• Mohamed Sifaoui, les zones d’ombre d’un intrigant de l’Algérie au fonds Marianne
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/07/07/de-l-algerie-au-fonds-marianne-les-zones-d-ombre-de-l-intrigant-mohamed-sifa

    Epinglé par le rapport du Sénat sur le fonds Marianne dont il a bénéficié, le journaliste franco-algérien s’est imposé comme une figure de la lutte contre l’islam radical, adoubée par une partie de la gauche. Depuis son exil en France en 1999, son parcours dessine un personnage clivant et intéressé.

    [...]

    Mohamed Sifaoui est invité à « Tout le monde en parle », le talk-show de Thierry Ardisson. « Arrêt sur images » y consacre une émission. Sur le plateau de Daniel Schneidermann, Florence Bouquillat semble émettre, à demi-mot, des réserves sur sa collaboration avec son collègue [Enquête sur un réseau (islamiste), diffusé le 27 janvier 2003 sur France 2] : « J’ai fait attention dans ma manière de travailler avec lui, par exemple à toujours garder les cassettes avec moi. » Publiquement, elle en restera à cette phrase sibylline.

    Sauf à de très rares proches, la journaliste n’a jamais raconté que, quelques jours avant la diffusion du documentaire, elle a reçu un coup de fil des policiers du Quai des Orfèvres l’invitant à venir les voir. Intriguée, elle s’y rend. Et découvre qu’ils connaissent les moindres détails des entretiens réalisés. Pour elle, cela ne fait guère de doute que Sifaoui les avait tenus informés de l’état d’avancement de leur enquête.

    Contactée, Florence Bouquillat n’a ni infirmé ni confirmé cet épisode. En parallèle de ses activités de journaliste, Sifaoui travaillait-il avec la police française ? Patron de la Crim’ à l’époque, Frédéric Péchenard ne le confirme pas, sans pour autant l’exclure : « A ma connaissance, jamais M. Sifaoui ne nous a donnés d’informations, mais il se disait qu’il en donnait aux RG [Renseignements généraux], mais je ne sais pas si c’était vrai. » Quoi qu’il en soit, Florence Bouquillat et Mohamed Sifaoui ne se parleront plus jamais.


    Le journaliste franco-algérien Mohamed Sifaoui, devant le supermarché Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, à Paris, le 10 janvier 2015. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE

    https://justpaste.it/atkiv

    #escroc #SOS_Racisme #Licra #Printemps_républicain #Bauveau #Franc-Tireur #Fonds_Marianne

  • Appel à projets national 2021 – « Fonds MARIANNE »
    20 Avr 2021
    « pour promouvoir les valeurs républicaines et combattre les discours séparatistes : le « Fonds MARIANNE »
    https://www.cipdr.gouv.fr/appel-a-projets-national-2021-fonds-marianne

    Journal 20h00 - Édition du mercredi 29 mars 2023 | France tv
    de 00:19:00 à 0024:10 , l’argent du "Fond Marianne"
    https://www.france.tv/france-2/journal-20h00/4719109-edition-du-mercredi-29-mars-2023.html

    #Fond_Marianne #Mohamed_Sifaoui #Printemps_républicain

    • ENQUETE FRANCETV. Prévention de la radicalisation : où est l’argent du fonds Marianne ?
      Publié le 30/03/2023
      https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/enseignant-decapite-dans-les-yvelines/enquete-francetv-prevention-de-la-radicalisation-ou-est-l-argent-du-fon

      (...) Il y a deux ans, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), dirigé par le préfet Christian Gravel, lance un appel à projets pour « soutenir des actions en ligne, à portée nationale, destinées aux jeunes de 12 à 25 ans exposés aux idéologies séparatistes ». Le calendrier est serré. Moins d’un mois plus tard, le 7 juin 2021, le CIPDR fait savoir que « 17 dossiers ont été retenus (...) pour un montant global de 2 017 600 euros ». Cet ancien agent du ministère de l’Intérieur, en charge du suivi du fonds Marianne, revient sur la sélection des associations : « On s’est réuni en interministériel. Certes, on peut toujours critiquer la façon dont on choisit ceux qui vont obtenir ces financements et les délais aussi courts, car menés tambour battant, c’est critiquable, mais c’est le jeu. Il a fallu mettre en lumière l’action de l’Etat. »

      Expliquant ne pas vouloir « porter atteinte à la sécurité de ces porteurs de projets », Christian Gravel refuse de nous communiquer la liste des lauréats, leur nom, ainsi que la ventilation des subventions accordées. Nous avons fini par nous procurer cette liste : parmi les organisations sélectionnées, on compte une association sportive, une société de production audiovisuelle, ou un éditeur de bandes dessinées... Certaines structures obtiennent quelques dizaines de milliers d’euros de subventions, quand d’autres se voient attribuer plusieurs centaines de milliers d’euros.

      Quatre associations se partagent près d’1,3 million d’euros. Soit près de la moitié du fonds Marianne. Nous avons passé les associations au peigne fin. Et parmi elles, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation au service militaire (USEPPM) retient notre attention. L’association nichée au cœur du Ier arrondissement de Paris, née à la fin du XIXe siècle, présente un objet social en apparence très éloigné de l’appel d’offres. Elle est pourtant dotée de la plus importante subvention : 355 000 euros. Dans la convention d’attribution de subvention établie entre l’USEPPM et le CIPDR, l’association s’engage « à déployer un contenu multimédia, un message positif de réenchantement des valeurs de la république et un autre en déconstruction des attaques violentes subies par la République. »

      L’association, alors présidée par Cyril Karunagaran, un entrepreneur qui affiche un foisonnant CV (édition, restauration, immobilier et aujourd’hui cofondateur d’une entreprise de chaussures sur mesure), s’appuie sur Mohamed Sifaoui, un expert reconnu des questions de radicalisation et également administrateur de l’association. Christian Gravel connaît bien les deux hommes – ce qu’il niera dans un premier temps lors de notre interview avant de le reconnaître. Il partage avec eux une passion pour le close combat. (...)

  • [Macron] représente une sorte de condensé de la circulation et du traitement des idées dans une classe politicienne où la distance entre droite et extrême droite s’amenuise à la même vitesse que celle entre la gauche et la droite.

    Jacques Rancière
    https://seenthis.net/messages/944724

    Marine Le Pen lisse son discours sur l’identité pour amadouer la « gauche républicaine »
    https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/01/19/presidentielle-2022-marine-le-pen-lisse-son-discours-sur-l-identite-pour-ama

    A l’approche de sa troisième élection présidentielle, la candidate du Rassemblement national s’est peu à peu approprié la critique « anti-woke » présente dans une partie de la gauche.

    Printemps 2021. Un parfum de légumes mijotés flotte dans sa cuisine. Ce dimanche d’avril, à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), Marine Le Pen prépare un couscous-merguez. Son invitée arrive. Voix douce, ligne athlétique et coupe afro, Rachel Khan a publié l’essai Racée (L’Observatoire, 2021), qui étrille ce qu’elle nomme la « pensée victimaire » des nouveaux antiracistes. Née à Tours d’un père gambien musulman et d’une mère juive d’origine polonaise, elle croise le fer contre l’assignation identitaire avec un mordant qui séduit jusqu’à la droite conservatrice… et a tapé dans l’œil de la présidente du Rassemblement national (RN).

    Rachel Khan, aujourd’hui, coordonne un groupe de travail de La République en marche sur l’immigration, l’intégration et la laïcité, pour la future campagne d’Emmanuel Macron. La ministre chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, l’a faite marraine du Prix de la laïcité ; le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, lui a remis le Prix littéraire des droits de l’homme. En juillet, elle avait vu son essai couronné du Prix du livre politique à l’Assemblée nationale, où elle avait fustigé « une colonisation woke et racialiste », qu’elle assimile au racisme, et prôné « une identité infinie en relation avec l’autre ».

    Mais à l’heure où son livre paraît, en mars 2021, le ciel est orageux pour l’ancienne conseillère de Jean-Paul Huchon à la région Ile-de-France. Une avalanche d’attaques s’abat au sein d’une gauche déchirée sur l’identité, l’égalité et la laïcité. Le 16 mars, Rachel Khan reçoit un SMS. Son expéditeur lui confie son « sempiternel sentiment d’injustice qui [l]’étreint devant tant de méchanceté et de sectarisme ». « Je volerais bien à ton secours, mais pas sûr que ça n’aggrave pas la situation. Nous t’assurons de notre soutien, même discrètement. » Signé : « Marine Le Pen ».

    Un profond désaccord

    La patronne du RN sait le nom Le Pen radioactif. Discrètement, un rendez-vous est organisé par l’entremise d’un ami, Verlaine Djeni, ancien militant Les Républicains actif sur le site d’extrême droite Boulevard Voltaire contre le mouvement Black Lives Matter, né en soutien des Afro-Américains victimes de violences policières. A table, Rachel Khan découvre en Marine Le Pen une femme attachante et fragile… comme torturée par des démons traînés dans l’héritage de Jean-Marie Le Pen. « Ta campagne, c’est comme un championnat, lui souffle l’ancienne sportive de haut niveau. Tu dois gagner sur toi-même. » Et enterrer les marqueurs du Front national.

    Un profond désaccord sépare toutefois les deux femmes. Très opposée à la binationalité, Marine Le Pen veut imposer aux Français possédant un passeport extra-européen de choisir. En 2017, déjà, elle avait hérissé les communautés franco-libanaise et franco-israélienne, puis rétropédalé en imaginant des exceptions pour quelques pays… Quitte à traiter les Français à la carte, selon leurs origines. Rachel Khan, française et gambienne, plaide pour la culture et l’éducation ; son hôtesse n’envisage qu’interdit et sanction. Un malaise persiste que ne parvient pas à dissiper la photo souvenir prise avec la chef de file populiste, vite effacée.

    Cette rencontre n’était-elle qu’un malentendu ? A moins que, dans le secret gardé par Marine Le Pen, d’improbables chemins de convergence se soient esquissés ? L’idée que la patronne historique de l’extrême droite puisse gagner l’Elysée inquiète moins Rachel Khan que l’activisme des « indigénistes ». Ce sont eux, se désespère l’écrivaine en privé, qui attisent les blessures identitaires au point d’être « responsables de la mort de Samuel Paty », l’enseignant décapité par un terroriste islamiste.

    Une partie de la gauche dénonce avec force une « tenaille identitaire » entre l’extrême droite et les mouvements dits « woke », accusés de diviser la société. Son chef de file, Manuel Valls, qui vient de publier Zemmour, l’antirépublicain (L’Observatoire, 140 pages, 12 euros), voit dans les yeux doux de Marine Le Pen une manœuvre tactique limitée, mais non dénuée d’effets. « A force d’abandonner la nation, la laïcité, de céder à l’islam politique, un pan de la gauche s’est affaissé, déplore l’ancien premier ministre. Ça libère des énergies, ça ouvre des espaces. Une partie de l’électorat de gauche est déjà passée au lepénisme il y a trente ans. Aujourd’hui, la peur de l’islam s’additionne à l’effondrement ouvrier. Est-ce que cette peur peut dominer ? Il ne faut pas l’exclure. »

    « Il y a une convergence »

    Au RN, on a flairé cet air du temps, dans la logique du tournant laïciste que Marine Le Pen a opéré en purgeant son courant catholique traditionaliste. Son conseiller spécial, Philippe Olivier, confiait lorgner « la gauche républicaine et laïque » qui s’élève contre un islam conservateur. Bruno Gollnisch, ancien numéro deux du Front national, s’esclaffait devant sa télé : « Nos constats sont partagés par [l’ex-député socialiste et cofondateur de SOS-Racisme] Julien Dray, c’est extravagant ! Il est devenu plein de bon sens, il parle comme Le Pen. »

    En écho, le président du RN, Jordan Bardella, se félicite après une interview où il a qualifié le rappeur Youssoupha de « racaille » : « Le Printemps républicain tient un discours similaire au nôtre. J’écoute [le président du mouvement] Amine El Khatmi sur CNews et je pourrais dire la même chose. Il y a une convergence entre deux milieux infranchissables. » Un piège facile, tendu à une gauche éparpillée, laquelle perçoit un peu moins Marine Le Pen comme la figure d’une extrême droite nationaliste et xénophobe, selon le dernier baromètre Kantar Public pour Le Monde.

    La députée du Pas-de-Calais a donc affûté sa critique des militants antiracistes. « Ce sont eux, les vrais séparatistes », assène-t-elle lors du débat à l’Assemblée sur le projet de loi « séparatisme » au printemps 2021. « Ces théories sont anticonstitutionnelles et comparables au Ku Klux Klan », dit-elle au Monde début janvier, le jour où la Sorbonne accueille un colloque controversé « anti-wokisme ». Ce concept fourre-tout, peu connu des Français, l’est moins encore des seuls électeurs du RN, selon un sondage de l’IFOP de février 2021.

    Au congrès du parti à Perpignan, le porte-parole du RN Sébastien Chenu avait longuement discouru contre la « culture woke », décriant le fait qu’« il y a une égalité raciale à imposer » et « d’éternelles victimes »… La salle avait applaudi mollement. Qu’importe, Marine Le Pen renouvelle son discours identitaire au nom de la République et de « l’unité nationale », dans l’objectif, le moment venu, de dissuader une partie des électeurs de gauche de se mobiliser contre elle.

    Sa vision n’a pourtant guère évolué. Chantre d’une « société unifiante », elle combat les politiques de lutte contre les discriminations qu’elle juge déviantes. Une réflexion à l’Opéra de Paris pour mieux représenter la diversité dans les ballets ? Elle s’alarme que des œuvres de Rudolf Noureev disparaissent du répertoire « au nom d’un antiracisme devenu fou ». Mieux refléter la population française à la télévision ? Elle accuse le CSA de publier « une sinistre comptabilité ethnique ». Quand le chef de l’Etat confie à des historiens le soin d’exhumer des héros français nés de l’immigration, de Marc Chagall à Paulette Nardal, elle le qualifie de « grand séparatiste » et fustige « un concours pour trouver 300 noms d’Arabes et de Noirs ». « Il n’y a pas de héros arabes pour les Arabes, noirs pour les Noirs… », poursuit-elle, omettant que ces noms enrichissent le corpus de tous les Français.

    Se montrer humaine

    Si le RN accuse les activistes de la gauche intersectionnelle de « détester ce pays », il fait planer ce soupçon sur les Français d’origine étrangère. Karim Benzema aussitôt réintégré dans l’équipe de France, les cadres de Marine Le Pen relaient une « fake news » circulant dans les milieux d’extrême droite selon laquelle le footballeur se sentirait plus algérien que français. Une défiance liée à un projet de discrimination assumée des étrangers, porté par une vision nativiste, selon laquelle plus l’on est perçu comme étant présent de longue date dans le pays, plus l’on y est légitime.

    Mais, à l’inverse de son père, Marine Le Pen se garde de citer la théorie raciste du « grand remplacement ». C’est en plus habile politique qu’elle surfe sur les peurs culturelles et identitaires. Elle affirme que l’islam est compatible avec la République, point de bascule qui la distingue d’Eric Zemmour. Tout faux pas, sait-elle, lui revient en boomerang. En mars 2021, elle répond aux accusations de xénophobie et de racisme sur BFM-TV : « Moi je n’ai pas de sentiments négatifs à l’égard des étrangers, j’ai aucune haine, aucune peur. » Mais pour l’illustrer, elle évoque… l’outre-mer. Les soutiens d’Emmanuel Macron s’empressent de souligner ce raccourci qui assimile étrangers et Français ultramarins par la couleur de peau.
    Jouer l’unité pour pénétrer des « milieux infranchissables », mais aussi se montrer humaine, libérée des « forces internes » du lepénisme. Ostracisée à l’école, boudée par la clientèle lorsqu’elle se rêvait avocate, Marine Le Pen dit avoir souffert de l’exclusion. « Je sais ce que c’est d’être discriminée, s’épanche-t-elle auprès du Monde. Dans les élites, je suis la seule à l’avoir été vraiment. C’est pour ça que je suis aussi dure, que je veux séparer le bon grain de l’ivraie. » « Marine n’a jamais été le diable. Il y a de petits diables mais elle essaie de les écarter, la défend Wallerand de Saint-Just, rare historique gravitant encore dans sa garde rapprochée. Notre slogan, c’est “Les Français d’abord” ; ça veut dire qu’il peut y avoir les autres ensuite. »
    Quelques mois après son couscous dominical, Marine Le Pen a abandonné sa chasse à la binationalité. Elle veut toujours soumettre les binationaux à la déchéance de nationalité en cas de crimes graves, et traquer les « complices » de « l’idéologie islamiste ». Mais l’interdiction d’appartenir à deux pays disparaît de son projet sur l’identité et l’immigration, puis de son programme pour 2022. « Cela inquiète inutilement les Français d’origine étrangère », glissait la candidate cet automne, persuadée que « la France a changé »… et décidée, surtout, à montrer qu’elle n’est plus tout à fait la même.

    #gauche_républicaine #PS #PCF #Printemps_républicain #LREM #RN

    • Et ça risque bien de fonctionner !

      Présidentielle : Marine Le Pen vue comme « un danger pour la démocratie » par seulement 50 % des Français.
      Zemmour aura vraiment été l’idiot utile de la dédiabolisation définitive du RN !

      C’est pourquoi le seul choix possible malgré l’excellente tribune de Jacques Rancière, c’est le vote de rupture pour un meilleur Avenir en commun.
      Même les troskistes de la 4ème Internationale (pour avoir assister à l’une de leur réunion dans mon département) préconisent d’utiliser ce vote pour rompre avec le système.

      Ensuite il sera toujours temps de s’organiser pour la mise en place de mouvements autonomes type notre Dame des Landes ou de se réapproprier les moyens de production ou de reconstruire des structures, des lieux de délibération ...

      Sinon seule une catastrophe écologique, ou une révolte de masse et grêve générale qui à elles deux ne sont pas prêtes de se produire, nous permettra de retrouver cette époque où existait une organisation solidaire de la vie et des formes de solidarité sociale.

      Amen ! :)))

    • mais moi aussi j’avais [edit j’aurais !] pu l’utiliser ce vote ! mais avec la manière d’essayer de concrétiser la promesse de vaincre qu’ils se ont faite (dénégation galavanisatrice ? sans doute, mais ça rend bête) la LFI en fait beaucoup pour l’interdire.

      la seule chance de pouvoir en faire usage, pour ce qui me concerne, c’est une occasion surgie du réel les contraignent au vrai. ça a pas été le cas de la pandémie. je suis pas sûr que vienne un grève importante ou une mobilisation lycéenne qui serait en mesure de les faire obéir, en plus de prétendre diriger (vers tant d’ornières, voire le précipice, cf. la porosité avec des thèses et postures fascisantes sur fond de virilisme et de « pensée » en majesté...).

  • Roussel manifestant avec la police, c’était le Printemps républicain. Hier soir, le PCF organisait un hommage à Charlie. Parmi les invités à la tribune, place du Colonel Fabien : Fourest, Gorce et Aram.
    Source, Elsa Faucillon, Députée des Hauts-de-Seine (Gennevilliers, Colombes, Villeneuve), PCF
    .https://twitter.com/ElsaFaucillon/status/1479160731350319108

    Le Colonel Fabien était un résistant de la première heure, dès 1939, peu après la signature du pacte germano soviétique.

    #PCF #Printemps_républicain #honte

  • Ce que Nathalie Heinich fait à la méthode scientifique | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/opinion/2021/05/30/ce-que-nathalie-heinich-fait-a-la-methode-scientifique

    Avec le bien nommé « Tract » qu’elle vient de publier chez Gallimard, Nathalie Heinich place le lecteur face à un dilemme : d’un côté, la tentation de ne pas répondre à un texte qui méprise les règles élémentaires de la discussion scientifique et collective ; de l’autre, la nécessité de combattre des attaques aussi graves et aussi fausses énoncées depuis une position de pouvoir. C’est la seconde solution, imparfaite comme la première, que les auteurs de ce texte ont choisie.

    #Science #Université #Idéologie #Sociologie

    • Il faut dire que l’entretien était particulièrement gratiné

      lundi 31 mai 2021

      Ce que Nathalie Heinich fait à la méthode scientifique

      Par Arnaud Saint-Martin et Antoine Hardy
      Sociologue, Politiste

      Avec le bien nommé « Tract » qu’elle vient de publier chez Gallimard, Nathalie Heinich place le lecteur face à un dilemme : d’un côté, la tentation de ne pas répondre à un texte qui méprise les règles élémentaires de la discussion scientifique et collective ; de l’autre, la nécessité de combattre des attaques aussi graves et aussi fausses énoncées depuis une position de pouvoir. C’est la seconde solution, imparfaite comme la première, que les auteurs de ce texte ont choisie.

      Dans le numéro 29 de la collection « Tracts » de Gallimard, la sociologue Nathalie Heinich se demande Ce que le militantisme fait à la recherche. La thèse défendue est celle de la « contamination de la recherche par le militantisme ». Il s’agit en réalité de réserver le qualificatif de militants à des travaux qui concernent les questions décoloniales, de genre, de race ou encore d’intersectionnalité pour les disqualifier scientifiquement, tout en les considérant complice d’un « terreau » qui conduit au terrorisme.

      C’est une démarche qui n’est ni récente ni isolée mais qui est toutefois, sur le fond et la forme, d’une gravité particulière. Pour comprendre cette nouvelle tentative, il faut d’abord partir du texte en lui-même avant de le replacer parmi les interventions précédentes de son autrice ainsi que dans un contexte où les tentatives sont nombreuses pour saper les libertés académiques, l’autonomie intellectuelle et la critique sociale.
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      Le texte de Nathalie Heinich est publié dans une collection qui se veut généraliste et qui n’est bien sûr pas tenue par les règles des publications scientifiques. Le problème n’est pas que ce soit un texte militant ou d’intervention. Ce sont que des accusations aussi lourdes soient formulées sans aucune preuve, le tout par une sociologue, directrice de recherche au CNRS, reconnue pour ses travaux. Son propos a pourtant reçu une large audience avec une interview d’une vingtaine de minutes dans la matinale de France Inter, le 28 mai 2021.

      Les « preuves » avancées, sur une courte période (2012-2021), sont en effet très hétéroclites et presque totalement extérieures à la production scientifique[1]. Très peu d’universitaires sont cités et, le plus souvent, pour des interventions médiatiques ou non scientifiques. Aucun travail ne fait l’objet d’une analyse ou d’une réfutation sérieuse. Les différents champs évoqués ne sont en rien historicisés. Résultat : une menace décrite comme d’autant plus immense et terrifiante qu’elle n’est jamais clairement définie ni prouvée.

      Certains de ces exemples sont rappelés ici de façon non-exhaustive mais clairement représentative de sa démarche. Deux articles scientifiques sont cités (un de la chercheuse Rachele Borghi en 2012 et un article dans la revue Multitudes en 2015) mais au titre d’une furtive illustration. Ce sont également des livres mais publiés dans des collections ou chez des éditeurs qui ne relèvent pas au sens strict d’une publication scientifique (par exemple, un livre de Michel et Monique Pinçon Charlot publié en 2019 sous le label Zones des éditions La Découverte ou un livre de Christine Delphy publié en 2008 à La Fabrique). Elle évoque plusieurs interventions récentes mais qui sont médiatiques (par exemple celles de Michel Wieviorka, Sandra Laugier et Ludivine Bantigny entre le 8 et 23 mars 2021).

      Elle mentionne encore un appel à communication de l’Association française de sociologie, qui, en 2017, formulait l’interrogation suivante à propos de la sociologie : « s’agit-il seulement de contribuer à la connaissance de la réalité (dans sa dimension proprement sociale), ce à quoi semble parfois se résumer sa raison d’être, ou la sociologie peut-elle aussi, et à quelles conditions, participer à la dynamique de changements des pouvoirs et de l’ordre social ? ». Cette question, pourtant ancienne (celle des liens entre savoirs et pouvoirs), est ici transformée en une autre par Nathalie Heinich : « ne se croirait-on pas revenu à la douce époque de la « science prolétarienne » ? ».

      Nathalie Heinich adopte le pire des postures mandarinales pour autoriser ce qui peut ou ne peut pas être dit.

      Ce n’est pas la seule malhonnêteté intellectuelle de ce texte. De nombreux exemples ne sont pas identifiables et s’avèrent simplement invérifiables. Elle mentionne ainsi une phrase tirée d’une thèse dont on ne connaît ni le titre ni l’auteur (« ma thèse s’adresse autant au monde universitaire qu’aux activistes et correspond à un engagement personnel »), sans préciser où elle se situe dans le manuscrit, le tout pour prouver un engagement militant. Nathalie Heinich adopte le pire des postures mandarinales pour autoriser ce qui peut ou ne peut pas être dit. Sur la forme, comment une chercheuse peut-elle contrevenir à ce point aux règles minimales de la discussion aussi bien scientifique que collective ? Sur le fond, pourquoi un travail de thèse ne pourrait-il pas correspondre à un « engagement personnel » ?

      Autre exemple : lorsque la ministre de l’Enseignement supérieure et de la recherche, Frédérique Vidal, avait demandé en février 2021 une enquête au CNRS sur le prétendu « islamogauchisme » à l’université, le CNRS avait réagi par l’intermédiaire d’un communiqué pour affirmer que ce « slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique ». Or, Nathalie Heinich réduit la réaction officielle de l’institution à celle de son « service de presse ». Les prétendues preuves à l’appui de sa démonstration sont tronquées, manipulées ou inexistantes. Pourtant, si la menace était réelle, elle aurait justement laissé des traces conséquentes dans un pays qui compte 57 000 enseignants-chercheurs, environ 70 000 doctorantes et doctorants[2] ou encore des centaines de revues scientifiques.

      Nathalie Heinich affirme qu’il n’y a « rien de plus répétitif donc, de plus monotone et standardisé que ces sujets de thèse, de colloques, de numéros de revue, de séminaires consacrés au « genre », à la « domination », aux « discriminations », à la « racialisation ». Un article du chercheur Albin Wagener rappelait pourtant que l’étude des thèses et publications sur quatre portails (theses.fr, HAL, Cairn, Open Edition) identifiait la présence de termes comme « intersectionnalité », « décolonial », « racisé » dans seulement 0,038 % (pour le plus bas) à 2,38 % (pour le plus élevé) du corpus étudié. Elle met de son côté en avant une étude qui a ajouté les mots « genre » ou « islamophobie » et élargi les sources aux séminaires et aux colloques pour affirmer que « ces termes constituent plus de la moitié de l’ensemble du corpus ainsi élargi ». C’est d’ailleurs un chiffre de 50 % qu’elle mentionne lors de son interview à France Inter.

      Or, la construction de ce chiffre est à rebours de la méthode scientifique. Le sociologue Gilles Bastin en démontre tous les travers : en partant de certains mots-clefs (genre, décolonial, etc.), les auteurs ont omis que « ces termes sont surtout polysémiques et peuvent être employés dans des contextes totalement étrangers aux questions idéologiques qui obsèdent l’Observatoire du décolonialisme. C’est notamment le cas de « genre » et de « discrimination » dont l’emploi conduit à compter dans le corpus des articles sur le genre romanesque ou la discrimination entre erreur et vérité. » Nathalie Heinich glisse ainsi de la critique du militantisme à la qualification de militantisme par la présence d’un mot ou de plusieurs. Comment est-il possible de juger de la scientificité d’un travail sur la base d’un mot sauf en ayant une approche strictement idéologique qui disqualifie tout travail qui contiendrait l’un de ces termes ? C’est pourtant bien de cela dont il s’agit.

      Au-delà de ces bidouillages, elle formule des accusations d’une extrême gravité qui méritent d’être citées entièrement :

      « Cet islamogauchisme s’inscrit dans un paysage académique au sein duquel progresse, au mépris du savoir scientifique, l’idéologie “décoloniale”, qui fait de la race l’alpha et l’oméga de toute identité “dominée”, de la “domination” la clé de lecture unique du monde, et des discriminations racistes le résultat d’un “racisme d’État”, lequel justifierait dès lors toutes les formes de lutte, y compris les plus violentes – et l’on voit bien ici comment peut s’opérer le glissement de la manipulation intellectuelle dans le monde universitaire à l’endoctrinement des esprits faibles. Il arrive que le militantisme académique ne menace pas seulement le monde de l’enseignement et de la recherche. »

      Lors d’un entretien avec l’essayiste réactionnaire Eugénie Bastié, pour le site Internet du FigaroVox, trois jours avant la publication, Nathalie Heinich avait formulé des accusations similaires mais d’une manière encore plus brutale. Les chercheurs qu’elle rattache à des « courants des sciences humaines et sociales issus d’une tradition militante d’extrême gauche » contribuent selon elle « à légitimer le terreau dans lequel s’épanouissent les assassins de l’école Ozar Hatorah, de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher ou des terrasses de l’Est parisien ».

      Ce type d’intervention qui cherche d’un côté à délégitimer le travail de certains collègues et, de l’autre, à les rendre complices du terrorisme, n’est que la suite d’une longue série depuis la querelle de « l’excuse sociologique » réengagée par Manuel Valls[3]. C’est la marque d’une grande inconséquence morale et intellectuelle que d’en offrir un nouvel épisode avec une absence complète de preuve et une malhonnêteté totale dans la démonstration.

      La vision qui sous-tend cette réflexion exprime l’illusion d’une science « neutre ».

      Les interventions de Nathalie Heinich sont nombreuses en ce sens. En février 2021, avec des collègues, elle soutenait la dénonciation par la ministre Frédérique Vidal de ce prétendu « islamo-gauchisme » à l’université, en insistant sur le « dévoiement militant de l’enseignement et de la recherche ». En janvier 2021, elle signait l’appel de « l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires » qui se donnait pour mission d’alerter sur la « la vague identitaire sans précédent au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche » : « un mouvement militant entend y imposer une critique radicale des sociétés démocratiques, au nom d’un prétendu « décolonialisme » et d’une « intersectionnalité » qui croit combattre les inégalités en assignant chaque personne à des identités de « race » et de religion, de sexe et de « genre » ». Le texte publié chez Gallimard est d’ailleurs la reprise d’une première version publiée sur le site de cet « Observatoire », le 4 mars 2021.

      Quelques mois plus tôt, en octobre 2020, dans le contexte de l’assassinat de Samuel Paty, Nathalie Heinich signait une autre tribune collective dont le message ciblait également le militantisme ou, plus précisément, la fausse idée que les signataires s’en font. Et d’asséner : « l’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le conformisme intellectuel, la peur et le politiquement correct sont une véritable menace pour nos universités ».

      Cette dénonciation du militantisme à l’université n’est pas récente. À France Culture, en septembre 2015, Nathalie Heinich expliquait comment son ancien directeur de thèse, Pierre Bourdieu, aurait été « très tordu entre deux positions » : « la position de chercheur qu’il a d’abord été essentiellement, quelqu’un qui est payé pour produire et transmettre du savoir avec une visée de vérité et de l’autre côté ce qu’on appelle l’intellectuel, le tribun qui intervient dans l’espace public avec un impératif d’engagement et non pas de neutralité pour rechercher la vérité ».

      Cette interprétation, rétrospective et biaisée, simplifie à l’excès la stratégie d’intervention que Pierre Bourdieu s’est efforcé de mettre en oeuvre durant sa carrière, au nom d’un « intellectuel collectif » voué à défendre et illustrer l’attitude critique dans l’espace public – et pas seulement dans le cadre de séminaires[4]. La vision qui sous-tend cette réflexion exprime l’illusion d’une science « neutre », où la construction des connaissances n’aurait rien à voir avec la politique alors qu’elle est liée à cette dernière (en matière de postes et de financements ainsi que de la forme – pérenne ou par projet – que peuvent prendre ces derniers). Difficile de croire à une recherche pure, détachée de la politique, flottant au-dessus du monde social.

      Nathalie Heinich ne condamne pas en soi le militantisme mais le refuse dans la salle de classe ou dans les publications scientifiques. Pourtant, de telles publications sont bien jugées par des pairs qui sont capables de faire la différence entre une opinion militante et une démonstration scientifique. Elle réduit par ailleurs le militantisme, de manière étroite, à une « énergie essentiellement émotionnelle » et semble ignorer de nombreux travaux scientifiques qui montrent comment science et militantisme entretiennent en réalité des relations fécondes. Par exemple en termes de recherches biomédicales, les connaissances et combats d’activistes malades du SIDA ont pu utilement remodeler l’agenda de recherche[5]. Le militantisme peut aussi faire progresser la science en entraînant des recherches dans des domaines qui sont peu ou pas étudiés[6].

      Les interventions de Nathalie Heinich sont enfin à replacer dans un contexte plus large. La méthode de son texte fait tout d’abord écho à celle employée dans les réformes de l’enseignement supérieur et la recherche depuis une quinzaine d’années, dont la Loi de programmation de la recherche (LPR) a représenté un exemple typique. Ce projet de loi était en effet resté longtemps imprécis et indéfini, ce qui a étouffé tout travail possible et a permis facilement à ses partisans de qualifier les critiques de « fantasmes » ou d’« exagérations ».

      Thibaut Rioufreyt et Camille Noûs parlent en ce sens d’une « gouvernementalité de l’insaisissable » : « loin d’être là simplement un accident ou une maladresse, on peut en effet faire l’hypothèse que l’opacité, le flou et la variation des énoncés mis en avant par l’analyse constituent une stratégie adaptée pour faire passer une réforme dont l’immense majorité de la communauté académique ne veut pas. »[7] C’est le même effet que procure la lecture de Nathalie Heinich : quelque chose d’insaisissable, et de voulu comme tel, pour paralyser la critique.

      L’usage social de ces faux ennemis permet ensuite de faire diversion. Au moment où des étudiants expliquaient devoir voler dans les magasins pour se nourrir et que les files d’attente aux distributions alimentaires s’allongeaient, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche recourrait à cette dénonciation, déjà citée, du prétendu « islamo-gauchisme » à l’université. Le politiste Samuel Hayat a bien expliqué comment ce terme permet « aux personnes qui l’utilisent d’amalgamer en un tout cohérent une série d’attitudes et de positions très diverses – et de jouer sur l’ambiguïté que cet amalgame autorise ».

      Avec une conséquence que le mathématicien David Chavalarias a montré puisque de tels propos ont en effet atteint « la mer », c’est-à-dire ces comptes du réseau social Twitter qui parlent de politique sans pour autant pouvoir être identifiés à une famille politique. Et de conclure que, en termes de diffusion, « les ministres du gouvernement ont réussi à faire en quatre mois ce que l’extrême-droite a peiné à faire en plus de quatre années ».

      Les moyens de militer et de protester sont, enfin, de plus en plus fragilisés. Deux amendements supprimés de la récente LPR nous renseignent bien sur le climat ambiant. Le premier proposait de subordonner la liberté académique aux « valeurs républicaines ». Or, pour respecter la République, il y a la loi. Le second amendement supprimé voulait condamner le « fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité (…) ou y avoir été autorisé (…), dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ». Cela en aurait été largement fini des grèves et des manifestations sur les campus.

      Les moyens de militer et de protester sont, enfin, de plus en plus fragilisés.

      Le militantisme est bien davantage menacé que menaçant. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, la précarité des personnels ampute leur capacité de protester. Cette précarité n’est plus, comme l’explique l’historien Christophe Granger, une étape pénible avant la stabilité. Elle est devenue la condition du métier. Les conséquences sont multiples. Pas de stabilité, de projection dans le temps, de capacité à s’installer quelque part et de construire une vie sereine. Ce « système organisé d’incertitude » a une conséquence terrible pour celles et ceux qui le subissent : « il les rive à un présent qui, faute de la moindre certitude valable, n’en finit pas de se vivre au présent »[8].

      Comment penser les luttes collectives quand la course personnelle pour obtenir un poste est si intense ? Comment s’investir dans un campus quand le contrat qui vous y attache est de très court-terme et qu’il faut tout le temps réfléchir à la prochaine candidature ? La concurrence pour les postes et les ressources épuise, désorganise et crame une énergie psychique considérable. Les destins séparés des statutaires et des précaires, même si ce mot ne doit pas faire croire à une réalité homogène tant les inégalités sont extrêmement diverses, complexifie la formation d’un front uni pour s’opposer et proposer autre chose.

      Plus largement, les possibilités de protester sont aussi entravées par la sophistication et l’amplification des dispositifs de surveillance[9] et par des violences policières, légales et illégales, qui tétanisent et effraient, notamment, mais pas seulement, les personnes qui manifestent ou s’organisent[10] et les journalistes qui en rendent compte. L’État de droit n’est pas une simple série de lois et de règles, aujourd’hui en danger. C’est aussi une atmosphère qui ne cesse de se dégrader.

      Pour conclure, un texte comme celui de Nathalie Heinich place le lecteur face à un dilemme : d’un côté, une tentation de ne pas répondre à un texte qui méprise les règles élémentaires de la discussion scientifique et collective ; de l’autre, la nécessité de combattre des attaques aussi graves et aussi fausses énoncées depuis une position de pouvoir. C’est la seconde solution, imparfaite comme la première, que nous avons choisie.

      S’il s’agit d’identifier ce qui menace l’université, les problèmes sont largement documentés : le manque de postes, de financements pérennes et de nouvelles universités pour accueillir l’augmentation massive du nombre d’étudiantes et d’étudiants alors que sur la même période, le nombre de professeurs des universités ou de maîtres de conférences n’a pas évolué. Et comme le souligne plusieurs universitaires, « ces trois dernières années, le budget des universités a crû de 1,3 % par an, ce qui est inférieur à l’effet cumulé de l’inflation et de l’accroissement mécanique de la masse salariale ». Nathalie Heinich aurait pu prêter sa notoriété à de telles causes.

      Réfléchir aux conditions sociales du travail scientifique serait plus utile que la mise en scène de ces faux ennemis. C’est ce que fait par exemple Nature, dans un éditorial publié une semaine avant le texte de Nathalie Heinich, où la revue écrit que « le racisme dans la science est endémique parce que le système qui produit et enseigne la connaissance scientifique a, pendant des siècles, donné une fausse image, marginalisé et maltraité les personnes de couleurs et des communautés sous représentées. Le système de la recherche a justifié le racisme – et, trop souvent, des scientifiques occupant des positions de pouvoir ont bénéficié de celui-ci. Ce système inclut l’organisation de la recherche : comment elle est financée, publiée et évaluée. »

      C’est ce qu’il serait aussi possible de faire face au dévoiement de la recherche à des fins économiques. Que ce soit pour le tabac, le bisphénol A ou les néonicotinoïdes, la recherche scientifique a pu être détournée par des intérêts privés. La tactique était, et reste, souvent simple et redoutable : dire que les données qui prouvent un problème ne suffisent pas et qu’il faut faire davantage de recherche. Le doute, en la matière, est déjà une victoire pour les industriels. Il n’est plus la conséquence de ce qui n’a pas été exploré mais de ce qui est volontairement obscurci[11]. Au service de ce doute devenu produit[12], les techniques sont aujourd’hui de plus en plus sophistiquées[13] et cet enfumage généralisé empêche de se repérer. Car si on ne distingue plus ce qui est vrai de ce qui est faux, comment être encore capable de critiquer quoi que ce soit ?

      Or, c’est bien ce qui se passe à propos du texte de Nathalie Heinich : une scientifique reconnue nous parle de quelque chose qu’elle juge très grave sans aucune preuve. Elle aurait pu choisir de lutter contre les dangers réels qui menacent aussi bien la recherche que l’université. Au lieu de cela, elle préfère s’abîmer dans la dénonciation de dangers fantasmés qui ne servent qu’une chose : populariser les idées d’extrême-droite.

      Arnaud Saint-Martin

      Sociologue, Chercheur au CNRS, rattaché au Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne (CNRS, EHESS, Paris 1)

      Antoine Hardy

      Politiste, Doctorant en sciences politiques au Centre Emile Durkheim, Université de Bordeaux

    • Dans le numéro 29 de la collection « Tracts » de Gallimard, la sociologue Nathalie Heinich se demande_ Ce que le militantisme fait à la recherche_. La thèse défendue est celle de la « contamination de la recherche par le militantisme ». Il s’agit en réalité de réserver le qualificatif de militants à des travaux qui concernent les questions décoloniales, de genre, de race ou encore d’intersectionnalité pour les disqualifier scientifiquement, tout en les considérant complice d’un « terreau » qui conduit au terrorisme.

      C’est une démarche qui n’est ni récente ni isolée mais qui est toutefois, sur le fond et la forme, d’une gravité particulière. Pour comprendre cette nouvelle tentative, il faut d’abord partir du texte en lui-même avant de le replacer parmi les interventions précédentes de son autrice ainsi que dans un contexte où les tentatives sont nombreuses pour saper les libertés académiques, l’autonomie intellectuelle et la critique sociale.

      Le texte de Nathalie Heinich est publié dans une collection qui se veut généraliste et qui n’est bien sûr pas tenue par les règles des publications scientifiques. Le problème n’est pas que ce soit un texte militant ou d’intervention. Ce sont que des accusations aussi lourdes soient formulées sans aucune preuve, le tout par une sociologue, directrice de recherche au CNRS, reconnue pour ses travaux. Son propos a pourtant reçu une large audience avec une interview d’une vingtaine de minutes dans la matinale de France Inter, le 28 mai 2021.

      Les « preuves » avancées, sur une courte période (2012-2021), sont en effet très hétéroclites et presque totalement extérieures à la production scientifique[1]. Très peu d’universitaires sont cités et, le plus souvent, pour des interventions médiatiques ou non scientifiques. Aucun travail ne fait l’objet d’une analyse ou d’une réfutation sérieuse. Les différents champs évoqués ne sont en rien historicisés. Résultat : une menace décrite comme d’autant plus immense et terrifiante qu’elle n’est jamais clairement définie ni prouvée.

      Certains de ces exemples sont rappelés ici de façon non-exhaustive mais clairement représentative de sa démarche. Deux articles scientifiques sont cités (un de la chercheuse Rachele Borghi en 2012 et un article dans la revue Multitudes en 2015) mais au titre d’une furtive illustration. Ce sont également des livres mais publiés dans des collections ou chez des éditeurs qui ne relèvent pas au sens strict d’une publication scientifique (par exemple, un livre de Michel et Monique Pinçon Charlot publié en 2019 sous le label Zones des éditions La Découverte ou un livre de Christine Delphy publié en 2008 à La Fabrique). Elle évoque plusieurs interventions récentes mais qui sont médiatiques (par exemple celles de Michel Wieviorka, Sandra Laugier et Ludivine Bantigny entre le 8 et 23 mars 2021).

      Elle mentionne encore un appel à communication de l’Association française de sociologie, qui, en 2017, formulait l’interrogation suivante à propos de la sociologie : « s’agit-il seulement de contribuer à la connaissance de la réalité (dans sa dimension proprement sociale), ce à quoi semble parfois se résumer sa raison d’être, ou la sociologie peut-elle aussi, et à quelles conditions, participer à la dynamique de changements des pouvoirs et de l’ordre social ? ». Cette question, pourtant ancienne (celle des liens entre savoirs et pouvoirs), est ici transformée en une autre par Nathalie Heinich : « ne se croirait-on pas revenu à la douce époque de la « science prolétarienne » ? ».

      Nathalie Heinich adopte le pire des postures mandarinales pour autoriser ce qui peut ou ne peut pas être dit.

      Ce n’est pas la seule malhonnêteté intellectuelle de ce texte. De nombreux exemples ne sont pas identifiables et s’avèrent simplement invérifiables. Elle mentionne ainsi une phrase tirée d’une thèse dont on ne connaît ni le titre ni l’auteur (« ma thèse s’adresse autant au monde universitaire qu’aux activistes et correspond à un engagement personnel »), sans préciser où elle se situe dans le manuscrit, le tout pour prouver un engagement militant. Nathalie Heinich adopte le pire des postures mandarinales pour autoriser ce qui peut ou ne peut pas être dit. Sur la forme, comment une chercheuse peut-elle contrevenir à ce point aux règles minimales de la discussion aussi bien scientifique que collective ? Sur le fond, pourquoi un travail de thèse ne pourrait-il pas correspondre à un « engagement personnel » ?

      Autre exemple : lorsque la ministre de l’Enseignement supérieure et de la recherche, Frédérique Vidal, avait demandé en février 2021 une enquête au CNRS sur le prétendu « islamogauchisme » à l’université, le CNRS avait réagi par l’intermédiaire d’un communiqué pour affirmer que ce « slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique ». Or, Nathalie Heinich réduit la réaction officielle de l’institution à celle de son « service de presse ». Les prétendues preuves à l’appui de sa démonstration sont tronquées, manipulées ou inexistantes. Pourtant, si la menace était réelle, elle aurait justement laissé des traces conséquentes dans un pays qui compte 57 000 enseignants-chercheurs, environ 70 000 doctorantes et doctorants[2] ou encore des centaines de revues scientifiques.

      Nathalie Heinich affirme qu’il n’y a « rien de plus répétitif donc, de plus monotone et standardisé que ces sujets de thèse, de colloques, de numéros de revue, de séminaires consacrés au « genre », à la « domination », aux « discriminations », à la « racialisation ». Un article du chercheur Albin Wagener rappelait pourtant que l’étude des thèses et publications sur quatre portails (theses.fr, HAL, Cairn, Open Edition) identifiait la présence de termes comme « intersectionnalité », « décolonial », « racisé » dans seulement 0,038 % (pour le plus bas) à 2,38 % (pour le plus élevé) du corpus étudié. Elle met de son côté en avant une étude qui a ajouté les mots « genre » ou « islamophobie » et élargi les sources aux séminaires et aux colloques pour affirmer que « ces termes constituent plus de la moitié de l’ensemble du corpus ainsi élargi ». C’est d’ailleurs un chiffre de 50 % qu’elle mentionne lors de son interview à France Inter.

      Or, la construction de ce chiffre est à rebours de la méthode scientifique. Le sociologue Gilles Bastin en démontre tous les travers : en partant de certains mots-clefs (genre, décolonial, etc.), les auteurs ont omis que « ces termes sont surtout polysémiques et peuvent être employés dans des contextes totalement étrangers aux questions idéologiques qui obsèdent l’Observatoire du décolonialisme. C’est notamment le cas de « genre » et de « discrimination » dont l’emploi conduit à compter dans le corpus des articles sur le genre romanesque ou la discrimination entre erreur et vérité. » Nathalie Heinich glisse ainsi de la critique du militantisme à la qualification de militantisme par la présence d’un mot ou de plusieurs. Comment est-il possible de juger de la scientificité d’un travail sur la base d’un mot sauf en ayant une approche strictement idéologique qui disqualifie tout travail qui contiendrait l’un de ces termes ? C’est pourtant bien de cela dont il s’agit.

      Au-delà de ces bidouillages, elle formule des accusations d’une extrême gravité qui méritent d’être citées entièrement :

      « Cet islamogauchisme s’inscrit dans un paysage académique au sein duquel progresse, au mépris du savoir scientifique, l’idéologie “décoloniale”, qui fait de la race l’alpha et l’oméga de toute identité “dominée”, de la “domination” la clé de lecture unique du monde, et des discriminations racistes le résultat d’un “racisme d’État”, lequel justifierait dès lors toutes les formes de lutte, y compris les plus violentes – et l’on voit bien ici comment peut s’opérer le glissement de la manipulation intellectuelle dans le monde universitaire à l’endoctrinement des esprits faibles. Il arrive que le militantisme académique ne menace pas seulement le monde de l’enseignement et de la recherche. »

      Lors d’un entretien avec l’essayiste réactionnaire Eugénie Bastié, pour le site Internet du FigaroVox, trois jours avant la publication, Nathalie Heinich avait formulé des accusations similaires mais d’une manière encore plus brutale. Les chercheurs qu’elle rattache à des « courants des sciences humaines et sociales issus d’une tradition militante d’extrême gauche » contribuent selon elle « à légitimer le terreau dans lequel s’épanouissent les assassins de l’école Ozar Hatorah, de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher ou des terrasses de l’Est parisien ».

      Ce type d’intervention qui cherche d’un côté à délégitimer le travail de certains collègues et, de l’autre, à les rendre complices du terrorisme, n’est que la suite d’une longue série depuis la querelle de « l’excuse sociologique » réengagée par Manuel Valls[3]. C’est la marque d’une grande inconséquence morale et intellectuelle que d’en offrir un nouvel épisode avec une absence complète de preuve et une malhonnêteté totale dans la démonstration.

      La vision qui sous-tend cette réflexion exprime l’illusion d’une science « neutre ».

      Les interventions de Nathalie Heinich sont nombreuses en ce sens. En février 2021, avec des collègues, elle soutenait la dénonciation par la ministre Frédérique Vidal de ce prétendu « islamo-gauchisme » à l’université, en insistant sur le « dévoiement militant de l’enseignement et de la recherche ». En janvier 2021, elle signait l’appel de « l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires » qui se donnait pour mission d’alerter sur la « la vague identitaire sans précédent au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche » : « un mouvement militant entend y imposer une critique radicale des sociétés démocratiques, au nom d’un prétendu « décolonialisme » et d’une « intersectionnalité » qui croit combattre les inégalités en assignant chaque personne à des identités de « race » et de religion, de sexe et de « genre » ». Le texte publié chez Gallimard est d’ailleurs la reprise d’une première version publiée sur le site de cet « Observatoire », le 4 mars 2021.

      Quelques mois plus tôt, en octobre 2020, dans le contexte de l’assassinat de Samuel Paty, Nathalie Heinich signait une autre tribune collective dont le message ciblait également le militantisme ou, plus précisément, la fausse idée que les signataires s’en font. Et d’asséner : « l’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le conformisme intellectuel, la peur et le politiquement correct sont une véritable menace pour nos universités ».

      Cette dénonciation du militantisme à l’université n’est pas récente. À France Culture, en septembre 2015, Nathalie Heinich expliquait comment son ancien directeur de thèse, Pierre Bourdieu, aurait été « très tordu entre deux positions » : « la position de chercheur qu’il a d’abord été essentiellement, quelqu’un qui est payé pour produire et transmettre du savoir avec une visée de vérité et de l’autre côté ce qu’on appelle l’intellectuel, le tribun qui intervient dans l’espace public avec un impératif d’engagement et non pas de neutralité pour rechercher la vérité ».

      Cette interprétation, rétrospective et biaisée, simplifie à l’excès la stratégie d’intervention que Pierre Bourdieu s’est efforcé de mettre en oeuvre durant sa carrière, au nom d’un « intellectuel collectif » voué à défendre et illustrer l’attitude critique dans l’espace public – et pas seulement dans le cadre de séminaires[4]. La vision qui sous-tend cette réflexion exprime l’illusion d’une science « neutre », où la construction des connaissances n’aurait rien à voir avec la politique alors qu’elle est liée à cette dernière (en matière de postes et de financements ainsi que de la forme – pérenne ou par projet – que peuvent prendre ces derniers). Difficile de croire à une recherche pure, détachée de la politique, flottant au-dessus du monde social.

      Nathalie Heinich ne condamne pas en soi le militantisme mais le refuse dans la salle de classe ou dans les publications scientifiques. Pourtant, de telles publications sont bien jugées par des pairs qui sont capables de faire la différence entre une opinion militante et une démonstration scientifique. Elle réduit par ailleurs le militantisme, de manière étroite, à une « énergie essentiellement émotionnelle » et semble ignorer de nombreux travaux scientifiques qui montrent comment science et militantisme entretiennent en réalité des relations fécondes. Par exemple en termes de recherches biomédicales, les connaissances et combats d’activistes malades du SIDA ont pu utilement remodeler l’agenda de recherche[5]. Le militantisme peut aussi faire progresser la science en entraînant des recherches dans des domaines qui sont peu ou pas étudiés[6].

      Les interventions de Nathalie Heinich sont enfin à replacer dans un contexte plus large. La méthode de son texte fait tout d’abord écho à celle employée dans les réformes de l’enseignement supérieur et la recherche depuis une quinzaine d’années, dont la Loi de programmation de la recherche (LPR) a représenté un exemple typique. Ce projet de loi était en effet resté longtemps imprécis et indéfini, ce qui a étouffé tout travail possible et a permis facilement à ses partisans de qualifier les critiques de « fantasmes » ou d’« exagérations ».

      Thibaut Rioufreyt et Camille Noûs parlent en ce sens d’une « gouvernementalité de l’insaisissable » : « loin d’être là simplement un accident ou une maladresse, on peut en effet faire l’hypothèse que l’opacité, le flou et la variation des énoncés mis en avant par l’analyse constituent une stratégie adaptée pour faire passer une réforme dont l’immense majorité de la communauté académique ne veut pas. »[7] C’est le même effet que procure la lecture de Nathalie Heinich : quelque chose d’insaisissable, et de voulu comme tel, pour paralyser la critique.

      L’usage social de ces faux ennemis permet ensuite de faire diversion. Au moment où des étudiants expliquaient devoir voler dans les magasins pour se nourrir et que les files d’attente aux distributions alimentaires s’allongeaient, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche recourrait à cette dénonciation, déjà citée, du prétendu « islamo-gauchisme » à l’université. Le politiste Samuel Hayat a bien expliqué comment ce terme permet « aux personnes qui l’utilisent d’amalgamer en un tout cohérent une série d’attitudes et de positions très diverses – et de jouer sur l’ambiguïté que cet amalgame autorise ».

      Avec une conséquence que le mathématicien David Chavalarias a montré puisque de tels propos ont en effet atteint « la mer », c’est-à-dire ces comptes du réseau social Twitter qui parlent de politique sans pour autant pouvoir être identifiés à une famille politique. Et de conclure que, en termes de diffusion, « les ministres du gouvernement ont réussi à faire en quatre mois ce que l’extrême-droite a peiné à faire en plus de quatre années ».

      Les moyens de militer et de protester sont, enfin, de plus en plus fragilisés. Deux amendements supprimés de la récente LPR nous renseignent bien sur le climat ambiant. Le premier proposait de subordonner la liberté académique aux « valeurs républicaines ». Or, pour respecter la République, il y a la loi. Le second amendement supprimé voulait condamner le « fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité (…) ou y avoir été autorisé (…), dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ». Cela en aurait été largement fini des grèves et des manifestations sur les campus.

      Les moyens de militer et de protester sont, enfin, de plus en plus fragilisés.

      Le militantisme est bien davantage menacé que menaçant. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, la précarité des personnels ampute leur capacité de protester. Cette précarité n’est plus, comme l’explique l’historien Christophe Granger, une étape pénible avant la stabilité. Elle est devenue la condition du métier. Les conséquences sont multiples. Pas de stabilité, de projection dans le temps, de capacité à s’installer quelque part et de construire une vie sereine. Ce « système organisé d’incertitude » a une conséquence terrible pour celles et ceux qui le subissent : « il les rive à un présent qui, faute de la moindre certitude valable, n’en finit pas de se vivre au présent »[8].

      Comment penser les luttes collectives quand la course personnelle pour obtenir un poste est si intense ? Comment s’investir dans un campus quand le contrat qui vous y attache est de très court-terme et qu’il faut tout le temps réfléchir à la prochaine candidature ? La concurrence pour les postes et les ressources épuise, désorganise et crame une énergie psychique considérable. Les destins séparés des statutaires et des précaires, même si ce mot ne doit pas faire croire à une réalité homogène tant les inégalités sont extrêmement diverses, complexifie la formation d’un front uni pour s’opposer et proposer autre chose.

      Plus largement, les possibilités de protester sont aussi entravées par la sophistication et l’amplification des dispositifs de surveillance[9] et par des violences policières, légales et illégales, qui tétanisent et effraient, notamment, mais pas seulement, les personnes qui manifestent ou s’organisent[10] et les journalistes qui en rendent compte. L’État de droit n’est pas une simple série de lois et de règles, aujourd’hui en danger. C’est aussi une atmosphère qui ne cesse de se dégrader.

      Pour conclure, un texte comme celui de Nathalie Heinich place le lecteur face à un dilemme : d’un côté, une tentation de ne pas répondre à un texte qui méprise les règles élémentaires de la discussion scientifique et collective ; de l’autre, la nécessité de combattre des attaques aussi graves et aussi fausses énoncées depuis une position de pouvoir. C’est la seconde solution, imparfaite comme la première, que nous avons choisie.

      S’il s’agit d’identifier ce qui menace l’université, les problèmes sont largement documentés : le manque de postes, de financements pérennes et de nouvelles universités pour accueillir l’augmentation massive du nombre d’étudiantes et d’étudiants alors que sur la même période, le nombre de professeurs des universités ou de maîtres de conférences n’a pas évolué. Et comme le souligne plusieurs universitaires, « ces trois dernières années, le budget des universités a crû de 1,3 % par an, ce qui est inférieur à l’effet cumulé de l’inflation et de l’accroissement mécanique de la masse salariale ». Nathalie Heinich aurait pu prêter sa notoriété à de telles causes.

      Réfléchir aux conditions sociales du travail scientifique serait plus utile que la mise en scène de ces faux ennemis. C’est ce que fait par exemple Nature, dans un éditorial publié une semaine avant le texte de Nathalie Heinich, où la revue écrit que « le racisme dans la science est endémique parce que le système qui produit et enseigne la connaissance scientifique a, pendant des siècles, donné une fausse image, marginalisé et maltraité les personnes de couleurs et des communautés sous représentées. Le système de la recherche a justifié le racisme – et, trop souvent, des scientifiques occupant des positions de pouvoir ont bénéficié de celui-ci. Ce système inclut l’organisation de la recherche : comment elle est financée, publiée et évaluée. »

      C’est ce qu’il serait aussi possible de faire face au dévoiement de la recherche à des fins économiques. Que ce soit pour le tabac, le bisphénol A ou les néonicotinoïdes, la recherche scientifique a pu être détournée par des intérêts privés. La tactique était, et reste, souvent simple et redoutable : dire que les données qui prouvent un problème ne suffisent pas et qu’il faut faire davantage de recherche. Le doute, en la matière, est déjà une victoire pour les industriels. Il n’est plus la conséquence de ce qui n’a pas été exploré mais de ce qui est volontairement obscurci[11]. Au service de ce doute devenu produit[12], les techniques sont aujourd’hui de plus en plus sophistiquées[13] et cet enfumage généralisé empêche de se repérer. Car si on ne distingue plus ce qui est vrai de ce qui est faux, comment être encore capable de critiquer quoi que ce soit ?

      Or, c’est bien ce qui se passe à propos du texte de Nathalie Heinich : une scientifique reconnue nous parle de quelque chose qu’elle juge très grave sans aucune preuve. Elle aurait pu choisir de lutter contre les dangers réels qui menacent aussi bien la recherche que l’université. Au lieu de cela, elle préfère s’abîmer dans la dénonciation de dangers fantasmés qui ne servent qu’une chose : populariser les idées d’extrême-droite.

      Arnaud Saint-Martin
      SOCIOLOGUE, CHERCHEUR AU CNRS, RATTACHÉ AU CENTRE EUROPÉEN DE SOCIOLOGIE ET DE SCIENCE POLITIQUE DE LA SORBONNE (CNRS, EHESS, PARIS 1)

      Antoine Hardy
      POLITISTE, DOCTORANT EN SCIENCES POLITIQUES AU CENTRE EMILE DURKHEIM, UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

      [1] Sur les trente-neuf notes de son texte, Nathalie Heinich renvoie également à plusieurs de ses textes.

      [2] Disponible sur le site du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en FranceLien hypertexte.

      [3] Sur le mot d’ordre de « l’excusisme » coupable de « complicité » avec le terrorisme, banalisé par Manuel Valls, les idéologues du Printemps Républicain et aujourd’hui Nathalie Heinich, voir Manuel Rebuschi, Ingrid Voléry (dir.), Comprendre, expliquer, est-ce excuser ? Plaidoyer pour les sciences humaines et sociales, Vulaines-sur-Seine, Editions du Croquant, 2019.

      [4] Pierre Bourdieu, Interventions, 1961-2001. Science sociale et action politique, Marseille, Agone, 2002, p. 470-475.

      [5] Steven Epstein, Impure science : AIDS, activism, and the politics of knowledge, Berkeley, University of California Press, 1996.

      [6] David J. Hess, Undone Science : Social Movements, Mobilized Publics, and Industrial Transitions, The MIT Press, 2016.

      [7] Thibaut Rioufreyt et Camille Noûs, « À la recherche de la LPPR. Mener l’enquête face à la gouvernementalité de l’insaisissable », Revue française de pédagogie, No 207, 2020.

      [8] Christophe Granger, La destruction de l’université, Éditions La Fabrique, 2015.

      [9] Voir par exemple : Olivier Tesquet, A la trace, Enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance, Premier Parallèle, 2020

      [10] Par exemple, pour le journaliste David Dufresne, qui a recensé et identifié les films amateurs des violences lors des manifestations des Gilets-Jaunes, « ce n’est plus du maintien de l’ordre, c’est une répression massive, puisque la police française a blessé en quelques mois autant de manifestants qu’en vingt ans », https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-la-police-a-blesse-en-quelques-mois-autant-de-manifestant

      [11] Robert N. Proctor et Londa Schiebinger, Agnotology : The Making and Unmaking of Ignorance, Stanford, Stanford University Press, 2008.

      [12] C’est la formule devenue célèbre du memo interne de l’entreprise Brown & Williamson tobacco : « Doubt is our product since it is the best means of competing with the ‘body of fact’ that exists in the minds of the general public. It is also the means of establishing a controversy ».

      [13] Sur ces questions, voir la lecture des livres et articles de Stéphane Foucart, dont le travail d’investigation met à jour ces différents mécanismes. Pour une analyse passionnante de leurs évolutions les plus récentes, voir : Stéphane Foucart, Stéphane Horel et Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison, Enquête sur la désinformation scientifique, Paris, La Découverte, 2020.

  • Islamisme, séparatisme : l’offensive payante des « laïcards », Cécile Chambraud et Louise Couvelaire
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/12/07/islamisme-separatisme-l-offensive-payante-des-laicards_6062429_3224.html

    Aurel, au top, exploite l’espace rendu libre par le soit disant équilibre dont Le Monde se doit de faire (à l’occasion) la preuve.
    (c’est le #dessin qui vaut le coup, ce qui le suit est là pour mémoire)

    Les partisans d’une laïcité offensive se félicitent de l’évolution d’Emmanuel Macron sur le sujet. Ils voient dans le projet de loi « renforçant les principes républicains », qui doit être examiné en conseil des ministres mercredi 9 décembre, une victoire idéologique.

    Leur moment est arrivé, ils tiennent leur victoire, ils en sont convaincus. Cela fait des années que les partisans d’une #laïcité offensive, érigée en priorité politique, travaillent à faire gagner leurs idées pour sauver une République qu’ils estiment menacée par les revendications d’un islam politique de conquête et par les accommodements de politiques timorés. L’examen en conseil des ministres, mercredi 9 décembre, du projet de loi « confortant les principes républicains » est, à leurs yeux, autant un aboutissement qu’une incitation à poursuivre. Un gage de plus donné par Emmanuel Macron à la lutte contre « le séparatisme islamiste », comme l’est la présence au gouvernement de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, et l’arrivée à l’intérieur de #Gérald_Darmanin et de #Marlène_Schiappa, convertie à la cause. Dans la bataille des différentes conceptions de la laïcité, le vent a tourné en leur faveur, se félicitent-ils.

    Là où d’autres voient dans la laïcité un simple cadre juridique et non une doctrine, eux en font un combat idéologique, à la manière de moines-soldats. Une lutte menée au départ « seuls contre tous », raconte l’ancien premier ministre de François Hollande, Manuel Valls, contre les partisans « du déni dans une gauche trop conciliante, mal à l’aise avec la question de l’islam, la religion des pauvres, des immigrés, des victimes de la colonisation ».

    C’est ainsi que se vivent ces ardents défenseurs de cette spécificité française que le reste du monde peine à saisir. Une cause qu’ont désormais ralliée des sympathisants issus de nombreux cercles de pouvoir, du gouvernement à la préfectorale, en passant par des députés La République en marche (LRM), des think tanks de gauche, une partie de la loge maçonnique du Grand Orient.

    Certains les appellent les « laïcards », les tenants d’une « laïcité de combat », « exigeante » ou « dure ». Eux se voient comme « un bouclier », selon les mots de l’écrivaine Caroline Fourest, face aux intégristes islamistes et à leur idéologie mortifère. Ils refusent d’être adjectivés, ils sont des « défenseurs de la laïcité », point, martèlent-ils, à l’image du titre du livre coécrit par Marlène Schiappa, Laïcité, point ! (L’Aube, 2018). Leurs opposants les accusent de vouloir imposer l’invisibilisation du religieux dans l’espace public pour, en réalité, combattre l’islam. « C’est une réactualisation de l’affrontement entre les deux France au tournant XIXe-XXe siècle, analyse Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’islam de France. A l’époque, on a pensé avoir réglé l’affaire du religieux en ayant réglé celle du catholicisme. Et voilà que depuis deux décennies, une sorte de religieux revient en force. Cela a fait ressurgir le ras-le-bol de ceux qui avaient pensé en avoir fini avec cela. Ajoutez le terrorisme, et on assiste à un triomphe idéologique autour d’une laïcité drastique. »
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    Trahison

    Plus qu’un courant organisé, ils constituent une galaxie de personnalités engagées. Il y a des intellectuels tels que les essayistes Caroline Fourest et Elisabeth Badinter ; les artisans historiques, lobbyistes numériques aguerris, moins connus du grand public, Laurent Bouvet et Gilles Clavreul, fondateurs de l’association Printemps républicain en mars 2016. Il y a des journalistes comme Zineb El Rhazoui et Mohamed Sifaoui, tous les deux sous protection policière ; d’anciens socialistes comme Manuel Valls et l’Avignonnais Amine El Khatmi. Il y a des préfets comme Christian Gravel, un ancien des équipes de Manuel Valls récemment nommé à la tête du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation sur la proposition de Marlène Schiappa, qui est en train de constituer une « unité de contre-discours républicain sur les réseaux sociaux ».

    Il y a aussi les nouveaux venus, comme la députée (LRM) des Yvelines Aurore Bergé ; les soldats de l’ombre, qui œuvrent dans les cabinets ministériels et dans des institutions telle que la #Fondation_Jean-Jaurès, think tank de gauche dont les publications diffusées aux députés et aux sénateurs, à l’Elysée et dans les ministères aident « à peser sur les décisions », explique Jérémie Peltier. Le directeur du secteur études de la Fondation Jean-Jaurès cite en exemple l’enquête menée en 2019 sur les Français et la laïcité révélant que « les Français ayant voté pour Emmanuel Macron n’étaient pas sur la ligne anglo-saxonne du multiculturalisme, mais bien sur la ligne républicaine française ».

    Presque tous issus de la gauche, ils sont partis en guerre contre ce qu’ils vivent comme une trahison de certains de leurs anciens camarades, jugés aveugles au grignotage insidieux d’un islam politique ou de rupture qui serait en train de détruire la trame républicaine de la société. La laïcité est leur trait d’union, leur magistère. Leur mouvance a commencé à se « coaguler » après les attentats de 2015. « Des réseaux se sont mis à se parler », témoigne Aurélien Taché, député ex-LRM, opposé à leurs conceptions qui, selon lui, « virent à l’obsession des musulmans » et « poussent à l’amalgame entre islamisme et islam ».

    « Gauche réaliste »

    Une marque de fabrique de ces « lanceurs d’alerte », comme les appelle Jérémie Peltier, est de se serrer les coudes : ils affichent une solidarité sans faille, quels que soient leurs désaccords, légion en coulisses. « Je ne parle plus à Zineb El Rhazoui depuis 2015 mais qu’importe, je la soutiendrai quoi qu’il arrive », tranche Caroline Fourest, qui décrit le mouvement comme un groupe de gens d’une « gauche réaliste ». « Il existe cinquante nuances de laïcards, s’amuse Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, proche du #Printemps_républicain. Ce n’est pas un groupe homogène mais plutôt complexe et divers. »
    Lui-même et Caroline Fourest veulent, par exemple, permettre aux mères accompagnatrices voilées de conserver leur foulard lors des sorties scolaires, tandis que d’autres, comme Jean-Michel Blanquer et Aurore Bergé, souhaitent le leur interdire. « Nous ne sommes pas une secte ni un groupement clandestin, on se voit, on se parle, de manière informelle, avec Schiappa, Darmanin et Blanquer, mais personne ne joue les arbitres, témoigne Manuel Valls. Les dérives de la gauche, qu’il s’agisse du PC ou du PS, sont le fruit de ce manque de combat collectif, alors oui, nous restons solidaires, parce qu’on veut gagner ! » « Personne n’a de comptes à rendre à personne », renchérit Jérémie Peltier.

    Certaines personnalités de ce mouvement né à #gauche n’hésitent plus à flirter avec l’#extrême_droite, telle que Zineb El Rhazoui, devenue l’icône des plus fervents (elle n’a pas répondu à nos sollicitations). Editée par une maison d’édition – Ring – souvent jugée à la droite de la droite, prenant la pose avec Papacito, blogueur identitaire également édité chez Ring, cette ancienne de Charlie Hebdo est régulièrement menacée de mort. Personne, au sein de son camp, ne remet en question ses outrances. « Toutes les digues sont en train de sauter, s’insurge Isabelle Kersimon, fondatrice de l’Institut de recherches et d’études sur les radicalités, cible régulière des attaques des « laïcards ». Officieusement, ils sont prêts à toutes les compromissions avec la droite et l’extrême droite qu’ils prétendent pourtant combattre. »

    Choc du réel

    Cette stratégie du « front uni » est en tout cas payante. Ils gagnent en influence et convertissent chaque jour davantage d’adeptes. Le premier d’entre eux : Emmanuel Macron. Du moins veulent-ils le croire. Ils interprètent le discours des Mureaux (Yvelines), prononcé par le président de la République le 2 octobre, et le projet de loi, comme la preuve de ce tournant, qui « marque la fin de trente ans de compromissions », assure Thomas Urdy, le référent laïcité de Marlène Schiappa, qui est sur leur ligne. Ils étaient en désaccord avec le Macron de 2015-2017. Aujourd’hui, ils applaudissent sa mue.

    « Par rapport au Macron qui disait, en novembre 2015, que la société française avait “une part de responsabilité” dans le “terreau” sur lequel a prospéré le djihadisme, le projet de loi sur le séparatisme est une étape importante dans son évolution », estime Gilles Clavreul. « Entre le Macron candidat qui critiquait le “laïcisme” chez Mediapart [en novembre 2016] et le discours des Mureaux, il y a une différence nette », abonde Amine El Khatmi, le président du Printemps républicain.

    La cause de l’évolution du chef de l’Etat serait avant tout le choc du réel. « Ce ne sont pas les militants de la laïcité qui changent les mentalités, ce sont les attentats », affirme Elisabeth Badinter. « Une fois au pouvoir, face aux notes des renseignements, aux remontées d’informations des préfets et des attentats, les dirigeants changent, analyse Caroline Fourest. L’idéologie qui les retenait finit par peser peu au regard des informations qui leur parviennent. » « Face aux faits, Macron s’est rangé à notre combat », se réjouit #Manuel_Valls.
    Dans quelle mesure ? Dès le début de son mandat, le président de la République a fait l’objet d’un procès d’intention sur son « laxisme » supposé vis-à-vis de ces questions. « Ils attendaient Macron avec un fusil et n’ont pas relâché la pression un seul instant », raconte un fin connaisseur du dossier. Absentes de la campagne présidentielle de 2017, les questions régaliennes se sont imposées en cours de mandat avec les attentats, obligeant le chef de l’Etat à se positionner. Il a surtout choisi de laisser le champ libre à des ministres en pointe sur la laïcité davantage par « opportunisme politicien » que par conviction personnelle, estime Aurélien Taché.

    Virage

    #Jean-Michel_Blanquer a organisé en juillet une réception à l’occasion de la parution du livre numérique Le Péril identitaire (L’Observatoire, 29 pages, 1,99 euro) du cofondateur du Printemps républicain, Laurent Bouvet. Un mois et demi plus tard, le président de la République décorait de l’ordre du mérite sa femme, Astrid Panosyan, cofondatrice d’En marche ! Autant de signaux, aux yeux de certains, qui confirmeraient le virage du chef de l’Etat. « Le président n’a pas dévié de ligne sur le fond, ce sont les priorités gouvernementales qui ont évolué, dément Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Ce qui est monté en puissance, c’est la lutte contre le séparatisme islamiste. »
    Au groupe des députés LRM, après des débuts laborieux, ces thèses ont indéniablement progressé. « La question n’avait pas émergé entre nous en 2017, résultat, lorsque l’actualité nous a obligés à avoir un positionnement politique, nous avions peu d’éléments doctrinaux [ça alors ! ndc] sur le sujet et les divergences se sont exprimées », raconte Aurore Bergé. En 2018, lorsqu’un toilettage de la loi de 1905 pour mieux encadrer les associations musulmanes a été envisagé, un groupe de travail s’est constitué pour permettre à ceux qui le souhaitaient de se former à ces questions. Mais le projet est resté dans les tiroirs de la Place Beauvau et le groupe a cessé de travailler avant d’avoir pu forger une ligne majoritaire.

    Les relais actifs du camp laïc, comme Francis Chouat, député de l’Essonne et ancien maire d’Evry, Aurore Bergé, François Cormier-Bouligeon, député du Cher, Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse, ont poursuivi leurs efforts. Ils ont profité du faible bagage idéologique sur ces questions d’une bonne partie des primo-députés et d’un certain « amateurisme des tenants du libéralisme culturel qui, eux, déplore Aurélien Taché, n’ont pas su s’organiser ».

    Résultat : la « ligne laïque » s’est renforcée, poussant vers la sortie certains opposants, comme M. Taché. « Désormais, là où on pouvait se sentir isolés, aujourd’hui, on sent que notre doctrine s’est imposée », commente Aurore Bergé, qui échange régulièrement avec Manuel Valls et participait au groupe informel composé de Caroline Fourest, la sociologue Dominique Schnapper, Gilles Clavreul, Frédéric Potier et quelques autres, rassemblés sous la houlette de Jean-Michel Blanquer depuis juin. « Globalement, notre ligne est majoritaire, au moins relativement, dans le groupe, nuance Jean-Baptiste Moreau, proche de Zineb El Rhazoui, qu’il a fait venir devant le groupe. Mais il reste un ventre mou, que nous devons essayer de convaincre, et une frange qui n’est pas sur notre ligne. » Et qu’on entend peu. Depuis dix jours, le groupe LRM organise des séminaires pour préparer la discussion parlementaire, qui commencera en janvier 2021.

    Transformation en parti politique

    Emmanuel Macron et les députés ne sont pas les seuls à bouger. Le clan laïc loue l’évolution de Marlène Schiappa, qui avait guerroyé avec Manuel Valls il y a six ans sur la question de l’antisémitisme dans les quartiers et n’aurait « pas toujours été aussi ferme », d’après Amine El Khatmi. Ils notent aussi des mouvements au Parti socialiste. « Cela fait des années que nous disons que la gauche a un problème avec la République, rappelle le président du Printemps républicain. Aujourd’hui, je relève qu’Olivier Faure et Anne Hidalgo disent que sur ce sujet, les positions ne sont pas irréconciliables. Quand on a été insulté, méprisé, menacé et qu’on voit des gens venir vers soi, même avec des nuances, c’est une satisfaction. »

    Il fut un temps où bien des caciques du Parti socialiste se gardaient de mettre les pieds sur ce terrain. Si Jérôme Guedj, le monsieur laïcité du PS ne cachait pas ses convictions « laïcistes », la plupart optaient pour la prudence et choisissaient de rester muets. « La gauche n’était pas torturée par ces questions, rappelle Elisabeth Badinter, qui se définit comme un “compagnon de route du Printemps républicain”, sans en faire partie. On n’entendait pas beaucoup les dirigeants politiques, aujourd’hui, cela change. » Quitte à reléguer la question sociale au second plan. « La question #identitaire dépasse parfois la question économique et sociale, estime Manuel Valls. Parfois, elle la transcende, mais la gauche a longtemps refusé de penser le sujet hors du social. » Aujourd’hui, le patron du PS, Olivier Faure, proclame que « l’ADN de la gauche, c’est la défense de la laïcité », tandis qu’Anne Hidalgo souligne « les ambiguïtés » de Jean-Luc Mélenchon sur le sujet.

    Comment transformer une influence croissante en part de pouvoir politique ? C’est le défi de 2022. Pour le préparer, le 30 novembre 2019, l’association le Printemps républicain a annoncé sa transformation en parti politique. Quelque 350 personnes se sont pressées à l’événement organisé pour l’occasion dans un café parisien. Parmi les présents, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Brard, ex-maire apparenté PCF de Montreuil (Seine-Saint-Denis), tandis que Bernard Cazeneuve avait fait parvenir une vidéo. « Nous voulons nous structurer pour être plus présents, et sur tous les sujets », explique Gilles Clavreul. « Nous devons déterminer comment faire en sorte que nos idées soient représentées à la présidentielle et aux législatives », annonce Amine El Khatmi. Certains, tel Aurélien Taché, les soupçonnent de faire « de l’entrisme » dans différentes formations politiques en vue d’obtenir des circonscriptions – du PS à LRM, voire chez les Verts et le PCF.

    Reste que dans cette lutte sans merci qui les oppose à ceux qu’ils qualifient volontiers d’« islamo-gauchistes », il reste peu de place pour la discussion et la pédagogie. Sur les réseaux sociaux, où se joue une partie de cette guerre, la « laïcosphère », comme l’appelle Caroline Fourest, chasse en meute, se « like » à foison et se retweete à l’envi. Aurélien Taché apparente leurs méthodes en ligne à « la cancel culture », réduisant au silence leurs opposants, tétanisés à l’idée d’être accusés de complaisance avec l’ennemi terroriste. En ligne et sur les plateaux télé, le combat est souvent binaire et réducteur. « Il ne reste plus de place à la pensée complexe », se désole-t-on dans les deux camps, faisant mine d’ignorer qu’ils y contribuent.

    #laïcisme #racisme #dessin_d'actualité

    • De quoi la lutte contre l’« islamo-gauchisme » est le nom ?
      Vu par Jlm

      J’ai expliqué dans une précédente note comment l’accusation « islamo-gauchiste » est devenue la ligne du camp macroniste pour construire une nouvelle organisation du champ politique. Qui refuse de discriminer, insulter, montrer du doigt les musulmans doit être désigné comme ennemi obscurantiste, anti-laïque, misogyne, antisémite, terroriste en puissance ou tout du moins ami ou complice du crime. Bref : un « islamo-gauchiste ». Ainsi se construit une nouvelle stratégie du « barrage » politique prenant la suite du « barrage contre le Pen ». Celle-ci est au contraire accueillie à bras ouvert dans la nouvelle alliance du bien contre le mal.

      Disqualifier la France insoumise est alors seulement le point d’entrée de ce discours. Une fois que la lâcheté et le chacun-pour-soi a ouvert le passage, les coups pleuvent sur tout ce qui de près ou de loin résiste au pouvoir et à ses agents. Comment en être sûr ? Tout simplement en se demandant « qu’est-ce que l’islamo-gauchisme ? ». Et la réponse vient vite : cela n’existe pas. Il n’existe en effet ni définition ni faits permettant d’illustrer ce concept. C’est juste un produit d’appel fantasmagorique pour installer les esprits fragiles sur un toboggan conceptuel qui finit dans les filets de l’extrême droite. Car, très vite, les accusateurs passent à un autre registre : ils opposent les « islamo-gauchistes » aux « républicains ». Alors il est possible de faire un inventaire. Mais pour nous, ce sera celui du prétendu camp des républicains. On y retrouve les policiers factieux et leurs organisations politico-syndicales, une poignée « d’essayistes », « politologues » et autres déclassés, plus tout l’arc politique depuis l’extrême droite qui a inventé ce concept jusqu’aux macronistes. Entre les deux, une poignée de journalistes à gage, les uns carrément perturbés, les autres servant cyniquement des intérêts matériels les plus divers.

      L’accusation « islamo-gauchiste » en rappelle d’autres dans l’histoire de France. Avant nous, Jaurès fut accusé d’être « le parti de l’Allemagne » puis les communistes d’être des « judéo-bolchéviques ». Le cas le plus récent d’usage de cette méthode est le fameux « Maccarthysme américain ». Son histoire est comparable à ce que nous avons sous les yeux. Au début de la guerre, l’opinion dominante dans les médias nord-américains et dans la sphère politique était le refus absolu de se mêler de la guerre en Europe. C’est un groupe d’acteur à Hollywood qui déclencha l’alerte contre le nazisme et l’antisémitisme. Au lendemain de la guerre, ces lanceurs d’alerte furent les premiers dans le collimateur des anti-communistes. Diabolique « argument » : leur vigilance prémonitoire aurait été la preuve du fait qu’ils auraient été sous influence communiste avant-guerre. À partir de là et jusqu’aux années 60, une répression récurrente s’abattit sur tout ce qui contestait le système aux USA quel que soit le motif. Une commission contre les activités « anti-américaines » pourchassait de tous côtés. Journalistes à gage, patrons des firmes de télé ou de cinéma bras dessus bras dessous faisaient la chasse à toute résistance. Comme on le devine, une telle aberration ne pouvait être servie, comme aujourd’hui, que par les individus les plus vils ou les moins talentueux, prêts, contre avantage, à renoncer à toute dignité personnelle en s’abandonnant à une chasse aux sorcières de cette nature. Nous y sommes en France. Quand une Saint-Cricq glapit ses ordres au plateau de journalistes dans une régie ou elle se croit en présence d’esclaves sans cerveaux et sans oreilles : « Vous êtes trop gentils ! allez maintenant on tape : les Tchétchènes ! les Tchétchènes ! » pour provoquer une agression contre l’invité insoumise, on a une idée et une caricature du pire de ce dont ce genre de « journaliste » est capable. En fait, c’est la même insulte à chaque fois : la gauche conspirerait avec l’ennemi extérieur et intérieur contre la France. Ce qui change, c’est simplement le fantasme raciste du moment qui doit être accolé au mot politique. Hier les juifs et les communistes, aujourd’hui les musulmans et les Insoumis.

      Que Marine Le Pen utilise l’expression n’a donc rien d’étonnant. Elle le fait d’ailleurs de longue date. Les unes de Valeurs Actuelles ne sont pas plus surprenantes. Tout cela est conforme à ce qu’ils ont toujours été dans l’histoire. Mais c’est aussi devenu le cri de ralliement contre nous de la petite bourgeoisie bon teint. Ce fut d’abord installé dans le paysage par les éléments les plus réactionnaires du quinquennat Hollande : Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Puis, par les ministres les plus droitiers du gouvernement : Jean-Michel Blanquer et Gérald Darmanin. Plusieurs médias ont aussi participé avec entrain à cette manœuvre pour placer une cible dans le dos des anti-racistes. L’hebdomadaire Marianne évidemment. Mais pas seulement. Là encore, ce n’est pas sans précédent dans l’histoire médiatique de notre pays. Il suffit de consulter l’ampleur de la liste des médias confisqué à la Libération pour avoir une idée de la dégringolade morale qui l’avait précédé. Puis ce fut le tour des partis. Encerclé par la hargne de petits groupes s’instituant garde barrières morales comme le « printemps républicain » et d’autres, l’assaut sur la gauche traditionnelle a rapporté gros. Notamment au PS dirigé par un personnage très ambigu sur toutes les questions fondamentales du socialisme historique.

      Cette aile du parti socialiste, la plus proche de Macron, en attente de passerelle de ralliement complet, a très bien perçu le signal venu du pouvoir. À l’approche de l’élection présidentielle, elle s’en fait le relai car c’est pour elle le meilleur moyen de raccrocher les wagons avec la macronie. On comprend qu’il leur faille d’abord se rendre fréquentable. C’est pourquoi le mot même de socialiste dans le nom du parti ou la référence à la période d’alliance avec les communistes doivent être passé par-dessus bord. C’est la stratégie d’Olivier Faure, dont il ne faut jamais oublier qu’en 2017, il disait « nous voulons la réussite de Macron. Nous souhaitons participer à cette majorité ». Dans Libération, le 3 décembre dernier, il parle de moi comme le ferait un député marcheur lisant ses éléments de langage : « Jean-Luc Mélenchon s’égare (…) Il est dans un registre glissant. Pour moi ça n’est pas possible. Donc je réaffirme notre attachement aux valeurs républicaines ». Puis, à propos de la marche du 10 novembre 2019 en réaction à l’attentat contre la mosquée de Bayonne : « la gauche ne pouvait pas défiler sous des mots d’ordre en contradiction avec nos valeurs ». Bien sûr, il ne précise pas lesquels. Ni pourquoi je serais sur un « terrain glissant ». Il en va de même un peu partout dans les chaînes audiovisuelles du gouvernement où les amis ouverts ou secrets du régime macroniste, en quête de stabilité pour leur poste ou parce qu’ils visent celui du voisin, font du zèle dans ce sens. En fait, ils dessinent les contours d’un bloc politique dont les condiments essentiels sont déjà fixés. Politique de l’offre, libre échange sans limite, Europe des traités, écologie de marché, union nationale sur la base de la discrimination religieuse.

      Oui, il est décidément important pour cette partie du PS de fabriquer de toute pièce un clivage avec les insoumis. Dans un premier temps, cela leur permet de justifier de l’intérêt de leur propre candidature à l’élection présidentielle. C’est plus confortable d’inventer des ambiguïtés plutôt que d’expliquer leur désaccord sur le passage à la sixième République, la retraite à 60 ans ou la sortie des traités européens. Car sur tous ces sujets, ils ont perdu leur hégémonie d’autrefois parce que la société a changé d’angle de vision. La deuxième raison est la préparation d’un éventuel barrage anti-insoumis. Ils ne peuvent ignorer que tous les sondages nous placent en troisième position. Et en tête de la gauche. Nous sommes à cette heure les mieux placés pour briser le duo Macron – Le Pen. En cas de réussite, il faudra bien trouver une autre raison de voter Macron que le péril fasciste. Ce sera donc le « barrage aux islamo-gauchistes ». Par-dessus tout pour eux comme pour tant d’autres il s’agit d’écarter le retour au cauchemar de 2017 : le risque d’un second tour des présidentielles auquel participerait l’abominable homme des neiges, Jean-Luc Mélenchon.

      Le PS de Faure va donc de plus en plus ne parler que de laïcité. Bien sûr, il s’agit de stigmatiser les musulmans. Mais dans cette opération, comme d’autres ils ont beaucoup à perdre. Contrairement à ce que certains journalistes racontent, ceux qui sont gênés, divisés ou « pas clairs » sur ce sujet, ce sont les dirigeants socialistes, pas les insoumis ! Car il leur faudra assumer les bilans et héritages. Et la masse des socialistes ne partagent pas l’ambiguïté de ses dirigeants. Le bilan de Hollande n’est pas bon. Les milieux militants laïques se souviennent de son recul face aux militants de l’enseignement religieux en Alsace-Moselle. Il avait promis de rendre cet enseignement, qui existe dans toutes les écoles primaires de ce département, réellement facultatif dans tous les établissements, avant de reculer. Pendant sa campagne de 2012, il avait même proposé d’inscrire le régime concordataire dans la Constitution !

      Faure en est l’héritier direct puisqu’il était à l’époque président du groupe à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, Olivier Faure s’est déjà pris une volée de bois vert de la part des élus socialistes pour avoir évoqué la suppression du concordat en bureau national. Plusieurs élus de Moselle lui ont écrit un courrier pour dénoncer cette prise de position. « Sur la forme, nous tenons à noter qu’aucun de nous, responsables fédéraux ou élus locaux, n’a été associé à cette démarche ou consulté sur sa pertinence », écrivent plusieurs élus PS de Moselle et d’Alsace, soucieux de se mettre à très grande distance de l’idée laïque. Parmi eux : Pernelle Richardot, présidente du groupe socialiste de la région Grand-Est, Michael Weber, Maire de Wœlfling-lès-Sarreguemines, Antoine Home, Maire de Wittenheim dans le Haut-Rhin, Catherine Trautmann, ancienne ministre et maire de Strasbourg, Jean-Marc Todeschini, sénateur de Moselle ou encore Michel Liebgott, Maire de Fameck pour le compte des maires socialistes et républicains de Moselle. On voit où est le « terrain glissant » et pour qui.

      Anne Hidalgo, candidate la mieux placée au PS, s’est très vite inscrite dans ce registre d’accusation ce qui est le meilleur révélateur de ses intentions. Il est notable que son attaque fut lancée le jour où elle apporta son soutien à la loi macroniste « sécurité globale ». J’ai montré dans une précédente note ce qu’il en était réellement de son bilan en matière de laïcité à la tête de la mairie de Paris. Il y aura donc bientôt une compétition au PS pour paraitre toujours plus antimusulmans. Manuel Valls souffle donc sur des braises déjà bien chaudes. Mais ils s’exposent à un haut le cœur de la tradition socialiste. Ainsi, écœuré, le socialiste marseillais Patrick Menucci s’est hâté de prendre ses distances avec l’interview de Faure dans Libération. Celle-ci est en effet d’un grossier déterminisme social très insultant pour les personnes en situation de détresse économique. « Je ne souhaite pas qu’en mon nom, on explique la radicalisation islamiste et le terrorisme par le chômage structurel et la pauvreté » a-t-il tweeté immédiatement. En mettant le doigt dans cet engrenage, Olivier Faure se condamne à la rupture avec la tradition socialiste historique et a un alignement sur les plus extrémistes de son camp. Et ceux-là ne veulent pas que l’on se paye de mots : le discours sur la laïcité est dirigé contre les musulmans et rien d’autre. Cette pente a déjà un précédent dans l’histoire du mouvement socialiste. C’est celle que prit Marcel Déat avant-guerre qui, sous prétexte d’attachement à l’ordre et de dénonciation des « métèques », finit dans l’extrême droite.

      Pour nous, la partie est simple à jouer. Résistance sans faille. Nous sommes clairs. Nous n’avons aucun problème pour dénoncer le ciblage exclusif contre l’islam et des musulmans. En toutes circonstances, nous défendons la paix civile et l’unité du peuple en France. La laïcité n’est pas un sujet de débat chez nous, ni une découverte. Nous avons des propositions ancrées pour étendre ce principe émancipateur. Il suffit de les mettre sur la table pour différencier les véritables laïcs des tartuffes anti-musulmans. Nous le ferons sans faiblir jour après jour autant qu’il le faudra. Et nous rallieront à nous tous ceux qui progressivement vont savoir reconnaitre où est le camp de la paix civile.

      J’en ai fait l’expérience récemment lors d’un débat à l’Assemblée nationale. Il s’agissait d’une niche du groupe Les Républicains. À l’ordre du jour, une proposition de loi constitutionnelle qui prétendait inscrire dans la Constitution des dispositions qu’elle consacre déjà comme le fait que « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ». L’intérêt juridique était nul puisque tout ceci est déjà dit dans des termes très clairs par la Constitution ou la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le but était encore une fois d’exciter la peur de l’islam. Après avoir dénoncé cette honteuse stigmatisation, j’ai défendu plusieurs amendements comme l’abolition du concordat d’Alsace-Moselle et le statut de Charles X ou l’interdiction pour le Président de la République de recevoir un titre clérical comme celui de « Chanoine de Latran ». Les ambitions laïques des députés LR furent tout de suite plus discrètes. Mais ni Olivier Faure, ni aucun autre député socialiste n’a souhaité défendre à mes côtés ces revendications élémentaires de la laïcité. Défendre la laïcité avec Mélenchon, pourquoi cela est-il impossible ? On voit dans cette situation une illustration de ce que produit la ligne qui nous assigne à résidence « contre la République » selon la rhétorique de Faure. On voit quel est le coût de l’insupportable campagne sur l’islamo-gauchisme. Une pure et simple division sans objet des forces pourtant disponibles comme elles l’étaient déjà dans cet hémicycle.

      https://melenchon.fr/2020/12/07/la-semaine-brut-macron-annonce-quil-sen-ira

    • Les croisades de Caroline Fourest
      La trajectoire dévoyée d’une propagandiste de « gauche »
      https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2017-1-page-74.htm

      Caroline Fourest semble avoir fait une – toute relative – cure médiatique pour se reconvertir en éminence grise et visiteuse du soir de la gauche au pouvoir. On dit ainsi qu’elle a l’oreille de #Valls, et même celle de Hollande. Que de chemin parcouru depuis le temps où, jeune militante pour les droits homosexuels à la fin des années 1990, elle se réclamait de l’antiracisme. Elle s’est, depuis, muée en #furie d’une #laïcité_ultra-républicaine parfois utilisée pour banaliser la stigmatisation des musulmans. Mais cette trajectoire est moins un cheminement personnel que le reflet d’une #dérive : celle d’une gauche hagarde pour qui la « République » tient lieu depuis quinze ans de question sociale. C’est la raison pour laquelle, malgré ses propos confus, parfois mensongers ou son agressivité en bandoulière, elle est restée, du Monde à Marianne en passant par France Culture, indéboulonnable, vigie anxieuse d’une France sous « menace islamiste ».

  • J’archive cette histoire sur Les Suppliantes à la Sorbonne

    Facebook
    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10157104979755902&set=a.434672170901&type=3&theater&comment

    Voici le texte rose-brun !
    Le texte touche pas à ma racine gréco romaine.
    Le texte qui défend (à raison) la liberté de création mais en profite pour taper sur l’antiracisme. Le texte signé par tant d’ami.e.s que j’en perds mon latin. Le texte pour la défense du blackface pensé comme acte de création (quel talent). Le texte qui te ferait passer la valeur d’égalité pour du politiquement correct, le respect pour de la soumission au communautarisme, La lutte contre le racisme pour de l’identitarisme et la culture pour toutes et tous pour de la servitude volontaire. Si je suis habitué à avoir des ennemi.e.s, il est plus nouveau d’avoir des ami.e.s parmi les signataires qui se trompent autant... ou peut être, simplement se dévoilent : elles et eux qui attendaient qu’un spectacle universitaire amateur soit bloqué par deux ou 3 abrutis (je les condamne pour l’action tout autant que je comprends leur colère) pour monter l’événement en épingle, bien faire mousser, et enfin s’allier aux « on peut plus rien dire-on peut bien rigoler-yapasd’mal à se peindre en bamboula-c’est ma liberté de création-mon point de vu perso est universaliste alors ta gueule sale communautariste » et finalement vomir leur fiel trop longtemps contenu contre l’antiracisme.
    Pour info, contrairement à ce qui est écrit en intro de ce texte, le Cran n’était même pas présent sur ce blocage et ne l’a donc pas appelé de ses vœux. Mais bon, ma bonne dame, on n’est pas à un mensonge près quand on est idéologue.
    Bande de blaireaux !
    Alors oui, cher.e.s signataires (et parmi vous mes potes) vous avez le droit de vous peindre en noir.e.s pour jouer des noir.e.s. si ça vous fait kiffer, si ça vous flatte la liberté. Et personne ne devrait bloquer un spectacle, c’est vrai. Mais moi j’ai aussi le droit de vous dire que le faire, se déguiser en noir, en asiatique, en arabe... aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, en pleine conscience... ça fait de vous des ordures.
    C’est politiquement correct ça ?

    #Suppliantes #Eschyle #PrintempsRépublicain #Antiracisme

    • Pour Eschyle » L’almanach » Autour
      https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/guetteurs-tocsin/pour-eschyle-103

      L’UNEF n’est pas en reste, qui exige des excuses de l’université, en termes inquisitoriaux : « Dans un contexte de racisme omniprésent à l’échelle nationale dans notre pays, nos campus universitaires restent malheureusement perméables au reste de la société, perpétrant des schémas racistes en leur sein. » Le 28 mars, après les réactions fermes de La Sorbonne, des Ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Culture ainsi que d’une partie de la presse, dénonçant une atteinte inacceptable à la liberté de création, les mêmes étudiants commissaires politiques ont sécrété un interminable communiqué en forme de fatwa, exigeant réparation des « injures », entre autres sous forme d’un « colloque sur la question du “blackface” en France » : un programme de rééducation en somme, déjà réclamé par Louis-Georges Tin.

      #Islamophobie #Racisme

    • L’offensive des obsédés de la race, du sexe, du genre, de l’identité…
      https://www.marianne.net/societe/l-offensive-des-obsedes-de-la-race-du-sexe-du-genre-de-l-identite

      Les signaux sont nombreux qui montrent qu’un nouveau militantisme antiraciste confinant au racisme se propage dans notre société. Universités, syndicats, médias, culture, partis politiques… Ce courant de pensée né aux Etats-Unis "colonise" tous les débats.
      Les « racisés » souffrent d’« invisibilisation », ce qui devrait pousser à s’interroger sur les « privilèges blancs » et le « racisme d’Etat » en France. Si la triple relecture de cette phrase ne suffit pas à vous extirper d’un abysse de perplexité, c’est que vous n’avez pas encore fait la connaissance de la mouvance « décoloniale ».

      Vous n’êtes donc probablement pas un familier des organisations de gauche. Depuis plusieurs années, dans un mouvement qui s’accélère ces derniers mois, une idéologie nouvelle gagne ces milieux militants, qu’ils soient universitaires, syndicaux, associatifs, politiques ou artistiques. Sa dernière apparition spectaculaire remonte au 25 mars dernier, à l’entrée de la Sorbonne, sous les bannières de trois associations de défense des droits des personnes noires. Elles ont empêché la représentation d’une adaptation des Suppliantes, la pièce du poète antique Eschyle, dont certains comédiens blancs ont été accusés d’arborer du maquillage et des masques noirs pour interpréter une armée venue d’Afrique. Un blackface, c’est-à-dire un grimage raciste pour moquer les Noirs, ont expliqué ces manifestants. Le metteur en scène, Philippe Brunet, a eu beau rappeler ses engagements humanistes ou plaider pour qu’on puisse « faire jouer Othello [le personnage africain de Shakespeare] par un Noir ou par un Blanc maquillé », rien n’y a fait. « Il n’y a pas un bon et mauvais blackface », a rétorqué Louis-Georges Tin, président d’honneur du Conseil représentatif des associations noires (Cran).

      Sans que le grand public y prête encore attention, ces activistes, dont l’antiracisme confine souvent au racisme, conquièrent régulièrement de nouvelles organisations, comme le Planning familial, Act Up, qui lutte contre le sida, ou le syndicat SUD. Il ressort de l’enquête de Marianne que ces militants pointent également le bout de leur doctrine au Mouvement des jeunes socialistes, à la CGT, à la Ligue des droits de l’homme, dans les médias « progressistes » et dans les départements universitaires de...

      #Paywall (ça vaut peut-être mieux)

    • L’irruption du « classe, race, genre » à la Sorbonne - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/l-irruption-du-classe-race-genre-a-la-sorbonne_1718913

      La mise en scène des Suppliantes peut-elle échapper à la question de l’inscription de cette pièce dans l’Histoire ? Les Suppliantes posent non seulement la question de la représentation des « Noirs » au théâtre, mais celle du désir avec des femmes qui décident d’échapper au pouvoir des mâles, à leur société et qui, s’exilant, se mettent en situation d’émigrées déclassées et fragilisées. Nous sommes donc placés de façon contemporaine devant la question de l’intersectionnalité « classe, race, genre ». Les spectateurs d’aujourd’hui à la Sorbonne ne sont pas les Athéniens de cette époque-là. Ils ne peuvent faire abstraction des traites négrières transatlantiques, du colonialisme, des conceptions racistes sur « les Noirs » de Gobineau jusqu’au nazisme et l’Amérique du Ku Klux Klan, sinon au prix d’une déshistoricisation, dont on voit avec les Euménides qu’elle est une illusion.

      L’appel du Cran à organiser un colloque ouvert à la Sorbonne semble donc une bonne proposition. Il faut entendre ce que nous disent ces étudiants de la Sorbonne.

    • « Blackface », une histoire de regard - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/10/blackface-une-histoire-de-regard_1720559

      Qui est représenté, par qui, et qui regarde ? C’est à ce nœud-là que renvoie l’affaire des Suppliantes d’Eschyle, spectacle annulé à la Sorbonne le 25 mars sous la pression d’associations noires et de l’Unef, au motif que les actrices jouant les Danaïdes, originaires d’Egypte, étaient grimées. Le metteur en scène, Philippe Brunet, aurait fait la sourde oreille aux alertes répétées des étudiants et des militants depuis un an, puis aurait proposé de remplacer le maquillage par des masques, geste qui s’inscrit dans la tradition grecque et qui permettait de signifier mieux que de représenter. Mais cette option aurait aussi été rejetée par les protestataires. Un certain nombre d’entre eux a empêché la pièce d’être jouée, en s’opposant à l’entrée des acteurs et des actrices dans leurs loges.

      Le Conseil représentatif des associations noires (Cran), et son président d’honneur, Louis-Georges Tin, avaient appelé au boycott de la pièce, ce qui est une façon - et un droit - de protester sans interdire. Mais barrer l’entrée à des artistes, comme l’a fait un petit groupe, c’est faire œuvre de censure, et torpiller d’emblée un débat pourtant très nécessaire en France.

      Ce débat interrogerait la survivance plus ou moins inconsciente ou perverse de l’orientalisme, et de pratiques injurieuses contemporaines de l’esclavage, hors de propos au XXIe ; il poserait aussi la question passionnante des effets du travestissement au théâtre, qui est l’espace par excellence où les plus grandes libertés avec les conventions et avec l’actualité du monde ont été prises. En pleine crise des migrants en Europe, ce débat que n’importe qui devrait appeler de ses vœux relève bien de l’art, de la liberté de création, et des choix politiques qui les accompagnent nécessairement. L’ouvrir et en déplier les enjeux permettrait peut-être de dépasser ce clivage entre un « universalisme de surplomb » (Merleau-Ponty) européo-centré tout aussi crispé idéologiquement que les débordements de la pensée décoloniale. Il autoriserait aussi, qui sait, à trouver une issue à ce constat formulé par Nelson Mandela : « Ce que vous faites pour nous, sans nous, est toujours contre nous. »

    • Isabelle Barbéris : « Eschyle censuré, ou quand la moralisation de l’art tourne au grotesque »
      http://www.lefigaro.fr/vox/culture/2019/03/28/31006-20190328ARTFIG00044-isabelle-barberis-on-censure-eschyle-pour-crimina

      En creux, cette polémique révèle aussi une stratégie de criminalisation souterraine de la culture gréco-latine, par rétroactivité pénale. C’est une attaque contre la culture humaniste, contre le processus d’émancipation par la relecture des classiques. C’est enfin le symptôme d’une moralisation des arts (l’ « artistiquement correct »), transformant ces derniers en scène de tribunal ou d’expiation, ce qui à terme ne peut que les détruire. Les artistes qui répondent à ces attaques en entrant dans la justification ne comprennent pas que les accusateurs se moquent complètement de leur projet artistique ! Parfois, ils sont même responsables d’enclencher ce cycle infernal : la surenchère actuelle d’œuvres à messages manichéens, à base de postures flagellantes et de bonnes intentions, ne peut que réveiller l’appétit des commissaires du peuple - qui seront toujours mieux pensants qu’eux - et se retourner en censure.

      #grand_remplacement #Printemps_Républicain

    • Irène Bonnaud - Les gens qui animent l’institut dont il est...
      https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/1137833263058040

      Les gens qui animent l’institut dont il est question ci-dessous sont des nazis, des vrais de vrais. L’article du Monde que je partage est encore bien trop gentil. Et quant à nos ami.e.s qui auraient l’idée de se mettre au diapason d’un Jean-Yves Le Gallou pour déclarer que les militants antiracistes sont racistes, que les militants antifascistes sont fascistes, que le noir est blanc et le blanc est noir, et qu’il faut se dresser pour défendre Eschyle contre l’extrême-gauche, ils feraient mieux de lire cet article, de jeter un œil sur ce site (https://institut-iliade.com) et d’y réfléchir à deux fois. Combien de fois faudra-t-il répéter que les gens du Printemps Républicain travaillent, "à gauche", à l’hégémonie culturelle de l’extrême-droite, aussi sûrement que les néo-conservateurs américains nous ont conduit jusqu’à Trump ? On peut s’engueuler sur les modes et méthodes d’intervention de tel ou tel groupe militant, mais s’aligner sur les thèses du "grand remplacement", même quand elles sont enrobées de vernis culturel, reste inadmissible. Non, la culture gréco-latine n’est pas menacée par l’antiracisme politique. Se livrer aux mêmes manipulations intellectuelles que ces crapules (en feignant de croire par exemple qu’Eschyle était visé à la Sorbonne, alors qu’il s’agissait de choix de mise en scène), c’est leur offrir une aide inespérée.
      –—
      Marion Maréchal, Génération identitaire et les anciens du Grece réunis dans un colloque d’extrême droite
      L’ancienne députée du Front national a participé samedi à Paris au sixième colloque annuel de l’institut Iliade.
      Par Lucie Soullier / Le Monde
      Publié hier à 19h14, mis à jour à 06h24
      Ils doivent avoir vingt ans, ou à peine plus. Se connaissent par des prénoms qui ne sont pas toujours les leurs, parce qu’« on ne sait jamais ». Lui a même supprimé toutes les photos de profil qui pourraient trahir, en ligne, sa véritable identité. Méfiant ? « Prudent. »
      Tous les quatre se sont retrouvés à Paris, en ce samedi 6 avril ensoleillé, pour assister à un colloque d’extrême droite à la Maison de la chimie (7e arrondissement). Loin d’être un rendez-vous clandestin, le sixième colloque annuel de l’institut Iliade a pignon sur la très chic rue Saint-Dominique. A deux pas de l’Assemblée nationale. La file qui s’étire sur des dizaines de mètres peut même admirer la pointe de la Tour Eiffel, pour patienter jusqu’à l’entrée.
      Nos quatre jeunes gens tuent le temps avec quelques convenances. « Ça a été ton trajet ? », s’enquiert la Parisienne en rouge auprès de son ami venu de l’Est. Sac sous le bras, il lui répond « ça va, ça va » avec un « mais » très appuyé : « J’avais le choix de m’asseoir entre un Noir et une personne dirons-nous… marron. » Bras en écharpe et blouson noir, son voisin enchérit tout aussi excédé : « Ah moi, je suis venu en taxi avec un bon gros… » Il ne finira pas sa phrase ; tous quatre s’accordent sur le terme « guadeloupéen ». La fille en rouge soupire, tout en jugeant que « les Noirs des îles, ça va ».
      Différence entre les peuples
      Fouille à l’entrée. Une matraque télescopique repose sur une table, confisquée « juste pour la journée ». Une chouette et un glaive flottent sur les drapeaux, emblèmes de l’institut Iliade. Idéologiquement à l’extrême droite, tendance identitaire européenne, à majorité païenne mais pas que, Iliade est l’héritier du Grece (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) pensé à la fin des années 1960 comme une « Nouvelle droite » identitaire et nationaliste prêchant la différence entre les peuples.
      Pour les fondateurs d’Iliade, la bataille culturelle est la mère de toutes les autres pour faire triompher ses idées. L’institut d’extrême droite organise donc formations, colloques et tente d’essaimer dans tous les milieux professionnel et politique qui peuvent lui permettre de diffuser son idéologie.
      Marion Maréchal était surtout venue soutenir son compagnon, Vincenzo Sofo, invité à discourir sur « les frontières ou les invasions barbares »
      Pas étonnant donc, finalement, d’y croiser Marion Maréchal, elle qui a tant utilisé la figure du penseur marxiste italien Antonio Gramsci – selon lequel toute victoire politique passerait d’abord par une conquête des esprits – pour expliquer sa décision de quitter la politique électorale en 2017, puis de fonder sa propre école de sciences politiques, à Lyon. En réalité, la jeune « retraitée » de la politique était surtout venue soutenir son compagnon, Vincenzo Sofo, un intellectuel de la Ligue italienne invité à discourir sur « les frontières ou les invasions barbares ».

      #Front_National #GRECE #ILIADE #Extrême_Droite #fascisme

    • Irène Bonnaud - En 2013, j’avais écrit une préface à ma traduction...
      https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/1132136533627713

      En 2013, j’avais écrit une préface à ma traduction des Suppliantes d’Eschyle, et au texte de Violaine Schwartz, Io 467 (publiés aux Solitaires Intempestifs). Je la poste ici pour les très curieux, et aussi parce que je lis tant de bêtises, y compris accompagnées d’arguments d’autorité ("je suis professeur de Lettres Classiques, et je vous dis, moi, que c’est la culture qu’on assassine..."), que je suis obligée de réagir et d’apporter mon soutien aux étudiantes et étudiants de la Sorbonne qui, après s’être senti.e.s humilié.e.s par un système de représentation raciste, sont à présent insulté.e.s par les plus hautes autorités de l’Etat. Enfin, après 8 heures de Grand Débat avec des intellectuel.le.s, où personne n’a protesté avec la véhémence nécessaire contre l’augmentation de 1400% des droits d’inscription à l’Université pour les étudiant.e.s africain.e.s (parce que c’est de ça dont il s’agit), plus rien ne m’étonne.
      –—
      Passé / présent
      Des tragiques grecs dont on a conservé les pièces‚
      Eschyle est le seul à avoir vécu l’instauration de la
      démocratie à Athènes.
      Enfant‚ il vivait dans une cité qui était bourgade
      de province gouvernée par un despote‚ mais à 20 ans
      il vit Clisthène engager des réformes pour imposer
      le pouvoir des assemblées. À 35 ans il fut héroïque‚
      paraît-il‚ sur le champ de bataille de Marathon‚ puis
      à 45 ans triompha avec la flotte à Salamine : au géant
      perse qui venait envahir la Grèce‚ la petite Athènes‚
      forte de sa nouvelle démocratie et de ses navires‚ avait su
      résister et se retrouvait capitale d’un empire maritime.
      Huit ans plus tard‚ dans sa pièce Les Perses‚ racontant
      Salamine du point de vue des vaincus‚ Eschyle mit en
      scène leur stupéfaction devant ces Grecs « ni esclaves
      ni sujets d’aucun homme ». Et quand‚ en 461‚ Éphialte
      fit passer la réforme des institutions judiciaires pour
      ôter tout pouvoir politique au tribunal de l’Aréopage‚
      tenu par les aristocrates‚ Eschyle écrivit l’Orestie où
      Athéna vient appuyer ce coup de force de toute son
      autorité sacrée.
      Confiance provocatrice en la démocratie et confiance
      dans le théâtre pour raconter les histoires de son
      temps : les pièces d’Eschyle étaient aussi interventions
      directes dans les luttes intestines qui agitaient Athènes‚
      toujours sous la menace d’une restauration oligarchique
      ou d’une guerre civile.
      Les Exilées ne fait pas exception. Premier texte
      de l’histoire où apparaît l’alliance de mots « démocratie
       » pour décrire ce royaume d’Argos « où le
      peuple règne »‚ la pièce d’Eschyle transforme la ville
      des Pélages en démocratie modèle du ve siècle‚ avec
      assemblée des citoyens‚ parole qui persuade et vote à
      main levée. L’anachronisme est saisissant. Les filles de
      Danaos qui pensent s’adresser à un roi (« Seul ton vote
      compte / Un signe de tête suffit ») n’en croient pas leurs
      oreilles‚ avant d’être converties au nouveau système
      politique (« Peuple d’Argos / Conserve ton pouvoir
      sans trembler / Tu diriges la Cité avec prudence / Tu te
      soucies de l’intérêt de tous »).
      On s’est beaucoup trompé au sujet de la date des
      Exilées. De savants professeurs‚ et leurs commentaires
      repris ou réimprimés par beaucoup d’éditions bon
      marché‚ ont affirmé qu’il devait s’agir d’une pièce
      « primitive »‚ de la « jeunesse » de son auteur et des
      « balbutiements » du genre tragique. Pour l’esprit bourgeois
      des xviiie et xixe siècles‚ ce qui n’était pas théâtre
      des individus devait relever d’une « forme archaïque »
      de dramaturgie. Le rôle central du choeur dans la pièce‚
      le simple fait qu’un collectif puisse être au centre de
      l’action‚ paraissait inconcevable au goût littéraire de
      l’époque. C’était aussi le temps où on coupait les pièces
      de Shakespeare pour n’en garder que les tirades des
      protagonistes. Mais les théories sur l’« archaïsme » de
      la pièce d’Eschyle s’effondrèrent d’un coup quand‚
      un jour de 1951‚ un archéologue trouva un bout de
      papyrus au fond du désert égyptien : la pièce datait de
      463 av. J.‑C. et cette année-là‚ Eschyle avait 62 ans
      – comme Athènes‚ il était au sommet de son art.
      On était donc au printemps 463.
      Les démocrates athéniens s’agitaient pour faire
      passer leurs réformes‚ ils préconisaient une alliance
      sacrée avec Argos‚ la cité démocratique du Péloponnèse‚
      rivale de Sparte dans la région. Argos venait
      d’offrir l’asile à un héros d’Eschyle‚ Thémistocle‚ chef
      du parti démocratique au temps de sa jeunesse‚ l’homme
      qui avait osé vider Athènes de ses habitants pour attirer
      les Perses dans le piège de Salamine. Les aristocrates
      avaient poussé Thémistocle à l’exil et intriguaient pour
      qu’Argos livre son réfugié à Sparte‚ mais Argos‚ où
      la démocratie avait été restaurée l’année précédente‚
      tenait bon et ne cédait pas.
      Au même moment‚ en Égypte‚ occupée par l’Empire
      perse dont le gouverneur accablait d’impôts les
      paysans du delta‚ la révolte grondait. Inaros‚ chef des
      tribus libyennes‚ avait soulevé la population contre
      l’occupant et demandé l’aide d’Athènes contre l’oppresseur.
      Cette expédition se terminerait mal‚ mais
      pour l’heure‚ on se passionnait pour l’Égypte où les
      Grecs commerçaient depuis des siècles‚ où des villes
      grecques avaient été fondées dans le delta du Nil‚ où
      une déesse aux cornes de vache rappelait tant la légende
      de Io‚ et un dieu taureau‚ son fils Épaphos.
      Aucun événement historique de l’époque d’Eschyle
      n’apparaît de façon mécanique dans le texte‚ mais on
      voit bien comment un certain climat politique a pu
      le pousser à s’emparer de la légende des Danaïdes.
      Cinquante princesses noires du delta du Nil‚ persécutées
      dans leur pays‚ fuyant un mariage forcé avec
      leurs cousins‚ traversent la Méditerranée et viennent
      demander l’asile à Argos‚ patrie de leur aïeule‚ Io‚ qui
      a fui en sens inverse quelques générations plus tôt.
      Après avoir tergiversé‚ le roi prend fait et cause
      pour les étrangères et convainc les citoyens de voter un
      décret leur assurant asile et protection. On comprend à
      la fin du texte que l’hospitalité accordée à ces femmes
      « venues de loin pour demander l’asile »‚ comme le
      suggère le titre grec de la pièce‚ Hiketides‚ va déclencher
      une guerre entre Argos et les fils d’Égyptos.
      On ne sait pas grand-chose de la suite des événements
      car Les Exilées est la seule partie conservée de
      la trilogie d’Eschyle. D’après la légende et le résumé
      qu’en fait Prométhée dans Prométhée enchaîné‚ les
      fils d’Égyptos gagneront la guerre‚ le roi Pélasgos
      mourra au combat‚ Danaos‚ le vieux roi africain‚
      montera sur le trône d’Argos‚ et feignant de céder‚ il
      donnera ses filles en mariage à leurs ennemis. Mais la
      nuit de noces venue‚ chacune égorgera son chacun‚ à
      l’exception d’une seule qui préférera « être appelée
      lâche que sanguinaire ». Le couple survivant‚ amoureux‚
      héritera du trône d’Argos. C’est ce happy end
      sur fond de cadavres qui explique peut-être le seul
      passage conservé du reste de la trilogie‚ attribué à la
      déesse Aphrodite :
      Le ciel sacré veut pénétrer la terre
      Elle
      Prise de désir
      Attend son étreinte
      Il se couche sur elle
      Et du ciel tombe la pluie et engrosse la terre
      Pour les mortels
      Elle enfante
      Les prairies où paissent les troupeaux
      Les fruits de Déméter
      Et de leur étreinte humide
      Chaque printemps renaît la forêt
      De tout cela je suis la cause
      Le texte même des Exilées est objet de débats‚ des
      passages du manuscrit étant très corrompus : dans la
      scène entre l’éclaireur ennemi et les filles de Danaos
      ne surnagent que des mots épars et c’est comme si
      l’effondrement du texte mimait la panique ressentie
      et la violence de la scène. L’incertitude est grande aussi
      quant au final où le choeur paraît entrer en discussion‚
      et en contradiction‚ avec lui-même‚ peut-être pour
      annoncer l’heureux dénouement de la trilogie.
      Mais les incertitudes philologiques ne peuvent
      seules expliquer pourquoi la seule tragédie grecque
      ayant des femmes noires comme héroïnes est aussi
      l’une des plus méconnues et des moins jouées.
      Même si beaucoup de ses hypothèses sont sujettes
      à caution‚ on peut reconnaître à Martin Bernal et à sa
      Black Athena le mérite d’avoir rappelé l’idéologie
      raciste et coloniale des universités européennes aux
      xviiie et xixe siècles, au moment même où se constituaient
      les « sciences de l’Antiquité ». De la célébration
      des invasions doriennes au caractère « primitif » d’un
      chef-d’oeuvre d’Eschyle‚ la persistance diffuse de cette
      idéologie est d’autant plus grave qu’elle est inconsciente
      et invisible pour les non-spécialistes. Comment comprendre
      autrement que l’africanité du choeur‚ de Danaos‚
      de l’armée des fils d’Égyptos soit si souvent refoulée
      dans les traductions et les rares mises en scène de la
      pièce‚ alors que l’adjectif « noir » apparaît à plusieurs
      reprises et que Danaos‚ craignant un crime raciste‚
      exige une escorte pour entrer dans la ville ?
      Eschyle‚ qui avait déjà su faire parler les vaincus‚
      les barbares‚ les étrangers‚ dans Les Perses‚ confie
      le rôle principal à un choeur de femmes noires qui se
      défendent‚ argumentent‚ menacent‚ sans se laisser
      intimider ni par les conseils paternels (« parler haut
      ne convient pas aux inférieurs ») ni par les moqueries
      du roi d’Argos (« Vous vous pavanez avec des étoffes
      barbares / Des tissus dans les cheveux »).
      Un mariage forcé comme le refus de l’hospitalité
      sont‚ pour elles comme pour Eschyle‚ des impiétés
      qui mettront les dieux en colère :
      Comment serait pur
      Celui qui veut prendre une femme de force
      Contre son gré
      Celui qui fait cela
      Même mort et descendu chez Hadès
      Il sera encore accusé de crime
      Qu’importe les lois d’Égypte‚ puisqu’il s’agit d’une
      de ces « lois non écrites » voulues par les dieux. En
      lisant Eschyle‚ on comprend mal que les commentateurs
      de la pièce aient aussi consacré les trois quarts de leurs
      travaux à inventer les « vraies raisons » de la fuite des
      Danaïdes : rejet de la consanguinité‚ folie de naissance‚
      haine des hommes‚ complot de Danaos craignant un
      gendre assassin… Les hypothèses les plus fantasques
      ont été développées‚ sans qu’une seule ligne du texte
      ne vienne les soutenir‚ comme si le refus d’un mariage
      forcé et la crainte d’un viol n’étaient pas motifs suffisamment
      sérieux et qu’il fallait à toute force en trouver
      d’autres. Quand on compare Eschyle à certains de ses
      spécialistes‚ on s’interroge : qui notre contemporain‚
      qui à ranger au rayon des antiquités…

    • André Markowicz, le black face et le quant-à-soi de l’intelligentsia : Touraine Sereine
      http://tourainesereine.hautetfort.com/archive/2019/04/01/andre-markowicz-le-black-face-et-le-quant-a-soi-de-l-int

      Le blackface ? des dizaines de gens, à qui j’explique depuis plusieurs jours qu’il s’agissait d’une pratique courante dans les spectacles populaires français — au même titre que les publicités représentant des petits Africains se blanchir la peau grâce au savon des gentils Européens —, me rétorquent : « bah, on n’est pas aux Etats-Unis... »
      Bah oui, le racisme et la ségrégation, c’est Rosa Parks et Nelson Mandela. Ça n’a jamais existé chez nous.
      Ainsi, la manipulation à laquelle s’est livrée le metteur en scène Philippe Brunet, qui a tenté in extremis de remplacer par des masques plus conformes à l’esthétique antique le grimage racialiste et raciste d’actrices blanches, aura surtout montré la profonde inculture de l’intelligentsia française. On se sait de gauche, on s’est convaincu pour toujours de ne pas être raciste, et donc, même si des spécialistes de la question viennent vous rappeler que le grimage en noir, sur une scène théâtrale française, est une pratique analogue au black face, on dira que ce n’est pas vrai, que c’est de la censure.
      Notre pays n’a pas réglé sa dette vis-à-vis de son ancien Empire, ce qui permet notamment à la France de continuer à essorer ses anciennes colonies grâce au subterfuge scandaleux du franc CFA. C’est ce qui a permis à l’Etat français d’aider très efficacement au génocide rwandais en 1994. C’est ce qui permet aujourd’hui à tant d’universitaires et de gens de théâtre de s’asseoir sur l’histoire de la colonisation en taxant de « communautaristes » les opposants qui manifestent leur désapprobation quand un spectacle utilise une pratique indissociable d’un crime contre l’humanité.
      Et voilà comment des intellectuels, sans doute de bonne foi, se retrouvent, durant toute une semaine, à justifier le racisme institutionnel, aux cotés des Le Gallou et Zemmour dont ils se prétendent les adversaires.
      Cela me révolte et me révulse, mais cela n’a pas de quoi m’étonner : quoique je n’appartienne pas à une communauté racisée (ou que je ne fasse pas partie d’une minorité visible (aucune de ces formules ne me satisfait)), cela fait vingt-cinq ans que je travaille dans le domaine de la littérature africaine et que j’entends des collègues et des « intellectuels » tenir des propos d’un racisme souvent inconscient mais tout à fait audible. Il y a longtemps que des ami·es me demandent de raconter tout ce que j’ai entendu, mais ce serait le sujet d’une autre chronique.

    • Et encore...

      (1) Pièce d’Eschyle censurée : le contresens d’un antiracisme dévoyé - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/piece-d-eschyle-censuree-le-contresens-d-un-antiracisme-devoye_1718911

      Pièce d’Eschyle censurée : le contresens d’un antiracisme dévoyé
      Par Vigilance Universités

    • J’ai gardé le meilleur pour la fin

      TRIBUNE. Eschyle censuré : « l’UNEF est devenu un syndicat de talibans »
      https://www.nouvelobs.com/les-chroniques-de-pierre-jourde/20190409.OBS11306/tribune-eschyle-censure-l-unef-est-devenu-un-syndicat-de-talibans.html

      Totalitarisme de l’UNEF, qui réclame des camps de rééducation pour ces imbéciles de profs et d’employés universitaires, trop racistes, c’est bien connu, autrement dit la mise en place de « formations sur la question des oppressions systémiques ». Le crétin inculte veut toujours former plus intelligent que lui à son image.

      Je garde le meilleur pour la fin. La section de l’UNEF à la Sorbonne est dirigée par une femme voilée. L’obscurantisme religieux s’ajoute ici à l’obscurantisme culturel. N’oublions jamais que le voile est précisément exigé des femmes par des régimes religieux totalitaires qui leur refusent en même temps d’hériter, de conduire, de sortir seules d’avoir une vie libre et normale. Là-bas, on n’a pas le droit de ne pas le porter. Et les femmes qui cherchent à s’en libérer sont battues et fouettées, ou simplement agressées dans la rue, car une femme non voilée est une putain, bonne pour tout homme. Le voile en pays démocratique est une insulte à la lutte des femmes pour leur libération dans les pays où règne l’Islam le plus rétrograde. Le voile signifie que les cheveux de la femme sont impudiques. Que le corps de la femme est impudique car il risque de provoquer les hommes. On ne se contente pas toujours du voile, il faut que la femme soit entièrement empaquetée de noir jusqu’aux chevilles, et son visage même dissimulé. Ainsi elle n’agressera pas le désir des hommes (qui eux, bien sûr, sont libres d’aller tête nue). Voilée et inclusive à la fois ! Comprend qui peut.

      LIRE AUSSI > Comment peut-on être musulmane et féministe ?

      L’interdiction d’une grande pièce du répertoire antique est exigée par des étudiants à grands coups de fautes d’orthographe. L’égalité et le respect des Noirs sont défendus (hors de propos) par quelqu’un qui porte le signe de l’infériorité des femmes.

      Voilà où en est l’UNEF. Voilà où en sont les luttes étudiantes à la Sorbonne.

      #voile

    • Blackface : le Gouvernement et l’extrême droite sur la même ligne ? ‹ Le CRAN
      http://le-cran.fr/blackface-le-gouvernement-et-lextreme-droite-sur-la-meme-ligne

      « Nous soutenons les associations d’étudiant-e-s, qui demandent à ce qu’une rencontre soit organisée, entre le metteur en scène et le service culturel de la Sorbonne. Afin de s’assurer qu’il n’y aura plus de blackfaces et autres stéréotypes ou outils à connotations racistes, parmi les représentations soutenues ou accueillies par l’université », a déclaré Ghyslain Vedeux, le président du CRAN. M. Le chef du services culturel, mardi dernier (26 mars) a fait comprendre à des étudiants qu’il ne souhaitait pas s’entretenir avec eux. M. Riester et Mme Vidal apportent pourtant leur soutient, tout comme…l’extrême droite. C’est un signal inquiétant qui ne laisse aucun doute car certaines scènes, jouées en l’état, consciemment ou inconsciemment, renvoient à des représentations afrophobes et racistes », a poursuivi le président du CRAN.

      LIRE : Communique-final Réponse des Étudiantes et Étudiants de Sorbonne

      En effet, dans la même journée, plusieurs sites ultra comme « Résistance républicaine » avaient également apporté leur soutien embarrassant à Philippe Brunet. Et face à Louis-Georges Tin, président d’honneur du CRAN, Jean-Yves Le Gallou (ancien membre du FN, théoricien ayant élaboré le concept de « préférence nationale », et proche d’Henry de Lesquen), a affirmé qu’il rejoignait « les ministres macronistes ».

      #blackface #noirs #colonial

    • Blackface : le gouvernement « condamne fermement » l’annulation de la pièce Les Suppliantes - Le Figaro Etudiant
      https://etudiant.lefigaro.fr/article/a-sorbonne-universite-une-piece-de-theatre-antique-annulee-a-cause

      Dans un communiqué, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal et le ministre de la Cuture Franck Riester estiment qu’il s’agit d’une « atteinte sans précédent à la liberté d’expression et de création dans l’espace universitaire ». Ils font part de leur soutien à l’université ainsi qu’au metteur en scène et aux comédiens. Une nouvelle représentation des Suppliantes sera organisée « dans les prochaines semaines et dans de meilleures conditions » au sein du grand amphithéâtre de la Sorbonne, ont-ils également annoncé.

      #Racisme_d'Etat

    • (2) Ligue de défense noire africaine - Accueil
      https://www.facebook.com/liguededefensenoirafricainefrance

      Pour nous La LDNA le problème n’est ni Eschyle ni les Suppliantes mais le metteur en scène qui sous couvert d’antiracisme voulait grimer ses actrices en femmes noires ; puis suite à nos protestations souhaitait leur faire porter des caricatures de masques totémiques qui n’avaient de remarquables que leur laideur !
      Les vraies questions de notre action sur La Sorbonne et la pièce d’Eschyle sont :
      1) pourquoi le metteur en scène a-t-il choisit que les solutions qui outrageaient ?
      2) Pourquoi n’a-t-il pas recruté des actrices noires ?
      3) Pourquoi n’a t il pas utilisé de jolis masques stylisés ?

    • J’avoue ma perplexité devant ce dernier lien et cette remarque sur la joliesse des masques. C’est quoi des « jolis masques stylisés » ?
      Pour cette troupe de théatre de la sorbonne il me semble que c’est des étudiantes qui jouent, en amatrice·urs au sein de leur fac. sachant ceci je ne voie pas comment recruté 50 femmes noires. Est-ce qu’il faut interdire cette pièce pour toutes les compagnies de théâtre qui ne disposent pas de 50 femmes noires ?

    • Pour les masques : ceux envisagés pour le spectacle n’avaient rien à voir avec des masques antiques (à mon sens, ils ressortaient plutôt du style « Y a bon banania », mais comme je n’ai jamais compris comment on collait une image sur seenthis, je ne peux pas le prouver...). Effectivement, des masques absolument abstraits genre Bauhaus / Oskar Schlemmer ou des copies des masques grecs de l’antiquité n’auraient pas provoqué ces réactions. Là, selon l’aveu du metteur en scène lui-même, il s’agissait « d’exagérer les traits du visage ». Quand un metteur en scène blanc avec des actrices blanches décident de représenter des Africaines à l’aide de masques « accentuant les traits du visage », on peut être inquiet du résultat...

      Personne n’a besoin de 50 femmes pour jouer Les Suppliantes - il peut y en avoir deux ou trois, aucune importance, ou 12, comme dans l’Antiquité. C’est du théâtre, pas une reconstitution exacte de la mythologie grecque pour la télé. Il y a beaucoup de débats ces dernières années sur l’invisibilisation des personnes racisées sur les scènes de théâtre - comme le metteur en scène a voulu faire cette pièce, comme il le dit, pour parler du racisme, de l’identité, etc (c’est l’histoire de demandeuses d’asile africaines en Grèce, pour résumer à l’extrême), c’est étrange qu’il n’ait pas songé à trouver 2 ou 3 étudiantes noires à la Sorbonne. Mais admettons qu’il n’y ait aucune étudiante noire à la Sorbonne. La pièce a été mise en scène récemment par Gwenaël Morin à Lyon avec de jeunes comédiennes de toutes les origines, et par Jean-Pierre Vincent avec des amatrices des quartiers de Marseille, et ça n’a suscité aucune protestation parce que personne n’était « grimé en noir ».

    • D’autres photos circulent sur twitter, vraiment pires. Apparemment il y a eu passage d’une version « grimée » l’an passé à une version « masquée » (cette année).

    • Blackface à la Sorbonne : victoire du CRAN et de ses partenaires ‹ Le CRAN
      http://le-cran.fr/blackface-a-la-sorbonne-victoire-du-cran-et-de-ses-partenaires

      A la suite de ce boycott lancé le 21 mars dernier par le CRAN et repris par ses partenaires, les étudiants ont interpellé Philippe Brunet, le metteur en scène de la pièce. Dans un premier temps, il a proposé de faire jouer les scènes concernées avec « un masque noir ». En s’appuyant sur le travail du CRAN (voir site internet www.stopblackface.fr), les étudiants ont aisément démontré que cela ne réglait pas le problème tant les masques restaient grossiers, perpétuant les stéréotypes afrophobes et racistes.

      Puis, dans une seconde tentative peu convaincante, Philippe Brunet s’est hasardé à proposer que la pièce soit jouée avec… « des masques dorés ». Ne se laissant pas amadouer, les étudiants ont demandé à voir ces fameux « masques dorés » ; Philippe Brunet fut bien en peine de leur montrer les objets en question, et finalement, il dut se résoudre à annuler cette représentation.

      « Après notre appel au boycott du 21 mars, relayé par les étudiants et les associations de la Sorbonne, nous avons été entendus. A présent, avec nos partenaires, nous souhaitons que se tienne très bientôt un colloque sur l’histoire du Blackface en présence de ce metteur en scène, de la direction du centre culturel et du doyen de cette université. Ce sera une sorte de réparation », a conclu Ghyslain Vedeux, le président du CRAN.

    • Il y a quelques photos sur le tweet de Rokhaya Diallo

      dont la première datée de 2017

      également ceci au Figaro


      Pour éviter de se grimer en noirs, les comédiens avaient proposé de porter des masques de couleurs.
      Crédits photo : Culture-sorbonne

      (note : le site du Point fonctionne (plus ou moins…))
      EDIT : je vois que tu as essayé de poster cette même image. Tu as mis l’adresse du tweet (ce qui permet de la retrouver), pour avoir l’image il faut l’adresse… de l’image que tu obtiens par un clic droit sur celle-ci.

    • Quel rapport entre la direction de Paris IV et la culture populaire américaine, je voudrais bien le savoir...(pardon, je parle toute seule)

      A propos du « blackface » : politique, mémoire et histoire. – Le populaire dans tous ses états
      https://noiriel.wordpress.com/2019/03/31/a-propos-du-blackface-politique-memoire-et-histoire

      Or les travaux historiques qui ont été publiés récemment sur le blackface montrent que ces spectacles ont toujours été « ambigus ». Pour illustrer ce point, je m’appuierai sur des écrits publiés par des auteurs qu’on ne peut pas soupçonner de la moindre complaisance à l’égard du racisme. Il s’agit du livre de l’historien américain William T. Lhamon, Raising Caïn. Blackface performance from Jim Crow to Hip-Hop, publié par Harvard University Press en 1998. Il a été traduit en français sous le titre Peaux blanches, masques noirs. Performances du blackface de Jim Crow à Michael Jackson, édition Kargo et L’Eclat, 2008, avec une préface du philosophe Jacques Rancière.

      Il est regrettable, mais logique (vu la position hégémonique qu’occupent aujourd’hui dans le champ intellectuel les identitaires de tous poils) que ce très beau livre n’ait pas rencontré plus d’écho dans notre espace public. Dans sa préface, Jacques Rancière a clairement indiqué les raisons pour lesquelles cet ouvrage était important. Les spectacles en blackface, concoctés au début du XIXe siècle par des comédiens blancs grimés en noir dans de petits théâtres populaires new-yorkais, étaient typiques d’une « culture sans propriété ». William Lhamon la définit en réhabilitant un vieux mot anglais : « lore », terme qu’il détache du terme « folk-lore », lequel s’est imposé par la suite pour assigner une culture à un peuple. Rancière enfonce le clou en soulignant qu’une culture n’est la propriété d’aucun groupe ethnique, car elle est « toute entière affaire de circulation ». La circulation d’une pratique culturelle permet non seulement de la faire partager à d’autres publics, mais elle aboutit toujours aussi à des formes d’appropriations multiples et contradictoires. Ce qui fut le cas au début du XIXe siècle, car le public qui assistait à ces représentations était composé d’esclaves et d’ouvriers (blancs et noirs) de toutes origines.

      Pourtant, dès le départ, le spectacle blackface « a fait l’unanimité de tous les bien pensants » contre lui, ajoute Rancière, résumant l’une des thèses centrales du livre. Non seulement les bourgeois cultivés le rejetaient car ils le trouvaient trop vulgaire, mais il était dénoncé également par les antiracistes de l’époque. « Les champions de l’émancipation des Noirs comme Frederick Douglass, relayés plus tard par la tradition de gauche, dénonçant cette appropriation des chants et danses du peuple noir, transformés en caricatures racistes d’un peuple enfoncé dans sa minorité. C’est récemment seulement que les historiens du blackface ont commencé à complexifier cette vision du spectacle de ménestrels comme une caricature issue du Sud esclavagiste donnée par des Blancs pour conforter le racisme de leurs semblables ».

    • Des masques derrière lesquels le racisme ne peut se cacher, de l’art derrière lequel le racisme ne peut se cacher... Le racisme ne peut se cacher, il s’exprime et se subit, c’est tout.
      Je pense aussi à ça :
      https://seenthis.net/messages/772108
      L’"artiste" a déclaré ne pas vouloir se justifier et a fait le lien avec les « Suppliantes ».
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/sete/accuse-racisme-artiste-setois-herve-di-rosa-reagit-vive

    • À noter car @cie813 est trop modeste sa traduction s’intitule “Les Exilées” (aux éditions Solitaires intempestifs, 2013)
      https://www.solitairesintempestifs.com/livres/467-les-exilees-9782846813.html

      Les Exilées, Les Suppliantes sont à vrai dire le même texte d’Eschyle. Irène Bonnaud, metteur en scène et traductrice l’a revisité en le rattachant à l’histoire immédiate de l’Europe vis-à-vis des migrants du sud et en prenant comme texte d’origine le point de vue des femmes. Aujourd’hui, un migrant vient forcément du sud. C’est la tragique loi du système économique mondialisé qui ne cesse de déposer des corps épuisés, échoués après une traversée indicible de malheurs.

      Un extrait et une belle carte chez @vacarme
      https://vacarme.org/article2240.html

    • Oui, ça vient de @reka, bien sûr (je ne comprends pas que Vacarme ne l’ait pas crédité, c’est bizarre - il doit l’être dans la version papier, enfin j’espère). C’est le parcours de Io pourchassée par le taon, la ligne en pointillée c’est le trajet de ses descendantes, les héroïnes des « Suppliantes », qui viennent demander l’asile à Argos, royaume d’origine de leur arrière-arrière grand-mère.
      Mais arrivée dans le delta du Nil, la princesse grecque Io a mis au monde l’enfant de Zeus, Epaphos, qui est noir et fonde les dynasties africaines (d’où la polémique qui nous occupe).

      Eschyle dans « Prométhée enchaîné » (ma traduction aux Solitaires Intempestifs - comme @fil a commencé à faire de la pub, je continue) :

      Il est une cité
      Canope
      Qui se dresse au bout de la terre d’Égypte
      Sur un talus formé d’alluvions du Nil
      Là Zeus te caressera
      Doucement
      Sans te faire peur
      Le geste de sa main te rendra la raison
      Et ce même geste
      Sans étreinte
      Te fécondera
      Tu mettras au monde un fils au visage noir
      Épaphos
      L’enfant-né-d’une-caresse
      Il régnera sur les terres qu’arrose le Nil au large cours

      Eschyle dans « Les Suppliantes / Les Exilées » :

      Choeur.

      Mon récit sera bref
      Mes paroles claires
      Nous sommes d’Argos
      Nous descendons d’une génisse qui enfanta des rois
      C’est la vérité
      Nous pouvons le prouver

      Roi d’Argos.

      Comment vous croire
      Étrangères
      Comment pourriez-vous être d’Argos
      Vous ressemblez à des Libyennes
      Pas aux femmes de ce pays
      Le Nil nourrit des plantes dans votre genre
      Vos traits rappellent aussi les statues de femmes
      Que des sculpteurs fabriquent sur l’île de Chypre
      Et on raconte des histoires sur des Indiennes nomades
      Elles font attacher des selles à dossier sur des chameaux
      S’y prélassent en avançant aussi vite qu’à cheval
      Et se promènent ainsi jusqu’aux villes d’Éthiopie
      Le pays au visage brûlé par le soleil
      Si vous aviez des arcs et des flèches
      Je pourrais vous prendre pour des Amazones
      Les femmes sans hommes
      Mangeuses de chair crue
      Mais instruisez-moi
      Comment votre famille pourrait être d’Argos

      Choeur.
      Tu as entendu parler de Io
      Une jeune fille qui officiait au temple d’Héra
      Ici à Argos

      Roi d’Argos.
      Il y a beaucoup d’histoires à son sujet

      Choeur.
      On raconte que Zeus coucha avec elle

      Roi d’Argos.
      Et qu’Héra les surprit en pleine étreinte

      Choeur.
      Dispute chez les rois de l’Olympe
      Tu sais comment elle finit

      Roi d’Argos.
      La déesse transforma la jeune femme en génisse

      Choeur.
      Mais Zeus retourna la voir
      Elle avait de belles cornes

      Roi d’Argos.
      On le dit
      Zeus prit la forme d’un taureau saillisseur

      Choeur.
      Que fit alors son épouse
      Ivre de fureur

      Roi d’Argos.
      Pour surveiller la génisse
      Elle trouva un gardien aux yeux innombrables

      Choeur.
      Ce bouvier qui pouvait tout voir

      Roi d’Argos.
      S’appelait Argos car il était né de cette terre
      Mais Hermès le tua

      Choeur.
      Quelle torture inventa Héra contre la pauvre génisse

      Roi d’Argos.
      Une mouche qui la poursuivait sans cesse

      Choeur.
      Au bord du Nil
      On l’appelle un taon

      Roi d’Argos.
      Il la chassa d’ici
      L’entraîna dans une longue errance

      Choeur.
      On nous a raconté la même histoire

      Roi d’Argos.
      Enfin elle arriva en Égypte
      À Canope ou à Memphis

      Choeur.
      Et Zeus la caressa
      De sa main il engendra un enfant

      Roi d’Argos.
      Qui était-ce
      Ce fils d’un dieu et d’une génisse

      Choeur.
      Épaphos
      L’enfant né d’une caresse
      Le nom est bien trouvé
      D’Épaphos est née Libye
      Reine de l’Afrique
      Le plus grand des continents

    • Tiens, Lundi AM s’aligne sur les positions de Marianne, on aura tout vu...(le texte n’a pas l’air signé, mais ça doit être un ami d’"Hervé" puisqu’il l’appelle par son prénom)

      Polémique autour d’une représentation des Suppliantes d’Eschyle
      https://lundi.am/Polemique-autour-d-une-representation-des-Suppliantes-d-Eschyle

      Pour ce qui concerne les accusations de perpétuer les représentations associées à l’esclavage et au colonialisme, la polémique la plus célèbre, avant celles concernant la mise en scène des Suppliantes et la toile d’Hervé, était celle dont Brett Bailey, metteur en scène d’Exhibit B, fut la cible, des associations tentant même d’obtenir l’interdiction de l’œuvre en justice.

    • Je perds patience (pourquoi j’ai commencé à archiver ces trucs, je me demande)

      « Quand ils s’en prennent à la création, les anti- “blackfaces” tombent souvent dans le contresens, historique comme esthétique »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/quand-ils-s-en-prennent-a-la-creation-les-anti-blackfaces-tombent-souvent-da

      Comment qualifier ce qui s’est passé, lundi 25 mars, à la Sorbonne ? De grotesque ? D’affligeant ? D’inquiétant ? Des étudiants et des militants de la cause noire ont empêché par la force la tenue d’une pièce d’Eschyle, Les Suppliantes, au motif que des acteurs blancs portaient des masques sombres ou étaient grimés de noir. Le metteur en scène de la pièce entendait user d’un artifice ancré dans la tragédie grecque, mais aussi rendre hommage à l’influence de l’Afrique dans la Grèce antique. Mais pour les censeurs, ce blackface est raciste.
      Lire aussi A la Sorbonne, la guerre du « blackface » gagne la tragédie grecque
      Certains diront que ce n’est pas bien méchant, que c’était un spectacle confidentiel. C’est très grave. Pour de multiples raisons. La pièce devait se jouer dans la plus ancienne université française, un emblème de la Nation. Son metteur en scène, Philippe Brunet, est un helléniste respecté – il a essuyé des injures. Et puis cette entrave à la liberté de création n’a pas vraiment fait réagir les milieux culturels, pourtant épidermiques sur le sujet. Il a fallu près de deux jours, et des articles dans la presse, pour que les ministères de la culture et de l’enseignement supérieur publient un communiqué navré, promettant que la pièce se tiendra dans les semaines à venir.
      « Coup » prévisible 
      En fait les milieux culturels sont tétanisés. Ils font corps quand se dresse une censure venant de l’Etat, des cercles d’extrême droite ou catholiques. Mais là, leurs ennemis pourraient être leurs amis. Depuis quelques années, des communautés en France – ici des Noirs – adoptent une posture victimaire, estimant que l’Occident, par nature raciste, n’est pas légitime pour écrire leur histoire, passée et actuelle, et fustigent tout signe d’appropriation culturelle, qu’elle soit vernaculaire ou venant d’artistes blancs et dominants

    • Il ne manquait plus que lui pour notre série : "les bons anti-racistes sont les anti-racistes blancs, les autres sont des sauvages incultes"

      (20+) Eschyle, le « blackface » et la censure - Libération
      https://www.liberation.fr/politiques/2019/04/15/eschyle-le-blackface-et-la-censure_1721447

      Le metteur en scène, Philippe Brunet, proteste de ses convictions ouvertes et égalitaires. Mais c’est un individu éminemment louche puisqu’il est animé de valeurs humanistes et travaille depuis des lustres sur la langue grecque ancienne, cherchant à mettre en lumière – et à réhabiliter – les influences africaines sur la culture grecque de l’Antiquité. Un raciste qui s’ignore, donc, qui a eu la criminelle idée de rappeler que les « Suppliantes » avaient sans doute la peau cuivrée et qu’il a envisagé de leur brunir le visage avec un onguent, avant d’opter pour des masques de cuivre.

      #désinformation #fakenews

    • #merci @christopheld !

      @cie813, c’est effectivement assez désespérant mais la compilation est importante. D’ailleurs, il s’agit de
      • Michel Guerrin, rédacteur en chef au Monde (avec un #paywall)
      • Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération

      Par moment, je ne peux m’empêcher de comparer à la période de recomposition de l’échiquier politique des années 30, où la droite comme la gauche a eu à se situer vis-à-vis des fascismes mussolinien et hitlérien en démarrant des trajectoires qui ont débouché sur les attitudes pendant l’occupation. Aujourd’hui, c’est autour de l’islamophobie et de cette attaque de l’antiracisme que se recomposent droite et gauche. Quel en sera l’aboutissement ? Question plutôt angoissante…

      et donc #merci, @cie813

    • La présentation en partie fausse et lourdement orientée de France Culture (qui ne sait pas orthographier Libye par ailleurs)

      « Les Suppliantes » et le blackface : les nouvelles censures au théâtre
      https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/les-nouvelles-censures-au-theatre


      Lundi 25 mars, la pièce d’Eschyle, Les Suppliantes montée par la compagnie Démodocos et programmée dans l’amphithéâtre Richelieu, à la Sorbonne, a été empêchée de jouer par une cinquantaine de militants de la Ligue de défense noire africaine (LDNA), de la Brigade anti-négrophobie, et du Conseil représentatif des associations noires (Cran), accusant la mise en scène de racisme. Motif : la pièce met en scène le peuple des Danaïdes venu d’Egypte et de Lybie demander asile aux Grecs de la ville d’Argos, les acteurs ont couvert leur visage d’un maquillage par-dessus lequel ils se sont couverts de masques cuivrés et non pas noirs, comme cela se faisait dans la Grèce antique. Cela a suffi pour que les militants crient au « blackface », du nom de ce genre de maquillage théâtral américain du 19ème siècle ou des acteurs blancs se maquillaient pour caricaturer les noirs, et décident d’agir.

      « C’est un procès d’intention et un contresens total », a aussitôt dénoncé la présidence de l’université. « Une partie de la troupe a été séquestrée par des excités venus là pour en découdre », a accusé, de son côté, le metteur en scène et directeur de la compagnie Philippe Brunet, qui dénonce par ailleurs des pressions physiques de la part des militants de la Ligue de défense noire et du Cran sur des actrices en larmes et envisage de porter plainte. Neuf mois après les débats provoqués notamment dans cette émission par les attaques contre la pièce du Canadien Robert Lepage Kanata accusée de racisme, voici que la polémique fait retour sur un nouveau cas de censure et de violence au théâtre.

    • Ah un texte intéressant sur cette affaire, et de quelqu’un qui a vraiment lu la pièce, contrairement à nos républicains qui veulent sauver la culture (et c’est écrit par une universitaire américaine, spécialiste en « gender studies » !)

      Classics at the Intersections : The (Black)Faces of Aeschylus’ Suppliants
      https://rfkclassics.blogspot.com/2019/03/the-blackfaces-of-aeschylus-suppliants.html

      Over the last two weeks, I’ve given a series of talks on Aeschylus’ play and asked myself the question of whether in its original context it was a play about welcoming refugees or about the benefits of the Athenian empire (and so ’colonialist propaganda), or if it was really about the threat and danger of immigrants to Athens. Because audiences aren’t monolithic, I think it probably can legitimately be interpreted as all three, depending on who is in your audience.

      I’ve been trying to think of the play within the context of Athens’ descent in the 460s and 450s into anti-immigrant policies and strict monitoring of citizenship. The play was performed around 463 BCE, around the time that the new category of ’metic’ (translated as ’immigrant’ or ’resident foreigner’) was created and only a decade before Athens began racializing its citizenship with the passage of the law requiring double Athenian parentage for citizenship and emphasizing its autochthonous birth.

      #colonialisme #métèques #migrants #blackface

    • Bon, c’est l’UNI (mais ce qui est inquiétant, c’est le nombre de gens qui s’alignent sur ces délires désormais)

      L’indifférence de militants de l’Unef devant Notre-Dame, ou le vrai visage des enfants de Bourdieu
      http://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-indifference-de-militants-de-l-unef-devant-notre-dame-ou-le-vrai-visage-d

      C’est sous l’influence de cette idéologie que le syndicat défend désormais les séminaires en non-mixité, fait interdire la pièce de théâtre, les Suppliantes d’Eschyle, en se basant sur les concepts décolonialistes de « blackface » et « d’appropriation culturelle », ou encore lance une vaste campagne sur les campus français pour dénoncer « une société organisée pour les blanc.he.s » et « les programmes d’histoire occidentaux-centrés ».

    • « Masques cuivrés », « interdire », « une pièce d’Eschyle » - au concours du plus grand nombre de fake news au centimètre carré, la gagnante est...

      NOTRE-DAME ET LE BRASIER IDENTITAIRE – Caroline Fourest
      https://carolinefourest.wordpress.com/2019/04/25/notre-dame-et-le-brasier-identitaire

      Décidément, les membres de l’Unef méritent leur nouvelle réputation de talibans en culottes courtes. Quand il ne soutient pas le « hijab day » à Sciences-Po, le syndicat se bat pour faire interdire une pièce d’Eschyle à la Sorbonne parce que mettre des masques cuivrés pour raconter la tragédie des migrants – en l’occurrence des Danaïdes – serait un blackface ! Pire que les hébertistes qui brisaient les icônes pendant la Révolution, les iconoclastes d’aujourd’hui sont bigots quand il s’agit de religion et analphabètes quand il s’agit de culture. Exactement comme les identitaires racistes qu’ils dénoncent, mais à qui ils ressemblent comme des frères jumeaux sous un autre masque. A les lire, ce n’est pas seulement notre patrimoine et notre idéal universel qu’il faut protéger de leurs incendies, mais toute une culture politique qu’il faut rebâtir.

    • Pour dire la même chose, on peut compter sur Eugénie Bastié pour Le Figaro/Vox (avec #paywall : si quelqu’un l’a en entier ?)

      Pièce de théâtre interdite, Finkielkraut insulté  : ce sectarisme qui monte à l’université
      http://www.lefigaro.fr/vox/societe/eschyle-interdit-finkielkraut-insulte-sectarisme-a-l-universite-20190424

      Pièce de théâtre interdite, Finkielkraut insulté : ce sectarisme qui monte à l’université

    • Sylvie Chalaye, pédagogue

      Eschyle à la Sorbonne : pourquoi condamner le blackface ? | Africultures
      http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface

      Les pratiques anciennes ne sont pas automatiquement légitimes. On doit pouvoir les reconsidérer à la lumière des expériences que l’humanité a traversées depuis cette époque. La traite, l’esclavage, la colonisation… sont passés par là. Ne pas reconnaître l’humiliation qui fait résurgence dans certains gestes dont on ne sait pas la portée et qui touchent les afrodescendants est un manque d’humilité dommageable.

    • « Blackface » ou le théâtre de la question raciale - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/05/06/blackface-ou-le-theatre-de-la-question-raciale_1725284

      Pourtant, cette conception de l’autorité créatrice qui fixe le sens de l’œuvre n’a-t-elle pas été remise en cause par la théorie littéraire depuis cinquante ans ? En 1968, Roland Barthes s’attaque à la critique qui « se donne pour tâche importante de découvrir l’Auteur (ou ses hypostases : la société, l’histoire, la psyché, la liberté) sous l’œuvre » ; il lui oppose l’écriture. Et de conclure : « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur. » L’année suivante, Michel Foucault prolongera cette analyse de la « fonction-auteur », qui « est la figure idéologique par laquelle on conjure la prolifération du sens ».

      Pour trancher les conflits d’interprétation, on revient aujourd’hui à l’autorité du metteur en scène, relais de l’auteur. Pourquoi ce retour porte-t-il sur la question raciale ? C’est en réaction à l’évolution de nos conceptions du racisme et de l’antiracisme. Dans les années 80, la montée du FN pouvait s’interpréter selon une définition idéologique du racisme. Mais, à partir des années 90, la prise de conscience des discriminations systémiques amène à penser un racisme structurel. Il n’est plus possible de réduire le racisme à la seule intention ; à partir de ses conséquences, on appréhende le racisme en effet.

      Dès lors, la question n’est plus uniquement de savoir si tel ou telle, au fond, est raciste ; on considère les choses du point de vue des personnes dites « racisées », car assignées à leur couleur ou leur origine par des logiques de racialisation qui dépassent les intentions et idéologies, bonnes ou mauvaises. Pour combattre les violences de genre, on a fini par l’accepter, mieux vaut se placer dans la perspective des victimes. On commence à le comprendre, il en va de même du racisme : l’intention n’est pas tout.

    • Pour une liberté de création partagée par tous – sur l’affaire des Suppliantes | AOC media - Analyse Opinion Critique
      https://aoc.media/opinion/2019/05/03/liberte-de-creation-partagee-laffaire-suppliantes

      THÉÂTRE
      Pour une liberté de création partagée par tous – sur l’affaire des Suppliantes
      Par Bérénice Hamidi-Kim

      SOCIOLOGUE DU THÉÂTRE
      Fin mars à la Sorbonne, des manifestants ont interrompu une représentation des Suppliantes d’Eschyle. En soutien au metteur en scène, l’helléniste Philippe Brunet, de nombreux artistes et intellectuels ont, à l’initiative du Théâtre du Soleil, co-signé une tribune récusant les accusations de blackface. Et si l’on en profitait pour amorcer un débat dans lequel il serait possible d’imaginer davantage que deux points de vue qui s’affrontent ?
      Qu’est-ce qui a eu lieu le 25 mars 2019 à Paris ? « Les faits sont connus », présuppose d’emblée la tribune intitulée « Pour Eschyle » initiée par le théâtre du Soleil, qui parle de « censure » et d’« agression grave », après l’interruption par des manifestants d’une mise en scène des Suppliantes à la Sorbonne. Mais le sont-ils vraiment ? On peut en douter, tant les faits sont en l’occurrence pris à parti pour servir de preuve et d’arme dans un conflit qui oppose, avec une violence assez spectaculaire, deux camps. Et justement, la présentation et la mise en récit des événements joue un rôle décisif pour chacun de ces camps, qui s’en sert pour asseoir la légitimité de sa position et pour qualifier ou plutôt disqualifier le camp adverse. Politique, le conflit est aussi un conflit de valeurs et un conflit de légitimité qui se joue également sous la forme d’un conflit de narrations. Comme au théâtre, justement, le sens découle de la manière de cadrer l’action, de distribuer les rôles, de raconter l’histoire, ou ici, l’Histoire.

      Pour le Soleil et ses soutiens, l’affaire est simple et la cause est entendue. L’événement qui a eu lieu ce jour-là consiste dans l’interruption d’une représentation d’un projet théâtral innocent et même bien intentionné sur les questions raciales : la mise en scène par l’helléniste Philippe Brunet des Suppliantes d’Eschyle, dans le cadre d’un atelier de théâtre antique soucieux de restituer la part méditerranéenne et africaine de l’auguste civilisation grecque et de son théâtre. Et cette agression est doublement brutale, parce qu’elle a recouru à la force physique et parce qu’elle aurait eu lieu sans sommation.

      Au contraire, pour ceux qui se sont opposés au spectacle, et parmi eux ceux qui ont assumé de vouloir empêcher la bonne tenue de la représentation, cette opposition se justifie par le refus de dialoguer dont aurait fait preuve le metteur en scène depuis… un an. Car tout ne se superpose pas de manière aussi simple et binaire que la tribune tend à le faire croire, et les moyens d’action ont fait débat au sein du camp des opposants. L’opposition se justifie aussi par le refus catégorique du metteur en scène d’accréditer leur qualification de son geste artistique : un blackface. Comprendre : que des personnes blanches se maquillent le visage en noir pour caricaturer des personnes noires, les diaboliser ou les tourner en dérision, en tout cas les déshumaniser.

      Pour le Soleil, il ne s’agit pas de blackface pour deux raisons. La première raison est que la mise en scène recourt à des masques – à quoi les opposants rétorquent que dans une première étape de la création, celle qui avait mis (discrètement alors) le feu aux poudres, il s’agissait uniquement de maquillage. Ce n’est de fait que dans un second temps que le metteur en scène a ajouté le port de masques noirs et cuivrés (ornés, en guise de cheveux, d’extensions capillaires de couleur noire) ce qui, pensait-il, était de nature à apaiser les choses. La seconde raison est que le blackface ne serait pas affaire de geste mais d’intention. D’où l’idée, que l’on retrouve dans plusieurs autres textes de soutien à Philippe Brunet, que les opposants feraient un « contresens » total sur le texte d’Eschyle et sur le projet du metteur en scène.

      L’opposition serait donc aussi entre personnes dotées de capacités d’intellection et de culture, et personnes incultes. Pourtant, comme les opposants, le Parlement Européen choisit de ne pas considérer l’intention et de s’en tenir au geste, quand il déclare que « la pratique consistant à se noircir le visage perpétue des idées préconçues bien ancrées au sujet des personnes d’ascendance africaine, et peut ainsi exacerber les discriminations », et manifeste « la persistance de stéréotypes discriminatoires ». Pourquoi ? A cause de ce fait historique qui est que « les injustices à l’égard des Africains et des personnes d’ascendance africaine qui ont jalonné l’histoire, comme la réduction en esclavage, le travail forcé, la ségrégation raciale, les massacres et les génocides qui se sont produits dans le contexte du colonialisme européen et de la traite transatlantique des esclaves, sont très peu reconnues et prises en compte par les institutions des Etats membres ».

      C’est donc à ces institutions – et donc notamment aux institutions culturelles – que le Parlement européen en appelle quand il « invite les Etats membres à dénoncer et à décourager le maintien de traditions racistes et afrophobes ». Un texte émanant des institutions politiques européennes, écrit au nom des valeurs démocratiques, et qui condamne l’usage du blackface quelles que soient les intentions de qui y recourt… voilà qui pourrait ébranler quelques certitudes quant à la simplicité axiologique de la répartition des camps. Avec ce texte, les élus politiques cherchent à agir sur le cours de l’histoire, car c’est à cela aussi que peuvent servir les politiques publiques. Et pour cela, elles s’appuient souvent, faut-il le rappeler, sur les luttes menées auparavant par les mouvements d’émancipation : mouvement ouvrier, suffragettes, Front Populaire, mouvement des droits civiques etc… sans ces luttes et les femmes et les hommes qui se sont battus parfois au péril de leurs vies, pas de droit du travail, pas de droit de vote des femmes, pas de décolonisation, pas de politiques de lutte contre les discriminations, pas d’actualisation des valeurs démocratiques.

      Bref, c’est peu dire que toute cette affaire est complexe. Il faudrait donc prendre le temps d’investiguer les faits, les concepts (blackface[1], mais aussi appropriation culturelle, censure, boycott, liberté de création/d’expression) et plus largement, les formes qu’a pris ce conflit de narration et de légitimité, ce qu’il révèle, et ce qu’il cache. Pour l’heure, je voudrais m’attacher précisément à la tribune rédigée par le Soleil. Pourquoi ? Elle a rassemblé un nombre impressionnant de signataires, artistes et universitaires dont la liste produit un effet de légitimité incontestable – même si une des particularités notables de cette tribune est que parmi les signataires se côtoient des gens qui ont à dire vrai peu de raisons de se rassembler, tant ils tiennent sur les questions brûlantes des discriminations – du racisme, du sexisme et de l’homophobie – des positions divergentes. Serait-ce justement le signe que « l’affaire est grave » et mérite donc un front uni, en l’occurrence un front démocratique et républicain ? Face à quoi ?

      Revendiquant de parler « pour », la tribune est de fait surtout écrite contre. Un premier trouble vient de l’omniprésence d’une rhétorique que le texte dit dénoncer mais qu’il reprend à son compte. « Vocabulaire digne d’un tribunal ecclésiastique médiéval », « juges autoproclamés du Bien et du Mal » : le texte érige comme menace principale sur la démocratie l’intégrisme, mêlant l’intégrisme religieux (le texte cite les mouvements catholiques ayant demandé l’interdiction du spectacle de Castellucci mais parle aussi de « fatwa ») ou l’intégrisme politique, qui serait à l’œuvre ici, au motif que la « logique identitaire » serait « la même » – ce qui reste à démontrer. Il agite aussi en toile de fond d’autres repoussoirs, certains venus du passé : le stalinisme (« commissaire politique ») voire le nazisme (« autodafés »), et un autre qui serait propre à notre présent, « le catéchisme de la société prétendument « inclusive », qui en réalité fixe et cloître chacun dans une « identité » d’appartenance et dicte aux uns et aux autres la place qu’ils ne doivent pas quitter ».

      Dire que le camp d’en face est celui des barbares – littéralement, ceux qui ne comprennent pas notre langue ou celle d’Eschyle, mais aussi, ceux qui sont des « autres », des étrangers aux valeurs de « notre » communauté, n’est-ce pas une façon bien commode de se mettre dans le camp du bien ? Et une façon bien problématique de binariser les oppositions : démocrates contre barbares, esprits des lumières contre obscurantistes, universalistes contre identitaires, laïques contre intégristes, cultivés contre ignares, Printemps républicain contre Parti des Indigènes de la République… nous contre eux…

      Ce qui m’a gênée dans cette tribune, c’est qu’elle m’a semblé faire exactement ce qu’elle dénonce, usant du ton d’un tribunal, condamnant sans souci des faits, et sans même accorder aux accusés un procès équitable. C’est également le fait que ceux qui ont initié la tribune m’ont semblé pour tout dire juge et partie, le spectacle Kanata mis en scène par Robert Lepage avec la troupe du Soleil ayant été au cœur d’une autre polémique – des associations d’artistes autochtones avaient estimé que le spectacle relevait d’une forme « d’appropriation culturelle »[2] puisqu’il représentait leur histoire, et ce faisant se l’appropriait et en tirait des bénéfices économiques et symboliques, sans les inclure et sans les consulter.

      C’est enfin, c’est surtout que les auteurs comme les signataires, dont la liste et les titres ne peuvent qu’impressionner, sont en position de force pour imposer leur conception du partage des rôles et des positions – et font comme s’ils ne le savaient pas. En bref, c’est le fait que cette tribune construit un espace énonciatif d’intimidation, qui empêche et même interdit de penser. S’y exprime un « nous » en majesté et en mode majeur, qui dit défendre la liberté d’expression et de création mais use de tactiques autoritaires, et cherche à faire taire tout doute et toute objection. Je voudrais précisément formuler à présent deux objections, relatives à la caractérisation du « eux » repoussé et à une contradiction dans les valeurs défendues et dans l’appel à la liberté de création en général et du théâtre public en particulier.

      « Le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités. » Philippe Brunet en une phrase exprime l’enjeu de cet art – de tout art : pouvoir se sentir être autre que « soi-même » – à travers des personnages, des histoires, et rejoindre ainsi toute l’humanité », dit la tribune. Or, justement, c’est précisément ce que réclament nombre d’artistes noirs et plus largement non blancs aujourd’hui : d’avoir le droit, eux aussi, de pouvoir incarner l’humanité et de ne pas se voir cantonnés à des rôles stéréotypés toujours dévalorisants[3], écrits et mis en scène par des personnes qui n’ont aucune idée de leurs expériences de vie. Quel mépris, que de dire à ces personnes qu’elles n’auraient rien compris au théâtre. Quelle violence, que de faire semblant de ne pas comprendre qu’il s’agit justement de réclamer le droit à la même part de liberté, à la même possibilité que le théâtre devienne le lieu de la métamorphose, et non une autre scène où se répètent et se redoublent la domination et les discriminations.

      Car le vrai scandale est là : la persistance de discriminations raciales insupportables, dans la société, et donc aussi, bien sûr, dans les mondes artistiques, et dans les représentations. C’est ce scandale qui justifie la recommandation du Parlement Européen, et qui explique sans doute la véhémence du ton de ceux qui subissent ces injustices, parce qu’il n’est jamais facile d’oser prendre la parole en tant que victime, d’autant plus quand sa parole individuelle et collective est si violemment et si continument discréditée. Être noir, aujourd’hui – comme être femme, être homosexuel – renvoie non pas à une identité génomique mais à un statut social : cela signifie être assigné à résidence identitaire, être relégué au rang de l’altérité et du particulier, et ne pouvoir prétendre être intégré au cœur de la communauté qu’à la condition de performer justement sa différence et ses particularismes, comme le montre si bien dans ses travaux Réjane Sénac[4], et jamais en tant que semblable, en tant qu’égal. Et ce n’est pas une situation qui émane de ces « sous »-groupes particuliers, tout simplement parce qu’ils ne sont pas en position d’établir les normes ! Car l’« universel » est encore trop souvent le cache-misère d’une domination par des personnes qui ont la peau blanche et qui sont des hommes, qui pensent pouvoir justement incarner l’humanité toute entière alors qu’ils sont eux aussi, comme les autres, dans une position particulière… une position dont on comprend qu’ils ne veuillent pas la quitter, d’ailleurs, car c’est une position fort plaisante : une position de pouvoir. Pouvoir économique, mais aussi bien sûr pouvoir symbolique : pouvoir d’établir les catégories, de décider (ce) qui est particulier, (ce) qui est raciste et (ce) qui est universel, d’édicter les normes. Etre renvoyé au fait qu’on n’incarne pas l’universel mais la domination est désagréable à entendre, sans doute. Reste que le pointer n’est pas formuler une revendication identitaire. C’est au contraire demander que se concrétisent les valeurs universalistes.

      La tribune nie l’existence des discriminations, de leur histoire, comme elle nie l’histoire des représentations racistes, donc. Mais elle fait également fi de l’histoire théâtrale, traversée de querelles qui ont presque toujours mêlé enjeux esthétiques et enjeux politiques, et où la question de l’autonomie de l’œuvre et de l’artiste à l’égard du contexte dans lequel il crée est complexe. Car c’est bien pour sa valeur politique, civique, que cet art est devenu un « théâtre public » financé avec l’argent de la collectivité. Cette mission politique du théâtre est même une antienne que l’on retrouve dans toutes les plaquettes de saison, dans le discours des artistes comme dans les textes de loi des pouvoirs publics[5]. Le théâtre public se veut un théâtre politique, et se veut même un mode d’action politique. Par les questions qu’il soulève, par le cadre collectif de la représentation qui fait des spectateurs un public qui débat de la chose publique, avec elle-même, par sa capacité à opérer, à l’occasion, comme contre-pouvoir.

      Comment oublier les combats militants menés par Mnouchkine elle-même, dans ses œuvres mais aussi avec d’autres outils de lutte (manifestations, grève de la faim, occupation d’églises) contre les politiques migratoires, contre l’inaction des pouvoirs publics face à la guerre en ex-Yougoslavie, contre la Loi travail ? Elle incarne par là le mythe du théâtre public, qui a construit sa légitimité depuis un demi-siècle en tant qu’il serait une des formes de l’espace public, autrement dit, une des institutions vitales de la démocratie et de la République française. D’où le caractère incongru de la ligne de défense de Brunet consistant à dire « qu’on est libres de se grimer en noir, en cuivre, en rose » et que « le théâtre n’a pas à correspondre à des règles de bienséances morales »[6], comme s’il était question d’une querelle esthétique sans cause ni effet dans le réel d’aujourd’hui. A revendiquer que l’art du théâtre n’a aucun compte à rendre au présent.

      Pour finir, je voudrais en venir à la fameuse « liberté d’expression et de création » que la tribune entend défendre, et à laquelle les opposants au spectacle contreviendraient, faisant donc acte de « censure ». Pour rappeler d’abord, s’agissant du dernier mode d’action choisi par les opposants au spectacle, à savoir la perturbation physique de la représentation, que ce geste, pas plus que l’appel au boycott, ne constitue de manière évidente une entrave à la liberté de création et un acte de censure. Tout simplement car pour censurer, il faut être en position de pouvoir institutionnel. Il peut d’ailleurs sembler étonnant que ce point ait échappé à Ariane Mnouchkine, fondatrice en 1979 de l’AIDA (Association Internationale de Défense des Artistes victimes de la répression dans le monde).

      Certes, certains plaident aujourd’hui pour une redéfinition de la notion de censure, qu’ils voudraient plus ajustée aux menaces qui pèseraient spécifiquement dans nos démocraties, gangrénées par des « censures légales ». L’Observatoire de la liberté de création, créé par la Ligue des Droits de l’Homme, considère ainsi que « censurer la création, c’est porter atteinte à la faculté de chacun de pouvoir jouir des arts et des œuvres, et porter atteinte au débat et à la faculté critique ». Mais ne peut-on discuter cette définition qui fait l’économie de la qualification de ce qui « porte atteinte au débat et à la faculté critique », et de la précision de qui est habilité à juger de ces atteintes ?

      Dans Nouvelles morales, nouvelles censures, le juriste Emmanuel Pierrat en appelle lui aussi à une extension du domaine de la censure, du fait d’un « paradoxe » qui selon lui envahirait nos démocraties, où certaines demandes d’égalité formulées par des groupes discriminés – il donne en exemple les personnes victimes de sexisme (des femmes, donc) et de racisme (des personnes non blanches, donc), pourraient aboutir à des demandes de « censure morale ». Demandes de censure, concède-t-il toutefois, et non acte de censure en soi. Car ces demandes d’élargissement de ce que censurer veut dire butent sur le fait que pour qu’il y ait censure, il faut tout de même que ceux qui cherchent à empêcher l’œuvre ou leurs alliés en aient les moyens légaux. La censure ne peut donc jamais être totalement « privatisée », pour reprendre l’expression de Pierrat, elle doit passer par des personnes morales dotées du pouvoir d’établir des normes et des lois et de les faire appliquer, autrement dit, la censure implique des institutions – l’Etat et/ou l’Eglise par exemple[7].

      Par ailleurs, la tribune choisit d’en appeler non à la simple liberté d’expression mais à la liberté de création, tout en refusant de réfléchir à l’enjeu essentiel de cette création juridique fort récente, consacrée par la loi du 7 juillet 2016. Il faut commencer par rappeler que, comme la liberté d’expression avec laquelle elle présente beaucoup – et, pour de nombreux juristes, trop – de points communs, la liberté de création souffre en France des limites légales, qui interdisent la formulation publique de certains discours racistes, antisémites, sexistes, homophobes, d’apologie du terrorisme, d’incitations à la discrimination, qui ne sont pas de simples opinions mais des délits. Ces limites, qui n’existent pas par exemple aux Etats-Unis, où prévaut le caractère sacré d’une liberté individuelle n’admettant aucune entrave, ont été formulées par le législateur français précisément au nom des valeurs républicaines. Ce qui fait que, par exemple, ce serait un contresens juridique – et une contravention à ces principes – que de considérer qu’une demande d’interdiction d’une œuvre au motif qu’elle serait raciste, serait un acte de censure.

      Par ailleurs, tout l’apport de cette notion tient à ce en quoi elle diffère légèrement de la simple liberté d’expression. Non par le fait que les artistes auraient une liberté d’expression supérieure ou plus sacrée que le reste des citoyens, ce qui serait assez contraire aux valeurs démocratiques. Mais le fait qu’il n’est plus seulement question de la liberté d’expression du sujet individuel professionnellement habilité à créer (l’artiste donc), mais aussi de la liberté collective du public ou plutôt des publics. Car cette loi a aussi et surtout été pensée comme une loi de rénovation des politiques culturelles et, dans la continuité de la loi NOTRe de 2015, elle incorpore – d’une manière que l’on pourrait d’ailleurs discuter – cette norme jusque là absente des politiques culturelles à la française que sont les droits culturels. Or, ceux-ci entendent insister sur le droit du public, c’est-à-dire des différentes composantes de la population, à prendre part à la vie culturelle, comme bénéficiaires, mais aussi comme créateurs. Autrement dit, cette norme juridique renforce la légalité des revendications de celles et ceux qui ne se sentent pas assez représentés dans les œuvres, et qui estiment qu’il y a là un problème.

      Les valeurs au cœur de ces différents textes sont-elles en contradiction ? Qui peut en juger ? Toutes ces questions sont ouvertes. Alors, oui, bien sûr que, comme le demandent les opposants, et y compris pour leur apporter la contradiction, il faut des colloques, il faut des espaces de réflexion et des espaces de débat intellectuel et politique. Réunissant universitaires, artistes et professionnels de la culture, militants, et élus politiques. Un débat où puissent se faire entendre des voix plurielles, bien au-delà des deux camps certes commodément médiatiques, en phase avec l’ère du « clash » où une idée ne vaut que si elle tient en deux mots et si elle est caricaturale, et s’oppose caricaturalement à une autre. Nous avons besoin d’un débat où plus de deux points de vue s’expriment. Et s’affrontent, bien sûr, le cas échéant. Car la démocratie, c’est le débat, musclé, si besoin, agonistique. Mais ce ne saurait être la réduction et la disqualification méprisante des positions avec lesquelles on n’est pas d’accord. Ne pouvons-nous nous accorder sur ce point ? Et sur le fait que cette affaire soulève des questions parmi les plus urgentes de notre présent historique et que, de notre capacité, avant même de chercher des réponses et des solutions, à formuler les questions et les problèmes, dépendra notre possibilité de faire société ? Si oui, au travail. Il est temps.

      [1] W.T. Lhamon Jr Peaux blanches, masques noirs, Paris, L’Eclat, 2008 (Raising Cain. Blackfaces from Jim Crow to hip hop, Harvard University Press, 1998). Voir aussi, sur cette pratique, Sylvie Chalaye, « Eschyle à la Sorbonne : pourquoi condamner le blackface ? », Africultures, 18 avril 2018.

      http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface

      [2] Sur les enjeux de la notion d’appropriation culturelle, voir notamment Eric Fassin, « L’appropriation culturelle, c’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination », entretien, Le Monde, 2 novembre 2018 et Aureliano Tonet, « Dans la culture, des identités sous contrôle », Le Monde, 18 avril 2019.

      [3] Voir à ce sujet Aïssa Maïga (dir.), Noire n’est pas mon métier, Le Seuil, 2018 et le documentaire d’Amandine Gay, La Mort de Danton, Mille et une films, 2011.

      [4] Voir Réjane Sénac, L’égalité sous condition, Presses de Sciences Po, 2015 et L’Egalité sans condition, L’Echiquier, 2019.

      [5] Sur ce point je me permets de renvoyer à mon livre, Les Cités du théâtre politique en France depuis 1989, préface de Luc Boltanski, Montpellier, 2013. Voir aussi Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, Paris, La Fabrique, 2019.

      [6] Philippe Brunet in Léa Mormin-Chauvac, « Philippe Brunet, masque de protection », Libération, 18 avril 2019.

      [7] Voir à ce sujet la recension par Jean-Baptiste Amadieu de Robert Darnton, De la censure. Essai d’histoire comparée, Paris, nrf Gallimard, 2016. Jean-Baptiste Amadieu, « Dialogue avec les censeurs », La Vie des idées, 2 mai 2016, ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Dialogue-avec-les-censeurs.html

    • Racisme dans les arts : Lipanda Manifesto, tribune des 343 racisé·e·s | Le Club de Mediapart
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/270419/racisme-dans-les-arts-lipanda-manifesto-tribune-des-343-racise-e-s

      Les médias se sont formidablement illustrés ces derniers temps comme vitrine des arguments pleurnichards de réactionnaires blancs bourgeois, qui persistent à faire la sourde oreille et aller à l’encontre des revendications féministes et antiracistes, tout en faisant leur pain sur les systèmes de privilèges. On se souvient de la tribune des 100 femmes défendant la « liberté d’importuner ». Cette fois-ci, c’est à la « liberté de création » que s’accrochent misérablement les arguments de la tribune prétendument pour Eschyle.

      Personne n’est libre tant que d’autres personnes sont opprimées. C’est ce dont parle Audre Lorde en 1981 dans son discours L’Utilité de la colère : les femmes répondent au racisme*. Liberté d’importuner, liberté de création, liberté d’expression : génération je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux, et personne n’a le droit de me contredire. Mais quelle est cette liberté qui s’appuie sur le dos de celle.ux qui n’en disposent pas ? On pourrait croire à une mauvaise farce tant ça devient redondant, et pourtant.

      Et pourtant aujourd’hui encore, le monde de l’art et de la culture française s’assoit sur les revendications des personnes racisées.

      Aujourd’hui, nous sommes outré·e·s, mais surtout fatigué·e·s. Nous n’avons pas l’énergie de vous rappeler que la censure est un outil d’Etat, et non pas le fait de quelques militant·e·s usant de leur droit à la protestation et à l’insurrection face à des représentations négrophobes et racistes.

      Nous sommes épuisé·e·s de dire que la tentative d’inversion des responsabilités qui consiste à transformer l’action légitime des militants en « grave agression » est une pratique bien rodée des instances de pouvoir. Et au cas où, la militante britannique Munroe Bergdorf nous le rappelle : « Drawing attention to a social divide is not the same thing as creating one. Activists are often considered to be divisive or troublemakers by those who have become accustomed to the privileges that social divides provide them. »

      Aujourd’hui, nous sommes lassé·e·s de devoir constamment démonter vos hypocrisies : non, pour nous, personnes racisé·e·s, le théâtre n’est pas le « lieu de la métamorphose » pour nous, lorsque nous sommes constamment empêché·e·s de créer par les mécanismes discriminatoires et éliminatoires de ce milieu.

      Oui, nos identités sont des cloîtres, lorsque, montant sur un plateau, nos corps sont des objets exotiques venant d’ailleurs. Non, nous ne pouvons pas créer librement, lorsque l’on nous dénie la possibilité d’être neutre, et que nous sommes perpétuellement et violemment renvoyé·es à la réalité de notre racisation par le système. Oui, le théâtre est « refuge des identités » : lorsque nos scènes françaises sont occupées majoritairement par des spectacles créés par des hommes blancs, avec des hommes blancs, regardés, critiqués ou acclamés par d’autres hommes blancs, on peut clairement parler de communautarisme. Une communauté qui ne se dit, ni ne se voit comme telle, et qui pourtant, monopolise nos scènes, nos récits, et verrouillent les portes à toutes celleux qui n’appartiennent pas à leur monde.

      Aujourd’hui, nous sommes usé·e·s de constater que ce théâtre est celui de privilégié·es, où s’amuser à singer « l’Autre » est un loisir, tout en retirant à cet “autre” son droit légitime — si ce n’est son devoir — de s’insurger contre le spectacle de son identité tournée en mascarade. Ce même théâtre qui se proclame « intellectuel, humaniste, helléniste ». Un théâtre qui a le culot de croire, et de se faire croire, que la culture blanche bourgeoise est universelle. Qu’elle touche à ce qu’il y a de commun en chaque être humain. Mais comment n’avez-vous pas remarqué que vos salles de théâtres étaient si vides de diversité ? Se peut-il sérieusement que vous persistiez à ne pas voir que votre théâtre n’intéresse que celles et ceux à qui il ressemble, cell.eux qui y sont représentés, celle.eux qui peuvent s’y identifier ? Qui sont les citoyen·nes que vous prétendez servir ?

    • Islamo-gauchisme, décolonialisme, théorie du genre... Le grand noyautage des universités
      http://www.lefigaro.fr/actualite-france/enseignement-superieur-le-grand-laboratoire-de-la-deconstruction-20190510

      ENQUÊTE - Infiltrées par les syndicats d’étudiants, noyautées par des groupuscules « indigénistes », paralysées par la lâcheté de la hiérarchie de l’enseignement supérieur, les facultés et certaines grandes écoles sont aujourd’hui le théâtre d’un bras de fer idéologique. Les pressions et menaces y sont fréquentes et tous les coups semblent permis.
      (...)
      Dans un autre registre, Olivier Beaud, professeur de droit public à Panthéon-Assas, vient de dénoncer la campagne d’un groupe d’universitaires et d’étudiants de l’EHESS contre leurs collègues « coupables » d’avoir participé au grand débat organisé le 18 mars à l’Elysée par Emmanuel Macron. En novembre 2018, Le Point a publié un texte dans lequel 80 intellectuels décrivaient le « décolonialisme » comme une « stratégie hégémonique » à l’œuvre dans l’enseignement supérieur. Parmi les signataires, Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Pierre Nora et Mona Ozouf. Leur appel a eu bien peu d’écho, tant auprès de Frédérique Vidal que du corps enseignant.
      La ministre n’a pas eu un mot de soutien pour Laurent Bouvet, par exemple, quand ce professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines a eu l’imprudence de tweeter en mai 2018 à propos du voile islamique porté par une dirigeante de l’Unef qui commentait les blocages des facs : « A l’Unef, la convergence des luttes est bien entamée. C’est la présidente du syndicat à l’université Paris-Sorbonne qui le dit. » Aussitôt, l’Unef a sorti un communiqué condamnant « un déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe » et demandant que Laurent Bouvet soit sanctionné. Une vidéo a même circulé, montrant une AG où près de 200 étudiants vociféraient « Ta gueule, Bouvet ! » pendant de longues minutes.

      L’institution marche sur des œufs

      Le politologue, cofondateur du Printemps républicain, est l’une des cibles privilégiées des indigénistes pour avoir théorisé l’« insécurité culturelle » française et dénoncé l’obsession racialiste de la « gauche identitaire ». Le président de l’université l’a assuré de sa sympathie en privé, mais n’a rien fait pour le soutenir publiquement. Aucun de ses collègues ne s’est d’ailleurs manifesté. L’Unef profite de cette lâcheté généralisée pour militer activement en faveur des thèses indigénistes. Récemment, elle s’est jointe à d’autres associations pour empêcher une représentation de la pièce d’Eschyle Les Suppliantes à la Sorbonne. De son côté, le CRAN (Conseil Représentatif des associations noires de France) de Louis-Georges Tin, maître de conférences à l’université d’Orléans, a appelé au boycott de la pièce. Motif : des acteurs blancs portaient des masques noirs, ce que les contestataires assimilaient à la pratique du « blackface » visant à ridiculiser les Noirs. Pour une fois, l’université a condamné la tentative de censure.

    • Deux mois après la polémique sur le « blackface », la pièce « Les Suppliantes » se déroule dans le calme
      https://www.franceculture.fr/theatre/deux-mois-apres-la-polemique-sur-le-blackface-la-piece-les-suppliantes

      « C’est la victoire de l’art, de la liberté d’expression sur la bêtise au front bas, se félicite l’écrivain Pierre Jourde. Ils utilisent une cause juste, l’antiracisme, à des fins stupides. La preuve, c’est que de grands metteurs en scène ont pris la défense de Philippe Brunet. »

      encore une fois #ta-gueule-jourde

    • Je vous ai épargné jusque-là les 6 ou 7 posts d’André Markowicz sur FB, mais vous pourrez les retrouver aisément grâce à cette réponse (en commentaire).

      André Markowicz
      https://www.facebook.com/andre.markowicz

      Adeline Rosenstein :
      Excusez-moi : vous ne vivez donc pas avec des artistes ou des étudiant.e.s qui vous parlent du racisme subi dans les milieux culturels ? Vous ne ressentez pas la colère de vous retrouver impuissant à les défendre tellement les gens bien intentionnés ne voient pas de quoi s’alarmer ? Pourquoi mettre tout votre savoir écrire au service de leur décrédibilisation ? Vous, justement, traducteur, savez mieux que les autres, pourquoi parfois on crie, vous savez tendre l’oreille quand les experts et autres assis discréditent la personne qui apporte une information gênante. Vous savez mieux qu’un autre qu’on dit de la victime qu’elle exagère quand on ne veut pas l’accueillir, qu’elle menace, quand on veut la faire taire, qu’elle est un danger physique, quand on veut que les gendarmes nous en débarrassent. Une injustice hurle à votre porte, demande votre attention et vous la ridiculisez ? ses représentants parlent mal ? mais cette question devrait vous intéresser immédiatement ; vous ne voulez quand-même pas parler comme ce que vous avez toujours combattu : l’ordre - non ?Observez le dédain que vous exprimez à l’endroit de personnes qui en ont juste marre d’être caricaturées sur scène et tenues à l’écart de toute discussion. Comment est-ce possible ? Observons et racontez- moi comment ça marche, comment ça marche, ce scandale, votre dédain, qu’avec Mnouchkine et Vinaver, enfants de l’exil sans accent, vous vous retrouviez côté CRS, ministres, amphi, je ne le conçois pas. C’est pourquoi je vous prie de reconsidérer cette position au nom de tous les personnages que vous avez traduits alors qu’en France, considérant qu’ils ne « savaient pas aligner deux phrases », on voulait les anéantir - on n’avait rien compris, vous vous rappelez ? Reconsidérez ces doutes « ils nous font douter » mais oui car pour moi c’est ça, penser, c’est penser contre soi mais surtout contre le groupe ou l’amphi qui nous enferme avec ministres dedans, d’où on ne on veut pas entendre la plainte. C’était un spectacle d’étudiants mais il y a un autre problème, vous savez, notre environnement, notre lenteur à changer, vous parlez d’une gauche en danger et je vous parle de sa difficulté historique à reconnaître ses erreurs. Les militants antiracistes et les victimes du racisme en milieu culturel ne s’adressent pas à des ennemis politiques mais à des gens de theatre qui veulent pouvoir se dire antiracistes à leur tour et disent je combats à tes côtés, tiens-toi bien là, attends, ôte-toi, ne dis rien, laisse-moi faire, je vais leur dire, laisse-moi finir mon verre, ma blague, mon rôti, ma sieste, mon spectacle antiraciste, mon interview, mes conférences, mes mémoires, ma vie sans toi et je viendrai te chercher.

    • Ce qui est dit ci-dessous n’a pas été raconté sérieusement par aucun journaliste (si j’ai bien compris, on est passé, grâce au rapport de forces instauré par les militants, du grimage noir aux masques noirs grotesques, puis aux masques dorés/cuivrés, etc.) Mais ce qui n’est pas dit, c’est que cette représentation « d’art officiel », déplaçant le fameux spectacle dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, avec deux ministres de sortie et les CRS qui vont avec, applaudie par le tout Paris intellectuel bourgeois blanc, d’A.Bastié à A.Mnouchkine, de R.Enthoven à O.Rollin, est le symptôme de l’hégémonie toujours plus forte de la pensée d’extrême-droite au nom de « la liberté d’expression » ou de « la liberté artistique ». Après la défense forcenée des pires unes de Charlie et la campagne contre les « islamogauchistes », à présent haro sur « les identitaires d’extrême-gauche » et « le fascisme des antifascistes » (comme on l’a entendu en Italie au moment du Salon du Livre de Turin et à l’occasion des meetings chahutés de Salvini).

      Blackface à la Sorbonne. Hier soir, Philippe... - Louis-Georges Tin
      https://www.facebook.com/louisgeorges.tin/posts/10161903836565644?hc_location=ufi

      Blackface à la Sorbonne. Hier soir, Philippe Brunet a joué son spectacle à la Sorbonne, les Suppliantes d’Eschyle. Mais cette fois, pas de déguisements raciaux, pas de Blackface, pas de maquillage en noir pour représenter les Africains : juste des masques dorés. M. Brunet qui avait fièrement clamé qu’il rejouerait son spectacle avec du maquillage en noir a finalement tiré les leçons de l’expérience. Le CRAN qui avait appelé au boycott du spectacle (non au blocage) se réjouit donc de cette victoire collective et définitive. Malgré un mois d’hystérie générale, nous avons tenu bon, et finalement, nous avons obtenu gain de cause. La voix des premiers concernés a été entendue.

    • Quelle salade - selon le Figaro/Vox, voilà l’université menacée par le danger islamo-féministe...

      Carole Talon-Hugon : « Une nouvelle prohibition étend son contrôle sur l’art »
      http://www.lefigaro.fr/vox/culture/carole-talon-hugon-une-nouvelle-prohibition-etend-son-controle-sur-l-art-20

      Traditionnellement, les agents de censure sont politiques ou religieux. Ils sont récemment sournoisement devenus économiques (impératifs d’insertion professionnelle, de recherche appliquée, etc.). Ce qui se passe avec les affaires Chénier ou Eschyle, c’est l’arrivée très préoccupante d’un risque venu d’ailleurs que de ces foyers classiques ou plus récents : de groupes de pression et d’associations communautaires. La liberté académique ne doit certes pas être sans contrôle ; elle est « liberté de poursuivre sa recherche professionnelle à l’intérieur d’une matrice de normes de la discipline définies et appliquées par ceux qui sont compétents pour comprendre et appliquer de telles normes » (O. Beaud). Ce qui revient à dire qu’elle ne connaît qu’une forme de censure légitime, celle réalisable par des pairs à l’intérieur d’un domaine d’expertise partagé, et que toutes celles venues d’ailleurs sont usurpatoires et sapent les fondements de l’université.

    • Une bonne tribune du Monde qui a tout à voir avec ce qui précède

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/28/le-marxisme-culturel-fantasme-prefere-de-l-extreme-droite_5503567_3232.html

      C’est là le lien avec ce que la droite radicale entendra bientôt par « marxisme culturel ». Le terme prend alors une valeur péjorative : il désigne la prétendue volonté des disciples de l’école de Francfort de nuire à la culture occidentale et de s’attaquer à la société traditionnelle en se servant du féminisme, de l’homosexualité et du multiculturalisme. « Au tournant des années 1990, alors que le communisme vient de s’effondrer, les milieux ultra-conservateurs américains voient dans la mondialisation une menace pour l’Occident chrétien, remarque Jérôme Jamin, politiste et philosophe belge, spécialiste des populismes. Ils s’inquiètent aussi de la montée, sur les campus universitaires, du “politiquement correct” qu’ils assimilent à une attaque contre la liberté d’expression ayant pour but d’empêcher les discours ne reconnaissant pas la pleine égalité entre les hommes et les femmes, les Noirs et les Blancs, les hétérosexuels et les homosexuels, etc. » Le terme se diffuse au sein des milieux extrémistes de droite.

  • Le Printemps républicain, un pouvoir de nuisance orageux (Audrey Loussouarn, L’Humanité)
    https://humanite.fr/polemiques-le-printemps-republicain-un-pouvoir-de-nuisance-orageux-654297

    Au nom d’une bataille culturelle contre l’#islamisme_politique, le mouvement co-fondé en 2016 par Laurent Bouvet, qui reprend les méthodes de la #fachosphère, pollue le débat public sur la #laïcité et multiplie les #polémiques.
    […]
    Pratiquant les mêmes méthodes que la fachosphère, ses membres forment une « meute », en pariant sur la réaction du « camp adverse », celui de l’antiracisme, analyse Nicolas Vanderbiest, chercheur spécialisé dans les phénomènes d’influence sur les réseaux sociaux. Quitte à pratiquer un « jeu d’alliances douteux », selon le chercheur. « Dans l’ordre, l’information part du réseau d’extrême droite #Fdesouche, relayée par le #Printemps_républicain, et sera ensuite incarnée par une personnalité politique », liste-t-il. Une information, souvent peu légitime, dont le Printemps républicain estime la « place dans l’agenda médiatique pas assez reconnue ».
    […]
    Et ce que fait aujourd’hui, objectivement, le Printemps républicain, c’est une succession de campagnes qui prennent pour cibles des #Noirs et des #Arabes afin de les renvoyer à l’#illégitimité et à l’#invisibilité. » La polémique et la vindicte en tant que telles semblent bien souvent y être les principaux objectifs, loin de toute volonté d’approfondir la réflexion ou de faire œuvre de pédagogie.

    #islamophobie #républicanisme

  • Les échanges hors sol des «sages de la laïcité»
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220218/les-echanges-hors-sol-des-sages-de-la-laicite

    Emmanuel Macron et #jean-Michel_Blanquer, le 4 octobre 2017. © Reuters Mediapart a consulté le compte-rendu d’une réunion du « conseil des sages de la laïcité », mis en place par le ministre de l’éducation nationale. La question du #voile y est soulevée à maintes reprises, certains se demandant même si Latifa Ibn Ziaten, la mère de la première victime de Mohammed Merah, serait « ouverte » à l’idée d’enlever le sien pour intervenir auprès des élèves.

    #France #conseil_des_sages_sur_la_laïcité #Education_nationale #Emmanuel_Macron #laïcité #religion

  • Laurent Bouvet, le nouveau radicalisé | Aude Lancelin
    https://www.lemediatv.fr/articles/tribune-laurent-bouvet-le-nouveau-radicalise

    Grâce au « en même temps » de Macron, Laurent Bouvet, représentant de toute une pseudo-gauche qui a son rond de serviette chez « Causeur », fait son entrée au « conseil des sages de la laïcité ». Un signal inquiétant, et l’occasion de revenir sur un parcours intellectuel symptomatique des recompositions actuelles. Source : Le Média

  • Où est Charlie ?
    https://www.mediapart.fr/journal/france/070118/ou-est-charlie

    Ni l’esprit corrosif de #Charlie_Hebdo, ni l’esprit rassembleur du 11-Janvier n’ont soufflé sur la journée intitulée « Toujours Charlie », organisée par le #printemps_républicain, le Comité Laïcité République et la LICRA, moins intéressante pour ce qui s’y est exprimé que pour l’espace politique et médiatique qu’elle dessine.

    #France #Alexis_Lacroix #Brice_Couturier #Delphine_Horvilleur #Elisabeth_Badinter #Pascal_Bruckner #Raphaël_Enthoven

  • Usul : le #Fascisme, c’est pas bien
    https://www.mediapart.fr/journal/france/131117/usul-le-fascisme-c-est-pas-bien

    Qu’a-t-on fait de travers pour qu’on en soit encore à craindre le retour des pires réactionnaires ? On critique souvent leurs idées, mais si on parlait concrètement de leurs pratiques ? Des questions pas évidentes à traiter, surtout quand on est surveillé de près par la police de la pensée.

    #France #Capitalisme #Emmanuel_Macron #extrême_droite #Hitler #Manuel_Valls #Marine_Le_Pen #national-socialisme #nazis #pensée_unique #printemps_républicain #racisme

  • L’offensive de Valls et des « laïcistes » en Macronie
    https://www.mediapart.fr/journal/france/091117/l-offensive-de-valls-et-des-laicistes-en-macronie

    Emmanuel Macron et #Manuel_Valls, en juin 2015. © Reuters Souhaitant « incarner cette question de la laïcité dont #Emmanuel_Macron ne s’empare pas », Manuel Valls multiplie les interventions médiatiques dans le but de s’imposer sur le sujet. Il bénéficie pour ce faire du soutien de bon nombre de militants qui s’activent en coulisses et sur les réseaux sociaux. Mais sa conception de la laïcité reste très différente de celle du président de la République, qui entend continuer à s’inscrire « dans la droite ligne de la loi 1905 ».

    #France #exécutif #gouvernement #identité #laïcistes #laïcité #printemps_républicain #religions

  • Un #colloque universitaire sur l’islamophobie annulé sous la pression
    https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression

    Une conférence mêlant universitaires et acteurs associatifs dédiée à l’islamophobie devait se tenir à l’Université de #Lyon-2, avant de subir une offensive menée par le #printemps_républicain et l’extrême droite. Les organisateurs dénoncent une atteinte à la liberté d’expression.

    #France #islamophobie #Licra

  • L’hiver du vivre ensemble
    https://www.mediapart.fr/journal/france/270217/l-hiver-du-vivre-ensemble

    L’instrumentalisation de l’affaire Meklat, qu’il ne faut pas minimiser, était prévisible. Mais les calomnies ciblées et les mensonges à répétition d’une nébuleuse qui se prétend républicaine, antiraciste, voire de gauche, placent ses acteurs devant leurs responsabilités : faire la courte échelle électorale à Marine Le Pen après lui avoir ouvert un boulevard idéologique.

    #France #Antisémitisme #Edwy_Plenel #Georges_Bensoussan #Marcelin_Deschamps #Mediapart #Mehdi_Meklat #musulmans #printemps_républicain #racisme #Territoires_perdus_de_la_République

  • L’hiver du vivre ensemble
    https://www.mediapart.fr/journal/france/270217/lhiver-du-vivre-ensemble

    L’instrumentalisation de l’affaire Meklat, qu’il ne faut pas minimiser, était prévisible. Mais les calomnies ciblées et les mensonges à répétition d’une nébuleuse qui se prétend républicaine, antiraciste, voire de gauche, placent ses acteurs devant leurs responsabilités : faire la courte échelle électorale à Marine Le Pen après lui avoir ouvert un boulevard idéologique.

    #France #Antisémitisme #Edwy_Plenel #Georges_Bensoussan #Marcelin_Deschamps #Mediapart #Mehdi_Meklat #musulmans #printemps_républicain #racisme #Territoires_perdus_de_la_République

  • A propos d’un communiqué du #Printemps_républicain
    http://contre-attaques.org/magazine/article/a-propos-d-un

    On ne présente plus le Printemps républicain, amalgame de personnalités de droite et de gauche, unies dans leur dénonciation du concept d’islamophobie. Leur dernier communiqué mérite d’être lu. Nous avons reproduit ce communiqué intégralement avec nos remarques en gras. En frappant la France le 14 juillet, en massacrant délibérément des civils pacifiques venus célébrer notre fête nationale, le terrorisme islamiste a une fois de plus montré à Nice sa haine de nos valeurs républicaines, de notre mode de (...)

    #Magazine

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