, elle aussi, hantée par un échange avec son fils Benjamin, 23 ans, quelque temps avant sa mort, le 28 février 2022. Couvreur lui aussi, il aurait chuté en revenant dans la nacelle après avoir remis une ardoise en place sur un toit. Il n’était pas titulaire du certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces), nécessaire à l’utilisation de cet engin. Et la nacelle était-elle adaptée pour réaliser ce chantier ? C’est ce que devra établir la procédure judiciaire, encore en cours.

      Mais avant de rejoindre cette entreprise, Benjamin avait été renvoyé par une autre, au bout de quinze jours. « Il avait refusé de monter sur un échafaudage qui n’était pas aux normes », raconte sa mère, qui s’entend encore lui faire la leçon : « Y a ce que t’apprends à l’école et y a la réalité du monde du travail ! » « Je m’en veux tellement d’avoir dit ça… J’ai pris conscience alors à quel point prendre des risques au travail était entré dans nos mœurs. Tout ça pour aller plus vite. Comment en est-on arrivés à ce que la rentabilité prime sur le travail bien fait, en sécurité ? », se désole-t-elle.

      « Quand on commence, on est prêt à tout accepter »

      Depuis qu’elle a rejoint le Collectif familles : stop à la mort au travail, elle est frappée par la jeunesse des victimes : « Quand on commence dans le métier, on n’ose pas toujours dire qu’on a peur. Au contraire, pour s’intégrer, on est prêt à tout accepter. »

      Alexis Prélat avait 22 ans quand il est mort électrocuté sur un chantier, le 5 juin 2020. Son père, Fabien, bout aujourd’hui d’une colère qui lui fait soulever des montagnes. Sans avocat, il a réussi à faire reconnaître par le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux la « faute inexcusable » de l’employeur.

      C’est-à-dire à démontrer que ce dernier avait connaissance du danger auquel Alexis a été exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le jeune homme est descendu dans une tranchée où était clairement identifiée, par un filet rouge, la présence d’un câble électrique. « Le préposé de l’employeur sous les ordres duquel travaillait la victime ce jour-là aurait dû avoir connaissance du danger », dit le jugement rendu le 11 mai 2023, qui liste des infractions relevées par l’inspecteur du travail, notamment l’« absence d’habilitation électrique » et l’« absence de transcription de l’ensemble des risques dans le document unique d’évaluation des risques ».

      Fabien Prélat relève également que, comme pour Alban Millot, le code APE de l’entreprise ne correspond pas à son activité réelle. Elle est identifiée comme « distribution de produits informatiques, bureautique et papeterie ». Il estime par ailleurs que le gérant, « de fait », n’est pas celui qui apparaît sur les documents officiels. « Bien sûr, ce n’est pas ça qui a directement causé la mort de mon fils. Mais si l’Etat contrôlait mieux les choses, ces gens-là n’auraient jamais pu s’installer », s’emporte-t-il.

      « Pas assez de contrôles de l’inspection du travail »

      Cheffe du pôle santé et sécurité à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal, et elle-même gestionnaire d’une PME de charpente et couverture dans le Puy-de-Dôme, Cécile Beaudonnat s’indigne de ces pratiques. « Ce sont des gens contre qui on lutte, explique-t-elle. On les repère quand leurs clients nous contactent, dépités, quand ils comprennent que l’entreprise qui leur a mal installé des panneaux solaires n’avait ni les techniciens qualifiés, ni l’assurance professionnelle décennale », explique-t-elle.

      Normalement, pour s’installer, il y a l’obligation d’avoir une formation professionnelle qualifiante homologuée (au moins un CAP ou un BEP) ou de faire valider une expérience de trois ans sous la supervision d’un professionnel. « Malheureusement, il n’y a pas assez de contrôles de l’inspection du travail », déplore-t-elle. Avant d’ajouter : « Pour nous, c’est avant tout au chef d’entreprise d’être exemplaire, sur le port des équipements de protection, en faisant ce qu’il faut pour former ses salariés et en attaquant chaque chantier par une démarche de prévention des risques. Nous sommes une entreprise familiale, on n’a aucune envie d’avoir un jour un décès à annoncer à une famille. »

      « Il y a une bataille à mener pour faire changer les mentalités. Y compris chez les ouvriers, pour qu’ils ne se mettent pas en danger pour faire gagner plus d’argent à l’entreprise ! Quand on voit les dégâts que ça fait sur les familles… », s’attriste Denis Boutineau.

      Les deux parents d’Alexis Prélat ont obtenu, chacun, 32 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sa sœur 18 000 euros. Ils espèrent maintenant un procès en correctionnelle. « La meilleure façon de changer les choses, c’est d’obtenir des condamnations exemplaires », estime Fabien Prélat.

      Fait rare, l’employeur d’Alban Millot a, lui, été condamné en correctionnelle à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme. Il a fait appel du jugement. « Avant le procès, j’avais la haine contre ce type, confie Laurent Millot. L’audience et, surtout, une sanction telle que celle-là m’ont fait redescendre. »

    • Accidents du travail : quand les machines mettent en péril la vie des salariés
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/08/accidents-du-travail-quand-les-machines-tuent_6215360_3234.html

      Dans l’industrie, le BTP ou l’agriculture, les accidents liés à l’utilisation de machines comptent parmi les plus graves et les plus mortels. Employeurs, fabricants et responsables de la maintenance se renvoient la faute.

      Lorsqu’il prend son poste, ce lundi 27 décembre 2021, cela fait déjà plusieurs mois que Pierrick Duchêne, 51 ans, peste contre la machine qu’il utilise. Après deux décennies dans l’agroalimentaire, il est, depuis cinq ans, conducteur de presse automatisée dans une agence Point P. de fabrication de parpaings, à Geneston (Loire-Atlantique). Depuis un an et demi, la bonne ambiance au boulot, cette fraternité du travail en équipe qu’il chérit tant, s’est peu à peu délitée. L’atmosphère est devenue plus pesante. La cadence, toujours plus infernale. Les objectifs de #productivité sont en hausse. Et ces #machines, donc, « toujours en panne », fulmine-t-il souvent auprès de sa femme, Claudine.

      Ce jour-là, il ne devait même pas travailler. Mais parce qu’il était du genre à « toujours aider et dépanner », dit Claudine, il a accepté de rogner un peu sur ses vacances pour participer à la journée de maintenance et de nettoyage des machines. Pierrick Duchêne a demandé à son fils qu’il se tienne prêt. Dès la fin de sa journée, à 15 heures, ils devaient aller à la déchetterie. Mais, vers 11 h 30, il est retrouvé inconscient, en arrêt cardiorespiratoire, écrasé sous une rectifieuse à parpaing. Dépêché sur place, le service mobile d’urgence et de réanimation fait repartir son cœur, qui s’arrête à nouveau dans l’ambulance. Pierrick Duchêne meurt à l’hôpital, le 2 janvier 2022.

      Son histoire fait tragiquement écho à des centaines d’autres, se produisant chaque année en France. En 2022, la Caisse nationale d’assurance-maladie a recensé 738 accidents du travail mortels dans le secteur privé, selon son rapport annuel publié en décembre 2023. 1 % d’entre eux sont liés au « risque machine » – auquel on peut ajouter les accidents liés à la « manutention mécanique », de l’ordre de 1 % également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui répertorie plus précisément les incidents de ce type, les machines sont mises en cause dans 10 % à 15 % des accidents du travail ayant entraîné un arrêt supérieur ou égal à quatre jours, ce qui représente environ 55 000 accidents. Dont une vingtaine sont mortels chaque année.

      « La peur suppure de l’usine parce que l’usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu’elle utilise (…), ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l’ordre », écrivait Robert Linhart, dans L’Etabli (Editions de Minuit), en 1978. L’industrie, et notamment la métallurgie, est un secteur d’activité dans lequel les risques pour la santé des ouvriers sont amplifiés par l’utilisation d’outils et de machines. Les employés agricoles, les salariés de la chimie ou les travailleurs du BTP sont aussi très exposés. Sur le terrain, les services de l’inspection du travail font régulièrement état de la présence de machines dangereuses.

      « Aveuglement dysfonctionnel »

      Si leur fréquence baisse depuis les années 1990, ces accidents sont souvent les plus graves, avec des blessures importantes, et les procédures qui s’ensuivent sont extrêmement longues. La responsabilité peut être difficile à établir, car plusieurs acteurs sont en jeu : l’employeur, le fabricant de la machine, l’installateur, la maintenance. La plupart du temps, chacun se renvoie la faute. Comme si la machine permettait à tous de se dédouaner.

      « Le risque zéro n’existe pas », entend-on régulièrement au sujet des accidents du travail, qui plus est quand une machine est en cause. Pourtant, le dysfonctionnement brutal que personne ne pouvait anticiper, qui accréditerait la thèse d’une infortune létale, n’est quasiment jamais à l’œuvre. Au contraire, les défaillances des machines sont souvent connues de tous. « Il peut s’installer une sorte d’aveuglement dysfonctionnel, analyse Jorge Munoz, maître de conférences en sociologie à l’université de Bretagne occidentale. Le problème est tellement récurrent qu’il en devient normal. »

      Une situation qui hante encore les jours et les nuits de Delphine et de Franck Marais, les parents de Ludovic. Personne ne pouvait soupçonner que ce jeune apprenti barman de 19 ans mettait sa vie en péril en servant pintes et cafés derrière le comptoir d’une brasserie réputée de Tours. Mais, le 16 décembre 2019, quelques minutes avant de rentrer chez lui, à 23 h 45, sa tête est percutée par le monte-charge des poubelles.

      La machine fonctionnait depuis des mois, voire plusieurs années, avec les grilles de protection ouvertes. « Quelqu’un a désactivé la sécurité qui empêchait le monte-charge de démarrer ainsi, grilles ouvertes », raconte Franck, le père. Qui ? Un salarié, pour gagner du temps ? L’employeur, pour que ses salariés aillent plus vite ? Le responsable de la maintenance, à la demande de l’employeur ? Un oubli du technicien ? « On ne saura probablement jamais, mais, finalement, là n’est pas la question, estime l’avocate des parents, Marion Ménage. Ce qui compte, c’est que l’entreprise savait qu’il fonctionnait grilles ouvertes et qu’elle n’a rien fait. »

      « Il se sentait en danger »

      Sécurité désactivée, maintenance non assurée, prévention déconsidérée… Les mêmes logiques, les mêmes légèretés face à des machines dangereuses reviennent méthodiquement dans les récits, soulignant le caractère systémique de ces événements dramatiques. « Les dispositifs de sécurité ralentissent parfois le processus de travail et empêchent de tenir la cadence, analyse Jorge Munoz. On peut être tenté de défaire le mécanisme et, donc, de mettre en péril l’utilisateur. » C’est cette logique mortifère qui a été fatale à Flavien Bérard. Le jeune homme de 27 ans était sondeur pour la Société de maintenance pétrolière (SMP), une entreprise de forage et d’entretien de puits pétroliers, gaziers et de géothermie.

      D’abord employé sur un site dans le Gard, où il s’épanouit malgré les conditions de travail difficiles, Flavien Bérard est transféré après une semaine à Villemareuil, en Seine-et-Marne. Il se retrouve sur un chantier de forage pétrolier dont est propriétaire SMP, « les puits du patron », comme on surnomme le lieu. Industrie lourde, à l’ancienne, rythme en trois-huit, rendements à tout prix… Flavien est confronté à un milieu dur et peu accueillant. « Il nous a vite dit que c’était difficile, se souvient sa mère, Fabienne. Le gaillard de 1,84 mètre, plus de 80 kilos, corps de rugbyman, est pourtant du genre à tenir physiquement.

      « Il nous a surtout dit qu’il se sentait en danger, que les machines étaient dangereuses et qu’il avait des doutes sur la sécurité », déplore aujourd’hui Fabienne Bérard. Ses inquiétudes s’avèrent prémonitoires. Alors qu’il avait décidé de ne pas poursuivre sur le site une fois sa mission arrivée à son terme, le 5 mars 2022, vers 4 heures, une pièce métallique d’une trentaine de kilos se détache d’une machine de forage et percute Flavien à la tête, une quinzaine de mètres plus bas. Il meurt le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

      « On nous a tout de suite parlé d’une erreur humaine, avec une sécurité désactivée », explique le père de la victime, Laurent Bérard. Selon l’avocat des parents, Lionel Béthune de Moro, le rapport machine de l’expert judiciaire ferait état de « 373 non-conformités », dont 3 concerneraient le système responsable de l’accident. « Une sécurité essentielle a été désactivée, pour le rendement », ajoute-t-il. « On nous a même dit que ce n’était pas la première fois qu’il y avait un problème avec cette machine », renchérit Fabienne Bérard.

      Complexité des procédures

      Ces exemples posent la question de la #prévention et de la maintenance. « L’objectif, c’est que les entreprises voient celles-ci comme un profit et non comme un coût », affirme Jean-Christophe Blaise, expert de l’INRS. L’institut a justement pour mission de développer et de promouvoir une culture de prévention des accidents du travail au sein des entreprises. « Dans certains cas, elle peut être perçue comme quelque chose qui alourdit les processus, qui coûte plus cher, complète Jorge Munoz. Mais l’utilisation d’une machine nécessite une organisation spécifique. »

      D’autant qu’une politique de prévention se déploie sur le long terme et nécessite des actions régulières dans le temps. Les agents de l’INRS travaillent sur trois aspects pour éviter les drames autour des machines : les solutions techniques, l’organisation du travail et le levier humain (formation, compétences, etc.). « Un accident du travail est toujours multifactoriel et il faut agir sur tout à la fois, souligne M. Blaise. La clé, c’est la maintenance préventive : anticiper, prévoir plutôt que subir. »

      Les accidents du travail liés aux machines ont un autre point commun : la complexité des procédures qui s’ensuivent. Plus de deux ans après les faits, Claudine Duchêne ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort de son mari. « Je sais juste que la machine n’aurait pas dû fonctionner en ce jour de maintenance, qu’il n’aurait pas dû y avoir d’électricité », assure-t-elle. L’enquête de la gendarmerie a été close en juillet 2022, celle de l’inspection du travail a été remise à la justice en juin 2023. Celle-ci révélerait « une faute accablante sur l’organisation de la journée de maintenance », précise Claudine Duchêne. Depuis, elle attend la décision du parquet de Nantes.

      Aux enquêtes de police et de l’inspection du travail peut s’ajouter une expertise judiciaire, ralentissant encore un peu plus la procédure, comme dans le cas de Flavien Bérard. « L’attente est longue et douloureuse pour les familles, souligne Me Béthune de Moro. Plus il y a d’intervenants, plus cela alourdit les choses, mais c’est toujours pour éclairer la situation, dans un souci de manifestation de la vérité. » La famille attend désormais d’éventuelles mises en examen et une ordonnance de renvoi dans l’année pour un procès en 2025.

      Après l’accident de Ludovic Marais, le monte-charge a été mis sous scellé jusqu’en mars 2023, une procédure indispensable mais qui allonge encore les délais. Cela a empêché l’intervention d’un expert judiciaire pendant plus de trois ans. « Le nouveau juge d’instruction a décidé de lever les scellés et une nouvelle expertise est en cours », confie Me Ménage. Le rapport pourrait arriver d’ici à l’été. Sachant que les avocats de la défense pourront éventuellement demander une contre-expertise. La brasserie, le patron, la tutrice du jeune apprenti, Otis (la société ayant installé le monte-charge) et un de ses techniciens chargé de la maintenance sont mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ». Un procès pourrait avoir lieu fin 2024 ou en 2025. La fin d’un chemin de croix judiciaire pour qu’enfin le deuil soit possible.

    • Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/09/accidents-du-travail-les-jeunes-paient-un-lourd-tribut_6215566_3234.html

      Entre les entreprises peu scrupuleuses et la nécessité pour les jeunes de faire leurs preuves dans un monde du travail concurrentiel, les stagiaires, élèves de lycées professionnels ou apprentis sont les plus exposés aux risques professionnels.

      Quatre jours. L’unique expérience professionnelle de Jérémy Wasson n’aura pas duré plus longtemps. Le #stage d’observation de cet étudiant en première année à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) devait durer deux mois, dans l’entreprise Urbaine de travaux (filiale du géant du BTP Fayat). Le 28 mai 2020, il est envoyé seul sur le toit du chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien, à Pantin (Seine-Saint-Denis). A 13 h 30, il fait une chute en passant à travers une trémie de désenfumage – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée. Il meurt deux jours plus tard, à 21 ans.

      L’accident de Jérémy a laissé la grande école du bâtiment en état de choc. « C’est ce qui m’est arrivé de pire en trente ans d’enseignement supérieur », exprime Joël Cuny, directeur général de l’ESTP, directeur des formations à l’époque. La stupeur a laissé la place à de vibrants hommages. Un peu courts, toutefois… L’ESTP ne s’est pas portée partie civile au procès, regrette Frédéric Wasson, le père de Jérémy, qui souligne que « Fayat est l’entreprise marraine de la promo de [s]on fils… », ou que, dès 2021, Urbaine de travaux reprenait des dizaines de stagiaires issus de l’école.

      #Stagiaires, élèves de lycées professionnels en période de formation en milieu professionnel, #apprentis… Les jeunes paient un lourd tribut parmi les morts au travail : trente-six travailleurs de moins de 25 ans n’ont pas survécu à un accident du travail en 2022, selon le dernier bilan de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). C’est 29 % de plus qu’en 2019. Et encore cela ne porte que sur les salariés du régime général. La CNAM souligne aussi que, par rapport aux autres accidents du travail, il s’agit davantage d’accidents « classiques, c’est-à-dire hors malaises et suicides », et d’accidents routiers.

      « Irresponsabilité totale »

      L’inexpérience de ces jeunes, quand elle n’est pas compensée par un accompagnement renforcé, explique en partie cette surmortalité. Quelque 15 % des accidents graves et mortels surviennent au cours des trois premiers mois suivant l’embauche, et plus de la moitié des salariés de moins de 25 ans morts au travail avaient moins d’un an d’ancienneté dans le poste.

      Tom Le Duault a, lui, perdu la vie le lundi 25 octobre 2021. Cet étudiant en BTS technico-commercial entame alors son quatrième contrat court dans l’abattoir de LDC Bretagne, à Lanfains (Côtes-d’Armor). Sa mère y travaille depuis vingt-neuf ans, et il espère ainsi mettre un peu d’argent de côté. Comme lors de ses premières expériences, il est « à la découpe », où il s’occupe de mettre en boîte les volailles. Ce matin-là, un salarié est absent. Tom doit le remplacer dans le réfrigérateur où sont stockées les caisses de viande. Il est censé y empiler les boîtes avec un gerbeur, un appareil de levage.

      « Sur les dernières images de vidéosurveillance, on le voit entrer à 9 h 53. Il n’est jamais ressorti, et personne ne s’est inquiété de son absence », regrette Isabelle Le Duault, sa mère. Il est découvert à 10 h 45, asphyxié sous deux caisses de cuisses de volaille. Elle apprend la mort de son fils par hasard. « J’ai vu qu’il y avait plein de monde dehors. Une fille m’a dit qu’il y avait un accident grave, elle m’a dit de demander si ce n’était pas mon fils au responsable. Il m’a demandé : “C’est Tom comment ?” C’était bien lui… »

      Les conclusions des enquêtes de gendarmerie et de l’inspection du travail ont vite écarté une éventuelle responsabilité du jeune homme. Jean-Claude Le Duault, son père, en veut à l’entreprise. « Tom n’a pas voulu les décevoir, vu que sa mère travaillait là. Mais on ne met pas un gamin de 18 ans seul dans un atelier, une heure, sans vérifier, sur un gerbeur. Il ne connaît pas les dangers, les règles de sécurité. C’est une irresponsabilité totale, à tous les étages. »

      Manquements

      Dans un monde du travail concurrentiel, les jeunes se doivent de faire leurs preuves. A quel prix ? Selon une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2020, 59 % des jeunes sortant de la voie professionnelle sont exposés à des risques de blessures ou d’accidents. Or, dans le même temps, ils n’ont pas la même connaissance de leurs droits. Toujours dans cette étude, 42 % déclaraient ne pas avoir reçu de formation ou d’informationsur la santé et la sécurité à l’arrivée sur leur poste. C’est le cas de Tom Le Duault, qui n’avait même pas de fiche de poste. Comme son utilisation du gerbeur n’était pas prévue, il avait été formé sur le tas.

      « Il avait déjà travaillé avec un appareil de levage lors de son précédent contrat, et il s’était déjà blessé à la cheville, ce qui avait causé trois semaines d’arrêt, fulmine Ralph Blindauer, avocat de la famille. Il a été formé par un autre intérimaire. C’était une formation à l’utilisation, pas à la sécurité ! »

      A l’absence d’encadrement et de formation s’ajoutent d’autres manquements, détaillés lors du procès de l’entreprise au pénal : l’appareil était défaillant, ce qui a vraisemblablement causé l’accident, et les salariés de LDC avaient l’habitude d’empiler les caisses sur trois niveaux au lieu de deux, faute de place dans la chambre froide, ce qui est contraire aux règles de sécurité.

      Le rôle du tuteur est crucial

      LDC Bretagne a été condamné, en mai 2023, à une amende de 300 000 euros, tandis que l’ancien directeur de l’#usine – devenu, entre-temps, « chargé de mission » au sein de l’entreprise – a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Reconnaissant ses manquements, l’entreprise n’a pas fait appel, chose rare. La direction de cette grosse PME déclare que des mesures complémentaires ont été prises à la suite du décès de Tom, notamment un « plan de formation renforcé à la sécurité, des habilitations, une évaluation complète et approfondie des risques sur les différents postes, des audits par des cabinets indépendants ou le suivi d’indicateurs ».

      Un badge est désormais nécessaire pour se servir d’un gerbeur, ajoute Isabelle Le Duault. Elle a choisi de rester dans l’entreprise, mais à mi-temps. « Moi, je ne peux plus passer devant cette usine, ou même dans cette ville », renchérit son mari.

      En stage ou en apprentissage, le rôle du tuteur est crucial. Sur le chantier d’Urbaine de travaux, à Pantin, l’arrivée de Jérémy Wasson n’avait pas été anticipée. Le lundi matin, personne ne s’occupe de lui, car le chantier est en retard. Il ne reçoit rien d’autre qu’un livret d’accueil et un rendez-vous de quinze minutes pendant lequel on lui parle surtout des gestes barrières. « Jérémy s’est très vite interrogé sur la nature de son stage. Dès le premier jour, on lui a fait faire du marteau-piqueur, le mercredi soir, il trouvait ça fatigant et inintéressant. Ce soir-là, on a hésité à prévenir l’école… », raconte son père.

      Renforcer la formation à la sécurité

      La société Urbaine de travaux a été condamnée, en 2022, à 240 000 euros d’amende pour « homicide involontaire », et l’ingénieure en chef du chantier à 10 000 euros et deux ans de prison avec sursis. Cette décision du tribunal de Bobigny a confirmé les lourdes conclusions de l’inspection du travail, notamment la violation délibérée d’une obligation de #sécurité, l’absence d’encadrement et de formation de Jérémy et l’absence de #sécurisation de la trémie. L’entreprise a fait appel.

      Face à la violence de ces récits, qui concernent parfois des mineurs, le sujet a été érigé en axe prioritaire dans le plan santé au travail du gouvernement. Mais le choix du ministère du travail de publier deux mémentos qui mettent jeunes et entreprises sur le même plan, les invitant à « respecter toutes les consignes », peut étonner.

      Les écoles et centres de formation ont aussi un rôle à jouer pour renforcer la formation à la sécurité. En 2022, la CNAM a recensé plus de 1 million d’élèves et apprentis (CAP et bac professionnel) ayant reçu un enseignement spécifique en santé et sécurité au travail.

      Faciliter la mise en situation des adolescents

      A la suite du décès de Jérémy, l’ESTP a renforcé les enseignements – déjà obligatoires – sur la sécurité. Un élève ne peut se rendre en stage sans avoir obtenu une certification. « En cas de signalement, on fait un point avec les RH de l’entreprise, et si ça ne se résout pas, nous n’avons pas de scrupules à arrêter le stage. Mais je ne remets pas en cause la volonté des entreprises de créer un environnement de sécurité pour accueillir nos élèves », déclare Joël Cuny.

      Un argument difficile à entendre pour la famille de Jérémy Wasson… Car les #entreprises restent les premières responsables de la santé des jeunes sous leur responsabilité, comme du reste de leurs salariés. Le nombre d’apprentis a explosé ces dernières années, la réforme du lycée professionnel souhaite faciliter la mise en situation des adolescents.

      Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’obligation pour les élèves de 2de générale et technologique, dès 2024, d’effectuer un stage en entreprise ou en association de deux semaines, semblable au stage de 3e. La question ne s’est jamais autant posée : les employeurs mettront-ils les moyens pour protéger tous ces jeunes ?

      #apprentissage

    • Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade, Anne Rodier
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/10/avec-la-sous-traitance-des-accidents-du-travail-en-cascade_6215798_3234.html

      Pression économique des donneurs d’ordre, délais resserrés, manque de prévention… Les salariés des entreprises en sous-traitance, en particulier sur les chantiers et dans le nettoyage, sont plus exposés aux accidents du travail. Surtout lorsqu’ils sont #sans-papiers.

      https://justpaste.it/axscq

      #sous-traitance

  • Son surnom : le Lascaux de la gravure. Découverte en 2000 à une trentaine de kilomètres de Lascaux, la grotte de Cussac n’est accessible qu’aux scientifiques et est restée secrète pour le grand public. Pourtant, elle regorge d’œuvres d’art pariétales et recèle de nombreuses énigmes que les chercheurs tentent d’élucider.
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/dordogne/perigueux/squelettes-humains-gravures-une-grotte-secrete-datee-de
    #archéologie #patrimoine_de_l'humanité #préhistoire

  • « Une mer de plus en plus agitée » : près de 70 migrants secourus dans la Manche - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54922/une-mer-de-plus-en-plus-agitee--pres-de-70-migrants-secourus-dans-la-m

    Actualités « Une mer de plus en plus agitée » : près de 70 migrants secourus dans la Manche
    Par La rédaction Publié le : 01/02/2024
    Deux opérations de sauvetage ont été lancées dans la matinée du mercredi 31 janvier. Soixante-neuf migrants ont été secourus, selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord. Les conditions en mer ont été particulièrement difficiles pour le second sauvetage, qui a permis de récupérer 55 personnes.
    Soixante-neuf migrants ont été secourues dans la Manche, mercredi 31 janvier, au cours d’une journée intense de traversées et de sauvetage. Deux opérations de sauvetage ont été lancées à partir du début de journée, lorsque le CROSS Gris-Nez a été alerté au sujet de plusieurs embarcations se trouvant en difficulté dans la Manche.
    D’abord, 14 personnes ont été secourues au large de Camiers, une commune proche du Touquet-Paris-Plage. Deux moyens de sauvetage ont été engagés par le CROSS : le patrouilleur des Affaires maritimes Thémis et le semi-rigide de la SNSM (société nationale de sauvetage en mer) de Boulogne-sur-Mer, relate le communiqué de la Préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.
    Les naufragés ont été débarqués au port de Boulogne-sur-Mer. Une salle a été ouverte pour les recevoir, rapporte La Voix du Nord. L’association Osmose 62, basée dans le Boulonnais et qui organise des maraudes le long des plages et près des ports, est également intervenue pour apporter des boissons chaudes, de la nourriture et des vêtements secs aux exilés.
    Un peu plus tard dans la matinée, toujours selon la préfecture maritime, 55 personnes ont été secourues. Celles-ci se trouvaient sur un canot au large d’Audresselles, une commune à près de 15 kilomètres au nord de Boulogne-sur-mer. Parmi ces exilés, des ressortissants du « Vietnam, Irak, Syrie, Soudan, Albanie, Inde, Afghanistan », cite La Voix du Nord.Pour cette seconde grande opération, le CROSS a d’abord envoyé sur place un navire qui intervient peu, d’ordinaire, dans les opérations de sauvetage : le bâtiment d’expérimentations de guerre des mines (BEGM) Thétis, de la Marine nationale. Bien que ses apparitions soient rares, le Thétis, « basé à Brest, est déjà intervenu en Manche. Il fait partie des navires qui intègrent le tour d’alerte », précise Véronique Magnin, porte-parole de la préfecture maritime, à InfoMigrants.
    « Une fois sur place, ils ont commencé l’opération, mais les conditions météorologiques se sont dégradées », raconte encore la porte-parole. Le communiqué évoque « un vent qui se renforce et une mer de plus en plus agitée ». Le CROSS envoie alors sur place l’Abeille Normandie de la Marine nationale, « en renfort ». Les deux bateaux mènent l’opération de sauvetage du même canot en détresse. Celui-ci, « en surcharge, a chaviré faisant tomber ses occupants dans une eau à 7 degrés », raconte le journal Nord Littoral, constatant par la suite que « tous ou presque se trouvent en état d’hypothermie ».
    Le Thétis parvient à prendre à son bord 27 personnes, ensuite déposées au port de Calais. L’équipage de l’Abeille Normandie, lui, prend à son bord 28 personnes. Celles-ci ont été débarquées au port de Boulogne-sur-Mer. « Les lieux de débarquement varient en fonction des moyens de sauvetage utilisés pour récupérer les personnes : le port le plus adapté pour recevoir l’Abeille Normandie est celui de Boulogne », précise encore la porte-parole de la préfecture maritime. Selon les autorités, toutes les personnes ayant fait naufrage ont été secourues.Depuis quelques jours, les conditions météorologiques sont relativement favorables aux départs le long de la côte. Plusieurs groupes d’exilés ayant été interceptés par les gendarmes sur les plages ou ayant échoué à monter dans l’embarcation ont été aperçus, parfois trempés dans les rues, comme à Sangatte évoque Nord Littoral. Pour eux comme pour les naufragés, la seule issue est le retour sur les campements autour de Calais et de Grande-Synthe. Avant une nouvelle tentative

    #Covid-19#migrant#migration#france#calais#grandsynthe#boulognesurmer#sangatte#traversee#manche#prefecturemaritime#morbidite#sante#routemigratoire#migrationirreguliere

  • #Dio_Valzer - #Mara_Redeghieri

    Storia e tradizione della musica popolare Italiana
    Dio Valzer - Canti popolari anarcosindacali
    ed. Circolo Culturale Enrico Zambonini ©
    All rights reserved to their rightful owners

    01. Arroja la bomba - Mijal Ganime Lopez
    02. #Inno_individualista - Mara Redeghieri*
    03. #Il_crack_delle_banche - Mara Redeghieri*
    04. #Stornelli_d'esilio - Mara Redeghieri*
    05. #Le_quattro_stagioni - Mara Redeghieri*
    06. #Il_galeone - Mara Redeghieri*
    07. #Son_cieco - Mara Redeghieri*
    08. #Bevi_compagno_bevi - Fausto Manfredi
    09. #La_beghina - Fausto Manfredi
    10. #Canto_dei_malfattori - Mara Redeghieri*
    11. #Inno_dei_pezzenti - Mara Redeghieri*
    12. #Festa_d'Aprile - Mara Redeghieri*

    * alla chitarra Lorenzo Valdesalici

    https://www.youtube.com/watch?v=RxeYfGpkT0k


    #anarchisme #musique #chansons_populaires #Italie #musique_populaire #anarco-syndicalisme

  • Taxi Berlin - Hier spricht Tiffany Taxi - Programm 88,4 MHz
    https://fr-bb.org/programm/sendung/60948.html#Taxi%20Berlin-Hier%20spricht%20Tiffany%20Taxi

    «Taxi Berlin» Hier spricht Tiffany Taxi: Taxifilmfest #92
    Donnerstag, 01. Feb 2024, 19:00 bis 20:00 Uhr
    Übers Taxifahren in Berlin und seine Nebenwirkungen. Taxi Berlin

    Geschichten und Informationen aus dem Taxi, über das Taxi und um das Taxi herum. Mit Tiffany und Gästen, mit Musik zum Taxifahren.
    88,4 MHz - Pi Radio

    https://www.txsl.de/taxifilmfest-piradio.html

    Sendetermin
    Donnerstag, 01. Feb 2024, 19:00 bis 20:00 Uhr
    88,4 MHz in Berlin
    90,7 MHz in Potsdam
    DAB+ Kanale 7D in Berlin
    DAB+ Kanale 12D in Brandenburg
    Stream : 192 kbit/s, 128 kbit/s http://ice.rosebud-media.de:8000/88vier

    #Taxi #Kultur #Film #Kino #Berlin #Mitte #Potsdamer_Straße #Eichhornstraße #TaxiFilmFest #Berlinale #Boulevard_der_Stars #Journalismus #Presse #TaxiFilmFest #Medienecho

  • Position et appel des Soulèvements de la terre sur le mouvement agricole en cours
    https://lundi.am/Position-et-appel-des-Soulevements-de-la-terre-sur-le-mouvement-agricole-en

    Si nous nous soulevons, c’est en grande partie contre les ravages de ce complexe agro-industriel, avec le vif souvenir des fermes de nos familles que nous avons vu disparaître et la conscience aiguë des abîmes de difficultés que nous rencontrons dans nos propres parcours d’installation. Ce sont ces industries et les méga-sociétés cumulardes qui les accompagnent, avalant les #terres et les fermes autour d’elles, accélérant le devenir firme de la production agricole, et qui ainsi tuent à bas bruit le monde #paysan. Ce sont ces industries que nous ciblons dans nos actions depuis le début de notre mouvement - et non la classe paysanne.

    Si nous clamons que la liquidation sociale et économique de la paysannerie et la destruction des milieux de vie sont étroitement corrélées - les fermes disparaissant au même rythme que les oiseaux des champs et le complexe agro-industriel resserrant son emprise tandis que le réchauffement climatique s’accélère - nous ne sommes pas dupes des effet délétères d’une certaine écologie industrielle, gestionnaire et technocratique. La gestion par les normes environnementales-sanitaires de l’#agriculture est à ce titre absolument ambigüe. À défaut de réellement protéger la santé des populations et des milieux de vie, elle a, derrière de belles intentions, surtout constitué un nouveau vecteur d’industrialisation des exploitations. Les investissements colossaux exigés par les mises aux normes depuis des années ont accéléré, partout, la concentration des structures, leur #bureaucratisation sous contrôles permanents et la perte du sens du métier.

    Nous refusons de séparer la question écologique de la question sociale, ou d’en faire une affaire de consom’acteurs citoyens responsables, de changement de pratiques individuelles ou de « transitions personnelles » : il est impossible de réclamer d’un éleveur piégé dans une filière hyperintégré qu’il bifurque et sorte d’un mode de production industriel, comme il est honteux d’exiger que des millions de personnes qui dépendent structurellement de l’aide alimentaire se mettent à « consommer bio et local ». Pas plus que nous ne voulons réduire la nécessaire écologisation du travail de la terre à une question de « réglementations » ou de « jeu de normes » : le salut ne viendra pas en renforçant l’emprise des bureaucraties sur les pratiques paysannes. Aucun changement structurel n’adviendra tant que nous ne déserrerons pas l’étau des contraintes économiques et technocratiques qui pèsent sur nos vies : et nous ne pourrons nous en libérer que par la lutte.

    Si nous n’avons pas de leçons à donner aux agriculteur·rices ni de fausses promesses à leur adresser, l’expérience de nos combats aux côtés des paysan·nes - que ce soit contre des grands projets inutiles et imposés, contre les méga-bassines, ou pour se réapproprier les fruits de l’accaparement des terres - nous a offert quelques certitudes, qui guident nos paris stratégiques.

    L’écologie sera paysanne et populaire ou ne sera pas. La #paysannerie disparaîtra en même temps que la sécurité alimentaire des populations et nos dernières marges d’autonomie face aux complexes industriels si ne se lève pas un vaste mouvement social de #reprise_des_terres face à leur #accaparement et leur #destruction. Si nous ne faisons pas sauter les verrous (traités de #libre-échange, dérégulation des prix, emprise monopolistique de l’#agro-alimentaire et des hypermarchés sur la consommation des ménages) qui scellent l’emprise du marché sur nos vies et l’agriculture. Si n’est pas bloquée la fuite en avant techno-solutionniste (le tryptique biotechnologies génétiques - robotisation - numérisation). Si ne sont pas neutralisés les méga-projets clés de la restructuration du modèle agro-industriel. Si nous ne trouvons pas les leviers adéquats de socialisation de l’#alimentation qui permettent de sécuriser les revenus des producteurs et de garantir le droit universel à l’alimentation.

    #revenu #écologie

    (pour mémoire : bucolisme et conflictualité)

    • C’est signé « Les Soulèvements de la Terre - le 30 janvier 2024 » ; c’est pas lundiamiste, c’est SDLTique :-)

    • 😁 merci @colporteur 🙏

      je colle ici un ou deux bouts de l’appel du lundiisme soulevementier, y’a une synthèse paysano-intello avec des chiffres

      Dans le monde, le pourcentage du prix de vente qui revient aux agriculteurs est passé de 40 % en 1910 à 7 % en 1997, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). De 2001 à 2022, les distributeurs et les entreprises agroalimentaires de la filière lait ont vu leur marge brute s’envoler de respectivement 188% et 64%, alors même que celle des producteurs stagne quand elle n’est pas simplement négative.
      [...]
      C’est ce pillage de la valeur ajoutée organisé par les filières qui explique, aujourd’hui, que sans les subventions qui jouent un rôle pervers de béquilles du système (en plus de profiter essentiellement aux plus gros) 50% des exploitant·es auraient un résultat courant avant impôts négatif : en bovins lait, la marge hors subvention qui était de 396€/ha en moyenne entre 1993 et 1997 est devenue négative à la fin des années 2010 (-16€/ha en moyenne), tandis que le nombre de paysans pris en compte par le Réseau d’information comptable agricole dans cette filière passe sur cette période de 134 000 à 74 000.

  • Assurance-chômage : les scénarios du gouvernement pour un nouveau saccage, Cécile Hautefeuille

    L’exécutif étudie des pistes de réduction des droits au chômage, parmi lesquelles une baisse supplémentaire de 20 % de la durée d’indemnisation et un durcissement des règles concernant les seniors. Mediapart a eu accès aux chiffrages établis par la Dares, l’institut statistique du ministère du travail.

    Plusieurs scénarios pour un très mauvais film. Dans le droit fil des déclarations d’Emmanuel Macron sur un nouveau durcissement des règles d’#assurance-chômage lors de sa conférence de presse du 16 janvier, le ministère du #travail a demandé à la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), son institut statistique, de plancher sur différentes pistes de réduction des droits et vient d’en recevoir les résultats détaillés.

    Selon ces documents que Mediapart s’est procurés, l’hypothèse d’une nouvelle baisse de la #durée_d’indemnisation a été explorée, un an tout juste après une première diminution de 25 %. La seconde salve ferait mal : 20 % de moins pour toutes et tous. La durée maximale d’indemnisation passerait alors de 18 mois à 14,4 mois pour les moins de 53 ans, de 22,5 mois à 18 mois pour les 53-54 ans et de 27 mois à 21,6 mois pour les 55 ans et plus. Comparée à la durée initiale, avant la réforme de février 2023, la baisse totale serait… de 40 %.

    Et ce n’est pas tout. En pleine négociation sur le #chômage des #seniors avec les partenaires sociaux, le ministère a demandé à la Dares de travailler sur des scénarios visant à réduire, voire à supprimer totalement, les règles plus favorables dont les 53 ans et plus bénéficient en termes de durée et de maintien de droits jusqu’à la #retraite

    Sollicité par Mediapart sur ces chiffrages, le ministère du travail, désormais piloté par Catherine Vautrin, n’a pas souhaité commenter.
    S’ils ne sont, pour l’heure, que des documents de travail, ces chiffrages donnent un sérieux aperçu des hypothèses envisagées par l’exécutif. Emmanuel Macron a exposé sa volonté en conférence de presse, puis à Davos devant les puissants de l’économie mondiale : il veut un « acte II » de la réforme du marché du travail. Il veut des règles plus sévères. Il veut un taux de chômage à 5 %.

    Sitôt exigé, sitôt exploré. Le ministère du travail détient désormais le détail des plans possibles. De belles économies en vue mais un désastre pour les #chômeurs et les #chômeuses. Sans que les effets concrets s’annoncent très positifs en termes de baisse du chômage : la Dares n’anticipe que quelques dizaines de milliers d’emplois gagnés si ces mesures entraient en vigueur.

    Fin de droits et bascules au RSA

    Selon les calculs de la Dares, une nouvelle baisse de durée d’indemnisation « précipitera la fin de droit de 400 000 allocataires supplémentaires sur une année, conduisant ainsi à 100 000 bascules supplémentaires au #RSA ou à l’#ASS [allocation de solidarité spécifique − ndlr] ». La note transmise au ministère le rappelle : la réforme de 2023 réduit déjà « la durée consommée de 1,6 million d’allocataires sur un an qui sont ainsi concernés par une fin de droit plus précoce, parmi lesquels un quart, soit 400 000, basculent au RSA ou à l’ASS sur l’année ».

    Si l’exécutif taille encore dans la durée de versement des allocations, cela devrait dégager 3 milliards d’euros d’économies par an. Les coupes dans le modèle social générées par les #réformes de l’assurance-chômage de 2021 et 2023 sont, elles, déjà chiffrées : près de 7 milliards d’euros à l’horizon 2027, dont 4,5 milliards pour la seule baisse de 25 % de la durée. Une saignée.

    Les « effets emploi » attendus − autrement dit les retours à l’emploi espérés − sont également mesurés : 40 000 selon la Dares.
    Supprimer la filière “seniors” engendrerait chaque mois 6 800 fins de droits supplémentaires (82 000 sur une année).

    Les scénarios concernant les seniors ne sont guère plus réjouissants. Trois pistes sont étudiées par la Dares. La première consiste à décaler de deux ans les « bornes d’âge » qui permettent de percevoir des allocations plus longtemps. Actuellement, ce régime d’exception commence à 53 ans. Il passerait donc à 55 ans, jetant 32 000 personnes supplémentaires par an en fin de droits.

    La deuxième piste prévoit, en plus de ce décalage de deux ans, de supprimer « la tranche intermédiaire » qui concerne actuellement les 53-54 ans. Dans ce cas, seul·es les 57 ans et plus auraient droit à une durée plus longue. Le dernier scénario, brutal, consiste à supprimer purement et simplement « la filière senior ». Selon les règles actuelles, la durée de versement maximum passerait donc à 18 mois, quel que soit l’âge. Et même à 14,4 mois si l’exécutif décide d’appliquer la baisse de 20 % et d’infliger une double peine aux seniors.

    « Supprimer la filière “seniors” engendrerait chaque mois 6 800 fins de droits supplémentaires (82 000 sur une année) pour un montant total d’économies à terme de 880 millions d’euros par an », estime la Dares. Deux mille trois cents personnes basculeraient ensuite, chaque mois, au RSA ou à l’ASS quand d’autres n’auraient… plus rien du tout. Car actuellement, souligne la Dares, chez les 55 ans et plus qui atteignent leur fin de droits, près de la moitié (46 %) ne perçoivent aucune allocation dans les six mois qui suivent. Un tiers perçoivent le RSA et l’ASS quand seul·es 21 % arrivent à recharger des droits.

    Ici, les « effets emploi » attendus seraient de « 22 000 emplois supplémentaires en cas de suppression de la “filière seniors” » contre 2 000 en cas de « simple » rehaussement de deux ans des bornes d’âge. La Dares alerte toutefois dans sa note sur « la littérature économique [qui] met en évidence un effet assez significatif de la réduction de la durée d’indemnisation sur la qualité de l’emploi repris pour les seniors ».

    Supprimer le maintien de droits jusqu’à la retraite ?

    La dernière piste explorée par l’institut statistique à la demande du ministère concerne enfin le maintien de droits jusqu’à la retraite. Ce dispositif « permet actuellement aux allocataires de 62 ans ou plus de bénéficier d’un maintien dans leur indemnisation chômage au-delà de leur fin de droits et jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein, sous réserve notamment d’avoir été indemnisés au moins durant un an ».

    Deux scénarios de réforme sont sur la table. Un report de deux ans de l’âge d’entrée dans le dispositif, de 62 à 64 ans. Et sa suppression. Cette dernière « concernerait 20 000 allocataires et réduirait les dépenses d’assurance-chômage de 342 millions d’euros à terme », précise la Dares, qui ajoute que « ces chiffrages ne prennent pas en compte les éventuelles réformes de la filière seniors ». En cas de double, voire de triple peine pour les seniors, les économies seraient donc bien plus larges. Et les droits des seniors, réduits à peau de chagrin.

    Ces chiffrages commandés par l’exécutif ne sont pas une surprise. Le gouvernement martèle, depuis des mois, qu’il souhaite réduire la durée d’indemnisation des 53 ans et plus. Le député Renaissance #Marc_Ferracci, artisan de la première réforme de l’assurance-chômage, en a remis une couche lundi 29 janvier dans Les Échos, plaidant pour une réforme profonde du chômage des seniors et formulant des propositions qui ressemblent à s’y méprendre aux chiffrages réalisés courant janvier par la Dares. Le député y concède que « le sujet le moins consensuel » est celui de la suppression de la « filière senior ».

    Des indices, depuis fin 2022

    L’idée de baisser, encore, la durée d’indemnisation de l’ensemble des demandeuses et demandeurs d’emploi n’est pas nouvelle non plus. La loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » votée fin 2022 a ouvert la voie à la modulation des allocations-chômage, selon la santé économique du pays. C’est pour cette raison que les droits ont baissé en février 2023. La conjoncture étant jugée « favorable », un coefficient (de 0,75, soit 25 % de baisse) a été appliqué sur le calcul de la durée des droits.
    Dès l’adoption de la loi, l’exécutif a pavé le chemin d’indices démontrant sa volonté d’aller plus loin. Un projet de décret avait fait hurler les partenaires sociaux car il prévoyait, sans concertation aucune, de baisser de 40 % la durée d’indemnisation si le taux de chômage passait sous la barre des 6 %. Ce passage avait finalement été retiré, mais Mediapart l’avait pressenti : l’idée n’allait pas finir aux oubliettes. Preuve en est que c’est bien sur un coefficient réduit de 0,75 à 0,6 que la Dares vient de plancher.

    Seule nuance, et de taille, avec le projet de décret : le taux de chômage est loin de 6 %. Il a même sensiblement augmenté de 0,2 point au troisième trimestre à 7,4 %. Les derniers chiffres du chômage, portant sur le nombre d’inscrits à #France_Travail (ex-Pôle emploi) affichent également une hausse de 1 % pour les catégories A,B et C au quatrième trimestre 2023. Signe, selon la CGT dans un récent communiqué, que les réformes successives des droits des chômeurs et des chômeuses ne fonctionnent pas et que le gouvernement, en continuant ses assauts, « veut encore amplifier une politique pourtant en échec ».

    Ce mardi après-midi, Gabriel Attal précisera peut-être, lors de son discours de politique générale au Parlement, les mesures qui seront intégrées à « l’acte II » de la réforme. Tous les chiffres sont désormais sur la table, l’exécutif n’a plus qu’à choisir le scénario. Quel qu’il soit, on connaît déjà l’issue : ça finit mal pour les chômeuses et les chômeurs.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/300124/les-scenarios-du-gouvernement-pour-un-nouveau-saccage

    #Droit_au_chômage #tirer_sur_l'ambulance

    • Attal annonce la suppression de l’allocation de solidarité spécifique (#ASS) touchée par + de 300 000 chômeurs exclus de l’assurance chômage. C’est une baisse ou une coupure de revenu, car les critères de la familialisation sont plus durs au RSA qu’à l’ASS, et un temps de chômage qui comme le chômage non indemnisé (majorité des chômeurs) ne vaudra plus aucun trimestre pour la retraite.

      N’oublions pas un gros mot en voie d’obsolescence programmée : #solidarité

      edit : la suppression de l’ASS va représenter une grosse économie en matière de revenu des chômeurs. environ 50 balles pour ceux qui rentrent dans les clous du RSA, et un nombre qui devrait être important d’ex AsS dont lea conjoint.e dispose d’un SIMC mensuel qui elleux n’auront rien.

    • Évolution et paupérisation d’une partie des Français
      https://www.senat.fr/rap/r20-830/r20-830.html

      Selon les données fournies par la Dares, la durée moyenne d’un CDD était de 46 jours en 2017 contre 113 jours en 2001. La moitié des CDD duraient moins de 5 jours en 2017 alors que la durée médiane était de 22 jours en 2001. En 2017, près d’un tiers des CDD ne duraient qu’une journée.

      ARE rabotée ad libitum, RSA conditionné, Prime d’activité (où est le mérite, réside le steack, ou le plat de quinoa aux légumes, comme vous voudrez), voilà le triptyque qui s’impose aux chômeurs en activité à temps réduit. Et c’est à cette catégorie là qu’entre 53 et 67 ans et plus (en fonction de la précarité d’emploi antérieure), les chômeurs doivent appartenir.

      edit

      au quatrième trimestre 2023, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à France Travail et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B, C) s’établit à 5 129 600. Parmi elles, 2 824 400 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 305 200 exercent une activité réduite (catégories B, C).

      https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication#:~:text=Chômage%20et%20demandeurs%20d%27emploi.

      #chômeurs_en_activité_à_temps_réduit

    • Comme tant d’autres, nous prendrons leurs emplois à temps partiel payés au SMIC horaire. Ça permet à bien des précaires de survivre et d’esquiver le contrôle, et ça permettra à beaucoup de pensionnés à faible retraite d’échapper au 15h qu’ils n’auront de toutes façons pas les moyens de généraliser.
      Ce qui arrive avec l’inaptitude totale au travail (pathologies ou âge) est une autre question, dont la réponse se lira du côté des évolutions de l’AAH et de l’ASPA.

      #minima_sociaux #travail #précaires #précarisation

    • Fin de l’allocation de solidarité spécifique : vers une « fragilisation » des chômeurs de longue durée
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/01/fin-de-l-allocation-de-solidarite-specifique-vers-une-fragilisation-des-chom


      Gabriel Attal, le jour de sa déclaration de politique générale, à l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2024. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

      La réforme de l’allocation de solidarité spécifique, source d’économie, serait préjudiciable à de nombreux allocataires. Les associations dénoncent le projet du gouvernement.
      Par Bertrand Bissuel

      Derrière l’opération de vases communicants, il y a un risque de casse sociale. Dans sa déclaration de politique générale prononcée, mardi 30 janvier, à l’Assemblée nationale, le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé la suppression de l’allocation de solidarité spécifique (#ASS) et « sa bascule » vers le revenu de solidarité active (#RSA). Ce scénario, envisagé à plusieurs reprises au cours des trente-cinq dernières années, avait, jusqu’à présent, été écarté car il était susceptible de pénaliser de nombreuses personnes en situation de très grande vulnérabilité. Il devient aujourd’hui réalité, suscitant une vive colère à gauche, parmi les syndicats et les associations de lutte contre l’exclusion.

      Créée en 1984, l’ASS est une prestation accordée, sous certaines conditions, aux demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits à l’#assurance-chômage. Pour la percevoir, il faut avoir des ressources faibles, qui n’excèdent pas un seuil donné (près de 1 272 euros par mois pour un individu seul, au 1er avril 2023). Le montant mensuel de l’allocation peut aller jusqu’à 552 euros. Dans un cas sur deux, la somme est versée à des personnes qui sont à la recherche d’un poste depuis au moins cinq ans. Ce sont des seniors, le plus souvent, 58 % des bénéficiaires ayant au moins cinquante ans . En août 2023, elle était attribuée à quelque 261 000 femmes et hommes (contre quelque 530 000 en 1996). Chargé de la financer, l’Etat a prévu un budget de 1,65 milliard d’euros pour l’exercice 2024 .
      Mardi, M. Attal a justifié son choix de mettre fin à l’ASS en faisant valoir que cette aide « permet, sans travailler, de valider des trimestres de #retraite ». Or, a ajouté le locataire de Matignon, « la retraite doit être le fruit du #travail » . D’où la décision d’éteindre le dispositif ciblé sur les #chômeurs de très longue durée. « Chercher un modèle social plus efficace et moins coûteux, ce n’est pas un gros mot mais un impératif », a-t-il complété. Son discours obéit donc à des considérations morales et au souci de dégager des économies. Il recèle aussi l’idée sous-jacente que, en basculant vers le RSA, les publics concernés intégreront un système qui vient d’être réformé (instauration de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire pour les #allocataires, accompagnement renforcé dans le but de reprendre pied dans le monde du travail, etc.).

      « Economies » substantielles

      Le problème, c’est que les règles encadrant l’ASS ne sont pas identiques à celles applicables au RSA, les premières s’avérant souvent plus favorables aux individus que les secondes. Ainsi, le plafond de revenus à ne pas dépasser pour pouvoir prétendre à une aide est plus élevé pour l’ASS que pour le RSA, si bien que le nombre potentiel de bénéficiaires est plus important dans le premier cas. De plus, les ressources prises en compte et les modalités de calcul peuvent se révéler plus avantageuses, s’agissant de l’ASS. Autrement dit, la disparition de cette prestation pourrait être préjudiciable à un certain nombre de personnes. Combien ? Sollicité, le ministère du travail, de la santé et des solidarités n’a, à ce stade, pas livré de données.

      Fin 2017, dans une note confidentielle que Le Monde a pu consulter, France Stratégie, un organisme d’expertises rattaché à Matignon, avait présenté des « scénarios d’évolution du régime de solidarité chômage ». L’un d’eux tentait d’apprécier l’impact d’une « suppression sèche de l’ASS » : « 70 % des allocataires actuels seraient perdants (…), avec une [réduction] moyenne de niveau de vie de 8 % », en faisant l’hypothèse que tous les individus ayant droit au RSA et à la #prime_d’activité les réclament – ce qui n’est pas le cas, à l’heure actuelle. « La part des perdants passerait à 75 % (…), avec une baisse moyenne de niveau de vie de 16 % », si l’on retenait un « taux de recours » au RSA et à la prime d’activité équivalent « à celui estimé aujourd’hui ». En outre, l’extinction de l’ASS conduirait à des « économies » substantielles dans nos régimes de pension, puisque cette prestation octroie des trimestres de cotisation au titre de la retraite. Dans un rapport sur les #minima sociaux rendu en avril 2016, Christophe Sirugue, alors député de Saône-et-Loire, était parvenu à des constats similaires. Ses chiffrages et ceux de France Stratégie, réalisés il y a plusieurs années, nécessitent d’être actualisés, mais ils mettent en lumière les effets négatifs qui pourraient se produire, après l’annonce de mardi.

      C’est pourquoi Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, se dit « choqué » face à la déclaration du premier ministre. « Elle fragilise des personnes déjà fragiles », renchérit Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde. Pour elle, c’est un « signe grave, qui montre que, lorsque vous êtes #précaire, on vous enfonce encore plus dans la précarité ».

      Le nombre d’allocataires de l’ASS n’a cessé de baisser alors que cette allocation a pu concerner 450 000 allocataires.
      Le journaliste spécialisé réussi à ne pas parler du caractère non individuel des deux prestations.

      ASS : Contre-attaque, Figaro, Michaël Zemmour
      https://seenthis.net/messages/1039298
      https://seenthis.net/messages/1039300
      https://seenthis.net/messages/1039331

    • La réforme de l’assurance-chômage de 2019 a d’abord affecté les jeunes et les précaires
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/27/assurance-chomage-la-reforme-de-2019-a-d-abord-affecte-les-jeunes-et-les-pre

      Alors qu’un nouveau tour de vis pour les chômeurs est sérieusement envisagé par le gouvernement, le comité d’évaluation des mesures prises en 2019 a rendu son rapport intermédiaire, mitigé, mardi 27 février.
      Par Thibaud Métais

      Pendant que le gouvernement prépare l’opinion à une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, les effets des précédentes commencent à être mieux connus. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, rattachée au ministère du travail, a publié, mardi 27 février, un rapport intermédiaire réalisé par son comité d’évaluation de la #réforme de l’#assurance-chômage lancée en 2019 et qui avait durci les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi.
      La publication de ces travaux intervient au moment où un nouveau tour de vis pour les chômeurs – ce serait le cinquième depuis 2017 – est dans les cartons de l’exécutif. Dans Le Journal du dimanche du 25 février, le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé que la durée d’indemnisation « peut encore » être réduite et qu’il est également possible d’« accentuer la dégressivité des allocations ». Si les arbitrages ne sont pas arrêtés, le locataire de Matignon a confirmé sa détermination sur RTL, mardi 27 février. « Travailler doit toujours rapporter toujours plus que ne pas travailler , a affirmé le chef du gouvernement, qui souhaite qu’on « rouvre le chantier » de l’assurance-chômage pour avoir « un #modèle_social qui incite davantage à l’activité ».

      https://seenthis.net/messages/1043484

      La volonté du gouvernement de durcir une nouvelle fois les règles d’indemnisation vise à répondre au retournement du marché de l’#emploi observé ces derniers temps. Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, avait fait du #plein-emploi – autour de 5 % de chômage – l’objectif majeur de son second quinquennat, la possibilité de tenir cette promesse s’envole.
      Après plusieurs années de baisse continue du chômage, celui-ci est en hausse depuis plusieurs mois, passant de 7,1 % fin 2022 à 7,5 % sur le dernier trimestre de 2023. La dernière réforme de l’assurance-chômage mise en place en février 2023 et qui a réduit de 25 % la durée d’indemnisation avait pourtant comme objectif de rendre les règles plus incitatives lorsque la conjoncture est favorable et plus protectrice lorsque la situation se dégrade.

      Baisse du nombre d’ouvertures de droits
      Les changements se succèdent si rapidement que de nouvelles règles sont mises en place, sans même que les effets des précédentes soient connus. Le rapport publié mardi répond en partie à cette carence. Ces travaux s’intéressent aux conséquences de la réforme de l’assurance-chômage décidée en 2019 et mise en œuvre par étapes jusqu’à fin 2021, notamment en raison de la crise sanitaire. Les différents décrets pris par le gouvernement ont eu pour conséquence de durcir les conditions d’indemnisation.
      Les conditions d’accès au système sont devenues plus exigeantes puisque les demandeurs d’emploi doivent désormais travailler pendant six mois sur vingt-quatre (contre quatre sur vingt-huit auparavant) pour ouvrir des droits. Cette réforme a également modifié le mode de calcul du montant de l’indemnisation (et mis en place la dégressivité de l’allocation à partir du septième mois pour les chômeurs de moins de 57 ans qui avaient un salaire égal ou supérieur à 4 700 euros brut par mois). Enfin, du côté des entreprises, elle instaure le bonus-malus, qui module le taux de cotisations en fonction du nombre de salariés dont elles se sont séparées, pour réduire le recours aux contrats courts.

      Les résultats montrent une baisse significative (17 %) du nombre d’ouvertures de droits entre 2019 et 2022. « La baisse des entrées au chômage peut aussi être due à la dynamique du marché du travail à ce moment-là », nuance toutefois le président du comité d’évaluation, Rafael Lalive, faisant référence aux nombreuses créations d’emplois qui ont suivi la crise sanitaire. La diminution s’avère plus marquée chez les jeunes et les plus précaires : − 24 % pour les moins de 25 ans, – 25 % pour ceux ayant terminé un CDD et – 35 % après un contrat d’intérim.

      Retour à l’emploi peu durable

      L’allongement de la durée de travail nécessaire à l’ouverture de droits de quatre à six mois peut également priver des salariés de l’accès à l’assurance-chômage. « Cette perte de revenu peut les amener à accepter plus systématiquement les offres d’emploi qui leur sont proposées, au détriment de la qualité de l’emploi retrouvé », estiment les auteurs du rapport. L’étude souligne cependant l’effet positif et significatif de la mesure sur la probabilité de retrouver un emploi. Mais pour les plus de 25 ans, l’effet porte uniquement sur un retour à l’emploi peu durable (CDD inférieur à deux mois ou mission d’intérim).

      Le rapport met par ailleurs en lumière les possibles effets opposés sur le retour à l’emploi induits par la modification du calcul de l’allocation. « D’une part, la baisse du montant des allocations pourrait accélérer le retour à l’emploi ; d’autre part, l’allongement de la durée d’indemnisation [induite par la modification du mode de calcul] pourrait retarder ce retour », écrivent les auteurs. Quant aux entreprises, 18 000 d’entre elles ont été concernées par le mécanisme du bonus-malus, ce qui représente 6 % des sociétés des sept secteurs concernés par la mesure. 36 % d’entreprises sont en malus et 64 % en bonus.
      Il faut désormais attendre la fin de l’année pour que le comité d’évaluation rende ses travaux définitifs et pour connaître dans les détails les conséquences de la réforme de 2019 sur les comportements des demandeurs d’emploi. Même si, d’ici là, ils seront probablement soumis à de nouvelles règles d’indemnisation encore plus strictes.

  • Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/28/loi-immigration-le-conseil-a-manque-l-occasion-de-se-prononcer-sur-les-limit

    Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    Tribune Samy Benzina Constitutionnaliste
    En censurant essentiellement les « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a laissé en suspens la question de la conformité de la « préférence nationale » aux droits et libertés constitutionnels, explique, dans une tribune au « Monde », Samy Benzina, professeur de droit public à l’université de Poitiers.
    La décision du Conseil constitutionnel restera comme l’une des plus habiles qu’ait rendues l’institution de la rue de Montpensier : elle lui a permis de se sortir de la situation inextricable dans laquelle l’avait injustement placée la majorité présidentielle. Le juge constitutionnel n’a en principe vocation qu’à contrôler la constitutionnalité des dispositions d’une loi adoptée par la majorité et contestée par l’opposition. Or, il s’est trouvé saisi d’un texte, fruit d’un compromis entre le gouvernement et les parlementaires de droite, dont des ministres et des membres de la majorité ont pointé publiquement, de manière inédite, les potentiels vices de constitutionnalité.
    L’objet du contrôle de constitutionnalité a priori s’en trouvait dès lors détourné : la majorité présidentielle (relative) entendait en faire un mécanisme lui permettant de remporter juridiquement ce qu’elle n’avait pas su obtenir politiquement. Voilà pourquoi le gouvernement n’a pas pleinement exercé sa fonction de défenseur de la constitutionnalité de la loi devant le juge constitutionnel : il s’en est remis, de manière inhabituelle, « à la sagesse du Conseil constitutionnel » à propos du nombre de dispositions introduites par les sénateurs républicains avec lesquelles il était en désaccord.
    Le Conseil constitutionnel se trouvait dès lors placé dans une impasse présentant des risques significatifs pour sa légitimité. Une censure des dispositions les plus sensibles du texte au regard de leur contrariété à certains droits ou libertés aurait conduit à la vive mise en cause de l’institution et au retour de l’antienne sur le « gouvernement des juges » – un risque bien réel au vu des attaques dont il avait fait l’objet, en 1993, à la suite de sa décision de censure d’une loi relative à l’immigration. A l’inverse, une déclaration de conformité aurait provoqué des doutes sur sa capacité à être un véritable gardien des droits et libertés constitutionnels.
    En choisissant de qualifier l’essentiel des dispositions les plus controversées de la loi de « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a privilégié une solution ingénieuse : tout en se fondant sur une jurisprudence bien établie et sur un raisonnement juridique en apparence imparable, il évite de se prononcer sur l’atteinte éventuelle de ces dispositions aux droits et libertés constitutionnels. Cette habileté du Conseil constitutionnel ne le préservera cependant pas de certaines critiques légitimes.
    D’abord, si la jurisprudence relative aux « cavaliers législatifs » est ancienne, elle a en effet été appliquée avec un zèle particulier dans le cadre du contrôle de cette loi, et ce en dépit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait justement vocation à desserrer son contrôle. Rappelons qu’en l’état du droit, lorsqu’il contrôle une disposition qui a été ajoutée par voie d’amendement, le juge constitutionnel doit contrôler qu’elle présente un lien, même indirect, avec le contenu du projet de loi initialement déposé devant le Parlement.
    La décision sur la loi « immigration » montre que ce contrôle n’est pas toujours exercé avec la même vigilance ou cohérence : dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, il avait ainsi admis des dispositions relatives à la nationalité sans y voir de « cavalier » alors qu’il vient de faire le contraire sans qu’on puisse objectivement expliquer cette différence.
    Ensuite, ce choix de censurer une grande partie de la loi pour un motif procédural surprend d’autant plus quand on le met en parallèle avec sa décision du 14 avril 2023 sur la loi de réforme des retraites. Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel avait refusé de voir un quelconque vice de constitutionnalité dans l’emploi, par le gouvernement, d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et l’accumulation du recours aux mécanismes de rationalisation du parlementarisme, et ce alors même que cela avait largement tronqué les débats parlementaires.
    La décision de censurer plus d’un tiers des articles de la loi « immigration » largement issus d’amendements parlementaires donne de ce fait l’impression d’un deux poids, deux mesures : le Conseil paraît appliquer les règles procédurales de manière plus pointilleuse à l’égard des parlementaires que du gouvernement.
    Enfin, cette décision laisse en suspens la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnels de certaines dispositions particulièrement controversées, comme l’article 19, qui instaure une « préférence nationale » en restreignant l’accès à certaines prestations sociales non contributives pour nombre d’étrangers. Certes, il y a peu de chance que ces articles soient de nouveau discutés à court terme : on imagine mal la majorité présidentielle soutenir la réintroduction de dispositions qu’elle a contestées publiquement et que le gouvernement n’a pas défendues devant le Conseil constitutionnel.
    La question de la constitutionnalité de certains dispositifs va cependant inévitablement se reposer, au moins dans le cadre des campagnes électorales, dès lors que certains partis défendent cette « préférence nationale ». Le juge constitutionnel a manqué l’occasion de se prononcer au fond sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers. Une telle décision aurait pu informer les citoyens sur la compatibilité du programme politique de certains partis avec la Constitution, information qui apparaît d’autant plus nécessaire que la révision de la Constitution n’est pas chose aisée. Ainsi, si la décision du Conseil constitutionnel a le mérite d’empêcher la promulgation de dispositions contestables, elle ne marque pas pour autant un progrès de l’Etat de droit.

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  • #Stanislas : face aux #mensonges de la direction, de nouveaux témoignages

    Homophobie, sexisme, absence d’éducation à la sexualité ou cours religieux obligatoires... Depuis la publication du rapport d’inspection, le directeur de cet établissement privé conteste toute dérive. D’anciens élèves rencontrés par Mediapart répondent.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/270124/stanislas-face-aux-mensonges-de-la-direction-de-nouveaux-temoignages
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