• « Souvent novateurs en matière de management » (sic), Facebook et Apple vont faciliter la congélation d’ovules pour leurs employées
    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/10/14/97002-20141014FILWWW00421-facebook-et-apple-vont-faciliter-la-congelation-d

    Deux géants de Silicon Valley, Facebook et Apple, souvent novateurs en matière de management, vont faciliter pour leurs employées la congélation d’ovules, en leur payant ce traitement qui permet aux femmes d’avoir des enfants plus tard, affirme mardi NBC News.

  • #PMO
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    Les balourdises masculinistes d’Alexis Escudero
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=495
    et le mépris suffisant affiché par Pièces et Main d’Oeuvre ("PMO") envers ce qui relève de la critique féministe des rapports de domination de genre ont pu en étonner et en troubler plus d’un-e ces derniers mois.
    La reproduction était naturelle, les couples homosexuels sont stériles, et la critique du genre s’inscrit pleinement et seulement dans une stratégie d’artificialisation et de conquète du vivant - et j’en passe et des héneaurmes.
    Le fait est que la critique anti-industrielle s’appuie certes sur un corpus théorique et une histoire jusqu’à ce jour plus qu’indifférente, sinon pire, aux questions des inégalités sociales de genre ou de sexe. Et, pour ne citer que ceux-là, je lis certes moi aussi avec intérêt des auteurs comme Jacques Ellul ou Georges Bernanos, ("La France contre les Robots", contrairement à ce que son titre laisse croire, n’a pas été conçu par Marcel Gotlib et Edward P. Jacob en recourant aux Nouvelles Technologies de la Reproduction : c’est un recueil de textes de Bernanos des plus stimulant) : mais quand je les lis, je n’oublie pas d’où ils parlent, et quel banal hétérosexisme masculin impensé mais pleinement assumé traverse jusqu’au meilleur de leur écrits. Quant aux auteurs pro ou post-situs plus proches de nous, dans la veine de l’EdN, ils sont à même enseigne : la plupart du temps ils ne font pas mention des questions féministes (et peu d’autres inégalités, comme les inégalités de race) ; et quand ils daignent le faire, dans le meilleur des cas, à ma connaissance, c’est toujours pour les subordonner à l’universalité supposée de leur propre grille de lecture.
    Mais quelques aspects théoriques de la critique anti-industrielle me semblent plus particulièrement de nature à conforter cet aveuglement masculiniste.
    Il me semble que l’incapacité des anti-industriels à connaître la critique féministe du genre (puisque c’est de cela qu’il s’agit, in fine) trouve, à l’appui de ce banal aveuglement congénital, un appui théorique certes bien bancal, mais très ,opportun dans une idée développée il y a plus d’un demi siècle par Gunther Anders ( reprise dans « L’obsolescence de l’homme, réédité par l’EdN il y a une dizaine d’années) : celle de « honte prométhéenne » - le fait que, confronté à la perfection des machines, les humains auraient honte d’être nés, plutôt que d’être fabriqués. Une honte, pour faire très court, de la « nature » et de la biologie. Mon propos ici n’est pas de disputer cette idée, qui me paraît fondée, mais la façon dont elle me semble ressurgir hors de propos lorsque PMO écrit :
    « L’auteur, Alexis Escudero, participe depuis plusieurs années au mouvement de critique des technologies. Peut-être est-il de la dernière génération d’enfants nés, et non pas produits. »
    Le fait est que le questionnement du caractère de production sociale du genre et donc du sexe comme du caractère socialisé, socialement organisé de la reproduction, devient assurément incompréhensible lorsqu’on ne sait l’envisager que sous la forme du confusionnisme libéral-réactionnaire dont on nous rebat les oreille. Et cette incompréhension se voit redoublée lorsque ce questionnement est vu au travers du prisme de la « honte prométhéenne » : du point de vue de PMO, la seule attitude égalitariste concevable vis-à-vis d’une différence sexuelle forcément naturelle se réduit à un seul inepte égalitarisme technolâtre, et mène nécessairement plus ou moins vite au cauchemar transhumaniste.
    Ce prisme déformant et réducteur me semble pouvoir expliquer en partie l’aplomb déroutant avec lequel PMO et Escudero se disent libertaires tout en brandissent fièrement des contresens sur le genre qui ne dépareraient pas entre deux pancartes de la Manif pour tous. Leur confusion est des plus grossières, mais je les soupçonne de ne jamais être trop allé se plonger dans les riches disputes entre féministes radicales pour y prendre la mesure de l’histoire de la prise de conscience d’un système de rapports de domination de genre où eux se trouvent privilégiés, de sa critique, et des implications de la position où chacun-e s’y trouve situé, quant à sa propre conscience « spontanée » de ces rapports. Ce d’autant plus que le monde politico-médiatique nous sert à profusion, sous le label « féminisme », l’ornière intellectuelle de considérations naturalistes/essentialistes, et les tentatives, de fait nécessairement technolâtres, qui en découlent d’en finir avec la malédiction d’une féminité infériorisante, une fois celle ci pensée comme fondée en nature.
    Je pense que le propos des Escudero et PMO sont cohérents avec les présupposés plus ou moins profondément essentialistes qui sous tendent les propos des Agacinski ou Badinter, comme avec une grande partie au moins du très spectacliste mouvement queer, lesquelles ont plus facilement les faveurs des média que les féministes radicales qui argumentent contre le naturalisme. Mais il me semble avéré que, du point de vue d’une partie de la critique féministe radicale, matérialiste, ces propos sont au mieux purement et simplement ineptes. Il serait donc pour le moins appréciable que, sur les questions du genre, des sexes, et de la reproduction, les anti-industriels s’avèrent capables de cibler leur critique : c’est à dire qu’ils aient pris la peine de connaître un peu plus ce dont ils prétendent juger.

    Mais ça n’est pas le cas : le fait est que c’est très vraisemblablement du seul fait de la position masculine hétérosexiste qui est la leur, dont la critique leur paraît superflue, qu’ils peuvent se permettre de prendre à leur convenance cette partie tout de même très particulière du féminisme pour le tout. Le fait est aussi que cette curieuse facilité intellectuelle ne les empêche pas de dormir, et que quiconque ose le leur faire remarquer se heurte de leur part à un déni massif, accompagné des accusations de libéralisme et de progressisme technolâtres de rigueur.
    Et, par exemple, sur les nouvelles techniques reproductives, ils se fichent comme d’une guigne des réflexions critiques publiées dans des revues comme Les cahiers du genre, pour n’en citer qu’une… (par exemple : http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2003-1.htm ) Il me semble que l’on gagnerait pourtant beaucoup en intelligence de la situation dans laquelle nous nous trouvons si nous parvenions à articuler entre elles les critiques féministes du genre et les critiques anti-industrielles ! (et quelques autres…)
    Hélas, chez PMO, on sait déjà que le féminisme est irrémédiablement un progressisme technolâtre, et on s’exprime donc en conséquence.

    Mais, d’une manière plus large (qui excède ses rapports avec la critique féministe), il y a dans la forme de la critique anti-industrielle une forme d’arrogance méprisante qui me paraît liée à sa trop grande proximité avec un prophétisme catastrophique : il y a quinze ans déjà, il me semblait par exemple que la lutte contre les OGM gagnait à être formulée en fonction de ce qu’ils constituaient et disaient déjà du présent où ils étaient envisagés, conçus, produits, et non en fonction de l’avenir plus sombre qui résulterait de leur développement. Il me semblait qu’il ne fallait pas tomber dans l’erreur d’en parler en recourant à la peur d’un inconnu à venir, mais au contraire en insistant sur le fait qu’une critique et une lutte trouvaient amplement à se fonder dans le refus de ce que nous connaissions déjà trop bien : et, par exemple, de ce que nous connaissions déjà à propos du recours à des solutions scientistes ou technolâtres aux problèmes politiques, ou de ce qu’impliquait, et d’où provenait, le choix politique de poser en termes scientifiques et techniques les questions sociales.
    Comme le disait il y a 20 ans je crois Agustin Garcia Calvo (dans « Contre la paix, contre la démocratie » : http://www.theyliewedie.org/ressources/biblio/fr/Agustin_Garcia_Calvo_-_Contre_la_paix,_contre_la_democratie.html ), « le futur est une idée réactionnaire, » au nom de laquelle nous sommes toujours invités à renoncer au présent : et cela, y compris chez les amateurs de « critique radicale » .

    Un texte comme « La nef des fous » de Théodore Kaczinski paru en 2001 (https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=435 ) m’avait de ce point de vue semblé de très mauvais augure (même si j’étais loin alors de comprendre ce que recouvrait la notion de genre et de m’être intéressé avec conséquence à la critique féministe… il me faudra pour cela plusieurs années de lecture, de discussions et de réflexions) : l’auteur y met benoîtement en scène d’un point de vue des plus surplombant et universaliste, la nécessité selon lui de faire passer toutes les luttes particulières contre des inégalités qu’il se trouve ne pas avoir connu, au sein desquelles il se trouve privilégié, après la question qui selon lui les dépasse toutes : la catastrophe à venir (le bateau continue d’aller vers le nord au milieu des iceberg toujours plus nombreux, et il est voué à continuer ainsi jusqu’à l’inévitable collision). Il y a d’un côté « ce qui ne va vraiment pas » : ce que lui a identifié, en dehors de toute considération sur les inégalités sociales – et de l’autre les « petits problèmes mesquins » qu’il n’a pas à subir, pour lesquels il ne profère donc pas de « réclamations dérisoires Le mensonge résidant ici dans le fait que la lutte contre les inégalité de genre, race, classe etc. qui règnent à bord serait, d’après Kaczinski, irrémédiablement incompatible avec un infléchissement de sa trajectoire, ou un arrêt des machines, qu’il y ferait obstacle : stupidement, les infériorisé-e-s qu’il met en scène se fichent sur la margoulette, chacun-e égoïstement, très libéralement focalisé-e sur ses seuls griefs individuels, chacun-e très libéralement identifié-e aussi au caractère particulier qu’ellil se trouve incarner – tandis que, par la voix du mousse, l’universel, c’est à dire l’homme blanc hétérosexiste, lui, sait déjà ce qu’il convient de faire pour les sauver tous - mais du seul naufrage, qui arrivera plus tard. Après seulement – une fois tous rendus à sa raison, une fois que toutes et tous auront admis que leurs luttes étaient mesquines et dérisoires, gageons que le temps sera venu d’en perdre pour le mesquin et le dérisoire. Ou pas.
    Pour un milieu qui se prétend volontiers libertaire, le milieu anti-industriel qui a diffusé alors largement et sans critiquer le cœur de ce texte a eu un peu vite fait de se torcher avec la pensée de Bakounine, sur le fait que la liberté - et donc la fin de l’infériorisation - était une exigence, un besoin immédiat, qui ne saurait se différer : et donc que l’existence de systèmes de rapports de domination étaient pour celleux qui y étaient infériorisé-e-s une cause suffisante de révolte. A lire kaczinski, au nom de la collision à venir du navire de la fable contre l’iceberg, de la catastrophe industrielle qui résoudra définitivement tous les différents, il convient au mieux de renoncer à lutter contre les inégalités présentes, de les mettre de côté en attendant, plus tard, une fois la révo – pardon, une fois la catastrophe évitée, de voir ce qu’on pourrait y faire. En attendant, les dominé-e-s seraient bienvenus de cesser de jouer les égoïstes, vu que ça ne fait que les mener à contribuer au progrès, et de se mettre à penser un peu à l’intérêt supérieur de tout le monde, _c’est-à-dire, de fait, au seul intérêt que les dominants connaissent. Je me rappelle avoir entendu, en d’autre temps, des staliniens seriner un air semblable aux libertaires sur l’Etat, sans parler de tous les révolutionnaires, qui expliquent encore aux féministes que pour l’égalité entre hommes et femmes, il faut d’abord faire la révolution.
    Je tiens pour ma part pour l’exact contraire : et qu’il y aurait beaucoup à creuser, sur le rôle que les inégalités sociales comme le genre, lorsqu’on se refuse à chercher à les connaître et les penser avec conséquences, ou dans la mesure ou les dominants y sont prêts à tout ou presque pour empêcher qu’il y soit mis fin, sont amenées à jouer, comme moteur toujours renouvelé pour une quête permanente de solutions techniciennes et scientistes aux maux qu’elles génèrent.
    Mais pour cela, il faut que ceux, majoritairement hommes, blancs, hétérosexistes, et j’en passe et d’autres privilèges, qui produisent, promeuvent et diffusent la critique anti-industrielle admettent qu’ils sont quand même pleinement partie prenante au sein de rapports de domination qui structurent de part en part cette même société, que leur critique n’est pas indemne des positions relativement privilégiée qu’ils y occupent : et que les critiques des rapports de domination existant, formulées par celleux qui les subissent, font partie de la critique de cette société au même titre que la critique anti-industrielle.
    Qu’en conséquence de quoi, avant de prétendre disputer très virilement de « la reproduction artificielle de l’humain », ou de la « nature de la filiation » (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=427 ) , la première des choses à faire pour le mouvement anti-industriel est de cesser d’envisager la critique du genre avec une honnêteté intellectuelle jusqu’ici proche de celle de la manif pour tous.

    • @Aude V

      merci de ton encouragement.

      J’ai relu ce matin à tête reposée le début du 4ème chapitre, si joliment intitulé Les crimes de l’égalité (il fallait oser), de ce qui m’apparaît désormais beaucoup plus clairement de la part d’Alexis Escudero et de PMO comme une entreprise délibérée et très intéressée de falsification d’une partie au moins de la critique féministe radicale, de la critique féministe matérialiste.

      (A vrai dire, le début de travail de remise sur pied du propos de l’auteur occasionné par la rencontre et la confrontation avec votre approche critique de son oeuvre me la rendue du coup beaucoup plus lisible, et a conforté ce premier ressenti à son endroit qui me l’avait rendu inabordable : lorsqu’on cesse de chercher à réagir à des « maladresses d’alliés » face à ce qui est en fait une agression commise par quelqu’un qui traite une pensée que vous partagez et respectez avec hostilité et malhonnêteté, qui vous traite en ennemi, lorsque l’on se décide de nommer l’hostilité, lorsqu’on attend plus de son auteur autre chose que de l’hostilité, ses désarmantes « maladresses » deviennent de très éloquentes agressions, des attaques auxquelles il devient enfin possible de répondre...)

      Je n’y avais pas prêté attention à la première lecture, mais au début de ce chapitre, lorsqu’il se hasarde à préciser ce qu’il entend par égalité, Escudero cite bien Christine Delphy, et à propos du genre qui précède le sexe. On ne peut donc lui reprocher d’ignorer l’existence de cette critique. Seulement, il la cite en la falsifiant, en prétendant y lire le contraire de ce qu’elle dit, et se fait ensuite un devoir de la corriger à sa façon, et à son avantage. Une telle pratique n’est pas maladroite, mais malhonnête, et un tel texte constitue bien une forme d’agression anti-féministe caractérisée.

      Je prépare un billet plus complet à ce propos, parce que la prose d’Escudero est véritablement déroutante et demande d’être décortiquée, et parce que cette falsification me semble particulièrement significative, non seulement parce qu’elle porte sur un désaccord fondamental sur les questions de nature et d’égalité, mais encore pour ce qu’elle manifeste des « intersections » entre les oppressions - tant que des hommes ne reconnaissent pas la validité de la critique féministe du système de domination de genre, ils continuent de défendre leurs privilèges comme ce système le leur a appris. il me semble qu’il faudrait défendre face au discours arrogant et si masculin de PMO/Escudero qu’aucune « critique radicale » à prétention universelle ne peut être formulée à partir d’une seule et unique position infériorisée, aliénée ou dominée particulière (à croire que l’histoire du discours ouvriériste sur la mission historique du prolétariat et de la catastrophe stalinienne ne leur sont d’aucune utilité !). Et qu’au contraire, toute critique qui se veut radicale se doit de prendre la peine d’examiner en quoi la position depuis laquelle elle est formulée la conditionne, et la rend elle-même critiquable ; que les auteur-e-s de n’importe quelle critique qui se veulent radical-e-s n’ont d’autre choix que de questionner les quelques privilèges qui peuvent être les leurs, que de prendre au sérieux les critiques formulées à l’encontre de cette position, et des privilèges qui la caractérisent.

    • Attention toutefois que le fait de questionner nos propres privilèges (être précaire mais homme, être femme mais blanche, être racisé⋅e mais de classe moyenne, etc) ne fasse pas oublier nos propres points de vue et donc nos propres critiques de départ.

      Que par exemple, je dois prendre en compte le point de vue féministe (que je ne peux pas avoir moi), mais je n’oublie pas ma critique anti-industrielle de départ, et j’essaye de transiger le moins possible dessus (quand bien même on doit accepter de « céder du terrain » comme m’a dit @aude_v l’autre jour, afin d’aboutir à une voie qui convienne à plus de monde que tel ou tel groupe radical). Cela vaut aussi pour les autres groupes bien sûr. :)

    • @Aude V

      je n’ai pas eu l’occasion de lire les explications d’Escudero dans La Décroissance, mais je veux bien admettre qu’il ait pu y revenir sur ses propos, ou entendre quelques critiques : ça n’est pas la matière qui manque. Il aura eu l’embarras du choix !
      Mais il me semble que pour l’essentiel, le mal est fait : son livre est publié, et PMO continue de lui faire la même promotion résolument orientée, reprise telle quelle par plusieurs sites anti-indus ou de critique « radicale ». Aucun des référencements que j’ai pu en lire sur le net ne fait mention du moindre trouble vis-à-vis de son contenu comme de sa présentation - si ce n’est ceux de rares blogueuses féministes comme toi.

      Il me semble qu’une vraie remise en question de sa part appellerait pour le moins un désaveu cinglant (que je n’ai lu nulle part à ce jour) des présentations de PMO (Pour ma part, à chaque fois qu’il m’est arrivé de publier quelque chose - j’ai eu quelques brochures et revues photocopiées à mon actif, sans parler de textes mis en circulation sur le net - je me suis efforcé autant que je le pouvais de ne laisser personne dire n’importe quoi dessus, et se permettre d’en faire sur mon dos une présentation fallacieuse, même dithyrambique. Il me semble que c’est là la moindre des choses lorsqu’on prend le risque de dire quelque chose publiquement, et de le faire par écrit.).
      Et surtout, et plus encore, de conséquents amendements à son texte - à même de le rendre méconnaissable.

      Je ne dis pas que ce serait facile, je m’efforce seulement de tirer le minimum de conséquences qu’un tel mea culpa impliquerait. (Et si les critiques qu’il reçoit de vive voix devaient l’y inciter, tant mieux : mais je ne suis pas optimiste).

      A la lecture, Escudero ne me paraît hélas guère trahi ou falsifié par les viriles rodomontades des chapeaux de PMO.
      Il ne manquait pas d’occasions d’écrire tout autre chose que ce qu’il a écrit, de donner par exemple de la place aux rapports de domination de genre, et à la manière dont ils se manifestent et s’inscrivent dans la technolâtrie dominante, à la manière dont le libéralisme, la technolâtrie, le patriarcat et le racisme se renforcent, s’appuient les uns sur les autres pour se perpétrer : il est tellement plus facile pour un homme anti-industriel de tomber, en accord avec le reste du patriarcat, sur le râble des inconséquentes féministes et des inconscient-e-s LGBT que de s’interroger sur sa propre position dans les rapports de domination de genre... - mais cette attitude de par sa facilité me paraît garantir à la critique anti-indus’ de piétiner au mieux dans une impasse, ou de se retrouver très vite égarée en très mauvaise compagnie ; qui plus est, nécessiter un très handicapant renoncement à critiquer l’idée religieuse de Nature.

      Je trouve que sa critique de la reproduction, sous une étourdissante profusion de références et de citations de ce que la technolâtrie produit de pire, manque de fait singulièrement de fond conceptuel. Cette abondance de documentation peine à dissimuler ce qui me paraît être une confusion certaine : il n’était pas nécessaire d’aller chercher autant de références pour produire un résultat aussi calamiteux.

      Pour ce que je suis arrivé à m’infliger (ce fameux chapitre 4, pour l’essentiel), à chaque fois qu’Escudero y a le choix entre citer une auteure peu crédible, un homme encore moins sur pareil sujet, ou plutôt, de se plonger dans les critiques élaborées par quelques auteures féministes radicales, il commet la même malencontreuse bourde - et présente les propos de l’une ou l’autre des deux premiers comme la substance des thèses des troisièmes. Une fois ou deux, à la rigueur... Effectivement, les maladresses existent, mais dans pareil texte au ton pamphlétaire, ça ne fait pas sérieux, au mieux cela décrédibilise la charge de l’auteur.
      Et chez lui, c’est quasi systématique !

      Mon projet de billet avance bien.

    • Le problème c’est que parfois c’est le cas… et parfois pas. :(
      Donc pas forcément aussi simple que ça de dire « tous les oppresseurs dans le même camps ».

      On sait très bien qu’il y a aussi de nombreux cas où le libéralisme se sert de l’anti-patriarcat pour avancer sur la marchandisation du monde, ou ceux où le patriarcat se sert de l’anti-libéralisme (parfois très justifié) de certaines catégories sociales pour revenir sur des avancées des droits des femmes, etc.

      Pas toujours facile de formuler des opinions complexes quand on veut reste concis et de pas développer toutes les exceptions et cas possibles.

    • @Rastapopoulos
      @Aude

      Ok, il est risqué de vouloir synthétiser quelque chose d’aussi complexe que la façon dont les rapports de domination et les aliénations diverses et avariées, et les critiques et luttes se croisent, se mêlent et tutti quanti.

      Plus précisément, @Rastapopoulos, mon propos n’était pas de prétendre que "tous les oppresseurs sont dans le même camp" (je crois que vous l’aviez très bien saisi - et en même temps que vous avez probablement raison, cela va sans doute mieux en le disant), mais plutôt de faire remarquer que face aux critiques et aux luttes les plus vigoureuses, radicales et estimables, l’oppression a une fichue tendance à réussir à retomber sur ses pattes [astérisque] (quitte à devoir en sacrifier une), et à prendre de court pas mal de gen-te-s, voire à faire d’elleux ses agent-e-s en trouvant à se rééquilibrer autrement à son avantage - du point de vue des êtres humains et de la vie en général, peu importe que l’oppression doive s’appuyer plus sur le patriarcat, le racisme, le nationalisme, le marché, la démocratie ou la fuite en avant technicienne ou autre chose.

      [astérisque] [Oups. Me voilà à nouveau pris en flagrant délit de synthèse à l’emporte-pièce et de personnalisation métaphorique pas forcément des plus parlantes pour tout le monde... (à me relire, je me demande si l’oppression n’aurait pas des pattes velues) ]

      Je pense par exemple à la manière dont, à la faveur d’une "libération sexuelle" obtenue dans un contexte patriarcal et marchand, il me semble que l’on peut dire que l’hédonisme pornographique et la communication ont très bien su prendre le relais de l’église et de la famille, pour ce qui est de continuer, en dépit du recul de celles-ci, à maintenir intact - quoique sur des bases en apparence radicalement opposées -, l’essentiel de la hiérarchie de genre.
      Ah oui, les images ont changé et défrisent certes désormais les plus vieux ou archaïques des patriarches, mais l’ordre reste le même : et les hommes en bénéficient toujours.

      Je pense aussi à la façon dont les techniques de PMA et les prétentions à artificialiser le vivant me semblent constituer pleinement une réponse de la part de l’ordre social patriarcal/libéral/technicien/colonial... (liste non exhaustive !) à une part au moins de la critique du genre : à la critique de la conception genrée de la procréation
      Cette conception qui prétend relier naturellement (et donc définitivement) sexe, couple, procréation et filiation, fonder en nature sur cette base la place plus ou moins étroite socialement réservée aux uns et aux unes, cette conception qui de fait ne patauge jamais aussi sûrement dans le social et la production humaine que quand elle brandit la Nature
      Pour rentrer un peu dans le sujet, je renvoie à la lecture d’articles sur l’histoire de la PMA et de la fabrication du naturel, comme ceux d’Ilana Löwy par exemple, qui me semblent exposer combien les hiérarchies de genre se perpétuent avec le progrès technique :
      « Nouvelles techniques reproductives, nouvelle production du genre » http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-5.htm

      « La fabrication du naturel : l’assistance médicale à la procréation dans une perspective comparée »
      http://www.cairn.info/revue-tumultes-2006-1-page-35.htm
      Il faut que l’aveuglement masculiniste de PMO/Escudero soit considérable pour que pareils titres et pareils sujets ne les aient jamais intéressés - « L’invention du naturel » est d’ailleurs le titre d’un livre paru en 2000, sous la direction de Delphine Gardey et Ilana Löwy, qui propose de très stimulantes réflexions sur « les sciences et la fabrication du féminin et du masculin » : mais il est vrai que pour les hommes de Pièces et Main d’Oeuvre qui produisent une critique exclusivement anti-industrielle, le féminin et le masculin ne sauraient être fabriqués ni produits, puisqu’ils sont évidemment, c’est le bon sens même, naturels… A consulter leurs notes de bas de page, à une critique féministe radicale de la procréation et de la manière dont se fabrique le sexe à partir du genre, ou la notion de Nature... ils préfèrent de loin accorder toute leur attention à ce qu’écrivent de plus ou moins virils technolâtres, et de plus ou moins technolâtres auteurs masculins - comme Testard ou Habermas, - ou à des femmes au propos, sinon essentialiste et confusionniste au point de celui d’une Peggy Sastre, pour le moins très éloigné de la critique féministe radicale. ).

      Il me paraît pourtant assez peu crédible de prétendre chercher à formuler une pensée critique radicale sur les enjeux que recouvre aujourd’hui la question de la procréation sans donner aux considérations féministes sur le genre (ainsi qu’à quelques autres) une place conséquente : en aucun cas on ne saurait les tenir pour négligeables devant, par exemple, les seuls et uniques méfaits stérilisants de l’artificialisation technicienne.
      C’est bien pour cela qu’il me semble important de mener une critique des positions rigides et étroites telles que celles des PMO/Escudero : tout en se prétendant radicalement émancipatrices avec de grands effets de manches, elles sont déjà, de par leur caractère lourdement monolithique et résolument hostile à tout point de vue qui ne se puisse inféoder au leur, pleinement au service du maintien d’oppressions dont leurs auteurs, en tant qu’hommes, se trouvent justement être les bénéficiaires.

      A quel moment passe-ton d’allié gentil mais vachement maladroit et ignorant mais allié quand même, même si c’est rudement pénible de devoir supporter autant de maladresse et d’ignorance crasse - à ennemi déclaré, même s’il s’entête à prétendre le contraire, ou à prétendre qu’en fait c’est pas lui : lui veut être notre allié, et nous explique comment nous devons faire, à quelle critique radicale nous devons renoncer pour qu’il puisse l’être, parce que pour l’instant, au contraire, c’est nous, l’ennemi ?
      C’est pour moi une question qui ne se pose plus à leur sujet.

      En ce début de XXIème siècle, la promotion d’une PMA des plus technolâtre, libérale et toujours genrée, (bien que tôt ou tard vraisemblablement ouverte aux couples de même sexe), me semble tout de même déjà constituer, pour le système de rapports de domination de genre et sa hiérarchie, une réponse rudement plus efficace et prometteuse aux menaces que représente pour lui la critique et la lutte féministe une réponse qui doit être pensée comme telle si l’on entend s’en prendre avec un minimum de conséquence au genre comme à la technolâtrie. (cela demande aussi de se montrer capable de comprendre pourquoi se contenter d’être vachement et virilement "plus-radical-que-moi-Le-Meur" sur un seul sujet et donc se faire un devoir de traiter en chienne enragée toute critique qui ne soit pas au moins aussi étroitement focalisée sur ce même sujet revient alors, du point de vue des dominé-e-s, à faire pire que n’avoir rien critiqué - et a mettre au service de l’ordre existant les armes critiques que l’on a forgé, à son bénéfice, contre les autres critiques et luttes qui pourraient l’affaiblir ou menacer sa perpétuation)
      Une réponse assurément plus efficace et prometteuse que celle, par exemple, très spectaculaire, du ridicule barnum folklorique de la manif pour tous, qui a le gros défaut, face à la critique des rapports de genre, de s’exprimer sur le sujet non pas comme on l’aurait fait effectivement il y a un ou deux ou huit ou dix siècles, mais de façon caricaturale, comme ses animateurs s’imaginent niaisement aujourd’hui, depuis leur conception actuelle de ce passé, qu’on devait nécessairement le faire toujours et partout avant le recul de l’église. (et sur ce tout dernier point, je renvoie par exemple les curieux qui ne l’auraient jamais lue aux écrits d’une historienne féministe comme Michèle Perrot – mais c’est loin d’être la seule)

    • Je pense par exemple à la manière dont, à la faveur d’une « libération sexuelle » obtenue dans un contexte patriarcal et marchand, il me semble que l’on peut dire que l’hédonisme pornographique et la communication ont très bien su prendre le relais de l’église et de la famille, pour ce qui est de continuer, en dépit du recul de celles-ci, à maintenir intact - quoique sur des bases en apparence radicalement opposées -, l’essentiel de la hiérarchie de genre.

      Oui je pensais, entre autre, à ce genre de choses.

      A quel moment passe-ton d’allié gentil mais vachement maladroit et ignorant mais allié quand même, même si c’est rudement pénible de devoir supporter autant de maladresse et d’ignorance crasse - à ennemi déclaré, même s’il s’entête à prétendre le contraire, ou à prétendre qu’en fait c’est pas lui : lui veut être notre allié, et nous explique comment nous devons faire, à quelle critique radicale nous devons renoncer pour qu’il puisse l’être, parce que pour l’instant, au contraire, c’est nous, l’ennemi ?
      C’est pour moi une question qui ne se pose plus à leur sujet.

      Tout dépend de qui on parle… et si on connaît personnellement les gens en face à face, IRL comme on dit sur le net… et depuis combien de temps on les connaît, etc.

      Ce n’est pas toujours qu’une question purement théorique. L’amitié ne se joue pas que sur les idées politiques, même si c’est un des points qui entre en ligne de compte.

      Et sinon une citation de la première revue :

      Les nouvelles techniques reproductives, utilisées au niveau local et international, auraient donc à leur tour des impacts de genre, mais aussi en fonction de la classe ou de l’origine, particulièrement complexes : elles protègent les femmes et les couples des stigmates de l’infertilité, créent de nouvelles parentalités indépendantes de l’hétéroparentalité normative tout en reconduisant des inégalités préexistantes et comportant d’importants risques d’exploitation.

    • @Aude

      Tant mieux si l’auteur entreprend sous la pression de la critique de revoir quelques unes de ses positions.

      Mais son livre n’en demeure pas moins non seulement une critique ratée, parce qu’outrageusement partielle et aveugle sur ses propres manques, de la reproduction médicalement assistée (ce qui en soit, serait dommage, mais sans conséquences trop néfastes), et surtout une attaque confusionniste réussie contre la critique radicale, et pas seulement féministe (ce qui est nettement plus gênant).

      Entre le naturalisme confus des arguments et l’étroite masculinité du point de vue, mon écoeurement balance.

      Pour ce qui est de la pensée de Delphy, et du répugnant procédé auquel il a eu recours pour la dénigrer, l’auteur a une importante remise en question à faire.
      Faire le choix de falsifier une pensée (dont le propos est assurément incompatible avec celui de « La reproduction artificielle de l’humain » : mais pour des raisons dont Escudero, dans le cadre de son pamphlet, ne peut que nier l’existence - ne serait ce que ce que sa critique du genre implique quant au naturalisme), ponctuer la calomnie par l’insulte en l’associant à un vieux machin aussi répulsif que Mao c’est là une démonstration d’hostilité qu’il lui faut assumer.
      Le pamphlet et son style casseur d’assiette (La démolition jubilatoire, qui peut se teinter de mauvaise foi, dans ce registre, est le traitement habituellement réservé aux ennemis) n’excusent pas tout.
      Pour le coup, cela dépasse la seule question du rapport à la critique féministe.

      Si une dénonciation de la manière dont la politique politicienne a posé le débat en termes de pour ou contre les droits des homosexuels était parfaitement justifiée, je pense qu’il est plus urgent de défendre la critique féministe radicale et la critique du naturalisme comme possible fondement d’une critique radicale de la société technicienne et de sa technolâtrie, que de se précipiter dans une spectacliste critique de la PMA.

    • @Aude V

      Je te prie de m’en excuser, j’avais manqué ta réponse, ainsi que ton edit. Je ne les découvre qu’à l’instant.

      Il y a quelque chose que je peine à saisir dans ta position vis à vis d’Escudero et de son bouquin. Je ne parviens pas à savoir de quoi il retourne.

      Je crois que pour Escudero, j’en suis encore à prendre conscience de la position dans laquelle il se trouve. Pour que j’aille à sa rencontre en sachant vers quoi j’irais, il faudrait que j’ai d’abord fini d’estimer la distance qui nous sépare.

      Je crois que je juge de loin plus important de défendre les critiques qu’il a falsifié ou ignoré que le contenu d’une enquête dont la complaisante prétention à la radicale originalité tient tout de même beaucoup trop, à mon avis, à tout ce que son auteur falsifie, ignore ou passe sous silence : plus encore qu’à ce qu’il prétend révéler.

      Peut-être que quelque chose m’échappe ?
      Et peut-être bien que je jargonne, en effet ?

      Je n’en sais rien.

      Je n’ai pas écouté l’émission en question.

      Mais c’est de t’avoir lue que je dois d’être parvenu à enfin recommencer à écrire à propos de la critique anti-industrielle.

  • Quelques mots de Christine Delphy sur la procréation, l’adoption et la filiation.

    Est-ce que cette prégnance de l’essentialisme, y compris dans le mouvement féministe, n’explique pas en partie l’importance dans la société française d’aujourd’hui du statut et du rôle de « mère » ?

    Le refus de la procréation et de la maternité était, en effet, très présent dans le mouvement des femmes des années 1970 – non seulement de la maternité, une fois que l’enfant est né, comme division sexuelle du travail mais aussi de l’idéologie de la « mère ». Et puis il y a eu un retour de bâton dans les années 1980. À mon sens, cependant, l’essentialisme n’est pas seulement et exclusivement fondé sur la maternité. Repartons du départ : il y a un système de genre que la plupart des gens ne perçoivent pas en tant que tel – ils le perçoivent comme « division » et « hiérarchie naturelle » entre les sexes. Donc, prouver que tout ça est socialement construit est très difficile.

    Le féminisme et les études féministes ont mis en lumière, de plus en plus, ce qui est « construction sociale » – dans la perception différente des sexes, dans la différenciation des rôles, dans la division sexuelle du travail – et son lien avec la hiérarchie. Il y a donc une avancée évidente de l’idée que beaucoup de choses sont socialement construites, mais la majorité des féministes trouve difficile d’accepter l’idée que le genre construit le sexe. Chez certaines féministes – qui acceptent pourtant la construction sociale des sexes – il y a l’idée que quand même on ne tient pas assez compte, dans certaines situations, du biologique et de la « différence » des sexes. Une de ces « situations » est précisément la reproduction puisque, à l’évidence, ce sont les femmes qui portent les enfants et pas les hommes. Cette idée, véhiculée par l’idéologie commune, a toujours été présente dans la pensée féministe, y compris dans les années 1970 avec Antoinette Fouque et Psychépo. Aujourd’hui l’argument triomphe grâce aux succès de livres comme ceux de Françoise Héritier qui disent la même chose sous des formes pseudo-scientifiques (Héritier 1996), qui hypostasient les différences biologiques en prétendant que, dans l’humanité « première », ce qui séparait les sexes, à l’exclusion de tout autre chose, c’est que les femmes « mettaient bas ». Ce qui est plus grave encore, c’est que des femmes comme Françoise Héritier prétendent que sans l’existence et la reconnaissance de cette « distinction » première, l’humanité n’aurait pas été capable de penser ! Or, pour ridicule qu’il soit, cet argument est très difficile à dépasser aujourd’hui. Autant les gens vont admettre que c’est bien une « construction sociale » qui empêche les femmes de grimper aux arbres ou de ne pas être président de la république, autant ils ont des difficultés à ne pas voir comme une « évidence naturelle » la différence des rôles procréatifs.

    Même quand la technique permet de dépasser le caractère « biologique » de la procréation à l’image de la PMA ?

    En effet, cela montre – et il n’est pas étonnant que la France ait été un des premiers pays à mettre en place un comité dit de « bioéthique » – que l’on était très inquiet, dans ce pays, à l’idée que le « naturel » pouvait être mis en danger. Le résultat de toutes les lois inspirées par ce comité de bioéthique consiste donc à faire en sorte que tout ce qui pouvait apparaître comme « non naturel » soit éradiqué – ce qui est une absurdité parce que par définition quelque chose qui peut exister est forcément naturel. C’est une tautologie de dire ça. La nature ne peut pas être conçue de manière « positive ». La nature, ce n’est qu’une série de limites. Or, les limites, elles changent constamment sous l’effet de l’action humaine. Se baser sur l’idée d’une reproduction « classique » – qui serait le produit d’une copulation entre une femme et un homme – et sur une vision très occidentale de la filiation, qui serait induite exclusivement par un acte hétérosexuel, est quand même problématique. Notre vision de la nature de la filiation est d’ailleurs le produit d’une considérable transformation du droit romain qui était, en ce domaine, beaucoup plus clair. Depuis les lumières, notre monde n’a cessé d’être « naturalisé ». Ce phénomène est peut-être du, en partie, à la déchristianisation de notre société mais, quoi qu’il en soit, la « nature » a pris une place de plus en plus importante. Dans l’évolution de nos lois, en dehors même de ces questions récentes de PMA (procréation médicalement assistée) et de techniques médicales, on voit bien que l’on essaie de calquer la filiation sur le biologique. Or, c’est absurde parce que la biologie ne connaît pas de filiation. La filiation, c’est un phénomène social. La filiation, ça implique des obligations sociales réciproques. La biologie, elle, ne connaît pas ça. Elle peut nous dire si une cellule en a engendré une autre, mais elle ne peut pas nous dire si la cellule A, par exemple, a des devoirs moraux vis-à-vis de la cellule B. Elle ne peut pas nous dire si la cellule A doit élever la cellule B ; lui changer ses couches, l’envoyer à l’école… Elle ne nous dit pas non plus que la cellule B doit assistance à la cellule A quand cette dernière vieillit. La filiation, bien loin du biologique, est un ensemble de règles évidemment mises en place par la société.

    Ce que nous dit la biologie, dans ce cadre, n’est-ce pas que la filiation doit être hétérosexuelle à l’exclusion de toute autre chose et notamment, par exemple, de l’adoption ?

    Cette question est, en effet, liée à la biologisation — depuis une trentaine d’années – de la filiation. Dans le droit romain, l’adoption était courante et codifiée. On a eu longtemps cette règle, qui a changé avec la reconnaissance des enfants adultérins, que le mari d’une femme devait reconnaître tous les enfants procréés, dans le cadre d’un mariage légitime, par elle. C’était donc le caractère social de la filiation qui primait alors dans le droit. C’est vrai que les Romains ne connaissaient pas de couples homosexuels qui voulaient avoir des enfants – encore que, peut-être… – mais la filiation était alors si clairement sociale qu’on pourrait très bien l’imaginer. Si nous étions restés fidèles aux principes du droit romain, il y aurait, aujourd’hui, une plus grande évidence de la nature sociale de la filiation. Or à l’inverse, nous sommes dans un processus de « naturalisation » d’un droit positif que nous camouflons derrière l’idée d’une « imitation » ou d’un « respect » de la nature. On cherche de plus en plus à se rapprocher d’une nature qui, en réalité, ne nous fournit pas de réponses. Comment la nature – ou la biologie – pourrait-elle d’ailleurs nous donner des réponses sur nos institutions humaines ? La nature est devenue un point de repère : est censée être un point de repère, mais comme la biologie ne nous dit pas que la reproduction doit forcément être hétérosexuelle, puisque la biologie ne dit rien, ce point de repère en cache un autre. On fait avec la biologie comme avec Dieu. On injecte dans l’idée de divinité une morale et des obligations qui lient, les uns vis-à-vis des autres, les membres de la société. Cette « morale » et ces « obligations » sont des phénomènes séculiers que l’on prétend être l’œuvre d’un Dieu transcendant. C’est la même chose, aujourd’hui, pour la biologie. L’obligation de l’hétérosexualité : on nous dit qu’elle dépendrait de la biologie. C’est absurde. Même si la procréation demande en effet la réunion de deux cellules – l’une qui vient d’un corps défini, dans notre société, comme « femme » et l’autre d’un corps défini comme « homme » – ce n’est pas la biologie qui trace la frontière des droits et des devoirs entre chaque sexe. L’hétérosexualité n’est pas la réunion de deux cellules. C’est la réunion de deux êtres qui sont des créations sociales. La réunion des cellules nécessaires à la procréation n’entraîne pas l’hétérosexualité, elle n’entraîne rien d’ailleurs, au-delà d’elle-même. Derrière le masque de la biologie c’est la société qui s’exprime, en ventriloque.

    Pourquoi, dès lors, l’instrumentalisation du biologique devient-il, dans notre société, un enjeu si fondamental ?

    Justement parce que nous n’avons plus de Dieu. Nous l’avons remplacé, depuis l’époque des Lumières, par la science. Maintenant, c’est la « science » qui nous explique comment nous devons vivre, quelles règles nous devons suivre – c’est du moins ce que l’on prétend. Or, encore une fois, c’est impossible. Comment la science – et tout particulièrement les sciences physiques – pourrait-elle nous dire quelque chose de pertinent sur nos arrangements humains ? La science ne transforme pas nos rapports sociaux. Il ne faut donc pas se leurrer sur la capacité de la science à modifier notre environnement social et notre système de genre. Même lorsqu’on change de sexe, on le voit bien, il s’agit de passer d’un genre à un autre. On ne peut évidemment pas dire ça aux gens qui se font opérer parce que pour eux, on le comprend bien, c’est essentiel. Mais, si on avait une conscience claire que ce qui est social ne doit rien à la nature, on sauterait complètement ce stade-là et on changerait de genre sans passer par une transformation du sexe. On retrouve le même problème en ce qui concerne l’adoption. Dans le Pacifique, chez les Polynésiens par exemple, le don d’enfant est très couramment pratiqué. Là, on n’a pas besoin de PMA puisqu’il suffit de demander ou d’accepter un « don ». Pourquoi, en effet, un enfant procréé appartiendrait-il forcément à sa génitrice « naturelle » ou à son géniteur « naturel » ? D’une certaine manière, la PMA n’a pas posé au droit plus de problèmes que l’adoption. Le droit savait déjà résoudre la question. Et c’est bien là le problème. Dans le droit romain comme dans certains droits coutumiers, à l’image de l’exemple polynésien, l’adoption était chose courante. Le caractère social de ce que l’on appelle aujourd’hui la parentalité était donc totalement reconnu. Alors qu’aujourd’hui en France, c’est l’idéologie inverse qui s’est imposée. On voit très bien les difficultés que rencontrent les candidats à l’adoption. Adopter un enfant en France, aujourd’hui, c’est un véritable parcours du combattant. Au point que les parents adoptifs ont l’obligation de dire aux enfants qu’ils ont été adoptés et qu’ils ont des « vrais » parents quelque part. Qu’est-ce que c’est que cette idée de « vrais » parents ? À quoi ça sert de savoir qu’on a une mère biologique ? Je me suis opposée avec vigueur à la modification de la loi – qui se trouve malheureusement dans la Convention des droits de l’enfant – d’accouchement sous X. En France, sur 700 enfants concernés par cette disposition, – qui sont pour moi des adolescents qui auraient eu, quel que soit le type de famille dans lequel ils auraient évolué, des difficultés – 10 % ont des problèmes avec leur origine. C’est un problème classique de l’adolescence de se fantasmer d’autres parents. Seulement ceux-là, ils ont soi disant une base réelle à leur fantasme parce qu’ils ont été adoptés. Ils recherchent donc leur « mère biologique ». Or, si leur mère biologique a accouché sous X, c’est qu’elle avait ses raisons. Maintenant, ces enfants voudraient que le secret de ces femmes – qui est une des rares avancées du droit français – soit divulgué pour qu’ils puissent aller les traquer n’importe où. C’est une absurdité. D’ailleurs, le peu d’enfants qui ont retrouvé leur « mère biologique » ont été horriblement déçus. Il est évident, en effet, qu’expulser un fœtus de son corps ne fait pas d’une femme une « mère ». Pour faire bien, certaines de ces femmes disent alors qu’elles ont des regrets. C’est peut-être vrai ou peut-être faux. Le problème, c’est qu’on sentimentalise, de façon excessive, des processus physiologiques. Cette tendance, qui a commencé au 18e siècle, n’a cessé de croître depuis. Or, selon moi, les nouvelles techniques médicales n’ont pas amené de situations inédites. Et d’ailleurs, parler de « nouvelles techniques » pour dénommer la petite canule qui sert à mettre du sperme dans le vagin d’une femme, c’est un peu prétentieux. Les lesbiennes américaines, qui sont moins légalistes que nous, ne s’emmerdent pas à aller chercher leur procréateur dans une banque de sperme. Elles emploient la technique dite du « turkey baster » – ustensile très courant, une espèce de grosse seringue, qui permet de récupérer la sauce de la dinde. Le problème tient donc plutôt, selon moi, à la question de la naturalisation de notre droit vis-à-vis, notamment, de l’adoption. Entre des sociétés qui comme la nôtre l’admettent avec difficulté, des sociétés, comme en Polynésie, qui la pratiquent très facilement et de manière presque informelle et des sociétés, par exemple musulmanes, qui la refusent totalement – le panel est large. Or, dans toutes ces sociétés, les enfants sont produits par les mêmes mécanismes. Ces sociétés ont pourtant, par rapport à la filiation, des attitudes radicalement différentes. Certaines croient que l’adoption est une véritable filiation. D’autres, comme la nôtre, pensent que c’est une filiation « fictive », de plus en plus délégitimée. Sans parler des sociétés où l’adoption est purement et simplement interdite. On le voit, l’idée que l’on se fait, en ce domaine, de la « nature », est très variable selon les lieux et les contextes. Les sociétés ont souvent beaucoup de mal à accepter et à reconnaître que les règles viennent d’elles-mêmes. C’est pourquoi, elles les font venir d’un « extérieur », d’un principe transcendant qui pouvait être Dieu par le passé – ce qui est encore le cas dans de nombreuses sociétés – et qui aujourd’hui, chez nous, est la biologie hypostasiée.

    Parité, procréation, prostitution, foulard, entretien avec Christelle Taraud [1] | Le blog de Christine Delphy
    http://delphysyllepse.wordpress.com/2013/05/08/parite-procreation-prostitution-foulard-entretien-avec-chr

    #procréation #filiation #adoption #Christine-Delphy #femmes #famille #genre #mère #féminisme #essentialisme
    cc @aude_v @pacoo :)

  • Passionnante interview de Jacques Testard, biologiste à l’origine du premier bébé-éprouvette.

    « Le discours que vous tenez finalement, c’est un discours d’écologie appliquée à l’humanité ?

    Oui. Ce que je dis, c’est qu’on s’enferme dans un système où les gens deviennent incapables de gérer leur vie sexuelle, affective. Mais c’est vrai dans plein d’autres domaines où on est dépendant – on ne sait plus recoudre un bouton. Alors, on jette, où on va voir un spécialiste qui sait faire.

    Mais tout ça, c’est le contraire de l’autonomie et c’est le contraire aussi de la frugalité dont on va avoir besoin si on veut survivre à une situation de pénurie qui arrive à grand pas. Parce que la croissance, on ne la voit pas bien arriver et tant mieux pour la planète !

    J’essaye de proposer un traitement politique de la fertilité, en appelant à la décroissance, à l’autonomie, à la convivialité plutôt que courir à l’hôpital quand ce n’est pas indispensable. Aujourd’hui, les homosexuels veulent avoir des enfants comme des hétérosexuels, les femmes âgées veulent en avoir comme les hommes âgés. C’est quand même inquiétant et appauvrissant ce refus des différences qu’on retrouve partout !

    Et tout ça nécessite des artifices qui nous font perdre de l’autonomie. Pour l’insémination artificielle par exemple, les gens pourraient se débrouiller tout seuls.

    Concrètement, si je suis homosexuelle et que je veux un enfant, vous voudriez que j’aille voir un ami ?

    Mais oui évidemment. D’abord il faudrait lever le tabou. Ça pourrait se dire dans une chanson au milieu d’un groupe, d’une soirée. Ce n’est pas un drame. Je pense que si on le prenait différemment on trouverait parmi ses proches des gens d’accord. Pourquoi on n’obtiendrait pas du sperme de ces gens-là ? A la clé, on pourrait sortir de cet anonymat terrible et inscrire ce donneur de sperme (ou cette mère porteuse) sur l’état civil de l’enfant. Tout cela pourrait être vécu de façon très simple et pas dramatique comme aujourd’hui. On pourrait reconnaître que c’est un enfant qui est né de la convivialité avec telles personnes.

    Si on ne trouve pas de complices (donneur de sperme, mère porteuse), c’est que la société n’est pas prête : il s’agit d’une régulation sociale plutôt qu’experte de la bioéthique. On va dire que je rêve évidemment mais je décris une situation idéale. Pourtant, on va à l’inverse de la convivialité à un moment où elle va devenir nécessaire pour vivre sans douleur la décroissance économique. »

    http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/09/mauvais-sperme-sterilite-fiv-les-reponses-questions-jacques-testart

    #PMA #fécondité #FIV #Jacques_Testard #procréation #famille

  • Don de sperme : l’Autriche rejoint l’Europe progressiste
    http://fr.myeurop.info/2014/01/21/don-de-sperme-l-autriche-rejoint-l-europe-progressiste-12962

    Tristan de Bourbon Nour Alahiane Daniel Vigneron

    L’Autriche vient d’ouvrir la voie à la #procréation_médicalement_assistée (PMA) pour les couples de femmes. Un droit qui reste peu répandu en #Europe.

    C’est une première en #Autriche : lire la suite

    #REVUE_DU_WEB #Allemagne #Belgique #Espagne #France #Royaume-Uni #adoption #AUTRICHE #gay #lesbiennes #mariage #PMA

  • Mariage homosexuel : « Fonder la filiation sur l’engagement parental plutôt que sur la nature »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/05/fonder-la-filiation-sur-l-engagement-parental-plutot-que-sur-la-nature_18273

    Sylviane Agacinski, comme les manifestants du 13 janvier, a semble-t-il du mal à admettre que le lien de filiation n’est pas synonyme de lien biologique. Des parents peuvent être liés biologiquement à leurs enfants et ils peuvent tout aussi bien ne pas l’être. Mais tant que le droit encouragera la confusion entre filiation et procréation, entre parent et géniteur, il sera difficile à certains d’admettre qu’un enfant puisse avoir deux parents de même sexe.

    Une filiation homoparentale ferait sauter ces montages de notre culture procréative car les parents de même sexe ne cherchent pas à passer pour les géniteurs de leurs enfants. Cette culture procréative est héritée des principes naturalistes du droit canonique pour lequel sexualité, conjugalité et procréation devraient coïncider. Le Vatican interdit en effet la procréation en dehors des rapports sexuels (Donum Vitae, 1997 ; Charte des personnels de la santé, 1995). Notre droit devra s’affranchir de ce modèle naturaliste pour tenir compte de l’évolution des configurations familiales et des progrès scientifiques en matière de procréation assistée. Fonder la filiation sur l’engagement parental plutôt que sur la nature, permettrait de protéger tous les enfants, quel que soit leur environnement familial. L’ordre fondé sur la nature serait remplacé par un autre ordre : celui de la responsabilité et de l’engagement.

    #mariage #homosexualité #PMA #filiation #procréation

  • #Santé : La #procréation #humaine #malade de la #technologie

    http://www.argotheme.com/organecyberpresse/spip.php?article1593

    #Wifi , #Téléphones et autres #appareils #numériques dangereux pour les futurs #parents

    Un #rapport consacré à quelques 2000 #études #scientifiques vient de révéler que la technologie sans-fil est dangereuse pour le #système de #reproduction humain. Les futurs parents sont exposés aux #ondes de genre Wifi, ou zone de champs magnétique, qui nuisent à la formation des #enfants . Et ce quand la #femme (enceinte) les porte en état de #fœtus , tandis que les pères perdent la #fiabilité de leurs semences, les spermatozoïdes.

  • La #paternité_tardive favorise #autisme et #schizophrénie
    http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/08/23/la-paternite-tardive-favorise-autisme-et-schizophrenie_1750838_3244.html#xto

    Troubles autistiques, schizophrénie, malformations congénitales, les hommes âgés peuvent faire courir de sérieux risques à leur descendance. Selon une étude publiée mercredi 22 août dans la revue scientifique britannique Nature (en anglais), plus les hommes sont âgés au moment de la #procréation, plus le génome qu’ils transmettent à leurs enfants comporte de mutations spontanées, dont certaines passent pour être impliquées dans les troubles autistiques et la schizophrénie.

    #hommes