• Nos frères (et sœurs) les musulman·es et nos ami·es de LO
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    Pour qui aurait pu encore en douter, un danger imminent guette la France : non pas la crise, les licenciements, ni les guerres, mais l’islam. Et derrière, bien entendu, arrive le voile. Énième faux-débat, nauséabond et criminel. Une occasion, néanmoins, de débattre, à nouveau, de ce que les communistes révolutionnaires devraient faire face à cette nouvelle opération islamophobe.

    « Frères musulmans et islamisme politique en France » : Macron et Rétailleau ont désigné l’ennemi public numéro 1, à grands renfort de « Conseils de défense et de sécurité nationale ». Dans une France où, pour le dire avec Sartre, « l’Algérie est une névrose », l’islam et les musulmans sont une obsession. Et les musulmanes le sont d’autant plus qu’elles sont, semblent ou apparaissent voilées. Cette névrose anime autant la droite que la gauche et représente un véritable révélateur colonial d’un passé qui ne passe pas, d’un racisme islamophobe qui est indissolublement lié au discours et aux pratiques politiques de tous les exécutifs et gouvernements de la Cinquième république. L’islam, ses manifestations mais surtout le voile font donc leur énième retour dans le débat. Un « débat » qui invite, à nouveau, à s’interroger sur la façon dont la gauche révolutionnaire devrait se positionner face aux questions de religion, voile et laïcité dans le contexte qui est le nôtre, marqué notamment par l’agression américano-sioniste contre l’Iran en juin et le génocide à Gaza qui se poursuit.

    Avec Dreyfus comme avec l’Islam

    Que dit d’intéressant ce fameux rapport que l’on ne saurait déjà ? Pas grand-chose, si ce qu’« un sentiment de malaise français, pour dire le moins, prévaut chez les musulmans ». Par conséquent, le rapport recommande à l’Etat de « lutter contre le sentiment de rejet qui irrigue les familles de confession musulmane [par] des signaux forts [1] ». Que « raconte », en revanche, ce rapport à longueur de pages ? Qu’une tendance minoritaire, très marginale et en perte de vitesse au sein de la communauté musulmane, la mouvance rattachée aux « Frères musulmans », représenterait un « danger » pour le pays. Relayé par un gouvernement cul-et-chemise avec le dictateur-roi du Maroc, Mohamed VI, « commandeur des croyants » et oppresseur du peuple Sahraoui, mais aussi avec les émirs qataris qui ont permis au PSG de faire quelques étincelles grâce à quelques milliards mais qui, surtout, financent le terrorisme islamiste de par le monde, ou encore avec le très réactionnaire président-barbu de la « nouvelle Syrie », Ahmad Al-Charaa, cela pourrait faire sourire. Que fait-on dire à ce rapport ? Qu’en dernière instance, à force de « dissimulation » – « taquiyya », en arabe dans le texte et citée à l’envi, car nos politiciens sont devenus experts en théologie islamiste – ce ne sont pas tant les « frères » qui représenteraient un problème que les musulmans en général. Et si on ne le dit ouvertement, du moins le suggère-t-on très fortement du côté du gouvernement.

    L’extrême droite et la droite française disent à qui veut bien l’entendre ne plus être antisémites. Elles se sont d’ailleurs fait le porte-étendard du génocide en Palestine, comme si leur soutien actuel au sionisme pouvait masquer leurs racines, de Boulanger à Pétain, de Barrès à Maurras en passant par Poujade et Le Pen. En revanche, leur islamophobie 2.0, compatible autant avec les réseaux sociaux qu’avec CNews, partage avec la vieille rhétorique anti-juive bien des points communs. Alfred Dreyfus pourrait reconnaître, au mot près, le déchaînement antisémite dont a été le théâtre la France d’il y a 130 ans. S’ils ne sont pas « séparatistes » – ils ne mangent pas comme nous, ne prient pas dans notre langue, leurs lois sont supérieures à celles de la République, leurs femmes ne s’habillent pas comme les autres « Françaises » – les musulmans (ou les juifs) sont « entristes ». Dissimulateurs, ils avancent masqués. Ils sont « partout » et si l’on n’y prend garde, on sera bientôt « submergés ». En tout cas, on n’est plus « chez nous ».

    Dreyfus, pas davantage qu’un imam, n’était socialiste. Officier de l’armée, polytechnicien, plutôt conservateur, il n’avait rien à voir avec la gauche révolutionnaire. A l’époque, certains, par œillères, n’ont pas participé à sa défense – « nous n’avons pas à nous mêler d’une affaire qui fait s’opposer deux secteurs de la bourgeoisie », diraient-ils sans doute aujourd’hui – voire ont rejoint le camp de nos ennemis, par un antisémitisme plus ou moins avoué et maquillé de soi-disant anticapitalisme – ce fameux « socialisme des imbéciles » dénoncé par le socialiste allemand August Bebel. Et pourtant, ce qu’il y avait de meilleur dans le mouvement ouvrier et chez les révolutionnaires du XIXe a défendu Dreyfus et a combattu sans concession une République et son système médiatique qui avaient condamné ce capitaine, accusé à tort « d’intelligence avec l’ennemi », parce que juif. La raison de cette défense, c’est que derrière Dreyfus et cet antisémitisme permanent, c’était tous les rouages d’un système d’oppression et d’exploitation maniant le chauvinisme et les discriminations qu’il fallait dénoncer et combattre.

    La pratique du judaïsme, réelle ou supposée, pas davantage que celle de l’islam, ne fait partie du programme communiste révolutionnaire, qui défend une conception matérialiste et athée du monde. Et pourtant, notamment là où cette religion serait marginalisée ou reléguée par le système en place, ses pratiques stigmatisées par un pouvoir qui n’a de leçons d’émancipation et de liberté à donner à personne, alors les communistes révolutionnaires se doivent d’être à ses côtés et de défendre les droits de celles et ceux qui souhaitent la pratiquer ou s’en réclamer. Ce qui valait pour un capitaine de l’armée française vaut aujourd’hui, également, pour les musulmans et les musulmanes.

    Pour des raisons d’espace et parce que le « débat » – avec son tombereau d’immondices, de vulgarités, de faux-semblants, de raccourcis et de mensonges islamophobes – a littéralement inondé les médias au cours des dernières semaines au point que personne n’a pu, malheureusement, y échapper, nous ne reviendrons pas ici sur les réactions de l’ensemble du champ politique sur ledit « rapport ». On soulignera simplement qu’à la différence des instrumentalisations passées autour de la « question de la place de l’islam en France » au cours desquelles la gauche – les dirigeants du PS, Fabien Roussel, les écologistes et bien d’autres – ont peu ou prou défendu la même ligne et les mêmes propositions de loi que le gouvernement, la ficelle, cette fois, était un peu trop grosse. Du côté de l’extrême gauche, en revanche, une discussion avec les camarades de Lutte ouvrière nous a semblé nécessaire.

    La religion nuit gravement à la santé. Mais le voile plus particulièrement ?

    Par la voix de ses représentants et dans ses éditos, LO a pris position contre le « rapport » et son instrumentalisation, dans la continuité d’un changement de ton des camarades sur la question de l’islamophobie d’État[Jusqu’à il y a peu, en effet, LO rejetait le concept « d’islamophobie », taxé d’ambigu]]. Ses porte-paroles ont ainsi clairement dénoncé la proposition faite par Attal – et relayée par d’autres – d’interdire le port du voile dans l’espace public pour les mineures de moins de quinze ans. Par ailleurs, ses porte-paroles Nathalie Arthaud et Jean-Pierre Mercier ont pointé sur les plateaux télé l’enchaînement abject qui fait que la parole « libérée » des gouvernants et des politiciens se traduit très concrètement par une hausse des actes à l’encontre des musulmans ou considérés comme tels avec, au final, les deux crimes islamophobes et racistes contre Aboubakar Cissé et Hichem Miraoui [2].

    En revanche, dans une série d’articles et de tweets [3], la droite et l’extrême droite n’ont pu que se réjouir, dans le climat actuel, de la « leçon en laïcité » de LO. On songera à la déclaration sur le plateau du Media de Nathalie Arthaud selon laquelle « le voile, c’est d’abord le symbole d’une oppression », de celle de Jean-Pierre Mercier affirmant sur LCI être « du côté des femmes qui se battent contre le port du voile, que ce soit en France comme à l’étranger »– au risque, assumé, de confondre le combat contre le port du voile là où il s’agit d’une contrainte imposée par un régime dictatorial et religieux, comme en Iran ou en Afghanistan, et son instrumentalisation, dans un pays impérialiste au lourd passif colonial, comme la France –, complétée, le lendemain, par celle de Nathalie Arthaud sur Sud Radio, dénonçant la « proposition de loi » Attal d’interdire le port du voile aux moins de 15 ans tout en proclamant son attachement à la Loi sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires de 2004 [4].

    On ne saurait être dupe de l’opération des médias de droite consistant à extraire et à instrumentaliser quelques bribes de phrases du discours plus général de LO pour, en dernière instance, justifier « sur la gauche », une campagne qui est, elle, clairement raciste et islamophobe. Et, par effet de miroir inversé, alimenter au passage la machine politico-médiatique de stigmatisation de La France insoumise (LFI), taxée de « trahison à l’héritage laïque » et de complaisance à l’endroit de l’islam et du communautarisme. A la différence d’autres courants d’extrême gauche, nous ne sommes pas de ceux qui, dans le sillage du Prophète et le prolétariat de Chris Harman, viendraient à trouver une quelconque vertu ou spécificité intrinsèquement « révolutionnaire » à l’islam politique, quelles que soient les formes qu’il adopterait. En revanche, en tant qu’organisation d’extrême gauche militant dans un pays impérialiste, la France, et appelée à se prononcer sur la question du voile, en France et non dans un pays où l’islam est religion d’État, il nous semble que la position de LO n’est pas conséquente et ne va pas jusqu’au bout d’une dénonciation globale de l’islamophobie d’État et des leviers qui la sous-tendent.

    La première objection que l’on pourrait faire a trait au point de départ bancal qui est posé par les porte-parole de LO dans leurs interventions. « Toutes les religions se valent », nous disent-ils en substance. Nous pourrions dire, en effet, que toutes les religions, du christianisme catholique ou protestant au judaïsme en passant par l’islam – pour ne prendre que les cultes les plus présents, en France – ont pour point commun une relégation plus ou moins assumée de la femme à un rang subalterne qui inscrit dans les Textes une inégalité des rapports sociaux de genre. C’est les prémices dont partent, à raison, Arthaud et Mercier. Mais immédiatement après, sans tenir compte de la manière dont le « débat sur les religions » devient, en France, un « débat sur la place de l’islam », et comment cela se réduit, immédiatement, à un « débat sur le voile », sans tenir compte du fait que le voile est, en France, le seul signe visible de possible appartenance à une communauté religieuse qui pose réellement problème à la « République », les camarades de LO concluent uniquement sur la question du voile. Un voile dont il faudrait aider à se défaire toutes celles qui le porteraient contre leur gré [5].

    Sans réduire l’islam aux quartiers populaires ni l’islam au voile, il ne s’agit même pas de s’interroger – ce qui serait, en soi, une autre discussion – sur les multiples signifiés que représente, dans l’espace public ou à l’école, en France, un voile islamique : imposé contre leur gré à certaines, très probablement , porté de façon non contrainte et en toute conscience par d’autres, ou encore comme une expression culturelle ou religieuse d’appartenance revendiquée à une communauté stigmatisée et reléguée, qui ne connaît la République et ses fausses promesses d’égalité, de liberté et de fraternité que sous son aspect le plus policier, répressif, raciste et discriminatoire dans l’accession à l’emploi, au logement et dans tous les aspects de la vie quotidienne. Le voile islamique peut avoir plusieurs ressorts et significations à moins de considérer toutes celles qui le portent, tout le temps ou occasionnellement, uniquement comme des victimes et non comme des sujets agissants.

    Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le raccourci imposé par en haut consistant à assimiler l’islam a une religion particulièrement réactionnaire – et par conséquent fondamentalement menaçante – et dont le véhicule consiste à couvrir le corps des femmes – par un hidjab, une abaya, un burkini ou autre – sert un propos spécifique. Il s’agit de continuer à alimenter une puissante machine idéologique, malheureusement assez efficace, servant depuis les origines de l’entreprise coloniale française en Afrique du Nord et perpétuée par le présent néocolonial de la politique impérialiste hexagonale : diviser le monde du travail et les classes populaires, opérer une distinction entre ceux qui seraient irrémédiablement perdus à la cause de l’émancipation et ceux qui, à l’inverse, seraient du bon côté, des Lumières et du progrès, entre « eux » et « nous ». Au sein d’une fraction de la « gauche » ce discours réactionnaire, adapté au cadre colonial et impérialiste existe également depuis les origines du mouvement ouvrier. Et peu importe, pour ses directions réformistes, si le mouvement ouvrier français s’est retrouvé ou se retrouve aujourd’hui, dans les faits ou le discours, du côté de sa « propre » bourgeoisie. Pour la bourgeoisie, on l’aura compris, c’est pain béni.

    En ce sens, ce n’est pas seulement l’opération politicienne, qualifiée aujourd’hui d’islamophobe par LO, qui est à dénoncer comme ont pu le faire à juste titre les camarades dans les colonnes de leur presse, dans leurs éditos d’entreprise et par la voix de leurs porte-parole. Pour être conséquente, la gauche révolutionnaire devrait également porter le combat contre l’ensemble des outils, idéologiques et légaux, sur laquelle cette opération est adossée. Sous couvert de défense de la laïcité et de la liberté religieuse, c’est l’ensemble de cet arsenal – et pas uniquement le rapport sur les frères musulmans, le discours de Retailleau et la proposition Attal – qui est profondément islamophobe dans sa stigmatisation des musulmans et musulmanes, qu’ils se revendiquent de cette appartenance religieuse ou qu’ils y soient assignés. Cela vaut autant pour la loi sur le séparatisme de 2021 que pour la loi de 2016 sur la neutralité religieuse au travail, celle de 2010 sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public ou celle de 2004 sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles à l’école.

    A nouveau sur le voile à l’école et la loi de 2004

    C’est d’ailleurs cette loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les collèges et lycées qui sert de matrice à l’ensemble des instruments légaux votés depuis. Et cette loi de 2004 continue à être au cœur de l’argumentaire de LO et, dernièrement encore, défendue par Nathalie Arthaud.

    Au printemps 2003, le monde enseignant a mené un mouvement extrêmement dur contre la réforme Fillon des retraites. Les personnels de l’éducation ont perdu le bras-de-fer, mais le gouvernement Chirac-Raffarin y a laissé des plumes. Au cours des mois qui suivent, à travers une opération politicienne assez magistrale [6], Chirac réussit à recompacter autour de lui les enseignants qui l’avaient pourtant affronté l’année précédente. Pour ce faire, il va confectionner, de toute pièce, une nouvelle « affaire du voile » qui débouche quelques mois plus tard sur la loi de 2004, appuyée par la quasi-totalité de la gauche ainsi que par LO.

    En 2003 comme au cours des quinze années précédentes (1989, 1994 et 1999), des différends surgissent à la rentrée scolaire dans certains établissements entre le corps enseignant, la hiérarchie administrative et des cas très isolés de jeunes femmes refusant d’enlever le voile islamique dans l’enceinte des collèges et des lycées de banlieue. A partir de septembre 2003, dans un contexte international marqué par la guerre contre le terrorisme, l’invasion de l’Afghanistan – à laquelle participe la France – puis de l’Iraq par la coalition Bush-Blair, le débat prend une dimension toute particulière. Deux cas très spécifiques, au lycée Henri Wallon d’Aubervilliers, dans le 93, servent à orchestrer et polariser le faux débat [7]. Dans la foulée de cette affaire particulièrement médiatisée, Chirac met en place la Commission Stasi sur la laïcité à l’école et qui débouche sur une loi qui, de l’aveu même du Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, ne défend pas en réalité la « laïcité » mais entend, au nom de la laïcité, « protéger les femmes des pressions du fondamentalisme [8] ». Fondamentalisme islamiste, on l’aura compris [9].

    A l’époque, LO contribue en partie à exacerber cette « nouvelle affaire du voile » puisque ses militants en poste au lycée Henri Wallon sont les partisans les plus intransigeants de l’expulsion des deux élèves au nom de la défense des droits des femmes et de la laïcité [10]. « Dans les banlieues, souligne LO à l’époque, un islam intégriste se développe. Au nom de préjugés barbares et réactionnaires, des hommes – des pères, des grands frères et aussi des petits caïds ignorants et violents – exercent une pression grandissante sur les jeunes filles pour les réduire au seul rôle de reproductrices, les enfermer, les cacher sous le voile. Des jeunes filles sont mariées de force à des hommes, parfois bien plus vieux qu’elles, qu’elles ne connaissent pas et n’ont pas choisis. À l’hôpital les maris qui les accompagnent refusent qu’elles se fassent examiner par des médecins-hommes. Certaines municipalités ont cédé sur le fait de réserver les piscines aux femmes à certaines heures et certains jours. Dans des cités, elles ne peuvent regarder un garçon en face ni porter les vêtements de leurs choix ni se maquiller sans se faire traiter de "putes" » [11]. Indépendamment du style et du ton que certains éditorialistes, aujourd’hui, ne renieraient pas, cette situation relève-t-elle de l’islam ou plus tristement du patriarcat capitaliste qui n’est pas simplement arabo-musulman ? En toute logique, LO finit donc par soutenir – et, malheureusement, continue à soutenir – « un texte sur lequel s’appuyer pour s’opposer au port du voile à l’école. Ce sera aussi et surtout un appui pour toutes les jeunes filles qui veulent résister aux pressions sexistes qu’elles subissent et qui attendent une aide de la société [12] ». En attendant une aide de la société, LO a fini par valider la législation islamophobe mise en place par Chirac et soutenue par la quasi-totalité de l’arc parlementaire [13]. Cette loi de 2004 n’est que l’origine matricielle de celles qui ont suivi. Attal, en voulant interdire le port du voile aux mineures de 15 ans, n’aurait fait qu’élargir à l’espace public ce qui est interdit dans les enceintes scolaires de la République. Pourtant, en dépit d’un changement de ton sur l’islamophobie, LO continue de soutenir cette loi et refuse de faire le bilan de ce qui a été une politique en tout point catastrophique et qui a contribué à offrir une couverture d’extrême gauche à une opération ultraréactionnaire.

    Ne pas se tromper d’ennemis, ni d’alliés, combattre les lois islamophobes

    Indépendamment de ce détour par la loi de 2004 qui continue à être au cœur des logiques mises en avant par LO, l’enjeu est de choisir ses alliés, de ne pas se tromper d’ennemis et ne pas servir de caution à nos adversaires. Faire la distinction entre le débat sur le voile, en France, et la question du voile dans un pays où, légalement ou dans les faits, il relève d’une obligation, ne signifie pas renoncer à défendre une vision marxiste et matérialiste du monde ni cacher son combat contre les institutions, hiérarchies et, en dernière instance, idées religieuses [14]. Ce combat, néanmoins, ne saurait se dissocier d’une opposition préalable, radicale et sans concession, à l’ensemble des instruments et des relais islamophobes sur lesquels la bourgeoisie française peut compter à travers sa république pour stigmatiser, marginaliser et viser ceux d’entre nous qui sont assignés à une « autre » identité ethnique ou religieuse. Ce que la police, les RH des entreprises et les médias se chargent de rappeler, constamment.

    Pas davantage qu’on ne peut soutenir qu’il existe un signe d’égalité entre Netanyahou et le Hamas – discussion qui a fait l’objet de débats, dernièrement, entre nos organisations – au nom des intérêts abstraits du monde du travail qui seraient équivalents en Israël et en Palestine, on ne peut soutenir, en France, qu’il soit symétriquement essentiel de lutter contre deux extrêmes droites, dont l’une serait « raciste [et l’autre] islamiste [pour] défendre une perspective ouvrière ». C’est pourtant encore ce que défendait LO y a quatre ans, dans un son article « Loi séparatisme, islamisme : des politiques qui divisent les travailleurs ». C’est, là encore, faire prévaloir le même principe d’abstraction sur l’analyse concrète des intérêts sociaux et des dynamiques en jeu.

    Sans trop risquer de se tromper on dira, à titre d’exemple, qu’il est aussi peu probable qu’un média du groupe Bolloré porte un jour dans son cœur la cause LGBTQI [15] que ne le ferait un imam salafiste particulièrement rigoriste dans une salle de prière, en France. Mais cela permet-il pour autant d’affirmer, toujours dans ce même texte que « les idéologies rivales des islamistes et de l’extrême droite, tout en apparaissant opposées, se situent toutes les deux sur le terrain de la défense des intérêts de la bourgeoisie [et qu’elles] s’alimentent l’une l’autre et présentent en réalité bien des similitudes » ? Le propriétaire médiatique, Bolloré, et celui l’imam rigoriste, aussi réactionnaire soit-il, constituent deux secteurs totalement distincts, qui ne sauraient permettre de dresser des équivalences, indépendamment de leurs « prêches ». Ou, pour le dire autrement, indépendamment des publics auxquels ils s’adressent et vis-à-vis desquels les révolutionnaires opposeront un discours, une propagande communiste, ils incarnent des milieux radicalement distincts : tandis que Bolloré et ses amis représentent l’entre-soi de la grande bourgeoisie française, impérialiste, et ses mille ramifications dans le pré-carré nécolonial, l’autre, en revanche, évolue dans notre milieu, le monde du travail, les classes populaires, celui au sein desquels nous intervenons et au sein duquel nous défendons nos idées, sur la base d’un combat contre le système capitaliste et les oppressions qu’il charrie ou perpétue.

    C’est en ce sens, aussi, qu’il est impossible de se tromper de combat : contre la religion, nous luttons pour que le monde du travail soit en mesure de prendre pleinement son destin en main. Si la gauche révolutionnaire s’oppose à un État qui veut faire la chasse aux jeunes femmes voilées et qui vomit au quotidien sa haine de l’islam, si elle manifeste aux côtés de celles et ceux qui, quelle que soit leur motivation, sont solidaires de la Palestine et dénoncent la complicité des impérialistes avec le génocide israélien, alors les différentes organisations qui se réclament de la révolution doivent se retrouver, unies, en première ligne d’une mobilisation permanente et concrète contre l’ensemble des lois racistes et islamophobes. Car toutes sécrètent et alimentent ce venin qui nous divise et qui sert tant les intérêts de la bourgeoisie et de ses politiciens de tout bord. C’est un combat de l’ensemble de nos organisations qui doit être mené en direction du monde du travail et de la jeunesse pour montrer comment, pour combattre les discriminations et le racisme antis-musulman, c’est bien du côté du drapeau rouge que notre classe doit chercher les armes du combat.

    Jean-Patrick Clech, chef du Courant Communiste Révolutionnaire à la NPA et du comité de rédaction du magazine Révolution Permanente.

    • Au printemps 2003, le monde enseignant a mené un mouvement extrêmement dur contre la réforme Fillon des retraites. Les personnels de l’éducation ont perdu le bras-de-fer, mais le gouvernement Chirac-Raffarin y a laissé des plumes. Au cours des mois qui suivent, à travers une opération politicienne assez magistrale [6], Chirac réussit à recompacter autour de lui les enseignants qui l’avaient pourtant affronté l’année précédente. Pour ce faire, il va confectionner, de toute pièce, une nouvelle « affaire du voile » qui débouche quelques mois plus tard sur la loi de 2004, appuyée par la quasi-totalité de la #gauche ainsi que par #LO.

      #professeurs #enseignants #école #voile #loi_du_15_mars_2004

    • Le piège de la « lutte contre l’islamophobie »
      https://www.lutte-ouvriere.org/portail/mensuel/2017-01-22-le-piege-de-la-lutte-contre-lislamophobie_75202.html

      Une politique de construction de fronts pour « lutter contre l’islamophobie » est de plus en plus défendue par une partie de l’extrême gauche. Au point de perdre tout repère de classe, et d’user de démagogie vis-à-vis de l’islam politique.

      (...) Communisme et religion

      Pour justifier leur indulgence pour l’islam politique, les divers groupes d’extrême gauche qui gravitent dans ce mouvement cherchent des justifications théoriques.

      La religion musulmane, expliquent-ils d’abord, serait, en France, une religion d’opprimés et, à ce titre, non comparable aux autres religions qui, elles, seraient du côté des oppresseurs.

      Que l’islam soit en France en religion majoritairement pratiquée par des opprimés, c’est-à-dire des prolétaires, c’est une certitude. Mais faire ce constat doit-il mener à se montrer conciliant avec cette religion  ? Bien au contraire  ! Davantage encore, justement parce que ceux qui sont touchés par cette religion sont les nôtres, nous devons la combattre  ! La classe ouvrière, précisément parce qu’elle est la classe opprimée de la société, a moins accès au savoir, à la culture que d’autres couches de la société, ce qui la rend plus perméable à tous les préjugés. Et si ceux-ci prennent la forme de préjugés religieux parmi les travailleurs d’origine maghrébine ou africaine, ils en prennent d’autres, dans d’autres couches du prolétariat. À commencer par le racisme, hélas bien présent dans la classe ouvrière française. Et pourtant, aucun militant n’imagine ne pas le combattre sous prétexte qu’il s’agit de préjugés d’opprimés. Pourquoi en serait-il autrement avec la religion  ?

      Autre argument  : le marxisme n’aurait pas de vraie tradition antireligieuse. C’est par exemple ce que prétend un enseignant de Seine-Saint-Denis, qui défend la liberté de porter le voile à l’école, Pierre Tevanian. Son ouvrage, La haine de la religion, explique, en le falsifiant, que Marx n’était finalement pas si antireligieux que cela. On y lit  : «  C’est aujourd’hui l’athéisme et le combat antireligieux, l’irréligion en somme, qui peut être considérée comme l’opium du peuple de gauche.  »

      Que le marxisme ne se soit jamais donné comme objectif prioritaire de faire de la propagande antireligieuse, certes. Les communistes ne sont pas des laïcards, du nom de ce courant de bourgeois radicaux au tournant des 19e et 20e siècles qui considéraient que la lutte contre la religion était plus importante que la lutte des classes, ou plutôt qui préféraient largement que les ouvriers se battent pour la laïcité plutôt que pour remettre en cause l’ordre social.

      Marx savait que les préjugés religieux étaient les conséquences de l’oppression, et qu’ils ne disparaîtraient pas avant une transformation profonde de la société, en d’autres termes, avant que la société communiste, en supprimant l’exploitation et l’oppression, supprime du même coup les causes de la religion. Et la ligne de démarcation que tracent les communistes, dans la société actuelle, n’est pas entre les laïcs et les religieux, mais entre les prolétaires et les bourgeois.

      Pour autant, les marxistes ont toujours considéré la propagande antireligieuse comme indispensable. Être communiste, c’est être matérialiste, et être matérialiste, c’est être athée. On peut être athée et se battre, dans une grève, aux côtés d’un travailleur croyant. Mais cela n’empêche pas qu’il est du devoir de n’importe quel révolutionnaire communiste d’essayer d’arracher non seulement les militants qu’il veut gagner à sa cause, mais même ses camarades de travail et de lutte, à l’emprise de la religion. Trotsky l’expliquait, en 1923  : «  Nous adoptons une attitude tout à fait irréconciliable vis-à-vis de tous ceux qui prononcent un seul mot sur la possibilité de combiner le mysticisme et la sentimentalité religieuse avec le communisme. La religion est irréconciliable avec le point de vue marxiste. Celui qui croit à un autre monde ne peut concentrer toute sa passion sur la transformation de celui-ci.  » Et à la fin des années 1930 il écrivait encore, dans Défense du marxisme  : «  Nous, les révolutionnaires, nous n’en avons jamais fini avec les problèmes de la religion, car nos tâches consistent à émanciper non seulement nous-mêmes mais aussi les masses de l’influence de la religion. Celui qui oublie de lutter contre la religion est indigne du nom de révolutionnaire.  »

      Le piège de «  l’islamophobie  »

      Il est donc évidemment possible de lutter à la fois contre les discriminations racistes et contre la religion.

      C’est la raison pour laquelle le terme d’islamophobie nous a paru ambigu, et il l’est toujours par certains aspects, bien que le mot soit devenu d’usage courant. Nous rejetons et combattons les discriminations qui peuvent s’exercer à l’encontre des musulmans, parce que nous sommes pour la liberté de culte. Mais nous sommes athées, opposés à toutes les religions. Et l’équation, imposée par les islamistes et leurs amis, selon laquelle lutter contre la religion musulmane signifierait être raciste, est une escroquerie.

      Une partie de la classe politique française actuelle rejette et discrimine les musulmans, en tout cas les pauvres, ceux des cités et des usines, car elle ne rejette certainement pas les milliardaires des théocraties du Golfe. Et il est compréhensible que nombre de jeunes se sentent victimes d’une oppression spécifique, qui existe bel et bien. Comment admettre que les politiciens de droite, qui hurlent à la laïcité et veulent interdire les menus de substitution dans les cantines, soient les mêmes qui combattent pour permettre l’installation de crèches de Noël dans le hall de leur mairie  ?

      La laïcité des politiciens bourgeois d’aujourd’hui est à géométrie variable, et elle est tournée contre la religion musulmane, comme elle l’a été en d’autres temps contre les Juifs. Et c’est d’autant plus choquant que les mêmes n’ont pas hésité, dans le passé, à se servir de l’islam pour tenter de canaliser la colère et le ressentiment des jeunes des banlieues, comme le fit Sarkozy lorsqu’il créa le Conseil national du culte musulman.

      Défendre le communisme

      Mais nous estimons que c’est notre rôle, en tant que communistes, de dénoncer l’emprise de la religion musulmane sur la jeunesse d’origine immigrée  ; de nous battre, de militer pour essayer d’arracher celle-ci au «  brouillard de la religion  », comme écrivait Marx, pour lui ouvrir les yeux, lui faire comprendre que son émancipation ne se fera pas par la soumission à des principes religieux d’un autre âge, mais dans l’union de classe avec le reste du prolétariat.

      Notre tâche de révolutionnaires n’est pas de conforter les travailleurs dans leurs préjugés religieux, mais de les combattre. D’expliquer que l’islam politique, fût-il radical, n’a jamais combattu l’oppression sociale  ; que c’est un courant profondément anticommuniste  ; que là où il est au pouvoir, il l’est aux côtés de la bourgeoisie, réprime les grèves et assassine les militants ouvriers  ; que l’islam, comme toutes les religions, prône la soumission et la résignation face à l’ordre social, en un mot que les partis politiques islamistes sont des partis bourgeois. De reprendre à l’identique, en ajoutant simplement au mot christianisme ceux de judaïsme et d’islamisme, les paroles de Marx  : «  Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi, l’avilissement, la servilité, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille  ; le prolétariat, qui ne veut pas se laisser traiter en canaille, a besoin de son courage, du sentiment de sa dignité, de sa fierté et de son esprit d’indépendance beaucoup plus encore que de son pain.  »

      C’est notre rôle d’expliquer aussi que, si les musulmans sont victimes de discriminations, c’est aussi un résultat de la politique des groupes djihadistes eux-mêmes, dont le caractère aveugle des attentats vise précisément et consciemment à provoquer des réactions de rejet contre les musulmans chez les Français non issus de l’immigration. Les travailleurs musulmans, en France, sont les secondes victimes des attentats, après les morts et les blessés. Il s’agit d’une politique consciente des dirigeants de l’islam politique, qui raisonnent de la même façon que les dirigeants impérialistes, et sont tout autant des ennemis des opprimés.

      Pour mener ces luttes et défendre ces idées, les précédents dont on peut s’inspirer ne manquent pas, à commencer par l’exemple du bolchevisme. Car les actuelles attaques islamophobes ne sont rien à côté de ce qu’était l’antisémitisme dans la Russie tsariste, qui prenait la forme de pogromes et de massacres de masse. Les militants bolcheviks, dans ce contexte, n’ont pas choisi la démagogie vis-à-vis du nationalisme juif, et encore moins de la religion, mais ont lutté inlassablement pour arracher les opprimés juifs à cette influence, et les intégrer dans le combat général mené par le prolétariat. Le rôle des militants juifs dans le Parti bolchevik et dans la Révolution russe montre à quel point ils ont réussi.

      ~~~

      Aujourd’hui, 170 ans après le Manifeste communiste, il faut apparemment encore rappeler que le communisme n’est pas compatible avec la religion.

      Il est affligeant de voir des prétendus révolutionnaires se solidariser avec des rebuts d’idées que l’on trouve dans des livres comme ceux de Houria Bouteldja. Ces idées sont la négation même des idées communistes.

      Cette évolution est un symptôme du recul réactionnaire qui touche la société. Le seul remède contre ce délitement, c’est de défendre sans relâche les perspectives communistes, l’idée qu’on ne peut pas combattre l’oppression en défendant une autre forme d’oppression. C’est de garder sa boussole de classe, de se battre inlassablement pour redonner une conscience aux travailleurs plutôt que la diluer encore un peu plus, de militer pour construire un parti communiste ouvrier.

      Dans ce combat, il est indispensable de gagner au communisme des jeunes travailleurs issus de l’immigration, non pas en encourageant leurs préjugés religieux mais en en faisant des révolutionnaires, c’est-à-dire des athées, capables de contrebalancer dans leur propre milieu les idées propagées par les ennemis du mouvement ouvrier.

      15 janvier 2017 Lutte de Classe n° 181

  • #Sudan. Il silenzio sul #genocidio
    https://radioblackout.org/2025/07/sudan-il-silenzio-sul-genocidio

    In Sudan la guerra continua nell’indifferenza di buona parte dei movimenti contro guerre e riarmo su scala globale. Nel nostro paese, salvo piccole eccezioni, pare che a nessuno interessi il peggior genocidio di questo secolo. La guerra per il potere ed il controllo delle risorse scoppiata tra le fazioni di Al Burhan e di Hemetti, […]

    #L'informazione_di_Blackout #fame #profughi
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2025/07/2025-07-08-alberizzi-sudan.mp3

  • La tarification algorithmique au coeur d’un bras de fer avec les détaillants américains

    A compter du 8 juillet, l’Etat de New York veut forcer les commerces à indiquer aux clients que leurs données ont été utilisées pour fixer un prix de vente. La National Retail Federation a entamé un recours auprès de la cour fédérale.



    Le New York Algorithmic Pricing Disclosure Act a été adopté par l’État en juin dernier. Pour la gouverneure Kathy Hochul, il s’agit de lutter contre l’opacité de certains prix, fluctuant selon les consommateurs, et empêchant de faire un travail comparatif des tarifs. Une étude publiée en janvier par la Commission fédérale du commerce pointait comment l’exploitation des données permettait de cibler chaque consommateur avec des prix différents. Avec, en creux, la possibilité de faire payer plus cher ceux pour qui un produit est le plus nécessaire.


    
Une accusation injustifiée, pour la puissante fédération américaine des détaillants, qui dénonce une “peur spéculative” et pointe de son côté que les données sont généralement utilisées pour proposer remises et promotions personnalisées. La NRF refuse de voir ses adhérents forcés localement de publier des avertissements “trompeurs et inquiétants” auprès des clients concernant l’usage fait de leurs données.
    . . . . .
    Suite et source : https://fr.fashionnetwork.com/news/La-tarification-algorithmique-au-coeur-d-un-bras-de-fer-avec-les-

    #algorithme #algorithmes #surveillance #biométrie #facial #bigdata #vidéo-surveillance #reconnaissance #discrimination #smartphone #profiling #manipulation #technologisme #géolocalisation

  • #Gaza : « Le #génocide est une source de #profits », dénonce Francesca Albanese devant l’ONU
    https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20250703-gaza-le-g%C3%A9nocide-est-une-source-de-profits-d%C3%A9nonce-francesca-

    Une économie entière au service d’un génocide. C’est ce que dénonce la rapporteure spéciale de l’ONU sur les Territoires occupés. Dans un nouveau rapport, Francesca Albanese décrit la façon dont l’économie israélienne utilise le massacre à Gaza pour faire des profits. Profits réalisés aussi par bon nombre d’entreprises étrangères, accusées de #complicité.

    #sionisme

  • Berliner Senatorin : Wer ein Messer in der U-Bahn mit sich führt, riskiert seinen Führerschein
    https://www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/berliner-senatorin-wir-entfernen-schritt-fuer-schritt-messer-aus-de

    Face à son incapacité de résoudre les énormes problemes sociaux hantant la ville de Berlin le gouvernement municipal imterdit tout objet dangereux dans les transports en commun. Une liste d’exceptions pour artisans et d’autres usagers qui ont besoin de leurs outils et objets potentiellement dangereux rendra peu pertinent le nouveau règlement.

    Cette manière de procéder est typique pour les social-démocrates contemporains. On identifie un problème (trop de jeunes gens ont des coutesux sur eux) on ne peut pas changer l’origine du problème (les jeunes exclus font expérience de menaces inimaginables pour le politicien de parti bourgeois moyen), alors on « fait quelque chose » avec l’arsenal disponible (on publie un décret) et passe à autre chose. Ce procédé protège assez bien contre l’accusation d’inactivité.

    Le fait que police a désormais.le droit de contrôler et fouiller sans raison particulière les passagers agrandit le risque d’un profilage racial qui ferait monter.les tensions. Toute somme faite la sénatrice (ministre) de l’intérieur Spranger (SPD) agrandit le risque d’une situation ingérable plutôt que de désamorcer les dangers à son origine.

    24.6.2025 von Elmar Schütze - Der Berliner Senat beschließt ein generelles Messer- und Waffenverbot für den ÖPNV. Was das bringen soll – und was das mit der Fahrerlaubnis zu tun hat.

    Die Debatte um die Gefahren durch Messer und die Zunahme von Kriminalität geht weiter. Jetzt will Berlin ein generelles Messer- und Waffenverbot in U- und S-Bahnen, Straßenbahnen, Bussen, auf Bahnsteigen und in Bahnhöfen erlassen. Auf eine entsprechende neue Rechtsverordnung einigte sich der Senat in seiner Sitzung am Dienstag. Sie soll voraussichtlich am 17. Juli in Kraft treten.

    Wenn Waffen und Messer in U- und S-Bahnen, Straßenbahnen, Bussen, auf Bahnsteigen und in Bahnhöfen verboten sind, bekommt die Polizei die Möglichkeit, unabhängig von konkreten Verdachtsmomenten zu kontrollieren. Das ist bisher nicht erlaubt.
    Messerverbot in Bus und Bahn: Polizei darf anlasslos kontrollieren

    Ein generelles Waffen- und Messerverbot gilt seit 15. Februar bereits im Görlitzer Park, am Kottbusser Tor in Kreuzberg und am Leopoldplatz in Wedding. Bei dortigen Kontrollen wurden nach den Worten von Innensenatorin Iris Spranger (SPD) fast 100 Messer festgestellt.

    Erfahrungen mit einem Verbot von gefährlichen Gegenständen hat auch die Bundespolizei. Es gilt in Berlin noch bis zum 30. Juni – eine neue, einheitliche Regelung ist also notwendig. Betroffen sind die Bahnhöfe Hauptbahnhof, Südkreuz, Zoologischer Garten, Friedrichstraße, Alexanderplatz, Gesundbrunnen, Spandau, Ostbahnhof, Warschauer Straße, Ostkreuz, Lichtenberg und Neukölln. Das Verbot umfasst Messer, Äxte, Reizgas und Baseballschläger, aber auch Schusswaffen aller Art. Solche Formulierungen finden sich bereits auch in der BVG-Nutzungsordnung und den Beförderungsbedingungen des Verkehrsverbundes Berlin-Brandenburg (VBB).

    Spranger erinnerte auf der Pressekonferenz nach der Senatssitzung an eine dramatisch verlaufene Eskalation im April dieses Jahres, die in einer U-Bahn am Sophie-Charlotte-Platz in Charlottenburg ihren Anfang nahm, und bei der zwei Menschen starben. Ein Mann wurde durch Messerstiche eines anderen Mannes tödlich verletzt, der Täter wurde schließlich von Polizisten erschossen, als er auch noch diese angriff.

    Spranger sprach davon, wie wichtig präventive Maßnahmen seien. Für sie ist klar: „Mit unserer Strategie entfernen wir Messer Schritt für Schritt aus dem öffentlichen Raum. Den Menschen werde nach und nach bewusst, dass sie jederzeit kontrolliert werden können.“ Es drohen Bußgelder in Höhe bis zu 10.000 Euro. Die Aussage sei eindeutig: „Man muss das Messer zu Hause lassen!“ Und: „Diese Regelung kann Leben retten.“

    Die Berliner Regelung soll sich an diejenige anpassen, die seit Herbst bereits für den Fern- und den S-Bahnverkehr gilt. Dort ist seit Oktober vergangenen Jahres das Führen von Waffen und Messern verboten. Gemeint sind damit auch Schreckschuss- sowie Signalwaffen, außerdem alle Messer, auch kleine Taschenmesser. Ausgenommen sind zum Beispiel gesondert verpackte Messer, die nicht mit wenigen Handgriffen zugriffsbereit sind. Dasselbe gelte auch für „Fälle berechtigten Interesses“, wenn beispielsweise Gastronomen Werkzeug transportieren würden.

    Differenzierungen gibt es auch beim Pfefferspray. Dies gilt nach Bundesgesetz als Waffe – und ist deshalb ebenfalls verboten. Jedoch sei Spray nicht gleich Spray, so Spranger. So führten viele Menschen aus einem Sicherheitsbedürfnis heraus ein Tierabwehrspray mit sich. Dies sei nicht verboten, weil es zum Beispiel keinen zielgerichteten Strahl absondere. Allerdings gelte ein Mindestalter von 14 beziehungsweise 16 Jahren, je nach Art des Sprays.

    Waffenverbot: Beim Pfefferspray wird differenziert

    Spranger bekräftigte bei der Gelegenheit noch einmal, dass jemand, der mehrfach mit einem auffälligen Messer angetroffen wird, seinen Führerschein respektive seine Fahrerlaubnis verlieren kann – beziehungsweise ihn/sie nicht erwerben darf. So habe das zuständige Landesamt für Bürger- und Ordnungsangelegenheiten (Labo) bereits vier Männern aus diesem Grund den Führerschein entzogen. Für welchen Zeitraum das gelte, wusste sie nicht zu berichten. Zwei weitere Personen mussten seitdem zur psychologischen Untersuchung.

    Der Zusammenhang zwischen Messern und Autofahren liegt für die Innensenatorin klar auf der Hand. „Für eine Fahrerlaubnis braucht man eine charakterliche Eignung. Und demjenigen, der ein großes, am besten auch noch sichtbares Messer mit sich führt, dem mangelt es an charakterlicher Eignung“, sagte Spranger. Ein Autofahrverbot treffe diese Täter besonders empfindlich. Außerdem: „Diese Leute fahren meistens gerne Auto und dann meistens auch zu schnell.“ Entschieden werde jedoch jeweils im Einzelfall, weil es immer auch um die Schwere der Tat gehen müsse, so Spranger.

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    Am Leopoldplatz in Wedding hat die Polizei jetzt schon mehr Durchgriffsrechte. Künftig soll dies für alle Busse und Bahnen in Berlin gelten.Maurice Weiss/Ostkreuz

    Die Rechtsverordnung trete in Kraft, sobald sie im Berliner Amtsblatt veröffentlicht werde, hieß es am Dienstag. Dies werde voraussichtlich am 17. Juli geschehen. Danach würden die Sicherheitskräfte in den ersten zwei Wochen Schwerpunkteinsätze fahren, aber stets „mit Augenmaß“, so die Politikerin. Gerade anfangs sei vor allem auch gute Kommunikation gefragt. Man dürfe nicht nur durchsetzen, sondern müsse auch erklären, so Spranger. Dazu sei man auch mit der Gewerkschaft der Polizei (GdP) und der Deutschen Polizeigewerkschaft (DPolG) „in guten Gesprächen“.

    Wie gut diese Gespräche tatsächlich gewesen sein mögen, muss offen bleiben. Der stellvertretende Berliner DPolG-Landesvorsitzende Frank Teichert bringt auf Anfrage der Berliner Zeitung jedenfalls seine Skepsis zum Messerverbot zum Ausdruck.

    Er sehe schon wieder „zehn Seiten mit Ausnahmen“ vor seinem geistigen Auge, weil auch Handwerker mit der Bahn fahren und dabei ihre Werkzeuge mitführen. „Und es sind, wie ein Déjà-vu, Parallelen zur Wackelpuddingverordnung zu erkennen.“ Damit meint Teichert die Formulierungen zu den Waffenverbotszonen.

    Für die Grünen sind Messerverbote „Einfallstor für Racial Profiling“

    Und auch bei der politischen Konkurrenz findet die Entscheidung keinen Beifall. So hält Grünen-Innenpolitiker Vasili Franco eine Ausweitung des Verbots für fatal. „Eine falsche Maßnahme wird nicht dadurch richtig, dass man sie ausweitet“, sagte Franco auf Anfrage der Berliner Zeitung. Für ihn sind Messerverbotszonen „symbolpolitischer Aktivismus“. Nicht zuletzt seien anlasslose Kontrollen ohne Verdacht „keine Kriminalitätsbekämpfungsstrategie, sondern ein Einfallstor für Racial Profiling“.

    Racial Profiling bedeutet, Polizisten würden Personen aufgrund ihres Aussehens, insbesondere ihrer Hautfarbe oder ethnischer Zugehörigkeit, gezielt kontrollieren oder verdächtigen, ohne dass ein konkreter Verdacht auf eine Straftat vorliegt. Das sei diskriminierend.

    #Berlin #violence #criminalité #armes #police #profilage_racial #transport_publique

  • La profession d’enseignant-chercheur aux prises avec le #nouveau_management_public

    Ce texte se propose d’analyser différents impacts de la #néolibéralisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) sur le contenu et les #conditions_de_travail des enseignants-chercheurs (EC). L’analyse s’appuie sur les résultats d’une enquête menée entre 2020 et 2022 sur la nature, les causes et les effets des mutations du #travail des EC. Cette recherche visait dans un premier temps à objectiver les évolutions et à saisir les représentations des acteurs à leur sujet. Le second temps entendait analyser les raisons et les vecteurs de ces évolutions. Outre la mobilisation de sources bibliographiques, trois outils ont servi à recueillir des données. Un questionnaire adressé en ligne aux membres des différentes sections du CNU et aux EC en poste dans cinq établissements (aux tailles, localisations et statuts variés), à l’exception de ceux du domaine de la santé [1] a permis de travailler sur 684 réponses complètes reçues. Des entretiens semi-directifs (de 30 à 90 minutes) ont ensuite été menés avec 108 répondants au questionnaire, avec 5 présidents ou vice-présidents d’université (en poste au moment de l’échange) et avec des représentants de 6 syndicats (SNESup, SNESup école émancipée, CFDT, CGT, FO et Sud) [2]. Des résultats provisoires ont enfin été discutés au cours de 7 séminaires réunissant des EC dans le but d’alimenter la réflexion et l’analyse finale. Le livre Enseignants-chercheurs. Un grand corps malade (Bord de l’eau, 2025) rend compte de façon détaillée des résultats de cette recherche.

    On montrera d’abord comment la mise en œuvre des principes du nouveau management public (#NMP) dans l’ESR a entraîné simultanément un alourdissement et un appauvrissement des tâches d’enseignement, de recherche et d’administration incombant aux EC. On abordera ensuite les effets de #surcharge et de #débordements du travail que produisent ces transformations du travail des EC ainsi que les impacts que cela engendre sur leur #moral, leur #engagement et leur #santé.

    Le travail des EC alourdi et appauvri sous l’effet de la #néo-libéralisation et du NMP

    La #néo-managérialisation de l’ESR a démarré dans les années 1990, sans qu’il s’agisse d’une #rupture absolue avec une #université qui aurait jusque-là échappé aux logiques capitalistes dominantes. Parlons plutôt d’une évolution marquée par l’adoption et l’adaptation des principes du néolibéralisme. Promus par la Société du Mont Pèlerin fondée en 1947, puis mis en œuvre à partir des années 1980 (par Thatcher et Reagan), ces principes prônent une réduction des missions et des coûts des services publics s’appuyant sur une gestion comparable à celle des entreprises privées. Il s’agit de rationaliser leur organisation et de réduire leurs budgets, d’instaurer une mise en concurrence interne (entre établissements, départements, équipes et collègues) et externe (avec des organisations privées fournissant des services de même nature), de viser leur rentabilité et de mesurer leur performance. Cela a conduit à favoriser le fonctionnement en mode projet, la diversification des financements en valorisant les #PPP (partenariats public/privé), l’évaluation sur #indicateurs_quantitatifs, les #regroupements… Les objectifs fixés étant l’#efficacité plutôt que l’#équité, l’#efficience plus que l’#utilité_sociale, la #rentabilité avant la qualité de service.

    Ce programme s’applique donc dans l’ESR français à partir des années 1990. En 1998, le #rapport_Attali « Pour un système européen d’enseignement supérieur » répond à une commande de #Claude_Allègre (ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie de 1997 à 2000) qui entend « instiller l’#esprit_d’entreprise dans le système éducatif » (Les Échos, 3 février 1998), une #orientation qui constitue une injonction à visée performative. Dans les établissements, et notamment les #universités_publiques, cette orientation va être conduite par des équipes comptant de plus en plus de technocrates et de managers formés et rompus à l’exercice du NMP qui entendent faire fonctionner une logique inscrite dans la droite ligne du « processus de production, de diffusion et de légitimation des idées néo-managériales en France depuis les années 1970 [3] »

    Le rapport Attali propose un cadre européen inspiré d’orientations de l’OCDE. Lors de la célébration du 800e anniversaire de la Sorbonne, toujours en 1998, les dirigeants français, allemand, britannique et italien lancent un appel pour « un cadre commun de référence visant à améliorer la lisibilité des diplômes, à faciliter la mobilité des étudiants ainsi que leur employabilité ». Dès 1999, 25 autres pays européens signent cet appel et donnent naissance au « #processus_de_Bologne » destiné à créer un Espace européen de l’enseignement supérieur avant 2010. En mars 2000, l’Union européenne rejoint ce projet, qui débouche sur la #stratégie_de_Lisbonne proposant de créer un « #marché_de_la_recherche ». C’est dans ce contexte qu’intervient la #bureaucratisation_néolibérale de l’ESR français qui va transformer la « #gouvernance » de l’ESR, ainsi que le travail et les conditions de travail de ses salariés, dont celles des EC.

    Parallèlement à la dégradation des #taux_d’encadrement (notamment en licence [4], avec des variations entre disciplines et établissements) et aux baisses d’effectifs et de qualification des personnels d’appui, les EC assument des tâches liées à l’enseignement de plus en plus nombreuses, diverses et complexes. Il s’agit notamment d’un travail d’#ingénierie_pédagogique de plus en plus prenant, d’une coordination de plus en plus fréquente d’équipes pédagogiques comprenant des précaires en nombre croissant (dont ils doivent aussi assurer le recrutement et le suivi), de réponses aux injonctions à la « #professionnalisation » (impliquant de faire évoluer les contenus de formation, en réécrivant les maquettes de diplôme en « compétences » [5], en multipliant le nombre de #stages à encadrer et en travaillant sur les #projets_professionnels des étudiants), d’une #complexification de l’#évaluation des étudiants due à la #semestrialisation, à des délais de correction raccourcis, à la « #concurrence » du web et désormais de l’IA et d’une prise en charge d’activités de #marketing et de #communication destinées à vanter, voire à « vendre », les diplômes, les parcours, l’établissement.

    - « On subit une accumulation de #micro-tâches, qui devient chronophage même si c’est souvent des bonnes idées. Par exemple, l’université nous demande de présenter les masters en faisant venir d’anciens étudiants, ce qu’on fait déjà deux fois pour les étudiants de L3 et aux journées portes ouvertes. Ils nous demandent de faire une présentation de plus pour diffuser plus largement sur des plateformes et toucher un public plus large. […] Autre exemple, on nous demande de refaire un point sur les capacités d’accueil de nos masters, et il faut refaire le travail. […] En fait, toute l’année on nous demande des #petits_trucs comme ça. » (PU en sciences de l’éducation et de la formation, en université).

    Une même dynamique opère du côté de la recherche, les activités sont aussi accrues et diversifiées dans un contexte de raréfaction des personnels d’appui, notamment en lien avec la #concurrence aiguisée entre chercheurs, entre labos, entre UFR, entre établissements. Cette évolution c’est aussi la baisse des #budgets_récurrents et la chasse aux #financements, en répondant à des #appels_à_projets émanant de institutions publiques (ANR, ministères, UE) ou d’acteurs privés, la course aux #publications dans les revues classées, en anglais pour certaines disciplines, la multiplication des #évaluations par les établissements, les agences (AÉRES puis #HCÉRES…), les tutelles, le ministère, l’œil rivé sur les classements, notamment celui de Shanghai.

    - « Une partie du temps, on est plus en train de chercher des budgets et de faire du #reporting que de faire la recherche elle-même. Sans compter qu’il faut publier pour être valorisé. Il y a des collègues dont on se demande ce qu’ils publient, parce que leur temps de recherche en fait, c’est du temps d’écriture, mais on ne sait pas sur quoi. » (PU en civilisation américaine en université).
    - « Si on regarde les laboratoires, il y a beaucoup de chercheurs et peu de personnels associés. Nécessairement, les EC doivent faire face à plus de tâches administratives. Et d’autre part, il y a des choses qui ont été formatées, il faut remplir des fichiers, des indicateurs, cela fait beaucoup de tâches administratives à réaliser. » (PU en électronique en IUT).

    À cela s’ajoutent les activités de sélection, de recrutement et de management des étudiants et des doctorants sur des plateformes aux performances discutables (#ParcoursPlus, #Mon_master, Adum), des ATER, des postdocs et des enseignants vacataires et contractuels, ainsi que de titulaires lorsqu’il faut siéger en comité de sélection quand des postes de MCF et PU (Professeur d’Université) sont ouverts. Il faut ici souligner la #surcharge spécifique pesant sur les #femmes, notamment PU, compte tenu des règles de parité (un COS doit compter au moins de 40% de membres de chacun des deux genres) et des inégalités de #genre dans les carrières [ 7].

    Les EC doivent aussi prendre en charge des activités d’information, d’évaluation et de valorisation à destination de divers instances et organismes, dans des délais souvent courts, au moyen d’outils numériques plus ou moins fiables et compatibles. Ces comptes à rendre portent en particulier sur la qualité des cursus, les débouchés professionnels et les taux d’insertion des diplômés, les coûts en heures et en masse salariale des cours, des TD et des TP, les résultats en termes de présence aux examens, de notes, de diplômés, d’abandons en cours de cursus…

    – « Je me sens être très gestionnaire, animatrice, gentille organisatrice une grande partie de mon temps. C’est quelque chose que je n’avais pas du tout anticipé en entrant dans ce métier, parce que je ne pensais pas avoir autant de #charges_administratives. […] Dès la 3è année après mon recrutement, j’étais directrice des études, à faire des emplois du temps, recruter des vacataires, travailler un petit peu le contenu de leurs interventions, mais je devais surtout faire des RH, essayer que ça convienne à chacun, récupérer les papiers qu’on lui demandait pour qu’il soit payé, etc. » (MCF en sociologie en IUT).

    On a ainsi assisté à un double mouvement d’alourdissement er d’appauvrissement du travail des EC sous les effets combinés des injonctions à la professionnalisation (la #loi-LRU de 2007 a ajouté « l’orientation et l’insertion » aux missions de l’ESR) et aux attentes des tutelles en la matière ainsi que des normes budgétaires strictes et des critères « d’#excellence » qui concrétisent l’essor des logiques et des modes de gestion du NMP et la #managérialisation de l’ESR (comparable à ce qu’a connu l’Hôpital,). Il en découle un ressenti fréquent de #perte_de_sens et un #malaise profond.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du #sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. »(MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).
    - « Quand j’ai démarré au début des années 2000, j’avais l’impression d’être en phase avec mon travail et peut-être plusieurs de mes collègues aussi. J’ai l’impression qu’il y avait une sorte de vision collective partagée. Cette vision collective partagée, je la sens moins parce que je sens des #découragements, je sens des #lassitudes. Le partage de la mission de chercheur, c’est plus compliqué et le partage de la vision de la mission d’enseignement pour moi, elle est galvaudée. » (MCF HDR en chimie en université).

    Le #moral et la santé des EC pâtissent des #surcharges et débordements vécus par les EC.

    La détérioration des situations de travail vécue par les EC produit des effets à la fois sur leur état moral, leur #engagement_professionnel et leur état de santé. Les surcharges combinées au sentiment de ne plus pouvoir faire leur travail correctement sont à l’origine de nombreuses #souffrances. Leur travail a été peu à peu alourdi par une accumulation de tâches dont une partie tient à la #procédurisation qui concrétise « la #bureaucratisation_néolibérale ». Cela nourrit un important « #travail_caché », invisibilisé et non rémunéré, qui conduit à la fois à accroître et à hacher l’activité.

    Il en découle des #surcharges_temporelles (extension de la durée du travail professionnel), des #surcharges_mentales (dues à l’accumulation de sujets et de préoccupations) et des #surcharges_cognitives (liées aux changements récurrents de registres d’activité).

    - « L’université française s’écroulerait si nous ne consentions pas à faire un travail parfois considérable gratuitement ou presque. » (PU en langue et civilisation)

    L’#intensification_du_travail qui passe par un accroissement du travail invisible, ou plus justement invisibilisé, des EC, implique des débordements fréquents de leur vie professionnelle sur leur #vie_personnelle (aussi bien du point de vue du temps que de celui des lieux). Ce phénomène a été aggravé par l’usage d’outils (téléphone mobile, micro-ordinateur, tablette) et de dispositifs techniques (mails, réunions et cours à distance, remontées de datas, recherches sur le web) qui favorise le travail en tout lieu et à tout moment, et donc le brouillage des frontières entre travail et hors-travail.

    - « Je pense que tous les collègues font un peu comme moi, le temps d’écriture des articles est pris surtout sur le samedi et le dimanche, donc sur le temps personnel, en fait. Parfois, les conjoints ont du mal à s’y faire, mais moi non, mon conjoint est un chercheur. Globalement, on travaille tous les jours. Sinon, ça ne passe pas. Ou alors, on ne fait que de l’enseignement et on écrit un article par an. » (PU en histoire du droit en université).

    Le débordement temporel et spatial est un fait massif difficile à mesurer pour les EC car ceux-ci, comme tous les enseignants, ont toujours travaillé à la fois sur leur lieu de travail et à leur domicile ou en vacances (pour préparer des cours, corriger des copies et des mémoires, lire et écrire des travaux scientifiques, tenir des RV et réunions à distance).

    La porosité des frontières entre lieux de travail et de vie, entre temps de travail et hors-travail est ambivalente. D’un côté, elle permet aux EC de choisir où et quand ils travaillent, à l’inverse de la plupart des salariés. Cette souplesse d’organisation procure un sentiment de liberté, et une liberté réelle, qui facilite la conciliation entre obligations professionnelles et activités personnelles, domestiques, familiales. Mais, c’est aussi un piège qui met en péril la vie personnelle et familiale en impliquant une absence de limite aux temps et aux espaces consacrés au travail. Ce risque est d’autant plus grand que ce sont souvent les activités de recherche (à la fois les plus appréciées et les plus empêchées au quotidien) qui trouvent place en dehors des lieux et temps de travail. Beaucoup d’EC en viennent alors à accepter, voire à rechercher, ces débordements du travail pour retrouver le plaisir de faire ce qu’ils aiment dans un contexte plus favorable qu’au bureau (environnement calme et agréable) et à l’abri de sollicitations multiples (passages, appels téléphoniques, mails urgents, etc.). Ne peut-on évoquer ici une forme d’#aliénation, voire de « #servitude_volontaire » ? Cela rappelle ce que différentes enquêtes ont montré chez des cadres du secteur privé qui, en travaillant chez eux, y compris le soir, le week-end ou en congé, retrouvent comme ils le disent une « certaine continuité temporelle » et un « cadre spatial favorable à la #concentration ».

    - « Il faut avoir le #temps de faire sa recherche, on est dans une espèce de course à l’échalote permanente. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, je ne veux pas cracher dans la soupe, j’ai pu travailler sur ce que je veux, et après à moi de trouver de l’argent. Mais, c’est un métier où ça peut être très dangereux si on ne trouve pas son équilibre. Moi, ça m’a coûté certaines choses au niveau personnel [un divorce !] parce qu’il est arrivé un moment donné où je ne dormais plus la nuit parce que je voyais tout ce que je n’avais pas eu le temps de faire. J’ai eu besoin de faire un travail sur moi pour me ressaisir et me dire que si je n’avais pas fait ça ou ça, ce n’était pas si grave, personne n’est mort à cause de ça, on se détend. J’ai eu de la chance, j’ai refait ma vie avec quelqu’un qui est professeure des écoles donc avec un rythme peu différent ». (MCF en chimie en université).

    Les inégalités de prise en charge des tâches domestiques, familiales et éducatives entre femmes et hommes, auxquelles n’échappent pas les EC, conduisent à exposer de nombreuses EC à des difficultés spécifiques (contribuant aux inégalités de déroulement de carrière à leur détriment), d’autant que la façon d’exercer le métier, de gérer les relations avec les étudiants et de prendre des responsabilités est aussi marquée par des différences de genre.

    – « Cette intensification du temps de travail s’est encore accrue au moment de mon passage PU, avec certains moments de l’année où pour pouvoir conduire mon activité et honorer mes engagements professionnels, je dois sacrifier tous mes week-ends sur une longue période. […] Il me semble que cette intensification tient aussi à une division sexuée du travail présente dans nos composantes : nombre de mes collègues hommes ayant longtemps refusé de prendre des responsabilités, en tous les cas les responsabilités chronophages et peu qualifiantes dans les CV ». (MCF en communication).
    – « Les femmes sont plus touchées que les hommes car elles assument les responsabilités de care pour les étudiants mais aussi pour leurs proches descendants ou ascendants de manière très déséquilibrée par rapport aux hommes. La charge mentale des femmes EC est très lourde. Concilier maternité et ESR (et donc espérer voir évoluer sa carrière) est mission impossible sauf pour celles qui ont un conjoint ou un réseau personnel sur lesquels s’appuyer. L’explosion des publications émanant d’EC masculins pendant la pandémie en est un bon exemple ». (MCF en anglais).

    Ces débordements s’inscrivant dans un contexte de dégradation de la qualité du travail et des conditions de sa réalisation contribuent à nourrir un sentiment d’#insatisfaction. C’est aussi de la #désillusion et diverses #souffrances_morales mais aussi physiques qui découlent de cette combinaison mortifère entre surcharges, débordements et insatisfaction.

    - « Moi, j’ai beaucoup de désillusions sur mon métier. Beaucoup d’#amertume, en fait. […] Quand on est enseignant-chercheur, on démarre, on est à fond, on en veut, etc. On a plein d’envies, on a plein d’ambition, puis on arrive dans la réalité et on prend un gros coup dans la figure et ça t’arrête net. Parce qu’on te colle tout de suite une responsabilité. […] Et tout ça pour un salaire de m… ! […] Moi je trouve que former des gens comme on les forme pour faire ça, c’est du gâchis franchement. » (Vice-présidente d’une université en poste).

    Ce qui mine et fait mal, comme l’évoquent de nombreux EC quand ils décrivent l’évolution de leur métier, c’est en particulier l’impression de devoir travailler toujours plus avec toujours moins de moyens disponibles, et donc pour un résultat dégradé ; ils ont le sentiment d’un « #travail_empêché » (comme le nomme Yves Clot) parce qu’ils se sentent empêchés de faire un travail de qualité comme ils savent et voudraient le faire ; ils ont des doutes sur la réalité de ce qu’ils font par rapport à ce qu’ils attendent de leur travail et ce qu’ils pensent que doit être le #service_public.

    Beaucoup des EC interrogés durant l’enquête se demandent ce qu’est devenu leur travail, quel sens ils peuvent encore lui donner et quel avenir attend l’université (et plus largement l’ESR). Si la plupart acceptent que le cœur de leur métier dépasse largement les seules activités de base d’enseignement et de recherche, ils doutent de plus en plus de pouvoir faire ce métier, auquel ils sont attachés, dans les règles de l’art telles qu’ils les conçoivent, et en particulier avec l’attention requise et les résultats voulus.

    - « Je pense que le métier d’enseignant-chercheur au-delà des 35 heures, ce n’est pas trop quelque chose de nouveau. Un chercheur, je pense qu’il a toujours beaucoup travaillé le soir. Mais peut-être que maintenant, on n’arrive plus à trouver le temps de tout faire ce qu’on nous demande. Et peut-être que ça, c’est nouveau ». (PU en biologie en IUT).
    – « J’ai vraiment du mal à croire qu’on puisse faire les trois choses ensemble. C’est-à-dire à la fois avoir une activité de recherche de haut niveau, avoir un investissement dans l’enseignement qui permet, enfin selon le critère qui est le mien, de renouveler ses cours extrêmement régulièrement pour ne pas se répéter, et en plus avoir des fonctions administratives ». (MCF en histoire en université).

    Cela fait émerger des questions majeures : à quoi et à qui sert aujourd’hui le travail des EC ? Sont-ils en mesure de réaliser des enseignements et des recherches de qualité ? Que devient le service public de l’ESR ? Ces questionnements rejoignent les trois dimensions majeures du sens du travail énoncées : son utilité vis-à-vis de ses destinataires, le respect de leurs valeurs éthiques et professionnelles, et le développement de leurs capacités.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. » (MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).

    Les différentes évolutions que nous venons de décrire peuvent s’interpréter comme les signes d’un risque de #déprofessionnalisation, un processus à la fois lent et peu visible prenant la forme d’une remise en cause ce qui fonde leurs « gestes professionnels » et de leur #identité_professionnelle ». Ce dont on parle ici ne concerne pas seulement tel ou tel individu, mais le groupe professionnel des EC à travers trois aspects.

    Le premier élément est une déqualification liée au fait que les EC sont de plus en plus souvent chargés de tâches ne correspondant ni au contenu, ni au niveau de leurs savoirs et de leurs objectifs. La deuxième dimension concerne la perte d’#autonomie à rebours de la #liberté_académique et de l’autonomie affirmées dans les textes. Le troisième aspect est le sentiment massivement exprimé durant l’enquête de l’#inutilité d’une part croissante du travail réalisé par rapport à ce que les EC voudraient apporter à leurs étudiants, et plus largement à la société qui finance leurs salaires, ce qui touche au cœur de l’identité fondant leur profession.

    La managérialisation de l’ESR alimente ce risque de déprofessionnalisation en enrôlant les EC dans les évolutions de leur travail et de leurs conditions de travail qui leur déplaisent, en les conduisant à faire - et pour ceux qui ont des responsabilités à faire faire à leurs collègues - ce qui les fait souffrir et que, pour partie, ils désapprouvent. C’est sans doute une des réussites du NMP que d’obtenir cette mobilisation subjective, comme la nomme la sociologue Danièle Linhart.

    La question de la déprofessionnalisation des EC mérite sans aucun doute d’être approfondie en termes de causes, de manifestations et d’effets. En l’état actuel de l’analyse, c’est une hypothèse à creuser dans le cadre d’un questionnement sur les impacts - et l’efficience - des modes de gestion impulsés par le nouveau management public et la bureaucratisation néolibérale.

    Si cette enquête ne suffit évidemment pas à établir un diagnostic global sur la santé des EC, elle permet néanmoins de mettre à jour des réalités peu connues et alarmantes. Ainsi, le terme épuisement est souvent revenu : il est employé spontanément par 45 répondants au questionnaire (dont 31 femmes). Il est évoqué 10 fois en réponse à la question : « Rencontrez-vous ou avez-vous rencontré des difficultés pour concilier vos différents activités professionnelles (enseignement, recherche, tâches administratives) ? Si oui, lesquelles ? ». Le stress, lui, est explicitement abordé dans 35 réponses (29 femmes) sans compter celles qui parlent du stress des étudiants et des Biatss. 17 répondants (dont 13 femmes) parlent de burn-out. Dans 7 de ces 17 cas, les répondants témoignent de burn-out subi par eux-mêmes ou par un membre de leur équipe au cours des dernières années. Les autres évoquent le risque ou la peur d’en arriver là. Les deux verbatims suivants illustrent l’importance de cette question.

    – « Il y a 20 ans, les réunions pouvaient durer 1 heure, 1 heure et demie. Aujourd’hui, il n’y a pas une réunion du CHSCT qui dure moins de 3 ou 4 heures. Parce qu’il y a un nombre incroyable de remontées au niveau des enseignants-chercheurs. […] Dans notre département, il y a eu pas moins de trois burn-out cette année, avec des arrêts maladie, des demandes de collègues de se mettre à mi-temps. » (PU, élu CGT).
    – « Je pense qu’il faut faire très, très attention. On est sur un fil raide. Ça peut basculer d’un côté comme de l’autre. Et je pense qu’on doit arrêter un peu le rythme, les gens sont fatigués, épuisés, donc il faut qu’on trouve un moyen de minimiser un peu les appels à projets. C’est sur ça qu’on se bat. Les garder, mais en faire moins. […] Bien sûr qu’on manque de moyens et bien sûr qu’il faut qu’on fasse comprendre à notre fichu pays que l’enseignement supérieur et la recherche, c’est un investissement. Je crois à ça profondément. » (Présidente d’une université en poste au moment de l’entretien).

    Pour conclure

    La profession des EC ressent assez largement un #malaise mettant en cause leur activité, voire leur carrière. Face à cela, la plupart des réponses sont aujourd’hui individuelles, elles passent pour certains par différentes formes de #surengagement (débouchant parfois sur du #stress, des #dépressions ou du #burn-out), pour d’autres (et parfois les mêmes à d’autres moments de leur carrière) à des variantes de désengagement (vis-à-vis de certaines tâches) pouvant aller jusqu’à diverses voies d’Exit (mises en disponibilité, départs en retraite avant l’âge limite, démissions très difficiles à quantifier). Les solutions collectives ont été assez décrédibilisées, notamment après l’échec du mouvement anti-LRU. De nouvelles pistes restent à imaginer et à construire pour ne pas continuer à subir les méfaits de la néo-libéralisation de l’ESR et trouver des alternatives aux dégradations en cours.

    [1] La situation des MCF-PH et des PU-PH à la fois EC à l’université et praticiens en milieu hospitalier étant très particulière.

    [2] Les verbatims présentés dans cette communication sont extraits des réponses au questionnaire ou des entretiens.

    [3] Bezès P. (2012). « État, experts et savoirs néo-managériaux, les producteurs et diffuseur du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en Sciences Sociales, n° 3, p. 18.

    [4] La massification de l’accès au bac s’est traduite par une très forte hausse du nombre d’élèves et étudiants inscrits dans l’ESR. Sur les 4 dernière décennies, ce nombre a plus que doublé en passant d’un peu moins de 1,2 million (à la rentrée 1980) à près de 2,8 millions (à la rentrée 2020). Le nombre d’EC n’a pas suivi !

    [5] Les diplômes universitaires doivent désormais figurer dans le Répertoire national des certifications professionnelles (le RNCP) conçu dans la logique des compétences.

    [6] Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé de l’enseignement supérieur.

    [7] En dépit des principes d’égalité professionnelle, les femmes sont infériorisées dans l’ESR. Parmi les MCF, seul le domaine droit, science politique, économie et gestion (DSPEG) est à parité avec 51% de femmes et 49% d’hommes. Les femmes sont sur-représentées (58%) en Lettres, Langues et Sciences humaines (LLSH) et sous-représentées (34%) en Sciences et Techniques (ST). Du côté des PU, les femmes sont 29% (contre 45% parmi les MCF) même si ce pourcentage a augmenté ces dernières années. Les femmes sont minoritaires parmi les PU dans les trois domaines, y compris là où elles sont majoritaires parmi les MCF : elles sont 36% en DSPEG, 45% en LLSH et 21% en ST. Et les écarts de statut ne sont pas les seules inégalités de genre entre EC.

    https://blogs.alternatives-economiques.fr/les-economistes-atterres/2025/06/17/crise-de-l-esr-contribution-2-la-profession-d-enseign
    #ESR #enseignement #recherche #new_public_management

  • Après la calamiteuse privatisation du rail britannique, le train revient dans le giron public | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/apres-calamiteuse-privatisation-rail-britannique-train-revient-l/00114734

    D’ici 2027, les compagnies ferroviaires anglaises privées vont toutes être renationalisées. La fin de trente années de privatisation du rail outre-Manche à l’impact économique désastreux.

    Après 30 ans à ne rien entretenir et à faire des bénéfices, le privé se retire, afin de laisser l’état tout remettre en état et rendre le marché à nouveau profitable, pour la prochaine vague de privatisation.

  • #France_Travail : des #robots pour contrôler les chômeurs·euses et les personnes au #RSA

    France Travail déploie actuellement des robots visant à automatiser et massifier le contrôle des personnes inscrites à France Travail. Depuis le 1 janvier 2025, cela inclut également les personnes au RSA. Il s’agit d’une nouvelle étape du dangereux projet de #gestion_algorithmique des personnes sans-emplois, porté par le directeur général de France Travail, #Thibaut_Guilluy. Retour sur le contexte de cette mise en place et ses implications sociales.

    Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, les #contrôles réalisés par France Travail sont passés de moins de 200 000 en 2017 à plus de 600 000 en 2024. Il y a tout juste un an, l’exécutif surenchérissait et fixait à l’institution un objectif de 1,5 million de contrôles en 20271.

    Parallèlement était votée, en décembre 2023, la loi dite « #Plein_Emploi », entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Cette dernière vient modifier en profondeur les modalités du contrôle des personnes sans-emplois via deux mesures phares. La première est l’extension du pouvoir de contrôle et de #sanctions des personnes au RSA par France Travail. La seconde concerne l’obligation pour toute personne suivie par France Travail – qu’elle soit au RSA ou au chômage – de réaliser 15 « heures d’activité » hebdomadaires sous peine de sanctions.

    C’est dans ce contexte que France Travail déploie actuellement une refonte de son processus de contrôle. Dénommée « #Contrôle_de_la_Recherche_d’Emploi_rénové » (ou « #CRE_rénové »), elle vise tant à « arriver à mettre en oeuvre 1,5 million de contrôles […] à l’horizon 2027 » qu’à prendre en compte les « évolutions introduites par la loi “Plein Emploi” »2.

    #Automatisation et #massification des contrôles

    Pour atteindre l’objectif de massification des contrôles, France Travail mise sur l’automatisation3. Début 2025, ses dirigeant·es ont ainsi annoncé que le « CRE rénové » s’accompagnerait du déploiement de « robot[s] d’aide à l’analyse du dossier » destinés à assister la personne en charge du contrôle. L’objectif affiché est de réaliser des « gains de productivité » permettant de réduire la durée d’un contrôle pour pouvoir alors les multiplier à moindre coût4.

    Pour ce faire, ces « robots » ont pour tâche de classer les personnes ayant été sélectionnées pour un contrôle selon différents degrés de « #suspicion »5 afin de guider le travail du contrôleur ou de la contrôleuse. Concrètement, ils réalisent un #profilage_algorithmique de la personne contrôlée sur la base de l’analyse des #données_personnelles détenues par France Travail.

    Ce #profilage prend la forme d’une #classification en trois niveaux : « #clôture » (pas de suspicion), « #clôture_potentielle » (suspicion moyenne) ou « #contrôle_potentiel » (suspicion forte)6. Ce résultat est alors transmis, en amont du contrôle, au contrôleur ou à la contrôleuse afin de l’inciter à se concentrer sur les dossiers considérés comme suspects par l’#algorithme, tout en clôturant rapidement le contrôle pour les autres.

    France Travail se réfugie dans l’#opacité

    À travers notre campagne France Contrôle, nous avons déjà parlé de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la première à se lancer dans ce contrôle algorithmique des populations. Le fait qu’elle soit rejointe par France Travail démontre une fois de plus pourquoi il est fondamental de s’opposer, par principe, à l’usage d’algorithmes de profilage à des fins de contrôle. Mais également d’exiger la transparence autour du fonctionnement de ces algorithmes, afin de mieux pouvoir les combattre tant politiquement que juridiquement.

    Dans le cas présent, cette transparence est d’autant plus importante que l’objectif d’un contrôle de la #recherche_d’emploi – « une appréciation globale des #manquements [de la personne contrôlée] afin de sanctionner un comportement général »7 – est très flou et propice à l’#arbitraire. L’analyse du #code de l’algorithme pourrait aussi appuyer un combat juridique, tel que l’actuel contentieux contre la CNAF.

    Mais sur le sujet des « robots » de contrôle – comme sur beaucoup d’autres8 – la direction de France Travail se refuse à toute transparence. Son directeur est allé jusqu’à déclarer à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) « qu’aucun algorithme n’est utilisé dans le cadre du « CRE rénové » […] » suite à la saisine déposée par des journalistes de Cash Investigation ayant travaillé sur ce sujet9.

    Un profilage policier

    En l’absence de transparence sur le fonctionnement de ces « robots », nous ne pouvons qu’avancer quelques hypothèses sur le fonctionnement du profilage algorithmique. Côté technique, la direction de France Travail a déclaré que le « robot » n’était pas basé sur de l’intelligence artificielle, sans toutefois exclure qu’il puisse l’être à l’avenir10. En conséquence, le profilage serait le résultat d’opérations algorithmiques simples issues de la combinaison de différents critères construits à partir des données personnelles détenues par France Travail11.

    Quant à la nature de ces critères, des pistes sont données par un document distribué aux équipes de contrôle de France Travail il y a quelques mois. Assumant pleinement un discours policier, la direction de France Travail y présente une « grille d’analyse » venant préciser le « niveau d’importance » de différents « indices » permettant de caractériser les « manquements » des personnes contrôlées.

    Parmi ces éléments, notons notamment l’absence de périodes récentes de travail ou de formation, l’absence de mobilisation des outils numériques mis à disposition par France Travail (offres, CV ou carte de visite en ligne), l’absence de contact avec son ou sa conseiller·ère, les résultats des derniers contrôles de recherche d’emploi, l’absence de candidatures envoyées via le site de France Travail ou encore le non-respect des 15 « heures d’activité » prévue par la loi « Plein Emploi ».

    Tout indique que ce travail de #rationalisation du processus de contrôle aurait servi de base à la construction du « robot » lui-même. En effet, en plus du résultat du profilage, le « robot » fait remonter au contrôleur ou à la contrôleuse une liste d’éléments issus de cette grille. Ces remontées permettent alors à la personne en charge du contrôle d’apprécier la décision de classification du « robot », sans pour autant qu’il ou elle ait accès à ses règles de fonctionnement précises.
    Automatisation et violence institutionnelle

    Le déploiement d’algorithmes de profilage à des fins de contrôle participe activement à la politique de #répression et à la #paupérisation des personnes sans-emplois. La massification des contrôles à laquelle contribue ce processus d’automatisation entraîne mécaniquement une hausse du nombre de sanctions et de pertes de #droits associé·es.

    Ainsi, d’après les documents de France Travail, 17% en moyenne des contrôles aboutissent à une radiation12. Dans l’hypothèse où ce taux resterait constant, l’augmentation de 500 000 à 1,5 million de contrôles par an implique que le nombre de radiations associées passerait d’environ 85 000 aujourd’hui à 255 000 en 202713. Ajoutons que l’impact des contrôles n’est pas le même pour toutes et tous : d’après les chiffres disponibles, les personnes n’ayant pas le bac ou étant au RSA sont sur-représentées parmi les personnes radiées suite à un contrôle14. L’automatisation des contrôles est donc une manière d’écarter les plus précaires de France Travail.

    Notons enfin, comme le rappellent cinq chercheurs et chercheuses dans le livre Chômeurs, vos papiers !15, qu’aucun travail scientifique ne vient valider le récit mis en avant par nos dirigeant·es selon lequel les contrôles favoriseraient la reprise d’emploi. Cette hypocrisie politique n’a pour fondement qu’une vision stigmatisante et infantilisante des personnes sans-emplois, visant à nier toute responsabilité collective vis-à-vis du chômage de masse et à le réduire à une problématique individuelle.

    À l’inverse, ajoutent les auteurs·ices, les effets négatifs des contrôles sont largement documentés. En plaçant les personnes contrôlées dans une situation humiliante – « où au stigmate de l’assisté s’ajoute celui du tricheur »16 – s’accompagnant de lourdes démarches de justification, ils induisent un effet dissuasif vis-à-vis de l’accès aux droits. En retour, ils contribuent à l’augmentation du non-recours, dont le taux est estimé à plus de 25% pour l’assurance chômage et à 30% pour le RSA17. À ceci s’ajoute le fait qu’il plonge dans la précarité celles et ceux contraints·es à accepter des postes pénibles, sous-payés et précaires.

    Loi « Plein Emploi » : des contrôles aux effets démultipliés

    Tout ceci est d’autant plus inquiétant à l’heure où entre en vigueur la loi « Plein Emploi », qui vient renforcer l’impact et le champ des contrôles réalisés par France Travail.

    En premier lieu via l’instauration d’une obligation de 15 « heures d’activité » pour toute personne sans-emploi18. À la violence qu’elle entraîne en termes de niveau de contrôle et d’intrusion dans la vie privée des personnes contrôlées, cette mesure conjugue une contrainte administrative extrêmement lourde de par la difficulté que chacun·e aura pour justifier ces heures. Elle vient ainsi considérablement renforcer l’arbitraire des contrôles et, de fait, les pouvoirs de répression de France Travail. Si la difficulté qu’il y aura à (faire) respecter cette mesure pourrait la faire paraître presque illusoire, notons cependant que France Travail développe déjà un agenda partagé entre personne sans-emploi et conseiller·ère, c’est-à-dire un outil numérique dédié au contrôle de ces « heures d’activité ».

    En second lieu, parce que la loi « Plein Emploi » vient étendre les prérogatives de contrôle de France Travail sur les personnes au RSA19. Jusqu’alors, les sanctions relatives au RSA relevaient de la compétence du département et le retrait de son bénéfice nécessitait le passage devant une commission pluridisciplinaire dédiée. Via les « suspensions-remobilisations »20, la loi « Plein Emploi » a désormais introduit la possibilité pour les départements de déléguer à France Travail la compétence de suspension du RSA. Dans ce cas, France Travail pourra suspendre le RSA d’une personne à la suite d’un contrôle de manière unilatérale et sans que l’avis d’une commission de contrôle de la suspension soit nécessaire.
    Face au contrôle algorithmique, lutter

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, la contestation monte de toute part contre le renforcement des contrôles à France Travail.

    Du Défenseur des Droits à la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), en passant par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion (CNLE), l’ensemble des institutions de lutte contre la pauvreté critiquent vertement la loi « Plein Emploi » et ses velléités autoritaires21.

    De leur côté les associations de lutte contre la précarité se regroupent et dénoncent une réforme « inhumaine, injuste et inefficace », tandis que sur le terrain, les premier·ères concernées s’organisent. En Bretagne, le Conseil départemental du Finistère a ainsi été occupé par des personnes réunies en « Assemblée Générale contre la réforme du Rsa-france-travail »22.

    Devant la multiplication des oppositions et la diversité des modes d’actions, nous appelons toutes celles et ceux qui refusent la destruction de notre système de protection sociale et la violence des politiques néo-libérales dont elle s’inspire à s’organiser et à rejoindre ces luttes de la manière qui leur convient le mieux.

    De notre côté, nous tâcherons d’y contribuer à travers la documentation de cette infrastructure numérique de surveillance que les dirigeant·es de France Travail mettent en place dans le cadre de la loi « Plein Emploi ». Nous appelons par ailleurs les personnes ayant connaissance des critères utilisés par les robots de contrôle à nous contacter à algos@laquadrature.net ou à déposer des documents de manière anonyme sur notre SecureDrop (voir notre page d’aide ici). Si vous le pouvez, vous pouvez nous aider en nous faisant un don.

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    References

    ↑1 Pour les chiffres de 2017, voir l’étude de Pôle Emploi « Le contrôle de la recherche d’emploi : l’impact sur le parcours des demandeurs d’emploi » disponible ici. Pour 2024, voir « Bilan du Contrôle de la recherche d’emploi » disponible ici. Pour les annonces d’Emmanuel Macron dès son arrivée au pouvoir voir cet article de 2017 et cet article de 2021. L’objectif de 1,5 million a été annnoncé par Gabriel Attal en 2024, voir cet article.
    ↑2 « Information en vue d’une consultation sur le contrôle de la recherche d’emploi rénové », Comité Social d’Entreprise Central des 9 et 10 octobre 2024, disponible ici.
    ↑3 A noter que le CRE rénové s’accompagne aussi d’une réduction des droits des personnes contrôlées afin de réduire le temps nécessaire à un contrôle. Il s’agit de mettre en place une procédure « flash » permettant de faire « l’économie de l’entretien téléphonique » et/ou de l’envoi d’un formulaire à la personne contrôlée, deux choses qui étaient systématiques jusqu’alors lors d’un CRE. En cas d’« avertissement avant sanction », la personne contrôlée disposera de 10 jours pour justifier de sa situation. Voir « Information sur le pilote du contrôle de la recherche d’emploi (CRE) rénové », Comité Social d’Entreprise Central des 13 et 14 mars 2024, disponible ici.
    ↑4 « Information sur le pilote du contrôle de la recherche d’emploi (CRE) rénové », Comité Social d’Entreprise Central (CSEC) des 13 et 14 mars 2024, disponible ici.
    ↑5 La sélection des personnes relève d’un autre traitement algorithmique. Elles sont le fruit de requêtes ciblées (métiers en tensions…) et aléatoires, de signalements agence ou encore d’« alertes automatiques » incluant désormais certains des flux provenant de la « gestion de la liste ». Voir le document « Information sur le pilote du contrôle de la recherche d’emploi (CRE) rénové », Comité Social d’Entreprise Central des 13 et 14 mars 2024, disponible ici.
    ↑6 Ces informations se basent sur des discussions avec des équipes de France Travail ayant eu accès aux résultats des profilages réalisés par les robots. Notons aussi l’existence d’une catégorie « erreur » pour les dossiers n’ayant pas pu être traités par l’algorithme.
    ↑7 « Information sur le pilote du contrôle de la recherche d’emploi (CRE) rénové », Comité Social d’Entreprise Central des 13 et 14 mars 2024, disponible ici.
    ↑8 Une grande partie de nos demandes d’accès aux documents administratifs restent sans réponse. Nous reviendrons sur ce point dans un article dédié.
    ↑9 L’avis de la CADA citant le directeur de France Travail est disponible ici.
    ↑10 Propos tenus lors du CSEC de France Travail du 22 novembre 2024.
    ↑11 On pense assez naturellement à un algorithme du type « arbre de décision ».
    ↑12 Voir le tableau 1 du document Le contrôle de la recherche d’emploi en 2023, France Travail, disponible ici. A noter que ce chiffre est passé à 20% dans les régions ayant expérimentées le CRE rénové avant sa généralisation. Voir la slide 15 de ce document présenté en Comité Social et Economique Central de France Travail le 9 octobre 2024.
    ↑13 A noter ici que l’effet de la loi « plein emploi » sur le nombre total de radiations n’est pas clair. En effet, une partie de la « gestion de la liste » – situations entraînant auparavant une radiation automatique tel que l’absence à un rendez-vous ou l’absence à formation – est transférée au CRE. Pour des statistiques sur les radiations et les sorties des personnes inscrites à France Travail est disponible ici sur le site de la DARES.
    ↑14 Voir Le contrôle de la recherche d’emploi en 2023, France Travail, tableau 2, disponible ici. Voir aussi le tableau 1 de l’étude « Le contrôle de la recherche d’emploi : l’impact sur le parcours des demandeurs d’emploi », Pôle Emploi, 2018.
    ↑15 C. Vives, L. Sigalo Santos, J.-M Pillon, V. Dubois et H. Clouet, « Chômeurs, vos papiers ! », 2023. Cet essai revient sur les aspects historiques, politiques et sociologiques du contrôle dans les politiques publiques de l’emploi. Concernant l’impact des contrôles, notons l’étude « Le contrôle de la recherche d’emploi : l’impact sur le parcours des demandeurs d’emploi » publiée par Pôle Emploi en 2018, qui ne permet pas de conclure, tels que les résultats sont présentés, à un quelconque impact statistiquement significatif du contrôle.
    ↑16 V. Dubois, « Contrôler les assistés », Chapitre 10. Voir aussi l’article de Lucie Inland disponible ici, cet article du Monde et le rapport du Défenseur des Droits « La lutte contre la fraude aux prestations sociales » disponible ici. La Fondation pour le logement des défavorisés, le Défenseur des droits et le collectif Changer de Cap ont par ailleurs collecté de nombreux témoignages décrivant la violence vécue par les allocataires lors des contrôles. Difficultés de recours, contrôles répétés, suspension automatique des prestations sociales, intrusion humiliante dans les moindres recoins de la vie privée. Nous vous invitons à lire l’ensemble de ces témoignages disponibles ici.
    ↑17 C. Hentzgen, C. Pariset, K. Savary, E.Limon, « Quantifier le non-recours à l’assurance chômage », Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques, 2022, disponible ici. Céline Marc, Mickaël Portela, Cyrine Hannafi, Rémi Le Gall , Antoine Rode et Stéphanie, Laguérodie « Quantifier le non-recours aux minima sociaux en Europe », 2022, disponible ici.
    ↑18 Le nombre « d’heures d’activités hebdomadaires » à réaliser peut être diminué en fonction des difficultés personnelles (handicap, parent isolé…). Voir l’article 2 de la loi pour le « Plein Emploi ».
    ↑19 L’obligation d’inscription concerne aussi les personnes en situation de handicap suivies par Cap Emploi et les « jeunes » accompagnés par une mission locale ayant conclu un « Parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie » ou un « contrat d’engagement jeune ». Voir l’article 1 de la loi pour le « Plein Emploi ».
    ↑20 L’article 3 de la loi pour le « Plein Emploi » prévoit notamment la possibilité pour un département de déléguer le « prononcé des mesures de suspension du versement du RSA » pour les personnes dont France Travail est l’organisme référent. L’article 2 de la même loi une coopération accrue entre France Travail. Il précise aussi que France Travail est en charge du contrôle du « Contrat d’Engagement » des personnes au RSA dont il est l’organisme référent et qu’il peut proposer au Conseil Départemental des sanctions (suspension/radiation) concernant le versement du RSA. Des précisions seront apportées par décret dont une version préliminaire a fuité dans la presse.
    ↑21 Voir notamment la déclaration de la CNCDH, l’avis du CNLE et cette étude publiée par le Secours Catholique, Aequitaz et ATD Quart Monde.
    ↑22 Voir notamment cet appel et cet article sur leur action au conseil départemental du Finistère. Vous pouvez les contacter à l’adresse ag-rsa-francetravail-brest chez riseup.net.

    https://www.laquadrature.net/2025/05/22/france-travail-des-robots-pour-controler-les-chomeurs%C2%B7euses-et-le

    #contrôle #surveillance #loi_plein_emploi #chômeurs

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    voir aussi : https://seenthis.net/messages/1116620
    ping @karine4

  • École inclusive : 67 011 personnels tirent la sonnette d’alarme
    https://resultats-inclusion.fsu-snuipp.fr

    Invités à choisir parmi 7 propositions, les participants et participantes [PE et AESH] ont majoritairement opté pour 3 mesures qui leur paraissent prioritaires pour améliorer l’école inclusive :
    – à 69.6% ouvrir davantage de places en établissements spécialisés
    – à 65.4% recruter des AESH formées avec un vrai statut
    – à 53.5 % réduire les effectifs de toutes les classes

    Perso, j’avais choisi la baisse des effectifs par classe, le développement d’équipes pluriprofessionnelles et les formations liées sur temps de travail. Il est assez hallucinant de faire le constat que 20 ans après la loi, il n’y a dans les écoles quasiment aucune compétence liée au handicap ou aux troubles du neurodéveloppement. Les profs et les aesh (quand il y en a) ne sont (quasiment) pas formés, les rased sont vides ou débordés… et il n’y a personne d’autre.

    Une majorité de collègues choisit ce que je vois comme une autre famille de réponses...

    Le snuipp a trouvé une formule pour présenter ses résultats : l’inclusion a été une réussite quantitative, mais pas qualitative. Or, pour autant que la distinction qualitatif vs. quantitatif soit pertinente, les 2 réponses majoritaires sont plutôt quantitatives : moins d’enfants scolarisés, plus d’aesh.

    La cosecrétaire du syndicat nous dit que les places en IME ne sont pas une remise en question de l’inclusion, citant le fait que des notifications pour intégrer ces structures ne sont actuellement pas satisfaites faute de place. Je ne suis pas certain qu’on puisse conclure cela, et de toute façon ça dépend de ce qu’on entend par inclusion. Y a-t-il un degré de handicap non inclusible ? La position du seuil est-elle fixe ?

    C’est pas pour minimiser le malaise énorme causé par les difficultés de l’inclusion dans les écoles, mais ces résultats sont un peu embarrassants - et on pouvait s’y attendre.

    Extrait d’un rapport de Debarbieux et Moignard pour l’Autonome de solidarité laïque en 2023 :

    C’est certainement ce qui est le plus remarquable et le plus préoccupant dans notre étude : le rejet par les professionnels censés mettre en œuvre « l’école inclusive ». Ce rejet repose sur des difficultés jugées grandissantes. Nous sommes passés d’un peu moins de 40 % en 2011 à 60 % en 2016 et désormais à 74,5 % en 2023 de répondants disant avoir connu des difficultés fréquentes ou très fréquentes avec des enfants « gravement perturbés » ou « présentant des troubles du comportement ». […] Beaucoup se réclament des valeurs de l’école inclusive, comme mission essentielle du système d’éducation, et demandent cette aide pour qu’elle soit possible. Mais une bascule idéologique dangereuse est en cours et risque de remettre en cause la possibilité même de cet accueil.

    https://www.autonome-solidarite.fr/articles/lasl-devoile-les-resultats-de-letude-sur-le-climat-scolaire-dans

  • Blackout in Spanien – #Kernkraft und #Solar als Rettung? Interview Vero Wendland

    via https://diasp.eu/p/17613872

    Prof. Dr. Christian Rieck 03.05.2025 (1 h)

    https://www.youtube.com/watch?v=ihDK1fuOM5c

    Erstmalig ist es durch „#Erneuerbare Energien“ zu einem Blackout gekommen – aber die #Kernkraftwerke haben nicht dagegen gehalten, sondern sich abgeschaltet. Mehr über #Stromnetze, #Blackoutgefahr und das Zusammenspiel von Kernkraft mit Erneuerbaren in diesem Video.

  • #Profits des sociétés d’#autoroutes : « Le Sénat avait vu juste » - Public Sénat
    https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/profits-des-societes-dautoroutes-le-senat-avait-vu-juste

    Les chiffres d’affaires des quatre principales sociétés d’autoroutes s’envolent et donnent raison aux prévisions de la commission d’enquête du #Sénat de 2020. Presque vingt ans après la #privatisation des autoroutes #françaises, les actionnaires encaissent des #surprofits colossaux. Dans un contexte d’économies drastiques, des sommes pareilles font tâche.

  • « #Permis_de_tuer » : l’#ONU admoneste la #France pour la troisième fois

    Deux propositions de loi ont été déposées, des syndicats de policiers s’élèvent contre le cadre légal flou, et en 2024, un nombre record de personnes a été tué par les balles policières. Mais ce jeudi, devant les experts du #Comité_contre_la_torture de l’ONU, la France a continué de faire la sourde oreille.

    C’est la troisième fois qu’un organe des Nations unies interpelle la France sur la loi « Cazeneuve », adoptée en 2017. Le #rapport final du Comité contre la torture (CAT) est encore attendu pour le 1er mai prochain. Mais, lors de l’examen de la France hier et aujourd’hui, les propos des experts sont exempts de toute ambiguïté. L’un d’entre eux, Jorge Contesse a estimé que « la France est devenue depuis quelques années le pays de l’Union européenne où il y a le plus grand nombre de personnes tuées ou ou blessées par des agents de la force publique ». Soulignant que les images de l’#homicide policier de Nahel Merzouk en juin 2023 ont fait « le tour du Monde », l’expert a précisé que la loi de 2017 « semble étendre le champ de la #légitime_défense au-delà du raisonnable », et rappelé que « depuis cette loi (…) le nombre de personnes tuées par la police a été multiplié par cinq ».

    Ce jeudi, la France a répondu avec aplomb, par la voix de la patronne adjointe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) : « Nous ne tombons pas du tout sur les mêmes chiffres ». Évoquant de possibles « problèmes de méthodologie », Lucille Rolland a montré une parfaite #mauvaise_foi, opposant des chiffres sur les tirs aux chiffres sur les morts par des tirs, qui sont pourtant des réalités bien différentes. L’expert avait approché le sujet de manière sérieuse. Citant le cas emblématique de #Luis_Bico, tué par la police en 2017, Jorge Contesse a demandé les mesures « d’ordre législatif, administratif ou judiciaire » prises par la France depuis la mission parlementaire conclue en mai 2024. L’expert est entré dans les détails, demandant à la France « s’il y a eu notamment des instructions de la police nationale » ou « si cela est prévu », insistant sur la notion d’« #immédiateté », insuffisamment précisée depuis la loi de 2017. La France est demeurée ambiguë sur ce point, et n’a pas répondu sur d’éventuelles évolutions du cadre légal.

    Au moins 29 morts en 2024

    Pourtant, la hausse récente du nombre de #morts_par_balle constitue un signal net que le cadre légal demeure trop imprécis. Dans son dernier rapport, l’#IGPN se félicitait du « très net retrait » du nombre de personnes tuées par balles par la police en 2023. En effet, en incluant les #tirs_mortels des #gendarmes et des #polices_municipales, le nombre total de personnes tuées par balle était de 12 cette année-là, soit moins de la moitié par rapport à 2022 (26 personnes tuées). Mais cette tendance n’a été que très passagère. 2024 constitue un nouveau et bien lamentable record : 29 personnes au moins ont été tuées par les balles de la #police_nationale, de la #gendarmerie et des polices municipales (ces dernières ont tué deux personnes en 2024). Il faudra attendre pendant de longs mois la publication des chiffres de l’IGPN et de l’IGGN pour compléter et analyser ces #données provisoires, probablement non exhaustives (voir méthodo ci-dessous). Cependant, deux tendances s’affirment d’ores et déjà : on compte au moins sept personnes tuées par la police ou la gendarmerie en #Kanaky, et de très nombreuses personnes tuées alors qu’elles tenaient à la main une arme blanche.

    Pendant quatre mois, de fin juillet à fin novembre 2023, aucun tir policier mortel ne fut à déplorer. Une accalmie rarissime : il faut remonter à l’année 2019 pour retrouver une période de 3 mois et demi sans homicide policier par balles. Comment expliquer ce répit, et la baisse notable du nombre de personnes tuées en 2023 ? Dans son dernier rapport, l’IGPN impute « l’origine directe de cette tendance » à celle des tirs sur les véhicules en mouvement. À notre connaissance, une année entière a en effet séparé l’homicide de #Nahel_Merzouk d’un nouvel homicide par balle suite à un refus d’obtempérer (celui de #Sulivan_Sauvey, en juin 2024, dans la Manche). Les révoltes d’une partie de la jeunesse à l’été 2023 auraient-elle eu une influence ? Consigne interne de modération aurait-elle été donnée ? A moins que la mise en examen de policiers (au moins 12 depuis le vote de la loi de 2017, d’après notre décompte) ait eu un effet dissuasif ?

    Les #syndicats_de_police s’en mêlent

    L’admonestation onusienne s’ajoute à celles du Comité des droits de l’Homme en octobre dernier, et du #Comité_pour_l’élimination_des_discriminations_raciales (CERD) suite à la mort de Nahel. Le #CERD « demande instamment à la France à revoir son #cadre_législatif régissant l’utilisation de la #force_létale » et se dit « préoccupé par la pratique persistante du #profilage_racial combinée à l’usage excessif de la force ». Aux côtés du Syndicat des avocats de France, de Stop aux violences d’État et de la famille de Luis Bico, Flagrant déni a notamment rappelé, dans une note aux Nations unies, que les personnes racisées ont au moins six fois plus de risques d’être tués par la police. Au total, pas moins de cinq organisations de la société civile ont alerté les experts des Nations unies sur la loi de 2017 dans le cadre de l’examen de la France.

    Ces dernières semaines, deux propositions de réforme ou d’abrogation de la loi « Cazeneuve » ont été déposées à l’Assemblée nationale, par le PS et LFI. Et en mars dernier, de nouvelles voix se sont élevées contre ce texte : celles de syndicats policiers, suite aux réquisitions du parquet dans l’affaire de l’homicide de Nahel Merzouk. Les termes sont forts : « On ne peut pas travailler comme cela, on a besoin d’un #cadre_légal clair, net et précis. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas », affirme le représentant de la CFTC. Si « la loi n’est pas adaptée » se questionne Un1té, c’est « le vrai fond du sujet […], et dans ces cas-là […] nous aussi on attend de notre administration et du législateur de prévoir, de nous dire comment on doit travailler ». Contre l’avis de ses agents, l’Intérieur, lui, continue de refuser de voir le problème.

    Méthodo

    Les données statistiques citées sont issues du comptage de Basta.media jusqu’à 2022, puis d’une revue de presse, consolidée par les informations publiées dans les rapports d’activités 2023 de l’IGPN et de l’IGGN. Les données jusqu’à 2023 sont donc complètes et fiables. Les données de 2024 sont issues d’une revue de presse mais sont incomplètes car les données officielles ne sont pas connues.

    https://blogs.mediapart.fr/flagrant-deni/blog/190425/permis-de-tuer-l-onu-admoneste-la-france-pour-la-troisieme-fois
    #violences_policières #loi_Cazeneuve #décès #chiffres #statistiques

  • Le verbe et le geste de Paris
    https://laviedesidees.fr/Juliette-Rennes-Metiers-de-rue

    Au rebours des clichés du Paris « pittoresque », les métiers de rue exigent endurance et force physique. Cochères, colleuses d’affiches, marchandes des quatre-saisons, porteuses de pain : autant d’emplois traversés par des inégalités salariales selon le #genre et l’âge.

    #Histoire #femmes #ville #profession
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250324_rennes-paris.pdf

  • À la recherche des profs perdus : la gauche néglige-t-elle l’école ?
    https://lvsl.fr/a-la-recherche-des-profs-perdus-la-gauche-neglige-t-elle-lecole

    Malgré les 12 millions d’élèves et les 866.000 enseignants que compte la France, la question de l’école reste peu abordée dans le débat public. Le livre de Mathieu Bosque, président du parti de François Ruffin, entend reprendre ce combat historique de la gauche. Si son analyse est pertinente, ses propositions restes vagues et incomplètes.

    #Société #école #éducation_nationale #enfants #Enseignement #enseignement_privé #professeur

  • Online #Learning #completion_rates in context: Rethinking success in digital learning networks
    https://redasadki.me/2025/03/18/online-learning-completion-rates-in-context-rethinking-success-in-digital-

    The comprehensive analysis of 221 Massive Open Online Courses (MOOCs) by Katy Jordan provides crucial insights for health professionals navigating the rapidly evolving landscape of digital learning. Her study, published in the International Review of Research in Open and Distributed Learning, examined completion rates across diverse platforms including Coursera, Open2Study, and others from 78 institutions. These findings reveal important patterns that can transform how we approach #professional_learning in #Global_health contexts. Beyond traditional completion metrics For global health epidemiologists accustomed to face-to-face training with financial incentives and dedicated time away from work, these completion rates might initially appear appalling. In traditional capacity building (...)

    #learning_metrics #MOOCs #networked_learning #online_education #online_learning

  • ‘I hope this isn’t for weapons’ : How Syrian #data_workers train AI

    The development and training of AI systems depend on hundreds of millions of data workers. Many of them are situated or displaced from the Global majority, and are generally kept in the dark on how the data they produce will be used.

    I met Fatma in June 2019 in Sofia, Bulgaria. Four years prior, she had been forced to leave her home in Aleppo with her whole family: her mother, father, older brother, and two younger siblings. Fatma was 17 when her parents paid the equivalent of nine thousand euros to men who smuggled the seven family members in the back of a van across landscapes and borders, until reaching Finland via Sofia. The smugglers had promised a house and a car in Finland for the sum paid, but this promise went unfulfilled. Instead, after six months, Fatma’s family was deported to Bulgaria because their “fingerprints were registered in Sofia first.” “We lost everything to have a good life because our lives were in danger,” she lamented. “Were they in danger because of the war?” I asked. “It was personal,” she replied cryptically.

    Fast forward to 2019, and Fatma, now 21, was living with her family in a refugee camp in the Bulgarian capital. While assisting her father at the camp’s hairdressing salon, she also worked part-time for the data-labeling company where I was conducting fieldwork. Interestingly, she was recruited by the company at the refugee camp. Following initial training in “digital skills” and English, Fatma was ready to assume her role as a data worker. During our initial conversation, she was at the company’s office, seated alongside Diana, another Syrian asylum seeker who was engaged in labeling images of people based on race, age, and gender. In contrast, Fatma was immersed in a project that involved satellite images and semantic segmentation—a critical task for computer vision that involves the meticulous separation and labeling of every pixel in an image. This form of data work holds particular importance in generating training data for AI, especially for computer vision systems embedded in devices such as cameras, drones, or even weapons. Fatma explained that the task basically consisted of separating “the trees from the bushes and cars from people, roads, and buildings.” Following this segmentation, she would attach corresponding labels to identify each object.
    Data Work Requires Skill

    Explained in this manner, the work might seem trivial and straightforward. Such tasks fall under what is known as microwork, clickwork, or, as I refer to it, data work. This constitutes the labor involved in generating data to train and validate AI systems. According to the World Bank, there are between 154 million and 435 million data workers globally, with many of them situated in or displaced from the World Majority. They often work for outsourcing platforms or companies, primarily as freelancers, earning a few cents per piece or task without the labor protections, such as paid sick leave, commonly found in more traditional employment relationships. Data workers generate data through various means that range from scraping information from the internet to recording their voices or uploading selfies. Similar to Fatma, they frequently engage in labeling tasks. Additionally, data workers may contribute to algorithm supervision, such as rating the outputs of recommender systems on platforms like Netflix or Spotify and assessing their usefulness, appropriateness, and toxicity. In other instances, data workers might be tasked with plainly impersonating non-existing AI systems and be instructed to “think like a robot” while pretending to be a chatbot, for instance.

    Despite its crucial role in the development and maintenance of AI technologies, data work is often belittled as micro or small, involving only a few clicks, and dismissed as low-skill or blue-collar. In fact, the platform Clickworker, a prominent provider of on-demand data work, claims on its website that “the tasks are generally simple and do not require a lot of time or skill to complete.” However, this assertion is inaccurate. During my fieldwork in Bulgaria, for instance, I attempted to segment and label satellite imagery, finding it extremely challenging. The work demands precision when drawing polygons around different objects in the pictures, which is also strenuous on the eyes and hands. Moreover, it requires contextual knowledge, including an understanding of what vegetation and vehicles look like in specific regions. Following the segmentation and labeling process by Fatma and her team, a rigorous quality check is conducted by a woman in the client’s company. Fatma’s manager in Bulgaria mentioned that the quality control person was “remarkably fast with the quality check and feedback” and added, “She’s able to do this quickly because she knows the images and the ground.” While taking note of this, I wondered how well the quality controller knows the ground. Does she come from the area where these images were taken? Is she, like Fatma, a refugee? Has her displacement been leveraged as expertise?

    I asked Fatma if the satellite images she was working on could be of Syria. She said she thought the architecture and vehicles looked familiar. Staring at the screen, she whispered, “I hope this isn’t for weapons.” Neither she nor I could be certain.
    The Known and the Unknown

    Fatma’s fear of the satellite images being used for AI weapons is not unfounded. The proliferation of autonomous drones and swarm technologies has experienced exponential growth in recent years, facilitated by the integration of AI in reconnaissance, target identification, and decision-making processes. Illustrating a poignant example, facial recognition technologies have been utilized to uphold the segregation and surveillance of the Palestinian people, while automated weapons have played a crucial role in the ongoing genocide in Gaza. Companies like the Israeli SmartShooter boast about their lethal capabilities with the slogan “One Shot, One Hit.”

    Surveillance drones, predictive analytics, and decision support systems are utilized for strategic planning in “threat anticipation” and real-time monitoring along border regions. For instance, the German Federal Office for Migration and Refugees (BAMF) employs image biometrics for identity identification and voice biometrics for dialect analysis to ascertain asylum seekers’ country of origin and evaluate their eligibility for asylum. This system purportedly recognizes dialects of Arabic, Dari, Persian/Farsi, Pashto, and Kurdish. As revealed by BAMF in response to a query initiated by German MPs, data workers subcontracted through the platform Clickworker (the same platform that claims tasks are simple and low-skill) participated in producing the voice samples required to develop the system.

    Fortunately, the data company in Bulgaria has a strong policy in place to reject requests related to warfare technologies. Fatma’s manager explained that “we have rejected projects related to (…) training artificial intelligence for different types of weapon applications. So, I felt that this really did not fit with our social mission, and when I responded to the client, I said that we’re working with conflict-affected people, and that’s why (…) But it was also a kind of boycott of such projects to be developed at all.” She added that the satellite imagery labeled by the team had been commissioned by a central European firm developing autonomous piloting systems for air transportation, not weapons. This information correlates with the client’s website. However, the website also states that their technology is additionally used for unmanned aerial vehicles (UAV), commonly known as drones, with applications including surveillance.
    Workers’ Ethical Concerns

    Privacy infringements and the potential for discriminatory profiling are among the most obvious concerns related to AI systems applied to border surveillance and warfare. Despite these risks disproportionately affecting their own communities, sometimes with lethal consequences, most data workers are kept in the dark concerning the ultimate purpose of the data they contribute to producing. The outsourcing of data work to external organizations, often situated far away from the requesters’ geographical location, complicates workers’ efforts to navigate the intricate supply chains that support the AI industry. Instructions given to data workers seldom provide details about the requester or the intended use of the data. Consequently, most data workers do not know the name and nature of the companies seeking their services, the products that will be trained on the datasets they generate, or the potential impacts of these technologies on individuals and communities. AI companies frequently rationalize the veil of secrecy as a means of safeguarding their competitive edge.

    The fact that data workers are integrated into industrial structures designed to keep them uninformed and subject to surveillance, retaliation, and wage theft does not mean that they do not have ethical concerns about their work and the AI applications it supports. In fact, there have been instances where data workers have explicitly alerted consumers to privacy-related and other ethical issues associated with the data they generate. For example, in 2022, Venezuelan data workers reported anonymously that Roomba robot vacuum cleaners capture pictures of users at home, which are then viewed by human workers.

    Amid the COVID-19 pandemic in 2021, I piloted a workshop series with fifteen data workers, this time located in Syria. The three-day event was designed to understand work practices and relationships in geographically distributed data-production contexts, creating a space for workers to discuss concerns. The workshop activities revealed that receiving information and having spaces to voice and discuss the ethical implications of the data they handle were of the utmost importance to the workers. They worried about the protection of data subjects’ privacy and advocated for a mandatory clause that would compel requesters to disclose the intended uses of the data. Additionally, the workers expressed concerns about the mental health implications of working with violent, offensive, or triggering data.

    Data workers possess a unique vantage point that can play a crucial role in the early identification of ethical issues related to data and AI. Encouraging consumers and society at large to align with them in advocating for increased transparency in the AI data production pipeline is essential. Workers like Fatma and her colleagues could offer valuable insights into the utilization of satellite images for surveillance technologies, for instance. Similarly, the native speakers who contributed their voices to generate audio snippets for dialect recognition may shed light on the applications of such systems against asylum seekers in Germany.

    Unfortunately, the challenge lies in the fact that the AI industry, for evident reasons, has structured its production processes for data workers to function more as silent tools than as whistleblowers.

    https://untoldmag.org/i-hope-this-isnt-for-weapons-how-syrian-data-workers-train-ai
    #travailleurs_de_données #entraînement #IA #AI #intelligence_artificielle #éthique #réfugiés #dublinés #camps_de_réfugiés #segmentation #travail #algorithmes #images_satellitaires #labeling #armes #armement #drones #voix #profiling #contrôles_frontaliers

  • #Elsevier parent company reports 10% rise in profit, to £3.2bn

    Scientific arm of #Relx reports adjusted operating profit of £1.17 billion in 2024

    Relx, the parent company of academic publishing giant Elsevier, has reported a 10 per cent underlying growth in its adjusted operating profit for 2024, reaching just under £3.2 billion from revenues of £9.43bn.

    Within this, the scientific, technical and medical arm of the company—which includes its publishing business—had an adjusted operating profit of £1.17bn, with underlying growth of five per cent.

    This arm had revenue of £3.05bn, giving it an adjusted operating margin of 38.4 per cent, the company reported on 13 February.

    Relx said its primary research business “continued to be driven by volume growth, with article submissions growing very strongly across the portfolio, particularly in pay-to-publish”.

    Its financial results come amid concern among some politicians and research organisations about money being spent on publishing by publicly funded research. Last month, 10 European research organisations announced they would help to fund broader use of the EU’s free-to-publish publishing platform, Open Research Europe.

    Meanwhile, in the UK, Research Professional News has reported that the universities of Sheffield, Surrey and York have opted out of the sector-wide “big deal” with Elsevier, amid a bleak outlook on university finances and concerns over slow progress to fully open access publishing. An Elsevier spokesperson previously told RPN that Sheffield, York and Surrey “have all signed individual agreements [with the company] or are in discussions with us to continue access to Elsevier-published journals”.

    Publishing evolution a risk

    Among the risks Relx set out for investors, it said one was “evolution” in the scholarly publishing landscape.

    The open access publishing model “now represents a significant and growing portion of the volume of primary research that we publish”, it said, adding that “rapid changes in customer choice, regulation or technologies in this area could impact the revenue mix and growth”

    Relx added: “Maintaining research integrity requires us to manage risks around fraud in research papers in the context of evolving technologies.” It said that it operates “in highly competitive and dynamic markets”, which are affected by developments in technologies like artificial intelligence.

    More growth expected

    The company said it expects “good underlying revenue growth” in 2025, with growth in adjusted operating profit being slightly higher than the revenue growth.

    Chief executive officer Erik Engstrom said: “Our improving long-term growth trajectory continues to be driven by the ongoing shift in business mix towards higher growth analytics and decision tools that deliver enhanced value to our customers across market segments.”

    #profit #édition_scientifique #publications_scientifiques #business #ESR #recherche

    –-

    ajouté à la #métaliste sur la #publication_scientifique* :
    https://seenthis.net/messages/1036396

  • Derrière le vernis vert de la start up bretonne #Ecotree, des plantations pas si écologiques
    https://splann.org/derriere-le-vernis-vert-de-la-start-up-bretonne-ecotree-des-plantations-pas-

    Le discours d’Ecotree est tout aussi vertueux que l’ambition affichée de planter des #arbres au nom de la préservation de la biodiversité. La réalité est plus épineuse. À l’image de ces hectares de pins, plantés en zone Natura 2000 ou à proximité. Cette gestion principalement économique de la #forêt est soutenue financièrement et politiquement par la région #Bretagne. L’article Derrière le vernis vert de la start up bretonne Ecotree, des plantations pas si écologiques est apparu en premier sur Splann ! | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne.

    #Grands_projets #crédit_carbonne

  • Pour la droite “républicaine”, l’#écriture_inclusive vaut 7500 euros d’#amende

    Véritable terreur de la droite, depuis les macronistes jusqu’aux frontistes, l’écriture inclusive est visée par une énième proposition de loi, cette fois issue des rangs du parti Les Républicains. La députée #Anne-Laure_Blin (Maine-et-Loire) suggère ainsi d’infliger une amende de 7500 € aux personnes morales utilisant l’écriture inclusive, y compris des noms de fonctions et de #professions féminisés...

    Depuis 2023 et les #assauts cumulés du Rassemblement national et des Républicains, l’écriture inclusive avait échappé aux attaques en règle, l’accusant de tous les maux de la société ou presque. Par une #proposition_de_loi déposée ce mardi 4 février 2025, la députée Les Républicains remet une pièce dans la machine.

    Dans son texte « visant à sauvegarder la #langue_française et à réaffirmer la place fondamentale de l’#Académie_française », elle s’en prend spécifiquement à l’écriture inclusive, soulignant que son objectif est de « prétendument “assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes” ».

    Les différents moyens de cette écriture inclusive sont détaillés dans l’exposé des motifs de la proposition, sans qu’aucun ne trouve visiblement grâce aux yeux de la députée. La mention par ordre alphabétique (« elles et ils sont heureux », par exemple), la féminisation des fonctions et des professions, l’emploi du féminin et du masculin quand le #genre est inconnu, le #point_médian et le tiret, ou encore les #pronoms_neutres (comme « iel ») sont autant d’adaptations et d’usages qui « ébranle[nt] en profondeur le système de notre langue et instaure[nt] une rupture radicale et systématique entre écrit et oral très discriminatoire », assure-t-elle.

    Excluante, à ses yeux, pour les personnes concernées par la #dyslexie, la #dyspraxie ou la #dysphasie, pour les étrangers ou ressortissants des pays francophones et plus généralement pour les apprenants, l’écriture inclusive serait donc toute entière néfaste.

    « Si certains partis politiques, enseignants, administrations, éditeurs, associations, entreprises, syndicats, etc. cèdent peu à peu face à la pression des lobbys pour imposer cette “écriture”, il revient au législateur d’afficher sa réelle détermination à sauvegarder notre langue française en donnant à l’Académie française tous les moyens pour assurer la préservation et l’évolution de notre langue », souligne la députée.

    L’Académie française toute puissante ?

    Le cœur de la proposition de loi de la députée Anne-Laure Blin réside dans une tentative d’accorder plus de pouvoir à l’Académie française, institution créée en 1635. Son texte, en cas d’adoption, ajouterait ainsi un paragraphe à la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française : « L’Académie française fixe et préserve les règles grammaticales, orthographiques et syntaxiques de la langue française. »

    D’autres articles de cette même loi Toubon seraient agrémentés d’une précision, relative à l’usage d’une langue « telle qu’elle est codifiée par l’Académie française » — la députée a choisi l’institution en raison de sa prise de position vis-à-vis de l’écriture inclusive, qualifiée en 2017 de « #péril_mortel » pour la langue française.

    Dans sa nouvelle version, le texte législatif imposerait certains termes, graphies et présentations graphiques à des « documents administratifs, les publications, les revues, les manuels scolaires, les communications papier et numériques diffusées en France et qui émanent d’une personne morale de droit public, d’une personne morale de droit privé, d’une personne privée exerçant une mission de service public, d’une association, d’un syndicat, d’un média, d’un parti politique ou d’une personne privée bénéficiant d’une subvention publique ».

    En cas d’infraction, l’utilisation de l’écriture dite inclusive étant « formellement interdite », une amende de 7500 € est encourue pour les personnes morales, tandis que l’octroi de « #subventions [publiques] de toute nature est subordonné au respect par les bénéficiaires des dispositions de la présente loi ».

    Figer la langue

    Ce #fantasme du contrôle, digne d’une dystopie orwellienne, accomplit la prouesse d’être plus conservateur que les propres recommandations de l’Académie française. L’institution a en effet mis de l’eau dans son vin concernant la féminisation des noms de #métiers, fonctions, grades et titres, ce dont elle se félicitait d’ailleurs à l’occasion de la publication de la 9e édition de son Dictionnaire, en novembre 2024.

    On notera cependant que l’Académie française est largement à la traine par rapport aux avancées sociétales, ou même linguistiques, sur ce simple — mais crucial — sujet de la féminisation. En effet, la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie, finalisée en 2024, intégrait ainsi les rectifications orthographiques proposées en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française, aujourd’hui disparu. Avant la finalisation de la 9e édition du dico, ce n’est qu’en 2019 que l’Académie française s’était prononcée en faveur d’une ouverture à la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades...

    Confier la responsabilité des usages légitimes de la langue à l’Académie ferait aussi peser une bien trop lourde charge sur quelques épaules. L’institution compte aujourd’hui 36 membres, dont 6 femmes seulement, qui ne sont pas élus en fonction de critères ou de qualifications particulières en matière de linguistique, et dont les avis dépendent essentiellement de leurs sensibilités.

    La 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française en était d’ailleurs l’illustration : bien que la plus récente, elle porte les stigmates de la lenteur des travaux de l’institution, avec des termes et des définitions particulièrement problématiques, et qui ne peuvent, aujourd’hui, faire référence.

    Enfin, la proposition de loi d’Anne-Laure Blin tombe dans les mêmes travers, outranciers, de celle déposée par le RN en 2023 : une telle interdiction des différentes formes de l’écriture inclusive pourrait aller jusqu’à prohiber la très présidentielle formule « Françaises, Français »...

    https://actualitte.com/article/121842/politique-publique/pour-la-droite-republicaine-l-ecriture-inclusive-vaut-7500-euros-d-amend
    #France #it_has_begun #français #langue #féminisation

  • A Paris, l’aide de professeurs à « des gamins au ventre vide qui ne savent pas où dormir le soir » – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/a-paris-laide-de-professeurs-a-des-gamins-au-ventre-vide-qui-ne-savent-pa

    Quelques semaines après la rentrée de septembre, en discutant dans les salles de profs de la vie et des élèves, une réalité les a bousillés : des gamins du lycée dorment sous des tentes dans la rue. Comment l’ont-elles remarqué ? De la fatigue dans les yeux, des corps qui s’écroulent sur les tables et des discussions. Sandra a eu du mal à poser la question aux élèves. La prof a tâté le terrain à pas de loup. « Dans une de mes classes, ils sont plusieurs à être dans une situation difficile. Certains dorment dans la rue et d’autres dans des gymnases ou dans des hôtels. Je ne voulais pas les mettre mal à l’aise avec mes questions. Une fois que le lien de confiance a été établi, nous avons pu en parler librement. »

    La situation les bouffe de l’intérieur. Elles y pensent la journée pendant les cours et les soirs à la maison. Elles décident de s’organiser […]

    #paywall

    • [...] s’organiser en bande. Elles en parlent à la direction du #lycée, mais aussi à l’extérieur où elles cherchent de l’aide pour venir en aide aux gamins. Une baston acharnée pour tenter de trouver un toit à des adolescents qui ont frôlé la mort en traversant le Sahara et la Méditerranée. Ils sont six à passer toutes leurs nuits dehors. Une lutte qui a retourné leur quotidien : les profs se sont retrouvées à chercher des appartements sur Airbnb, faire des fascicules pour aiguiller les gamins et demander des fonds à un millionnaire. « Nous avons sans doute dépassé le cadre de nos fonctions, mais nous avons continué à faire cours sans rien changer à nos habitudes, précise Valérie. Je crois sincèrement que personne ne le regrette. »

      Mission précise

      Les #professeures – qui apparaissent toutes avec des pseudonymes – enseignent au lycée Hector-Guimard, dans le XIXe arrondissement de #Paris. Il est labellisé « lycée des métiers du bâtiment, de l’artisanat et du patrimoine bâti ». On peut lire sur le site que le lycée dispose de tous « les plateaux techniques fonctionnels et de tous les équipements nécessaires à l’apprentissage » de nombreux métiers comme plombier-chauffagiste, agent de maintenance du bâtiment, peintre applicateur de revêtements, serrurier-métallier ou encore tailleur de pierre. Un internat qui accueille au maximum 17 élèves est mis à dispo pour ceux qui viennent de province. « Historiquement, le lycée qui forme des élèves mineurs et majeurs dans des métiers manuels a toujours eu des gamins dans des situations très précaires, notamment des #sans-papiers qui sont en France avec leur famille ou seul, explique Sandra. Nous avons tous, ou presque tous, eu face à nous des #élèves_à_la_rue. Ce qui change cette année, c’est l’ampleur et notre décision de vouloir les aider collectivement. »
      La lutte commence officiellement en novembre. Sandra envoie un mail à tous les #professeurs et salariés du lycée – environ 150 personnes. Elle les invite à causer des élèves qui dorment dans la rue. Une trentaine « seulement » se pointe à la réunion. La proviseure et son adjointe sont également présentes. Ils font le point. Des questions en cascade. Combien d’élèves dorment dehors ? Combien sont hébergés dans des hôtels ? Combien vivent dans les gymnases ? Comment être utiles ? Par quoi commencer ? Sandra se charge aussi de faire le compte rendu par mail. Elle liste les décisions prises. Le lycée ouvrira les portes du gymnase tous les matins pour permettre à ceux qui le souhaitent de prendre une douche. Un local est mis à disposition pour récolter des vêtements. Une cagnotte est ouverte en ligne pour récolter des fonds.

      Une dizaine de professeurs (des femmes majoritairement) créent un groupe WhatsApp pour se coordonner. Tous les volontaires ont une mission précise, mais une question reste en l’air : que faire des six élèves qui dorment tous les soirs dans la rue en attendant un miracle ? « On a émis la possibilité de leur acheter des habits chauds, des duvets et des tentes mais faire ça, c’est accepter que nos élèves dorment dehors. C’est une situation terrible, raconte Christelle. Je ne sais pas si on se rend compte : nos élèves dorment dehors ! » Une élue locale communiste, Céline Malaisé, écrit un courrier à la présidente de la région, Valérie Pécresse. Elle lui demande l’autorisation de loger dans l’internat du lycée les enfants qui roupillent dans des tentes sous les ponts de la capitale. Valérie Pécresse décline froidement en répondant au courrier : tous les lits de l’internat sont occupés. Une relation épistolaire courte et décevante.

      « Gymnases et hôtels »
      Les professeurs ne lâchent pas. Ils font circuler la cagnotte dans leur sphère privée mais aussi professionnelle : des amis, des parents, des collègues, des inspecteurs de l’académie. Ça prend un chouïa. Un matin, Sandra reçoit un étrange appel téléphonique. Au bout du fil, une professeure qui enseigne dans un autre établissement lui conseille de joindre Olivier Legrain. Elle ne le connaît pas. Olivier Legrain est un ancien patron d’industrie, devenu millionnaire, qui a créé un fonds pour aider les migrants. Au téléphone, la professeure raconte au millionnaire la situation. Un échange rapide.
      « - Vous avez combien pour le moment ?
      – Je ne sais pas trop, environ 2 000 euros.
      – Vous pouvez m’envoyer votre RIB ? »
      Olivier Legrain double la cagnotte. Que faire de cet argent ? Les professeurs se retrouvent parfois en fin de journée pour faire le point sur la situation en buvant une bière, mais les grandes décisions se prennent le lundi à l’heure du déjeuner. Ils ne pensaient pas avoir autant de thunes. Il faut faire des choix. Ils décident de trouver un logement pour les six élèves à la rue durant les vacances de Noël, mais pas seulement. « Nous avons aussi acheté des titres de transport et des tickets repas pour tous les élèves qui n’ont pas les moyens, se remémore Clothilde. Il y a ceux qui dorment à la rue mais il y a aussi ceux qui sont hébergés dans les gymnases et les hôtels. On ne pouvait faire le tri entre les gamins. »

      « Période compliquée »
      Les six élèves à la rue se divisent en deux catégories : les majeurs (deux) et les mineurs (quatre). Les vacances de Noël approchent. Les professeurs trouvent une auberge de jeunesse pour les majeurs. Mais ils luttent pour trouver un appartement afin de loger les mineurs. Ils ont envoyé des dizaines de demandes sur Airbnb en expliquant la situation. Ils se portent garant. Des refus à foison. La bonne nouvelle arrive deux jours avant les congés. Un locataire accepte le deal. Isabelle est soulagée. « C’était une période compliquée nerveusement. On devait gérer nos cours mais aussi notre vie privée. Heureusement que nous sommes une petite bande. On peut compter les uns sur les autres et parfois souffler. »

      Ce n’est pas la première fois qu’Isabelle fait face à des élèves en galère. Dans le passé, elle a déjà eu du mal à gérer. Elle se souvient lorsqu’elle a craqué ; c’était durant sa grossesse. « J’étais face à mes élèves en train de leur donner un cours de français. J’avais des gamins qui m’écoutaient alors qu’ils avaient le ventre vide et qu’ils ne savaient même pas où dormir le soir. Je ne pouvais pas continuer à faire semblant. J’ai vrillé… et je me suis mise en arrêt. »
      Sandra était en colère après avoir envoyé le premier mail à ses collègues. Elle voit les choses différemment après avoir été dans le dur en novembre. Elle se réveillait au milieu de la nuit avec la rage au bide. « On était seulement une petite trentaine à répondre à l’appel. Et nous sommes une petite dizaine à être actifs. Je trouvais ça fou et terriblement égoïste, mais je comprends mieux aujourd’hui. Je me dis que certains profs se protègent en prenant du recul. »

      « Ne pas perdre sa place »
      Jeudi 20 décembre : avant-veille des vacances de Noël. Les professeurs organisent un goûter « convivial » avec tous les élèves concernés. Une quinzaine de gamins se présentent. Il y a ceux qui dorment à la rue et ceux qui sont hébergés dans les gymnases. « Ils ne se connaissent pas forcément, c’était important pour nous qu’ils se rencontrent pour échanger et qu’ils ne sentent pas seuls, dit Clothilde. Surtout, nous ne voulions pas imposer notre aide, ils ont tous eu la liberté de l’accepter ou de la décliner. »

      Les profs profitent du goûter pour leur filer des vêtements chauds, mais aussi des tickets repas chez Flunch et des cartes de tickets transport. Les quatre élèves mineurs qui dorment à la rue apprennent la bonne nouvelle : ils passeront les vacances de Noël au chaud, dans un appartement rien que pour eux. Tout le monde accepte sauf un. Il en a ras le bol des montagnes russes. Des petits moments au chaud et des longues périodes sous une tente. « Il nous a expliqué qu’il préférait rester sous un pont pour ne pas perdre sa place dans sa tente en attendant une situation pérenne, se souvient Valérie. C’était à la fois très triste et compréhensible. »

      En arrivant au restaurant, les profs étaient sur la réserve. Les doutes étaient nombreux. « Comment raconter cette aventure sans se mettre en avant ? » « Pourquoi parler ? Est-ce que ça peut faire bouger les choses ? » « Vous allez bien écrire qu’on fait ça pour les élèves ? » Elles se libèrent au fil du repas. Les mots fusent, la colère aussi. Une sorte de thérapie collective. Comment s’est déroulée l’installation des mineurs dans le Airbnb ? Les professeurs qui étaient en région parisienne durant les congés ont accompagné les gamins dans l’appartement. Ils ont fait les courses avec eux. « On ne pouvait pas venir tous les jours mais on était toujours en contact et disponibles pour eux, explique Sandrine. C’était dur à la fin. Tout le monde savait dès le départ – eux et nous –, mais le jour où il a fallu rendre les clés… » Elle souffle.
      « Ils se débrouillent toujours »

      Les élèves retrouvent la rue en janvier. Certains dorment à la Gaîté lyrique, occupée depuis décembre par un collectif de mineurs isolés. Les professeurs ont le moral dans les chaussettes. Ils se posent encore des questions en pagaille. « Que dire à un élève qui s’endort en classe ? » « Et à celui qui n’a pas fait ses devoirs ? » Alors ? « Dans une classe, tous les élèves doivent être traités de la même manière, répond Catherine. Il est parfois possible de s’adapter un peu mais ils ne demandent rien. Ils se débrouillent toujours pour être à l’heure et faire leurs devoirs. Ils veulent être à la même enseigne que les autres. » Sa collègue, Sandra, a eu un cas concret. « Ce matin, j’ai eu deux élèves qui sont arrivés avec un retard de vingt minutes. Un des deux est hébergé loin de Paris dans un hôtel. J’ai hésité… mais finalement j’ai noté les deux élèves en retard pour ne pas créer d’injustice dans la classe. »

      Une sale nouvelle est venue s’ajouter aux autres. Les professeurs ont appris que six élèves logés dans les hôtels seront à la rue dans les prochains jours. Ils ont appris du jour au lendemain la fin de leur accompagnement et hébergement à Paris. Ça fera douze gamins sur le carreau. Les doutes reviennent au milieu de l’hiver et de l’incompréhension. « Comment les aider alors que la cagnotte est presque vide ? » « Faut-il la relancer ou se battre pour trouver une situation pérenne ? » Clotilde a imprimé un petit fascicule pour les élèves dans la galère. Des numéros à composer dans l’urgence, mais aussi des adresses pour manger, se laver, faire des lessives et rester au chaud la journée. Une sorte de kit de survie. Récemment, Christelle a eu le tournis durant un cours d’enseignement moral et civique. Deux réalités se sont entrechoquées dans sa tête. « Je parlais de la France. Je parlais de droit, de notre devise républicaine et d’égalité aux élèves. Et je me suis rendu compte que, face à moi, j’avais des gamins abandonnés. Des gamins qui n’ont aucun droit dans notre pays. »

      https://seenthis.net/messages/1095676#message1095893

  • #La_Poste s’effondre : comment le #néolibéralisme détruit tout

    Plus de 200% d’augmentation en 20 ans. Quel produit a connu une explosion comparable au #prix du #timbre ? Aucun. Pour quelle amélioration ? Pire que tout.

    En l’an 2000, envoyer une lettre coûtait 2,70, francs soit moins de 50 centimes d’euros. En 2015, le prix était encore relativement contenu : 0,68 euro. Depuis, il explose. 1,39 euro en 2025 pour envoyer quelques grammes de papier. Trois fois plus qu’en 2000.

    En 2024, le gouvernement avait validé une augmentation moyenne des timbres de 8,3%. En 2025, la hausse est de 7,75%. Fulgurante, année après année, sans que rien ne le justifie. D’autant que le #bénéfice net de La Poste s’élevait au premier semestre 2024 à 495 millions d’euros.

    En ce début d’année 2025, alors qu’envoyer du #courrier devient un luxe, plusieurs médias révèlent que La Poste française ne parvient même plus à remplir sa #mission essentielle, celle qu’elle exerce depuis sa création, au 17ème siècle : l’acheminement d’enveloppes.

    Le 23 janvier, « plus d’un million de lettres prend la poussière dans divers centres de tri en #France » écrit le quotidien La Dépêche. Certains courriers expédiés en décembre ou novembre n’ont jamais été reçus et attendent. D’autres sont perdus. C’est toute une #chaîne_logistique qui semble en train de s’effondrer. En décembre, des habitants de Nice retrouvaient 318 lettres dans une poubelle. Depuis des mois, ils ne recevaient plus leurs courriers, ou avec beaucoup de #retard. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Ce qui fut un #service_public efficace a été saboté.

    Des syndicalistes de La Poste dénoncent le manque d’#investissement et la #réduction_des_effectifs par la direction. « À partir du moment où on ferme des #plateformes_de_tri, à partir du moment où La Poste a décidé de se séparer de beaucoup d’emplois… eh bien ce qui était prévisible » explique Arnaud Bordier, responsable Sud PTT du département d’Ille-et-Vilaine.

    « Que se passe-t-il à La Poste ? » se demande la presse. Comment un #service_public aussi ancien peut-il être à ce point défaillant, dans l’un des pays les plus riches du monde ? Comment, alors qu’il y a beaucoup moins d’envois de lettres – 15,9 milliards en 2019, 6 milliards en 2023 –, de meilleurs moyens technologiques pour les acheminer et un prix beaucoup plus élevé, ce service ne parvient-il plus à fonctionner ?

    C’est simple : 40 ans de néolibéralisme et de #privatisations. 50.000 #emplois supprimés entre 2004 et 2023. Et toujours plus de #profits pour les mêmes bourgeois qui profitent du copinage et des grandes écoles.

    Dès 1983, le Parti Socialiste commence à démanteler ce fleuron du service public : il sépare les directions de La Poste et des Télécommunications. Les fameuses #PTT, qui disposaient d’un ministère spécifique depuis un siècle et maillaient le territoire français efficacement et pour pas cher. Ce sont deux entités séparées qui seront bientôt mises en concurrence.

    En 1990, La Poste et les Télécommunication deviennent deux entreprises dont la gestion se rapproche de celles du secteur privé. En 1997 le Parti Socialiste, toujours lui, privatise France Telecom’ qui deviendra Orange, avec des méthodes de #management épouvantables qui ont poussé de nombreux salariés à se suicider, provoquant un immense scandale.

    La moitié des anciens PTT est donc démantelée, la France a détruit son service public de télécommunication, au moment précis de l’envol d’internet et de la téléphonie mobile, alors qu’il y avait un créneau énorme. Nos dirigeants sont des visionnaires. C’est un #sabotage caractérisé, qui a permis la création d’oligopoles et de fortunes colossales pour les entrepreneurs véreux qui possèdent #SFR, #Bouygues ou #Free.

    Il ne fallait pas s’arrêter en si bon chemin. Au tour de La Poste. En 2008, l’administrateur de l’entreprise veut changer son statut pour en faire une #société_anonyme et qu’elle puisse être partiellement privatisée. Les facteurs organisent une « votation citoyenne » contre ce projet. Un immense succès, plus de 2 millions de votant-es, superbement ignoré-es par les autorités.

    Simultanément, la création de la #Banque_postale fait entrer la Poste dans une nouvelle ère. Il n’y a plus « aucune obligation de service public pour la filiale de La Poste » écrit la cour des comptes. Cette #banque doit faire de l’argent, et devient le cœur du groupe : elle vend des #assurances et des #crédits_immobiliers pour faire des profits, et noue des partenariats avec des multinationales financières. La Poste, c’est-à-dire l’envoi du courrier, le cœur historique de ce service, devient secondaire. Ce n’est plus qu’une filiale de sa banque.

    En parallèle, l’Union Européenne exige que tous les pays membres ouvrent leurs services postaux à la #concurrence, le 1er janvier 2011. La même année, la création de #La_Poste_Mobile éloigne encore plus l’entreprise du courrier : il s’agit d’un partenariat avec SFR, afin d’entrer en concurrence avec Orange. Relisez attentivement : les néolibéraux ont fait exploser les PTT en deux entités, les ont privatisées, et les ont ensuite mises en concurrence. Au détriment du service, des salarié-es, et en faisant exploser les prix. Champions du monde.

    Comme d’habitude, les profits sont privatisés et les pertes sont payées par le contribuable. L’État verse 500 millions d’euros chaque année à La Poste au titre des missions de service public. Mais de service public, il n’y en a plus. La Poste avait l’obligation de maintenir un réseau de 17.000 « #points_de_contact » en France pour que « moins de 10 % de la population d’un département s’en trouve éloignée de moins de 5 kilomètres ». Mais la direction ne tient pas parole, elle a fermé des centaines de bureaux en quelques années, en particulier en #zone_rurale, qui sont privées de services postaux. Même dans les grandes villes comme Nantes, certains bureaux ferment dans les quartiers.

    En 2019, la « #loi_Pacte » de Macron écarte encore plus La Poste de la tutelle de l’État. Et l’entreprise ne recrute quasiment plus que des intérimaires mal formés et mal payés. Elle n’assure plus sa mission essentielle. Pourtant, les envois de colis explosent, et ce sont des multinationales privées comme Amazon qui en profitent et prennent le marché.

    Dernier épisode en septembre 2024 : le patron de La Poste, #Philippe_Wahl, annonce des nouvelles économies « de l’ordre de 50 millions d’euros » pour l’entreprise. Quelques mois plus tard donc, plus d’un million de courriers stagnent dans les entrepôts.

    Il était possible de maintenir un grand service public postal et de barrer la route des géants capitalistes américains. Les gouvernants français en ont décidé autrement.

    Quel bilan tirer de cette histoire ? Que le néolibéralisme c’est précisément cela : brader les grands services publics, faire payer beaucoup plus cher les usagers pour un service catastrophique, et tout cela pour le seul profit de spéculateurs et de grands patrons.

    La France avait il y a encore 25 ans le meilleur système de santé du monde et des #services_publics à peu près fonctionnels. Ce n’était pas le paradis, mais après deux décennies de Sarkozy-Hollande-Macron, plus RIEN ne marche. Les néolibéraux ont saccagé tout ce qui fonctionnait. Minutieusement, efficacement.

    Et le pire, c’est que ces dirigeants juraient qu’en privatisant les services publics, cela réduirait la dette, que les impôts seraient réduits, que les prix baisseraient grâce à la sacro-sainte concurrence. C’est exactement l’inverse. À présent, quasiment tout est privatisé, mais la #dette a explosé, et on paie autant voir plus d’#impôts – surtout les plus injustes, comme la TVA. Les courriers n’arrivent pas, on meurt en attendant à l’hôpital, il n’y a pas de professeurs devant toutes les classes, les aides sociales sont rabotées…

    Alors ou vont les thunes ? L’État français n’a jamais collecté autant d’argent. Il organise un transfert de fond absolument massif vers les poches des plus riches. Des cadeaux aux riches, des exonérations fiscales, mais aussi un recours massif à « l’#externalisation_privée ». En clair : plutôt que de financer les services publics, on arrose des entreprises privées avec de l’argent public pour effectuer, cher et mal, des missions qui auraient pu être réalisées par le public. L’externalisation représentait en 2022 plus de 160 milliards d’euros. Largement de quoi envoyer des lettres gratuitement.

    https://contre-attaque.net/2025/01/28/la-poste-seffondre-comment-le-neoliberalisme-detruit-tout
    #poste #effondrement #saccage