• #Pierre_Gaussens, sociologue : « Les #études_décoloniales réduisent l’Occident à un ectoplasme destructeur »

    Le chercheur détaille, dans un entretien au « Monde », les raisons qui l’ont conduit à réunir, dans un livre collectif, des auteurs latino-américains de gauche qui critiquent les #fondements_théoriques des études décoloniales.

    S’il passe son année en France comme résident à l’Institut d’études avancées de Paris, Pierre Gaussens évolue comme sociologue au Collège du Mexique, à Mexico, établissement d’enseignement supérieur et de recherche en sciences humaines. C’est d’Amérique latine qu’il a piloté, avec sa collègue #Gaya_Makaran, l’ouvrage Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, 256 pages, 19 euros), regroupant des auteurs anticoloniaux mais critiques des études décoloniales et de leur « #stratégie_de_rupture ».

    Que désignent exactement les études décoloniales, devenues un courant très controversé ?

    Les études décoloniales ont été impulsées par le groupe Modernité/Colonialité, un réseau interdisciplinaire constitué au début des années 2000 par des intellectuels latino-américains, essentiellement basés aux Etats-Unis. Il comptait, parmi ses animateurs les plus connus, le sociologue péruvien #Anibal_Quijano (1928-2018), le sémiologue argentin #Walter_Mignolo, l’anthropologue américano-colombien #Arturo_Escobar, ou encore le philosophe mexicain d’origine argentine #Enrique_Dussel (1934-2023). Les études décoloniales sont plurielles, mais s’articulent autour d’un dénominateur commun faisant de 1492 une date charnière de l’histoire. L’arrivée en Amérique de Christophe Colomb, inaugurant la #colonisation_européenne, aurait marqué l’entrée dans un schéma de #pouvoir perdurant jusqu’à aujourd’hui. Ce schéma est saisi par le concept central de « #colonialité », axe de #domination d’ordre racial qui aurait imprégné toutes les sphères – le pouvoir, le #savoir, le #genre, la #culture.

    Sa substance est définie par l’autre concept phare des études décoloniales, l’#eurocentrisme, désignant l’hégémonie destructrice qu’aurait exercée la pensée occidentale, annihilant le savoir, la culture et la mythologie des peuples dominés. Le courant décolonial se fonde sur ce diagnostic d’ordre intellectuel, mais en revendiquant dès le début une ambition politique : ce groupe cherchait à se positionner comme une avant-garde en vue d’influencer les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche latino-américains. Il est ainsi né en critiquant les #études_postcoloniales, fondées dans les années 1980 en Inde avant d’essaimer aux Etats-Unis. Les décoloniaux vont leur reprocher de se cantonner à une critique « scolastique », centrée sur des études littéraires et philosophiques, et dépourvue de visée politique.

    Pourquoi avoir élaboré cet ouvrage collectif visant à critiquer la « #raison_décoloniale » ?

    Ce projet venait d’un double ras-le-bol, partagé avec ma collègue Gaya Makaran, de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Nous étions d’abord agacés par les faiblesses théoriques des études décoloniales, dont les travaux sont entachés de #simplisme et de #concepts_bancals enrobés dans un #jargon pompeux et se caractérisant par l’#ignorance, feinte ou volontaire, de tous les travaux antérieurs en vue d’alimenter une stratégie de #rupture. Celle-ci a fonctionné, car la multiplication des publications, des revues et des séminaires a permis au mouvement de gagner en succès dans le champ universitaire. Ce mouvement anti-impérialiste a paradoxalement profité du fait d’être basé dans des universités américaines pour acquérir une position de force dans le champ académique.

    La seconde raison tenait à notre malaise face aux effets des théories décoloniales. Que ce soient nos étudiants, les organisations sociales comme les personnes indigènes rencontrées sur nos terrains d’enquête, nous constations que l’appropriation de ces pensées menait à la montée d’un #essentialisme fondé sur une approche mystifiée de l’#identité, ainsi qu’à des #dérives_racistes. Il nous semblait donc crucial de proposer une critique d’ordre théorique, latino-américaine et formulée depuis une perspective anticolonialiste. Car nous partageons avec les décoloniaux le diagnostic d’une continuité du fait colonial par-delà les #décolonisations, et le constat que cette grille de lecture demeure pertinente pour saisir la reproduction des #dominations actuelles. Notre ouvrage, paru initialement au Mexique en 2020 [Piel Blanca, Mascaras Negras. Critica de la Razon Decolonial, UNAM], présente donc un débat interne à la gauche intellectuelle latino-américaine, qui contraste avec le manichéisme du débat français, où la critique est monopolisée par une droite « #antiwoke ».

    Le cœur de votre critique se déploie justement autour de l’accusation d’« essentialisme ». Pourquoi ce trait vous pose-t-il problème ?

    En fétichisant la date de #1492, les études décoloniales procèdent à une rupture fondamentale qui conduit à un manichéisme et une réification d’ordre ethnique. L’Occident, porteur d’une modernité intrinsèquement toxique, devient un ectoplasme destructeur. Cette #satanisation produit, en miroir, une #idéalisation des #peuples_indigènes, des #cosmologies_traditionnelles et des temps préhispaniques. Une telle lecture crée un « #orientalisme_à_rebours », pour reprendre la formule de l’historien #Michel_Cahen [qui vient de publier Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept, Karthala, 232 pages, 24 euros], avec un #mythe stérile et mensonger du #paradis_perdu.

    Or, il s’agit à nos yeux de penser l’#hybridation et le #métissage possibles, en réfléchissant de façon #dialectique. Car la #modernité a aussi produit des pensées critiques et émancipatrices, comme le #marxisme, tandis que les coutumes indigènes comportent également des #oppressions, notamment patriarcales. Cette #focalisation_ethnique empêche de penser des #rapports_de_domination pluriels : il existe une #bourgeoisie_indigène comme un #prolétariat_blanc. Cette essentialisation suscite, en outre, un danger d’ordre politique, le « #campisme », faisant de toute puissance s’opposant à l’Occident une force par #essence_décoloniale. La guerre menée par la Russie en Ukraine montre à elle seule les limites d’une telle position.

    En quoi le positionnement théorique décolonial vous semble-t-il gênant ?

    La stratégie de rupture du mouvement conduit à plusieurs écueils problématiques, dont le principal tient au rapport avec sa tradition théorique. Il procède à des récupérations malhonnêtes, comme celle de #Frantz_Fanon (1925-1961). Les décoloniaux plaquent leur grille de lecture sur ce dernier, gommant la portée universaliste de sa pensée, qui l’oppose clairement à leur geste critique. Certains se sont rebellés contre cette appropriation, telle la sociologue bolivienne #Silvia_Rivera_Cusicanqui, qui a accusé Walter Mignolo d’avoir détourné sa pensée.

    Sur le plan conceptuel, nous critiquons le galimatias linguistique destiné à camoufler l’absence de nouveauté de certains concepts – comme la « colonialité », qui recoupe largement le « #colonialisme_interne » développé à la fin du XXe siècle – et, surtout, leur faiblesse. Au prétexte de fonder un cadre théorique non eurocentrique, les décoloniaux ont créé un #jargon en multipliant les notions obscures, comme « #pluriversalisme_transmoderne » ou « #différence_transontologique », qui sont d’abord là pour simuler une #rupture_épistémique.

    Votre critique s’en prend d’ailleurs à la méthode des études décoloniales…

    Les études décoloniales ne reposent sur aucune méthode : il n’y a pas de travail de terrain, hormis chez Arturo Escobar, et très peu de travail d’archives. Elles se contentent de synthèses critiques de textes littéraires et théoriques, discutant en particulier des philosophes comme Marx et Descartes, en s’enfermant dans un commentaire déconnecté du réel. Il est d’ailleurs significatif qu’aucune grande figure du mouvement ne parle de langue indigène. Alors qu’il est fondé sur la promotion de l’#altérité, ce courant ne juge pas nécessaire de connaître ceux qu’il défend.

    En réalité, les décoloniaux exploitent surtout un #misérabilisme en prétendant « penser depuis les frontières », selon le concept de Walter Mignolo. Ce credo justifie un rejet des bases méthodologiques, qui seraient l’apanage de la colonialité, tout en évacuant les critiques à son égard, puisqu’elles seraient formulées depuis l’eurocentrisme qu’ils pourfendent. Ce procédé conduit à un eurocentrisme tordu, puisque ces auteurs recréent, en l’inversant, le « #privilège_épistémique » dont ils ont fait l’objet de leur critique. Ils ont ainsi construit une bulle destinée à les protéger.

    Sur quelle base appelez-vous à fonder une critique de gauche du colonialisme ?

    En opposition aux penchants identitaires des décoloniaux, nous soutenons le retour à une approche matérialiste et #dialectique. Il s’agit de faire dialoguer la pensée anticoloniale, comme celle de Frantz Fanon, avec l’analyse du #capitalisme pour renouer avec une critique qui imbrique le social, l’économie et le politique, et pas seulement le prisme culturel fétichisé par les décoloniaux. Cette #intersectionnalité permet de saisir comment les pouvoirs néocoloniaux et le capitalisme contemporain reproduisent des phénomènes de #subalternisation des pays du Sud. Dans cette perspective, le #racisme n’est pas un moteur en soi, mais s’insère dans un processus social et économique plus large. Et il s’agit d’un processus historique dynamique, qui s’oppose donc aux essentialismes identitaires par nature figés.

    « Critique de la raison décoloniale » : la dénonciation d’une « #imposture »

    Les études décoloniales constitueraient une « #contre-révolution_intellectuelle ». L’expression, d’ordinaire réservée aux pensées réactionnaires, signale la frontalité de la critique, mais aussi son originalité. Dans un débat français où le label « décolonial » est réduit à un fourre-tout infamant, cet ouvrage collectif venu d’Amérique latine apporte un bol d’air frais. Copiloté par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, chercheurs basés au Mexique, Critique de la raison décoloniale (L’Echappée, 256 pages, 19 euros) élève le débat en formulant une critique d’ordre théorique.

    Six textes exigeants, signés par des chercheurs eux-mêmes anticoloniaux, s’attachent à démolir ce courant, qualifié d’« imposture intellectuelle ». Les deux initiateurs du projet ouvrent l’ensemble en ramassant leurs griefs : l’essentialisation des peuples à travers un prisme culturel par des auteurs qui « partagent inconsciemment les prémisses de la théorie du choc des civilisations ». Les quatre contributions suivantes zooment sur des facettes des études décoloniales, en s’attaquant notamment à la philosophie de l’histoire qui sous-tend sa lecture de la modernité, à quelques-uns de ses concepts fondamentaux (« pensée frontalière », « colonialité du pouvoir »…) et à son « #ontologie de l’origine et de la #pureté ». Un dernier texte plus personnel de la chercheuse et activiste Andrea Barriga, ancienne décoloniale fervente, relate sa désillusion croissante à mesure de son approfondissement de la pensée d’Anibal Quijano, qui lui est finalement apparue comme « sans consistance ».

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/24/pierre-gaussens-sociologue-les-etudes-decoloniales-reduisent-l-occident-a-un
    #décolonial

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    • En complément :
      https://lvsl.fr/pourquoi-lextreme-droite-sinteresse-aux-theories-decoloniales

      L’extrême droite veut décoloniser. En France, les intellectuels d’extrême droite ont pris l’habitude de désigner l’Europe comme la victime autochtone d’une « colonisation par les immigrés » orchestrée par les élites « mondialistes ». Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », a même fait l’éloge des grands noms de la littérature anticoloniale – « tous les textes majeurs de la lutte contre la colonisation s’appliquent remarquablement à la France, en particulier ceux de Frantz Fanon » – en affirmant que l’Europe a besoin de son FLN (le Front de Libération Nationale a libéré l’Algérie de l’occupation française, ndlr). Le cas de Renaud Camus n’a rien d’isolé : d’Alain de Benoist à Alexandre Douguine, les figures de l’ethno-nationalisme lisent avec attention les théoriciens décoloniaux. Et ils incorporent leurs thèses, non pour contester le système dominant, mais pour opposer un capitalisme « mondialiste », sans racines et parasitaire, à un capitalisme national, « enraciné » et industriel.

      Article originellement publié dans la New Left Review sous le titre « Sea and Earth », traduit par Alexandra Knez pour LVSL.

    • Les pensées décoloniales d’Amérique latine violemment prises à partie depuis la gauche

      Dans un livre collectif, des universitaires marxistes dénoncent l’« imposture » des études décoloniales, ces théories qui tentent de déconstruire les rapports de domination en Amérique latine. Au risque de la simplification, répondent d’autres spécialistes.

      PourPour une fois, la critique ne vient pas de la droite ou de l’extrême droite, mais de courants d’une gauche marxiste que l’on n’attendait pas forcément à cet endroit. Dans un livre collectif publié en cette fin d’année, Critique de la raison décoloniale (L’échappée), une petite dizaine d’auteur·es livrent une charge virulente à l’égard des études décoloniales, tout à la fois, selon eux, « imposture », « pensée ventriloque », « populisme » et « contre-révolution intellectuelle ».

      Le champ décolonial, surgi dans les années 1990 sur le continent américain autour de penseurs comme Aníbal Quijano (1928-2018), reste confidentiel en France. Ce sociologue péruvien a forgé le concept de « colonialité du pouvoir », qui renvoie aux rapports de domination construits à partir de 1492 et le début des « conquêtes » des Européens aux Amériques. Pour ces intellectuel·les, les vagues d’indépendances et de décolonisations, à partir du XIXe siècle, n’ont pas changé en profondeur ces rapports de domination.

      La première génération des « décoloniaux » sud-américains, autour de Quijano, de l’historien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023) et du sémiologue argentin Walter Mignolo (né en 1941), a développé à la fin des années 1990 un programme de recherche intitulé « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (M/C/D). Ils ont analysé, souvent depuis des campus états-uniens, la « colonialité », non seulement du « pouvoir », mais aussi des « savoirs » et de « l’être ».

      Pour eux, 1492 est un moment de bascule, qui marque le début de la « modernité » (le système capitaliste, pour le dire vite) et de son revers, la « colonialité » : le système capitaliste et le racisme sont indissociables. Selon ces auteurs, « le socle fondamental de la modernité est le “doute méthodique” jeté sur la pleine humanité des Indiens », doute qui deviendra un « scepticisme misanthrope systématique et durable » jusqu’à aujourd’hui, expliquent Philippe Colin et Lissell Quiroz dans leur ouvrage de synthèse sur les Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, publié en 2023 (éditions de La Découverte).

      « Au-delà des indéniables effets de mode, la critique décoloniale est devenue l’un des paradigmes théoriques incontournables de notre temps », écrivent encore Colin et Quiroz. Depuis la fin des années 1990, cette manière de critiquer le capitalisme, sans en passer par le marxisme, s’est densifiée et complexifiée. Elle a été reprise dans la grammaire de certains mouvements sociaux, et récupérée aussi de manière rudimentaire par certains gouvernements étiquetés à gauche.

      C’est dans ce contexte qu’intervient la charge des éditions L’échappée, qui consiste dans la traduction de six textes déjà publiés en espagnol (cinq au Mexique en 2020, un autre en Argentine en 2021). Parmi eux, Pierre Gaussens et Gaya Makaran, deux universitaires basé·es à Mexico, l’un Français, l’autre Polonaise, s’en prennent à ces « discours académiques qui veulent parler à la place des subalternes » et dénoncent une « représentation ventriloque des altérités ».

      Préoccupé·es par l’influence grandissante des théories décoloniales dans leur milieu universitaire, Gaussens et Makaran veulent exposer leurs « dangers potentiels ». Dont celui de contribuer à « justifier des pratiques discriminatoires et excluantes, parfois même ouvertement racistes et xénophobes, dans les espaces où celles-ci parviennent à rencontrer un certain écho, surtout à l’intérieur du monde étudiant ».

      Les critiques formulées par ces penseurs d’obédience marxiste sont légion. Ils et elles reprochent une manière de penser l’Europe de manière monolithique, comme un seul bloc coupable de tous les maux – au risque d’invisibiliser des luttes internes au continent européen. Ils contestent la focalisation sur 1492 et jugent anachronique la référence à une pensée raciale dès le XVe siècle.

      De manière plus globale, ils dénoncent un « biais culturaliste », qui accorderait trop de place aux discours et aux imaginaires, et pas assez à l’observation de terrain des inégalités économiques et sociales ou encore à la pensée de la forme de l’État au fil des siècles. « L’attention qu’ils portent aux identités, aux spécificités culturelles et aux “cosmovisions” les conduit à essentialiser et à idéaliser les cultures indigènes et les peuples “non blancs”, dans ce qui en vient à ressembler à une simple inversion de l’ethnocentrisme d’origine européenne », écrit le journaliste Mikaël Faujour dans la préface de l’ouvrage.

      Ils critiquent encore le soutien de certains auteurs, dont Walter Mignolo, à Hugo Chávez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie – ce que certains avaient désigné comme une « alliance bolivarienne-décoloniale », au nom de laquelle ils ont pu soutenir des projets néo-extractivistes sur le sol des Amériques pourtant contraires aux intérêts des populations autochtones.

      Dans une recension enthousiaste qu’il vient de publier dans la revue Esprit, l’anthropologue Jean-Loup Amselle parle d’un livre qui « arrive à point nommé ». Il critique le fait que les décoloniaux ont « figé », à partir de 1492, l’Europe et l’Amérique en deux entités « hypostasiées dans leurs identités respectives ». « Pour les décoloniaux, insiste Amselle, c’est le racisme qui est au fondement de la conquête de l’Amérique, bien davantage que les richesses qu’elle recèle, et c’est le racisme qui façonne depuis la fin du XVe siècle le monde dans lequel on vit. »

      La parole d’Amselle importe d’autant plus ici qu’il est l’un des tout premiers, depuis la France, à avoir critiqué les fondements de la pensée décoloniale. Dans L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Seuil, 2008), il consacrait déjà plusieurs pages critiques en particulier de la pensée « culturaliste », essentialiste, de Walter Mignolo lorsque ce dernier pense le « post-occidentalisme ».

      À la lecture de Critique de la raison décoloniale, si les critiques sur les partis pris téléologiques dans certains travaux de Walter Mignolo et Enrique Dussel visent juste, la virulence de la charge interroge tout de même. D’autant qu’elle passe presque totalement sous silence l’existence de critiques plus anciennes, par exemple sur le concept de « colonialité du pouvoir », en Amérique latine.

      Dans une recension publiée dans le journal en ligne En attendant Nadeau, l’universitaire David Castañer résume la faille principale du livre, qui « réside dans l’écart entre ce qu’il annonce – une critique radicale de la théorie décoloniale dans son ensemble – et ce qu’il fait réellement – une lecture du tétramorphe Mignolo, Grosfoguel [sociologue d’origine portoricaine – ndlr], Quijano, Dussel ». Et de préciser : « Or, il y a un grand pas entre critiquer des points précis des pensées de ces quatre auteurs et déboulonner cette entité omniprésente que serait le décolonial. »

      Tout se passe comme si les auteurs de cette Critique passaient sous silence la manière dont ce champ s’est complexifié, et avait intégré ses critiques au fil des décennies. C’est ce que montre l’ouvrage de Colin et Quiroz dont le dernier chapitre est consacré, après les figures tutélaires des années 1990 – les seules qui retiennent l’attention de Gaussens et de ses collègues –, aux « élargissements théoriques et militants ».
      Méta-histoire

      L’exemple le plus saillant est la manière dont des féministes, à commencer par la philosophe argentine María Lugones (1944-2020), vont critiquer les travaux de Quijano, muets sur la question du genre, et proposer le concept de « colonialité du genre », à distance du « féminisme blanc », sans rejeter pour autant ce fameux « tournant décolonial ».

      Idem pour une pensée décoloniale de l’écologie, à travers des chercheurs et chercheuses d’autres générations que celles des fondateurs, comme l’anthropologue colombien Arturo Escobar (qui a critiqué le concept de développement comme une invention culturelle d’origine occidentale, et théorisé le « post-développement ») ou l’Argentine Maristella Svampa, devenue une référence incontournable sur l’économie extractiviste dans le Cône Sud.

      La critique formulée sur la fixation problématique sur 1492 chez les décoloniaux ne convainc pas non plus Capucine Boidin, anthropologue à l’université Sorbonne-Nouvelle, jointe par Mediapart : « Les auteurs décoloniaux font une philosophie de l’histoire. Ils proposent ce que j’appelle un méta-récit. Ce n’est pas de l’histoire. Il n’y a d’ailleurs aucun historien dans le groupe des études décoloniales. Cela n’a pas de sens de confronter une philosophie de l’histoire à des sources historiques : on ne peut qu’en conclure que c’est faux, incomplet ou imprécis. »

      Cette universitaire fut l’une des premières à présenter en France la pensée décoloniale, en invitant Ramón Grosfoguel alors à l’université californienne de Berkeley, dans un séminaire à Paris dès 2007, puis à coordonner un ensemble de textes – restés sans grand écho à l’époque – sur le « tournant décolonial » dès 2009.

      Elle tique aussi sur certaines des objections formulées à l’égard d’universitaires décoloniaux très dépendants des universités états-uniennes, et accusés d’être coupés des cultures autochtones dont ils parlent. À ce sujet, Silvia Rivera Cusicanqui, une sociologue bolivienne de premier plan, connue notamment pour avoir animé un atelier d’histoire orale andine, avait déjà accusé dès 2010 le décolonial Walter Mignolo, alors à l’université états-unienne Duke, d’« extractivisme académique » vis-à-vis de son propre travail mené depuis La Paz.

      « Contrairement à ce que dit Pierre Gaussens, nuance Capucine Boidin, Aníbal Quijano parlait très bien, et chantait même, en quechua. C’était un sociologue totalement en prise avec sa société. Il a d’ailleurs fait toute sa carrière au Pérou, à l’exception de voyages brefs aux États-Unis durant lesquels il a échangé avec [le sociologue états-unien] Immanuel Wallerstein. Pour moi, c’est donc un procès d’intention qui fait fi d’une lecture approfondie et nuancée. »
      L’héritage de Fanon

      Au-delà de ces débats de spécialistes, les auteur·es de Critique de la raison décoloniale s’emparent avec justesse de nombreux penseurs chers à la gauche, de Walter Benjamin à Frantz Fanon, pour mener leur démonstration. Le premier chapitre s’intitule « Peau blanche, masque noire », dans une référence au Peau noire, masques blancs (1952) de l’intellectuel martiniquais. Le coup est rude : il s’agit d’accuser sans détour les décoloniaux d’être des « blancs » qui se disent du côté des peuples autochtones sans l’être.

      Pierre Gaussens et Gaya Makaran insistent sur les critiques formulées par Fanon à l’égard du « courant culturaliste de la négritude », qu’ils reprennent pour en faire la clé de voûte du livre. « Si le colonisé se révolte, ce n’est donc pas pour découvrir une culture propre ou un passé glorieux, ni pour prendre conscience de sa “race”, mais parce que l’oppression socio-économique qu’il subit ne lui permet pas de mener une existence pleine et entière », écrivent-ils.

      Dans l’épilogue de sa biographie intellectuelle de Fanon (La Découverte, 2024), Adam Shatz constate que des critiques de l’antiracisme contemporain, depuis le marxisme notamment, se réclament parfois du Martiniquais. « Ce qui intéressait Fanon n’était pas la libération des Noirs, mais celle des damnés de la Terre », confirme-t-il. Mais Shatz se montre aussi plus prudent, alors que « l’horizon de la société post-raciale [que Fanon appelait de ses vœux – ndlr] s’est considérablement éloigné » par rapport à 1961, année de sa mort à 36 ans à peine.

      À lire Shatz, Fanon menait une critique des pensées binaires telles que certains universalistes et d’autres identitaires la pratiquent. La nature de son œuvre la rend rétive aux récupérations. Il juge aussi que les décoloniaux, et des mouvements comme Black Lives Matter, qui se revendiquent tout autant de Fanon que les marxistes critiques de l’antiracisme, « sont plus fidèles à la colère » du psychiatre martiniquais, avec « leur style d’activisme imprégné d’urgence existentielle ».

      Aussi stimulante soit-elle, la publication de Critique de la raison décoloniale témoigne surtout, en creux, de la trop faible circulation des textes originaux des théories décoloniales en France, et du trop petit nombre de traductions disponibles en français (parmi les exceptions notables, la publication aux PUF en 2023 de Philosophie de la libération, de Dussel, classique de 1977). Le livre des éditions de L’échappée est une entreprise de démontage d’un champ encore peu documenté en France, ce qui donne à sa lecture un abord inconfortable.

      Et ce, même si Mikaël Faujour, collaborateur au Monde diplomatique, qui a traduit une partie des textes du recueil en français, avec l’essayiste partisan de la décroissance Pierre Madelin, insiste, dans une préface périlleuse, sur une clé de lecture française, qui complique encore la réception de l’ouvrage. Le journaliste s’inquiète des « cheminements » de la pensée décoloniale dans l’espace francophone, d’abord via les revues Multitudes et Mouvements, puis à travers le parti des Indigènes de la République (PIR) autour notamment de Houria Bouteldja, jusqu’à déplorer « le rapprochement, à partir de 2019, entre les décoloniaux autour du PIR et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».

      La charge n’est pas sans rappeler le débat suscité en 2021 par le texte du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, sur le « tournant identitaire » dans les sciences sociales françaises. Au risque d’ouvrir ici une vaste discussion plus stratégique sur les gauches françaises, qui n’a que peu à voir avec les discussions théoriques posées par les limites des premières vagues de la théorie décoloniale en Amérique latine ?

      Joint par Mediapart, Faujour assure le contraire : « Il n’y a pas d’étanchéité entre les deux espaces [français et latino-américain]. D’ailleurs, le livre [original publié en 2020 au Mexique] contenait un texte critique de Philippe Corcuff sur les Indigènes de la République. Par ailleurs, Bouteldja salue Grosfoguel comme un “frère”. Dussel et Grosfoguel sont venus en France à l’invitation du PIR. Tout l’appareillage lexical et conceptuel, la lecture historiographique d’une modernité débutée en 1492 unissant dans la “colonialité”, modernité, colonialisme et capitalisme, mais aussi la critique de la “blanchité”, entre autres choses, constituent bel et bien un fonds commun. »

      Mais certain·es redoutent bien une confusion dans la réception du texte, dans le débat français. « Pierre Gaussens et Gaya Makaran travaillent depuis le Mexique, avance Capucine Boidin. Je comprends une partie de leur agacement, lorsqu’ils sont face à des étudiants latino-américains, de gauche, qui peuvent faire une lecture simplifiée et idéologique de certains textes décoloniaux. D’autant qu’il peut y avoir une vision essentialiste, romantique et orientaliste des cultures autochtones, dans certains de ces écrits. »

      « Mais en France, poursuit-elle, nous sommes dans une situation très différente, où les études décoloniales sont surtout attaquées sur leur droite. Manifestement, Pierre Gaussens est peu informé des débats français. Ce livre arrive comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec le risque de donner à la droite des arguments de gauche pour critiquer les études décoloniales. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/les-pensees-decoloniales-d-amerique-latine-violemment-prises-partie-depuis

  • https://aoc.media/analyse/2024/11/14/penser-les-classes-sociales-apres-les-gilets-jaunes

    Qui étaient les Gilets jaunes ? Six ans plus tard, quelle analyse peut-on faire de cette mobilisation inédite en termes de groupes sociaux et de classes sociales ? Une approche à partir de leurs vulnérabilités, qu’elles soient inscrites dans le travail ou dans la sphère de la reproduction, permet de comprendre ce qui, aujourd’hui, peut être constitutif, par-delà les configurations sociales locales, de conditions d’existence partagées.

    https://justpaste.it/2kyb0

    #Gilets_jaunes #révoltes #déclassement #vulnérabilités #travail #prolétariat #précariat

  • I proletari dell’intelligenza artificiale

    Come fa oggi un sito di commercio online a restituirci tutti i risultati che corrispondono a “maglia verde in seta” che stavamo cercando? Come fa un’auto che si guida da sola a riconoscere un pedone e a non investirlo? Come può Facebook capire che un certo contenuto è violento o pedopornografico e va bloccato? Come si comporta un chatbot per stabilire di quale informazione abbiamo bisogno? In tutti questi casi, la risposta è una: glielo insegna un essere umano.

    Un essere umano che guarda, analizza ed etichetta milioni di dati ogni giorno e li fornisce a quella che comunemente chiamiamo intelligenza artificiale (ia). L’intelligenza artificiale, per poter funzionare, ha bisogno di persone che la addestrino. E i suoi istruttori sono i nuovi proletari digitali. Quelli che si occupano delle mansioni più semplici, che si trovano alla base della piramide lavorativa del settore, i cui piani più alti sono occupati da analisti di dati, ingegneri o programmatori specializzati. Per insegnare all’intelligenza artificiale a riconoscere contenuti, e a crearne di nuovi, è necessario etichettare correttamente i dati, descrivere immagini, trascrivere testi, fare piccole traduzioni, identificare segnali stradali o altri elementi all’interno di immagini. I cosiddetti data labeling, gli etichettatori di dati, attraverso lavori spesso ripetitivi e alienanti, permettono l’addestramento dei software. Senza l’intervento umano, l’ia non sarebbe in grado di operare perché non saprebbe come interpretare i dati che le vengono sottoposti.

    “Quello che viene venduto come intelligenza artificiale è un tipo di apprendimento automatico, significa che bisogna nutrire la macchina con miliardi di dati, e sulla base di questo la macchina impara”, spiega Antonio Casilli, professore di sociologia al Telecom, l’istituto politecnico di Parigi, in Francia. “Per poter funzionare, che si tratti di creare un piccolo filtro di TikTok o software alla ChatGpt, c’è bisogno di masse enormi di dati, che devono però essere trattati, o meglio preaddestrati”. La “P” di chatGpt, che è l’acronimo di Generative pretrained transformer, significa infatti preaddestrato.

    Questo lavoro di preaddestramento è fatto però da persone che non sono quasi mai valorizzate. “Non vengono riconosciuti come i veri autori di questi prodigi tecnologici perché da una parte sono oscurati da professionisti molto più visibili, come i data scientist o gli ingegneri, e dall’altra perché non c’è interesse a far riconoscere l’intelligenza artificiale come una tecnologia labour intensive, cioè che ha bisogno di molto lavoro. L’intelligenza artificiale fa finta di essere una tecnologia che serve ad automatizzare il lavoro, e quindi a risparmiare, mentre invece ne richiede tantissimo”, spiega ancora Casilli.

    A sottolineare il concetto è anche Antonio Aloisi, che insegna diritto del lavoro all’università Ie di Madrid, in Spagna. “È sempre più evidente che l’imperfezione, l’incompletezza, l’inaccuratezza dei risultati, ha bisogno di un passaggio umano, che validi i risultati, che corregga gli errori e che faccia una prima verifica. In molte esperienze con i chatbot non c’è nulla di intelligente, ma soprattutto nulla di artificiale. I dati sono goffi, disfunzionali, per questo c’è bisogno di un ‘badante’ umano”.

    Quello degli istruttori è un lavoro a suo modo specializzato, ma quella specializzazione non è ben pagata, anzi è pagata malissimo. Non c’è interesse da parte delle aziende che reclutano questi lavoratori a riconoscerne le competenze, perché riconoscerle significherebbe pagarle. Casilli, con il suo gruppo di ricerca Diplab del politecnico di Parigi, uno dei tre al mondo che fa ricerca sul campo su questo tema, ha intervistato più di quattromila persone in venti paesi, soprattutto in quelli a basso reddito come Venezuela, Madagascar o Kenya, e ha raccolto e analizzato le esperienze di lavoro delle persone coinvolte.

    “Nella nostra ricerca abbiamo incontrato addirittura persone pagate 0,001 dollaro per ogni azione che compiono durante le loro mansioni. Sono reclutate in paesi talmente a basso reddito che per loro, purtroppo, diventa economicamente interessante svolgere questi compiti pagati male. In Venezuela, dove l’80 per cento della popolazione vive sotto la soglia di povertà e il salario medio è di sei-otto dollari al mese, arrivare a guadagnarne un po’ di più facendo microtask (traduzioni, descrizioni, tagging, sondaggi…) per l’intelligenza artificiale può in effetti rappresentare una prospettiva ed è su questo che fanno leva molte aziende come Google, la OpenAi, la Meta”.

    Si tratta di una catena di approvvigionamento molto lunga. Queste aziende subappaltano il lavoro ad altre, che di solito operano all’estero. “La filiera arriva fino in Asia, in Africa o in America Latina, dove ci sono piccole realtà informali, in cui si lavora in nero, spesso a conduzione familiare, e lì diventa difficilissimo, e a volte perfino pericoloso, investigare. Dobbiamo addentrarci in case, in internet point, in luoghi malfamati, per intervistare queste persone”, spiega Casilli.

    La ricerca di lavoratori avviene anche attraverso degli annunci online. “Vuoi aiutarci a plasmare il futuro dell’intelligenza artificiale? Abbiamo un lavoro al 100 per cento da remoto per te: non è richiesta alcuna esperienza, ma solo la volontà di imparare e contribuire al campo all’avanguardia dell’intelligenza artificiale. Che tu sia agli inizi o un professionista esperto, la nostra comunità ha un ruolo per te! Avrete l’opportunità di contribuire all’addestramento di applicazioni di ia come ia generativa, modelli linguistici di grandi dimensioni, assistenti virtuali, chatbot, motori di ricerca e molto altro ancora”. Questo è solo uno degli annunci che si trovano sui siti di ricerca lavoro per assumere addestratori di sistemi basati sull’intelligenza artificiale. L’antesignana di queste piattaforme è Amazon turk, nata come una sorta di supporto ad Amazon per mettere ordine tra i tantissimi annunci che comparivano sul sito, al caos delle descrizioni. Una bacheca globale per la ricerca di lavoro, con la possibilità di registrarsi e partecipare a queste microtask.

    “Ci siamo imbattuti in situazioni diverse, dall’addestramento dei filtri per la moderazione dei contenuti su Facebook in Kenya allo sviluppo di sindromi post-traumatiche da stress abbastanza forti, a famiglie venezuelane che si organizzano per lavorare senza fermarsi mai”, dice Casilli, raccontando alcune delle testimonianze raccolte sul campo. Certi creano delle piccole fabbriche in casa, dove la mattina lavora il padre, poi è il turno della figlia quando torna da scuola, e la sera la mamma o addirittura la nonna. In Venezuela l’elettricità costa poco, e all’epoca di Chavez era stato lanciato un programma per distribuire computer in tutte le famiglie, quindi oggi un po’ tutti possono lavorare da casa.

    Ci sono addirittura casi di false intelligenze artificiali: aziende che vendono videocamere di sorveglianza basata sull’ia a supermercati, e poi si scopre che non c’è alcuna intelligenza artificiale dietro, ma persone in Africa, pagate pochissimo, che fanno sorveglianza in tempo reale. “Abbiamo passato una settimana in una casa in Madagascar trasformata in fabbrica di dati, con lavoratori ovunque in garage, in soffitta. Erano almeno in 120 in una casa sommersa dalla spazzatura e con un bagno solo, pagati pochissimo e impiegati giorno e notte per far finta di essere un sistema di videosorveglianza basato sull’intelligenza artificiale”, racconta Casilli.

    La paga bassissima, soprattutto se paragonata ai miliardi che girano nell’indotto delle grandi aziende tecnologiche, non è l’unico dei problemi. Un aspetto sottovalutato è quello dei traumi psicologici a cui sono sottoposti i lavoratori. Si tratta spesso di compiti ripetitivi e alienanti, e in molti casi, come nella moderazione dei contenuti sui social network, si ha a che fare con contenuti tossici, violenti, sessualmente degradanti.

    E poi c’è l’instabilità. “Per i data worker uno dei problemi più sentiti, al di là delle paghe basse, è l’ansia di non avere un lavoro costante. Devono essere sempre disponibili. Non hanno alcun controllo sul salario, sul carico e sulle modalità di lavoro. I moderatori sono esposti tutto il giorno a contenuti osceni. Ci possono essere diverse conseguenze psicologiche”, spiega Simone Robutti, cofondatore della sezione berlinese e italiana della Tech workers coalition, un’organizzazione dei lavoratori del settore tecnologico nata per conquistare maggiori diritti e migliori condizioni. Molte di queste persone fanno questo lavoro perché hanno problemi di salute, non possono muoversi da casa. E quindi sono ulteriormente ricattabili, dice Robutti.

    Un altro aspetto del problema lo individua Teresa Numerico, professoressa di logica e filosofia della scienza all’università Roma Tre, secondo cui molti lavoratori firmano degli accordi di riservatezza così restrittivi che hanno addirittura paura di chiedere supporto legale o psicologico. “È per questo che si sa pochissimo di questo sottobosco lavorativo”.

    Il lavoro invisibile

    Spesso, quando si parla delle conseguenze dell’avvento delle intelligenze artificiali nel mondo del lavoro, si vede il pericolo maggiore nella sostituzione degli esseri umani da parte delle macchine. Ma Numerico sposta lo sguardo. “La conseguenza peggiore di questo processo non è tanto che l’intelligenza artificiale ha cominciato a fare il lavoro degli esseri umani, ma che ha incorporato il lavoro umano in modo tale da averlo reso invisibile. Questo produce maggiore potenziale di sfruttamento”.

    Stiamo assistendo da qualche anno alla cosiddetta piattaformizzazione del lavoro, cioè l’utilizzo delle piattaforme digitali e delle app per far incontrare domanda e offerta di lavoro. E sulle piattaforme sono impiegate persone che sono solo un’appendice delle macchine. “Questo li rende oggetto di sfruttamento. In un certo senso sono in competizione con le macchine. Si tratta di lavoratori intercambiabili. I rider sono ‘l’aristocrazia’ di questo processo, perché quantomeno si vedono”, dice Numerico.

    Nel gennaio 2023 Time ha pubblicato un’inchiesta sugli addestratori della OpenAi che guadagnavano meno di due dollari all’ora. L’azienda a cui la OpenAi aveva esternalizzato questo lavoro era la Sama di San Francisco, negli Stati Uniti, che impiega persone in Kenya, Uganda, India e altri paesi a basso reddito. Anche Google, la Meta e la Microsoft fanno così. Quelli assunti dalla Sama per conto della OpenAi erano pagati tra 1,32 e 2 dollari all’ora, a seconda dell’anzianità e delle prestazioni. Si legge nell’inchiesta: “Un lavoratore della Sama incaricato di leggere e analizzare il testo per la OpenAi ha raccontato di aver sofferto di disturbi ossessivi dopo aver letto la descrizione di un uomo che faceva sesso con un cane davanti a un bambino. ‘È stata una tortura’, ha detto”. Gli etichettatori di dati più giovani ricevevano uno stipendio di 21mila scellini kenioti (170 dollari) al mese.

    Come si vede dal racconto di Time, quando si parla di proletariato digitale esiste una divisione tra nord e sud del mondo. “Le grandi aziende che sviluppano e usano queste tecnologie hanno sede nei paesi ricchi. Ma chi completa manualmente queste attività è quasi sempre in Africa, in India. Anche perché le barriere all’ingresso sono poche: basta avere una connessione e una padronanza della lingua inglese”, spiega Aloisi. Numerico è d’accordo: c’è un tema di colonizzazione e razzializzazione.

    Come funziona in Italia

    “Anche in Italia troviamo annunci di lavoro in questo settore, che vanno dai 7 ai 15 euro l’ora”, spiega Aloisi.

    Secondo Casilli, poi, in Italia c’è qualche azienda un po’ più specializzata, per esempio nel trattamento di immagini per le radiografie e sistemi medici. “Ma la realtà è che non significa necessariamente che i lavori siano pagati meglio. L’Italia resta un paese in cui la difesa dei diritti dei lavoratori è sostanzialmente disattesa e ci sono situazioni di estrema precarietà”.

    Casilli anticipa i risultati di un’inchiesta del suo gruppo di ricerca, che sarà pubblicata tra qualche mese. I tre paesi europei più interessati dal fenomeno degli addestratori di sistemi di intelligenza artificiale sono la Spagna, il Portogallo e subito dopo l’Italia. Tanti lavoratori coinvolti, come in Italia, sono immigrati, che non hanno accesso al mercato del lavoro regolare e che trovano almeno una fonte di reddito, anche se scadente, in condizioni terribili, con addirittura il rischio enorme di non essere pagati. Sono persone che arrivano in Italia dall’Africa, dall’Asia, dal Sudamerica.

    Un’ulteriore faccia della stessa medaglia la evidenzia Numerico: “Per quanto riguarda l’addestramento in lingua italiana, spesso non è impiegato chi vive in Italia, ma chi parla italiano e vive all’estero, come per esempio in Nordafrica o in Albania”.

    Tutti questi lavoratori è come se si trovassero nel ventre di una balena e – a differenza di altri, come per esempio i rider – sono più difficili da tutelare, proprio perché invisibili. “Il primo passo è cominciare a far emergere la loro presenza, e poi avviare le lotte sindacali per trattamenti equi”, spiega Numerico, che individua nel lavoro da remoto un ostacolo, ma anche un modo per aggirarlo: la tecnologia potrebbe mettere in comunicazione queste persone dislocate in vari paesi e accomunate dal fatto di subire le stesse condizioni lavorative.

    In questo processo di piattaformizzazione il datore di lavoro scarica le proprie responsabilità, spiega Numerico. Non essendo un tipo di impiego subordinato, il datore non solo paga poco, ma non mette a disposizione dei lavoratori né i mezzi di produzione né gli spazi, e non si assume alcun rischio. Tuttavia, si prende il profitto che ne risulta. “Il lavoratore si assume tutti i rischi e deve anche pagarsi i mezzi per poter lavorare. Si crea uno spazio le cui regole sono dettate da chi detiene il controllo su quello spazio. Il datore di lavoro è evanescente”, conclude Numerico.

    Robutti della Tech workers coalition spiega che l’obiettivo dell’organizzazione è mostrare che ci si può sindacalizzare e organizzare anche nel settore della tecnologia digitale. Solo dieci anni fa non era realistico, c’erano veramente pochi esempi e nelle aziende del digitale non c’era la presenza di sindacati come in quelle tradizionali. “Ad oggi non c’è ancora un modo forte e consolidato con cui sindacalizzare i data worker. Si tratta spesso di persone che lavorano in subappalti di subappalti. Hanno pochissimo potere e per loro è molto complicato organizzarsi. Adesso che i rider hanno ottenuto molte più tutele rispetto a dieci anni fa, i sociologi del lavoro e gli accademici hanno cominciato a occuparsi dei data worker”.

    Un esempio virtuoso di sindacalizzazione lo racconta Casilli, spiegando che in Germania i sindacati sono molto attivi al fianco dei lavoratori del settore digitale già dal 2016. Anche in Kenya, dove per esempio la OpenAi ha fatto addestrare ChatGpt, ci sono grandissimi movimenti sindacali che coinvolgono i lavoratori del settore. Anche in Brasile ci sono pressioni per approvare norme che contengano misure per tutelarli. In Italia la situazione è meno rosea, conclude Casilli. “È difficile far vedere una popolazione invisibile”.

    Alessio De Luca, responsabile del Progetto lavoro 4.0 Cgil nazionale, spiega perché è così complicato anche per il sindacato tradizionale intervenire a tutela di questo tipo di professioni. Si tratta di un gruppo molto complesso, variegato ed esteso, e ogni giorno nascono e crescono una serie di nuove figure difficili da inquadrare, che lavorano direttamente con le piattaforme e non sono facilissimi da intercettare e organizzare. “Attraverso Apiqa, la nostra associazione che si occupa di lavoro autonomo, stiamo provando a stilare una serie di proposte normative. Le difficoltà maggiori riguardano l’individuazione della remunerazione e dei minimi salariali di questo ‘mondo di mezzo’. Bisognerebbe avere più strumenti possibili, a partire dai controlli: chi deve intervenire? Il garante? L’ispettorato del lavoro?”, si domanda De Luca. “Al momento stiamo immaginando proposte normative come l’equo compenso e trattamenti welfare e previdenziali. Il problema però è che si ragiona sempre dentro vecchi perimetri”.

    A livello europeo, spiega Aloisi, l’attenzione su questi fenomeni è cresciuta. Tra marzo e aprile è stata approvata ladirettiva piattaforme, la direttiva europea per il miglioramento delle condizioni dei lavoratori coinvolti nel settore e che in parte tutela i sottoproletari dei dati. La strada da seguire rimane quella dell’uscita dall’invisibilità, per poter agire e trovare soluzioni concrete al precariato e allo sfruttamento.

    https://www.internazionale.it/reportage/laura-melissari/2024/08/06/intelligenza-artificiale-lavoratori-sfruttamento
    #travail #conditions_de_travail #AI #IA #intelligence_artificielle #prolétariat #nouveau_prolétariat #data_labeling #données #soustraitance #sous-traitance #délocalisation #data_workers #travail_invisible

  • La génération Fenwick et le monde la logistique sous l’œil des rappeurs.
    https://lhistgeobox.blogspot.com/2024/06/la-generation-fenwick-et-le-monde-la.html

    « Les grands groupes comme Amazon insistent sur la robotisation du travail et l’utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la logistique, laissant croire que ces innovations faciliteraient le travail ouvrier. Or, il n’en est rien. L’omniprésence de la technologie (logiciels pro de gestion, commandes vocales, écrans tactiles) confine les ouvriers dans des tâches hyper-spécialisées, proches de celles développées au temps du taylorisme triomphant. De même, le savoir-faire des salariés est rogné par le travail sous commande vocale, qui existe dans certaines plateformes logistiques. Guidés par une voix numérique, les ouvriers, équipés d’un casque sur les oreilles, manipulent les colis à traiter, puis valident l’action une fois la tâche requise effectuée, par l’intermédiaire d’une reconnaissance vocale. Un pseudo-dialogue se crée avec la machine, mais il n’y a aucune marge de manœuvre, d’autonomie ou d’initiative pour le travailleur. »

  • Hey, la douille.

    En Avril 2024 arrive une nouvelle taxe sur les formations professionnalisantes : 10% du montant global.

    Les salariés du privé cotisent déjà (pour le public, je ne sais pas), mais en plus, quand on voudra exercer notre droit à la formation, il faudra débourser un supplément.
    C’est une des actions de Bruno Lemaire « pour trouver les 10 milliards manquants », m’a-t-on dit.

    Si c’est pas juste des #bandits, je ne sais pas.

    Note : je suis d’accord que tout le monde devrait avoir un droit à la formation, et pas que les cotisants. Mais en attendant d’imposer la dictature du #prolétariat lors d’une miraculeuse opportunité politique (révolution ou guerre fasciste), il va falloir se contenter d’empêcher les libéraux d’agir ou juste se plaindre.
    #cpf #formation_continue #formation #cotisation

    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/22/le-decret-actant-les-10-milliards-d-euros-de-coupe-budgetaire-publie-au-jour

  • Discussion avec Alessandro Pignocchi sur la colère du monde agricole - La Grappe
    https://lagrappe.info/?Discussion-avec-Alessandro-Pignocchi-sur-la-colere-du-monde-agricole-631

    Elle en est la base, car le capitalisme, pour fonctionner, a besoin d’un prolétariat abondant et docile, et donc d’une population massivement dépossédée de ses moyens de subsistance. Notre dépendance générale au marché pour subvenir à l’ensemble de nos besoins, en premier lieu alimentaires, est sans doute la principale raison de notre impuissance politique. Un article de Gaspard d’Allen paru dans Reporterre montre la corrélation, au cours du 20e siècle, entre la perte progressive des liens entre la classe ouvrière et les campagnes vivrières et la diminution du temps des grèves. L’agriculture industrielle est aussi la matrice de notre monde dans la mesure où elle contribue, directement ou par le système institutionnel qui s’organise autour d’elle, à façonner nos subjectivités et nos façons d’être. Nous tenons pour acquis, pour « naturel », notre dépendance vitale au marché. Nous nous habituons à traverser des paysages ou les forces naturelles et les dynamiques du vivant sont contraintes, amoindries, contrôlées et mises au travail. Bref, pour un gouvernement libéral autoritaire, le complexe agro-industriel, grâce auquel la production alimentaire est prise en charge par un nombre minimal de personne, est un pilier vital.

    #Alessandro_Pignocchi #capitalisme #subsistance #agriculture #prolétariat #rapport_de_force

  • Petit précis d’atomisation de la #classe_ouvrière. Préface de l’ouvrage "Histoire de la séparation".

    PRÉFACE À « HISTOIRE DE LA SÉPARATION » - des nouvelles du front
    http://dndf.org/?p=21234#more-21234

    PRÉFACE À « HISTOIRE DE LA SÉPARATION »

    La préface d’Aaron Benanav & John Clegg à « HISTOIRE DE LA SÉPARATION » (en librairie le 26 janvier 2024), est désormais disponible en ligne sur le site des Editions Sans Soleil

    La fin des années 1960 a vu fleurir les marxismes dissidents à travers l’Europe : l’operaismo en Italie, le situationnisme en France, et ce qui sera nommé par la suite la Neue Marx-Lektüre [Nouvelle Lecture de Marx] en Allemagne. L’orthodoxie marxiste est entrée en crise après la révolution hongroise de 1956. Une «  nouvelle gauche  » s’est mis à la recherché de nouvelles idées, et une vague mondiale de révoltes ouvrières et étudiantes, dont 1968 marque l’apogée, exigeait une théorie critique du capitalisme d’après-guerre conforme à la critique pratique qui s’ébauchait dans les rues et les usines. A l’instar du sursaut théorique dans le sillage la Révolution russe qui avait renouvelé l’esprit critique des lectures marxiennes, la nouvelle génération de marxistes dissidents a également opéré son propre «  retour à Marx  » inspirée par la découverte et la publication de nombreux manuscrits inédits[1].

    En s’appuyant sur les écrits de jeunesse de Marx, ces dissidents rêvaient d’un avenir fondamentalement différent de ce qu’avait à offrir l’Est comme l’Ouest, un avenir dans lequel le travail pénible et ses contraintes seraient réduits au minimum afin de libérer le plus de temps libre possible pour satisfaire les plaisirs les plus simples comme les plus sophistiqués, tels que la production de savoir scientifique ou la création artistique. Certains pensaient même qu’il serait possible de dépasser radicalement la distinction entre travail et loisir, abolissant du même coup la séparation entre travail manuel et intellectuel qui constituait jusqu’alors la racine des civilisations agraires et industrielles. Les dissidents cherchaient avant tout à renverser les conditions de la vie sociale de sorte à réaliser le potentiel libérateur et humain contenu mais prisonnier des structures actuelles.

    Contrairement aux marxistes orthodoxes qui tendaient à nier la chute du taux d’exploitation dans les pays développés (ou qui tournaient leur regard vers les travailleurs censément surexploités ailleurs dans le monde), les dissidents des années 1960 estimaient que l’amélioration des conditions de vie des ouvriers exigeait une réactualisation de la théorie marxiste pour mettre en conformité avec ces réalités nouvelles. Ce faisant, ils mettaient en avant les préoccupations centrales de Marx, la liberté, la critique de l’aliénation et de l’idéologie, contre les aspects plus «  économicistes  » de ses écrits plus tardifs, particulièrement ceux qui projetaient une dégradation des conditions matérielles (et non seulement spirituelles) d’existence du prolétariat.

    Le changement technique rapide des années d’après-guerre a conduit de nombreux dissidents à abandonner l’idée selon laquelle les rapports sociaux capitalistes né seraient que des «  entraves  » à une forme de production toujours plus socialisée. Cette perspective était tout bonnement incompatible avec les horreurs de la chaîne de montage décrites par Raniero Panzieri ou Harry Braverman, ainsi que face à la critique pratique du travail qui se manifestait au cours des nombreuses grèves sauvages[2]. Même si ces dissidents ont continué à adhérer à l’idée selon laquelle les innovations techniques recelaient une potentielle libération des êtres humains par l’extension du «  règne de la liberté, ils considéraient que sous le capitalisme, la technique était devenue le moyen de mettre en œuvre une rationalisation toujours plus catastrophique de la vie sociale[3].

    Les marxistes des années 1960 ont vécu une époque marquée par la surabondance de biens, ouvrant la possibilité d’une libération massive du temps libre pour l’ensemble de la société – un potentiel qui né pouvait se concrétiser en raison de la charge de travail pesant sur les individus. Dans une période de chômage extrêmement faible et d’un essor considérable des salaires réels, ces théoriciens pouvaient difficilement imaginer ce qui suivrait : au milieu des années 1970, le temps libre que recelait potentiellement la société né s’est pas traduit par une expansion du règne de la liberté, mais par une crise de surproduction, associée à une croissance dramatique des taux de chômage et de sous-emploi. Ces tendances ont ouvert la voie, non pas à un renouveau et une transformation du mouvement ouvrier, comme l’imaginaient certains marxistes, mais plutôt à sa dissolution tendancielle.

    [CONTINUER LA LECTURE] https://kdrive.infomaniak.com/app/share/306219/e55b631e-a6af-4af2-a2f9-b822d7b221db/preview/pdf/12581

    #Marxisme #communisme #prolétariat #théories_communistes

  • Crise capitaliste au moyen orient | Guillaume Deloison
    https://guillaumedeloison.wordpress.com/2018/10/08/dawla-crise-capitaliste-au-moyen-orient

    ISRAËL ET PALESTINE – CAPITAL, COLONIES ET ÉTAT

    Le conflit comme Histoire

    A la fin des guerres napoléoniennes, certaines parties du Moyen-Orient se retrouvèrent envahies par le nouveau mode de production capitaliste. Dans cette région, l’industrie textile indigène, surtout en Egypte, fut détruite par les textiles anglais bon marché dans les années 1830. Dès les années 1860, les fabricants britanniques avaient commencé à cultiver le coton le long du Nil. En 1869, on ouvrit le canal de Suez dans le but de faciliter le commerce britannique et français. Conformément à cette modernisation, on peut dater les origines de l’accumulation primitive en #Palestine à la loi de l’#Empire_ottoman de 1858 sur la #propriété_terrienne qui remplaçait la propriété collective par la propriété individuelle de la terre. Les chefs de village tribaux se transformèrent en classe de propriétaires terriens qui vendaient leurs titres aux marchands libanais, syriens, égyptiens et iraniens. Pendant toute cette période, le modèle de développement fut surtout celui d’un développement inégal, avec une bourgeoisie étrangère qui prenait des initiatives et une bourgeoisie indigène, si l’on peut dire, qui restait faible et politiquement inefficace.

    Sous le #Mandat_britannique, de nombreux propriétaires absentéistes furent rachetés par l’Association de colonisation juive, entraînant l’expulsion de métayers et de fermiers palestiniens. Étant donné que les dépossédés devaient devenir #ouvriers_agricoles sur leurs propres terres, une transformation décisive des relations de production commençait, conduisant aux premières apparitions d’un #prolétariat_palestinien. Ce processus eut lieu malgré une violente opposition de la part des #Palestiniens. Le grand tournant dans une succession de #révoltes fut le soulèvement de #1936-1939. Son importance réside dans le fait que « la force motrice de ce soulèvement n’était plus la paysannerie ou la bourgeoisie, mais, pour la première fois, un prolétariat agricole privé de moyens de travail et de subsistance, associé à un embryon de classe ouvrière concentrée principalement dans les ports et dans la raffinerie de pétrole de Haïfa ». Ce soulèvement entraîna des attaques contre des propriétaires palestiniens ainsi que contre des colons anglais et sionistes. C’est dans le même temps que se développa le mouvement des #kibboutz, comme expérience de vie communautaire inspiré notamment par des anarchistes comme Kropotkine, s’inscrivant dans le cadre du sionisme mais opposées au projet d’un état.

    La Seconde Guerre mondiale laissa un héritage que nous avons du mal à imaginer. L’implantation des juifs en Palestine, déjà en cours, mais de faible importance entre 1880 et 1929, connaît une augmentation dans les années 1930 et puis un formidable élan dans l’après-guerre ; de ce processus naquit #Israël. Le nouvel Etat utilisa l’appareil légal du Mandat britannique pour poursuivre l’expropriation des Palestiniens. La #prolétarisation de la paysannerie palestinienne s’étendit encore lors de l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza en 1967. Cette nouvelle vague d’accumulation primitive ne se fit pas sous la seule forme de l’accaparement des #terres. Elle entraîna aussi le contrôle autoritaire des réserves d’#eau de la Cisjordanie par le capital israélien par exemple.

    Après la guerre de 1967, l’Etat israélien se retrouvait non seulement encore entouré d’Etats arabes hostiles, mais aussi dans l’obligation de contrôler la population palestinienne des territoires occupés. Un tiers de la population contrôlée par l’Etat israélien était alors palestinienne. Face à ces menaces internes et externes, la survie permanente de l’Etat sioniste exigeait l’unité de tous les Juifs israéliens, occidentaux et orientaux. Mais unir tous les Juifs derrière l’Etat israélien supposait l’intégration des #Juifs_orientaux, auparavant exclus, au sein d’une vaste colonie de travail sioniste. La politique consistant à établir des colonies juives dans les territoires occupés est un élément important de l’extension de la #colonisation_travailliste sioniste pour inclure les Juifs orientaux auparavant exclus. Bien entendu, le but immédiat de l’installation des #colonies était de consolider le contrôle d’Israël sur les #territoires_occupés. Cependant, la politique de colonisation offrait aussi aux franges pauvres de la #classe_ouvrière_juive un logement et des emplois qui leur permettaient d’échapper à leur position subordonnée en Israël proprement dit. Ceci ne s’est pas fait sans résistance dans la classe ouvrière Israélienne, certain s’y opposaient comme les #Panthéres_noire_israélienne mais l’#Histadrout,« #syndicat » d’Etat et employeur important s’efforçait d’étouffer les luttes de la classe ouvrière israélienne, comme par exemple les violents piquets de grève des cantonniers.

    En 1987, ce sont les habitants du #camp_de_réfugiés de Jabalya à Gaza qui furent à l’origine de l’#Intifada, et non l’#OLP (Organisation de Libération de la Palestine) composé par la bourgeoisie Palestinienne, basée en Tunisie et complètement surprise. Comme plus tard en 2000 avec la seconde intifada, ce fut une réaction de masse spontanée au meurtre de travailleurs palestiniens. A long terme, l’Intifada a permis de parvenir à la réhabilitation diplomatique de l’OLP. Après tout, l’OLP pourrait bien être un moindre mal comparée à l’activité autonome du prolétariat. Cependant, la force de négociation de l’OLP dépendait de sa capacité, en tant que « seul représentant légitime du peuple palestinien », à contrôler sa circonscription, ce qui ne pouvait jamais être garanti, surtout alors que sa stratégie de lutte armée s’était révélée infructueuse. Il était donc difficile pour l’OLP de récupérer un soulèvement à l’initiative des prolétaires, peu intéressés par le nationalisme, et qui haïssaient cette bourgeoisie palestinienne presque autant que l’Etat israélien.

    Quand certaines personnes essayèrent d’affirmer leur autorité en prétendant être des leaders de l’Intifada, on raconte qu’un garçon de quatorze ans montra la pierre qu’il tenait et dit : « C’est ça, le leader de l’Intifada. » Les tentatives actuelles de l’Autorité palestinienne pour militariser l’Intifada d’aujourd’hui sont une tactique pour éviter que cette « anarchie » ne se reproduise. L’utilisation répandue des pierres comme armes contre l’armée israélienne signifiait qu’on avait compris que les Etats arabes étaient incapables de vaincre Israël au moyen d’une guerre conventionnelle, sans parler de la « lutte armée » de l’OLP. Le désordre civil « désarmé » rejetait obligatoirement « la logique de guerre de l’Etat » (bien qu’on puisse aussi le considérer comme une réaction à une situation désespérée, dans laquelle mourir en « martyr » pouvait sembler préférable à vivre dans l’enfer de la situation présente). Jusqu’à un certain point, le fait de lancer des pierres déjouait la puissance armée de l’Etat d’Israël.

    D’autres participants appartenaient à des groupes relativement nouveaux, le #Hamas et le #Jihad_Islamique. Pour essayer de mettre en place un contrepoids à l’OLP, Israël avait encouragé la croissance de la confrérie musulmane au début des années 1980. La confrérie ayant fait preuve de ses sentiments anti-classe ouvrière en brûlant une bibliothèque qu’elle jugeait être un » foyer communiste « , Israël commença à leur fournir des armes.

    D’abord connus comme les « accords Gaza-Jéricho », les accords d’Oslo fit de l’OLP l’autorité palestinienne. Le Hamas a su exploiter ce mécontentement tout en s’adaptant et en faisant des compromis. Ayant rejeté les accords d’Oslo, il avait boycotté les premières élections palestiniennes issues de ces accords en 1996. Ce n’est plus le cas désormais. Comme tous les partis nationalistes, le Hamas avec son discours religieux n’a nullement l’intention de donner le pouvoir au peuple, avec ou sans les apparences de la démocratie bourgeoise. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de profondément commun entre ce mouvement et l’OLP dans toutes ses composantes : la mise en place d’un appareil politico-militaire qui se construit au cours de la lutte, au nom du peuple mais clairement au-dessus de lui dès qu’il s’agit de prendre puis d’exercer le pouvoir. Après plusieurs années au gouvernement, le crédit du Hamas est probablement et selon toute apparence bien entamé, sans que personne non plus n’ait envie de revenir dans les bras du Fatah (branche militaire de l’OLP). C’est semble-t-il le scepticisme, voire tout simplement le désespoir et le repli sur soi, qui semblent l’emporter chaque jour un peu plus au sein de la population.

    Le sionisme, un colonialisme comme les autres ?

    Dans cette situation, la question de déterminer les frontières de ce qui délimiterait un État israélien « légitime » est oiseuse, tant il est simplement impossible : la logique de l’accaparement des territoires apparaît inséparable de son existence en tant qu’État-nation. S’interroger dans quelle mesure l’État israélien est plus ou moins « légitime » par rapport à quelque autre État, signifie simplement ignorer comment se constituent toujours les États-nations en tant qu’espaces homogènes.

    Pour comprendre la situation actuelle il faut appréhender la restructuration générale des rapports de classes à partir des années 1970. Parallèlement aux deux « crises pétrolières » de 1973-74 et 1978-80, à la fin du #nationalisme_arabe et l’ascension de l’#islamisme, la structure économique et sociale de l’État d’Israël change radicalement. Le #sionisme, dans son strict sens, fut la protection et la sauvegarde du « travail juif », soit pour le capital israélien, contre la concurrence internationale, soit pour la classe ouvrière contre les prolétaires palestiniens : ce fut en somme, un « compromis fordiste » post-1945, d’enracinement d’une fraction du capital dans dans un État-nation. Le sionisme impliquait qu’il donne alors à l’État et à la société civile une marque de « gauche » dans ce compromis interclassiste et nationaliste. C’est ce compromis que le Likoud a progressivement liquidé ne pouvant plus garantir le même niveau de vie au plus pauvres. Pourtant la définition d’Israël comme « État sioniste » résiste. Agiter des mots comme « sioniste », « lobby », etc. – consciemment ou pas – sert à charger l’existence d’Israël d’une aire d’intrigue, de mystère, de conspiration, d’exceptionnalité, dont il n’est pas difficile de saisir le message subliminal : les Israéliens, c’est-à-dire les Juifs, ne sont pas comme les autres. Alors que le seul secret qu’il y a dans toute cette histoire, c’est le mouvement du capital que peu regardent en face. La concurrence généralisé, qui oppose entre eux « ceux d’en haut » et aussi « ceux d’en bas ». L’aggravation de la situation du prolétariat israélien et la quart-mondialisation du prolétariat palestinien appartiennent bien aux mêmes mutations du capitalisme israélien, mais cela ne nous donne pour autant les conditions de la moindre « solidarité » entre les deux, bien au contraire. Pour le prolétaire israélien, le Palestinien au bas salaire est un danger social et de plus en plus physique, pour le prolétaire palestinien les avantages que l’Israélien peut conserver reposent sur son exploitation, sa relégation accrue et l’accaparement des territoires ».

    La #solidarité est devenue un acte libéral, de conscience, qui se déroule entièrement dans le for intérieur de l’individu. Nous aurons tout au plus quelques slogans, une manifestation, peut-être un tract, deux insultes à un flic… et puis tout le monde rentre chez soi. Splendeur et misère du militantisme. Entre temps, la guerre – traditionnelle ou asymétrique – se fait avec les armes, et la bonne question à se poser est la suivante : d’où viennent-elles ? Qui les paye ? Il fut un temps, les lance-roquettes Katioucha arrivaient avec le « Vent d’Est ». Aujourd’hui, pour les Qassam, il faut dire merci à la #Syrie et à l’#Iran. Il fut un temps où l’on pouvait croire que la Révolution Palestinienne allait enflammer le Tiers Monde et, de là, le monde entier. En réalité le sort des Palestiniens se décidait ailleurs, et ils servirent de chair à canon à l’intérieur des équilibres de la #Guerre_Froide. Réalité et mythe de la « solidarité internationale ».

    Nous savons trop bien comment la #religion peut être « le soupir de la créature opprimée, le sentiment d’un monde sans cœur » (Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel). Mais cette généralité vaut en Palestine, en Italie comme partout ailleurs. Dans le Proche et Moyen-Orient, comme dans la plupart des pays arabes du bassin méditerranéen, l’islamisme n’est pas une idéologie tombée du ciel, elle correspond à l’évolution des luttes entre les classes dans cette zone, à la fin des nationalisme arabe et la nécessité de l’appareil d’état pour assurer l’accumulation capitaliste. Le minimum, je n’ose même pas dire de solidarité, mais de respect pour les prolétaires palestiniens et israeliens, nous impose tout d’abord d’être lucides et sans illusions sur la situation actuelle ; de ne pas considérer le prolétariat palestinien comme des abrutis qui se feraient embobiner par le Hamas ni comme des saints investi par le Mandat du Ciel Prolétarien ; de ne pas considérer le prolétariat israélien comme des abruti qui serait simplement rempli de haine envers les palestinien ni comme des saint dont la situation ne repose pas sur l’exploitation d’autres. L’#antisionisme est une impasse, tout comme l’#antimondialisme (défense du #capital_national contre le capital mondialisé), ou toutes les propositions de gestion alternative du capital, qui font parties du déroulement ordinaire de la lutte des classe sans jamais abolir les classes. Sans pour autant tomber dans un appel à la révolution globale immédiate pour seule solution, il nous faut partir de la réalité concrètes et des divisions existantes du mode de production, pour s’y attaquer. Le communisme n’est pas le fruit d’un choix, c’est un mouvement historique. C’est avec cette approche que nous cherchons à affronter cette question. Il en reste pas moins que désormais – à force de réfléchir a partir de catégories bourgeoises comme « le droit », « la justice » et « le peuple » – il n’est pas seulement difficile d’imaginer une quelconque solution, mais il est devenu quasi impossible de dire des choses sensées à cet égard.

    (version partiellement corrigée de ses erreurs typo et orthographe par moi)

  • Gaza : un territoire entre marginalisation économique et destruction - tousdehors
    https://tousdehors.net/Gaza-un-territoire-entre-marginalisation-economique-et-destruction

    ... le système de tunnel à Gaza a d’abord et avant tout était un moyen de survie économique pour accéder à l’Égypte. Nicolas Pelham raconte l’émergence de l’économie des #tunnels dans un article paru dans le Journal of Palestine Studies de 2012 qui mérite d’être cité longuement :

    “La prise de pouvoir par les armes par le Hamas, à #Gaza, à l’été 2007, a marqué un tournant pour l’#économie des tunnels. Le siège de la bande, déjà en place, a été renforcé. L’Égypte a fermé le terminal de Rafah. Gaza a été désignée comme « entité hostile » par Israël et, après le tir d’une salve de roquettes sur ses zones frontalières en novembre 2007, a diminué de moitié l’importation de denrées alimentaires et a restreint l’approvisionnement en carburant. En janvier 2008, #Israël a annoncé un blocage total de carburant après des tirs de roquettes sur Sderot, interdisant toutes les catégories de fournitures humanitaires, à l’exception de sept d’entre elles. Lorsque les réserves d’essence se sont taries, les habitants de Gaza ont abandonné leurs voitures sur le bord de la route et ont acheté des ânes. Sous la pression du blocus israélien en mer et du siège égypto-israélien sur terre, la crise humanitaire de Gaza menaçait le pouvoir du Hamas. La première tentative des islamistes pour briser l’étau a visé l’Égypte, considérée comme le maillon faible. En janvier 2008, les forces du Hamas ont détruit au bulldozer un pan de mur au point de passage de Rafah pour permettre à des centaines de milliers de Palestiniens de se déverser dans le Sinaï. Bien que la demande longtemps refoulée en matière de consommation ait été libérée, la mesure n’a apporté qu’un soulagement à court terme. En l’espace de onze jours, les forces égyptiennes ont réussi à refouler les Palestiniens. L’Égypte a alors renforcé le contingent de l’armée chargé de maintenir le point de passage clos et a construit un mur d’enceinte renforcé à la frontière. Avec l’intensification du siège, le nombre d’emplois dans l’industrie manufacturière de Gaza a chuté de 35 000 à 860 à la mi-2008, et le produit intérieur brut (PIB) de Gaza a diminué d’un tiers en termes réels par rapport à son niveau de 2005 (contre une augmentation de 42 % en Cisjordanie au cours de la même période). L’accès à la surface étant interdit, le mouvement islamiste a supervisé un programme de creusement de tunnels souterrains à échelle industrielle. La construction de chaque tunnel coûtant entre 80 000 et 200 000 dollars, les mosquées et les réseaux caritatifs ont lancé des programmes offrant des taux de rendement irréalistes, faisant ainsi la promotion d’un système pyramidal de crédits qui s’est soldé par un désastre. Les prédicateurs vantaient les mérites des tunnels commerciaux comme une activité de « résistance » et saluaient les travailleurs tués au travail comme des « martyrs ». Les Forces de sécurité nationale (FSN), une branche de l’Autorité palestinienne reconstituée par le Hamas à partir de membres des Brigades Izz al-Din al-Qassam (BIQ), mais comprenant également plusieurs centaines de transfuges de l’Autorité palestinienne (Fatah), ont gardé la frontière, échangeant parfois des coups de feu avec l’armée égyptienne, tandis que le gouvernement du Hamas supervisait les activités de construction. Parallèlement, la municipalité de Rafah, dirigée par le Hamas, a modernisé le réseau électrique pour alimenter des centaines d’engins de levage, a maintenu les services d’incendie de Gaza en état d’alerte et a éteint à plusieurs reprises des incendies dans des tunnels utilisés pour pomper du carburant. Comme l’a expliqué Mahmud Zahar, un dirigeant du Hamas à Gaza, « il n’y a pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture venant de l’extérieur. C’est pourquoi nous avons dû creuser les tunnels ». Des investisseurs privés, y compris des membres du Hamas qui ont réuni des capitaux par l’intermédiaire de leurs réseaux de mosquées, se sont associés à des familles vivant de part et d’autre de la frontière. Des avocats ont rédigé des contrats pour des coopératives chargées de construire et d’exploiter des tunnels commerciaux. Ces contrats précisaient le nombre d’associés (généralement de quatre à quinze), la valeur des parts respectives et le mécanisme de distribution des bénéfices des actionnaires. Un partenariat type regroupe un échantillon représentatif de la société gazaouie : par exemple, un gardien au point de passage terrestre de Rafah, un agent de sécurité de l’ancienne administration de l’Autorité palestinienne, des travailleurs agricoles, des diplômés issus de l’université, des employés d’organisations non gouvernementales (ONG) et des ouvriers chargés de creuser ces tunnels. Abu Ahmad, qui gagnait entre 30 et 70 shekels par jour en tant que chauffeur de taxi, a investi les bijoux de sa femme, d’une valeur de 20 000 dollars, pour s’associer avec neuf autres personnes dans la construction d’un tunnel. Les investisseurs pouvaient rapidement récupérer leur mise de fonds. Pleinement opérationnel, un tunnel peut générer le coût de sa construction en un mois. Chaque tunnel étant géré conjointement par un partenariat de part et d’autre de la frontière, les propriétaires gazaouis et égyptiens se partagent généralement les bénéfices à parts égales. […] À la veille de l’opération Plomb durci en décembre 2008, leur nombre était passé de quelques douzaines de tunnels essentiellement militaires à la mi-2005 à au moins cinq cents ; les recettes commerciales des tunnels sont passées d’une moyenne de 30 millions de dollars par an en 2005 à 36 millions de dollars par mois. Ils ont permis d’atténuer dans une certaine mesure la forte contraction de l’économie de Gaza, résultat du boycott international du Hamas…”

    Le Hamas a mis en place un comité des tunnels pour réguler cette activité économique. Il prélevait ainsi des taxes, assurait la sécurité et contrôle la nature des biens qui transitaient. Comme l’écrit Tannira (2021) dans l’excellent recueil The Political Economy of Palestine :

    “Sous la tutelle du Hamas, de modestes hommes d’affaires sont autorisés à investir dans la construction de tunnels qui permettent l’acheminement de biens et de fournitures. Des ouvriers (chargés de leur construction) sont également associés à la propriété de ces tunnels de manière à accéder à une part donnée des revenus ainsi générés. Le Hamas a, dans le même temps, reçu entre 25 et 40 % des revenus issus de cette activité […] Les commerçants ont profité des prix nettement moins élevés des marchandises passées en contrebande depuis l’Égypte […] Les marchandises étaient ensuite vendues sur les marchés locaux au même prix que les biens taxés par Israël […] Les nouveaux commerçants ont ainsi été en mesure de réaliser d’importants profits […] Les risques élevés et les considérations de sécurité […] ont conduit le Hamas à n’autoriser qu’un groupe restreint de commerçants validés par l’organisation…”

    À l’apogée de cette économie, au début des années 2010, le Hamas pouvait générer annuellement jusqu’à 750 millions de dollars de revenus. Le système des tunnels a aussi permis, et c’est un point crucial, l’importation de matériaux de construction, offrant la possibilité pour Gaza d’assurer la demande en logement et de reconstruire après la désastreuse confrontation avec Israël de 2008-2009. Comme le rapporte la CNUCED :

    “[…] entre 2007 et 2013, plus de 1 532 tunnels souterrains [ont été construits] sous les 12 km de frontière qui séparent Gaza de l’Égypte. […] La part du commerce assuré par le tunnel était plus importante que celui entrepris par des canaux officiels (Banque mondiale, 2014a). Selon le Programme des Nations unies pour les établissements humains, il aurait fallu 80 ans pour reconstruire, en utilisant uniquement les matériaux autorités par Israël, les quelque 6000 habitations détruites au cours de l’opération militaire de décembre 2008 et janvier 2009. Les importations au moyen des tunnels ont cependant permis de réduire ce laps de temps à 5 ans (Pelham, 2011). De manière similaire, la centrale électrique de Gaza tourne grâce au diesel importé depuis l’Égypte à hauteur d’un million de litres par jours avant juin 2013 (OCHA, 2013).”

    L’économie des tunnels a atteint son acmé entre 2011 et 2013, après le renversement du régime répressif de Moubarak au cours des printemps arabes et l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir au Caire. Grâce à l’afflux de biens et à l’essor du secteur de la construction, le PIB par habitant de Gaza a rebondi après l’effondrement de 2008. Mais c’est sans compter sur la double catastrophe qui a suivi.

    En juillet 2013, les militaires égyptiens prennent le pouvoir et renversent les alliés du Hamas. Un an plus tard, en juillet 2014, Israël lance une guerre de 50 jours contre le Hamas. Une dévastation plus grande encore s’en est suivie. Non seulement les gazaouis ont été soumis à de terribles bombardements de dizaines de milliers d’obus et de bombes larguées depuis des avions, mais une campagne conjointe israélo-égyptienne a, de plus, entraîné la fermeture des tunnels. En mai 2015 le nombre de réfugiés palestiniens dépendants des distributions alimentaires de l’UNWRA a augmenté pour atteindre 868 00 individus, soit la moitié de la population de Gaza et 65 % des habitants enregistrés comme réfugiés (UWRA, 2015b).

    Les bombardements et l’isolement n’ont pas non plus été les seules menaces auxquelles l’économie gazaouie a dû faire face. Comme le montrent les données du FMI, l’économie gazaouie a rebondi après le choc massif de 2014, avant de subir en 2017 une crise financière et une compression des dépenses publiques. Tannira résume l’escalade désastreuse de cette austérité :

    “·  Les dépenses publiques dans la bande de Gaza sont passées de 985 millions de dollars en 201 à 860 millions de dollars en 2017 (soit une chute de 12,6 %), pour atteindre ensuite 849 millions de dollars en 2018 et finalement 788 millions de dollars en 2019. Les dépenses du gouvernement de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza ont donc décliné de 20 % depuis 2017 (PCBS, 2019).

    · Le PIB par habitant s’est effondré de 1 731 dollars en 2016 à 1 557 en 2017, puis 1 458 en 2018 pour finalement tomber à 1 417 dollars en 2019, soit une chute de 18 % depuis 2016 (PCBS, 2019).

    · L’investissement total a chuté pour atteindre 440 millions de dollars en 2019, alors qu’il était de 623 millions de dollars en 2016. Les investisseurs locaux ont perdu toute capacité de se lancer dans de nouvelles activités, car les risques étaient bien trop élevés (PCBS, 2019).

    · Les taxes collectées par le gouvernement du Hamas à Gaza ont augmenté après l’échec de l’application de l’accord de réconciliation de 2017 entre le Hamas et le Fatah.

    · La crise continue de l’électricité constitue un poste de dépense supplémentaire sur le secteur privé et augmente ainsi les coûts de production et de fonctionnement.

    ·  La suspension de la contribution des États-Unis au budget de l’UNRWA à partir de 2018 a eu des répercussions sur plus de 60 % des bénéficiaires de transfert d’argent (UNWRA, 2018). Dans le même temps, le Programme Alimentaire Mondial a réduit son aide à des milliers de familles parmi les plus pauvres en décembre 2017 (WFP, 2017).”

    Pour aggraver les pressions financières exercées sur les autorités palestiniennes, Israël retient régulièrement les recettes fiscales dues en vertu des accords économiques de Paris de 1994. Sous l’effet de ces pressions, même avant l’explosion de violence actuelle, il était devenu de plus en plus difficile de parler de développement économique gazaoui. Le PIB par habitant s’est effondré pour atteindre à peine 1500 dollars par habitant. Le taux de chômage à Gaza oscille entre 40 et 50 %, soit environ trois fois plus qu’en Cisjordanie.

    Comme le montrent les données de Shir Hever, les salaires à Gaza stagnent tout en bas de la pyramide raciale en Israël/Palestine.

    • La prise de pouvoir par les armes par le Hamas, à #Gaza, à l’été 2007

      (Post rectifié)

      Il y a d’abord eu des élections au suffrage universel en 2006 comme dans les « démocraties » parce que la « communauté internationale » était convaincue que les collabos allaient gagner

      Le Hamas a gagné

      La « communauté internationale » alias le monde libre et l’état sioniste pseudo villa dans la jungle n’ont pas accepté le verdict des urnes

      Ils ont alors décidé de punir ceux qui avaient mal voté

      2005-2007 : Gaza, comment le piège s’est refermé, par Rania Awwad (Le Monde diplomatique, juillet 2007)
      https://www.monde-diplomatique.fr/2007/07/AWWAD/14900

    • merci pour la référence @kassem, elle précise ce que l’article, centré sur l’économie de Gaza (dont j’ai cité le passage sur les tunnels) évoque de manière rapide

      le #Hamas remporté une victoire inattendue aux élections de #Gaza de 2006 et, au terme d’une #guerre_civile brutale, est parvenu à expulser le Fatah du territoire en 2007. En guise de réponse, #Israël a déclaré que Gaza était dorénavant un « territoire hostile » et l’a placé en état de siège permanent, situation qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours.

      c’était aussi l’occasion de revenir sur des enjeux sous jacents à une « question nationale » qui tend à les occulter, des questions économiques, les rapports de classe, des contradictions immanentes, comme le proposent d’autres articles récemment cités ici, dogmatiques mais intéressants
      un point de vue propalestinien de plus mais où la division en classes est évoquée (ou invoquée...)
      https://seenthis.net/messages/1024808
      plus singulier : les organisations politiques palestiniennes, Hamas compris, comme sous traitantes de fait de l’état israélo-palestinien réellement existant (actuel et non pas comme hypothèse de solution, à venir, à un état) et sa gestion ethniciste de l’exploitation de la force de travail (Philippins et autres asiatiques sans papiers inclus)
      https://seenthis.net/messages/1024610
      ce dernier, certes criticable voire agaçant, consonne il me semble avec ce que disent de jeunes palestiniens de Cisjordanie ou de Gaza pour qui le bilan de la « solution à deux états », moins déterminé par les critères de leurs aînés, s’effectue au présent de l’occupation-mitage et de l’enfermement

      #Fatah #prolétariat

  • ★ UNE APPROCHE ANARCHISTE DE LA LUTTE DES CLASSES - Socialisme libertaire

    De quoi parlons nous quand nous parlons de classes sociales ? 

    Une classe est un groupe social, un ensemble d’individus caractérisés par une position similaire dans les rapports de production. Ces rapports de production sont les rapports sociaux (interactions entre individus et groupe d’individus, rapports de pouvoir et de propriété entre individus et groupes d’individus). 

    De quoi parlons nous quand nous parlons de lutte de classe ? 

    La lutte des classes est une notion souvent associée à Marx et à la théorie marxiste. Elle fait cependant partie du patrimoine de l’ensemble du mouvement ouvrier socialiste, auquel se rattache l’anarchisme communiste et l’anarchosyndicalisme. Cette notion exprime le conflit d’intérêts entre classes sociales, autour des rapports de production et de reproduction (...)

    #classes_sociales #luttes_des_classes #prolétariat #bourgeoisie #capitalisme #domination #étatisme #propriété #marxisme #anarchisme #communisme_libertaire #émancipation

    ⏩ Lire l’article complet...

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/05/une-approche-anarchiste-de-la-lutte-des-classes.html

  • ★ Emma Goldman : La révolution sociale est porteuse d’un changement radical de valeurs (1923) - Socialisme libertaire

    Les critiques socialistes, mais non bolcheviks, de l’échec de la Russie affirment que la révolution a échoué parce que l’industrie n’avait pas atteint un niveau de développement suffisant dans ce pays. Ils se réfèrent à Marx, pour qui la révolution sociale était possible uniquement dans les pays dotés d’un système industriel hautement développé, avec les antagonismes sociaux qui en découlent. Ces critiques en déduisent que la révolution russe ne pouvait être une révolution sociale et que, historiquement, elle était condamnée à passer par une étape constitutionnelle, démocratique, complétée par le développement d’une industrie avant que le pays ne devienne économiquement mûr pour un changement fondamental.

    Ce marxisme orthodoxe ignore un facteur plus important, et peut-être même plus essentiel, pour la possibilité et le succès d’une révolution sociale que le facteur industriel. Je veux parler de la conscience des masses à un moment donné. Pourquoi la révolution sociale n’a-t-elle pas éclaté, par exemple, aux États-Unis, en France ou même en Allemagne ? Ces pays ont certainement atteint le niveau de développement industriel fixé par Marx comme le stade culminant. En vérité, le développement industriel et les puissantes contradictions sociales ne sont en aucun cas suffisants pour donner naissance à une nouvelle société ou déclencher une révolution sociale. La conscience sociale et la psychologie nécessaires aux masses manquent dans des pays comme les États-Unis et ceux que je viens de mentionner. C’est pourquoi aucune révolution sociale n’a eu lieu dans ces régions (...)

    #EmmaGoldman #anarchisme #communisme #prolétariat #Révolution #soviet #Russie #bolchevisme #marxisme #Marx #Lénine #Trotsky #pouvoir #étatisme #autoritarisme...

    ⏩ Lire l’article complet...

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/06/la-revolution-sociale.html

  • ★ PATRONAT & SALARIAT - Socialisme libertaire

    S’il reste encore, parmi nos amis, quelques-uns qui croient à la possibilité d’une entente amiable entre le Patronat et le Salariat, et qui escomptent sur le groupement syndical pour concilier le litige dont nous souffrons tous, nous croyons de notre devoir de leur dessiller les yeux.
    L’homme est avant tout un être profondément égoïste, ayant pour but son bonheur propre, particulier, et qui ne peut admettre qu’en seconde ligne le bonheur des autres, le milieu social dans lequel l’homme évolue de nos jours le poussant à être d’autant féroce.
    L’altruisme qui le fait agir en certains cas n’est qu’une transformation de cet égoïsme, amené par le coudoiement social, et qui permet que tel sentiment exprimé, à première vue désintéressé, n’est que l’expression d’un sentiment égoïste, plus tangible que visible.
    Ceci admis, comment vouloir concilier l’intérêt patronal avec l’intérêt ouvrier ? Ces intérêts antinomiques (...)

    #patronat #salariat #capitalisme #prolétariat
    #anarchisme #anticapitalisme

    ⏩ Lire l’article complet...

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2023/07/patronat-salariat.html

    • Voilà un texte qui peut sembler aujourd’hui, assez surprenant venant d’un « organe communiste libertaire », tant son propos évoque plutôt, par certains passages, à la limite de la misanthropie, une orientation franchement individualiste.

      Mais c’est tout le charme des textes révolutionnaires anciens, dont les plus savoureux sont souvent anarchistes : ils nous révèlent sans fard la réalité des analyses et des idéologies qu’avaient leurs portes-paroles à l’époque. Bien souvent, les anarchistes d’aujourd’hui auraient intérêt à les consulter avec plus d’attention. Cela éviterait quelques reconstitutions a posteriori quelques peu angéliques et tronquées qu’il arrive de voir ici où là.

      Merci donc à @socialisme_libertaire, par son travail de restitution directe des sources anarchistes, de nous permettre cette plongée dans le temps sans filtre :-)

      Pour en revenir au texte, s’il est possible que l’on soit obligé, comme c’est mon cas, de fournir quelque effort d’imagination pour percevoir ce qu’il y a de communiste libertaire (hormis la référence à l’antagonisme de classe) il n’y a aucune ambiguïté pour comprendre où se situe l’« organe ».

      Les extraits suivants de ce texte, notamment ceux que j’ai passé en gras, pourraient servir d’exemples au livre Hardi Compagnons ! de Clara Schildknecht, pour lequel j’avais proposé une recension, il y a 5 mois, sur seenthis :

      https://seenthis.net/messages/992452

      Chaque fois qu’un exploiteur semblera concéder aux exigences d’un exploité, il ne pourra y avoir, au fond, qu’une exigence forcée au sacrifice de son intérêt propre, particulier, où un intérêt caché le poussait à ce semblant de sacrifice. Et la nature humaine le poussera obligatoirement à reposséder, sous une forme, la dépossession volontaire ou obligée à laquelle il semble acquiescer, ce qui revient à dire plus simplement que « ce qu’on donne d’une main on le reprend des deux ».
      si tout le monde voulait accepter ce raisonnement, aussi simple qu’expérimentalement établi, on aurait vite fait de reconnaître qu’une société basée sur l’antagonisme des classes, et par conséquent des intérêts, ne peut être que préjudiciable à la classe dirigée, la classe dirigeante possédant pour elle tout ce qui constitue la force actuelle : lois, pouvoirs, et leurs représentations : magistrature, armée, police, etc.
      Et partant de ce raisonnement, personne ne songerait plus à émousser les forces prolétariennes dans une lutte inégale contre le fait acquis et légalement établi. Bien plutôt on penserait à développer intellectuellement les individus, à leur démontrer les tares sociales, à combattre les préjugés qui leur servent d’assise, et, en les démolissant, à donner pleine et entière liberté à l’individualité, dans ce qu’elle a de complet et de virile.

      [...]

      « L’ennemi, c’est le maître ! » de quelque nom, de quelque forme on l’affuble. Et pour le moment, travailleurs, l’ennemi c’est le Patronat, dont les intérêts humains, fondamentalement opposés aux vôtres, ne pourront jamais s’allier aux vôtres. Laissez de côté les pauvres hères de votre classe, qui, moins bien partagés que d’autres, en subissent encore plus durement le joug émasculant ; déclarez nettement et carrément, dans vos actions, dans vos paroles, dans vos idées, la guerre aux tyrans.
      [...]

    • @cabou

      Merci pour ton commentaire.

      Nous sommes (effectivement) une plateforme de diffusion des textes et idées anarchistes de tous les courants et même parfois au-delà.

      Comme nous disons régulièrement : il faut toujours se remettre dans le contexte et le langage de l’époque (fin XIXe siècle pour ce texte).

      Ce que nous disons et écrivons en ce début du XXIe siècle, sera surement scruté avec étonnement et même avec critique dans un siècle ;-)

      Il est, à nos yeux, important de consulter le passé pour comprendre le présent et regarder vers l’avenir.

    • @Cabou @Colporteur

      –-------------------------------------------------------

      > Précision : le journal "La Mistoufe" a été créé par l’anarchiste François Monod en 1893 :

      https://maitron.fr/spip.php?article153749

      –-------------------------------------------------------

      > Malheureusement, la misogynie et le sexisme sont une gangrène qui poussent partout, y compris dans les milieux révolutionnaires, y compris aussi dans les milieux libertaires... il suffit d’être lucide et objectif...
      On connaît tous le sexisme détestable, accablant d’un Proudhon, sans parler de son antisémitisme primaire et pathologique.
      De mémoire, je crois qu’Emma Goldman a eu fort à faire aussi avec l’homophobie ambiante dans les milieux libertaires américains...
      Au XIXe siècle l’antisémitisme et la misogynie était d’une banalité extrême, que l’on pouvait retrouver dans tous les milieux.

      Il faut toujours "balayer devant sa porte", c’est que nous faisons régulièrement... on aimerait que cela soit partout comme ça ;-) ... ce qui est loin d’être le cas !

      Comme disait si bien Ernestan :

      « C’est parce que l’homme est si dangereux pour l’homme que le socialisme libertaire ne base pas les rapports humains sur l’autorité des uns et l’obéissance des autres, mais sur l’association d’individus égaux en dignité et en droit. »

      On a mis en ligne plusieurs textes sur le féminisme et l’anarchisme, notamment :

      ★ LES LIBERTAIRES ET LE FÉMINISME
      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/11/les-libertaires-et-le-feminisme.html

      ★ CRITIQUE DU PATRIARCAT DANS LE MOUVEMENT ANARCHISTE
      https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/08/critique-du-patriarcat-dans-le-mouvement-anarchiste.html

      ★ VISITER DES RECOINS QUI ME FONT PEUR
      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/01/visiter-des-recoins-qui-me-font-peur.html

      ★ INDIVIDUALISME ANARCHISTE ET FÉMINISME À LA « BELLE ÉPOQUE »
      https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/04/individualisme-anarchiste-et-feminisme-a-la-belle-epoque.html

      ★ LA FEMME EST SON PROPRE DEVENIR
      https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/03/la-femme-est-son-propre-devenir.html

      ★ MUJERES LIBRES - FEMMES LIBRES
      https://www.socialisme-libertaire.fr/2020/07/mujeres-libres-femmes-libres.html

      ................

  • ★ LA DICTATURE DE CLASSE - Socialisme libertaire

    Mais c’est si bien un gouvernement, avec tous ses pouvoirs, tous ses attributs, qu’ils veulent établir que, pour le justifier à l’avance, les socialistes autoritaires proclament bien haut : qu’il faudra établir la « dictature de classe ». 
    Qu’entend-on par « dictature de classe » ? Voilà, par exemple, ce que l’on oublie d’expliquer. Ne serait-ce pas là encore un de ces mots pompeux, bien ronflants, bien sonores et tout à fait vides de sens, ne signifiant absolument rien ; mots creux que l’on jette, de temps à autre, en pâture à la foule, pour éviter de lui donner des explications que l’on serait bien en peine de fournir. Mots semblant contenir tout un monde de promesses, dont s’emparent les naïfs pour s’en faire un drapeau, et à l’aide desquels on les berne et on les bafoue. « Dictature de classe » ! Voyons donc ce que cela veut dire.
    « Ce serait l’arme des travailleurs contre la bourgeoisie », nous répond-on. — Très bien ; mais comment exercera-t-on cette « dictature de classe » au lendemain d’une révolution qui, pour avoir réussi, aura dû avoir, pour effet, justement, de faire disparaître toutes les inégalités sociales ?…

    #JeanGrave #émancipation #anarchisme #CommunismeLibertaire
    #étatisme #dictature #pouvoir #soumission #prolétariat #DictatureduProlétariat #bolchevisme #communisme #Communismeétatique #CapitalismedEtat #CommunismeAutoritaire

    ⏩ Lire l’article complet...

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/10/la-dictature-de-classe.html

  • 🛑 Trop d’argent public dans les banlieues ? « Un vaste mensonge à des fins racistes et anti-pauvres » - Basta !

    Après les révoltes urbaines, des commentateurs ont accusé les banlieues d’engloutir les fonds publics. La réalité ce sont plutôt des services publics moins bien dotés qu’ailleurs, et des travailleurs essentiels plus nombreux dans ces quartiers (...)

    ⚡️ #pauvreté #précarité #prolétariat #capitalisme #ostracisme #paupérisation #racisme #méprisdeclasse...

    ⏩ Lire l’article complet…

    ▶️ https://basta.media/trop-d-argent-public-dans-les-banlieues-un-vaste-mensonge-a-des-fins-racist

  • ★ Librairie Libertaire Publico :

    [En Réassort]

    "Dans ce livre, Daniel Guérin présente de façon didactique l’évolution de la pensée de Rosa Luxemburg sur la place qu’occupe l’action considérée comme spontanée du prolétariat dans son action révolutionnaire et sur l’arme que constitue pour lui la grève générale.

    Dans une première partie, « Spontanéité et conscience », Daniel Guérin retrace les événements et les débats qui ont conduit Rosa Luxemburg à élaborer une conception originale de ces aspects de la lutte de classe du prolétariat par rapport aux conceptions qu’en avait à l’époque le mouvement socialiste.

    Il présente ensuite les réflexions et recommandations qu’élabore Rosa Luxemburg sur le thème de la grève de masse, en particulier à la suite de la révolution russe de 1905.

    Enfin, il confronte les positions qu’elle adopta à l’occasion de divers congrès de l’Internationale à celles des anarcho-syndicalistes de l’époque, et les ambiguïtés qui y restent attachées.

    Un nombre important de documents – extraits de textes de Rosa Luxembourg et points de vue divers discutant ses conceptions ou se rattachant aux mêmes thèmes – complètent cette présentation."

    ► Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire◄
    de Daniel Guérin aux éditions Spartacus / Éditions Syllepse
    ►► https://www.librairie-publico.com/spip.php?article3659

    #revolution #spontanéisme #proletariat #RosaLuxemburg

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  • ★ L’illusion prolétarienne... - Le Libertaire

    La plus grande force des régimes totalitaires de notre temps a été d’arriver à inculquer les mêmes idées à une foule de gens qui savent parfaitement lire, mais qui n’ont pas la capacité de choisir leurs lectures. Le Pouvoir choisit pour eux, décrète ce qui est bon et ce qui est mauvais et, par une diffusion constante de contre-vérités très acceptables, voire par l’exploitation maxima du sentiment chauvin, parvient à créer un fanatisme que rien ne rebute.

    C’est ainsi que ce sont agglomérées, sous la bannière de l’anticapitalisme et de l’anti-impérialisme, des foules fanatisées préparant pour elles une exploitation et une oppression plus implacables que celles dont elles croyaient se délivrer. L’espérance prophétique enfoncée dans les cervelles par la prédication marxiste est une de ces formidables escroqueries qui résultent de la duperie des mots et des mythes forgés par une propagande supérieurement organisée.

    Les socialistes qui ont précédé Marx tenaient compte de l’infinie complexité de l’être humain, de ses besoins moraux et matériels ; ils lui parlaient de justice, de vérité, de liberté individuelle, de fraternité… Marx est arrivé avec sa pile de bouquins, affirmant solennellement que les seules vérités nécessaires, et accessibles, aux hommes étaient contenues dans son monumental « catéchisme » (...)

    #prolétariat #pouvoir #dictature #anticapitalisme #anti-impérialisme #socialisme #Marx #Engels #Lénine #marxisme #nomenklatura
    #Louis_Dorlet #anarchisme

    ⏩ Lire l’article complet…

    ▶️ https://le-libertaire.net/lillusion-proletarienne

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  • ★ LE 1ER-MAI, C’EST NOTRE HISTOIRE... - Socialisme libertaire

    La recherche historique renvoie toujours à la culpabilité des capitalistes et de l’État.
    C’est le cas du 1° Mai, devenu la fête du muguet où vous vous promenez, si vous aimez les balades et les jolies banderoles syndicales. A cette occasion, nous rappelons la vérité historique ; la nature criminelle du capitalisme et du pouvoir politique qui est à sa botte, et pourquoi le 1° Mai fut pendant longtemps le symbole de la lutte d’émancipation du prolétariat. En cette période électorale, cela doit révéler, à ceux qui ne le savent pas encore, que le vote est une manipulation visant à perpétuer l’exploitation capitaliste. Et, les manipulations, le pouvoir connaît. Rappelons, à cet effet, les événements qui conduisirent à la journée du 1° Mai (...)

    🛑 #1erMai #1erMai2023 #JournéeInternationaledesTravailleurs #prolétariat

    #Anarchisme #Anticapitalisme...

    ⏩ Lire l’article complet…

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/05/le-1er-mai-c-est-notre-histoire.html

  • "La légalité (et le parlementarisme en tant que légalité en devenir) n’est elle-même qu’une manifestation sociale particulière de la violence politique bourgeoise" (Rosa Luxemburg, Réponse au camarade E. Vandervelde, 14 mai 1902)

    La violence, loin de cesser de jouer un rôle historique par l’apparition de la « légalité » bourgeoise, du parlementarisme, est aujourd’hui, comme à toutes les époques précédentes, la base de l’ordre politique existant. L’Etat capitaliste en entier se base sur la violence. Son organisation militaire en est par elle-même une preuve suffisante et sensible, et le doctrinarisme opportuniste doit vraiment avoir des dons miraculeux pour ne pas s’en apercevoir. Mais les domaines mêmes de la « légalité » en fournissent assez de preuves, si l’on y regarde de plus près. Les crédits chinois ne sont-ils pas des moyens fournis par la « légalité, par le parlementarisme, pour accomplir des actes de violence ? Des sentences de tribunaux, comme celle de Loebtau, ne sont-elles pas l’exercice « légal » de la violence ? Ou mieux : en quoi consiste à vrai dire toute la fonction de la légalité bourgeoise ?

    Si un « libre citoyen » est enfermé par un autre citoyen contre sa volonté, par contrainte, dans un endroit étroit et inhabitable, et si on l’y détient pendant quelque temps, tout le monde comprend que c’est un acte de violence. Mais dès que l’opération s’effectue en vertu d’un livre imprimé, appelé Code pénal, et que cet endroit s’appelle « prison royale prussienne », elle se transforme en un acte de la légalité pacifique. Si un homme est contraint par un autre, et contre sa volonté, de tuer systématiquement ses semblables, c’est un acte de violence. Mais dès que cela s’appelle « service militaire », le bon citoyen s’imagine respirer en pleine paix et légalité. Si une personne, contre sa volonté, est privée par une autre d’une partie de sa propriété ou de son revenu, nul n’hésitera à dire que c’est un acte de violence ; mais dès que cette machination s’appelle « perception des impôts indirects », il ne s’agit que de l’application de la loi.

    En un mot, ce qui se présente à nos yeux comme légalité bourgeoise, n’est autre chose que la violence de la classe dirigeante, élevée d’avance en norme impérative. Dès que les différents actes de violence ont été fixés comme norme obligatoire, la question peut se refléter à l’envers dans le cerveau des juristes bourgeois et tout autant dans ceux des opportunistes socialistes : l’ « ordre légal » comme une création indépendante de la « justice », et la violence de l’Etat comme une simple conséquence, comme une « sanction » des lois. En réalité, la légalité bourgeoise (et le parlementarisme en tant que légalité en devenir) n’est au contraire qu’une certaine forme sociale d’apparition de la #violence_politique de la bourgeoisie, qui fleurit sur son fondement économique.

    C’est ainsi qu’on peut reconnaître combien toute la théorie du légalisme socialiste est fantaisiste. Tandis que les classes dirigeantes s’appuient par toute leur action sur la violence, seul, le prolétariat devrait renoncer d’emblée et une fois pour toutes à l’emploi de la violence dans la lutte contre ces classes. Quelle formidable épée doit-il donc employer pour renverser la violence au pouvoir ? La même légalité, par laquelle la violence de la bourgeoisie s’attribue le cachet de la norme sociale et toute puissante.

    Le domaine de la légalité bourgeoise du parlementarisme, il est vrai, n’est pas seulement un champ de domination pour la classe capitaliste, mais aussi un terrain de lutte, sur lequel se heurtent les antagonismes entre prolétariat et bourgeoisie. Mais de même que l’ordre légal n’est pour la bourgeoisie qu’une expression de sa violence, de même la lutte parlementaire ne peut être, pour le prolétariat, que la tendance à porter sa propre violence au pouvoir. S’il n’y a pas, derrière notre activité légale et parlementaire, la violence de la classe ouvrière, toujours prête à entrer en action le cas échéant, l’action parlementaire de la social-démocratie devient un passe-temps aussi spirituel que celui de puiser de l’eau avec une écumoire. Les amateurs de réalisme, qui soulignent sans cesse les « succès positifs » de l’activité parlementaire de la #social-démocratie, pour les utiliser comme arguments contre la nécessité et l’utilité de la violence dans la #lutte_ouvrière, ne remarquent point que ces succès, si infimes soient-ils, ne sauraient être considérés que comme les produits de l’effet invisible et latent de la violence.

    Mais il y a mieux encore. Le fait que nous retrouvons toujours la violence à la base de la #légalité_bourgeoise, s’exprime dans les vicissitudes de l’histoire du parlementarisme même.

    La pratique le démontre en toute évidence : dès que les classes dirigeantes seraient persuadées que nos parlementaires ne sont pas appuyés par de larges masses populaires, prêtes à l’action s’il le faut, que les têtes révolutionnaires et les langues révolutionnaires ne sont pas capables ou jugent inopportun de faire agir, le cas échéant, les poings révolutionnaires, le #parlementarisme même et toute la légalité leur échapperaient tôt ou tard comme base de la lutte politique – preuve positive à l’appui : le sort du suffrage en Saxe ; preuve négative : le suffrage au Reichstag. Personne ne doutera que le suffrage universel, si souvent menacé dans le Reich, est maintenu non par égard pour le libéralisme allemand, mais principalement par crainte de la #classe_ouvrière, par certitude que la social-démocratie prendrait cette chose au sérieux. Et, de même, les plus grands fanatiques de la légalité n’oseraient contester qu’au cas où l’on nous escamoterait malgré tout, un beau jour, le #suffrage_universel dans le Reich, la classe ouvrière ne pourrait pas compter sur les seules « protestations légales », mais uniquement sur les moyens violents, pour reconquérir tôt ou tard le terrain légal de lutte.

    Ainsi, la théorie du légalisme socialiste est réduite à l’absurde par les éventualités pratiques. Loin d’être détrônée par la « #légalité », la #violence apparaît comme la base et le protecteur réel de la légalité – tant du côté de la #bourgeoisie que du côté du #prolétariat.

    #lutte_de_classe #Rosa_Luxemburg #réformisme #violence_révolutionnaire

    • Rosa Luxemburg est très claire, ici, en dressant en avertissement le spectre du fascisme comme conséquence ultime du réformisme :

      Si la social-démocratie devait réellement, comme l’y invitent les opportunistes, renoncer a priori et une fois pour toutes à l’usage de la violence et enfermer les masses ouvrières dans la légalité bourgeoise, sa lutte parlementaire et tout son combat politique s’effondreraient lamentablement tôt ou tard, pour faire place à la violence sans limites de la réaction.

  • Fritz Brupbacher (1874-1944) : „Nicht der Bürokrat, sondern der Proletenparvenu hat die Revolution verraten“ – Zur Sowjetunion der 1920er Jahre
    http://www.meinhard-creydt.de/%e2%80%9enicht-der-burokrat-sondern-der-proletenparvenu-hat-die-revo

    Fritz Brupbacher, Schweizer Arzt, libertärer Sozialist und Schriftsteller
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/Fritz_Brupbacher

    Die Russische Revolution zu Lenins Zeiten

    Als 1917 die Oktoberrevolution in Rußland sich vollzog, freuten wir uns unendlich, glaubten zwar nicht, daß alle Blütenträume reifen werden, erwarteten aber, daß die ökonomische Grundlage geschaffen werde, auf der dann ein Sozialismus aufgebaut werde, der im Laufe der Zeit zur Möglichkeit der Entwicklung aller einzelnen Individuen führen wird.
    Da wir die siegende Führung, die Bolschewiki, kannten, als brutale Jakobiner und Autoritäre, hatten wir von Anfang an die Furcht im Herzen, daß eine Despotie durch die andere abgelöst werde.

    Da aber während der ersten drei Jahre die Bolschewiki ständig gegen die Weißen und ihre Alliierten, die Deutschen, Engländer, Franzosen und Japaner, zu kämpfen hatten, stellten wir unsere Einwände ganz in den Hintergrund. Uns schien vor allem ihr Sieg über die Weißen wichtig. Noch als ich 1921/22 drei Monate lang in der Sowjetunion war, konnte in mir selbst die volle Kritik gegen die Bolschewiki nicht aufkommen. Ich sympathisierte wohl mit der Arbeiteropposition der Chliapnikow und Kollontay, trat auch für sie ein, wandte mich bei meiner Rückkehr an die Zentrale der schweizerischen KP, damit sie dafür eintrete, daß dieser Arbeiteropposition alle Bewegungsfreiheit gegeben werde – aber da ich sah, wie unendlich schwer der Kampf war, den die kleine Gruppe der Bolschewiki gegen die ganze Welt führte, war meine Kritik gedämpft.
    Ich hatte damals den Eindruck, daß der Kern der Partei wunderbar sei, daß ihr Despotismus zum Teil begründet sei darin, daß die Masse indolent war – nur eines fürchtete ich sehr. Ich traf überall in den subalternen bürokratischen Stellen ein Publikum, das der Zeit gar nicht würdig war. Auf Schritt und Tritt begegnete man allem, was dem Teufel vom Karren gefallen war. Großtuer, Streber, Unfähige, Schwätzer, die schon in dieser Zeit eine ungeheure Macht hatten. Jeder dieser Parasiten hatte seinen Revolver oder seine Pistole und ein Papier in der Tasche, das ihm alle Rechte über Leben und Tod der gewöhnlichen Bürger zusprach. Ich selber besaß auch so etwas Ähnliches, und auf der Reise in die Hungergegenden manipulierte der Leiter unserer Expedition ständig mit dem Revolver, drohte mit ihm, sobald irgendeinem Befehl nicht sofort Folge geleistet wurde.

    Und bevor wir verreisten, schimpfte uns, die wir ohne Revolver waren, ein höherer Bolschewik aus, und als er uns triumphierend seine vielen Schießinstrumente vorzeigte, merkte man, daß bei ihm die Freude an der Gewalt größer war, als es verstandesmäßig nötig gewesen wäre. All die aus Freude am Herrschen Herbeigelaufenen zeigten damals schon den Anfang des Cäsarenwahnsinns. Man schluckte diese Erscheinungen – aber recht ungern. Ich bin damals aus Rußland abgereist, weil ich mit diesen Leuten nicht zusammenarbeiten konnte. Ich formulierte: Ein Kern von prächtigen Revolutionären opfert sich auf für eine Idee, und eine Unmenge von recht unsympathischen Leuten entwickelt sich zu Profiteuren der Revolution.

    Ich kam zum Schluß, daß möglichst schnell die dem Teufel vom Karren gefallenen Politikanten entfernt und ersetzt werden müßten durch die Menschen der aufbauenden Arbeit. Ich sprach offen aus, daß es jetzt nötig sei, nicht eine dritte Revolution zu machen – bei der doch wieder neue destruktive Autoritäre aufkämen, sondern daß man mehr die Initiative zur Arbeit und zum Aufbau anzu regen habe und daß allmählich eine andere, aufbauende Menschenschicht leitende Minorität der Sowjetunion werden müsse. Das war anfangs 1922. Es schien, daß sogar der Jakobiner Lenin zugunsten der Initiative der Peripherie einlenken wolle.

    Anfänge der Verwirklichung der «Philosophie» in der Sowjetunion

    In dieser Phase der Revolution war eine der schönsten Erscheinungen die Zerstörung des ganzen alten ideologischen Gerümpels, der Wille, den alten Bürger-Spießermenschen zu Grabe zu legen und für die Realisierung eines neuen Menschen zu kämpfen.
    Man stürzte die alten Strafgesetze um, baute neue, in denen die Abschaffung der Bestrafung der Homosexualität, der Abtreibung, des Konkubinats, der Sodomie, der Blutschande usw. proklamiert wurde, als Ausdruck davon, daß künftig alle Vorurteile beseitigt und nur noch bestraft werden sollte, wer einen ändern schädigte. Die Ehescheidung wurde frei. Es genügte künftig, daß einer der beiden Partner sich scheiden lassen wollte. Er konnte einfach die Scheidung anmelden, und damit war sie auch vollzogen. Hatte eine Frau mit mehreren Männern verkehrt und bekam ein Kind, so mußten alle, die in der kritischen Zeit mit ihr verkehrt hatten, Alimente zahlen.

    Die Frau erhielt die gleichen Rechte in politischer und ökonomischer Beziehung wie der Mann. Jede Frau hatte das Recht, sich eine unerwünschte Schwangerschaft unentgeltlich in einer staatlichen Klinik beseitigen zu lassen. Niemals wurde eine Frau, die eine Schwangerschaftsunterbrechung an sich machen ließ oder machte, bestraft. Ein intensiver Kampf wurde geführt gegen alle religiösen Vorurteile. Auf dem Gebiet der Schule und der Kunst wurde allen modernsten Experimenten die Möglichkeit des Versuchs offen gelassen.
    Es mischten sich in die ökonomisch-politische Revolution all die großen Ideen, die alle Klassen, wenn sie in Gärung geraten, immer und immer wieder vertreten.
    Man hatte das Gefühl, da werde nicht nur dafür gestritten, daß eine neue Klasse oder Schicht ans Ruder komme, sondern daß man gleichzeitig auch kämpfe für die Emanzipation des Menschengeschlechts, und wenn man auch vorläufig notgedrungen untolerant und gewalttätig verfahre, so tue man es wider Willen und nur, weil man denke, auf diese Weise am besten seinen hohen menschlichen Idealen Genüge zu tun. Jeder von uns dachte, wenn einmal die größte Not vorbei sei, werde man mit Behagen alle Despotie und alle Diktatur liquidieren und dem freien Menschen, der in freier Solidarität lebt, werde Platz gemacht werden. Gewiß waren die Bolschewiki immer autoritär. Aber noch im Jahre 1922 gab es doch so viel Gedankenfreiheit, daß ein legaler anarchistisch-syndikalistischer Verlag existierte, in dem die Werke von Bakunin, Malatesta, Kropotkin, Nettlau, James Guillaume, Emma Goldmann, Elise Reclus, Landauer, Fabri und von andern offen erscheinen konnten.
    Überhaupt war in dieser Zeit noch alles in der lebendigen Entwicklung begriffen.

    Etwas Unspießerisches, Originelles war neben dem politisch Revolutionären und Autoritären in der Revolution vorhanden. Es war auch die Zeit, wo wir mit großer Freude alle aus dem Russischen übersetzte Belletristik verschlangen, in der man von dem neuen Menschen sprach und auch von dem neuen revolutionierten Privatleben. Es war die Zeit, in der sich auch in den außerrussischen kommunistischen Parteien ein frisches Leben kundtat und hie und da jemandem etwas in den Sinn kam, ja sogar offiziell gedruckt wurde, was noch originell war und ins Gebiet gedanklicher Neuproduktion gehörte.

    Abkehr

    Die Abkehr von dieser Phase beginnt mit dem, was man Bolschewisierung der Komintern nannte, und was in Europa mit dem Namen von Sinowjew verknüpft ist.
    Es wurde auf einmal die Disziplin als das Allerhöchste betrachtet und durfte nichts mehr gedacht werden, was nicht das oberste Politbüro vorgedacht hatte. Die Diktatur von Moskau wurde in der Zeit absolut. Es mußte in Moskau etwas vor sich gehen, was wir nicht durchschauten, was sich aber im Ausland bemerkbar machte als absolute Diktatur der Kominternleitung über die ausländischen Sektionen. Als Außenstehende konnten wir die ganze interne Entwicklung in Rußland um so weniger verstehen, als die Elemente in Rußland, die der innerpolitischen Entwicklung sich entgegenstemmten, im Ausland gar nicht zu Worte kamen.

    Wir wußten die längste Zeit nicht, was der Konflikt Trotzki-Stalin bedeutete.
    Ich zum Beispiel war etwas verwirrt, wagte aber nicht öffentlich entscheidend Stellung zu nehmen, wenn ich auch innerhalb der Partei gegen die antitrotzkischen Resolutionen stimmte. Ich schrieb aber etwas ironisch in einem Artikel in der Berliner «Aktion», daß Trotzki mir nicht recht zu haben scheine, da er zu sehr Kulturmensch sei.

    Ohne mir recht bewußt zu sein, hatte ich den Zentralpunkt getroffen, wie wir später sahen. Es waren allerlei kleine Tatsachen, die man in der russischen Belletristik herauslas, oder auch in den Tageszeitungen, die einen eine gewisse Änderung ahnen ließen im Geist der russischen Bewegung. Es waren Kleinigkeiten, über die man hinwegsehen konnte, die einen aber merken ließen, daß irgend etwas Philiströses, Spießerhaftes, das in den ersten Zeiten nicht da war, auftauchte.

    Die westlichen Proleten, auch wenn sie das gleiche bemerkt hätten, hätten sich in ihrem Durchschnitt – und in der Politik herrscht immer der Durchschnitt – nicht daran gestoßen, sind sie doch selber Spießbürger. Übrigens erkannten wir die Veränderung in Rußland am besten an den dort ausgebildeten Propagandisten. Da Moskau fand, im Westen gebe es keine richtige führende Schicht, holten sie aus jedem Land junge Arbeiter nach Moskau und schickten sie uns nach einiger Zeit umgemodelt wieder heim. Sie brachten uns den Geist des neuen Moskau mit. Ein Geist, der diesen jungen Proleten übrigens sehr zusagte, da er ihr eigener Geist war, der Geist dessen, der hinauf will, der herrschen will, der alles heruntersetzen will, was nicht er ist und nicht er besitzt. Den Geist des Arrivisten à tout prix erhielten wir von Moskau in Form der Leninschüler und EKI-Vertreter zugeschickt.
    Die Knaben wußten ihre Ellenbogen zu gebrauchen, ganz gleich wie die junge Generation in Moskau selber. Wie alle uns berichteten, die Rußland in den Jahren nach 1923 gründlich angeschaut haben, verstand es die Jugend sehr gut, durch gegenseitige Hilfe hochzukommen. Vielleicht nie war die Streberkameradschaft so wunderbar entwickelt wie im neuen Rußland und in der Komintern der ganzen Welt.

    Aus vielen Einzeltatsachen, die wir der russischen Presse (Zeitungen und Zeitschriften) entnahmen, schlossen wir, daß eine Art Plüschsofaproletariat, wie wir es nur zu gut aus Europa kennen, im Entstehen begriffen war. Nicht Freude an großen Ideen, sondern an schoflen Möbelstücken und Abendkleidern usw. charakterisierte dies neue Proletariat, das zudem gar keinen Sinn für Gleichheit untereinander hatte. Ungeniert offen gab es in den Speisesälen vieler Institutionen verschiedene Eßklassen, wie ein Beteiligter etwas pointiert sagte: die Klasse derer, die Hühner aßen, die Klasse derer, die gesottenes Rindfleisch aßen, und derer, welche die Reste beider Klassen aßen.

    Eine Unmenge kleiner Details ließ uns merken, daß da etwas entstand, was nicht im Programm unseres Sozialismus gestanden hatte.

    Und wenn Bolschewiki zu uns nach Europa kamen, waren wir erstaunt über ihr Benehmen. Sie traten auf, als wären sie unsere Vorgesetzten und Kommandanten, und wenn wir Dinge sagten, die ihnen nicht gefielen, so brüllten sie uns an, wie das in kapitalistischen Ländern die Meister in den Fabriken tun und wie es die Lenin-Schüler auch taten, die man uns auf den Hals schickte. Es wuchs da etwas, was einen recht sonderbar anmutete. Eine Mischung von Plüschsofasozialisten mit cäsarenwahnsinnigen Unteroffizieren mit schlechten Emporkömmlingseigenschaften.

    Schon früh merkte man, daß es da eine Schicht von Leuten gab, die kommandierten und viel Freude hatten am Kommandieren, und eine andere, die nur folgen durfte. Es fiel einem nicht in erster Linie eine starke Differenzierung in europäisch-ökonomischem Sinn auf, vielmehr eine Differenzierung in der Hierarchie des Befehlens und Gehorchens.
    Es gab wohlhabendere und ganz arme Leute, doch keine ganz Reichen.
    Aber der, man möchte fast sagen militärische, Gradunterschied im Zivilleben war ausgesprochener als in Europa. Der Unterschied zwischen Herr und Sklave wurde groß. Die Furcht, die der zu gehorchen Habende vor dem Befehlenden hatte, war sehr groß. All das roch man so heraus. Konnte man im Westen ablesen aus der Hierarchie in der Komintern, die den Geist des neuen Rußland wiedergab.

    Ob die geistige und moralische Verlumpung russisch oder nur europäisch war, das konnten wir zu Beginn nicht unterscheiden, da wir doch nicht in Rußland lebten. Wir wußten nur, daß die, welche im Westen an dieser Verlumpung teilnahmen, von den Russen nicht etwa gemaßregelt, sondern protegiert wurden und avancierten.

    In der Komintern galt Lug und Trug für erlaubt, nicht nur dem Klassengegner gegenüber, sondern auch gegenüber dem politischen Gegner in den eigenen Reihen, und es wurden die, welche das nicht billigten, als Kleinbürger verlacht. Man könnte es noch im Sinne von Netschajeff als revolutionär bezeichnen, wenn man im politischen Kampf alle Mittel für gestattet betrachtete. Aber man ging weiter. Jeder Streber fand, es gebe keine moralische Verpflichtung, und wenn er aufsteigen wolle, so seien Lug und Trug gerade so gestattet, wie die Wahrheit. Vielleicht sogar revolutionärer, und man entwöhnte sich der Ehrlichkeit, als wäre sie etwas Unanständiges, über die ökonomische Lage in Rußland erfuhren wir das Widersprechendste.

    Daß die Erzählungen von offiziellen Reisenden wohl stimmten, darüber waren wir nicht gerade im Zweifel. Aber wir kamen bald zum Schluß, daß es zwei Rußland gebe, wie es später, als es siebzehn Lohnklassen gab, deren siebzehn gab. Glaubwürdige Optimisten erzählten uns von dem einen Rußland, dem es ganz ordentlich ging; und Leute, die lang dort gewesen und Augen hatten, erzählten uns von einem ganz andern Rußland, das uns gerade so glaubwürdig vorkam.

    Daß Glück und Unglück drüben aber nicht jedem Einzelnen im gleichen Maße zukamen, sondern «klassenmäßig», im Sinne neuer Klassen, verteilt waren, das kam uns erst ganz allmählich zu Bewußtsein. Und von dem Zeitpunkt an hatten wir das neue Rußland, den Kern des neuen Rußland erkannt: Es hatte sich eine neue, glücklichere, herrschende Schicht und eine weniger glückliche und dienende Schicht herausgebildet.

    Das war schon an und für sich unangenehm. Daß aber der gute alte Kern der Bolschewiki den Kampf gegen diese neue privilegierte Schicht nicht aufnahm, sondern sie noch deckte, das war das neue Unglück. Und das war für sehr viele leitende Bolschewiki der Fall.

    Als ich meine Lebenserinnerungen herausgeben wollte und aus einer Anzeige derselben hervorging, daß ich diese neue Schicht und vor allem die sogenannten Apparatschiki angreifen wollte, schrieb mir ein hervorragendes Mitglied des russischen Zentralkomitees einen flehentlichen Brief, bat, es nicht zu tun, und fügte ausdrücklich hinzu: solange es eine Bourgeoisie gibt, müssen wir jeden Apparat decken. Die Leute sahen nicht ein, daß dieser bolschewistische Apparat selber wieder eine Art Bourgeoisie war, die sich von der alten nur durch größere Unfähigkeit und noch ärgeres Kommandierenwollen unterschied.
    Es hatte sich aus dem Proletariat und der Bauernschaft eine Schicht gebildet, die die alten revolutionären Ideen verriet, die das vorhandene Glück monopolisierte. Eine Schicht, die ganz der Schicht entsprach, die nach 1918 in Deutschland ans Ruder kam, die Schicht, die in der deutschen Regierung Scheidemann, Ebert, Severing, Noske und Braun vertraten, die Parvenuproleten, die Verräter des Sozialismus.

    Eine Erscheinung, die auch anno 1918 nicht nagelneu war, die sich entwickelt hatte als Durchschnittserscheinung in dem Teil des Proletariats, der in eine gute ökonomische Situation gekommen war.

    Es war da etwas Prinzipielles. Es waren die gleichen Leute, die, als es ihnen noch schlechter gegangen, die Fahne der Idee des Sozialismus vorangetragen, die für Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit gestritten – oder dergleichen getan, dafür zu streiten –, vielleicht sogar geglaubt hatten, sie stritten dafür, und die sich einfach an die Stelle der Bürger setzen wollten, um dann, wie es die Bürger nach ihrem Aufstieg auch getan haben, die Ideen der Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit in den Kot zu werfen. So hatte sich in Rußland eine privilegierte, vom Sozialismus abtrünnige Schicht gebildet, eine Schicht von vielleicht fünf Millionen Menschen – unter ihnen lebten weitere 175 Millionen und durften kaum atmen, und nicht viel mehr denken, als das zur Zeit der Zaren gewesen.

    Wohl konnte jeder in die obere Schicht aufsteigen, aber nur, wenn er vor den neuen Herren kroch und keinen ändern Charakter hatte, als den eines Lumpenhundes. Diese neue Schicht ist es, die in Rußland herrscht. Den ersten Zusammenstoß zwischen den Revolutionären und den künftigen Spießbürgern kennen wir schlecht. Ich nehme an, es sei der Zusammenstoß zwischen Anarchisten und Bolschewiki gewesen. Obwohl hier noch andere Momente eine Rolle gespielt haben werden. Dieser Zusammenstoß ist für uns noch zuwenig geklärt. Den zweiten kennen wir besser: Das ist der Zusammenstoß mit der antibürokratischen Arbeiteropposition der Kollontay und Chliapnikow. Lenin und Trotzki waren sehr energisch gegen diese Opposition vorgegangen. Schon damals kämpften die Bolschewiki mit allen redlichen und unredlichen Mitteln. Und Kollontay sagte zu mir persönlich: «Wenn Sie hören, daß man von mir sagt, ich hätte silberne Löffel gestohlen, so wissen Sie, daß man mich politisch vernichten will.»

    Der dritte Zusammenstoß war der mit Trotzki und seinen Anhängern in den Jahren 1924 bis 1929. Damals verstanden wir ihn nicht recht. Heute wissen wir, daß es der Kampf war der trotzkistischen Revolutionäre gegen die Parvenuproleten, die genug hatten von der Revolution und sich nur mehr kümmerten um den «Aufbau» in Rußland.
    Wenn sie den Internationalismus aufgaben, so hieß das: Wir liquidieren unsere revolutionären Ideen. Hätten sie das offen gesagt, so hätten sie die Anhängerschaft des Weltproletariates verloren. Aber es war ihnen aus innen- und außenpolitischen, taktischen Gründen noch daran gelegen, und deshalb verwirrten sie die ganze Frage. Die Trotzkisten aber wurden einerseits gehindert, zum Weltproletariat zu reden, waren selber in dem Irrtum befangen, daß nicht das Proletariat, sondern die Bürokratie im Begriffe war, den Sozialismus zu verraten.
    Und doch war eben das erstere der Fall, das heißt der Teil des Proletariates, der ans Ruder gekommen war, verriet den Sozialismus.

    Und das war etwas viel Prinzipielleres, als die Trotzkisten gemeint hatten, und hatte ganz andere Konsequenzen. Also nicht der Bürokrat, sondern der Proletenparvenu hat die Revolution verraten. Darin liegt etwas «Gesetzmäßiges». Dieser Prozeß wird sich immer wiederholen. Wo eine bestimmte Schicht ans Ruder kommt, verrät sie ihre idealistische, sozialistische Ideologie. Wir würden sagen, der Durchschnittsmensch aller Klassen und Schichten verrät, wenn er ans Ruder kommt, immer seine idealistische Ideologie. Das ist wohl ein unumstößliches Gesetz.

    Abbau der Revolution in Rußland unter dem Druck des bolschewistischen Spießbürgers

    In erster Linie will der Neuspießer seine Ruhe haben, und jeder, der davon redet, daß es nicht gut geht im Land, und der etwas ändern will, ist eine persönliche Beleidigung für das Regime und ein Ruhestörer. Er soll die Schnauze halten; hält er sie nicht, dann ins Loch mit ihm.
    Deshalb das strengste Verbot, zu reden und zu denken. Strenger als es je in den schwersten Zeiten des Krieges gegen die Weißen war.

    Dem Volk fällt es nicht leicht, das Maul zu halten. Denn es geht ihm nicht wunderbar. Auch wird das Volk nervös, weil es sich die «Oblomowerei» abgewöhnen muß. Es muß schaffen lernen. Es ist wahr, es ist schwer, mit dem undressierten russischen vorkapitalistischen Menschen, der durch Krieg, Revolution, Bürgerkrieg etwas verlaust worden ist, eine neue ökonomische Gesellschaft aufzubauen. Die Bürokraten suchen es mit Gewalt zu schaffen. Sie wollen durch Dekret und GPU die neue Welt schaffen. Von Anfang an ist das so gewesen. Das verdarb die Besten unter den Herrschenden. Züchtete Cäsarenwahnsinn. Das russische Volk ist sehr passiv, oder dann explodiert es. Ein passives Volk hat auch gern, daß einer es führe. Alle Passiven erliegen der Gefahr, Despoten zu züchten. Die Passivität der Russen disponierte sie, an Stelle des weißen Zaren einen roten Herrscher zu akzeptieren.
    Die Disposition des Volkes zum Despotismus erleichterte das Entstehen der roten Diktatur in Rußland. Der Despotismus, geboren aus der Notwendigkeit, ein passives Volk zur Produktivität zu erziehen, wurde von den Bürokraten verwendet gegen alle, die der Bürokraten Sattheit bekämpfen wollten, die denken, zur Kritik anregen wollten.
    Sie benützten den aus «rationalen» Gründen entstandenen Despotismus, um den Weitergang der Revolution zu verhindern. Er wurde Kampfmittel gegen die Revolutionäre. Die Proklamation von Stalin zum Diktator bedeutete: Schaffen eines Führers gegen die Revolution.

    Also Verschärfung der Diktatur, um die Revolutionäre auszurotten. Unerbittlicher Kampf des Neuspießers gegen den permanenten Revolutionär, wie in allen Revolutionen, sobald sie einer Klasse zur Macht verholfen.

    Der Spießbürger war auch in Noskescher Form in Deutschland und in der Mussolinischen Form in Italien brutal. Der russische hatte sich noch dazu verwildert in langem Bürgerkrieg. Das Menschenleben war so entwertet worden durch Krieg und Bürgerkrieg, daß man es auch in dem neuen Kampf, dem Kampf des Spießers gegen den permanenten Revolutionär, nicht hoch einschätzte.

    Die allerbesten Bolschewiki kannten nie Rücksichtnahme auf die menschliche Individualität. Aber sie hatten selber eine solche und vergewaltigten die andern nicht mehr, als sich selber. Sie wurden von einer Idee beherrscht, unterdrückten in sich alles, was dieser Idee nicht lebte, und so waren sie auch gegen die andern. Die russischen Neuspießer aber hatten als einzig Individuelles den Willen, ihren Platz zu behalten, etwas vorzustellen und «glücklich» zu leben. Wer sie da störte, der wurde erschossen.

    Die Größe ihrer Brutalität wurde stark mitbestimmt durch die ungeheuren Kompetenzen, die in Bürgerkrieg und Revolution oft ganz minderwertigen Menschen zufielen. Und die ihnen zu Kopf stiegen. Die alten Bolschewiki waren Erben gewesen auch des Nihilismus. Waren Basarows gewesen. Hatten in sich die Bürgervorurteile abgebaut.

    Die sie beerbten, waren Parvenüs, die alle Spießervorurteile und Spießergeschmäcker erst ansehen. Leute, die etwas scheinen wollten, während die echten alten Revolutionäre nichts so scheuten wie den Schein. Sein war ihr Wille. Aller Firlefanz war ihnen eklig.

    Die Neuspießer in Rußland aber erfanden den Scheinbarock in Leben, Kunst, in allem. Sie waren Vorstellungsbegabte – Leute, denen nichts so weh tat, wie wenn sie nicht anerkannt wurden. Das war der neue Mensch, den die Revolution geboren. Der neue Plüschsofaspießer in der Sowjetunion hat die Plüschsofaseele des internationalen Spießertums. Man stelle sich ihn vor als einen Knaben oder Mädchen, dem Arbeiten immer noch nicht leicht geworden ist. Er muß sich sehr vergewaltigen, seine Triebe unterdrücken, wenn er leistungsfähig sein will. Bei schönem Wetter möchte er lieber bummeln als arbeiten und die neue Welt organisieren. Er und auch diejenigen, welche er kommandiert, würden lieber das Leben genießen als organisieren, arbeiten und kommandieren.

    Der neue russische Mensch soll sehr launisch und nervös sein, und das kann man darauf zurückführen, daß er noch nicht rationalisiert ist. Und er selbst und jedermann verlangt das von ihm.

    Deshalb ist er böse auf alles, was ablenkt, auf alle Triebe. Wie Frau Oberst Gygax bös ist auf die Liebesgefühle ihrer Dienstmagd, weil sie meint, diese seien daran schuld, daß ihre Dienstmagd ihre Arbeit nicht recht macht, so ist der russische Spießer böse auf den Drang nach Lust bei sich und noch mehr beim «Untertan». Er haßt die sinnlichen Ablenkungen. Das ist typisch für den Spießbürger. Er hat einen Antisexualkomplex.

    Man stellt sich unter dem russischen Revolutionär etwas anderes vor. Man denkt an eine typische Figur, etwa die dritte in der «Liebe» von Kollontay. Stimmt gar nicht. Wenn sie eine Fortsetzung geschrieben hätte, hätte sie eine vierte Figur gezeichnet: den uns allen bekannten Spießer mit der doppelten Sexualmoral. Eine, die er von sich und den andern verlangt, und eine, die er lebt.

    Da er sehr moralisch ist, hat er die Homosexualität, die sein revolutionäres Strafrecht als nicht mehr strafbar ansah, wieder zu strafen angefangen. Auch ist er sehr streng geworden in bezug auf die Scheidung. Es müssen wieder beide Teile einverstanden sein, wenn geschieden werden soll. Scheidung ist auch Monopol der Wohlhabenderen geworden. Man zahlt eine Art Scheidungs-«strafe». Die Schwangerschaftsunterbrechung wird wieder bestraft, und es gibt nicht einmal mehr eine medizinisch gestattete Schwangerschaftsunterbrechung aus sozialen Gründen. Und die Wissenschaft fängt auch an, zu schreiben, daß eine Tuberkulose durch eine Schwangerschaft nicht verschlimmert werde.

    Man fängt wieder an zu reden von der Heiligkeit der Familie. Hat auch den Weihnachtsbaum wieder eingeführt.

    In einem vielgerühmten Roman von Awdejenko, «Ich liebe Dich», ist der Höhepunkt die Stelle, wo dem Liebhaber das süße Geheimnis der Schwangerschaft mitgeteilt wird. Im Schulbetrieb kehrt man zu den autoritären preußischen Schulmethoden zurück und empfindet sie als fortschrittlich. Die Todesstrafe für Kinder über zwölf Jahre wird eingeführt.
    Weshalb diese Rückbildungen auf kulturellem Gebiet? Die Bolschewiki waren insofern immer Bolschewiki, als ihnen die Freiheit des Individuums verhaßt war, sie brachten für sie kein Verständnis auf. Sie sind Erben des Zarismus, das heißt eines Volkes, das aus langer Gewohnheit der Unfreiheit fast keine Lust hat, selber zu denken und zu handeln. Sie übernahmen es, dieses Volk in die Revolution zu führen. Als dieses Oblomow-Volk explodierte, schlug es alles zusammen, was es an Fesseln gab. Das war die erste Phase der Revolution, in der eine Art Freiheit fürs Individuum «ausbrach».

    Nach der Explosion wurde das Volk, besonders weil die Bolschewiken alle freiheitlich Gesinnten (Anarchisten, Anarchosyndikalisten) erschossen, wieder zum passiven Volk, das sich führen und despotisch beherrschen ließ, sich überhaupt nur bewegte, wenn es von den Bolschewisten am Kragen genommen wurde. Sie versuchten nicht, zur Freiheit zu erziehen. Sie verachteten die Freiheit. Gleichzeitig zog zu ihnen hinüber alles, was herrschen, sadistisch sein wollte. Was dem Teufel vom Karren fiel.

    Und nun kam die Phase des Austobens der Herrschlust (sehr stark ökonomisch, selbsterhalterisch bedingt). Den Herrschenden war jede individuelle Regung ein Dorn im Auge. Dagegen wehrten sich wenige. Die Feigheit des Menschen und sein Wille, an den Augen der Herrschenden abzulesen, wie man sich verhalten müsse, um heraufzukommen, taten das ihrige. Damit war die Revolution zu Ende. War eine neue Despotie erschienen. Man freute sich, als Herrschender dem Untertanen «zuleid zu werken». In diesem Stadium befindet sich Rußland seit langem.

    Der Wille zur Lust beim Untertanen ist dem Herrscher ein Dorn im Auge.

    Wer einmal zu tun gehabt hat mit einem Bolschewiken der späteren Jahre, in dessen Auge es aufflammt bei jedem Wort, das ihm nicht gefällt, der einen anbrüllt bei jedem Satz, der Freiheit atmet, der jedesmal lügt, wenn er mit der Wahrheit das System nicht verteidigen kann, der kann sich das Leben des Individuums, das sich für seine Freiheit wehrt, in Rußland vorstellen! Und wer im Ausland nicht nur diese Bolschewiki, sondern auch die Leute, die in Missionen herkamen, gesehen hat und von ihnen nichts erfahren konnte, als was in den Zeitungen der Bolschewiki steht – außer sie waren mal besoffen und heulten dann über die Last der Lüge und Unfreiheit, die sie bedrückte –, wer das gesehen, der kann sich eine ungefähre Vorstellung machen von dem, was aus der Revolution wurde.

    Und wenn man sich fragt, wie wird das denn ertragen, so muß man daran denken, daß die, welche die Macht haben, Menschen sind, die von zuunterst kamen und sich freuen, daß sie zuoberst sind. Es gibt einen Film: «Die letzten Tage von St. Petersburg». Einen Sowjetfilm. Zum Schluß des Films sucht eine Proletin ihren Mann. Sie sucht und sucht und muß immer höher steigen, ihn zu suchen. Zulegt findet sie ihn zuoberst auf einem Turm. Von da kann er auf alle herabsehen und alle beherrschen. Dort oben steht er und betrachtet die Welt – und seinen Nabel. «Wir sind das Salz der Erde.»

    Die Ermordung der Revolutionäre

    Daß die echten Revolutionäre vor einer solchen Entwicklung erschraken und eine neue Revolution gegen dieses herrschende Geschmeiß anstrebten, ist selbstverständlich. War das nun das, was sie gewollt, was sie angestrebt? Wollten sie die Monopolisierung der Errungenschaften der Revolution durch Stalin, das heißt durch den repräsentativen Typus des emporgekommenen Seminaristen, der die andern Spießbürger führte und von ihnen Generalvollmacht erhielt, weil er sie in der hundertsten Potenz darstellte? Als ich 1921/22 in Moskau war, sprach man in der Arbeiteropposition von der dritten Revolution, die nötig sein werde gegen die damals Herrschenden, Lenin, Trotzki, Sinowjew usw. Die Opposition sagte, die Revolution ist verloren und in die Hände der Bürokraten geraten. Die Arbeiterorganisationen haben keine Macht mehr. Ein neuer Bürokratenstaat ist entstanden; gegen ihn muß der Arbeiter seine Revolution machen. Das war schon 1921. Noch unter Lenin und Trotzki, und beide unterdrückten, wenn auch mit etwas weniger grausamen Mitteln, diese Kritik und Kritiker.

    Stalin und seine Gefolgschaft sind groß geworden dank dem System von Lenin und Trozki. Dank dem autoritären Zentralismus. Weil man die Arbeiteropposition unterdrückt hat, weil man alles mit Macht, Gewalt, Autorität, Tscheka, GPU glaubte durchsehen zu müssen. Man glaubte nicht an die Notwendigkeit, sich auf die guten Elemente stützen zu müssen. Man wollte einfach alles aufdrängen. Mit wessen Hilfe schien gleichgültig. Man nahm einfach die Leute, die einem gehorchten, kamen sie aus der Ochrana oder aus der Wrangel-Armee, um die zu bändigen, die Lenin, Trozki, dem Politbüro nicht gehorchen wollten.

    Alles wollte man mit Gewalt durchsetzen. Solange man eine Minorität ist und keine Macht zu vergeben hat, mag das gehen, weil dann niemand zu einem kommt, außer er sei überzeugt und wolle sterben für seine Idee. Wenn man aber einen Goldschatz hat, Staatsmacht hat, dann kommt aller Dreck zu einem, und mit diesem Dreck zusammen haben schon Lenin und Trozki die wahrhaftigen Revolutionäre zu Paaren getrieben.

    Lenin und Trotzki haben Stalin, haben die Organisation geschaffen, diejenige Regierungsmethode und Menschen herangezogen, die heute die Revolutionäre erschießen lassen. Ihre Generation hat angefangen, die Disziplin des Idioten höher zu schätzen, als das ungenierte Aussprechen der Wahrheit durch einen anständigen Menschen. Sie haben immer mit den Unanständigen die Anständigen geschlagen. Sie wußten es. Sie hielten die Disziplin für die Haupteigenschaft des Revolutionärs und töteten so den fruchtbarsten Menschen, schlossen ihn aus, den intellektuell und moralisch fruchtbaren Menschen. Da sie von dem Wahn besessen waren, sie wüßten die Wahrheit, sie allein, nach Marx, würden den Weg zur Emanzipation der Arbeiterklasse kennen, fanden sie, daß alle ihnen zu gehorchen hätten. Da ihnen in der Zeit, da sie keine Macht hatten, nur besondere Individuen gehorchten und nicht der Lump, kam die Falschheit ihres Systems erst zur ganzen Auswirkung, als sie an die Macht gekommen waren und nun alle zu ihnen kamen, die durch ihren Kadavergehorsam zu etwas kommen wollten.

    Sie haben die heutige Bürokratie geschaffen, die miserable Qualität dieser Bürokratie und ihres Anhangs.

    Sie haben durch Schaffung dieses Apparates die Weiterentwicklung der Revolution verhindert. Sie schufen den Apparat, der die alten Bolschewiki erschossen hat.
    Trotzki schuf den Apparat, der ihn aus Rußland verbannte. Zwanzig Jahre lang haben die Bolschewiki daran gearbeitet, den Apparat zu schaffen, der sie schließlich zugrunde richtete. Wenn dieser Apparat nicht alle tötet, die davon zu berichten wissen (was schon möglich ist), wird der letzte Bolschewik die Tragödie des Irrtums der Bolschewiki erzählen: Wie Lenin die Revolution, die er geschaffen, zugrunderichtete.

    _________________________________________________________

    (Auszug aus: Fritz Brupbacher: Der Sinn des Lebens. Zürich 1946.

    Eine Auswahl u. a. aus diesem Band, die auch den hier dokumentierten Text umfasst, ist unter der Überschrift „Hingabe an die Wahrheit – Texte zur politischen Soziologie, Individualpsychologie, Anarchismus, Spießertum und Proletariat“ 1979 im Karin Kramer Verlag (Berlin) erschienen.

    Lesenswert ist auch die Autobiographie Brupbachers: „Ich log so wenig als möglich“, zuerst erschienen Zürich 1935, 2. Auflage 1973 Zürich.

    Karl Lang hat eine Biographie von Brupbacher verfasst unter dem Titel „Kritiker - Ketzer - Kämpfer. Das Leben des Arbeiterarztes Fritz Brupbacher“. Zürich, 1976.)

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  • ★ DES MÉDIAS SONT AUX ORDRES, DES TRAVAILLEURS AUSSI... - Socialisme libertaire

    « Souvent dans des discussions au travail, au bistro ou ailleurs, il y a nombre de personnes se plaignant de x ou y (immigrés, chômeurs, etc.), on ressent une animosité vis à vis de ces derniers, comme si ils étaient la cause de problèmes. Et pourtant ces plaignants ne connaissent pas d’immigrés ni de chômeurs. A l’inverse ils encensent les footballeurs (d’origine immigré, on l’est tous), les politiciens bruyants. En fait, ils répètent toutes les représentations du monde que les médias nationalisto-capitalistes mettent en avant et ont besoin pour perpétuer leur monde. Les spectateurs se mettent au niveau des médias du pouvoir pour amplifier les discours des médias. Factuellement ils font le jeu des pouvoirs médiatiques en place. Consciemment ou inconsciemment, ce sont des collaborateurs des représentations des pouvoirs. Jamais il n’est question de rapports de classes, de hiérarchie sociale, d’exploitation ni de domination et encore moins de lutte pour l’émancipation sociale. Tout comme dans les médias. L’acceptation de la hiérarchie, du capitalisme, de l’État est comme une base de pensée pour des médias et des travailleurs.

    Ça ne doit surtout pas poser la source / cause des problèmes. La confusion doit être faite afin de compliquer la tâche d’émancipation sociale. L’inversion de la cause et des effets est un des moyens… les responsabilités doivent être diluées et jamais l’entité ou l’individu responsable posé. Pour asseoir tout ça, la mystification doit être faite sur une entité, dieu, nation ou capital. Ils créent un terreau fertile pour l’entretien des excités complotistes ou des endormis du cerveau. Créer la confusion, créer des fous afin de pouvoir jouer avec… nos émotions (...) »

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  • ★ Contre la politique - Socialisme libertaire

    ★ Georges Herzig. In Le Réveil communiste-anarchiste n°10, 10 novembre 1900. 

    « Si les travailleurs voulaient y réfléchir un tant soit peu ils s’apercevraient bien vite que la participation à la vie politique, l’usage des droits électoraux que la bourgeoisie a bien voulu lui octroyer, dans son intérêt et pour diminuer les causes du mécontentement public, n’ont changé en rien ni la position historique du prolétariat vis-à-vis des autres classes, ni sa situation économique, restée inférieure, bien que, depuis cinquante-quatre ans de suffrage universel le sort des ouvriers ait défrayé la prose électorale de tous les partis politiques.
    La classe possédante — maîtresse des moyens de production, de l’outillage industriel, de la terre, des voies de communication, des rouages administratifs, instruite et limitant l’instruction du peuple, détenant toute autorité, depuis celle du garde-champêtre jusqu’à celle que confère le pouvoir exécutif — pouvait sans beaucoup de crainte appeler le prolétaire à sanctionner les lois faites par elle et lui donner ainsi une paît de responsabilité dans la marche des affaires publiques (...) »

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