• Quand le #comité_d’éthique du #CNRS se penche sur l’#engagement_public des chercheurs et chercheuses

    #Neutralité ? #Intégrité ? #Transparence ?

    Le Comité d’éthique du CNRS rappelle qu’il n’y a pas d’#incompatibilité de principe, plaide pour un « guide pratique de l’engagement » et place la direction de l’institution scientifique devant les mêmes obligations que les chercheurs.

    Avec la crise climatique, la pandémie de covid-19, l’accroissement des inégalités, le développement de l’intelligence artificielle ou les technologies de surveillance, la question de l’#engagement public des chercheurs est d’autant plus visible que les réseaux sociaux leur permettent une communication directe.

    Cette question dans les débats de société n’est pas nouvelle. De l’appel d’#Albert_Einstein, en novembre 1945, à la création d’un « #gouvernement_du_monde » pour réagir aux dangers de la #bombe_atomique à l’alerte lancée par #Irène_Frachon concernant le #Médiator, en passant par celle lancée sur les dangers des grands modèles de langage par #Timnit_Gebru et ses collègues, les chercheurs et chercheuses s’engagent régulièrement et créent même des sujets de #débats_publics.

    Une question renouvelée dans un monde incertain

    Le #comité_d'éthique_du_CNRS (#COMETS) ne fait pas semblant de le découvrir. Mais, selon lui, « face aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée, la question de l’engagement public des chercheurs s’est renouvelée ». Il s’est donc auto-saisi pour « fournir aux chercheurs des clés de compréhension et des repères éthiques concernant l’engagement public » et vient de publier son #rapport sur le sujet [PDF].

    Il faut dire que les deux premières années du Covid-19 ont laissé des traces dans la communauté scientifique sur ces questions de prises de paroles des chercheurs. Le COMETS avait d’ailleurs publié en mai 2021 un avis accusant Didier Raoult alors que la direction du Centre avait rappelé tardivement à l’ordre, en août de la même année, et sans le nommer, le sociologue et directeur de recherche au CNRS Laurent Mucchielli, qui appelait notamment à suspendre la campagne de vaccination.

    Le COMETS relève que les chercheurs s’engagent selon des modalités variées, « de la signature de tribunes à la contribution aux travaux d’ONG ou de think tanks en passant par le soutien à des actions en justice ou l’écriture de billets de blog ». Il souligne aussi que les #réseaux_sociaux ont « sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés ».

    La présidente du comité d’éthique, Christine Noiville, égrène sur le site du CNRS, les « interrogations profondes » que ces engagements soulèvent :

    « S’engager publiquement, n’est-ce pas contraire à l’exigence d’#objectivité de la recherche ? N’est-ce pas risquer de la « politiser » ou de l’« idéologiser » ? S’engager ne risque-t-il pas de fragiliser la #crédibilité du chercheur, de mettre à mal sa réputation, sa carrière ? Est-on en droit de s’engager ? Pourrait-il même s’agir d’un devoir, comme certains collègues ou journalistes pourraient le laisser entendre ? »

    Pas d’incompatibilité de principe

    Le comité d’éthique aborde les inquiétudes que suscite cet engagement public des chercheurs et pose franchement la question de savoir s’il serait « une atteinte à la #neutralité_scientifique ? ». Faudrait-il laisser de côté ses opinions et valeurs pour « faire de la « bonne » science et produire des connaissances objectives » ?

    Le COMETS explique, en s’appuyant sur les travaux de l’anthropologue #Sarah_Carvallo, que ce concept de neutralité est « devenu central au XXe siècle, pour les sciences de la nature mais également pour les sciences sociales », notamment avec les philosophes des sciences #Hans_Reichenbach et #Karl_Popper, ainsi que le sociologue #Max_Weber dont le concept de « #neutralité_axiologique » – c’est-à-dire une neutralité comme valeur fondamentale – voudrait que le « savant » « tienne ses #convictions_politiques à distance de son enseignement et ne les impose pas subrepticement ».

    Mais le comité explique aussi, que depuis Reichenbach, Popper et Weber, la recherche a avancé. Citant le livre d’#Hilary_Putnam, « The Collapse of the Fact/Value Dichotomy and Other Essays », le COMETS explique que les chercheurs ont montré que « toute #science s’inscrit dans un #contexte_social et se nourrit donc de #valeurs multiples ».

    Le comité explique que le monde de la recherche est actuellement traversé de valeurs (citant le respect de la dignité humaine, le devoir envers les animaux, la préservation de l’environnement, la science ouverte) et que le chercheur « porte lui aussi nécessairement des valeurs sociales et culturelles dont il lui est impossible de se débarrasser totalement dans son travail de recherche ».

    Le COMETS préfère donc insister sur les « notions de #fiabilité, de #quête_d’objectivité, d’#intégrité et de #rigueur de la #démarche_scientifique, et de transparence sur les valeurs » que sur celle de la neutralité. « Dans le respect de ces conditions, il n’y a aucune incompatibilité avec l’engagement public du chercheur », assure-t-il.

    Liberté de s’engager... ou non

    Il rappelle aussi que les chercheurs ont une large #liberté_d'expression assurée par le code de l’éducation tout en n’étant pas exemptés des limites de droit commun (diffamation, racisme, sexisme, injure ...). Mais cette liberté doit s’appliquer à double sens : le chercheur est libre de s’engager ou non. Elle est aussi à prendre à titre individuel, insiste le COMETS : la démarche collective via les laboratoires, sociétés savantes et autres n’est pas la seule possible, même si donner une assise collective « présente de nombreux avantages (réflexion partagée, portée du message délivré, moindre exposition du chercheur, etc.) ».

    Le comité insiste par contre sur le fait que, lorsque le chercheur s’engage, il doit « prendre conscience qu’il met en jeu sa #responsabilité, non seulement juridique mais aussi morale, en raison du crédit que lui confère son statut et le savoir approfondi qu’il implique ».

    Il appuie aussi sur le fait que sa position privilégiée « crédite sa parole d’un poids particulier. Il doit mettre ce crédit au service de la collectivité et ne pas en abuser ».

    Des #devoirs lors de la #prise_de_parole

    Outre le respect de la loi, le COMETS considère, dans ce cadre, que les chercheurs et chercheuses ont des devoirs vis-à-vis du public. Notamment, ils doivent s’efforcer de mettre en contexte le cadre dans lequel ils parlent. S’agit-il d’une prise de parole en nom propre ? Le thème est-il dans le domaine de compétence du chercheur ? Est-il spécialiste ? A-t-il des liens d’intérêts ? Quelles valeurs sous-tendent son propos ? Le #degré_de_certitude doit aussi être abordé. Le Comité exprime néanmoins sa compréhension de la difficulté pratique que cela implique, vu les limites de temps de paroles dans les médias.

    Une autre obligation qui devrait s’appliquer à tout engagement de chercheurs selon le COMETS, et pas des moindres, est de l’asseoir sur des savoirs « robustes » et le faire « reposer sur une démarche scientifique rigoureuse ».

    Proposition de co-construction d’un guide

    Le COMETS recommande, dans ce cadre, au CNRS d’ « élaborer avec les personnels de la recherche un guide de l’engagement public » ainsi que des formations. Il propose aussi d’envisager que ce guide soit élaboré avec d’autres organismes de recherche.

    La direction du CNRS à sa place

    Le Comité d’éthique considère en revanche que « le CNRS ne devrait ni inciter, ni condamner a priori l’engagement des chercheurs, ni opérer une quelconque police des engagements », que ce soit dans l’évaluation des travaux de recherche ou dans d’éventuelles controverses provoquées par un engagement public.

    « La direction du CNRS n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions qui relèvent au premier chef du débat scientifique entre pairs », affirme-t-il. La place du CNRS est d’intervenir en cas de problème d’#intégrité_scientifique ou de #déontologie, mais aussi de #soutien aux chercheurs engagés « qui font l’objet d’#attaques personnelles ou de #procès_bâillons », selon lui.

    Le comité aborde aussi le cas dans lequel un chercheur mènerait des actions de #désobéissance_civile, sujet pour le moins d’actualité. Il considère que le CNRS ne doit ni « se substituer aux institutions de police et de justice », ni condamner par avance ce mode d’engagement, « ni le sanctionner en lieu et place de l’institution judiciaire ». Une #sanction_disciplinaire peut, par contre, être envisagée « éventuellement », « en cas de décision pénale définitive à l’encontre d’un chercheur ».

    Enfin, le Comité place la direction du CNRS devant les mêmes droits et obligations que les chercheurs dans son engagement vis-à-vis du public. Si le CNRS « prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent, etc. Cette prise de position de l’institution devrait pouvoir être discutée sur la base d’un débat contradictoire au sein de l’institution ».

    https://next.ink/985/quand-comite-dethique-cnrs-se-penche-sur-engagement-public-chercheurs-et-cherc

    • Avis du COMETS « Entre liberté et responsabilité : l’engagement public des chercheurs et chercheuses »

      Que des personnels de recherche s’engagent publiquement en prenant position dans la sphère publique sur divers enjeux moraux, politiques ou sociaux ne constitue pas une réalité nouvelle. Aujourd’hui toutefois, face aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée, la question de l’engagement public des chercheurs s’est renouvelée. Nombre d’entre eux s’investissent pour soutenir des causes ou prendre position sur des enjeux de société – lutte contre les pandémies, dégradation de l’environnement, essor des technologies de surveillance, etc. – selon des modalités variées, de la signature de tribunes à la contribution aux travaux d’ONG ou de think tanks en passant par le soutien à des actions en justice ou l’écriture de billets de blog. Par ailleurs, le développement des médias et des réseaux sociaux a sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés.

      Dans le même temps, de forts questionnements s’expriment dans le monde de la recherche. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les modalités de l’engagement public, son opportunité et son principe même. Ils se demandent si et comment s’engager publiquement sans mettre en risque leur réputation et les valeurs partagées par leurs communautés de recherche, sans déroger à la neutralité traditionnellement attendue des chercheurs, sans perdre en impartialité et en crédibilité. Ce débat, qui anime de longue date les sciences sociales, irrigue désormais l’ensemble de la communauté scientifique.

      C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent avis. Fruit d’une auto-saisine du COMETS, il entend fournir aux chercheurs des clés de compréhension et des repères éthiques concernant l’engagement public.

      Le COMETS rappelle d’abord qu’il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre, d’un côté, l’engagement public du chercheur et, de l’autre, les normes attribuées ou effectivement applicables à l’activité de recherche. C’est notamment le cas de la notion de « neutralité » de la science, souvent considérée comme une condition indispensable de production de connaissances objectives et fiables. Si on ne peut qu’adhérer au souci de distinguer les faits scientifiques des opinions, il est illusoire de penser que le chercheur puisse se débarrasser totalement de ses valeurs : toute science est une entreprise humaine, inscrite dans un contexte social et, ce faisant, nourrie de valeurs. L’enjeu premier n’est donc pas d’attendre du chercheur qu’il en soit dépourvu mais qu’il les explicite et qu’il respecte les exigences d’intégrité et de rigueur qui doivent caractériser la démarche scientifique.

      Si diverses normes applicables à la recherche publique affirment une obligation de neutralité à la charge du chercheur, cette obligation ne fait en réalité pas obstacle, sur le principe, à la liberté et à l’esprit critique indissociables du travail de recherche, ni à l’implication du chercheur dans des débats de société auxquels, en tant que détenteur d’un savoir spécialisé, il a potentiellement une contribution utile à apporter.

      Le COMETS estime que l’engagement public doit être compris comme une liberté individuelle et ce, dans un double sens :

      -- d’une part, chaque chercheur doit rester libre de s’engager ou non ; qu’il choisisse de ne pas prendre position dans la sphère publique ne constitue en rien un manquement à une obligation professionnelle ou morale qui lui incomberait ;

      -- d’autre part, le chercheur qui s’engage n’a pas nécessairement à solliciter le soutien de communautés plus larges (laboratoire, société savante, etc.), même si le COMETS considère que donner une assise collective à une démarche d’engagement présente de nombreux avantages (réflexion partagée, portée du message délivré, moindre exposition du chercheur, etc.).

      S’il constitue une liberté, l’engagement nécessite également pour le chercheur de prendre conscience qu’il met en jeu sa responsabilité, non seulement juridique mais aussi morale, en raison du crédit que lui confère son statut et le savoir approfondi qu’il implique. En effet, en s’engageant publiquement, le chercheur met potentiellement en jeu non seulement sa réputation académique et sa carrière, mais aussi l’image de son institution, celle de la recherche et, plus généralement, la qualité du débat public auquel il contribue ou qu’il entend susciter. Le chercheur dispose d’une position privilégiée qui crédite sa parole d’un poids particulier. Il doit mettre ce crédit au service de la collectivité et ne pas en abuser. Le COMETS rappelle dès lors que tout engagement public doit se faire dans le respect de devoirs.

      Ces devoirs concernent en premier lieu la manière dont le chercheur s’exprime publiquement. Dans le sillage de son avis 42 rendu à l’occasion de la crise du COVID-19, le COMETS rappelle que le chercheur doit s’exprimer non seulement en respectant les règles de droit (lois mémorielles, lois condamnant la diffamation, l’injure, etc.) mais aussi en offrant à son auditoire la possibilité de mettre son discours en contexte, au minimum pour ne pas être induit en erreur. A cet effet, le chercheur doit prendre soin de :

      situer son propos : parle-t-il en son nom propre, au nom de sa communauté de recherche, de son organisme de rattachement ? Quel est son domaine de compétence ? Est-il spécialiste de la question sur laquelle il prend position ? Quels sont ses éventuels liens d’intérêts (avec telle entreprise, association, etc.) ? Quelles valeurs sous-tendent son propos ? ;
      mettre son propos en perspective : quel est le statut des résultats scientifiques sur lesquels il s’appuie ? Des incertitudes demeurent-elles ? Existe-t-il des controverses ?

      Le COMETS a conscience de la difficulté pratique à mettre en œuvre certaines de ces normes (temps de parole limité dans les médias, espace réduit des tribunes écrites, etc.). Leur respect constitue toutefois un objectif vers lequel le chercheur doit systématiquement tendre. Ce dernier doit également réfléchir, avant de s’exprimer publiquement, à ce qui fonde sa légitimité à le faire.

      En second lieu, les savoirs sur lesquels le chercheur assoit son engagement doivent être robustes et reposer sur une démarche scientifique rigoureuse. Engagé ou non, il doit obéir aux exigences classiques d’intégrité et de rigueur applicables à la production de connaissances fiables – description du protocole de recherche, référencement des sources, mise à disposition des résultats bruts, révision par les pairs, etc. Le COMETS rappelle que ces devoirs sont le corollaire nécessaire de la liberté de la recherche, qui est une liberté professionnelle, et que rien, pas même la défense d’une cause, aussi noble soit-elle, ne justifie de transiger avec ces règles et de s’accommoder de savoirs fragiles. Loin d’empêcher le chercheur d’affirmer une thèse avec force dans l’espace public, ces devoirs constituent au contraire un soutien indispensable à l’engagement public auquel, sinon, il peut lui être facilement reproché d’être militant.

      Afin de munir ceux qui souhaitent s’engager de repères et d’outils concrets, le COMETS invite le CNRS à élaborer avec les personnels de la recherche un guide de l’engagement public. Si de nombreux textes existent d’ores et déjà qui énoncent les droits et devoirs des chercheurs – statut du chercheur, chartes de déontologie, avis du COMETS, etc. –, ils sont éparpillés, parfois difficiles à interpréter (sur l’obligation de neutralité notamment) ou complexes à mettre en œuvre (déclaration des liens d’intérêt dans les médias, etc.). Un guide de l’engagement public devrait permettre de donner un contenu lisible, concret et réaliste à ces normes apparemment simples mais en réalité difficiles à comprendre ou à appliquer.

      Le COMETS recommande au CNRS d’envisager l’élaboration d’un tel guide avec d’autres organismes de recherche qui réfléchissent actuellement à la question. Le guide devrait par ailleurs être accompagné d’actions sensibilisant les chercheurs aux enjeux et techniques de l’engagement public (dont des formations à la prise de parole dans les médias).

      Le COMETS s’est enfin interrogé sur le positionnement plus général du CNRS à l’égard de l’engagement public.

      Le COMETS considère que de manière générale, le CNRS ne devrait ni inciter, ni condamner a priori l’engagement des chercheurs, ni opérer une quelconque police des engagements. En pratique :

      – dans l’évaluation de leurs travaux de recherche, les chercheurs ne devraient pas pâtir de leur engagement public. L’évaluation de l’activité de recherche d’un chercheur ne devrait porter que sur ses travaux de recherche et pas sur ses engagements publics éventuels ;

      – lorsque l’engagement public conduit à des controverses, la direction du CNRS n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions qui relèvent au premier chef du débat scientifique entre pairs ;

      – le CNRS doit en revanche intervenir au cas où un chercheur contreviendrait à l’intégrité ou à la déontologie (au minimum, les référents concernés devraient alors être saisis) ou en cas de violation des limites légales à la liberté d’expression (lois mémorielles, lois réprimant la diffamation, etc.) ; de même, l’institution devrait intervenir pour soutenir les chercheurs engagés qui font l’objet d’attaques personnelles ou de procès bâillons.

      – au cas où un chercheur mènerait des actions de désobéissance civile, le CNRS ne devrait pas se substituer aux institutions de police et de justice. Il ne devrait pas condamner ex ante ce mode d’engagement, ni le sanctionner en lieu et place de l’institution judiciaire. A posteriori, en cas de décision pénale définitive à l’encontre d’un chercheur, le CNRS peut éventuellement considérer que son intervention est requise et prendre une sanction.

      Plus généralement, le COMETS encourage le CNRS à protéger et à favoriser la liberté d’expression de son personnel. Il est en effet de la responsabilité des institutions et des communautés de recherche de soutenir la confrontation constructive des idées, fondée sur la liberté d’expression.

      Si le CNRS venait à décider de s’engager en tant qu’institution, c’est-à-dire s’il prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent, etc. Cette prise de position de l’institution devrait pouvoir être discutée sur la base d’un débat contradictoire au sein de l’institution.

      Pour télécharger l’avis :
      https://comite-ethique.cnrs.fr/wp-content/uploads/2023/09/AVIS-2023-44.pdf

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-du-comets-entre-liberte-et-responsabilite-engagement-public

      #avis

  • S’exprimer en public, un défi encore plus grand pour les femmes
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/05/08/s-exprimer-en-public-un-defi-encore-plus-difficile-pour-les-femmes_6079610_4

    Moins encouragées et moins valorisées que les garçons lorsqu’elles prennent la parole en classe, les filles arrivent dans l’enseignement supérieur avec moins d’aisance à l’oral. Un désavantage qui se ressent ensuite dans le monde professionnel.

    Les femmes, ces jacasseuses, de vraies pipelettes ! Les clichés ont la peau dure. Ils cachent cependant une réalité tout autre, du monde scolaire à l’univers professionnel, mesurée par de multiples études : celle d’un espace sonore public largement dominé par les hommes et de femmes moins encouragées et moins valorisées dans cet exercice depuis le plus jeune âge. Une question aux enjeux multiples, alors que les oraux prennent une place de plus en plus cruciale dans les processus de sélection et d’évaluation, du bac à l’enseignement supérieur.

    « Dès la crèche, on a schématiquement des filles qui demandent la parole et des garçons qui la prennent », explique Isabelle Collet, professeure en sciences de l’éducation à l’université de Genève. A l’école, « divers travaux montrent que les garçons sont ensuite à l’origine d’environ deux tiers des prises de parole en classe ». Si ce phénomène a eu tendance à se corriger au primaire ces dernières années, les études dans le secondaire attestent d’un déséquilibre toujours marqué. En 2015, la chercheuse a mené une enquête au sein de neuf classes suisses, lors de « cours dialogués » dans différentes matières, et observé scrupuleusement les prises de parole des élèves. En moyenne, les garçons sont intervenus 2,3 fois plus que les filles et étaient deux fois plus sollicités par les professeurs. En outre, ils avaient presque trois fois plus d’interventions orales « hors sujet ».
    « Sages et discrètes »

    « Les bébés de sexe féminin sont pourtant plus amenés que leurs homologues masculins à développer une communication verbale. Mais ces capacités langagières précoces ne leur donnent pas accès à la prise de parole en public par la suite. Car le problème n’est pas de parler, mais de s’autoriser à être visible par la parole », analyse Isabelle Collet. On ne les incite pas à cette visibilité, abonde la sociologue Marie Duru-Bellat, chercheuse à l’Institut de recherche en éducation, autrice de La Tyrannie du genre (Presses de Sciences Po, 2017) : « Les filles ont intégré qu’on attend d’elles qu’elles soient sages et discrètes. On leur apprend aussi très tôt à faire attention aux autres, à écouter et à prendre en compte le point de vue des camarades. »

    #paywall #sexisme #silenciation #invisibilisation #femmes #manterruping #mansplanning #manspreanding

    • En classe, les garçons, eux, ne vont pas hésiter à occuper l’environnement sonore et à interrompre le professeur. « Ils prennent plus souvent la parole de façon spontanée, d’ailleurs pas toujours en lien avec le cours dispensé », remarque la sociologue. C’est accepté, voire valorisé comme un attribut de virilité. « Il y a dans l’imaginaire collectif l’idée que les garçons sont plus turbulents, qu’ils ont besoin de s’exprimer, et que c’est bien normal. On le tolère, tout comme on les laisse salir leurs habits. Les filles sont, elles, plus vite rabrouées quand elles transgressent les règles », observe-t-elle.

      Alors que les enseignants eux-mêmes ont tendance à interroger moins souvent les filles que les garçons, comme l’ont montré plusieurs études, le contenu des interactions a aussi tendance à différer selon le genre de l’élève. « Les filles sont davantage sollicitées pour rappeler les notions précédentes, une forme d’assistance pédagogique, puis les garçons sont appelés à faire avancer le cours, à créer du neuf », observe Isabelle Collet.

      Les enseignants encouragent aussi davantage ces derniers, soulevait la professeure en sciences de l’éducation Nicole Mosconi, dans son article « Effets et limites de la mixité scolaire » (Travail, genre et sociétés, n° 11, 2004). « Ainsi, les garçons apprennent à l’école à s’exprimer, à s’affirmer, à contester l’autorité, et les filles à être moins valorisées, à prendre moins de place physiquement et intellectuellement, et à supporter, sans protester, la dominance du groupe des garçons, en somme à rester “à leur place” », écrivait-elle.
      Véronique Garrigues, enseignante d’histoire dans un collège classé REP du Tarn, a pris conscience de ce déséquilibre il y a quelques années. « Comme dans la cour de récré, les garçons prennent la place qu’on leur laisse très volontiers, constate-t-elle. Alors, quand au bout de trois réponses, je n’ai entendu que des élèves masculins, je fais en sorte que ce soit ensuite une fille. Mais ce n’est pas parce que je les interroge qu’elles acceptent de répondre. » Le stress est patent : tête baissée, mains tripotant ses affaires, phrases écourtées. « Prendre la parole, c’est s’exposer au regard des autres. Une angoisse pour certaines. »

      « Bastion masculin »

      Parler en public est en effet un exercice qui engage pleinement le corps et l’esprit, et qui demande une bonne dose de confiance en soi. « Or, à l’école comme en réunion, les femmes ont tendance à plus se demander : ce que je pense vaut-il le coup d’être dit ? », pointe Marie Duru-Bellat. Pourtant détentrices de meilleurs résultats scolaires, elles se mettent très jeunes à douter de leurs compétences. Ainsi dès 6 ans, lorsqu’on leur présente un personnage comme « intelligent », les petites filles y associent plutôt le sexe masculin, montre une étude américaine publiée en 2017 dans la revue Science.
      Rien d’étonnant quand on sait que leur expression peut être déjà jugée illégitime seulement quelques mois après la naissance. C’est ce que révèlent des chercheurs de l’Institut des neurosciences Paris-Saclay basé à Saint-Etienne. En 2016, ils ont mesuré la perception des pleurs de bébés : ceux attribués à des filles – d’ailleurs souvent à tort – étaient alors jugés moins justifiés, ne relevant pas d’une véritable souffrance. « A divers niveaux, la société ne cesse de renvoyer aux femmes que leur parole compte moins », souligne Marie Duru-Bellat.

      Le poids des représentations et de l’histoire n’est pas étranger au sentiment d’illégitimité que beaucoup ressentent en la matière. « L’art oratoire est traditionnellement un bastion masculin, observe Christine Bard, spécialiste de l’histoire des femmes. Pendant des siècles, les occasions pour les femmes de prendre la parole dans les lieux publics religieux ou laïcs étaient rares : elles étaient exclues des tribunes et n’ont accédé à l’université que sur le tard. Cet héritage laisse des traces. » Aujourd’hui, les modèles de voix féminines sont encore peu nombreux – ainsi du faible taux d’expertes entendues dans l’audiovisuel (de 38 %, la proportion est tombée à 20 % avec la pandémie de Covid-19, selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel).

      « L’oreille qu’on porte sur la parole des femmes a été et reste très cruelle, ajoute Christine Bard. Les travaux montrent que le public écoute moins les femmes et déprécie leur voix, trop perchée, trop aiguë. » Leurs paroles sont vite disqualifiées. « Exposées, elles sont d’abord jugées par le regard, sexualisées avant même d’être entendues. Pour Rousseau, la femme qui parle en dehors de son foyer est d’ailleurs du côté de l’impudeur. » Point trop ne faut d’assurance pour celle qui s’y risque : une étude de Yale publiée en 2012 montre que, alors que les hommes qui parlent abondamment sont perçus comme des leaders de qualité, les femmes qui font de même sont au contraire rejetées par l’audience chargée de les noter.

      Une parole dévalorisée, peu écoutée, souvent coupée… « En classe aussi, les garçons qui veulent tout le temps la parole peuvent se montrer très désagréables contre ceux qui leur volent la scène, surtout les filles, constate Isabelle Collet. Quand elles tentent de le faire et qu’elles ne sont jamais interrogées, comme les garçons parlent spontanément, ou bien moquées, elles finissent par lâcher l’affaire. »

      Quelles conséquences sur leur parcours ? Dans le secondaire, « ce moindre accès à la parole ne pose pas problème aux filles en termes de compétences didactiques », observe-t-elle. Même pour les oraux du baccalauréat, qui sont surtout, dit-elle, une « validation de ces compétences ». Mais cela les prive d’acquérir les techniques sociales de mise en valeur de leurs capacités et de leurs succès nécessaires par la suite. « Dès l’enseignement supérieur, les règles du jeu changent. Il faut promouvoir son travail, se distinguer, se rendre visible. Ce que, incitées à rester en retrait, les filles n’ont pas appris à faire », regrette la chercheuse.

      Des épreuves pénalisantes

      Si bien que « leurs meilleurs résultats ne leur ouvrent pas les portes de certaines filières sélectives et qu’elles rentabilisent moins, à diplôme égal, leur bagage scolaire », écrit-elle. Dans certains oraux de concours notamment, les écoles recherchent de plus en plus ces dernières années « l’expression d’une motivation mais aussi d’une individualité, d’une certaine personnalité. Il y a tout un travail de mise en scène sous-jacent auquel les jeunes femmes adhèrent moins », rappelle la sociologue et spécialiste des concours Annabelle Allouch, qui souligne également l’interférence de « biais de genre » inconscients lors de ces oraux, « même chez des jurys avertis ».

      A l’Ecole nationale d’administration, un rapport interne relevait, en 2012, ce traitement défavorable aux femmes qui, avec un taux de réussite similaire à celui des hommes aux écrits anonymisés, étaient évincées à l’issue du grand oral. En 2020, à l’Ecole normale supérieure, avec la suppression des oraux due à la crise sanitaire, la part d’admises a, là, bondi de 54 % à 67 % dans les filières littéraires. Difficile de démêler l’impact de la disparition de l’oral et celui des conditions de préparation particulières pendant la pandémie – ou encore de l’absence des mécanismes de rééquilibrage qui, à l’oral, viennent favoriser le sexe minoritaire (étudiés par l’économiste du travail Thomas Breda). Mais le résultat a interpellé nombre d’enseignants.

      Emma Bouvier, 21 ans, a bien senti un tournant en entrant à Sciences Po. Alors que participer en classe ne lui posait pas de problème au lycée, cela a changé dans le supérieur, où « la prise de parole prend beaucoup de place, en classe comme en dehors ». En quête de clés, elle s’est renseignée sur l’association d’art oratoire de l’école. « J’avais l’image d’un espace réservé aux hommes, les figures prises pour parler d’éloquence étant quasiment toutes masculines. Puis j’ai vu que la présidente était une femme, cela m’a ouvert une porte. » Depuis, l’étudiante s’investit dans L’Oratrice, un groupe qui promeut l’égalité dans l’éloquence et organise des formations à destination des étudiantes.

      Chez celles qui s’y inscrivent, « ce qui ressort le plus est l’autocensure et une déstabilisation face aux comportements désagréables récurrents, comme se faire couper la parole, décrit-elle. Beaucoup viennent aussi après un premier stage et racontent s’être senties effacées, regrettant de ne pas avoir réussi à s’imposer. On les aide à prendre confiance. » L’enjeu est majeur dans le monde du travail, « où on vous demande de bien faire mais surtout d’aller le faire savoir », souligne Isabelle Collet. Pour Emma Bouvier, même si c’est à pas de souris, on avance toutefois dans la conquête de la prise de parole en public : les deux dernières éditions du prix d’éloquence Philippe-Seguin de Sciences Po ont été remportées par des femmes.

      #école #évaluation

  • Facs et Labos en Lutte : une mobilisation féministe ? Retour d’expérience par celles qui l’ont vécue

    Depuis le début du confinement, le comité de mobilisation national des Facs et Labos en Lutte a opté pour une publication quotidienne, Confinée libérée. Une des premières contributions de ce nouveau « journal » en ligne, dont le nom a été volontairement féminisé, revient sur l’aggravation des inégalités de genre durant le confinement pour les étudiant·es et travailleur·ses de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR).

    Si ces questions ont pu être soulevées et relayées si rapidement, c’est qu’elles font écho aux analyses et aux revendications féministes qui ont été centrales durant les mois de lutte qui ont précédé la décision du confinement. Depuis décembre dernier, les étudiant·es et travailleur·ses de l’ESR sont en effet engagé·es dans un mouvement d’une ampleur inédite depuis une dizaine d’années. À la lutte commune avec les salarié·es des autres secteurs contre la réforme des retraites, s’ajoute pour les universités et les laboratoires de recherche un combat plus spécifique, contre le projet de Loi de Programmation pluriannuelle de la Recherche (LPPR) qui accentuera encore la précarité des statuts et orchestrera une compétition délétère entre les établissements publics. Or, et c’est un trait marquant de ce mouvement, les revendications féministes ont été à la pointe de ces luttes, les femmes dénonçant combien ces contre-réformes allaient encore aggraver les inégalités de genre sur leurs lieux d’étude ou de travail.

    De fait, durant cette mobilisation, dans les facs et dans les labos comme ailleurs, les femmes ont été particulièrement actives, et ce dans des rôles pas toujours conformes aux stéréotypes de genre : dans les assemblées générales et les coordinations nationales, elles intervenaient voire introduisaient les discussions, elles n’hésitaient pas à apparaître dans les médias, occupaient l’espace de la parole en réunion, etc. Les premières initiatives pour l’emploi scientifique et contre la LPPR ont d’ailleurs été portées avant tout par des femmes, qui ont assumé un rôle d’organisatrices syndicales et politiques.

    Cette contribution collective propose donc un retour sur cette lutte, en analysant nos pratiques afin de saisir comment cette dynamique féministe a pu émerger et être perpétuée au sein du mouvement. L’enjeu est moins de livrer une analyse réflexive approfondie de cette séquence militante – qui se poursuit toujours, bien que sous d’autres formes, du fait du confinement – ce qui nécessiterait une plus grande prise de recul, que de consigner nos expériences d’organisation et de mobilisation, afin d’en laisser une trace qui pourrait être utile aux luttes à venir.

    Rédigé par des militantes féministes du comob (comité de mobilisation) national réélu et élargi à chaque AG de coordination puis au cours de deux coordinations nationales des facs et des labos en lutte depuis décembre 2019, ce texte est situé et ne prétend pas rendre compte de la manière dont la mobilisation a été vécue par toutes. Par exemple, au sein de cette structure militante qui a évolué tout au long des mois de mobilisation, nous avons rarement eu l’impression que les hommes prenaient trop de place ou se montraient hostiles aux prises de parole féminines, alors que ce problème s’est posé ailleurs, notamment dans les AG locales. Toutefois, dans le comob comme ailleurs dans l’ESR, les inégalités de statut – étudiant·es ; précaires ; enseignant·es chercheur·ses ; chercheur·ses ; BIATSS ; etc. – pèsent sur la mobilisation et recoupent parfois les inégalités de genre.
    Présence et visibilité des femmes dans la mobilisation : quelques hypothèses explicatives

    L’implication marquée des femmes dans la mobilisation est tout d’abord à mettre en relation avec les inégalités en termes de carrières entre les femmes et les hommes au sein de l’ESR. Bien que notre profession ait connu une féminisation très nette ces dernières décennies, toutes les formes de précarité pèsent davantage sur les femmes, alors que la majorité des positions de pouvoir reste largement occupée par des hommes, dissymétrie dénoncée par exemple dans la tribune signée par 440 collègues historiennes ou celle rédigée par les philosophEs en 2018. Plus généralement et au-delà des femmes, les rapports de domination sont particulièrement prégnants au sein de l’ESR, comme le montrait un numéro de Genre, Sexualité & Société, publié au tout début du mouvement social. Au « sommet » de la hiérarchie universitaire, il y a majoritairement des hommes cis blancs, alors qu’une femme ou une personne trans* a moins de chances d’avoir un poste pérenne, et a fortiori un poste de pouvoir. Les hommes sont plus attentifs à leur avancement que les femmes : ils passent davantage leur HDR, sont bien plus promus directeurs de recherche ou professeurs, etc. Ainsi, dans un contexte où les femmes ont moins de perspectives comme horizon, elles acceptent davantage de se « mettre en danger » en occupant une place visible de « contestataire » risquant de mettre à mal leurs relations de travail avec leurs supérieurs ou de futurs membres de conseils scientifiques.

    De plus, les fonctions occupées par les femmes dans l’ESR sont les plus attaquées par les transformations néo-libérales des services publics et rendues difficiles par les manques de financement. Nous sommes souvent assignées aux « petites » tâches administratives (gestion des licences, des étudiant·es, des stages, etc.), et non pas aux tâches valorisées de direction (d’UFR, d’université, de laboratoires, etc.). La socialisation féminine nous a appris à nous soucier des autres et du collectif avant nous-mêmes – un aspect important du travail du « care« . Pour toutes ces raisons, le manque de recrutement pèse sur nos épaules. Nous nous retrouvons seules à gérer des tâches qui réclameraient deux ou trois collègues, ce qui nous place régulièrement dans des situations d’épuisement professionnel et met nos recherches entre parenthèses pendant de longues années. Ainsi, le projet de LPPR qui annonce encore moins de recrutements pour venir nous soulager lorsque nous sommes titulaires, ou nous titulariser lorsque nous sommes précaires, et moins de financements pour nos recherches si nous ne sommes pas « compétitif·ves » touche plus directement les femmes de l’ESR. Nous ressentons davantage l’impossibilité de tirer notre épingle individualiste du jeu de cette grande guerre du tou·tes contre tou·tes que nous impose le ministère. Notre secteur rejoint en cela la plupart des secteurs mobilisés contre la réforme des retraites ou l’an passé, le mouvement des Gilets jaunes : la précarité est partout largement féminisée, ce qui éclaire l’implication massive des femmes dans ces luttes. Toutefois, cette explication, qui établit un lien mécanique entre premières concernées et premières mobilisées, n’est pas suffisante.

    Ce qui caractérise le mouvement des Facs et des Labos en Lutte, c’est une surreprésentation des militantes de moins de 45 ans, formées pour un certain nombre d’entre elles dans les mouvements sociaux des années 2000. Au sein de ces derniers, les questions liées au genre, aux violences sexistes et sexuelles, à la co-construction des formes de dominations, à l’intersectionnalité occupent une place importante et ont engagé la construction d’une conscience collective visant à instaurer une attention continue et constante afin d’empêcher les hommes de prendre trop de place et de nous reléguer dans des rôles militants subalternes. Par exemple, les collectifs de précaires sont très féminisés un peu partout – en Île-de-France, à Marseille, à Nantes, etc. – et dans ces cadres, beaucoup de militantes se sont formées au sein de mouvements féministes tels que CLASCHES. D’autres militantes appartiennent à cette nouvelle génération de chercheuses sur le genre qui continue de croître depuis une dizaine d’années. À plus court terme, il faut peut-être aussi prendre en compte la plus grande visibilité des discriminations et des violences infligées aux femmes avec l’émergence de mouvements comme celui de la grève féministe du 8 mars ou encore de #MeToo. Enfin, l’institutionnalisation des politiques d’égalité peut aussi aider à comprendre le caractère féminisé et féministe de notre lutte. Même si ces politiques relèvent souvent d’un effet d’affichage, les hommes peuvent moins se permettre de s’opposer à un certain nombre de pratiques institutionnalisées, et ce d’autant moins après le phénomène #MeToo : certaines choses deviennent indicibles ou moins facilement dicibles, nous y reviendrons.

    En dépit toutefois de cette féminisation à tous les niveaux, le partage des tâches militantes continue à être genré. Une grande part du travail d’organisation collective, coûteuse en énergie, sans apporter beaucoup de reconnaissance militante, que l’on peut qualifier de « travail de fourmi », est assumée par des femmes et il est nécessaire de mettre sur pied de façon volontariste des pratiques pour entraver la reproduction de ces inégalités.
    Corriger les inégalités dans la mobilisation

    La première coordination nationale des Facs et Labos en Lutte, organisée les 1er et 2 février 2020, a été l’occasion d’une prise de conscience : il nous fallait veiller à ne pas reproduire au sein de nos luttes les dominations préexistantes et par conséquent à les rendre plus inclusives. Nous y avons tenu un atelier portant sur la reproduction des dominations sexistes, racistes, validistes et classistes au sein de nos combats. Cet atelier a permis d’entendre de nombreux témoignages de perpétuation de situations d’oppression au sein des différents cadres militants, mais aussi de formuler des propositions concrètes pour enrayer les oppressions. En conséquence, nous avons décidé de mettre en place des règles plus systématiques pour la deuxième coordination nationale qui s’est tenue les 6 et 7 mars 2020.

    Tout d’abord, une première AG en mixité choisie regroupant une soixantaine de militant·es a été organisée le 7 mars. Réunissant des étudiantes, des précaires et des titulaires – en minorité -, elle a été l’occasion de discuter des questions de harcèlement et d’agressions sexistes et sexuels ainsi que de partager des expériences diverses sur nos modes de mobilisation pour les éradiquer. Nous étions censées faire un retour sur les bonnes pratiques, ce que la suite des évènements – le confinement et la fermeture des facs décidés moins d’une semaine plus tard – a interrompu brutalement. Au sein de cette AG, nous avons observé un effet générationnel intéressant : la très grande majorité des participantes avait moins de 30 ans, alors que seules deux femmes avaient plus de 40 ans. L’une d’entre elles a d’ailleurs été agréablement surprise de l’initiative, nous confiant que durant sa vie professionnelle elle ne s’était jamais sentie légitime à initier une démarche en mixité choisie.

    Ensuite, nous avions « noté des inégalités dans la prise de parole, que ce soit entre hommes et femmes, titulaires et non-titulaires, membres d’établissements franciliens et membres d’établissements non franciliens, et d’une façon plus générale, la reproduction de formes de domination et de discrimination (hétérosexisme, racisme, classisme, validisme) qui contraignent la prise de parole de certain·es ». Des règles de prise de parole visant à éviter l’hégémonie des hommes, des titulaires, des personnes blanches, etc. avaient été mises en place dans les assemblées de précaires, sans qu’elles ne suscitent de débat. Au sein de la coordination nationale, nous avons donc veillé à ce que la parole alterne entre les hommes et les femmes et donné la priorité aux interventions de précaires et d’étudiantes. Cela a été rendu possible par une double liste d’inscrit·es pour les discussions : l’une concernait les hommes cis titulaires et l’autre les femmes, les précaires et les étudiant·es et il s’agissait de veiller autant que possible, à l’alternance. Le principe a été expliqué en plénière à plusieurs reprises à l’aide d’un texte humoristique qui soulignait que les dominants pouvaient survivre au fait de ne pas prendre la parole en AG.

    De façon plus générale, ce mouvement a permis de discuter de problématiques largement ignorées dans l’ESR, qu’il s’agisse du handicap ou de la maladie, quelquefois en relation avec des enjeux de genre. Au sein d’un atelier, des camarades ont ainsi évoqué leurs difficultés à gérer leur endométriose, et à quel point cela pouvait freiner leur carrière et leur capacité à s’engager politiquement. En revanche, si on saisit bien les dynamiques d’exclusion et de marginalisation tant des personnes non-blanches que des problématiques liées au racisme, nous n’avons pas encore réussi à nous emparer collectivement du problème de façon satisfaisante, et ce, bien que deux groupes de travail très efficaces et engagés se soient chargés d’envisager la division internationale du travail universitaire et la place des étudiant·es étrangers d’un côté, et les discriminations de genre, de race et de classe de l’autre.
    Contre les violences sexistes et sexuelles

    Il nous a également semblé essentiel d’intégrer à cette lutte un combat que nous menons à l’université comme ailleurs avec l’appui d’associations telles que CLASCHES, à savoir le combat contre les violences sexistes et sexuelles. Les dispositifs institutionnels de signalement, d’accompagnement et de jugement de telles violences sont récents au sein de l’ESR et dans bien des cas déficients, puisque dépourvus de moyens et de personnels formé·es. Des affaires récentes, relayées par des enquêtes de presse, ont révélé de graves dysfonctionnements. Pour ces raisons, la coordination nationale des Facs et Labos en Lutte des 6 et 7 mars avait acté une journée nationale de mobilisation contre les violences sexuelles et sexistes dans l’ESR le 19 mars, date à laquelle le CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) devait de nouveau statuer sur l’appel d’un enseignant suspendu de ses fonctions pour un an avec privation totale de traitement par son université pour des faits de harcèlement sexuel. Cette journée de mobilisation n’a malheureusement pas pu avoir lieu en raison du confinement et du report de l’audience.

    Nous avons aussi cherché à lutter contre ces violences au sein même de nos cadres militants. Lors de la seconde coordination nationale de mars 2020, nous avons mis sur pied une cellule anti-harcèlement et un numéro de téléphone dédié, ainsi que des règles, présentées ci-dessous, afin que les comportements oppressifs qui s’y dérouleraient puissent nous être signalés. Ce sont en fait essentiellement des comportements qui s’étaient produit antérieurement dans des cadres militants autres que la coordination qui nous ont été rapportés et auxquels nous avons apporté une attention particulière afin que l’espace de la coordination puisse rester un espace sûr pour tou·tes. Le moment festif, organisé le soir du premier jour, pouvait laisser craindre une multiplication des comportements oppressifs. Nous avons donc édicté des règles, dont le respect était assuré par une « vigie féministe » présente tout au long de la soirée. Deux personnes – à l’exclusion d’hommes cis – étaient attentives à ce qui se passait, s’assurant que personne n’était victime de harcèlement, d’agression ou de comportement oppressif. Il ne s’agissait bien sûr pas d’assumer un rôle de chaperonne, mais de refuser qu’au nom de la « fête », certaines personnes soient agressées d’une façon ou d’une autre.

    Règles pour une soirée festive et militante sans comportement oppressif

    1. Ce temps festif est un espace « safe » : veille à inclure avec bienveillance des personnes que tu connais peu ou pas dans les conversations ; sache que toutes insultes ou agressions à caractère sexistes, racistes, classistes, lesbophobes, homophobes, transphobes, validistes seront sanctionnées.

    2. Si une personne refuse le verre que tu lui offres, n’insiste pas, iel n’en veut pas. Saouler une personne n’est pas une technique de drague, c’est une technique de viol.

    3. Si une personne te signifie qu’iel ne veut pas danser avec toi, n’insiste pas et prend tes distances, iel ne veut pas.

    4. Si tu as envie d’embrasser/d’avoir une relation sexuelle avec une personne, pose la question. Si iel ne veut pas, n’insiste pas et prends tes distances, iel ne veut pas.

    5. Si une personne est très alcoolisée, demande-lui s’iel se sent bien et s’iel a besoin d’aide. Ne profite pas de la situation pour passer outre son consentement.

    6. Si une personne est inconsciente ou endormie, iel ne désire pas être embrassé.e ou avoir une relation sexuelle. Par contre, assure-toi qu’iel est en sécurité.

    Des résistances marginales

    La mise en place de ces règles et des espaces en non-mixité choisie participe de la construction d’un rapport de force, que nous jugeons nécessaire à la prise de conscience des modes de domination, en vue leur éradication. Elle a donc pu susciter des réactions négatives, bien que marginales. Quelques hommes ont ainsi quitté la coordination après que les règles concernant la prise de parole aient été présentées à la tribune (la version sexiste du « on se lève et on se casse »). Au sein des ateliers cela a pu se traduire par des demandes répétées auprès des camarades chargé·es de la liste des inscrit·es : (homme) « Tu ne m’as pas oublié, hein ? J’ai demandé la parole il y a un moment ». Certains militants ont reproché au comob des Facs et des Labos en Lutte de monter les participant·es les un·es contre les autres. À la fin de la coordination, alors que les camarades de la tribune tentaient de tenir l’ordre du jour pour que nous puissions rejoindre à temps la marche féministe de nuit du 7 mars et qu’une camarade demandait aux femmes l’autorisation de dépasser d’un quart d’heure afin de finir les débats, un homme s’est levé et a imposé sa parole en disant « qu’il parlait sans genre (sic) et qu’une coordination d’ampleur nationale était plus importante qu’une marche féministe », prenant ainsi la liberté de hiérarchiser à notre place nos luttes.

    Ces propos tendent toutefois à devenir indicibles dans le contexte actuel : la grande majorité des participant·es aux différentes coordinations a une conscience réelle des dominations et de la manière dont elles se répercutent dans nos luttes, considérant qu’il ne s’agit pas de problèmes « accessoires » apolitiques, comme cela pouvait être pensé et dit il y a encore quelques années. Ainsi, certains comités de mobilisation locaux ont dû faire face à des affaires de viols. Lorsque les collectifs militants ont été mis au courant, les femmes très investies au sein de ceux-ci ont immédiatement demandé l’exclusion des hommes accusés. La position centrale de ces femmes dans la mobilisation combinée à la dénonciation publique de la culture du viol dans les milieux de gauche depuis une dizaine d’années a permis que ces décisions soient adoptées sans que personne ne les contredise.

    Sororité et manifestations féministes

    Assez rapidement dans la mobilisation et à différents niveaux, des groupes informels de femmes se sont organisés et ont joué un rôle important dans la place que nous avons prise collectivement et dans les propositions concrètes qui ont émergé. Ces groupes ont également été des soupapes, des ressources, pour se donner confiance et construire le rapport de force au sein de nos cadres militants. Pour celles qui ont déjà vécu des mouvements sociaux importants tels que ceux de 2003 ou encore contre le Contrat Premier Embauche (CPE) en 2006, il nous a semblé que, de façon plus générale, les relations entre femmes ont changé. Il y a une vigilance et une attention permanente des unes aux autres, alors même que nous ne nous connaissions pas ou peu, pour la plupart d’entre nous. En janvier, nous sommes d’ailleurs plusieures à avoir reçu et renvoyé ce message révélateur de ces nouvelles solidarités que nous forgeons :

    Chères amies,

    Cette semaine a été riche, nous avons incroyablement avancé en quelques jours, et la semaine qui arrive sera sans doute intense. J’espère que vous avez pu prendre le repos indispensable à notre lutte.

    Une fois n’est pas coutume, la mobilisation ici s’appuie largement sur des femmes, que ce soit dans la logistique (comme d’habitude) mais aussi dans les prises de paroles, les dynamiques, et cela donne un ton général qui est à saluer. Moins de temps perdu pour les egos, moins d’agressivité dans les débats, plus d’attention aux uns et aux autres.

    Notre implication a un coût. Nous commençons à recevoir beaucoup de mails, beaucoup d’information à traiter et transmettre, beaucoup d’actions à mener. Pour beaucoup d’entre nous, nous avons des charges de famille, des jeunes ou futurs enfants, et janvier étant ce qu’il est, nous ne sommes pas à l’abri des coups de froid, des rhumes, etc.

    Or, il nous faudra tenir dans la durée, y compris après le mouvement. Rappelons-nous que nous ne sommes pas indispensables à tout moment et comptons les unes sur les autres pour nous remplacer, pour assurer une réunion, un mail etc. Permettons-nous les unes aux autres de se mettre en retrait quelque temps. Surtout, veillons les unes sur les autres. Restons attentives aux signes de fatigue, de surcharge, et faisons corps.

    Transférons chacune ce mail à deux autres sur qui nous pouvons compter. Tenons-bon, faisons lien, faisons société… jusqu’à la victoire !

    Par ailleurs, les femmes de la coordination nationale des Facs et Labos en Lutte ont été nombreuses à participer à la marche féministe du 7 mars à la fois extrêmement enthousiasmante et violente, du fait de la répression par les forces de l’ordre sur la place de la République à la fin de la manifestation. Nous nous sommes organisées rapidement, notamment face à la répression policière : notre capacité à nous mouvoir et à nous écouter paraissait spontanée. Toute camarade qui se faisait frapper recevait du soutien et de l’attention. Ce fut la mise en pratique d’une réactivité et d’une organisation qui ne nécessite pas d’être verbalisée, grâce à notre socialisation au care qui augmente notre puissance d’agir. Nous l’avions également observé, le 28 février, lors du rassemblement contre les violences sexistes et sexuelles devant la Salle Pleyel, à l’occasion de la cérémonie des Césars : le caractère offensif de ces mobilisations est frappant. Il y a un saut dans la prise de conscience du rôle joué par la police – particulièrement sexiste à ces occasions – et la justice dans l’oppression systémique que nous subissions. Des femmes très différentes n’ont plus peur d’aller au contact avec les forces de l’ordre. Une énergie et une colère très forte se dégageaient lors de ces manifestations.
    Conclusion : le confinement ou l’accentuation de la division sexuée du travail militant ?

    Le confinement a créé un nouveau contexte, dans lequel les femmes se sont retrouvées en première ligne. La division sexuée du travail militant tend désormais à se réinstaller, voire à se renforcer. Il a déjà été montré que, durant le confinement, les chercheuses, souvent occupées par ailleurs au travail de care familial, déposent nettement moins d’articles que les chercheurs qui ont amélioré leur productivité : Cette logique se retrouve dans la mobilisation.

    La situation est complexe : alors que quelques jours avant l’annonce de la fermeture des facs nous étions plus de 500 délégué·es en coordination nationale, nous nous sommes retrouvé·es à devoir chercher un moyen de faire exister notre lutte sans pouvoir nous réunir et mobiliser sur nos universités et nos laboratoires. Pour beaucoup, la crise sanitaire a été source de sidération et de paralysie, pour d’autres, elle a fait émerger d’autres urgences politiques comme la solidarité envers les plus précaires dans nos quartiers et dans les lieux d’enfermement. Certain.es ont pu aussi juger que, du fait de l’arrêt brutal et imposé de la mobilisation, il était devenu difficile de trouver un sens à leur implication au sein de comités qui émanaient de la lutte en cours. Il ne s’agit pas de juger les départs, mais seulement ici de les constater.

    Or, force est de constater que dans ce contexte difficile pour tou·tes, les comités de mobilisation qui continuent de fonctionner semblent l’être sous l’impulsion de femmes et le comité de mobilisation national, qui réunit 70 personnes élues, a largement diminué, voyant disparaître une grande partie des hommes impliqués précédemment.

    Nombreux sont les hommes qui écrivent des textes et des tribunes, tandis que les femmes continuent à prendre en charge l’organisation du travail collectif, tâche qui devient plus lourde du fait de la mise en retrait de nombreux·ses militants, l’absence de réunions physiques, les rythmes décalés des un.es et des autres… D’ailleurs, la campagne à laquelle nous avons participé au début de la période de confinement pour le report des délais de candidatures aux postes de Maîtres·ses de conférences a principalement été portée par des femmes, car certaines d’entre elles, avec enfants, expliquaient qu’elles ne pourraient pas y arriver tandis que certains hommes nous ont expliqué que, confiné·es, nous n’avions rien d’autre à faire que de constituer nos dossiers.

    Les femmes sont également plus nombreuses à assurer le travail de care, dans l’environnement familial et au travail, mais aussi dans les collectifs militants et solidaires, de l’ESR et d’ailleurs. Elles sont davantage investies, notamment, dans les nombreuses initiatives de solidarité qui ont vu le jour pour apporter un soutien psychologique, logistique, financier, alimentaire ou sanitaire aux personnes les plus en difficulté suite à la crise sanitaire et au confinement. Concernant les initiatives propres à l’ESR, par exemple, l’équipe s’occupant de la caisse de solidarité des Facs et Labos en Lutte, lancée conjointement par le comité de mobilisation des facs et labos et des collectifs de précaires et d’étudiant·es réunis en assemblée générale le 27 mars, est composée de six personnes dont cinq femmes (et cinq précaires, par ailleurs). Cela semble également être le cas dans les initiatives hors ESR qui se sont créées pour organiser la solidarité sur une base territoriale (ville, quartier ou arrondissement), telles que les Brigades de Solidarité populaire ou le réseau #COVID-ENTRAIDE FRANCE.

    D’autre part, bien que des réunions aient continué à se tenir à distance, ce type de rencontres a souffert de la situation confinement. En conséquence, beaucoup de décisions cruciales, concernant par exemple la continuité pédagogique ou les validations, ont eu pour principal cadre de discussion des instances routinières de prise de décision, telles que les conseils d’université, de laboratoire ou de départements, au sein desquelles les femmes restent mal représentées et dans lesquelles les règles que nous avons instaurées pour lutter contre les dominations de genre ne sont pas rigueur.

    Pour conclure, si les formes d’organisation collective qui ont été mises en place durant cette mobilisation ont permis aux femmes de prendre leur place dans la prise de parole et dans la prise de décision, il faut donc veiller à maintenir cet acquis dans le contexte particulier que nous vivons, mais aussi, à long terme, dans le fonctionnement « normal » de l’université et de la recherche.

    L’ambition de ce texte était de conserver des traces et rendre visible un aspect de la mobilisation pas toujours évoqué. Il participe à un contexte plus large, cette lame de fond féministe que nous connaissons actuellement et qui ne saurait s’arrêter.

    Cet article a été rédigé par six militantes du Comité de mobilisation national des Facs et Labos en Lutte, il est également publié par la revue Contretemps.

    https://universiteouverte.org/2020/05/21/facs-et-labos-en-lutte-une-mobilisation-feministe-retour-dexperie
    #université #ESR #facs #France #résistance #femmes #féminisme #inégalités #réforme #inégalités_de_genre #LPPR #résistance #visibilité #carrière_universitaire #care #socialisation #compétition #précarisation #titularisation #précarité #conscience_collective #tâches_militantes #résistance #militantisme #dominations #sexisme #patriarcat #mixité_choisie #prise_de_parole #AG #assemblées_générales #violences_sexistes #violences_sexuelles #sororité #confinement

  • La révolution sera féministe

    Une création de Charlotte Bienaimé
    Un podcast à soi Un podcast à soi — Numéro 9

    Femmes en lutte dans l’Histoire, à #Carrefour et sur la #ZAD

    https://www.arteradio.com/son/61660140/la_revolution_sera_feministe_9

    « C’est chaque fois les femmes qui s’excusent, jamais les mecs, ou très peu. Il faut que j’arrête de m’excuser de prendre la parole et me sentir légitime de le faire. »

    Juste nécessaire contrepoint en ce moment :)

    #Féminisme #féminisme_en_lutte #facilitations #lutte #chansons_de_lutte #ni_dieu_ni_mec #radio

  • #MeToo dans le cinéma : l’actrice Adèle Haenel brise un nouveau tabou - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/031119/metoo-dans-le-cinema-l-actrice-adele-haenel-brise-un-nouveau-tabou?onglet=

    3 novembre 2019 Par Marine Turchi

    L’actrice Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans. Son récit est conforté par de nombreux documents et témoignages. Mediapart retrace son long cheminement, de la « prise de parole impossible » au « silence devenu insupportable ». Le cinéaste conteste « catégoriquement » les faits.

    #viol #harcèlement_sexuel #meetoo

    • Pas inclus dans le pdf, il y a un texte qui a été glissé dans la version papier —> un témoignage d’une personne sensible aux #ondes_électromagnétiques. Très beau texte du collectf #BOEM ("OEM vaut pour Ondes Electro-Magnétiques. Le B est resté à l’humeur du jour", peut-on lire...). Malheureusement, je ne le trouve pas en ligne.

  • #BalanceTonHosto sur Twitter
    https://twitter.com/hashtag/balancetonhosto

    Etant infirmière, si je veux respecter ma fiche de poste, j’ai 1h30 le matin et 35 minutes le midi/soir pour vérifier et distribuer les médicaments à 70 résidents. Des erreurs ? Non, jamais...

    Fin de vie difficile à gérer pour l’équipe soignante, la psychologue qui a eu l’idée de lancer un groupe de parole s’est fait engueuler comme une merde par la direction qui n’apprécie pas cette initiative, "les soignants n’ont qu’à s’habituer aux décès"

    Lyon, CHU, la passerelle qui relie le pavillon médical au pavillon chirurgical est trop étroite pour que les lits passent. Ainsi il faut appeler une ambulance privée en brancard pour faire les transports...

    Au CHU, une patiente a été diagnostiquée et traitée pour sevrage alcoolique car elle entendait des bruits d’animaux la nuit.. qq mois plus tard on a capté qu’il y avait un rat dans la ventilation de sa chambre.

    qd la Direction oblige 1 médecin intérimaire qui dit ne pas savoir intuber, à sortir en SMUR car il est seul en poste pour gérer le SAU, l’UHCD et le SMUR et qu’on veut l’accuser de non assistance à personne en danger s’il n’y va pas.

    Qd tu es étudiant infirmier en stage (35h/semaine) et que tu es payé 112€/mois en 1ère année, 152€/mois en 2ème année, 200€/mois en 3ème année & que tu remplaces le personnel manquant au lieu d’apprendre. C quoi deja le minimum legal pour les autres stagiaires ?

    Infirmière en gastro de service du soir : 4 entrées , 5 culots de sang a passer, 2 fin de vie + 15 patients Une entrée en urgence est prévu à 21h..je demande de l’aide à une collègue. Convoquée par la cadre dès le lendemain : " va falloir apprendre à prioriser "

    Et au chu de Montpellier, ils ont "juste" supprimer la pointeuse pour pas avoir d’heures sup à payer.
    "Ou des hres sup ?! Ah non ! On à rien vu ?"

    au CHGR de #Rennes, certains infirmiers veillent seuls quelques nuits dans leur service de 20 patients car il manque du personnel et que la direction ne veut pas embaucher

    une IDE a fait une crise d’asthme aigue quand l’hélicoptère s’est posé et a balancé tout son kérosène (comme a son habitude) dans les aérations du service de néonatalogie.

    Pour résoudre le problème d’absentéisme la clinique va diminuer les effectifs soignants. Pour responsabiliser. Pas de possibilité de remplacements donc on se mettra pas en arrêt, logique non ? Pourquoi on est en arrêt au fait ??

    quand tu es obligée de rouler des serviettes de toilette pour les mettre dans une taie car tu n’as plus d’oreiller dans ton service depuis des mois....

    Quand dans ton service depuis pls mois vous n’avez qu’un tensiomètre fonctionnel pour 3 infirmiers ..

    Quand tu dois faire appel à une équipe du SMUR (camion, etc.) pour effectuer un transfert d’un patient d’un service à un autre, dans le même hopital, car les deux bâtiments ne sont pas reliés alors qu’ils sont à 20 mètres l’un de l’autre

    Hopital Saint Martin à @Villedepessac 33,pour passer un scanner sur le même site de l’hopital,il faut appeler un ambulancier privé pour faire 25 metres.Cout par transport 59€ aller et retour et cela dure depuis des années.

    Au CHU en qq années ils ont fermé genre 500 lits pour économies..et en décembre ils écrivent des mails aux médecins « l’hôpital est surchargé, les patients attendent sur des brancards aux urgences, faites sortir vos patients rapidement »

    CHU de Rennes. Les génies qui ont conçu le nouveau bâtiment des urgences ont fait le déchoc complètement isolé des salles de soins. Résultat : quand le chef y est il ne peut rien faire d’autre (comme valider les sorties des patients vus par les internes)

    88 personnes alzheimer.
    2 soignants la nuit.
    1300 euros de salaires pour les soignants.
    2900 euros de loyer par mois pour les patients .

    Mixer les raviolis pour la soupe du lendemain.
    Une douche toute les 4 semaines. (Et encore).
    2900 euros par mois pour y finir sa vie.

    Impossible de faire chevaucher nos horaires de 15 minutes pour les transmissions et ainsi assurer la continuité des soins , la direction refuse de nous les compter en heures sup’ ! Nous offrons chacun 36h/an au CH !

    Cadre à ma collègue : "bravo, tu a réussi à faire 15 pansements en 1h, c’est bien !"
    1 pansement toutes les 4 minutes.

    Quand 3 jours après tu apprends que le patient est en isolement gouttelettes pour la tuberculose/bmr et j’en passe

    @APHP faute de lit les patients agés des urgences sont transférés dans les cliniques privées..puis ensuite orientés vers des etablissements privés lucratifs pour personnes agés...idem pour les gestes operatoires..le liberal prend la main.

    Et en psychiatrie, faute de place, on admet un patient dépressif ou une personne âgée dans la chambre d’isolement. Bienvenue à l’hôpital, on s’occupe de votre moral !!!! Et on nous bassine avec la BIENTRAITANCE !!!! QUE D’HYPOCRISIE !!!

    Dans mon petit hopital on remplace le départ d’un cadre sup par 3 autres, et on embauche deux nouveaux directeurs pour allonger l’organigramme de direction. Par contre on a pas de budget pour compléter les arrêts maladie dans l’effectif soignant.

    Un stage à l’hôpital et on a déjà un aperçu de nos futures conditions de travail. Dans le service où j’étais en stage, certains jours 2 infirmières pour 26 patients et 4 étudiants à encadrer. Et une seule pendant 3h avant l’arrivée de l’équipe de nuit.

    Quand tes patients se lavent sous la douche avec la salmonelle dans les canalisations mais que tu ne dois rien dire

    Quand on demande plus de papier essuie mains, car il en manque tous les mois. Hygiène de base.
    Direction des services économiques : "selon une étude statistique, votre service utilise 233 feuilles de papier par jour. La dotation ne peut être augmentée."

    Quand tu vois que ton salaire d’infirmière est 200€moins élevé que quand t ‘étais cariste chez IKEA

    je veux gagner plus que 1,07 euros de l’heure quand je fais des nuits. Merci

    Un jour il faudra qu’on fasse vraiment grève, mais genre vraiment, qu’on fasse un service minimum en hôpital, et qu’on aille dans la rue ! C’est bien de se plaindre, mais on change pas le monde en faisant des threads sur Twitter

    Un aperçu du déferlement de faits et témoignages en cours.
    S’agirait de soigner l’hôpital et le « système de santé », mais c’est le cadet des soucis de l’antiproduction capitaliste....

    « Il faut relativiser », estime #Agnès_Buzyn. La ministre des Solidarités et de la Santé estime que les dénonciations des absurdités de l’hôpital par les soignants est « un éclairage sur les dysfonctionnements ».
    http://www.rtl.fr/actu/politique/agnes-buzyn-sur-rtl-il-faut-relativiser-le-balancetonhosto-7791974832

    #santé #austérité #logique_comptable #bureaucratie #hôpital #ephad #clinique #travail #conditions_de_travail #maltraitance
    la #grève qui vient

  • #consultant : Comment améliorer sa #prise_de_parole en public ?
    http://www.leportagesalarial.com/consultant-ameliorer-prise-de-parole-en-public

     La prise de parole en public n’est pas forcément la spécialité du consultant freelance. Pourtant, maîtriser cet exercice est essentiel pour convaincre des prospects ou des clients. Voici les principales idées à retenir pour améliorer sa prise de parole en public. Préparez votre message Prendre la parole en public pour le principe n’a pas … Read more →

    #Outils_du_consultant #présentation

  • Pratiques langagières sexuées à la maternelle | Madeleine Labie : une instit raconte... (Teledebout.org)
    http://teledebout.org/index.php?page=labie

    Nous vous proposons ici une interview d’une des intervenantes : Madeleine Labie, professeure des écoles, qui nous a raconté avec enthousiasme son travail en maternelle, en particulier sur les « pratiques langagières sexuées ».
    Elle donne ici des exemples simples de comment travailler au quotidien dans sa classe sur le sexisme « sans trop se rajouter de travail » !

    #éducation #école_maternelle #stéréotypes_de_genre #langage_oral #sexisme #prise_de_parole

    • France : Pratiques langagières sexuées en petite section (Genre en Action)
      http://www.genreenaction.net/spip.php?article7081

      L’étude « Pratiques langagières sexuées en petite section », réalisée par Madeleine Labie, sous la direction de Mme Boutet de Monvel, questionne l’acquisition du langage oral – au cœur des programmes de l’école maternelle française depuis 2002 –, et la place centrale qu’occupe l’enseignant dans les temps d’oralité.

      Le monopole du « parler » qu’acquière le professeur centralise le système de communication autour de l’adulte, renforçant de ce fait la relation hiérarchisée de l’élève apprenant et du pédagogue savant. Outre ces questions, Madeleine Labie propose une analyse genrée de ses pratiques pédagogiques. Elle y révèle les dynamiques actives/passives et filles/garçons qui se déroulent dans les classes de maternelles quant-à la prise de parole en groupe.
      Sommaire

      Introduction
      – Une recherche qui se cherche
      – Définitions

      I. Analyse de pratiques langagières sexuées en petite section
      – Le contexte d’analyse
      – Analyse genrée d’une séance de littérature de jeunesse
      – Analyse de séances de « Quoi de Neuf ? »

      II. Apprentissage du langage, pratiques scolaires et genre
      – Les théories sur l’apprentissage du langage lues à travers le prisme du genre
      – La fonction de l’école dans l’apprentissage du langage, lue à travers le prisme du genre
      – Langage, pratiques scolaires et genre, quelles pédagogies possibles ?

      #genre #pédagogie

    • Notons, même si ce travail et ce témoignage restent intéressants, que dans cette vidéo, certains aspects du témoignage peuvent donner prise à certaines critiques adressées aux actions du type #ABCD_Égalité.
      Quelques exemples :
      – Utilisation des termes « imposer » et/ou « inciter » alors que toute la différence est là.
      – Dictée avec phrases de type « morale laïque » déconnectées du vécu des élèves.
      – Parité imposée sans explication comme le reconnaît l’enseignante
      – Dans les compte-rendus, c’est l’enseignante qui agit ("j’ai essayé de rappeler", « j’ai été vigilante à remettre dans les termes ») : où sont les élèves ? où est leur participation permettant l’appropriation ?

      Son regard introspectif est intéressant sur les pratiques enseignantes, de même que sa volonté d’intégrer le masculin et le féminin plutôt de se contenter du « neutre » masculin dans les textes scolaires. Par contre, je m’interroge sur la pertinence de distribuer 2 feuilles d’exercices avec des énoncés genrés plutôt qu’une feuille unique avec des énoncés contenant les deux… (cf. point suspendu prôné par @aude_v).