• #Glyphosate : une nouvelle étude confirme le risque de #cancer

    Une étude scientifique menée sous l’égide de l’institut Ramazzini à Bologne, en Italie, et publiée jeudi dans la revue « Environmental Health », apporte de nouvelles preuves du caractère cancérogène de l’#herbicide le plus utilisé au monde (https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-025-01187-2).

    En novembre 2023, il était réautorisé dans l’Union européenne pour dix ans. Le glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde, n’était pas considéré comme cancérogène par l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, et le gouvernement français ne s’était pas opposé à son maintien sur le marché.

    Une nouvelle étude, publiée jeudi 12 juin dans la revue scientifique Environmental Health, vient cependant d’apporter des preuves supplémentaires du caractère cancérogène de la molécule. Menée par l’institut Ramazzini à Bologne en Italie, en collaboration avec d’autres centres de recherche, notamment britannique et états-unien, elle montre un risque démultiplié de leucémie, mais aussi d’autres types de cancers, sur des rats exposés à différentes doses de glyphosate considérées jusqu’ici comme sans effet sur la #santé humaine ou celle des rongeurs.

    Considérée par l’ONG de lutte contre les pesticides PAN Europe comme « l’étude indépendante la plus complète jamais conduite sur le glyphosate à partir d’animaux de laboratoire », la publication vient compléter de nombreuses recherches scientifiques déjà effectuées sur le sujet.

    Car le glyphosate est reconnu comme « cancérogène probable » depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Pointé dans une expertise de l’Inserm, en 2021, qui faisait le lien entre exposition des agriculteurs et agricultrices et apparition du lymphome non hodgkinien – un cancer du sang –, il était aussi au centre, en 2019, d’une méta-analyse qui établissait, pour la population agricole exposée au glyphosate, un risque augmenté de 40 % de développer cette maladie.

    Le biologiste Daniele Mandrioli travaille depuis des années sur les #causes_environnementales des cancers. C’est lui qui a dirigé cette nouvelle recherche. Entretien.

    Mediapart : Comment avez-vous travaillé pour cette étude ?

    Daniele Mandrioli : C’est la plus large étude jamais réalisée en toxicologie sur le glyphosate. Les expériences ont été menées dans notre laboratoire à Bologne sur plus de 5 000 animaux, et nous avons travaillé en collaboration avec une dizaine d’instituts scientifiques dans le monde. Nous avons commencé en 2019 et avons donc mis six ans pour aboutir à ces résultats reconnus par les pairs pour le volet #cancérogénicité.

    Pourquoi avoir choisi d’étudier les effets du glyphosate ?

    Notre laboratoire est le plus grand laboratoire de toxicologie en Europe, et le deuxième au monde, en termes de nombre de produits étudiés pour leur cancérogénicité – plus de deux cents. Nous avons donc travaillé sur de nombreuses substances, et nous savions que concernant le glyphosate, il y avait un manque de connaissance à combler sur son possible caractère cancérogène, mais aussi neurotoxique, ou encore sur ses effets sur le microbiote intestinal.

    Nous pensions aussi qu’il fallait davantage étudier l’exposition prénatale à la molécule. C’est souvent ce qui s’avère le plus déterminant. Dans le cas du chlorure de vinyle, par exemple, une molécule utilisée pour produire le PVC, on s’est ainsi aperçu au cours des années 1970 et 1980 qu’une exposition pendant la #grossesse pouvait être extrêmement toxique pour le fœtus, alors qu’une exposition aux mêmes doses à l’âge adulte n’avait pas du tout les mêmes effets [il est classé cancérogène certain par le CIRC depuis 1987 – ndlr].

    À quels résultats avez-vous abouti ?

    Nous avons exposé les rats à différentes doses de glyphosate, et cette expérience a montré que près de la moitié d’entre eux – 40 % pour être précis – ont été atteints de #leucémie et en sont morts, et ce, avant d’avoir atteint l’âge de 1 an – ce qui correspond à l’âge de 35-40 ans chez les humains.

    Cependant, aucun cas de leucémie n’a été détecté au cours de la première année de vie chez les animaux témoins qui n’ont pas été exposés au glyphosate dans le cadre de notre expérience. De même, aucun cas de leucémie n’a été observé au cours de la première année de vie chez plus de 1 600 animaux de contrôle dans le cadre des études de cancérogénicité menées par notre institut et le Programme fédéral de toxicologie états-unien.

    C’est donc un résultat inquiétant et révélateur sur la mortalité précoce de ce cancer.

    Autre résultat remarquable de notre étude : la variété des organes touchés par cette exposition au glyphosate. La leucémie n’est pas la seule maladie que l’on a observée. Le foie, la peau, les reins, la vessie, l’utérus, la rate, les glandes mammaires… Le spectre des organes affectés est très large.

    Nos résultats viennent donc confirmer l’évaluation du CIRC publiée il y a dix ans, à savoir qu’il existe des « preuves suffisantes » que le glyphosate est cancérogène pour les animaux de laboratoire et qu’il est un cancérogène probable pour les humains, mais aussi d’autres études scientifiques qui avaient déjà démontré la cancérogénicité de la molécule.

    Qu’apporte votre étude de nouveau par rapport aux précédentes ?

    Ce qui est nouveau, au-delà d’avoir testé l’exposition in utero, c’est le niveau de l’exposition : nous avons donné aux rats des doses plus faibles que nos prédécesseurs, et qui sont considérées comme sans danger pour les humains. Et nous ne les avons pas seulement exposés au glyphosate pur, mais aussi aux produits commercialisés qui le contiennent : le #Roundup_Bioflow [utilisé dans l’Union européenne – ndlr] et le #Ranger_Pro [utilisé aux États-Unis – ndlr].

    Le caractère dévastateur de l’#exposition_prénatale et le large spectre des organes touchés auxquels nous avons abouti n’avaient pas été démontrés dans les études précédentes.

    Vous avez travaillé sur les rats. Que cela signifie-t-il pour les humains ?

    La #toxicologie repose depuis une cinquantaine d’années sur le principe que les expérimentations sur les rats sont ce qu’il y a de plus prédictible pour les humains. Il faut savoir que la leucémie est une maladie avec une latence d’au moins dix ans et les tumeurs solides ont des latences encore plus longues. Les études épidémiologiques menées sur les cohortes humaines sont donc très longues à réaliser, et cela demande de suivre énormément de gens avant de pouvoir tirer des conclusions. Les études toxicologiques nous permettent d’avoir d’autres types de résultats, et de façon plus rapide.

    Pas assez rapide, cependant, pour pouvoir interdire le glyphosate sur le sol européen, réautorisé fin 2023 pour dix ans…

    Nous espérons que nos résultats éclaireront les décideurs, pas seulement en Europe, mais dans le monde entier. Notre étude apporte des #preuves, mais ce n’est pas à nous de prendre les décisions, ce n’est pas notre rôle. Nous sommes des scientifiques indépendants.

    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/130625/glyphosate-une-nouvelle-etude-confirme-le-risque-de-cancer
    #agriculture #industrie_agro-alimentaire

  • La preuve en images ?

    En suivant le procès de #Mazan, je perçois un parallèle avec les meurtres de masse à #Gaza, en Cisjordanie et au Liban : dans les deux cas, nous assistons à un échec des idéaux de #justice que nos sociétés revendiquent, échec accentué par l’abondance d’#images incriminantes. Je tente ici d’examiner comment cette #crise_de_la_preuve se déroule sous nos yeux et le miroir qu’elle nous tend.

    Dans un texte publié cette semaine, Mona Chollet (https://www.la-meridienne.info/Le-genocide-invisible) écrit :

    « Le découpage minutieux par lequel les médias et les dirigeants occidentaux distinguent les victimes dignes d’être pleurées de celles qui ne méritent pas une seconde d’attention me fait penser à ces vieilles #photos de l’URSS sur lesquelles la #censure effaçait soigneusement les contours des dignitaires tombés en disgrâce. »

    Je n’aurais pas pu trouver meilleure introduction à mon propos.

    L’historienne de formation (et de l’URSS, justement) que je suis est forcément débordée par l’actualité : ayant exercé mes recherches dans un milieu par définition déserté par les preuves matérielles, j’ai étudié dans le sillage d’historiens comme Iouri Dmitriev et Dmitri Yurasov qui ont couru leur vie durant après des traces de massacres et leur dissimulation par les perpétrateurs (et les autorités), et me suis principalement employée à reconstituer des récits de violences de masse à partir d’éléments rares et lacunaires.

    Depuis plusieurs années, c’est l’inverse qui se produit : pour enquêter, on est au contraire contraint de fouiller dans la masse de documents disponibles en ligne et de constituer des outils à même d’isoler le signal du bruit, le vrai du manufacturé et l’aiguille de la botte de foin. Nous investissons donc des terrains où les #preuves abondent. Pour autant, force est de constater qu’elles ne sont pas nécessairement retenues contre les auteurs des #crimes. J’ai pour ma part le sentiment que nous vivons collectivement une inversion paradoxale du #rapport_à_la_preuve, par lequel des #preuves_visuelles accablantes accompagnent des #violences pourtant ignorées ou niées.

    Au cours de mes recherches ou en pratiquant l’#OSINT sur plusieurs épisodes de #violence ces dernières années, je suis travaillée par cette réflexion sur le #statut_de_l’image — notamment dans ce qu’elle change dans notre rapport à l’événement historique — et de la preuve ; l’affaiblissement paradoxal de la #charge_de_la_preuve par la pléthore d’images s’est vérifié tous les jours en Syrie, sur le front ukrainien, etc.

    En ce moment, deux événements d’ordres en apparence très différents alimentent en continu cette réflexion : les crimes de guerre conduits par l’armée israélienne, et le #procès_de_Mazan.

    PREUVES ET #DÉNI

    Dans ces deux contextes, les vidéos provoquent une crise collective de notre rapport aux images et de notre rapport à la justice, philosophiquement, socialement mais aussi et surtout, c’est en tout cas l’enjeu, dans le cadre très précis du #droit_international et du #droit_pénal français, respectivement. On assiste à la rupture avec un paradigme dans lequel l’#absence_de_preuve justifiait que soient laissés impunis des actes, qu’il s’agisse de #crimes_sexuels ou de #crimes_de_guerre, dont la matérialité était suspendue aux déclarations des victimes, victimes qui, faute de preuves, n’étaient pas ou rarement crues.

    Mais que se passe-t-il alors face à des faits amplement documentés ?

    Alors qu’on pourrait s’attendre à ce que la #vérité éclate au grand jour, on vérifie tous les jours que ce n’est pas le cas. Le sort fait aux images y est pour beaucoup : selon le narratif qu’elles peuvent appuyer, elles verront leur circulation entravée ou encouragée et leur contenu validé ou discrédité. C’est de cette façon que des images propres à susciter l’#indignation se heurtent paradoxalement à l’#indifférence voire au #doute, qui sont bien sûr de puissants facteurs de #démobilisation.

    Plusieurs dispositifs agissent dans ce sens, que renseigne abondamment une longue tradition de théorie de l’information et de critique des médias : d’une part, l’accès à l’information limité et cloisonné, de la bulle de filtres à la censure délibérée. D’autre part, face à l’impossibilité de contrôler le flux désormais intarissable des informations, se mettent en place des réponses cognitives telles que la #fatigue_de_compassion ou la #surcharge_cognitive, qui paralysent au lieu de mobiliser. Enfin, les médias d’#information_en_continu, la concentration des titres de presse et en général le fonctionnement des médias moderne est propice à l’#entropie, la #manipulation de l’information, la perméabilité à la #propagande. Face à ces phénomènes de d’#altération de l’information, l’émergence croissante de médias de #fact-checking ou de #debunk est salutaire mais à la fois insuffisante (c’est la fameuse loi dite de Brandolini) et sujette à caution, ces plateformes qui s’érigent en instances de neutralité devenant potentiellement des agents de contrôle de l’information.

    Je parle souvent de notre usage des #réseaux_sociaux en politique, et notamment le dispositif de #spectacle par lequel nous assistons en live sur nos téléphones à des massacres filmés, et l’#impuissance acquise à laquelle nous cela nous réduit, dans une sorte de #conscientisation_sans_action. L’idée que des images puisse provoquer une #prise_de_conscience en même temps qu’une #distance_émotionnelle est au coeur de la réflexion de #Susan_Sontag dans Regarding the Pain of Others, et plus récemment dans le livre de #Samah_Karaki L’Empathie est politique (https://www.editions-jclattes.fr/livre/lempathie-est-politique-9782709672504), paru au début de ce mois.

    Une forme de #militantisme_compassionnel consiste alors à liker, partager, s’indigner à longueur de stories (moi la première) en se raccrochant à l’idée de « faire quelque chose ». J’ai depuis appris qu’un mot existe en réalité depuis longtemps pour désigner ce phénomène : le #slacktivisme, autrement dit un #activisme_paresseux pratiqué depuis son canapé. Bien entendu, si ce qui se joue relevait de la seule paresse, cela ne vaudrait pas pour moi une minute de peine.

    Je voudrais revenir sur la nature et le rôle du « spectacle » en question, c’est-à-dire ce que nous regardons : les images, en quantité désormais infinies, et leur caractère de preuve.

    Si tout ce qui précède tend à montrer que la #démobilisation est un effet pervers de l’inflation des images, je pense qu’est également à l’œuvre un mécanisme délibéré de #disqualification de ces images. En effet, si l’#indifférence est une des conditions de l’#impunité, le #doute en est une autre et c’est ce qui m’intéresse plus particulièrement.

    DU DÉNI AU #NÉGATIONNISME

    Le procès Pélicot et les vidéos de Gaza présentent selon moi un point commun très fort et symptomatique de l’époque en ce qui concerne notre rapport aux images : dans ces deux cas de figure nous sommes en présence d’images qui se retrouvent au cœur du #débat_public.

    Ce sont notamment des contextes de production d’images par les auteurs mêmes des crimes, et dans les deux cas, la controverse repose sur l’idée que ces images ne constituent pas des preuves. Dominique Pélicot, qui a drogué son épouse afin que plusieurs dizaines d’inconnus puissent la violer à son insu pendant des années, a tout filmé ; c’est même cette collection visuelle monumentale qui a conduit à la mise en examen des accusés. On peut aussi relever que c’est déjà le fait de filmer ses victimes, en public cette fois (sous les jupes de clientes d’une grande surface), qui a attiré l’attention des autorités sur lui et mené à la découverte du reste. La documentation systématique de ses propres agissements constitue donc une part fondamentale desdits agissements (dans un but principalement pornographique en l’occurrence). À l’issue de la fouille de son matériel, cette archive devient logiquement une #pièce_à_conviction.

    Pourtant, depuis le début des audiences, s’est joué un retournement du rôle de ces images : les plaidoiries des avocats des accusés mobilisent massivement les vidéos incriminantes pour au contraire les dédouaner. Il a pu être ainsi avancé que ces images montraient en fait que la victime était consentante ; qu’elle faisait semblant de dormir ; que rien ne prouvait qu’elle n’avait pas sollicité ces actes.

    Dans le cas de Mazan, le paradoxe est consommé : sans ces vidéos, les accusés auraient probablement continué leur vie sans être inquiétés, mais sur ces vidéos se construit désormais un #récit_alternatif visant à les disculper.

    Depuis un an, une autre catégorie de vidéos sature nos écrans : les images en provenance de Gaza. Depuis un an Israël a imposé une interdiction stricte sur l’accès indépendant à Gaza pour les médias internationaux ; les vidéos qui nous parviennent sont donc nécessairement le fait d’individus impliqués dans les événements. Certaines sont filmées avec les téléphones des victimes ; d’autres sont, comme dans le cas de Dominique Pélicot, tournées par les auteurs des crimes : des soldats israéliens enregistrant des crimes de guerre en zone occupée, soit par souci nationaliste, soit par fanfaronnade individuelle pour se mettre en valeur sur Tiktok et Tinder. On note au passage qu’à Mazan comme à Gaza, la compilation des actes criminels par leurs auteurs dit quelque chose de leur #sentiment_d’impunité.

    Dans les deux cas de figure, un enjeu fondamental est donc l’existence d’une #documentation_visuelle d’actes qui dans d’autres contextes restent impunis, précisément faute de preuves.

    Tout l’argumentaire de notre idée de la justice est fondé sur la preuve, soit le fait que le flagrant délit ou la prise sur le fait rend les faits indéniables. C’est même ce qui justifie la #surveillance_de_masse.

    Ici, cet argumentaire se retrouve mis à mal et les images font l’objet d’une entreprise de #disqualification : les victimes sont des menteurs et les vidéos sont fake. Nous le savons bien : dans le monde « #post-vérité », les faits ne sont plus aussi têtus.
 Ainsi encore tout récemment des images des frappes qui ont ciblé les patients d’un hôpital en ruines à Deir al Balah et notamment vu périr dans les flammes le jeune Shaban al-Dalou sur plusieurs vidéos ont suscité une émotion virale. Mais très rapidement en réponse à ces images se met en place une rhétorique de #négation d’ordre conspirationniste : les vidéos seraient le fruit de « #Pallywood », invention raciste et révisionniste qui prétend que les Palestiniens disposent d’une industrie cinématographique dédiée à la production « hollywoodienne » de films victimaires. Ainsi l’épisode très choquant de la mort de #Shaban_al-Dalou a été remis en question en ciblant l’auteur d’une des vidéos de l’attaque de l’hôpital ; dans ces contenus, le jeune Gazaoui est présenté comme un « acteur » et accusé de créer de faux contenu destinés à attirer la compassion. Bien que les vidéos aient été vérifiées comme bien réelles et la conspiration Pallywood largement debunkée, et notamment sur l’épisode précis en question, les tweets relayant cette opération de propagande autant par les comptes officiels de l’état israélien que de l’influenceur d’extrême-droite et ex-policier Bruno Attal mais aussi la vice-Présidente du CRIF, n’ont pas, à ce jour, été supprimés.
    Ce #discrédit jeté sur la preuve peut sembler tellement grossier qu’on aurait du mal à le prendre au sérieux, mais il fonctionne très bien sur les spectateurs de bonne foi qui ne veulent pas croire aux images “choc” qui leur parviennent. Il a même pu être dit que ces images étaient "trop choquantes pour être réelles".

    Ainsi, en présence d’images, la négation doit simplement passer par d’autres canaux : ces images prouveraient en fait le contraire de ce qu’elles montrent explicitement ; seraient fausses ou trafiquées ; les victimes seraient en fait consentantes, ou ne seraient que des acteurs jouant la comédie.

    La #fictionnalisation des images documentaires participe donc de la mise en place d’un #déni_de_preuve. Priver les images de leur #charge_probatoire est alors un enjeu capital pour les perpétrateurs.

    VICTIME PARFAITE, PARFAIT COUPABLE

    Revenons sur Mazan.

    Gisèle Pélicot, soumise chimiquement par son mari et livrée à des centaines d’hommes pour qu’ils la violent pendant qu’elle était inconsciente, pourrait incarner l’archétype de la "bonne victime" de viol : les preuves sont accablantes, les faits indiscutables.

    Cette idée de "#bonne_victime" se retrouve chez Giulia Fois, qui évoque le viol dont elle a été victime comme un “bon viol”, expliquant qu’elle a été considérée comme une victime recevable parce que son viol a eu lieu dans un contexte conforme à l’idée qu’on veut se faire du viol à l’échelle de la société : un inconnu la nuit sur un parking sombre — cliché bien utile pour recouvrir complètement la réalité qui est toute autre : puisque 90% des #viols sont commis par un homme connu de la victime.

    Pourtant, Gisèle Pélicot se voit harcelée par les avocats de la défense qui s’acharnent à démontrer qu’elle aurait été consentante, et par là mettre en doute son statut même de victime. On le voit bien : l’image, soit le plus haut niveau de preuve, dans ce contexte, ne sert plus à rien. Si ce n’est éventuellement à se retourner contre les victimes : on est même allé chercher des photographies érotiques réalisées par la victime pour étayer le portrait d’une femme lascive et libertine, donc essentiellement une femme qui a bien cherché à se faire passer dessus et certainement pas une « bonne victime ».

    On voit donc la facilité avec laquelle, en dépit des preuves, la victime légitime peut être rétrogradée au statut d’irrecevable.

    Dans le même ordre d’idées, Mona Chollet, toujours dans son texte si bien nommé « le génocide invisible », relève ceci (et je souligne) :

    « Au fil des mois, déjà, on avait pu mesurer l’ampleur du “deux poids, deux mesures”. Les massacres, les viols : au vu de l’indignation générale soulevée, à juste titre, quand des Israélien·nes en ont été victimes, on avait pu en déduire, naïvement, que ces crimes étaient condamnables en eux-mêmes. Mais l’indifférence, voire l’approbation, rencontrées quand des Palestinien·nes en sont victimes à leur tour nous force à en déduire que ce qui est réellement terrifiant, ce n’est pas d’être violé·e, décapité·e, massacré·e : c’est de l’être par des Arabes ».

    La #recevabilité du #statut_de_victime légitime semble donc moins inféodée au faisceau de preuves dont on dispose qu’au statut de l’auteur des actes dont elle est victime. En gros : dis-moi qui t’a agressé·e, je te dirai si c’est vrai.

    En effet, la question de savoir qui est la "bonne victime" sert à détourner l’attention du véritable problème : celui des "#bons_coupables", ceux que la justice désigne comme des cibles légitimes — migrants, pauvres, minorités de race et de genre… (et il va de soi que ces coupables idéaux ne peuvent pas constituer à leur tour des victimes parfaites). Pour le dire simplement, le système protège les agresseurs quand ils correspondent à un certain profil.

    Nous avons à Mazan un procès accablant pour les auteurs (avec 10 ans de vidéos à charge) mais comme comme ce sont des coupables irréprochables — un « #bon_père_de_famille » et des « monsieur tout-le-monde » —, on est en train de nous expliquer que c’est plus compliqué que ça, qu’ils n’ont pas fait grand chose de mal, qu’ils ont souffert dans leur enfance et que Gisèle Pélicot a peut-être un peu cherché ce qui lui est arrivé. La médiatisation du procès de Mazan rompt l’illusion et montre au grand jour l’arbitraire de la séparation entre bons et mauvais hommes, et entre vrais et faux coupables.

    Le contraste est saisissant avec typiquement le battage médiatique tout récent autour de l’inculpé désigné sous la seule appellation de « Marocain sous OQTF » qui a tué la jeune Philippine, créant immédiatement une panique d’extrême-droite — extrême-droite qu’on a pas beaucoup vu s’émouvoir du procès Mazan.

    Il apparaît clairement qu’on ne prend fait et cause pour les victimes qu’en fonction de qui les agresse, en faisant en réalité peu de cas de ces victimes.

    CACHEZ CES VICTIMES QUI NE SAURAIENT EXISTER

    Dans ce contexte, le huis clos judiciaire joue d’ailleurs un rôle clé : il devient le pilier d’un système qui, sous couvert de protéger les victimes, protège en réalité les coupables. Le refus du #huis_clos par Gisèle Pélicot est un enjeu de société car il expose publiquement ce qui était auparavant relégué à l’imaginaire sordide des « affaires de mœurs » et recouvert d’un voile pudique.

    Dans le même ordre d’idées, les #smartphones utilisés par les populations ciblées ont en quelque sorte brisé le huis clos symbolique des scènes de crimes de guerre d’habitude considérés comme essentiellement incompréhensibles, exotiques, ambigus et frappés d’un flou artistique.

    En ce moment, le monde traverse donc une #médiatisation_des_violences qui fait vaciller les conceptions de la justice des gens qui y assistent. Si l’idée d’une #justice_à_deux_vitesses n’est certes pas nouvelle, les niveaux d’impunité et de cynisme déployés dans ces deux contextes ont suscité des indignations très larges.

    S’y pose à nouveaux frais la question centrale : qui a le droit d’exercer la #violence ?

    
Mythe fondateur de l’état de droit, le #monopole_de_la_violence_légitime réservé aux agents du pouvoir exécutif prouve jour après jour non seulement son échec à protéger les plus vulnérables, mais sa tendance croissante et de plus en plus manifeste à s’exercer contre eux, des violences policières aux persécutions institutionnelles contre les minorités. Je vois pour ma part dans l’acharnement à innocenter les violeurs de Mazan une extension tacite et conditionnelle de ce monopole de la violence à certaines catégories sociales (plutôt dominantes) pourvu qu’elles limitent leur action violente à certaines autres catégories (plutôt minoritaires).

    Les images de Gaza et de Mazan concourent au même mouvement de révélation à grande échelle de l’étendue de l’arnaque d’un régime profondément illégaliste, au sens foucaldien : la gestion de la légalité ou de l’illégalité de certains phénomènes en fonction de qui en sont les acteurs.

    S’y dévoile en fait la matrice d’un système fondé sur la #négation_des_victimes : face à l’impunité acquise de certains, selon une organisation finalement tout à fait suprémaciste, on le voit aujourd’hui : les preuves ne valent pas grand chose ; face à des perpétrateurs qui bénéficient à d’un totem d’#immunité, ou à minima de nombreux points d’avance, il n’y a pas de victime assez parfaite pour établir la #culpabilité de leur bourreau.

    Le #victim_blaming (terme qui désigne l’attribution d’un acte malveillant à la responsabilité de la victime) est en fait le mode par défaut du parcours de la victime vers la reconnaissance de son statut et l’éventuelle réparation du préjudice et participe d’une #impunité_institutionnelle. Le huis clos que les images viennent briser n’est pas seulement géographique, mais aussi moral et idéologique : il est celui d’une société internationale qui refuse de reconnaître la pleine humanité des victimes, car cela impliquerait de remettre en question les structures de pouvoir qui la sous-tendent.

    Si comme le veut l’adage le vieux monde peine à mourir, les monstres qui surgissent prennent pour l’instant la forme d’une ère post-factuelle où l’émotion et l’opinion remplacent les faits, et dans laquelle les spectateurs sont complices par leur inaction. Et si un nouveau monde tarde à apparaître c’est aussi parce l’#indifférence et le #déni prédominent et autorisent l’impunité à prospérer.

    J’ai l’optimisme de penser que l’indignation suscitée par décalage entre les déclarations des pouvoirs publics et les actes qui sont documentés ne n’est pas vouée à tourner dans une boucle stérile et fera à terme bouger les lignes. Je caresse même la chimère que par le spectacle qui se donne de cas d’impunité tellement patents, après l’indignation incrédule se produise un déclic des consciences même chez les gens les plus enclins à avoir confiance en la justice nationale et internationale. Le régime actuel de coexistence des #récits_dominants avec les images qui les contredisent est en train de creuser une faille qui expose les processus par lesquels les systèmes de justice et les systèmes d’information sont à la fois régis par les #rapports_de_pouvoir qui traversent nos sociétés et producteurs de #récits dominants. Chaque jour qui passe montre un peu davantage combien le roi est nu.

    Omar El Akkad tweetait il y a un an : “One day, when it’s safe, when there’s no personal downside to calling a thing what it is, when it’s too late to hold anyone accountable, everyone will have always been against this.” Ce tweet a été vu plus de 10 millions de fois. Pouvons-nous vraiment attendre que trois générations s’écoulent ?

    https://blogs.mediapart.fr/cerisuelo/blog/171024/la-preuve-en-images
    #viols_de_Mazan

  • Faute de #preuves. Enquête sur la #justice face aux révélations #MeToo

    Depuis la vague #MeToo, les dossiers de #violences_sexuelles se multiplient. Dans les commissariats, à la barre, les victimes tentent de faire entendre leur #parole. Mais la réponse policière et judiciaire n’est pas toujours à la hauteur. Les institutions sont mises en cause : de l’accueil défaillant au moment de la déclaration aux #non-lieux trop souvent prononcés, on leur reproche leur inadaptation, voire leur indifférence. « La justice nous ignore, on ignore la justice », avait lancé Adèle Haenel au nom de toutes celles et ceux qui ne portent pas plainte de peur de s’engager dans un parcours du combattant. C’est cette formule qui a guidé #Marine_Turchi dans une enquête saisissante sur les raisons de la défiance.

    Forte du témoignage de près de quatre-vingts interlocuteurs, des magistrat·e·s, des avocat·e·s, des policier·e·s, mais aussi des femmes et des hommes de tous les milieux sociaux, protagonistes d’affaires médiatisées (Gérald Darmanin, Luc Besson, Roman Polanski…) ou pas, l’autrice pointe les #obstacles que rencontrent ces dossiers et mesure, sur le terrain, l’#impact des politiques affichées. Chemin faisant, elle contrecarre les arguments de ceux qui dénoncent opportunément un « #tribunal_médiatique » et crient à la « #chasse_à_l’homme », mais montre aussi les limites de ce que peut la justice. Ainsi au fil de chapitres qui font alterner coulisses de l’enquête et récits poignants, c’est bien le #système dans son entier qu’elle nous dévoile. Il appartient à toutes et à tous, ensuite, de le changer.

    https://www.seuil.com/ouvrage/faute-de-preuves-marine-turchi/9782021483567
    #livre

  • How do you archive online data ?
    Comment archiver et citer un document dans le cadre d’une recherche ou dans un cadre légal ? Comment s’assurer qu’un document trouvé en ligne peut-être utilisé comme preuve dans le cadre légal ?

    Tout au long du mouvement “Femme, Vie, Liberté” en Iran —à l’image de nombreux mouvements dans la région— les #réseaux_sociaux et les vidéos partagées en ligne ont joué un rôle important dans la sensibilisation du public et la documentation des évènements géopolitiques majeurs. La question de l’usage de ces preuves dans le cadre légal à savoir comment filmer, conserver et exploiter une vidéo en ligne comme #preuve_légale ou comme objet de recherche s’est posée. Ces deux #manuels rédigés par le projet de recherche Off-Site, sont une opportunité d’aborder ces questions. Ces manuels sont complémentaires à de nombreuses autres ressources existant en ligne, ils ont vocation à être courts et faciles à partager.

    https://offsite.hypotheses.org/ressources

    Archivage et conservation des preuves
    https://vimeo.com/917570727

    ... avec utilisation de #wayback :
    https://web.archive.org

    #archivage #url #preuve #preuves #justice #online #protocole_de_Berkeley #conservation_des_preuves #sécurisation #standardisation
    #how_to #manuel #bonnes_pratiques #vidéo #archive #internet

  • Forensic Architecture’s investigations are both art and evidence

    There is barely a whisper during the premiere of the film Situated Testimonies of Grenfell at the Royal College of Art in London. Nobody even glances at a phone; we are immersed in that terrible night in 2017 when fire ripped through Grenfell Tower in west London, killing 72 people.

    Including recordings of emergency calls, accounts of residents’ pre-existing safety concerns and social-media footage of the blaze, the film also reveals the process of its own construction as we see architectural software developers sit with survivors and eyewitnesses, while software experts recreate the building and its destruction using 3D modelling. Meticulous and detached yet filled with emotion, the film is a chilling, unequivocal condemnation of the multi-agency failures that led to the tragedy.

    The film is also a form of evidence. Created by multidisciplinary research agency Forensic Architecture, in collaboration with members of the Grenfell community, Situated Testimonies of Grenfell was prepared for a civil claim against private companies, local and government agencies and the London fire brigade.

    From Banksy’s refugee-friendly actions to the exposés of Ai Weiwei, numerous creative practitioners narrow the gap between art and life. But few walk that tightrope with more purposeful precision or powerful effect than Forensic Architecture. Founded by the British-Israeli architect Eyal Weizman in 2010, the collective’s members include architects, lawyers, scientists, software developers and “aesthetic practitioners” such as artists and curators. Based at Goldsmiths, University of London, where Weizman teaches, the collective’s reports, which investigate alleged acts of violence by state or corporate agencies, have stretched from Myanmar to the US.

    Its varied skillsets — from detailed analysis of a photograph or footage to the reconstruction of a bullet’s trajectory — help them to expose falsehoods and lacunae in official narratives. Its recent report, Inhumane Zones, into alleged human rights violations in Gaza, is being used by South Africa in its case against Israel at the International Court of Justice.

    But their work operates as art as well as evidence: the agency has also been shortlisted for the Turner prize. Shown at Tate Britain, their Turner installation centred on a film about the shooting of a Bedouin villager, Yaqub Musa Abu alQu’ian, and a policeman, Erez Levi, by Israeli police. Another film, The Killing of Mark Duggan, was central to War Inna Babylon: The Community’s Struggle for Truths and Rights, an exhibition about Black activism and resistance at the ICA in London in 2021.

    “There’s a parallel between forensics and curating,” Weizman says as we sit down in a light-filled studio at Goldsmiths. “You need to proceed with an argument using images, and sometimes objects, and you need to tell a story that is convincing and coherent.”

    Although Weizman studied at the Architectural Association in London, his awareness that architecture had its own politics was seeded in his Israeli youth. Born in Haifa in 1970, Weizman grew up alongside Palestinian people. He has fond memories of Haifa: “It was so fabulous . . . with the mountains [and] the sea on all sides.” But he also observed an “architecture of colonisation”: Israeli neighbourhoods occupied the city’s heights while Palestinians were “contained” in the valley. Returning after his studies, he focused on how architecture was employed to reinforce Israeli domination, particularly in the Occupied Territories.

    His work has always raised hackles. In 2002, the Israeli Association of United Architects cancelled an exhibition that it had commissioned from Weizman and his fellow architect Rafi Segal for the Berlin Congress of Architecture about settlement construction. Entitled A Civilian Occupation: The Politics of Israeli Architecture, it was described by the commissioners as “one-sided political propaganda”. However Esther Zandberg, the architecture critic of Israeli newspaper Haaretz, defended the show and its catalogue as a “rare work in its power and importance”.

    The cancellation triggered international media attention — “The New York Times reported on it and made a big fuss, so everybody wanted to see what was censored,” Weizman says — and a new series of shows evolved, entitled Territories, which preceded the foundation of Forensic Architecture.

    By now, Weizman was “thinking very hard about presenting evidence in public spaces”. Yet he was surprised to find himself adopting forensics — or counter-forensics, as he sometimes dubs it — as a tactic. “If someone had told me I would end up running a forensic agency 20 years ago . . . I would have been appalled.” he says. But there was also, as he puts it, “a battle about truth”.

    He pauses. “The way I experienced colonialism is that it’s a violence against people but it’s also a violence against truth. Against the truth that those things have happened.” The decision to create Forensic Architecture was a bid to “work collaboratively and in a multidisciplinary way” and “take forensics out of the court and into the public domain of art and media”.

    Today, Forensic Architecture numbers a core team of 26 plus a further 13 research fellows. Their funding comes from donors and organisations, such as the Sigrid Rausing Trust, and income from commissions and exhibitions. They are no strangers to challenge. At the Whitney Biennial 2019, their film Triple-Chaser investigated a tear-gas grenade manufactured by a group owned by Whitney Museum vice-chair Warren Kanders, who had become an object of protest since the group’s tear gas was fired at civilians by US border guards. Triple-Chaser intensified the pressure on Kanders to resign, which he did.

    Weizman embraces the friction. Forensic’s work, he says, “should sit uneasy within an art institution . . . [Museums] want political credibility. They invite us and then they are surprised when our art becomes political!”

    In legal settings, they work to “transform what can be presented as evidence”. Weizman takes a breath. “The law is very conservative. It took a few decades before photography was considered reliable evidence. Now it’s the same with open-source evidence [such as that] captured on Twitter and YouTube. You need to claim other ways of seeing; other ways of telling.”

    The scrupulous remapping within a report such as Inhumane Zones, which compares Israeli plans for safe zones and humanitarian aid in Gaza with UN satellite imagery, media footage and witness testimony, exemplifies Weizman’s observation that his team’s job is to “interpret weak signals”, perhaps no more than “a few pixels in an image, a faint trace, on a tree, on the ground marked in the concrete”. In a world where truth is so contested, that skill has never been more valuable.

    https://www.ft.com/content/39a9a6b5-74da-48c2-a9b4-f7183bf8bd0a
    #art #art_et_politique #architecture_forensique #preuve #Eyal_Weizman #Grenfell #esthétique #vérité #violence #colonialisme

  • L’Open Source INTelligence, une révolution de la preuve

    Le « renseignement de sources ouvertes », plus connu sous l’acronyme anglais #OSINT (#Open_Source_INTelligence), désigne la capacité de collecter et d’exploiter des données ouvertes, disponibles sans avoir besoin de recourir à des moyens légaux ou coercitifs, ni à la ruse ou au piratage.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/esprit-de-justice/l-open-source-intelligence-une-revolution-de-la-preuve-8810804
    #preuve #justice #traces_numériques

    #audio #podcast #images #données

  • L’ADN comme source de preuve en matière pénale : ne croyez pas tout savoir.
    https://threadreaderapp.com/thread/1721211030355759495.html

    Beaucoup d’experts pensent maîtriser leur discours, beaucoup de magistrats lui donnent une force qu’il n’a pas, trop d’avocats le négligent.

    Voici un « cas historique » français qui va faire date. ⬇️
    Avant de vous exposer ce cas hors norme, faisons un rapide état des lieux.

    #ADN #preuve (ou pas) #FNAEG #experts_en_génétique #justice #droit_pénal #police #transfert_d'ADN

  • Blinne Ní Ghrálaigh: Lawyer’s closing statement in ICJ case against Israel praised

    This was the powerful closing statement in South Africa’s genocide case against Israel.

    Senior advocate #Blinne_Ní_Ghrálaigh addressed the International Court of Justice on day one of the hearing.

    ICJ: Blinne Ní Ghrálaigh’s powerful closing statement in South Africa case against Israel
    https://www.youtube.com/watch?v=ttrJd2aWF-Y&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.thenational.sco

    https://www.thenational.scot/news/24042943.blinne-ni-ghralaigh-lawyers-closing-statement-icj-case-israel

    #Cour_internationale_de_justice (#CIJ) #Israël #Palestine #Afrique_du_Sud #justice #génocide

    • Israël commet-il un génocide à #Gaza ? Le compte rendu d’une #audience historique

      Alors que les massacres israéliens à Gaza se poursuivent, l’Afrique du Sud a tenté de démontrer, jeudi 11 et vendredi 12 janvier devant la justice onusienne, qu’un génocide est en train d’être commis par Israël à Gaza.

      « Une #calomnie », selon l’État hébreu.

      Devant le palais de la Paix de #La_Haye (Pays-Bas), la bataille des #mots a commencé avant même l’audience. Jeudi 11 janvier au matin, devant la #Cour_de_justice_internationale_des_Nations_unies, des manifestants propalestiniens ont exigé un « cessez-le-feu immédiat » et dénoncé « l’#apartheid » en cours au Proche-Orient. Face à eux, des familles d’otages israélien·nes ont montré les photos de leurs proches kidnappés le 7 octobre par le Hamas.

      Pendant deux jours, devant 17 juges internationaux, alors que les massacres israéliens à Gaza continuent de tuer, de déplacer et de mutiler des civils palestiniens (à 70 % des femmes et des enfants, selon les agences onusiennes), le principal organe judiciaire des Nations unies a examiné la requête, précise et argumentée, de l’Afrique du Sud, destinée à imposer au gouvernement israélien des « #mesures
      _conservatoires » pour prévenir un génocide de la population palestinienne de Gaza.

      La première et plus urgente de ces demandes est l’arrêt immédiat des #opérations_militaires israéliennes à Gaza. Les autres exigent des mesures urgentes pour cesser les tueries, les déplacements de population, faciliter l’accès à l’eau et à la nourriture, et prévenir tout génocide.

      La cour a aussi entendu les arguments d’Israël, qui nie toute #intention_génocidaire et a martelé son « #droit_à_se_défendre, reconnu par le droit international ».

      L’affaire ne sera pas jugée sur le fond avant longtemps. La décision sur les « mesures conservatoires », elle, sera rendue « dès que possible », a indiqué la présidente de la cour, l’États-Unienne #Joan_Donoghue.

      Rien ne dit que les 17 juges (dont un Sud-Africain et un Israélien, Aharon Barak, ancien juge de la Cour suprême israélienne, de réputation progressiste mais qui n’a jamais critiqué la colonisation israélienne) donneront raison aux arguments de l’Afrique du Sud, soutenue dans sa requête par de nombreux États du Sud global. Et tout indique qu’une décision sanctionnant Israël serait rejetée par un ou plusieurs #vétos au sein du #Conseil_de_sécurité des Nations unies.

      Cette #audience solennelle, retransmise sur le site de l’ONU (revoir les débats du jeudi 11 et ceux du vendredi 12), et relayée par de nombreux médias internationaux, a pourtant revêtu un caractère extrêmement symbolique, où se sont affrontées deux lectures radicalement opposées de la tragédie en cours à Gaza.

      « Israël a franchi une limite »

      Premier à prendre la parole, l’ambassadeur sud-africain aux Pays-Bas, #Vusi_Madonsela, a d’emblée replacé « les actes et omissions génocidaires commis par l’État d’Israël » dans une « suite continue d’#actes_illicites perpétrés contre le peuple palestinien depuis 1948 ».

      Face aux juges internationaux, il a rappelé « la Nakba du peuple palestinien, conséquence de la #colonisation_israélienne qui a [...] entraîné la #dépossession, le #déplacement et la #fragmentation systématique et forcée du peuple palestinien ». Mais aussi une « #occupation qui perdure depuis cinquante-six ans, et le siège de seize ans imposé [par Israël] à la bande de Gaza ».

      Il a décrit un « régime institutionnalisé de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires, mises en place [par Israël – ndlr] pour établir sa #domination et soumettre le peuple palestinien à un apartheid », dénonçant des « décennies de violations généralisées et systématiques des #droits_humains ».

      « En tendant la main aux Palestiniens, nous faisons partie d’une seule humanité », a renchéri le ministre de la justice sud-africain, #Ronald_Ozzy_Lamola, citant l’ancien président Nelson Mandela, figure de la lutte contre l’apartheid dans son pays.

      D’emblée, il a tenté de déminer le principal argument du gouvernement israélien, selon lequel la procédure devant la Cour internationale de justice est nulle et non avenue, car Israël mènerait une #guerre_défensive contre le #Hamas, au nom du #droit_à_la_légitime_défense garanti par l’article 51 de la charte des Nations unies – un droit qui, selon la Cour internationale de justice, ne s’applique pas aux #Territoires_occupés. « Gaza est occupée. Israël a gardé le contrôle de Gaza. [...] Ses actions renforcent son occupation : la légitime défense ne s’applique pas », insistera un peu plus tard l’avocat Vaughan Lowe.

      « L’Afrique du Sud, affirme le ministre sud-africain, condamne de manière catégorique la prise pour cibles de civils par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023. Cela étant dit, aucune attaque armée contre le territoire d’un État, aussi grave soit-elle, même marquée par la commission des #crimes atroces, ne saurait constituer la moindre justification ni le moindre prétexte, pour se rendre coupable d’une violation, ni sur le plan juridique ni sur le plan moral », de la #convention_des_Nations_unies_pour_la_prévention_et_la_répression_du_crime_de_génocide, dont est accusé l’État hébreu.

      « La réponse d’Israël à l’attaque du 7 octobre, a-t-il insisté, a franchi cette limite. »

      Un « génocide » au caractère « systématique »

      #Adila_Hassim, principale avocate de l’Afrique du Sud, s’est évertuée à démontrer méthodiquement comment Israël a « commis des actes relevant de la définition d’#actes_de_génocide », dont elle a martelé le caractère « systématique ».

      « Les Palestiniens sont tués, risquent la #famine, la #déshydratation, la #maladie, et ainsi la #mort, du fait du siège qu’Israël a organisé, de la #destruction des villes, d’une aide insuffisante autorisée à atteindre la population, et de l’impossibilité à distribuer cette maigre aide sous les #bombardements incessants, a-t-elle énuméré. Tout ceci rend impossible d’avoir accès aux éléments essentiels de la vie. »

      Adila Hassim s’est attelée à démontrer en quoi la #guerre israélienne cochait les cases du génocide, tel qu’il est défini à l’article 2 de la convention onusienne : « Des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. »

      Le « meurtre des membres du groupe », premier élément du génocide ? Adila Hassim évoque le « meurtre de masse des Palestiniens », les « 23 000 victimes dont 70 % sont des femmes ou des enfants », et « les 7 000 disparus, présumés ensevelis sous les décombres ». « Il n’y a pas de lieu sûr à Gaza », dit-elle, une phrase empruntée aux responsables de l’ONU, répétée de nombreuses fois par la partie sud-africaine.

      Hasssim dénonce « une des campagnes de bombardement les plus lourdes dans l’histoire de la guerre moderne » : « 6 000 bombes par semaine dans les trois premières semaines », avec des « #bombes de 900 kilos, les plus lourdes et les plus destructrices », campagne qui vise habitations, abris, écoles, mosquées et églises, dans le nord et le sud de la bande de Gaza, camps de réfugié·es inclus.

      « Les Palestiniens sont tués quand ils cherchent à évacuer, quand ils n’ont pas évacué, quand ils ont pris la #fuite, même quand ils prennent les itinéraires présentés par Israël comme sécurisés. (...) Des centaines de familles plurigénérationelles ont été décimées, personne n’ayant survécu (...) Personne n’est épargné, pas même les nouveau-nés (...) Ces massacres ne sont rien de moins que la #destruction_de_la_vie_palestinienne, infligée de manière délibérée. » Selon l’avocate, il existe bien une #intention_de_tuer. « Israël, dit-elle, sait fort bien combien de civils perdent leur vie avec chacune de ces bombes. »

      L’« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », et la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », autres éléments constitutifs du génocide ? Adila Hassim évoque « la mort et la #mutilation de 60 000 Palestiniens », les « civils palestiniens arrêtés et emmenés dans une destination inconnue », et détaille le « #déplacement_forcé de 85 % des Palestiniens de Gaza » depuis le 13 octobre, sans retour possible pour la plupart, et qui « répète une longue #histoire de #déplacements_forcés de masse ».

      Elle accuse Israël de « vise[r] délibérément à provoquer la faim, la déshydratation et l’inanition à grande échelle » (93 % de la population souffrent d’un niveau critique de faim, selon l’Organisation mondiale de la santé), l’aide empêchée par les bombardements et qui « ne suffit tout simplement pas », l’absence « d’eau propre », le « taux d’épidémies et de maladies infectieuses qui s’envole », mais aussi « les attaques de l’armée israélienne prenant pour cible le système de santé », « déjà paralysé par des années de blocus, impuissant face au nombre de blessures ».

      Elle évoque de nombreuses « naissances entravées », un autre élément constitutif du génocide.

      « Les génocides ne sont jamais annoncés à l’avance, conclut-elle. Mais cette cour a devant elle 13 semaines de #preuves accumulées qui démontrent de manière irréfutable l’existence d’une #ligne_de_conduite, et d’#intentions qui s’y rapportent, justifiant une allégation plausible d’actes génocidaires. »

      Une « #déshumanisation_systématique » par les dirigeants israéliens

      Un autre avocat s’avance à la barre. Après avoir rappelé que « 1 % de la population palestinienne de Gaza a été systématiquement décimée, et qu’un Gazaoui sur 40 a été blessé depuis le 7 octobre », #Tembeka_Ngcukaitobi décortique les propos des autorités israéliennes.

      « Les dirigeants politiques, les commandants militaires et les représentants de l’État d’Israël ont systématiquement et explicitement exprimé cette intention génocidaire, accuse-t-il. Ces déclarations sont ensuite reprises par des soldats, sur place à Gaza, au moment où ils anéantissent la population palestinienne et l’infrastructure de Gaza. »

      « L’intention génocidaire spécifique d’Israël, résume-t-il, repose sur la conviction que l’ennemi n’est pas simplement le Hamas, mais qu’il est à rechercher au cœur même de la société palestinienne de Gaza. »

      L’avocat multiplie les exemples, encore plus détaillés dans les 84 pages de la requête sud-africaine, d’une « intention de détruire Gaza aux plus hauts rangs de l’État » : celle du premier ministre, #Benyamin_Nétanyahou, qui, à deux reprises, a fait une référence à #Amalek, ce peuple que, dans la Bible (I Samuel XV, 3), Dieu ordonne d’exterminer ; celle du ministre de la défense, qui a comparé les Palestiniens à des « #animaux_humains » ; le président israélien #Isaac_Herzog, qui a jugé « l’entièreté de la nation » palestinienne responsable ; celle du vice-président de la Knesset, qui a appelé à « l’anéantissement de la bande de Gaza » (des propos condamnés par #Nétanyahou) ; ou encore les propos de nombreux élus et députés de la Knesset appelant à la destruction de Gaza.

      Une « déshumanisation systématique », dans laquelle les « civils sont condamnés au même titre que le Hamas », selon Tembeka Ngcukaitobi.

      « L’intention génocidaire qui anime ces déclarations n’est nullement ambiguë pour les soldats israéliens sur le terrain : elle guide leurs actes et leurs objectifs », poursuit l’avocat, qui diffuse devant les juges des vidéos où des soldats font eux aussi référence à Amalek, « se filment en train de commettre des atrocités contre les civils à Gaza à la manière des snuff movies », ou écoutent un réserviste de 95 ans les exhorter à « tirer une balle » sur leur « voisin arabe » et les encourager à une « destruction totale ».

      L’avocat dénonce le « manquement délibéré de la part du gouvernement à son obligation de condamner, de prévenir et de réprimer une telle incitation au génocide ».

      Après une plaidoirie technique sur la capacité à agir de l’Afrique du Sud, #John_Dugard insiste : « Gaza est devenu un #camp_de_concentration où un génocide est en cours. »

      L’avocat sud-africain #Max_du_Plessis exhorte la cour à agir face à Israël, qui « depuis des années (...) s’estime au-delà et au-dessus de la loi », une négligence du droit rendue possible par l’#indifférence de la communauté internationale, qui a su, dans d’autres conflits (Gambie, Bosnie, Ukraine) décider qu’il était urgent d’agir.

      « Gaza est devenu inhabitable », poursuit l’avocate irlandaise #Blinne_Ni_Ghralaigh. Elle énumère d’autres chiffres : « Au rythme actuel », égrène-t-elle, « 247 Palestiniens tués en moyenne chaque jour », dont « 48 mères » et « plus de 117 enfants », et « 629 blessés ». Elle évoque ces enfants dont toute la famille a été décimée, les secouristes, les enseignants, les universitaires et les journalistes tués dans des proportions historiques.

      « Il s’agit, dit-elle, du premier génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel, dans l’espoir vain que le monde fasse quelque chose. » L’avocate dévoile à l’écran les derniers mots du docteur #Mahmoud_Abu_Najela (Médecins sans frontières), tué le 23 novembre à l’hôpital Al-Awda, écrits au feutre sur un tableau blanc : « À ceux qui survivront. Nous avons fait ce que nous pouvons. Souvenez-vous de nous. »

      « Le monde, conclut Blinne Ni Ghralaigh, devrait avoir #honte. »

      La réponse d’Israël : une « calomnie »

      Vendredi 12 janvier, les représentants d’Israël se sont avancés à la barre. Leur argumentation a reposé sur deux éléments principaux : un, la Cour internationale de justice n’a pas à exiger de « mesures conservatoires » car son armée ne commet aucun génocide ; deux, si génocide il y a, il a été commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

      Premier à prendre la parole, #Tal_Becker, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, invoque l’Histoire, et le génocide infligé aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, « le meurtre systématique de 6 millions de juifs dans le cadre d’une destruction totale ».

      « Israël, dit-il, a été un des premiers États à ratifier la convention contre le génocide. » « Pour Israël, insiste-t-il, “#jamais_plus” n’est pas un slogan, c’est une #obligation_morale suprême. »

      Dans « une époque où on fait bon marché des mots, à l’heure des politiques identitaires et des réseaux sociaux », il dénonce une « #instrumentalisation » de la notion de génocide contre Israël.

      Il attaque une présentation sud-africaine « totalement dénaturée des faits et du droit », « délibérément manipulée et décontextualisée du conflit actuel », qualifiée de « calomnie ».

      Alors que les avocats sud-africains avaient expliqué ne pas intégrer les massacres du Hamas dans leur requête devant la justice onusienne, car « le Hamas n’est pas un État », Tal Becker estime que l’Afrique du Sud « a pris le parti d’effacer l’histoire juive et tout acte ou responsabilité palestiniens », et que les arguments avancés « ne se distinguent guère de ceux opposés par le Hamas dans son rejet d’Israël ». « L’Afrique du Sud entretient des rapports étroits avec le Hamas » et le « soutient », accuse-t-il.

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », dit-il en revenant longuement, images et enregistrements à l’appui, sur les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes palestiniens le 7 octobre, « le plus important massacre de juifs en un jour depuis la #Shoah ».

      « S’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël », dit-il, évoquant le « #programme_d’annihilation » des juifs par le Hamas. « Israël ne veut pas détruire un peuple, poursuit-il. Mais protéger un peuple : le sien. »

      Becker salue les familles d’otages israéliens présentes dans la salle d’audience, et montre certains visages des 130 personnes kidnappées dont le pays est toujours sans nouvelle. « Y a-t-il une raison de penser que les personnes que vous voyez à l’écran ne méritent pas d’être protégées ? », interroge-t-il.

      Pour ce représentant de l’État israélien, la demande sud-africaine de mesures conservatoires revient à priver le pays de son droit à se défendre.

      « Israël, poursuit-il, se défend contre le Hamas, le Djihad palestinien et d’autres organisations terroristes dont la brutalité est sans limite. Les souffrances sont tragiques, sont déchirantes. Les conséquences sont parfaitement atroces pour les civils du fait du comportement du Hamas, qui cherche à maximiser les pertes de civils alors qu’Israël cherche à les minorer. »

      Becker s’attarde sur la « #stratégie_méprisable » du Hamas, une « méthode de guerre intégrée, planifiée, de grande ampleur et odieuse ». Le Hamas, accuse-t-il, « a, de manière systématique, fondu ses opérations militaires au sein de zones civiles densément peuplées », citant écoles, mosquées et hôpitaux, des « milliers de bâtiments piégés » et « utilisés à des fins militaires ».

      Le Hamas « a fait entrer une quantité innombrable d’armes, a détourné l’aide humanitaire ». Remettant en cause le chiffre « non vérifié » de 23 000 victimes (pourtant confirmé par les Nations unies), Tal Becker estime que de nombreuses victimes palestiniennes sont des « militants » qui ont pu prendre « une part directe aux hostilités ». « Israël respecte le droit », martèle-t-il. « Si le Hamas abandonne cette stratégie, libère les otages, hostilités et violences prendront fin. »

      Ponte britannique du droit, spécialiste des questions juridiques liées aux génocides, #Malcom_Shaw embraie, toujours en défense d’Israël. Son discours, technique, est parfois interrompu. Il se perd une première fois dans ses notes, puis soupçonne un membre de son équipe d’avoir « pris [sa] #plaidoirie pour un jeu de cartes ».

      Shaw insiste : « Un conflit armé coûte des vies. » Mais Israël, dit-il, « a le droit de se défendre dans le respect du #droit_humanitaire », citant à l’audience les propos de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 19 octobre 2023. Il poursuit : « L’#usage_de_la_force ne peut constituer en soi un acte génocidaire. » « Israël, jure-t-il, ne cible que les cibles militaires, et ceci de manière proportionnée dans chacun des cas. »

      « Peu d’éléments démontrent qu’Israël a eu, ou a, l’intention de détruire tout ou partie du peuple palestinien », plaide-t-il. Shaw estime que nombre de propos tenus par des politiciens israéliens ne doivent pas être pris en compte, car ils sont « pris au hasard et sont sortis de leur contexte », parce qu’ils témoignent d’une « #détresse » face aux massacres du 7 octobre, et que ceux qui les ont prononcés n’appartiennent pas aux « autorités pertinentes » qui prennent les décisions militaires, à savoir le « comité ministériel chargé de la sécurité nationale » et le « cabinet de guerre ».

      Pour étayer son argumentation, Shaw cite des directives (non publiques) de Benyamin Nétanyahou destinées, selon lui, à « éviter un désastre humanitaire », à proposer des « solutions pour l’approvisionnement en eau », « promouvoir la construction d’hôpitaux de campagne au sud de la bande de Gaza » ; les déclarations publiques de Benyamin Nétanyahou à la veille de l’audience (« Israël n’a pas l’intention d’occuper de façon permanente la bande de Gaza ou de déplacer sa population civile ») ; d’autres citations du ministre de la défense qui assure ne pas s’attaquer au peuple palestinien dans son ensemble.

      « La requête de l’Afrique du Sud brosse un tableau affreux, mais incomplet et profondément biaisé », renchérit #Galit_Rajuan, conseillère au ministère de la justice israélien, qui revient longuement sur les #responsabilités du Hamas, sa stratégie militaire au cœur de la population palestinienne. « Dans chacun des hôpitaux que les forces armées israéliennes ont fouillés à Gaza, elles ont trouvé des preuves d’utilisation militaire par le Hamas », avance-t-elle, des allégations contestées.

      « Certes, des dommages et dégâts ont été causés par les hostilités dans les hôpitaux, parfois par les forces armées israéliennes, parfois par le Hamas, reconnaît-elle, mais il s’agit des conséquences de l’utilisation odieuse de ces hôpitaux par le Hamas. »

      Rajuan martèle enfin qu’Israël cherche à « atténuer les dommages causés aux civils » et à « faciliter l’aide humanitaire ». Des arguments connus, que de très nombreuses ONG, agences des Nations unies et journalistes gazaouis présents sur place réfutent régulièrement, et que les journalistes étrangers ne peuvent pas vérifier, faute d’accès à la bande de Gaza.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120124/israel-commet-il-un-genocide-gaza-le-compte-rendu-d-une-audience-historiqu

    • Gaza, l’accusa di genocidio a Israele e la credibilità del diritto internazionale

      Il Sudafrica ha chiesto l’intervento della Corte internazionale di giustizia dell’Aja per presunte violazioni di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948. Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, presente alla storica udienza, aiuta a comprendere il merito e le prospettive

      “Quello che sta succedendo all’Aja ha un significato che va oltre gli eventi in corso nella Striscia di Gaza. Viviamo un momento storico in cui la Corte internazionale di giustizia (Icj) ha anche la responsabilità di confermare se il diritto internazionale esiste ancora e se vale alla stessa maniera per tutti i Paesi, del Nord e del Sud del mondo”. A parlare è Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, già nel team legale delle vittime di Gaza di fronte alla Corte penale internazionale (Icc), che ha sede sempre all’Aja.

      Non vanno confuse: l’aula di tribunale ripresa dalle tv di tutto il mondo l’11 e il 12 gennaio scorsi, infatti, con il team legale sudafricano schierato contro quello israeliano, è quella della Corte internazionale di giustizia, il massimo organo giudiziario delle Nazioni Unite, che si esprime sulle controversie tra Stati. L’Icc, invece, è indipendente e legifera sulle responsabilità penali individuali.

      Il 29 dicembre scorso il Sudafrica ha chiesto l’intervento della prima per presunte violazioni da parte di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948, nei confronti dei palestinesi della Striscia di Gaza. Un’udienza storica a cui Mariniello era presente.

      Professore, qual era innanzi tutto l’atmosfera?
      TM A mia memoria mai uno strumento del diritto internazionale ha avuto tanto sostegno e popolarità. C’erano centinaia, probabilmente migliaia di persone all’esterno della Corte, emittenti di tutto il mondo e apparati di sicurezza, inclusi droni ed elicotteri. Sentire anche le tv più conservatrici, come quelle statunitensi, parlare di Palestina e genocidio faceva comprendere ancora di più l’importanza storica dell’evento.

      In estrema sintesi, quali sono gli elementi più importanti della tesi sudafricana?
      TM Il Sudafrica sostiene che Israele abbia commesso atti di genocidio contro la popolazione di Gaza, ciò significa una serie di azioni previste dall’articolo 2 della Convenzione sul genocidio, effettuate con l’intento di distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto, in questo caso i palestinesi di Gaza. Questi atti, per il Sudafrica, sono omicidi di massa, gravi lesioni fisiche o mentali e l’imposizione di condizioni di vita volte a distruggere i palestinesi, come l’evacuazione forzata di circa due milioni di loro, la distruzione di quasi tutto il sistema sanitario della Striscia, l’assedio totale all’inizio della guerra e la privazione di beni essenziali per la sopravvivenza. Ciò che caratterizza un genocidio rispetto ad altri crimini internazionali è il cosiddetto “intento speciale”, la volontà cioè di voler distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto. È l’elemento più difficile da provare, ma credo che il Sudafrica in questo sia riuscito in maniera solida e convincente. Sia in aula sia all’interno della memoria di 84 pagine presentata, vi sono, infatti, una serie di dichiarazioni dei leader politici e militari israeliani, che proverebbero tale intento. Come quella del premier Benjamin Netanyahu che, a inizio guerra, ha invocato la citazione biblica di Amalek, che sostanzialmente significa: “Uccidete tutti gli uomini, le donne, i bambini e gli animali”. O una dichiarazione del ministro della Difesa, Yoav Gallant, che ha detto che a Gaza sono tutti “animali umani”. Queste sono classiche dichiarazioni deumanizzanti e la deumanizzazione è un passaggio caratterizzante tutti i genocidi che abbiamo visto nella storia dell’umanità.

      Qual è stata invece la linea difensiva israeliana?
      TM Diciamo che l’impianto difensivo di Israele è basato su tre pilastri: il fatto che quello di cui lo si accusa è stato eseguito da Hamas il 7 ottobre; il concetto di autodifesa, cioè che quanto fatto a Gaza è avvenuto in risposta a tale attacco e, infine, che sono state adottate una serie di precauzioni per limitare l’impatto delle ostilità sulla popolazione civile. Israele, inoltre, ha sollevato il tema della giurisdizione della Corte, mettendola in discussione, in quanto non vi sarebbe una disputa in corso col Sudafrica. Su questo la Corte si dovrà pronunciare, ma a tal proposito è stato ricordato come Israele sia stato contattato dal Sudafrica in merito all’accusa di genocidio e non abbia risposto. Questo, per l’accusa, varrebbe come disputa in corso.

      Che cosa chiede il Sudafrica?
      TM In questo momento l’accusa non deve dimostrare che sia stato commesso un genocidio, ma che sia plausibile. Questa non è un’udienza nel merito, siamo in una fase d’urgenza, ma di richiesta di misure cautelari. Innanzitutto chiede il cessate fuoco, poi la rescissione di tutti gli ordini che possono costituire atti di genocidio. Si domanda alla Corte di imporre un ordine a Israele per preservare tutte le prove che potrebbero essere utili per indagini future e di porre fine a tutti gli atti di cui il Sudafrica lo ritiene responsabile.

      Come valuta le due memorie?
      TM La deposizione del Sudafrica è molto solida e convincente, sia in merito agli atti genocidi sia all’intento genocidiario. E credo che anche alla luce dei precedenti della Corte lasci veramente poco spazio di manovra. Uno dei punti di forza è che fornisce anche una serie di prove in merito a quello che è successo e che sta accadendo a Gaza: le dichiarazioni dei politici israeliani, cioè, hanno ricevuto un’implementazione sul campo. Sono stati mostrati dei video di militari, ad esempio, che invocavano Amalek, la citazione di Netanyahu.

      In realtà il Sudafrica non si limita allo scontro in atto, ma parla di una sorta Nakba (l’esodo forzato dei palestinesi) ininterrotto.
      TM Ogni giurista dovrebbe sempre analizzare qualsiasi ostilità all’interno di un contesto e per questo il Sudafrica fa riferimento a 75 anni di Nakba, a 56 di occupazione militare israeliana e a 16 anni di assedio della Striscia.

      Come valuta la difesa israeliana?
      TM Come detto, tutto viene ricondotto all’attacco di Hamas del 7 ottobre e a una risposta di autodifesa rispetto a tale attacco. Ma esiste sempre un contesto per il diritto penale internazionale e l’autodifesa -che per uno Stato occupante non può essere invocata- non può comunque giustificare un genocidio. L’altro elemento sottolineato dal team israeliano, delle misure messe in atto per ridurre l’impatto sui civili, è sembrato più retorico che altro: quanto avvenuto negli ultimi tre mesi smentisce tali dichiarazioni. Basti pensare alla privazione di beni essenziali e a tutte le informazioni raccolte dalle organizzazioni internazionali e dagli organismi delle Nazioni Unite. A Gaza non esistono zone sicure, ci sono stati casi in cui la popolazione evacuata, rifugiatasi nelle zone indicate da Israele, è stata comunque bombardata.

      Ora che cosa pensa succederà?
      TM La mia previsione è che la Corte si pronuncerà sulle misure cautelari entro la fine di gennaio e l’inizio di febbraio, quando alcuni giudici decadranno e saranno sostituiti. In alcuni casi ha impiegato anche solo otto giorni per pronunciarsi. Ora ci sono delle questioni procedurali, altri Stati stanno decidendo di costituirsi a sostegno di Israele o del Sudafrica.

      Che cosa implica tale sostegno?
      TM La possibilità di presentare delle memorie. La Germania sosterrà Israele, il Brasile, i Paesi della Lega Araba, molti Stati sudamericani, ma non solo, si stanno schierando con il Sudafrica.

      Il ministro degli Esteri italiano, Antonio Tajani, ha dichiarato che non si tratta di genocidio.
      TM L’Italia non appoggerà formalmente Israele dinnanzi all’Icj. La Francia sarà neutrale. I Paesi del Global South stanno costringendo quelli del Nord a verificare la credibilità del diritto internazionale: vale per tutti o è un diritto à la carte?

      Se la Corte decidesse per il cessate il fuoco, quali sarebbero le conseguenze, visto che non ha potere politico?
      TM Il parere della Corte è giuridicamente vincolante. Il problema è effettivamente di esecuzione: nel caso di un cessate il fuoco, se non fosse Israele ad attuarlo, dovrebbe intervenire il Consiglio di sicurezza.

      Con il rischio del veto statunitense.
      TM Siamo sul terreno delle speculazioni, ma se la Corte dovesse giungere alla conclusione che Israele è responsabile di un genocidio a Gaza, onestamente riterrei molto difficile un altro veto degli Stati Uniti. È difficile al momento prevedere gli effetti dirompenti di un’eventuale decisione positiva della Corte. Certo è che, quando si parla di Israele, la comunità internazionale, nel senso dei Paesi occidentali, ha creato uno stato di eccezione, che ha sempre posto Israele al di sopra del diritto internazionale, senza rendersi conto che le situazioni violente che viviamo in quel contesto sono il frutto di questo eccezionalismo anche a livello giuridico. Fino a quando si andrà avanti con questo contesto di impunità non finiranno le spirali di violenza.

      https://altreconomia.it/gaza-laccusa-di-genocidio-a-israele-e-la-credibilita-del-diritto-intern

    • La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’empêcher un génocide à Gaza

      Selon la plus haute instance judiciaire internationale, « il existe un #risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé » aux Palestiniens de Gaza. La Cour demande à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission […] de tout acte » de génocide. Mais n’appelle pas au cessez-le-feu.

      Même si elle n’a aucune chance d’être appliquée sur le terrain, la #décision prise vendredi 26 janvier par la plus haute instance judiciaire des Nations unies marque incontestablement un tournant dans la guerre au Proche-Orient. Elle intervient après quatre mois de conflit déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts et des milliers de blessés, conduit à la prise en otage de 240 personnes, et entraîné l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, dont le dernier bilan s’élève à plus de 25 000 morts.

      La Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye (Pays-Bas), a expliqué, par la voix de sa présidente, la juge Joan Donoghue, « être pleinement consciente de l’ampleur de la #tragédie_humaine qui se joue dans la région et nourri[r] de fortes #inquiétudes quant aux victimes et aux #souffrances_humaines que l’on continue d’y déplorer ». Elle a ordonné à Israël de « prendre toutes les #mesures en son pouvoir pour prévenir la commission à l’encontre des Palestiniens de Gaza de tout acte » de génocide.

      « Israël doit veiller avec effet immédiat à ce que son armée ne commette aucun des actes » de génocide, affirme l’#ordonnance. Elle « considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ».

      La cour de La Haye, saisie à la suite d’une plainte de l’Afrique du Sud, demande « en outre » à l’État hébreu de « prendre sans délai des #mesures_effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’#aide_humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ».

      Enfin, l’ordonnance de la CIJ ordonne aux autorités israéliennes de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des #éléments_de_preuve relatifs aux allégations d’actes » de génocide.

      La juge #Joan_Donoghue, qui a donné lecture de la décision, a insisté sur son caractère provisoire, qui ne préjuge en rien de son futur jugement sur le fond des accusations d’actes de génocide. Celles-ci ne seront tranchées que dans plusieurs années, après instruction.

      La cour « ne peut, à ce stade, conclure de façon définitive sur les faits » et sa décision sur les #mesures_conservatoires « laisse intact le droit de chacune des parties de faire valoir à cet égard ses moyens » en vue des audiences sur le fond, a-t-elle poursuivi.

      Elle considère cependant que « les faits et circonstances » rapportés par les observateurs « suffisent pour conclure qu’au moins certains des droits » des Palestiniens sont mis en danger et qu’il existe « un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé ».

      Environ 70 % de #victimes_civiles

      La CIJ avait été saisie le 29 décembre 2023 par l’Afrique du Sud qui, dans sa requête, accuse notamment Israël d’avoir violé l’article 2 de la Convention de 1948 sur le génocide, laquelle interdit, outre le meurtre, « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » visé par le génocide, l’imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ou encore les « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».

      Le recours décrit longuement une opération militaire israélienne qualifiée d’« exceptionnellement brutale », « tuant des Palestiniens à Gaza, incluant une large proportion de femmes et d’enfants – pour un décompte estimé à environ 70 % des plus de 21 110 morts [au moment de la rédaction du recours par l’Afrique du Sud – ndlr] –, certains d’entre eux apparaissant avoir été exécutés sommairement ».

      Il soulignait également les conséquences humanitaires du déplacement massif des populations et de la destruction massive de logements et d’équipements publics, dont des écoles et des hôpitaux.

      Lors des deux demi-journées d’audience, jeudi 11 et vendredi 12 janvier, le conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, Tal Becker, avait dénoncé une « instrumentalisation » de la notion de génocide et qualifié l’accusation sud-africaine de « calomnie ».

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », avait poursuivi le représentant israélien, affirmant que « s’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël ». « Israël ne veut pas détruire un peuple mais protéger un peuple : le sien. »
      Gaza, « lieu de mort et de désespoir »

      La CIJ, de son côté, a fondé sa décision sur les différents rapports et constatations fournis par des organisations internationales. Elle cite notamment la lettre du 5 janvier 2024 du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, décrivant la bande de Gaza comme un « lieu de mort et de désespoir ».

      L’ordonnance rappelle qu’un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 21 décembre 2023 s’alarmait du fait que « 93 % de la population de Gaza, chiffre sans précédent, est confrontée à une situation de crise alimentaire ».

      Le 12 janvier 2024, c’est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui lançait un cri d’alerte. « Cela fait maintenant 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, que la population de Gaza est décimée et déplacée, suite aux horribles attaques perpétrées par le Hamas et d’autres groupes contre la population en Israël », s’alarmait-il.

      L’ordonnance souligne, en miroir, les multiples déclarations de responsables israéliens assumant une répression sans pitié dans la bande de Gaza, si nécessaire au prix de vies civiles. Elle souligne que des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont même pu s’indigner de « la rhétorique manifestement génocidaire et déshumanisante de hauts responsables du gouvernement israélien ».

      La CIJ pointe par exemple les propos du ministre de la défense Yoav Gallant du 9 octobre 2023 annonçant « un siège complet de la ville de Gaza », avant d’affirmer : « Nous combattons des animaux humains. »

      Le 12 octobre, c’est le président israélien Isaac Herzog qui affirmait : « Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués, ça n’existe pas. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza. »

      Et, à la vue des intentions affichées par les autorités israéliennes, les opérations militaires dans la bande de Gaza ne sont pas près de s’arrêter. « La Cour considère que la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza risque fort de se détériorer encore avant qu’elle rende son arrêt définitif », affirme l’ordonnance.

      « À la lumière de ce qui précède, poursuivent les juges, la Cour considère qu’il y a urgence en ce sens qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits qu’elle a jugés plausibles avant qu’elle ne rende sa décision définitive. »

      Si la décision de la CIJ est juridiquement contraignante, la Cour n’a pas la capacité de la faire appliquer. Cependant, elle est incontestablement une défaite diplomatique pour Israël.

      Présente à La Haye, la ministre des relations internationales et de la coopération d’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a pris la parole à la sortie de l’audience. Si elle a regretté que les juges n’aient pas appelé à un cessez-le-feu, elle s’est dite « satisfaite que les mesures provisoires » réclamées par son pays aient « fait l’objet d’une prise en compte » par la Cour, et qu’Israël doive fournir un rapport d’ici un mois. Pour l’Afrique du Sud, lancer cette plainte, a-t-elle expliqué, « était une façon de s’assurer que les organismes internationaux exercent leur responsabilité de nous protéger tous, en tant que citoyens du monde global ».

      Comme l’on pouvait s’y attendre, les autorités israéliennes ont vivement critiqué les ordonnances d’urgence réclamées par les juges de La Haye. Si le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est réjoui de ce que ces derniers n’aient pas réclamé, comme le demandait l’Afrique du Sud, de cessez-le-feu – « Comme tout pays, Israël a le droit fondamental de se défendre. La CIJ de La Haye a rejeté à juste titre la demande scandaleuse visant à nous priver de ce droit », a-t-il dit –, il a eu des mots très durs envers l’instance : « La simple affirmation selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens n’est pas seulement fausse, elle est scandaleuse, et la volonté de la Cour d’en discuter est une honte qui ne sera pas effacée pendant des générations. »

      Il a affirmé vouloir continuer « à défendre [ses] citoyens dans le respect du droit international ». « Nous poursuivrons cette guerre jusqu’à la victoire absolue, jusqu’à ce que tous les otages soient rendus et que Gaza ne soit plus une menace pour Israël », a ajouté Nétanyahou.

      Jeudi, à la veille de la décision de la CIJ, le New York Times avait révélé que les autorités israéliennes avaient fourni aux juges de La Haye une trentaine de documents déclassifiés, censés démonter l’accusation de génocide, parmi lesquels « des résumés de discussions ministérielles datant de la fin du mois d’octobre, au cours desquelles le premier ministre Benyamin Nétanyahou a ordonné l’envoi d’aide, de carburant et d’eau à Gaza ».

      Cependant, souligne le quotidien états-unien, les documents « ne comprennent pas les ordres des dix premiers jours de la guerre, lorsqu’Israël a bloqué l’aide à Gaza et coupé l’accès à l’électricité et à l’eau qu’il fournit normalement au territoire ».

      Nul doute que cette décision de la plus haute instance judiciaire des Nations unies va renforcer les appels en faveur d’un cessez-le-feu. Après plus de quatre mois de combats et un bilan lourd parmi la population civile gazaouie, Nétanyahou n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le mouvement islamiste. Selon les Israéliens eux-mêmes, près de 70 % des forces militaires du Hamas sont intactes. De plus, les familles d’otages toujours aux mains du Hamas ou d’autres groupes islamistes de l’enclave maintiennent leurs pressions.

      Le ministre palestinien des affaires étrangères Riyad al-Maliki s’est réjoui d’une décision de la CIJ « en faveur de l’humanité et du droit international », ajoutant que la communauté international avait désormais « l’obligation juridique claire de mettre fin à la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza et de s’assurer qu’elle n’en est pas complice ». Le ministre de la justice sud-africain Ronald Lamola, cité par l’agence Reuters, a salué, lui, « une victoire pour le droit international ». « Israël ne peut être exempté du respect de ses obligations internationales », a-t-il ajouté.

      De son côté, la Commission européenne a appelé Israël et le Hamas à se conformer à la décision de la CIJ. L’Union européenne « attend leur mise en œuvre intégrale, immédiate et effective », a-t-elle souligné dans un communiqué.

      La France avait fait entendre pourtant il y a quelques jours une voix discordante. Le ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné avait déclaré, à l’Assemblée nationale, qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Dans un communiqué publié après la décision de la CIJ, le ministère a annoncé son intention de déposer des observations sur l’interprétation de la Convention de 1948, comme le lui permet la procédure. « [La France] indiquera notamment l’importance qu’elle attache à ce que la Cour tienne compte de la gravité exceptionnelle du crime de génocide, qui nécessite l’établissement d’une intention. Comme le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a eu l’occasion de le noter, les mots doivent conserver leur sens », indique le texte.

      Les États-Unis ont estimé que la décision était conforme à la position états-unienne, exprimée à plusieurs reprises par Joe Biden à son allié israélien, de réduire les souffrances des civils de Gaza et d’accroître l’aide humanitaire. Cependant, a expliqué un porte-parole du département d’État, les États-Unis continuent « de penser que les allégations de génocide sont infondées » et notent « que la Cour n’a pas fait de constat de génocide, ni appelé à un cessez-le-feu dans sa décision, et qu’elle a appelé à la libération inconditionnelle et immédiate de tous les otages détenus par le Hamas ».

      C’est dans ce contexte que se déroulent des discussions pour obtenir une trêve prolongée, la deuxième après celle de novembre, qui avait duré une semaine et permis la libération de plusieurs dizaines d’otages.

      Selon les médias états-uniens, Israël a proposé une trêve de 60 jours et la libération progressive des otages encore retenu·es. Selon ce projet, a affirmé CNN, les dirigeants du Hamas pourraient quitter l’enclave. Selon la chaîne d’informations américaine, « des responsables américains et internationaux au fait des négociations ont déclaré que l’engagement récent d’Israël et du Hamas dans des pourparlers était encourageant, mais qu’un accord n’était pas imminent ».

      Le Washington Post a révélé jeudi que le président américain Joe Biden allait envoyer dans les prochains jours en Europe le directeur de la CIA, William Burns, pour tenter d’obtenir un accord. Il devrait rencontrer les chefs des services de renseignement israélien et égyptien, David Barnea et Abbas Kamel, et le premier ministre qatari Mohammed ben Abdulrahman al-Thani. Vendredi soir, l’Agence France-Presse (AFP) a affirmé qu’ils se retrouveraient « dans les tout prochains jours à Paris », citant « une source sécuritaire d’un État impliqué dans les négociations ».

      https://www.mediapart.fr/journal/international/260124/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-israel-d-empecher-un-genocide-ga

  • Le projet de loi immigration instrumentalise la #langue pour rejeter des « migrants »

    La notion de « #langue_d’intégration » est revenue sur les devants de la scène politique avec le projet de loi qui visent à durcir les possibilités d’accueil des « migrants » en France, notamment en exigeant un niveau certifié de #français pour l’obtention d’un séjour longue durée. De nombreuses recherches montrent les effets pervers de cette pseudo-évidence, qui n’est qu’une #croyance_erronée.

    L’idée que la capacité à s’exprimer en langue officielle serait une condition préalable à la stabilisation du droit au séjour, car indicateur d’intégration, est devenue courante. C’est le cas notamment en France où a été officialisée la notion, critiquée (Vadot, 2017), de « Français Langue d’Intégration » en 2012 (Adami et André, 2012) comme un élément-clé conditionnant l’autorisation au séjour long des étrangers hors Union Européenne sur le territoire (Ouabdelmoumen, 2014). Cette condition est même imposée aux conjoints de Français alors que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble[1], ce dont s’alarme le collectif « Les Amoureux au Ban Public »[2], d’autant que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble, ce qui place les époux face à une contradiction terrible et insoluble. L’apprentissage de la ou d’une langue officielle du pays comme « preuve d’intégration » pour obtenir l’autorisation de séjour ou l’accès à la citoyenneté a d’ailleurs été exigée par d’autres pays de l’U.E. ces dernières décennies (Extramania, 2012 ; Goult, 2015a ; Pradeau, 2021).
    L’intégration linguistique est décrétée preuve d’assimilation

    La notion d’intégration a été officialisée en France dans les années 1990 (création du Haut Conseil à l’Intégration[HCI] par décret en 1989[3], intitulé d’un ministère depuis 1991[4]) et réaffirmée par diverses lois. Dès 2003, la « relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité » prévoit :

    Art. 8 : la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française.

    Elle a été complétée par les lois de 2006 « relative à l’immigration et à l’intégration » et de 2007 « relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ».

    Le glossaire « Les Mots de l’intégration » du HCI a une entrée Intégration « participation effective de l’ensemble des personnes appelées à vivre en France à la construction d’une société rassemblée dans le respect de principes partagés » relativement distincte de Assimilation : « Aboutissement supposé ou attendu d’un processus d’intégration de l’immigré tel que celui-ci n’offre plus de caractéristiques culturelles distinctes de celles qui sont censées être communes à la majorité des membres de la société d’accueils ». On présente ainsi l’assimilation comme un aboutissement au plus haut degré de l’intégration. Cette distinction est légère :

    « L’adoption du mot [intégration] n’est cependant pas fortuite. Elle correspond à une tendance lourde de la société française face aux étrangers et néo-Français (...) Une intégration qui ressemble comme une jumelle à l’assimilation d’avant-hier (…) Ces termes furent bientôt interchangeables » (Gaspard, 1992, 21-23 et 124).

    La connotation totalitaire de l’assimilation a été contestée. Ainsi, à propos d’autres populations en situation précaire que les « migrants » : « Assimiler, c’est vouloir réduire l’autre au même, c’est une violence essentielle qui méconnaît l’expérience fondamentale de l’altérité, d’autrui. Assimiler est une démarche totalitaire » (Boyer, 2013, 110). Elle a ensuite été masquée par le terme intégration. À partir des années 2000, la montée du nationalisme français a d’ailleurs conduit au retour de l’usage « décomplexé » du terme assimilation, notamment dans les discours marqués très à droite (thème de campagne du candidat à la présidentielle Éric Zemmour en 2022, entre autres).

    La notion d’assimilation, appréciée notamment « au regard de sa connaissance de la langue française », est d’ailleurs restée dans la loi française depuis 1945 comme condition d’obtention de la nationalité française.
    L’association langue et intégration s’est répandue avec la montée des nationalismes et la crainte de l’immigration

    La notion de « Français Langue d’Intégration », institutionnalisée en France, conduit même, dans un texte de l’organisme officiel chargé de la politique linguistique en France, à affirmer qu’il y aurait un effet automatique de non intégration si le français n’est pas assez « maitrisé » :

    « Sous l’angle linguistique, (…) l’intégration humainement et socialement réussie passe par l’acquisition d’une compétence adéquate dans la langue du pays d’accueil. Son insuffisante maîtrise conduit, en effet, inéluctablement à l’exclusion sociale, culturelle et professionnelle » (DGLFLF, 2005, 7).

    Dans sa thèse, M. Gout montre qu’il y a depuis les années 2000 « une quasi-unanimité du discours politique en Europe sur le rôle prioritaire de la langue dans l’intégration » (Gout, 2015a, 70). Selon C. Extramiana (2012, 136) :

    « Les législations relatives à la maîtrise de la langue du pays d’accueil s’appliquent à trois situations administratives distinctes : l’entrée sur le territoire, la résidence permanente et l’acquisition de la nationalité (...) On constate un pic de 2003 à 2008. L’évolution concerne au premier chef les pays d’Europe de l’Ouest : le Danemark (2003, 2006, 2010), la Belgique/communauté flamande (2003), l’Allemagne (2004, 2007, 2008), la Grèce (2004 et 2005), la Norvège (2005), l’Autriche (2005), les Pays-Bas (2006 et 2007), la France (2007 et 2008), le Liechtenstein (2008). L’année 2009 voit l’adoption de deux nouvelles législations, pour l’Italie et le Liechtenstein, qui a connu une première législation l’année précédente ».

    La Suisse les a rejoints en 2005 pour le séjour long et 2018 pour l’acquisition de la nationalité, dans une des quatre langues officielles (Pradeau, 2021, 194 et 203-suiv.).
    Une fausse évidence, contradictoire et contredite par la recherche

    Or, de nombreuses réserves ont remis en question cette « évidence ». L’accord sur la fonction intégratrice de la langue n’est d’ailleurs général ni dans le temps ni dans l’espace : « Avant 2002, en dehors de l’Allemagne, aucun État membre n’avait d’exigence linguistique vis-à-vis des migrants » (Gout, 2015b, 77). Jusqu’à 2013 en Belgique et 2018 en Italie, il n’y en avait pas. En outre, les exigences ne concernent pas toute une partie de la population étrangère : les ressortissants des autres pays membres de l’UE peuvent s’installer librement (et même voter à certaines élections locales dans certains pays, comme la France) sans aucune condition linguistique. Le préalable linguistique ne vise que certaines populations, de façon clairement discriminatoire.

    De nombreuses études montrent que l’apprentissage de la langue officielle du pays dit « d’accueil » n’est pas une condition à une « intégration », laquelle passe aussi et surtout par d’autres voies, notamment emploi, logement, relations sociales, les habitants du pays n’étant pas, la plupart du temps, monolingues en langue officielle, contrairement à une croyance répandue (Biichlé, 2007 ; Archibald et Galligani, 2009 ; Benson, 2011 ; Hambye et Romainville, 2013 ; Étrillard, 2015). Di Bartolo (2021) a montré, en comparant les biographies linguistiques de familles italiennes installées en Suisse romande et en Savoie française que ce sont surtout les contextes sociolinguistiques qui ont des effets sur le rapport aux langues officielle et familiale, phénomène attesté dans de nombreuses situations (Blanchet, 2019 et 2022). D’autres concluent, en plus, que la pratique préalable ou l’apprentissage même réussi du français ne conduisent pas automatiquement à une « intégration » pour des personnes qui vont subir des discriminations par exemple xénophobes ou racistes (Al Ahmad, 2021). Enfin, la langue de néo-socialisation des personnes migrantes continue à se faire en fait, là où c’est encore nécessaire, plutôt dans une langue dite « locale » ou « régionale » qu’en langue officielle nationale (Beaubrun, 2020 pour la Martinique), processus attesté depuis longtemps mais largement ignoré par les instances étatiques françaises puisqu’il contredit l’unicité linguistique prétendue de la France (Eloy, 2003 pour la Picardie ; Blanchet, 2003 pour la Provence, par exemple). Enfin, au-delà des ressortissants de l’U.E., qui représentent 1/3 des « immigrés » en France[5], on peut être français ou française par filiation et ne pas parler français, par exemple pour les personnes qui sont nées et ont grandi à l’étranger ou dans des parties de la France où le français a été, voire est encore aujourd’hui, en partie étranger : si le cas est devenu rare en « métropole » suite à la politique linguistique autoritaire de l’État, il reste courant par exemple en Guyane[6].

    Ces recherches ne nient pas que « les intégrations (sociale, professionnelle, scolaire) sont, en partie, facilitées grâce à une compétence linguistique ou plutôt sociolangagière ». Elles précisent que cette compétence est « à acquérir à travers la multiplication des pratiques et des situations sociolangagières rencontrées » (Calinon, 2013, 43) et qu’il faut donc pouvoir vivre ces situations sans condition préalable. Des critiques sévères ont ainsi été émises sur l’apprentissage obligatoire, voire préalable, d’une langue dite « d’intégration » :

    « Aujourd’hui, en Europe, l’obligation institutionnelle d’ “intégration linguistique“ pour les migrants, avec la signature d’un contrat d’accueil et le passage obligatoire de tests qui décident de leur régularisation administrative (...) constitue un frein à l’adhésion des apprenants » (Gout, 2015b,139).

    « Parmi les effets contreproductifs relevés, la formation en langue (...) obligatoire (…) risque alors de compromettre d’autres projets et opportunités qui peuvent se révéler tout aussi décisifs dans l’apprentissage, comme dans l’intégration (travail ou bénévolat, recherche d’un logement plus décent, des opportunités de socialisation…). Cela amène (…) à se sentir empêchés de participer à la société française » (Mercier, 2021, n.p.).

    L’acquisition ou l’apprentissage de la langue « n’est pas un préalable à celle-ci [la vie sociale] mais sa conséquence » (Beacco, 2008, 15).
    La langue instrumentalisée pour faire obstacle à une véritable intégration des « migrants », donc pour les rejeter

    L’analyse de nombreux travaux portant sur les processus sociolinguistiques effectivement suivis par les personnes dites « migrantes » (Blanchet et Belhadj, 2019) confirme que les politiques et dispositifs visant une « intégration linguistique » obligatoire et surtout préalable, comme condition d’autorisation d’une insertion sociale effective, ne sont pas justifiés. L’acquisition des langues nécessaires à la vie sociale dans le pays d’accueil s’avère en fait motivée et réalisée par une participation concrète à cette vie sociale. Dès lors, il semble bien que ces dispositifs étatiques aient un tout autre objectif, de contrôle social (Vadot, 2022) : dresser un obstacle pour empêcher le plus grand nombre possible de personnes étrangères venant de certains pays d’avoir accès un séjour stable, durable, dans le pays dit d’installation, voire un séjour définitif en devenant ressortissant de ce pays. Cette interprétation est confirmée par le fait que les tests dits « d’intégration » ou « d’assimilation » comportent aussi des questions sur le pays auxquelles la plupart de ses citoyens seraient bien incapables de répondre[7] (Blanchet et Clerc Conan, 2015).

    On a manifestement affaire à un cas typique de discrimination glottophobe (au prétexte que des gens parlent une autre langue plutôt que français) qui recouvre une discrimination xénophobe (au prétexte que des gens sont étrangers), qui recouvre une discrimination ethniste ou raciste (au prétexte de telle ou telle origine). Ce n’est pas une politique d’intégration, c’est une politique de rejet[8].
    Références :

    Adami H., André V. (2012). Vers le Français Langue d’Intégration et d’Insertion (FL2I). Dans Adami H., Leclercq V. (dirs.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : acquisition naturelle et apprentissage guidé. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, p.205-214. En ligne : https://books.openedition.org/septentrion/14056

    Al Ahmad, R. (2021). Étude d’un atelier d’apprentissage du français par un public d’adultes « issus de la migration » dans un milieu associatif bénévole. Une mise en perspective des objectifs, besoins et modalités d’intervention des bénévoles et des apprenant.e.s par le détour d’une expérienciation d’approches plurilingues et interculturelles, Thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2021REN20035

    Archibald, J. et Galligani, S. (Dir.) (2009), Langue(s) et immigration(s) : société, école, travail, Paris : L’Harmattan.

    Beacco, J.-C. (2008). Les langues dans les politiques d’intégration des migrants adultes, www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Mig08_JC-Beacco_PresDocOr.doc

    Beaubrun, F. (2020). Contextualisation didactique et médiations linguistiques, identitaires et culturelles dans l’enseignement du français langue d’intégration en Guadeloupe, thèse de doctorat sous la direction de F. Anciaux, université des Antilles, https://www.theses.fr/2020ANTI0499

    Benson, M. (2011). The British in rural France : lifestyle migration and the ongoing quest for a better way of life, New York : Manchester University Press.

    Biichlé, L. (2007). Langues et parcours d’intégration de migrants maghrébins en France, Thèse de Doctorat sous la direction de Jacqueline Billiez, Université Stendhal, Grenoble 3, http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/90/28/PDF/ThA_se.pdf

    Blanchet, Ph. (2003). Contacts et dynamique des identités culturelles : les migrants italiens en Provence dans la première partie du XXe siècle. Dans La France Latine - revue d’études d’oc 137, Paris, 2003, p. 141-166, https://www.researchgate.net/publication/341078901_Contacts_et_dynamique_des_identites_culturelles_les_migrants

    Blanchet, Ph. (2019a). Effets des contextes sociolinguistiques sur les pratiques et les transmissions de plurilinguismes familiaux. Dans Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat 77-78, p. 11-26, https://journals.openedition.org/insaniyat/17798

    Blanchet, Ph. (2022). Migrations, Langues, Intégrations : une analyse sociolinguistique comparative sur des stratégies étatiques et familiales. Dans Langues, cultures et sociétés, 8-2, p. 33-45 ; https://revues.imist.ma/index.php/LCS/article/view/35437

    Blanchet, Ph. et Belhadj Hacen A. (Dir.) (2019). Pratiques plurilingues et mobilités : Maghreb-Europe, Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat, 77-78 bilingue arabe-français (daté 2017), https://journals.openedition.org/insaniyat/17771

    Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (2015). Passer de l’exclusion à l’inclusion : des expériences réussies d’éducation à et par la diversité linguistique à l’école. Dans Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (coord.), Éducation à la diversité et langues immigrées, Migrations Société 162, p. 51-70, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-49.htm

    Boyer, H. (2013). Accueillir, intégrer, assimiler : définitions et éthique. À propos de l’accueil et de l’intégration des travailleurs handicapés en milieu professionnel, Dans Vie sociale et traitements 119, p. 106-111, https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2013-3-page-106.htm

    Calinon, A.-S. (2013). L’« intégration linguistique » en question, Langage et société 144, p. 27-40,https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2013-2-page-27.htm

    Délégation Générale à La Langue Française (éd.) (2005). L’intégration linguistique des immigrants adultes, https://www.culture.gouv.fr/content/download/93701/file/rencontres_2005_09_integration_migrant_adultes_def.pdf

    Di Bartolo, V., Rapport à « la langue et à la culture italiennes » chez de jeunes adultes issus de familles du Mezzogiorno immigrées en Vaud et en Savoie dans les années 50/60. Quels processus de transmission au croisement de la sphère privée et publique ?, thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet et A. Gohard-Radenkovic, universités Rennes 2 et Fribourg (Suisse), https://www.theses.fr/2021REN20031

    Eloy, J.-M. et al. (2003). Français, picard, immigrations. Une enquête épilinguistique, Paris : L’Harmattan.

    Étrillard, A. (2015). La migration britannique en Bretagne intérieure : une étude ethno-sociolinguistique des pratiques d’interaction et de socialisation, thèse de doctorat de sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2015REN20035

    Extramiana, C. (2012). Les politiques linguistiques concernant les adultes migrants : une perspective européenne. Dans Adami, H., & Leclercq, V. (Eds.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : Acquisition en milieu naturel et formation. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion. doi :10.4000/books.septentrion.14075

    Gaspard, F. (1992). Assimilation, insertion, intégration : les mots pour "devenir français". Dans Hommes et Migrations1154, p. 14-23, www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1992_num_1154_1_1826

    Gout, M. (2015a). Le rapport entre langue et intégration à travers l’analyse comparative des dispositifs organisationnels des cours linguistiques d’intégration aux jeunes migrants hors obligation scolaire. Étude comparative des dispositifs en Allemagne, Belgique, France et Royaume Uni, Thèse de doctorat sous la direction de S. Clerc, Université d’Aix-Marseille. https://www.theses.fr/2015AIXM3038

    Gout, M. (2015b), Quatre approches didactiques pour la formation linguistique des migrants nouveaux arrivants. Dans Migrations Société 162, p. 139-154, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-139.htm

    Hambye, Ph. et Romainville, A. S. (2013). Apprentissage du français et intégration, des évidences à interroger, Français et Société n°26-27.

    Mercier, E., 2021, Migrants et langue du pays d’accueil : les risques de transformer un droit en devoir, The Conversation, https://theconversation.com/migrants-et-langue-du-pays-daccueil-les-risques-de-transformer-un-d

    Ouabdelmoumen, N., (2014) Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au prisme du genre, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, Université Rennes 2.

    Pradeau, C., 2021, Politiques linguistiques d’immigration et didactique du français pour les adultes migrants : regards croisés sur la France, la Belgique, la Suisse et le Québec, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle.

    Vadot, M. (2017). Le français, langue d’« intégration » des adultes migrant·e·s allophones ? Rapports de pouvoir et mises en sens d’un lexème polémique dans le champ de la formation linguistique, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de J.-M. Prieur, Université Paul-Valéry Montpellier III, https://www.theses.fr/2017MON30053

    Vadot, M. (2022). L’accueil des adultes migrants au prisme de la formation linguistique obligatoire. Logiques de contrôle et objectifs de normalisation, Études de linguistique appliquée 205, p. 35-50, https://www.cairn.info/revue-ela-2022-1-page-35.htm

    [1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006422766

    [2] http://www.amoureuxauban.net

    [3] Le Haut Conseil à l’intégration a pour mission de « donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère ».

    [4] Dont l’intitulé a comporté, de plus celui d’identité nationale de 2007 à 2010, cooccurrence significative.

    [5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212

    [6] https://www.culture.gouv.fr/Media/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/fichiers/publications_dglflf/Langues-et-cite/Langues-et-cite-n-28-Les-langues-de-Guyane

    [7] https://www.slate.fr/story/121455/danemark-test-citoyennete-culture-generale-naturalisation

    [8] NB : Ce texte est une version développée d’un article publié dans The conversation le 20 juin 2023, lors de l’annonce du projet de loi (https://theconversation.com/non-la-langue-francaise-nest-pas-une-condition-a-lintegration-des-m)

    https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/061123/le-projet-de-loi-immigration-instrumentalise-la-langue-pour-rejeter-
    #loi_immigration #France #sociolinguistique #intégration #Français_Langue_d’Intégration #obligation #langue_officielle #preuve_d'intégration #intégration_linguistique #citoyenneté #naturalisation #droit_de_séjour #assimilation #nationalisme #instrumentalisation #rejet #vie_sociale #discrimination_glottophobe #glottophobie #discriminations #xénophobie #racisme

    ping @karine4 @isskein @_kg_

  • #Francesco_Sebregondi : « On ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme »

    Après avoir travaillé pour #Forensic_Architecture sur les morts d’#Adama_Traoré et de #Zineb_Redouane, l’architecte #Francesco_Sebregondi a créé INDEX, pour enquêter sur les #violences_d’État et en particulier sur les violences policières en #France et depuis la France. Publié plusieurs semaines avant la mort de Nahel M., cet entretien mérite d’être relu attentivement. Rediffusion d’un entretien du 22 avril 2023

    C’est en 2010 que l’architecte, chercheur et activiste Eyal Weizman crée au Goldsmiths College de Londres un groupe de recherche pluridisciplinaire qui fera date : Forensic Architecture. L’Architecture forensique avait déjà fait l’objet d’un entretien dans AOC.

    Cette méthode bien particulière avait été créée à l’origine pour enquêter sur les crimes de guerre et les violations des droits humains en utilisant les outils de l’architecture. Depuis, le groupe a essaimé dans différentes parties du monde, créant #Investigative_Commons, une communauté de pratiques rassemblant des agences d’investigation, des activistes, des journalistes, des institutions culturelles, des scientifiques et artistes (la réalisatrice Laura Poitras en fait partie), etc. Fondé par l’architecte Francesco Sebregondi à Paris en 2020, #INDEX est l’une d’entre elles. Entre agence d’expertise indépendante et média d’investigation, INDEX enquête sur les violences d’État et en particulier sur les violences policières en France et depuis la France. Alors que les violences se multiplient dans le cadre des mouvements sociaux, comment « faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents » ? Si la vérité est en ruines, comment la rétablir ? OR

    Vous avez monté l’agence d’investigation INDEX après avoir longtemps travaillé avec Forensic Architecture. Racontez-nous…
    Forensic Architecture est né en 2010 à Goldsmiths à Londres. À l’origine, c’était un projet de recherche assez expérimental, pionnier dans son genre, qui cherchait à utiliser les outils de l’architecture pour enquêter sur les violations des #droits_humains et en particulier du droit de la guerre. La période était charnière : avec l’émergence des réseaux sociaux et des smartphones, les images prises par des témoins étaient diffusées très rapidement sur des réseaux souvent anonymes. La quantité d’#images et de #documentation_visuelle disponible commençait à augmenter de manière exponentielle et la démocratisation de l’accès à l’#imagerie_satellitaire permettait de suivre d’un point de vue désincarné l’évolution d’un territoire et les #traces qui s’y inscrivaient. La notion de #trace est importante car c’est ce qui nous relie à la tradition de l’enquête appliquée plus spécifiquement au champ spatial. Les traces que la #guerre laisse dans l’#environnement_urbain sont autant de points de départ pour reconstruire les événements. On applique à ces traces une série de techniques d’analyse architecturale et spatiale qui nous permettent de remonter à l’événement. Les traces sont aussi dans les documents numériques, les images et les vidéos. Une large partie de notre travail est une forme d’archéologie des pixels qui va chercher dans la matérialité même des documents numériques. On peut reconstituer les événements passés, par exemple redéployer une scène en volume, à partir de ses traces numériques en image.

    Quels en ont été les champs d’application ?
    À partir du travail sur les conflits armés, au sein de Forensic Architecture, on a développé une série de techniques et de recherches qui s’appliquent à une variété d’autres domaines. On commençait à travailler sur les violences aux frontières avec le projet de Lorenzo Pezzani et Charles Zeller sur les bateaux de migrants laissés sans assistance aux frontières méditerranéennes de l’Europe, à des cas de #violences_environnementales ou à des cas de violences policières… L’origine de notre approche dans l’enquête sur des crimes de guerre faisait qu’on avait tendance à porter un regard, depuis notre base à Londres, vers les frontières conflictuelles du monde Occidental. On s’est alors rendus compte que les violences d’État qui avaient lieu dans des contextes plus proches de nous, que ce soit en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Grèce, pouvaient bénéficier d’un éclairage qui mobiliserait les mêmes techniques et approches qu’on avait à l’origine développées pour des situations de conflits armés. Tout cela est en lien assez direct avec la militarisation de la #police un peu partout dans le Nord global, le contexte occidental, que ce soit au niveau des #armes utilisées qu’au niveau des #stratégies employées pour maintenir l’ordre.

    La France vous a ensuite semblé être un pays depuis lequel enquêter ?
    Je suis revenu vivre en France en 2018 en plein milieu de la crise sociale autour du mouvement des Gilets jaunes et de son intense répression policière. Dès ce moment-là, il m’a semblé important d’essayer d’employer nos techniques d’enquête par l’espace et les images pour éclairer ce qui était en train de se passer. On en parlait aussi beaucoup. En 2020, j’ai dirigé les enquêtes sur la mort d’Adama Traoré et de Zineb Redouane pour le compte de Forensic Architecture depuis la France avec une équipe principalement française. C’était une période d’incubation d’INDEX en quelque sorte. Ces enquêtes ont initié notre travail sur le contexte français en rassemblant des moyens et une équipe locale.
    On est aujourd’hui dans un rapport de filiation assez clair avec Forensic Architecture même si INDEX est structurellement autonome. Les deux organisations sont très étroitement liées et entretiennent des relations d’échange, de partage de ressources, etc. Tout comme Forensic Architecture, INDEX est l’une des organisations du réseau international Investigative Commons qui fédère une douzaine de structures d’investigation indépendantes dans différents pays et qui travaillent à l’emploi des techniques d’enquêtes en sources ouvertes dans des contextes locaux.

    Il existe donc d’autres structures comme INDEX ?
    Elles sont en train d’émerger. On est dans cette phase charnière très intéressante. On passe d’une organisation reconnue comme pionnière dans l’innovation et les nouvelles techniques d’enquête à tout un champ de pratiques qui a encore beaucoup de marge de développement et qui, en se frottant à des contextes locaux ou spécifiques, vient éprouver sa capacité à interpeller l’opinion, à faire changer certaines pratiques, à demander de la transparence et des comptes aux autorités qui se rendent responsables de certaines violences.

    On utilise depuis toujours le terme d’enquête dans les sciences humaines et sociales mais l’on voit aujourd’hui que les architectes, les artistes s’en emparent, dans des contextes tous très différents. Qu’est-ce que l’enquête pour INDEX ?
    On emploie le terme d’#enquête dans un sens peut-être plus littéral que son usage en sciences humaines ou en recherche car il est question de faire la lumière sur les circonstances d’un incident et d’établir des rapports de causalité dans leur déroulement, si ce n’est de responsabilité. Il y a aussi cette idée de suivre une trace. On travaille vraiment essentiellement sur une matière factuelle. L’enquête, c’est une pratique qui permet de faire émerger une relation, un #récit qui unit une série de traces dans un ensemble cohérent et convaincant. Dans notre travail, il y a aussi la notion d’#expertise. Le nom INDEX est une contraction de « independant expertise ». C’est aussi une référence à la racine latine d’indice. Nous cherchons à nous réapproprier la notion d’expertise, trop souvent dévoyée, en particulier dans les affaires de violences d’État sur lesquelles on travaille.

    Vos enquêtes s’appuient beaucoup sur les travaux d’Hannah Arendt et notamment sur Vérité et politique qui date de 1964.
    On s’appuie beaucoup sur la distinction que Hannah Arendt fait entre #vérité_de_fait et #vérité_de_raison, en expliquant que les vérités de fait sont des propositions qui s’appuient sur l’extérieur, vérifiables, et dont la valeur de vérité n’est possible qu’en relation avec d’autres propositions et d’autres éléments, en particuliers matériels. La vérité de raison, elle, fait appel à un système de pensée auquel on doit adhérer. C’est à partir de cette distinction qu’Arendt déploie les raisons pour lesquelles #vérité et #politique sont toujours en tension et comment la pratique du politique doit s’appuyer sur une série de vérités de raison, sur l’adhésion d’un peuple à une série de principes que le pouvoir en place est censé incarner. Ainsi, le pouvoir, dépendant de cette adhésion, doit tenir à distance les éléments factuels qui viendraient remettre en cause ces principes. C’est ce qu’on essaye de déjouer en remettant au centre des discussions, au cœur du débat et de l’espace public des vérités de fait, même quand elles sont en friction avec des « #vérités_officielles ».
    Du temps d’Hannah Arendt, le politique avait encore les moyens d’empêcher la vérité par le régime du secret. C’est beaucoup moins le cas dans les conditions médiatiques contemporaines : le problème du secret tend à céder le pas au problème inverse, celui de l’excès d’informations. Dans cet excès, les faits et la vérité peuvent se noyer et venir à manquer. On entend alors parler de faits alternatifs, on entre dans la post-vérité, qui est en fait une négation pure et simple de la dimension sociale et partagée de la vérité. Si on veut résister à ce processus, si on veut réaffirmer l’exigence de vérité comme un #bien_commun essentiel à toute société, alors, face à ces défis nouveaux, on doit faire évoluer son approche et ses pratiques. Beaucoup des techniques développées d’abord avec Forensic Architecture et maintenant avec INDEX cherchent à développer une culture de l’enquête et de la #vérification. Ce sont des moyens éprouvés pour mettre la mise en relation de cette masse critique de données pour faire émerger du sens, de manière inclusive et participative autant que possible.

    L’#architecture_forensique, même si elle est pluridisciplinaire, s’appuie sur des méthodes d’architecture. En quoi est-ce particulièrement pertinent aujourd’hui ?
    L’une des techniques qui est devenue la plus essentielle dans les enquêtes que l’on produit est l’utilisation d’un modèle 3D pour resituer des images et des vidéos d’un événement afin de les recouper entre elles. Aujourd’hui, il y a souvent une masse d’images disponibles d’un événement. Leur intérêt documentaire réside moins dans l’individualité d’une image que sur la trame de relations entre les différentes images. C’est la #spatialisation et la #modélisation en 3D de ces différentes prises de vue qui nous permet d’établir avec précision la trame des images qui résulte de cet événement. Nous utilisons les outils de l’architecture à des fins de reconstitution et de reconstruction plus que de projection, que ce soit d’un bâtiment, d’un événement, etc.

    Parce qu’il faut bien rappeler que vos enquêtes sont toujours basées sur les lieux.
    L’environnement urbain est le repère clé qui nous permet de resituer l’endroit où des images ont été prises. Des détails de l’environnement urbain aussi courants qu’un passage piéton, un banc public, un kiosque à journaux ou un abribus nous permettent de donner une échelle pour reconstituer en trois dimensions où et comment une certaine scène s’est déroulée. Nous ne considérons pas l’architecture comme la pratique responsable de la production de l’environnement bâti mais comme un champ de connaissance dont la particularité est de mettre en lien une variété de domaines de pensées et de savoirs entre eux. Lorsqu’on mobilise l’architecture à des fins d’enquête, on essaye de faire dialoguer entre elles toute une série de disciplines. Nos équipes mêmes sont très interdisciplinaires. On fait travailler des vidéastes, des ingénieurs des matériaux, des juristes… le tout pour faire émerger une trame narrative qui soit convaincante et qui permette de resituer ce qui s’est passé autour de l’évènement sous enquête.

    L’historienne Samia Henni qui enseigne à Cornell University aux États-Unis, et qui se considère « historienne des environnements bâtis, détruits et imaginés », dit qu’apprendre l’histoire des destructions est aussi important que celles des constructions, en raison notamment du nombre de situations de conflits et de guerres sur la planète. Quand on fait du projet d’architecture, on se projette en général dans l’avenir. En ce qui vous concerne, vous remodélisez et reconstituez des événements passés, souvent disparus. Qu’est-ce que ce rapport au temps inversé change en termes de représentations ?
    Je ne suis pas sûr que le rapport au temps soit inversé. Je pense que dans la pratique de l’enquête, c’est toujours l’avenir qui est en jeu. C’est justement en allant chercher dans des événements passés, en cherchant la manière précise dont ils se sont déroulés et la spécificité d’une reconstitution que l’on essaye de dégager les aspects structurels et systémiques qui ont provoqué cet incident. En ce sens, ça nous rapproche peut-être de l’idée d’#accident de Virilio, qui est tout sauf imprévisible.
    L’enjeu concerne l’avenir. Il s’agit de montrer comment certains incidents ont pu se dérouler afin d’interpeller, de demander des comptes aux responsables de ces incidents et de faire en sorte que les conditions de production de cette #violence soient remises en question pour qu’elle ne se reproduise pas. Il s’agit toujours de changer les conditions futures dans lesquelles nous serons amenés à vivre ensemble, à habiter, etc. En cela je ne pense pas que la flèche du temps soit inversée, j’ai l’impression que c’est très proche d’une pratique du projet architectural assez classique.

    Vous utilisez souvent le terme de « violences d’État ». Dans une tribune de Libération intitulée « Nommer la violence d’État » en 2020, encore d’actualité ces temps-ci, l’anthropologue, sociologue et médecin Didier Fassin revenait sur la rhétorique du gouvernement et son refus de nommer les violences policières. Selon lui, « ne pas nommer les violences policières participe précisément de la violence de l’État. » Il y aurait donc une double violence. Cette semaine, l’avocat Arié Alimi en parlait aussi dans les colonnes d’AOC. Qu’en pensez-vous ?
    Je partage tout à fait l’analyse de Didier Fassin sur le fait que les violences d’État s’opèrent sur deux plans. Il y a d’une part la violence des actes et ensuite la violence du #déni des actes. Cela fait le lien avec l’appareil conceptuel développé par Hannah Arendt dans Vérité et politique. Nier est nécessaire pour garantir une forme de pouvoir qui serait remise en question par des faits qui dérangent. Cela dit, il est important de constamment travailler les conditions qui permettent ou non de nommer et surtout de justifier l’emploi de ces termes.

    Vous utilisez le terme de « violences d’État » mais aussi de « violences policières » de votre côté…
    Avec INDEX, on emploie le terme de « violences d’État » parce qu’on pense qu’il existe une forme de continuum de violence qui s’opère entre violences policières et judiciaires, le déni officiel et l’#impunité de fait étant des conditions qui garantissent la reproduction des violences d’État. Donc même si ce terme a tendance à être perçu comme particulièrement subversif – dès qu’on le prononce, on tend à être étiqueté comme militant, voire anarchiste –, on ne remet pas forcément en question tout le système d’opération du pouvoir qu’on appelle l’État dès lors qu’on dénonce ses violences. On peut évoquer Montesquieu : « Le #pouvoir arrête le pouvoir ». Comment faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents ? Il s’agit a minima d’interpeller l’#opinion_publique sur les pratiques de l’État qui dépassent le cadre légal ; mais aussi, on l’espère, d’alimenter la réflexion collective sur ce qui est acceptable au sein de nos sociétés, au-delà la question de la légalité.

    Ce que je voulais dire c’est que Forensic Architecture utilise le terme de « violences d’État » ou de « crimes » dans un sens plus large. Sur le site d’INDEX, on trouve le terme de « violences policières » qui donne une information sur le cadre précis de vos enquêtes.
    On essaye d’être le maillon d’une chaîne. Aujourd’hui, on se présente comme une ONG d’investigation qui enquête sur les violences policières en France. Il s’agit d’être très précis sur le cadre de notre travail, local, qui s’occupe d’un champ bien défini, dans un contexte particulier. Cela reflète notre démarche : on est une petite structure, avec peu de moyens. En se spécialisant, on peut faire la lumière sur une série d’incidents, malheureusement récurrents, mais en travaillant au cœur d’un réseau déjà constitué et actif en France qui se confronte depuis plusieurs décennies aux violences d’État et aux violences policières plus particulièrement. En se localisant et étant spécifique, INDEX permet un travail de collaboration et d’échanges beaucoup plus pérenne et durable avec toute une série d’acteurs et d’actrices d’un réseau mobilisé autour d’un problème aussi majeur que l’usage illégitime de la force et de la violence par l’État. Limiter le cadre de notre exercice est une façon d’éprouver la capacité de nos techniques d’enquête et d’intervention publique à véritablement amorcer un changement dans les faits.

    On a parfois l’impression que la production des observateurs étrangers est plus forte, depuis l’extérieur. Quand la presse ou les observateurs étrangers s’emparent du sujet, ils prennent tout de suite une autre ampleur. Qu’en pensez-vous ?
    C’est sûr que la possibilité de projeter une perspective internationale sur un incident est puissante – je pense par exemple à la couverture du désastre du #maintien_de_l’ordre lors de la finale de la Ligue des champions 2022 au Stade de France qui a causé plus d’embarras aux représentants du gouvernement que si le scandale s’était limité à la presse française –, mais en même temps je ne pense pas qu’il y ait véritablement un gain à long terme dans une stratégie qui viserait à créer un scandale à l’échelle internationale. Avec INDEX, avoir une action répétée, constituer une archive d’enquêtes où chacune se renforce et montre le caractère structurel et systématique de l’exercice d’une violence permet aussi de sortir du discours de l’#exception, de la #bavure, du #dérapage. Avec un travail au long cours, on peut montrer comment un #problème_structurel se déploie. Travailler sur un tel sujet localement pose des problèmes, on a des difficultés à se financer comme organisation. Il est toujours plus facile de trouver des financements quand on travaille sur des violations des droits humains ou des libertés fondamentales à l’étranger que lorsqu’on essaye de le faire sur place, « à la maison ». Cela dit, on espère que cette stratégie portera ses fruits à long terme.

    Vous avez travaillé avec plusieurs médias français : Le Monde, Libération, Disclose. Comment s’est passé ce travail en commun ?
    Notre pratique est déjà inter et pluridisciplinaire. Avec Forensic Architecture, on a souvent travaillé avec des journalistes, en tant que chercheurs on est habitués à documenter de façon très précise les éléments sur lesquels on enquête puis à les mettre en commun. Donc tout s’est bien passé. Le travail très spécifique qu’on apporte sur l’analyse des images, la modélisation, la spatialisation, permet parfois de fournir des conclusions et d’apporter des éléments que l’investigation plus classique ne permet pas.

    Ce ne sont pas des compétences dont ces médias disposent en interne ?
    Non mais cela ne m’étonnerait pas que ça se développe. On l’a vu avec le New York Times. Les premières collaborations avec Forensic Architecture autour de 2014 ont contribué à donner naissance à un département qui s’appelle Visual Investigations qui fait maintenant ce travail en interne de façon très riche et très convaincante. Ce sera peut-être aussi l’avenir des rédactions françaises.

    C’est le cas du Monde qui a maintenant une « cellule d’enquête vidéo ».
    Cela concerne peut-être une question plus générale : ce qui constitue la valeur de vérité aujourd’hui. Les institutions qui étaient traditionnellement les garantes de vérité publique sont largement remises en cause, elles n’ont plus le même poids, le même rôle déterminant qu’il y a cinquante ans. Les médias eux-mêmes cherchent de nouvelles façons de convaincre leurs lecteurs et lectrices de la précision, de la rigueur et de la dimension factuelle de l’information qu’ils publient. Aller chercher l’apport documentaire des images et en augmenter la capacité de preuve et de description à travers les techniques qu’on emploie s’inscrit très bien dans cette exigence renouvelée et dans ce nouveau standard de vérification des faits qui commence à s’imposer et à circuler. Pour que les lecteurs leur renouvellent leur confiance, les médias doivent aujourd’hui s’efforcer de convaincre qu’ils constituent une source d’informations fiables et surtout factuelles.

    J’aimerais que l’on parle du contexte très actuel de ces dernières semaines en France. Depuis le mouvement contre la réforme des retraites, que constatez-vous ?
    On est dans une situation où les violences policières sont d’un coup beaucoup plus visibles. C’est toujours un peu pareil : les violences policières reviennent au cœur de l’actualité politique et médiatique au moment où elles ont lieu dans des situations de maintien de l’ordre, dans des manifestations… En fait, quand elles ne touchent plus seulement des populations racisées et qu’elles ne se limitent plus aux quartiers populaires.

    C’est ce que disait Didier Fassin dans le texte dont nous parlions à l’instant…
    Voilà. On ne parle vraiment de violences policières que quand elles touchent un nombre important de personnes blanches. Pendant la séquence des Gilets jaunes, c’était la même dynamique. C’est à ce moment-là qu’une large proportion de la population française a découvert les violences policières et les armes dites « non létales », mais de fait mutilantes, qui sont pourtant quotidiennement utilisées dans les #quartiers_populaires depuis des décennies. Je pense qu’il y a un problème dans cette forme de mobilisation épisodique contre les violences policières parce qu’elle risque aussi, par manque de questionnements des privilèges qui la sous-tendent, de reproduire passivement des dimensions de ces mêmes violences. Je pense qu’au fond, on ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme en France.
    Il me semble aussi qu’il faut savoir saisir la séquence présente où circulent énormément d’images très parlantes, évidentes, choquantes de violences policières disproportionnées, autour desquelles tout semblant de cadre légal a sauté, afin de justement souligner le continuum de cette violence, à rebours de son interprétation comme « flambée », comme exception liée au mouvement social en cours uniquement. Les enquêtes qu’on a publiées jusqu’ici ont pour la plupart porté sur des formes de violences policières banalisées dans les quartiers populaires : tirs sur des véhicules en mouvement, situations dites de « refus d’obtempérer », usages de LBD par la BAC dans une forme de répression du quotidien et pas d’un mouvement social en particulier. Les séquences que l’on vit actuellement doivent nous interpeller mais aussi nous permettre de faire le lien avec la dimension continue, structurelle et discriminatoire de la violence d’État. On ne peut pas d’un coup faire sauter la dimension discriminatoire des violences policières et des violences d’État au moment où ses modes opératoires, qui sont régulièrement testés et mis au point contre des populations racisées, s’abattent soudainement sur une population plus large.

    Vous parlez des #violences_systémiques qui existent, à une autre échelle…
    Oui. On l’a au départ vu avec les Gilets jaunes lorsque les groupes #BAC ont été mobilisés. Ces groupes sont entraînés quotidiennement à faire de la #répression dans les quartiers populaires. C’est là-bas qu’ils ont développé leurs savoirs et leurs pratiques particulières, très au contact, très agressives. C’est à cause de cet exercice quotidien et normalisé des violences dans les quartiers populaires que ces unités font parler d’elles quand elles sont déployées dans le maintien de l’ordre lors des manifestations. On le voit encore aujourd’hui lors de la mobilisation autour de la réforme des retraites, en particulier le soir. Ces situations évoluent quotidiennement donc je n’ai pas toutes les dernières données mais la mobilisation massive des effectifs de police – en plus de la #BRAV-M [Brigades de répression des actions violentes motorisées] on a ajouté les groupes BAC –, poursuivent dans la logique dite du « contact » qui fait souvent beaucoup de blessés avec les armes utilisées.

    Avez-vous été sollicités ces temps-ci pour des cas en particulier ?
    Il y aura tout un travail à faire à froid, à partir de la quantité d’images qui ont émergé de la répression et en particulier des manifestations spontanées. Aujourd’hui, les enjeux ne me semblent pas concerner la reconstitution précise d’un incident mais plutôt le traitement et la confrontation de ces pratiques dont la documentation montre le caractère systémique et hors du cadre légal de l’emploi de la force. Cela dit, on suit de près les blessures, dont certaines apparemment mutilantes, relatives à l’usage de certaines armes dites « non létales » et en particulier de #grenades qui auraient causé une mutilation ici, un éborgnement là… Les données précises émergent au compte-goutte…
    On a beaucoup entendu parler des #grenades_offensives pendant le mouvement des Gilets jaunes. Le ministère de l’Intérieur et le gouvernement ont beaucoup communiqué sur le fait que des leçons avaient été tirées depuis, que certaines des grenades le plus souvent responsables ou impliquées dans des cas de mutilation avaient été interdites et que l’arsenal avait changé. En fait, elles ont été remplacées par des grenades aux effets quasi-équivalents. Aujourd’hui, avec l’escalade du mouvement social et de contestation, les mêmes stratégies de maintien de l’ordre sont déployées : le recours massif à des armes de l’arsenal policier. Le modèle de grenade explosive ou de #désencerclement employé dans le maintien de l’ordre a changé entre 2018 et 2023 mais il semblerait que les #blessures et les #mutilations qui s’ensuivent perdurent.

    À la suite des événements de Sainte-Soline, beaucoup d’appels à témoins et à documents visuels ont circulé sur les réseaux sociaux. Il semblerait que ce soit de plus en plus fréquent.
    Il y a une prise de conscience collective d’un potentiel – si ce n’est d’un pouvoir – de l’image et de la documentation. Filmer et documenter est vraiment devenu un réflexe partagé dans des situations de tension. J’ai l’impression qu’on est devenus collectivement conscients de l’importance de pouvoir documenter au cas où quelque chose se passerait. Lors de la proposition de loi relative à la sécurité globale, on a observé qu’il y avait un véritable enjeu de pouvoir autour de ces images, de leur circulation et de leur interprétation. Le projet de loi visait à durcir l’encadrement pénal de la capture d’image de la police en action. Aujourd’hui, en voyant le niveau de violence déployée alors que les policiers sont sous les caméras, on peut vraiment se demander ce qu’il se passerait dans la rue, autour des manifestations et du mouvement social en cours si cette loi était passée, s’il était illégal de tourner des images de la police.
    En tant que praticiens de l’enquête en source ouverte, on essaye de s’articuler à ce mouvement spontané et collectif au sein de la société civile, d’utiliser les outils qu’on a dans la poche, à savoir notre smartphone, pour documenter de façon massive et pluri-perspective et voir ce qu’on peut en faire, ensemble. Notre champ de pratique n’existe que grâce à ce mouvement. La #capture_d’images et l’engagement des #témoins qui se mettent souvent en danger à travers la prise d’images est préalable. Notre travail s’inscrit dans une démarche qui cherche à en augmenter la capacité documentaire, descriptive et probatoire – jusqu’à la #preuve_judiciaire –, par rapport à la négociation d’une vérité de fait autour de ces évènements.

    Le mouvement « La Vérité pour Adama », créé par sa sœur suite à la mort d’Adama Traoré en 2016, a pris beaucoup d’ampleur au fil du temps, engageant beaucoup de monde sur l’affaire. Vous-mêmes y avez travaillé…
    La recherche de la justice dans cette appellation qui est devenue courante parmi les différents comités constitués autour de victimes est intéressante car elle met en tension les termes de vérité et de justice et qu’elle appelle, implicitement, à une autre forme de justice que celle de la #justice_institutionnelle.
    Notre enquête sur la mort d’Adama Traoré a été réalisée en partenariat avec Le Monde. À la base, c’était un travail journalistique. Il ne s’agit pas d’une commande du comité et nous n’avons pas été en lien. Ce n’est d’ailleurs jamais le cas au moment de l’enquête. Bien qu’en tant qu’organisation, INDEX soit solidaire du mouvement de contestation des abus du pouvoir policier, des violences d’État illégitimes, etc., on est bien conscients qu’afin de mobiliser efficacement notre savoir et notre expertise, il faut aussi entretenir une certaine distance avec les « parties » – au sens judiciaire –, qui sont les premières concernées dans ces affaires, afin que notre impartialité ne soit pas remise en cause. On se concentre sur la reconstitution des faits et pas à véhiculer un certain récit des faits.

    Le comité « La Vérité pour Adama » avait commencé à enquêter lui-même…
    Bien sûr. Et ce n’est pas le seul. Ce qui est très intéressant autour des #comités_Vérité_et_Justice qui émergent dans les quartiers populaires autour de victimes de violences policières, c’est qu’un véritable savoir se constitue. C’est un #savoir autonome, qu’on peut dans de nombreux cas considérer comme une expertise, et qui émerge en réponse au déni d’information des expertises et des enquêtes officielles. C’est parce que ces familles sont face à un mur qu’elles s’improvisent expertes, mais de manière très développée, en mettant en lien toute une série de personnes et de savoirs pour refuser le statu quo d’une enquête qui n’aboutit à rien et d’un non-lieu prononcé en justice. Pour nous, c’est une source d’inspiration. On vient prolonger cet effort initial fourni par les premiers et premières concernées, d’apporter, d’enquêter et d’expertiser eux-mêmes les données disponibles.

    Y a-t-il encore une différence entre images amateures et images professionnelles ? Tout le monde capte des images avec son téléphone et en même temps ce n’est pas parce que les journalistes portent un brassard estampillé « presse » qu’ils et elles ne sont pas non plus victimes de violences. Certain·es ont par exemple dit que le journaliste embarqué Rémy Buisine avait inventé un format journalistique en immersion, plus proche de son auditoire. Par rapport aux médias, est-ce que quelque chose a changé ?
    Je ne voudrais pas forcément l’isoler. Rémy Buisine a été particulièrement actif pendant le mouvement des Gilets jaunes mais il y avait aussi beaucoup d’autres journalistes en immersion. La condition technique et médiatique contemporaine permet ce genre de reportage embarqué qui s’inspire aussi du modèle des reporters sur les lignes de front. C’est intéressant de voir qu’à travers la militarisation du maintien de l’ordre, des modèles de journalisme embarqués dans un camp ou dans l’autre d’un conflit armé se reproduisent aujourd’hui.

    Avec la dimension du direct en plus…
    Au-delà de ce que ça change du point de vue de la forme du reportage, ce qui pose encore plus question concerne la porosité qui s’est établie entre les consommateurs et les producteurs d’images. On est dans une situation où les mêmes personnes qui reçoivent les flux de données et d’images sont celles qui sont actives dans leur production. Un flou s’opère dans les mécanismes de communication entre les pôles de production et de réception. Cela ouvre une perspective vers de formes nouvelles de circulation de l’information, de formes beaucoup plus inclusives et participatives. C’est déjà le cas. On est encore dans une phase un peu éparse dans laquelle une culture doit encore se construire sur la manière dont on peut interpréter collectivement des images produites collectivement.

    https://aoc.media/entretien/2023/08/11/francesco-sebregondi-on-ne-peut-pas-dissocier-les-violences-policieres-de-la-

    #racisme #violences_policières

    ping @karine4

    • INDEX

      INDEX est une ONG d’investigation indépendante, à but non-lucratif, créée en France en 2020.

      Nous enquêtons et produisons des rapports d’expertise sur des faits allégués de violence, de violations des libertés fondamentales ou des droits humains.

      Nos enquêtes réunissent un réseau indépendant de journalistes, de chercheur·es, de vidéastes, d’ingénieur·es, d’architectes, ou de juristes.

      Nos domaines d’expertise comprennent l’investigation en sources ouvertes, l’analyse audiovisuelle et la reconstitution numérique en 3D.

      https://www.index.ngo

  • Inside Croatia’s Secret WhatsApp Group

    How high-ranking Croatian officials presided over clandestine communications about border operations

    When Lighthouse Reports filmed and published (https://www.lighthousereports.com/investigation/unmasking-europes-shadow-armies) footage in 2021 of Croatian police officers in black balaclavas beating refugees while illegally forcing them back across the border into Bosnia and Herzegovina, the victims’ sharp screams echoing through the forest, the Croatian government was quick to evade responsibility.

    The illegal treatment, Croatian Interior Minister Davor Božinović assured, was an isolated case. The police officers responsible had not acted on the instructions of the government, and neither ministers nor police chiefs had known anything about it, he claimed.

    Migration experts, asylum lawyers and human rights activists were sceptical. They suspected that high-ranking Croatian officials knew about the pushbacks, which took place under a police operation known as ‘Korridor’ – which is partially financed by the EU – and that perhaps they even ordered them.

    Now we, in collaboration with Der Spiegel, Nova TV, Novosti weekly, Telegram news portal and ORF, have obtained evidence indicating that these suspicions were correct – in the form of leaked WhatsApp communications.

    Screenshots leaked to Lighthouse Reports and partners reveal that top Croatian officials have presided over a clandestine WhatsApp group called ‘OA Koridor II- Zapad’, in which Croatian border police shared sensitive information about apprehensions of foreign nationals, including disturbing photographs, between August 2019 and February 2020.

    According to government reports (www.sabor.hr/sites/default/files/uploads/sabor/2020-11-26/143106/IZVJ_POLICIJA_2018_2019.pdf), OA Koridor II Zapad was or is one of several sibling operational actions in Croatia “related to combating irregular migration and crimes related to smuggling of people”. Police sources said the violent pushbacks we filmed in 2021 took place under another one of these operations.

    The WhatsApp group sat outside any official means of communication and away from the usual monitoring procedures, and there are strong indications that the foreign nationals referenced in the messages went on to be subject to illegal pushbacks.
    METHODS

    An analysis of the 60 screenshots we received found that there were 33 participants in the WhatsApp group, and we were able to establish the identity of just over two-thirds of them, partly by using digital forensics software such as Pipl and Maltego, which enable the search of various websites where these numbers were used for registration.

    We found that among them were Croatian high-ranking officials including the head of border police Zoran Ničeno and head of the public relations department Jelena Bikić, who reports directly to Minister of Interior Božinović.

    The WhatsApp group was used to exchange information about apprehensions of more than 1,300 people of mostly Afghan, Pakistani and Syrian nationality. These messages were often accompanied by photos of the individuals, their faces clearly visible, in some cases being forced to lie face down on the ground or remove their shoes.

    Experts and police sources told us that sharing such information on a privately-owned platform such as WhatsApp breaches multiple police regulations. They also said they believed the group was likely used to unofficially document the apprehension of migrants who were systematically pushed back across the border in breach of Croatian and European law, in order that there was no trace of this action.
    STORYLINES

    In one WhatsApp message, the head of border control in Zagreb police administration can be seen saying he had asked on the evening of 13 February 2020 for five police vans to carry out “odvraćanje” after apprehending a group of 80 migrants. Odvraćanje is the Croatian word for “rejection” or “deterrence”, which is said to have become a code word for pushbacks in recent years. Police sources and experts are clear in saying that this message indicates that an illegal pushback was taking place.

    We spoke to a Pakistani man who gave testimony of a pushback to a volunteer from the Border Violence Monitoring Network, a grassroots coalition, back in 2019. We were able to match this, with a high degree of confidence, to a message in the WhatsApp group from August 2019 describing the apprehension of 85 foreign nationals. In his testimony, taken the day after the arrest, the man reported that the group was pushed back, with violence used against some of them, and not given the chance to claim asylum. We spoke with him last month and while he said he couldn’t remember the exact date, he recognised the scenario and one of the individuals seen in the photo.

    On multiple occasions, the WhatsApp group also was used to exchange information about journalists visiting the border area. In one case, the group’s members were informed that Bernt Koshuch, a journalist from Austrian broadcaster ORF, had been spotted in the wider area of Cetingrad, and a photo was shared of him and a colleague. Mr Koschuch confirmed to us that he had been in the area at that time. He later joined our investigation.

    Croatia’s Korridor operations benefit from European funding, with millions of euros flowing to Zagreb each year and EU states paying for overtime, accommodation and food for Croatian border guards – yet to date, the EU has not initiated any infringement proceedings against the country. “The current silence, impunity and even implicit encouragement by the Commission and other member states, only fuel these gross violations against vulnerable people in search of protection,” says MEP Tineke Strik.

    Bodo Weber, senior associate at the Democratisation Policy Council in Berlin, said: “Overall, this group confirms what I have been researching for several years and other observers have long suspected: The Croatian police’s well-documented pushback campaign is clearly being directed from within the Ministry of Interior.”

    https://www.lighthousereports.com/investigation/inside-croatias-secret-whatsapp-group

    #Croatie #asile #migrations #réfugiés #frontières #whatsapp #groupe_whatsapp #contrôles_frontaliers #Balkans #route_des_Balkans #violence #violences_policières #Korridor #opération_Korridor #push-backs #refoulements #OA_Koridor_II_Zapad #preuves #photographies #Zoran_Ničeno #Zoran_Niceno #Jelena_Bikić #Jelena_Bikic #odvraćanje #odvracanje

  • Forensic Architecture : Mapping is Power

    https://vimeo.com/711628232

    “The truth is in the error.” Meet the head of Forensic Architecture, Eyal Weizman, in this fascinating in-depth interview about his work and the potential of architecture as a critical tool for understanding the world.

    “Since I remember myself, I have wanted to be an architect.” Eyal Weizman grew up in Haifa, Israel, and from early on developed an understanding of “the political significance of architecture”:

    “I could see the way that neighbourhoods were organized. I could see the separation. I could see the frontier areas between the Palestinian community and the Jewish majority.”

    Forensic Architecture is far from a traditional architectural company. It is a multidisciplinary research group investigating human rights violations, including violence committed by states, police forces, militaries, and corporations. It includes not only architects but also artists, software developers, journalists, lawyers and animators. Working with grassroots activists, international NGOs and media organisations, the team carries out investigations on behalf of people affected by political conflict, police brutality, border regimes and environmental violence.
    Forensic Architecture uses architectural tools and methods to conduct spatial and architectural analysis of particular incidents in the broadest possible sense. Visualising and rendering in 3D, they not only reconstruct a space but also document what happened in it.
    “People mistake architecture to be about building buildings. Architecture is not that. Architecture is the movements and the relations that are enabled by the way you open, close and channel functions, people, and movements within that. The minute that you understand that architecture is about the incident, about the event, about social relations that happen within it, it enables you to understand social relations and events in a much better way. In fact, in a very unique way”, says Eyal Weizman.

    Forensic Architecture gives a voice to materials, structures and people by translating and disseminating the evidence of the crimes committed against them, telling their stories in images and sound. When an incident of violence and its witnessing are spatially analysed, they acquire visual form. Accordingly, Forensic Architecture is also an aesthetic practice studying how space is sensitised to the events that take place within it. The investigation and representation of testimony depend on how an event is perceived, documented and presented.

    “There is a principle of Forensic investigation called the “look hard principal” – and it claims that every contact leaves a trace. Because many of the crimes that Forensic Architecture is looking at today happen within cities, happen within buildings, architecture becomes the medium that conserves those traces.”

    Unlike established forms of crime and conflict investigation, Forensic Architecture employs several unconventional and unique methods to shed light on events based on the spaces where they took place. They also invest much attention in mapping and understanding concepts like witness, testimony and evidence, and their interrelations. Witness testimony, which sits at the centre of human rights discourse, can be more than viva voce, oral testimony in a court. Any material, like leaves, dust and bricks, can bear witness.

    Forensic Architecture investigates and gives a voice to material evidence by using open-source data analysed using cutting-edge methods partly of their own design. Using 3D models, they facilitate memory recollection from witnesses who have experienced traumatic events. The objective is to reconstruct the ‘space’ in which the incident in question took place and then re-enact the relevant events within this constructed model.
    The most important sources tend to be public: social media, blogs, government websites, satellite data sources, news sites and so on. Working with images, data, and testimony and making their results available online while exhibiting select cases in galleries and museums, Forensic Architecture brings its investigations into a new kind of courtroom.
    “Our work is about care. It is about attention. It is about developing and augmenting the capacity to notice, to register those traces. But that’s not all. Then we need to connect them – one trace to the other. In that sense, our work is like a detective. We look at the past in order to transform the future.”
    Eyal Weizman was interviewed by Marc-Christoph Wagner at Forensic Architecture’s studio in London in April 2022.

    #Eyal_Weizman #forensic_architecture #architecture_forensique #vidéo #interview #architecture #traces #preuves #vérité #esthétique

  • We Were Once Kids - Trailer
    https://www.dailymotion.com/video/x8b9ke5

    The cult film ‘Kids’ was a scandalous succes in 1995. But the semi-documentary about young, sex-crazed skaters in New York had big consequences for the cast, who finally speak out 25 years later.

    In 1995, everyone was talking about ‘Kids’. Larry Clarke’s semi-documentary about a group of young skaters in New York was an international scandal and a massive success, nominated for the Palme d’Or at Cannes and causing a furore for its transgressive portrayal of teenage sex, violence and drugs. 25 years later, the cast tell their own version of the story, and it’s not pretty. ‘We Were Once Kids’ is a tale of solidarity, delusion and exploitation. The young people were cast on the street for a film where few in the audience could tell reality from fiction. And once the film hit, it was too late to draw the lines.
    https://cphdox.dk/film/we-were-once-kids

    #larry_clark #heroin_chic #addiction #jeunes #cinema

    • W e Were Once Kids addresses the still tender and painful heart of the 1995 film’s aftermath, the deaths of Pierce and Hunter, who could be understood as best embodying the ethos portrayed in Kids. It conveys the difficulties that both of them, like other cast members, faced after the movie had been released: struggling with addiction and alcoholism while facing the challenge of maintaining authenticity after being made into an image, and navigating what must have felt like a make-believe world.

      https://www.artforum.com/print/202209/lila-lee-morrison-on-kids-and-the-surplus-of-the-image-89462

    • tiens c’est Disney qui a distribué Kids :
      https://www.nytimes.com/1995/05/24/style/IHT-kids-grabs-spotlight-at-cannes.html

      Ce qui a permis à Clark d’assurer que personne ne s’est vraiment drogué sur le tournage, et que tout les kids du film sont plus vieux que ce qu’ils ont l’air à l’écran.

      The director claimed that the kids on screen were older than they looked, and that none were doing drugs.He even got in a pitch for Disney, the distributor.

      J’ai tout de même littéralement adoré Whassup rockers à l’époque. Faudrait que je le revois.

      Ce qui est dingue c’est d’avoir aimé à ce point la vision de Clark sur les gamins. ça me fait beaucoup (re)penser à cette citation de Dworkin :

      « Parce que la plupart des adultes mentent aux enfants la plupart du temps, l’adulte pédophilique semble honnête, quelqu’un qui dit la vérité, le seul adulte justement, prêt à découvrir le monde et à ne pas mentir. »

      Un exemple :

      “Larry doesn’t do kids the way other people do,” said Fitzpatrick. “Larry knew early on that to make a film like this he needed to be on the inside of this sort of counterculture.” So at 50 years old Clark taught himself how to skateboard and hung around Washington Square Park everyday getting to know the kids. In Fitzpatrick’s opinion, that time commitment was absolutely necessary, because “teenagers don’t trust adults”, and it was the only way Clark could convince the skaters to take part in his film. “He knew that to get respect from these kids he would have to give them respect,” said Fitzpatrick. “Larry gave them respect and they trusted him to tell their story.”

      https://www.theguardian.com/film/2015/jun/22/harmony-korine-kids-20th-anniversary

    • Peu ont montré avec autant de réalisme le quotidien d’une certaine jeunesse
      Dans une interview pour le Guardian, Larry Clark a dit que le plus beau compliment qu’il n’ait jamais reçu venait d’un garçon qui a défini Kids en ces termes : ’’Ce n’était pas comme un film. C’était comme dans la vraie vie.’’

    • Tiens ils ont parlé du doc dans el pais :

      https://english.elpais.com/culture/2022-07-14/kids-the-indie-movie-sensation-with-a-darker-side.html

      In 2021, #Hamilton_harris – one of the boys featured in the film – participated in a documentary titled We were once kids, directed by Eddie Martin. Harris pursued this project after becoming alarmed when he discovered that a large part of the movie’s viewership mistakenly believed that they were watching a documentary.

      “My feelings towards the movie started to change after seeing the global reaction it got,” he told Variety. At the same time, he felt that the creators outside the group – Korine and director Larry Clark – failed to capture the strong sense of community that the teenagers had created. While the film reduced the existence of its protagonists to a devastating nihilism, the truth is that those kids – who used skateboarding as an outlet – had formed a family. They were protecting each other, escaping from homes where drug usage and violence were common. Carefree sex was not at the center of their lives: in fact, many of the protagonists were virgins.

      (...)

      The problematic part came with the female roles. When the women in the gang read the script, they refused to participate. It did not reflect the relationship of camaraderie that united them: it was simply a festival of sex and drugs, a film “about rape and misogyny” says Priscilla Forsyth, who ended up participating in a minor role with only one sentence for posterity (“I’ve fucked and I love to fuck”). On the other hand, the boys could be of non-normative beauty, but the girls chosen to star in the film included 15-year-old Rosario Dawson – whom Korine discovered in a social housing project where she lived with her grandmother – and Chlöe Sevigny, a New York club regular who, after being featured in two fashion editorials and a Sonic Youth video, had become the city’s great underground sensation.

      (...)

      The director of We were once kids does not point to a culprit, but hints that many powerful people made a fortune while the protagonists were exposed to the world with their allegedly amoral lifestyle.

    • On parlait de cette divergence, en 2015, dans le guardian :

      https://www.theguardian.com/film/2015/aug/19/kids-film-larry-clark-skateboarding-culture-new-york-east-coast-supreme

      High says the added storyline was a distortion: “The true story [of Kids] is about a bunch of kids who grew up with literally nothing,” she says. “We might have been from different areas and different races but we came from the same income bracket of broke. We learned how to take care of each other at a time that was one of the rougher periods in New York City’s history.

      “The film portrays segregation between girls and guys, which wasn’t reality. The main point [of the film] – the whole virgin-fucking, misogynistic thing – was not necessarily how we lived our lives.”

      (...)

      To Harris, the group was ahead of its time in a country mired in racism and recession. Intuitively post-racial in a colour-conscious society, the crew formed its own world around skateboarding despite being tethered to a socioeconomic bracket that deemed it invisible

      .

      Le sujet du film aurait pu être ça :

      “In the early 90s we were dealing with crack, the Aids epidemic, racism and all kinds of social injustices. We were totally aware of the social dynamic in the world around us. We were constantly trying to change that, and foster that change as an example,” he said

      En terme de révolution, une toute autre paire de manche...

    • (déso je spam un peu)

      Cette #ruse, de faire passer sa vision des choses pour des #preuves.

      https://www.theguardian.com/fashion/fashion-blog/2014/jun/25/larry-clark-t-shirts-dressing-young-teenagers

      Still, he rejects claims that his previous work is either exploitative or luridly voyeuristic: "I would go to these parties and see fucking, gangbanging and drugs. To me it’s historical evidence. I can only shoot what I see.

      “Back then it was a secret world but you know what? Kids was based on reality. That’s what these kids on the street tell me, they say: ’Larry that’s how it is.’ Personally, I feel there’s the argument that if it’s not documented, how would we know it’s going on at all?”

  • Pour qui serait accusé de vie maritale par la CAF en vue de baisser ses droits ou/et de réclamer un « indu » : RAPPEL DU CADRE JURIDIQUE APPLICABLE À LA PRISE EN CONSIDÉRATION DES RESSOURCES DU FOYER, Défenseur des droits, 2018

    https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18259

    Il convient d’examiner les conditions permettant de considérer qu’il existe une relation de concubinage.

    1. La recherche de la preuve

    Lorsqu’un organisme prive un allocataire d’une fraction ou de la totalité de ses prestations, au motif qu’il n’a pas déclaré un concubinage modifiant l’appréciation de ses ressources, et lui réclame le remboursement d’un indu, il doit tout d’abord prouver1 cette « union de fait » qu’est le concubinage, en application du droit commun de la preuve.

    Les articles 9 du code de procédure civile et 13533 du code civil établissent le régime applicable.
    En vertu de ces dispositions, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». En tout état de cause, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

    La preuve du concubinage étant libre, la CAF peut l’établir par tous moyens.

    Aussi, il convient de s’attacher à chacun des éléments constitutifs du concubinage, tels qu’énumérés à l’article 515-8 du code civil, afin de déterminer ce que la CAF est tenue de prouver. (...)

    Voir également : Jurisprudence cohabitation-concubinage RMI - GISTI, dont des éléments restent valables (à vérifier)

    #droits_sociaux #RSA #AAH #APL #vie_maritale #preuve #CAF

  • #Harcèlement à #Lyon-2 : #contre-enquête sur la #relaxe d’un professeur

    Suspendu en 2018 suite à des accusations de harcèlement formulées par une doctorante, un professeur de Lyon-2 a obtenu gain de cause en appel devant le #conseil_national_de_l’enseignement_supérieur_et_de_la_recherche. Problème : selon les informations de Mediacités, la décision repose sur des éléments faux ou sujets à caution.

    « Comment est-ce possible en #France ? Cette décision est scandaleuse. Le conseil a tranché alors qu’il disposait de #preuves contraires. J’accepte de témoigner pour qu’aucune femme n’ait plus à endurer ce que j’ai vécu. » Comme toujours, Lina* est calme. Mais sous sa voix posée gronde une colère sourde. En 2017, alors étudiante à Lyon-2, elle dénonce le harcèlement de son directeur de thèse, un professeur très reconnu dans le milieu universitaire. Conséquence, en 2018, Lyon-2 décide de le suspendre avec privation de salaire pendant un an. L’affaire avait à l’époque fait du bruit. Elle était loin d’être terminée…

    Le 10 septembre 2020, en appel, la #section_disciplinaire du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (#Cneser) a relaxé le professeur en question, qui n’a jamais repris ses cours à Lyon-2 (il est aujourd’hui professeur invité à l’université canadienne de Dubaï). La décision passe alors inaperçue, malgré la médiatisation de l’affaire deux ans plus tôt. Or, comme nous l’avons découvert au cours de notre enquête, dans son analyse du dossier, le Cneser s’est appliqué à décrédibiliser le témoignage de l’étudiante sur la base d’éléments faux.

    Après la libération de la parole et les errements de la direction à l’École normale supérieure de Lyon (ENS) [lire les enquêtes de Mediacités ici : https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2021/03/22/violences-sexuelles-a-lens-de-lyon-une-si-laborieuse-et-tardive-prise-de- et là : https://www.mediacites.fr/complement-denquete/lyon/2021/06/14/violences-sexuelles-a-lens-de-lyon-la-mediatisation-a-fait-bouger-les-choses/], après la gestion laborieuse d’un étudiant de Science Po Lyon accusé de viols par plusieurs femmes dévoilée par Mediacités (https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2021/03/02/violences-sexuelles-les-errements-de-sciences-po-lyon), après les récentes révélations de Rue89Lyon (https://www.rue89lyon.fr/2021/09/06/sous-emprise-monsieur-cinema-universite-lyon-2) sur le harcèlement subi par plusieurs étudiantes de #Jacques_Gerstenkorn à Lyon-2 (https://www.mediacites.fr/revue-de-presse/lyon/2021/09/06/jacques-gerstenkorn-monsieur-cinema-de-luniversite-lyon-2-accuse-de-harce), notre contre-enquête éclaire sous un autre jour la question des violences sexistes et sexuelles au sein de l’#enseignement_supérieur. Elle illustre le décalage entre un discours officiel qui encourage les victimes à dévoiler les harcèlements dont elles font l’objet et des procédures disciplinaires lentes et archaïques incapables de leur rendre justice.

    (#paywall)

    https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2021/09/14/harcelement-a-lyon-2-contre-enquete-sur-la-relaxe-dun-professeur

    #justice (really ?) #ESR #université #violences_sexistes #violences_sexuelles

    –-

    ajouté à la métaliste sur le harcèlement à l’université :
    https://seenthis.net/messages/863594

    ping @_kg_

    • Violences sexuelles à l’ENS de Lyon : le rapport d’enquête épingle la présidence

      Après des violences sexuelles et sexistes au sein de l’École normale supérieure (ENS) de Lyon, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche avait diligenté une enquête. Et les inspecteurs se montrent sévère avec la présidence de l’ENS, dans un rapport d’enquête publié mercredi 27 octobre, estimant que l’établissement « n’avait pas suffisamment pris la mesure du problème ».

      L’enquête menée par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), à la suite de révélations dans la presse, a permis de reconstituer « une liste anonymisée de 27 situations de violences sexuelles et sexistes, dont la première remonte à 2017 ».

      Neuf cas « relèveraient de la qualification de viol », d’après la synthèse du rapport, précisant que les victimes sont des étudiantes, à l’exception d’un cas masculin. « Les personnes mises en cause sont pour la moitié d’entre elles des étudiants, ajoutent les inspecteurs. Pour l’autre moitié, il s’agit de cinq enseignants, de cinq autres personnels de l’ENS, de quatre personnes extérieures ou non identifiées. »
      Le « peu d’empressement à agir » de la direction

      La présidence de l’ENS n’était informée que de 15 de ces situations et « hormis une situation très récente, sur les 14 situations traitées par la présidence, une seule a donné lieu à une procédure disciplinaire », relèvent les enquêteurs de l’IGESR. « Toutes les autres sont demeurées sans décision formalisée de la part de l’ENS. »

      Selon le rapport d’enquête, « le manque de cohérence dans le traitement des situations, le peu d’empressement à agir, a conduit à une impossibilité de clôturer les instructions » et « a contribué à construire un sentiment d’incertitude, de peur et de défiance qui s’est installé chez les victimes présumées ».

      L’enquête a révélé « 27 situations de violences sexuelles et sexistes » depuis 2017. Elle pointe le « manque de cohérence » de la direction lorsqu’elle a été informée.

      https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/violences-sexuelles-a-l-ens-de-lyon-le-rapport-d-enquete-epingle-la-pre

  • Au #Cameroun, la #cartographie participative, « puissant outil » de reconnaissance des #droits des #Pygmées

    Pygmées en lutte (2/4). Rivières, forêts vierges, ponts, villages, lieux sacrés : grâce au #GPS, Baka et Bagyeli se sont lancés dans le quadrillage leurs territoires pour mieux les protéger.

    Dans la cour d’une maison en terre battue construite en plein cœur de #Nomédjoh, un village #Baka situé dans la région Est du Cameroun, une dizaine d’hommes, de femmes et d’enfants forment un cercle. Au centre, ils ont disposé à même le sol cinq cartes représentant leur territoire. Les yeux rivés sur ces documents abîmés par le temps et la moisissure, ils se courbent à tour de rôle et pointent du doigt « la rivière », « la forêt encore vierge », « le pont »… A y regarder de plus près, on ne voit pourtant que des points, des lignes, des légendes ou encore des chiffres colorés.

    « Ces cartes représentent les 1 950 hectares de notre #forêt. C’est notre plus grande richesse », explique avec fierté Dieudonné Tombombo, le président de la forêt communautaire. « Nous gérons nous-mêmes notre forêt qui est pour l’homme Baka un supermarché, un hôpital et une banque, renchérit près de lui, René Ndameyong, 40 ans. Avant, on n’avait droit à rien. Les Bantous nous disaient que tout leur appartenait, alors que les #peuples_autochtones sont les premiers habitants de la forêt. »

    D’après ce père de deux enfants au sourire contagieux, les Baka ont longtemps été chassés des forêts, interdits de chasse, de pêche ou encore de pratiquer des activités champêtres à certains endroits. L’introduction au début des années 2000 de la cartographie participative a permis aux communautés de mieux faire entendre leur voix. Et les peuples des forêts en ont profité.

    Validations des populations

    En 2011, l’association Rainforest Foundation, qui lutte pour la protection des peuples autochtones, a lancé l’initiative #Mapping_for_Rights, ce qui a permis de former plus de 7 000 cartographes locaux au Cameroun et en #République_démocratique_du_Congo (#RDC), et ainsi de cartographier plus de 800 communautés pour une superficie de 5 millions d’hectares. Avec l’appui des organisations non gouvernementales (ONG), il s’agit le plus souvent d’établir des cartes pour faire #barrage à l’installation de projets – routes, aires protégées, plantations agro-industrielles – menaçant la vie des communautés par l’accaparement du #foncier et les restrictions d’accès aux #ressources_naturelles.

    Les communautés se réunissent et identifient ensemble les noms des lieux sacrés, rivières, zones de pêche, de chasse, de ramassage de produits forestiers non ligneux, leurs champs, tracent les contours de leur village… Une fois les informations validées par toute la communauté (et souvent les villages voisins), des hommes formés à la cartographie vont en forêt, armés de systèmes de localisation par satellite (GPS) pour le #géoréférencement des points importants. Ces données GPS sont traitées par ordinateur. Des documents provisoires sont établis, et soumis à la validation des populations avant que les cartes définitives soient établies.

    Après l’établissement de ces cartes, la population de Nomédjoh a « pris #confiance et n’a plus eu #peur, car nous avions la preuve de ce qui nous appartenait », se souvient René Ndameyong. « Les autorités l’ont validée et aujourd’hui nous sommes un village avec un chef nommé par le gouvernement ». Depuis 2007, Nomédjoh s’est aussi vu attribuer, à sa demande, une #forêt_communautaire. Au Cameroun, la #foresterie_communautaire est un processus par lequel l’Etat cède une partie (maximum 5 000 hectares) à une communauté qui a alors la possibilité de l’exploiter.

    Grâce à la vente du #bois, Nomédjoh a construit trois studios pour les enseignants de l’école publique, a pu tôler une salle de classe, équiper quelques maisons d’énergie solaire. « Notre but principal est de protéger la forêt, tout faire pour qu’elle ne finisse pas puisqu’elle est notre vie », assure Dieudonné Tombombo.

    « Prouver l’impact sur nos sites »

    Dans le sud du pays, Assok offre un autre exemple d’une initiative réussie. Martin Abila, guérisseur traditionnel, vient officiellement d’être désigné chef du village par le gouvernement, « une première dans toute la région pour un autochtone ». Lors de la cartographie participative qui a permis au village d’être reconnu, Martin a constaté que plusieurs zones de la forêt avaient été détruites par des exploitants. Il cherche désormais des financements pour « créer une pépinière et reboiser ».

    « La cartographie participative est un puissant outil qui permet de mener des #plaidoyers pour les #droits_des_communautés auprès des autorités, des groupes agro-industriels, miniers ou de la communauté internationale », explique Samuel Nguiffo, coordonnateur du Centre pour l’environnement et le développement (CED), une ONG locale.

    Lors de la construction du #pipeline entre le Cameroun et le Tchad qui traversait les territoires #Bagyeli, ces derniers n’ont pas été consultés. Mais, grâce à la cartographie participative effectuée en 2007 en collaboration avec les Bantous, « on a pu prouver l’#impact sur nos sites. Jusqu’à aujourd’hui, cette cartographie nous sert, car les Bantous menacent de nous chasser sans passer à l’acte. On a des cartes, ce sont nos #preuves », sourit Joachim Gwodog, le chef du campement Logdiga, dans la région du Sud.

    Ces feuilles de papier « permettent de montrer qu’un village ou un campement existe, que des hommes y vivent, possèdent des ressources, des vestiges, des sites traditionnels, autant d’éléments concrets difficiles à mettre de côté », résume Marie Ba’ane, directrice de l’ONG Appui à l’autopromotion et à l’insertion des femmes, des jeunes et désœuvrés (Apifed) . Si ces cartes ne sont pas encore officiellement reconnues par l’administration camerounaise, elles sont de plus en plus prises en compte.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/08/24/au-cameroun-la-cartographie-participative-puissant-outil-de-reconnaissance-d

    #cartographie_participative #accaparement_des_terres

    –—

    voir aussi, en #Malaisie (#Bornéo) :
    #Penan Community Mapping : Putting the Penan on the map
    https://seenthis.net/messages/748077

  • #Eyal_Weizman : « Il n’y a pas de #science sans #activisme »

    Depuis une dizaine d’années, un ensemble de chercheurs, architectes, juristes, journalistes et artistes développent ce qu’ils appellent « l’architecture forensique ». Pour mener leurs enquêtes, ils mettent en œuvre une technologie collaborative de la vérité, plus horizontale, ouverte et surtout qui constitue la vérité en « bien commun ». Eyal Weizman en est le théoricien, son manifeste La Vérité en ruines a paru en français en mars dernier.

    https://aoc.media/entretien/2021/08/06/eyal-weizman-il-ny-a-pas-de-science-sans-activisme-2

    #recherche #architecture_forensique #forensic_architecture #vérité #preuve #preuves #régime_de_preuves #spatialisation #urbanisme #politique #mensonges #domination #entretien #interview #espace #architecture #preuves_architecturales #cartographie #justice #Palestine #Israël #Cisjordanie #Gaza #images_satellites #contre-cartographie #colonialisme #Etat #contrôle #pouvoir #contre-forensique #contre-expertise #signaux_faibles #co-enquête #positionnement_politique #tribunal #bien_commun #Adama_Traoré #Zineb_Redouane #police #violences_policières #Rodney_King #Mark_Duggan #temps #Mark_Duggan #Yacoub_Mousa_Abu_Al-Qia’an #Harith_Augustus #fraction_de_seconde #racisme #objectivité #impartialité #faits #traumatisme #mémoire #architecture_de_la_mémoire #Saidnaya #tour_Grenfell #traumatisme #seuil_de_détectabilité #détectabilité #dissimulation #créativité #art #art_et_politique

    • La vérité en ruines. Manifeste pour une architecture forensique

      Comment, dans un paysage politique en ruines, reconstituer la vérité des faits ? La réponse d’Eyal Weizman tient en une formule-programme : « l’architecture forensique ». Approche novatrice au carrefour de plusieurs disciplines, cette sorte d’architecture se soucie moins de construire des bâtiments que d’analyser des traces que porte le bâti afin de rétablir des vérités menacées. Impacts de balles, trous de missiles, ombres projetées sur les murs de corps annihilés par le souffle d’une explosion : l’architecture forensique consiste à faire parler ces indices.
      Si elle mobilise à cette fin des techniques en partie héritées de la médecine légale et de la police scientifique, c’est en les retournant contre la violence d’État, ses dénis et ses « fake news ». Il s’agit donc d’une « contre-forensique » qui tente de se réapproprier les moyens de la preuve dans un contexte d’inégalité structurelle d’accès aux moyens de la manifestation de la vérité.
      Au fil des pages, cet ouvrage illustré offre un panorama saisissant des champs d’application de cette démarche, depuis le cas des frappes de drone au Pakistan, en Afghanistan et à Gaza, jusqu’à celui de la prison secrète de Saidnaya en Syrie, en passant par le camp de Staro Sajmište, dans la région de Belgrade.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_verite_en_ruines-9782355221446
      #livre

  • Le Conseil national veut contrôler les #téléphones_portables des réfugié·es : un empiètement massif, disproportionné et absurde sur les #libertés_individuelles

    Les libertés individuelles valent aussi pour les exilé·es

    Le Conseil national a durant la session spéciale de mai 2021 décidé que les téléphones portables et #ordinateurs des personnes en procédure pourraient être fouillés par les autorités responsables de l’#asile.

    Le #SEM a déjà le droit de fouiller les requérant·es d’asile, pour trouver des documents d’identité, des objets dangereux, des drogues ou des avoirs d’origine illicite. Les personnes réfugiées doivent déjà subir de telles #fouilles par le personnel de sécurité. Maintenant, tous les #appareils_électroniques et supports de données devraient également pouvoir être fouillés, les #données stockées – y compris les plus personnelles – devraient pouvoir être lues, stockées temporairement et analysées.
    Jusqu’à 80% des personnes demandant l’asile ne peuvent prouver leur #identité, a-t-on affirmé lors du débat. Cela contredit toute expérience. Ce chiffre peut éventuellement correspondre au début de la procédure d’asile. Lors de la phase de la préparation, tou·te·s les requérantes d’asile sont informé·es du devoir de prouver son identité. En règle générale, la plupart d’entre elles et eux obtiennent ensuite leurs documents d’identités en quelques jours.

    L’accès aux téléphones et autres supports de données est une atteinte au principe fondamental de liberté individuelle et au secret des communications. Lors du débat du 4 mai, c’était clair pour tou·te·s les parlementaires. Dans le cadre d’une procédure pénale, les supports de données à caractère personnel ne peuvent être examinés que si des infractions capitales font l’objet d’une enquête. Le projet de loi adoubé par le Conseil national assimile donc la demande d’asile à un crime grave. Il n’a même pas été possible de soumettre la fouille à une obligation d’autorisation indépendante.

    L’atteinte est disproportionnée et illégale ; il n’y a en outre pas d’intérêt public supérieur

    D’une part, l’identité de la personne réfugiée n’est pas nécessairement déterminante pour l’issue de la procédure d’asile. Ce qui est décisif, c’est de prouver une persécution dans son pays d’origine ; cela s’applique indépendamment des données personnelles.
    D’autre part, la procédure Dublin se base sur les empreintes digitales, et non les téléphones portables : la réadmission fonctionne seulement si les empreintes digitales de la personne sont enregistrées dans le système Eurodac.
    Si les #preuves_électroniques peuvent permettre de démasquer des passeurs, cela n’aura pas d’influence sur l’issue de la procédure d’asile en question. C’est la situation de persécution qui est déterminante.

    Selon les partisans du oui, l’examen des données ne pourrait avoir lieu qu’avec le #consentement des personnes concernées. Or, celles et ceux qui invoquent effectivement leur droit à la vie privée et refusent de remettre leur téléphone portable violent, selon le projet, leur devoir de coopération et mettent à mal leur #crédibilité pour la suite de la procédure. Leur refus a ainsi de graves conséquences.

    Dans cette optique, il semble plus que douteux que les mesures prévues soient nécessaires et servent à rendre la procédure d’asile suisse plus rapide et plus efficace. En outre, il est plus qu’incertain que la majorité des téléphones portables et des supports de données contiennent des informations utiles sur l’identité, la #nationalité, ou l’#itinéraire du voyage. D’autant plus que la nouvelle risque de se répandre rapidement que les autorités suisses sont autorisées à saisir et analyser les téléphones portables et supports de données. Celles et ceux qui ne souhaitent pas faire l’objet d’une enquête supprimeront facilement les données sensibles.

    Enfin, une recherche, un #stockage intermédiaire et une analyse fiables et sûrs des téléphones mobiles et des supports de données nécessitent des connaissances et une expérience spécifiques. Or, les expert·es en criminalistique informatique sont rares et donc coûteu·ses·x, et il sera probablement difficile d’employer de tel·les spécialistes dans chaque centre fédéral. La loi prévue risque d’entraîner des coûts supplémentaires massifs pour la procédure d’asile.
    Le SEM a mené un court projet pilote pour tester la fouille de supports de données de personnes réfugiées. Au terme de celui-ci, le Conseil fédéral a reconnu que « l’efficacité et l’adéquation des mesures proposées ne peuvent à l’heure actuelle pas être évaluées de manière concluante ».

    L’expérience de l’#Allemagne s’y oppose

    Celle-ci apporte un peu plus de clarté sur les #coûts et l’#efficacité de la mesure : comme l’expose le gouvernement allemand dans sa réponse à une question du groupe parlementaire de gauche, l’Office fédéral des migrations et des réfugié·es (BAMF) a fait lire plus de 10’000 supports de données de requérant·es d’asile en 2019. Dans 4’600 cas, le bureau a demandé l’accès aux données. En avril 2020, les avocates du BAMF l’avaient approuvé dans 3’400 cas. Résultat : Dans environ 58% des cas, aucun résultat exploitable n’a pu être obtenu. Dans environ 40% des cas, les déclarations des requérant·es ont été confirmés, dans 2% seulement, elles ont été réfutées. Ces chiffres peuvent vraisemblablement correspondre à la réalité suisse.
    Selon une étude de la Société allemande pour les libertés individuelles (GFF), les coûts depuis l’introduction du contrôle des supports de données à la mi-2017 jusqu’à la fin 2019 se sont élevés à 11,2 millions d’euros. Environ deux millions s’y ajouteront chaque année. Par ailleurs, la GFF soutient les actions en justice intentées par les personnes réfugiées contre cet empiètement à tous égard disproportionné sur leurs droits.

    Nous demandons au Conseil des Etats de ne pas accepter ce projet.

    Reçu via la mailing-list Solidarité sans frontières, 17.05.2021

    #Suisse #smartphones #contrôle #asile #migrations #réfugiés

  • « Terrains désignés »

    Au mot de « gitan », les clichés du « moustachu à la guitare » ou de « l’enfant pieds nus à la cigarette1 » surgissent. C’est sur ce terrain que de nombreux artistes comme Koudelka, Mathieu Pernot ou Alain Keller ont fait leurs armes. Le photographe #Valentin_Merlin a choisi d’en prendre le contre-pied : personne sur les photos. Des murs, des palissades, des barrières, du barbelé, du béton : c’est ce qui constitue les « aires d’accueil ». Il nous dit par ce travail, avoir « voulu construire une archive de "l’#encampement" des gens du voyage en #France, mais aussi fabriquer des #preuves ». Preuves que l’administration assigne à résidence des citoyens français dans des #lieux_hostiles à toute forme de vie. Si la photo peut accompagner les luttes voyageuses, c’est en montrant que les autorités locales de #Petit-Quevilly, de #Saint-Germain-en-Laye et de #Marseille forcent des familles à vivre dans des zones à haut risque industriel. Au fil de cette série commencée en 2015, on peut saisir pourquoi certains #voyageurs appellent ces aires d’accueil des « #terrains_désignés ». Subissent-ils pour autant ces lieux ? Il n’en est pas question : ils les apprivoisent et les combattent aussi. Parfois, on aperçoit le « bureau » — le lieu du pouvoir — brûlé. Ou encore des restes de morceaux de barricades. Luttes silencieuses, mais visibles.


    https://www.revue-ballast.fr/terrains-designes-portfolio
    #portfolio #photographie #gens_du_voyage #aires_d'accueil #risque #risque_industriel #assignation_à_résidence #résistance #luttes

  • Deux historiens relaxés face à Philippe de Villiers | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/120421/deux-historiens-relaxes-face-philippe-de-villiers

    William Blanc et Christophe Naudin, deux historiens médiévistes attaqués pour diffamation par Philippe de Villiers et l’Association pour la mise en valeur du Château et du pays du Puy du Fou, en 2016, suite à une tribune où ils avaient émis des doutes sur l’authenticité de l’anneau de Jeanne d’Arc racheté par Philippe de Villiers et analysé l’instrumentalisation du mythe de la Pucelle d’Orléans, ont été relaxés. Ils appellent à la création d’un «  vaste service public de l’histoire  ».

    #histoire (réactionnaire) #historicité #recherche_historique #preuve_scientifique vs #propagande_patriotique

  • The Asylum Story: Narrative Capital and International Protection

    Obtaining international protection relies upon an ability to successfully navigate the host country’s asylum regime. In #France, the #récit_de_vie, or asylum story, is critical to this process. An asylum seeker must craft their story with the cultural expectations of the assessor in mind. The shaping of the asylum story can be seen as an act of political protest.

    The role of the asylum story within the asylum procedure

    Within a context of increasing securitization of Europe’s borders, the consequences of differentiated rights tied to immigration status have profound impacts. The label of “refugee” confers rights and the chance to restart one’s life. In order to obtain this label, a narrative of the person’s history is required: the asylum story. It must explain the reasons and mechanisms of individualized persecution in the asylum seeker’s country of origin or residence, and the current and sustained fears of this persecution continuing should they return. In France, the Office for the Protection of Refugees and Stateless People (OFPRA)
    is responsible for determining whether or not the person will be granted protection, either through refugee status or subsidiary protection.

    This essay examines the construction of these stories based on participant observation conducted within an association supporting exiles in Nice called Habitat et Citoyenneté (“Housing and Citizenship”, hereafter H&C).

    One of H&C’s activities is supporting asylum seekers throughout the asylum process, including the writing of the story and preparation of additional testimony for appeals in the event of a rejection. Over time, H&C has increasingly specialized in supporting women seeking asylum, many of whom have suffered gender-based and sexual violence. These women’s voices struggle to be heard within the asylum regime as it currently operates, their traumas cross-examined during an interview with an OFPRA protection officer. Consequently, an understanding of what makes a “good” asylum story is critical. Nicole and Nadia, members of H&C who play multiple roles within the association, help to develop the effective use of “narrative capital” whereby they support the rendering of the exiles’ experiences into comprehensive and compelling narratives.
    Creating the narrative while struggling against a tide of disbelief

    The experience of asylum seekers in Nice illustrates the “culture of disbelief” (Kelly 2012) endemic within the asylum system. In 2019, OFPRA reported a 75% refusal rate.

    Rejection letters frequently allege that stories are “not detailed enough,” “vague,” “unconvincing,” or “too similar” to other seekers’ experiences. These perfunctory refusals of protection are an assault in and of themselves. Women receiving such rejections at H&C were distressed to learn their deepest traumas had been labelled as undeserving.

    While preparing appeals, many women remembered the asylum interviews as being akin to interrogations. During their interviews, protection officers would “double-back” on aspects of the story to “check” the consistency of the narrative, jumping around within the chronology and asking the same question repeatedly with different phrasing in an attempt to confuse or trick the asylum seeker into “revealing” some supposed falsehood. This practice is evident when reading the transcripts of OFPRA interviews sent with rejection letters. Indeed, the “testing” of the asylum seeker’s veracity is frequently applied to the apparent emotiveness of their descriptions: the interviewer may not believe the account if it is not “accompanied by suitable emotional expression” (Shuman and Bohmer 2004). Grace, recently granted protective status, advised her compatriots to express themselves to their fullest capability: she herself had attempted to demonstrate the truth of her experiences through the scars she bore on her body, ironically embarrassing the officer who had himself demanded the intangible “proof” of her experience.

    A problematic reality is that the asylum seeker may be prevented from producing narrative coherency owing to the effects of prolonged stress and the traumatic resonance of memories themselves (Puumala, Ylikomi and Ristimäki 2018). At H&C, exiles needed to build trust in order to be able to narrate their histories within the non-judgemental and supportive environment provided by the association. Omu, a softly spoken Nigerian woman who survived human trafficking and brutal sexual violence, took many months before she was able to speak to Nadia about her experiences at the offices of H&C. When she did so, her discomfort in revisiting that time in her life meant she responded minimally to any question asked. Trauma’s manifestations are not well understood even among specialists. Therefore, production of “appropriately convincing” traumatic histories is moot: the evaluative methodologies are highly subjective, and indeed characterization of such narratives as “successful” does not consider the person’s reality or lived experience. Moreover, language barriers, social stereotypes, cultural misconceptions and expected ways of telling the truth combine to impact the evaluation of the applicant’s case.

    Asylum seekers are expected to demonstrate suffering and to perform their “victimhood,” which affects mental well-being: the individual claiming asylum may not frame themselves as passive or a victim within their narrative, and concentrating on trauma may impede their attempts to reconstruct a dignified sense of self (Shuman and Bohmer 2004). This can be seen in the case of Bimpe: as she was preparing her appeal testimony, she expressed hope in the fact that she was busy reconstructing her life, having found employment and a new community in Nice; however, the de facto obligation to embody an “ideal-type” victim meant she was counselled to focus upon the tragedy of her experiences, rather than her continuing strength in survival.
    Narrative inequality and the disparity of provision

    Standards of reception provided for asylum seekers vary immensely, resulting in an inequality of access to supportive services and thereby the chance of obtaining status. Governmental reception centers have extremely limited capacity: in 2019, roughly a third of the potential population

    were housed and receiving long-term and ongoing social support. Asylum seekers who find themselves outside these structures rely upon networks of associations working to provide an alternative means of support.

    Such associations attempt to counterbalance prevailing narrative inequalities arising due to provisional disparities, including access to translation services. Nicole is engaged in the bulk of asylum-story support, which involves sculpting applications to clarify ambiguities, influence the chronological aspect of the narration, and exhort the asylum seeker to detail their emotional reactions (Burki 2015). When Bimpe arrived at H&C only a few days ahead of her appeal, the goal was to develop a detailed narrative of what led her to flee her country of origin, including dates and geographical markers to ground the story in place and time, as well as addressing the “missing details” of her initial testimony.

    Asylum seekers must be allowed to take ownership in the telling of their stories. Space for negotiation with regard to content and flow is brought about through trust. Ideally, this occurs through having sufficient time to prepare the narrative: time allows the person to feel comfortable opening up, and offers potential to go back and check on details and unravel areas that may be cloaked in confusion. Nicole underlines the importance of time and trust as fundamental in her work supporting women with their stories. Moreover, once such trust has been built, “risky” elements that may threaten the reception of the narrative can be identified collaboratively. For example, mention of financial difficulties in the country of origin risks reducing the asylum seeker’s experience to a stereotyped image where economics are involved (see: the widely maligned figure of the “economic migrant”).

    Thus, the asylum story is successful only insofar as the seeker has developed a strong narrative capital and crafted their experience with the cultural expectations of the assessor in mind. In today’s reality of “asylum crisis” where policy developments are increasingly repressive and designed to recognize as few refugees as possible, the giving of advice and molding of the asylum story can be seen as an act of political protest.

    Bibliography

    Burki, M. F. 2015. Asylum seekers in narrative action: an exploration into the process of narration within the framework of asylum from the perspective of the claimants, doctoral dissertation, Université de Neuchâtel (Switzerland).
    Kelly, T. 2012. “Sympathy and suspicion: torture, asylum, and humanity”, Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 19, no. 4, pp. 753–768.
    Puumala, E., Ylikomi, R. and Ristimäki, H. L. 2018. “Giving an account of persecution: The dynamic formation of asylum narratives”, Journal of Refugee Studies, vol. 31, no. 2, pp. 197–215.
    Shuman, A. and Bohmer, C. 2004. “Representing trauma: political asylum narrative”, Journal of American Folklore, pp. 394–414.

    https://metropolitics.org/The-Asylum-Story-Narrative-Capital-and-International-Protection.html
    #asile #migrations #audition #narrative #récit #OFPRA #France #capital_narratif #crédibilité #cohérence #vraisemblance #véracité #émotions #corps #traces_corporelles #preuves #trauma #traumatisme #stress #victimisation #confiance #stéréotypes

    ping @isskein @karine4 @_kg_ @i_s_

  • « J’ai dérapé à tous les niveaux » : les confessions d’« Haurus », ex-policier de la DGSI - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/faits-divers/j-ai-derape-a-tous-les-niveaux-les-confessions-d-un-ex-policier-de-la-dgs

    Son métier d’enquêteur en #contre-terrorisme l’a habitué à rester dans l’ombre. Mais deux ans après son arrestation, Cédric D., alias « Haurus », a accepté de raconter pour la première fois sa dérive au cœur de l’un des services de #police les plus prestigieux : la Direction générale de la sécurité intérieure (#DGSI). Soupçonné d’avoir vendu des informations confidentielles tirées de fichiers de police sur le Darknet, ce brigadier de 34 ans tombé en disgrâce sera bientôt jugé : la procureure de la République de Nanterre a requis en personne le 18 décembre son renvoi devant le tribunal correctionnel.

    [...]

    On peut faire dire n’importe quoi à la téléphonie dans une enquête, qu’on présente comme une preuve irréfutable. J’ai décidé de rédiger cet ouvrage en vulgarisant mon expérience du fonctionnement des investigations : factures détaillées, écoutes, #géolocalisations …*

    (...) L’ex-agent vient de publier à compte d’auteur un livre [« Investigations et téléphonie mobile », autoédition, 183 pages, 22,90 euros./LP/Jean-Baptiste Quentin ] qui risque de faire parler dans la police : il y donne des clés pour comprendre les techniques d’investigation policière dans la #téléphonie : #fadettes, #écoutes, #Imsi_Catcher, #messageries_chiffrées…❞

    #preuve #PNIJ (plateforme nationale des interceptions judiciaires) #magistrats

  • Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020

    Deux ans après une première publication sur la question (https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7), l’ODAE romand sort un second rapport. Celui-ci offre une synthèse des constats présentés en 2018, accompagnée d’une actualisation de la situation.

    Depuis 2018, l’ODAE romand suit de près la situation des requérant·e·s d’asile érythréen∙ne∙s en Suisse. Beaucoup de ces personnes se retrouvent avec une décision de renvoi, après que le #Tribunal_administratif_fédéral (#TAF) a confirmé la pratique du #Secrétariat_d’État_aux_Migrations (#SEM) amorcée en 2016, et que les autorités ont annoncé, en 2018, le réexamen des #admissions_provisoires de quelque 3’200 personnes.

    En 2020, le SEM et le TAF continuent à appliquer un #durcissement, alors que la situation des droits humains en #Érythrée ne s’est pas améliorée. Depuis près de quatre ans, les décisions de renvoi tombent. De 2016 à à la fin octobre 2020, 3’355 Érythréen·ne·s avaient reçu une décision de renvoi suite à leur demande d’asile.

    Un grand nombre de requérant·e·s d’asile se retrouvent ainsi débouté·e·s.

    Beaucoup des personnes concernées, souvent jeunes, restent durablement en Suisse, parce que très peu retournent en Érythrée sur une base volontaire, de peur d’y être persécutées, et qu’il n’y a pas d’accord de réadmission avec l’Érythrée. Au moment de la décision fatidique, elles perdent leur droit d’exercer leur métier ou de se former et se retrouvent à l’#aide_d’urgence. C’est donc à la constitution d’un groupe toujours plus important de jeunes personnes, exclues mais non renvoyables, que l’on assiste.

    C’est surtout en cédant aux pressions politiques appelant à durcir la pratique – des pressions renforcées par un gonflement des statistiques du nombre de demandes d’asile – que la Suisse a appréhendé toujours plus strictement la situation juridique des requérant∙e∙s d’asile provenant d’Érythrée. Sur le terrain, l’ODAE romand constate que ces durcissements se traduisent également par une appréciation extrêmement restrictive des motifs d’asile invoqués par les personnes. D’autres obstacles limitent aussi l’accès à un examen de fond sur les motifs d’asile. Au-delà de la question érythréenne, l’ODAE romand s’inquiète pour le droit d’asile au sens large. L’exemple de ce groupe montre en effet que l’application de ce droit est extrêmement perméable aux incitations venues du monde politique et peut être remaniée sans raison manifeste.

    https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7

    Pour télécharger le rapport :
    https://odae-romand.ch/wp/wp-content/uploads/2020/12/RT_erythree_2020-web.pdf

    #rapport #ODAE_romand #Erythrée #Suisse #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #droit_d'asile #protection #déboutés #permis_F #COI #crimes_contre_l'humanité #service_militaire #travail_forcé #torture #viol #détention_arbitraire #violences_sexuelles #accord_de_réadmission #réadmission #déboutés #jurisprudence #désertion #Lex_Eritrea #sortie_illégale #TAF #justice #audition #vraisemblance #interprètes #stress_post-traumatique #traumatisme #trauma #suspicion #méfiance #procédure_d'asile #arbitraire #preuve #fardeau_de_la_preuve #admission_provisoire #permis_F #réexamen #santé_mentale #aide_d'urgence #sans-papiers #clandestinisation #violence_généralisée

    ping @isskein @karine4