• Remaniement : l’arrivée de Kasbarian au ministère du Logement irrite la gauche et des associations
    https://www.lefigaro.fr/politique/remaniement-l-arrivee-de-kasbarian-au-ministere-du-logement-ulcere-la-gauch

    L’élu d’Eure-et-Loir, nommé jeudi après un mois sans ministre spécifiquement chargé du #Logement, a la lourde tâche d’affronter une crise historique, avec une production en berne, un allongement sans fin du nombre de ménages en attente d’un HLM, ou une saturation des structures d’hébergement d’urgence. Sa nomination au ministère du Logement, après deux anciens socialistes - Patrice Vergriete et Olivier Klein - marque un net coup de barre à droite, lui dont le principal fait d’armes en matière de logement est d’avoir fait adopter, en 2023, une loi durcissant les peines contre les squatteurs [et les locataires !!].

    Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a ainsi confié à l’AFP « espérer que le nouveau ministre délégué au Logement sera plus attentif aux souffrances des mal logés et aux difficultés que connaissent nos concitoyens en matière de mal-logement qu’il ne l’a été au moment où il a porté une loi qui a fait beaucoup de dégâts ».

    « Provocation »

    Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement, première association de locataires HLM et proche du Parti communiste, a lui estimé sur franceinfo que son arrivée était « une véritable gifle à tout le secteur du logement » et une « déclaration de guerre aux locataires ». « Une provocation », ont jugé de concert plusieurs élus de gauche. « Nommer celui dont le seul fait d’armes est d’avoir facilité les expulsions est un crachat aux visages des 4 millions de personnes mal logées et 330.000 personnes sans-abris », a ainsi dénoncé sur X la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.

    « Guillaume Kasbarian est l’auteur de la loi la plus répressive sur les expulsions depuis des décennies », a lancé sur le même réseau le communiste Jacques Baudrier, adjoint au Logement à la mairie de Paris, tandis que le chef des sénateurs écologistes Guillaume Gontard moquait l’arrivée d’un « ministre du délogement ».

  • Faute d’action de l’État, l’#habitat_indigne perdure

    Plus d’un million de personnes vivent dans un logement indigne, relève la #Fondation_Abbé_Pierre dans son #rapport annuel publié mercredi 31 janvier. Malgré les conséquences délétères sur la santé et la sécurité des occupants, les pouvoirs publics s’y intéressent peu, regrette l’organisme.

    Les pages des journaux égrènent les noms des victimes de l’habitat indigne. Pas plus tard qu’il y a deux jours, un enfant de 7 ans est décédé dans la nuit du 29 au 30 janvier à Marseille (15e arrondissement) à la suite d’un incendie dans la cité dégradée Parc-Kallisté.

    Sans s’avancer sur les causes de ce feu, la Fondation Abbé Pierre a pointé la vétusté de ces bâtiments, connue de longue date. Du reste, la ville a durablement été traumatisée par l’effondrement de la rue d’Aubagne en 2018, triste illustration des dangers de l’habitat indigne. Marseille n’est pas la seule ville concernée, tant s’en faut. Lille, Stains ou Paris ont aussi vécu effondrements et incendies mortels.

    Mais ces drames ne doivent pas occulter le fait que plus d’un million de personnes vivent au quotidien dans des habitats indignes.

    C’est pour cette raison que la Fondation Abbé Pierre a choisi de mettre en lumière ce phénomène dans un volet spécifique, intitulé « L’éternel retour de l’habitat indigne », dans son 29e rapport annuel, publié mercredi 31 janvier. Cela afin de montrer à quel point la situation s’enkyste, faute d’une réponse politique à la hauteur.

    Sa définition est simple : « Constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage. » Sans oublier les autres types d’habitats précaires, alternatifs au logement pour les plus modestes comme les chambres aménagées dans des garages, les caves, les cabanons de jardin, des locaux commerciaux ou agricoles, bidonvilles ou squats dans des bâtiments en ruine…

    Malgré la difficulté à les quantifier avec précision, la Fondation Abbé Pierre estime à environ 600 000 le nombre de logements indignes en France métropolitaine et outre-mer, résultat de ses propres croisements de données.

    La prolifération de l’habitat indigne est due à la dégradation du bâti et à l’absence d’entretien des bâtiments. Des dynamiques économiques favorisent aussi le délaissement de certains centres-villes au profit de la périphérie, tout comme la perte d’attractivité du territoire, comme à Aubervilliers, Roubaix, Mulhouse, Saint-Étienne...

    Les occupant·es de l’habitat indigne révèlent des profils assez disparates et ne sont pas uniquement locataires. Par exemple, il existe « les propriétaires occupants ancrés » vivant dans un logement de plus en plus dégradé au fil des ans, que ce soit en milieu rural ou urbain. Les « accédants en échec » sont souvent des jeunes couples qui ont sous-estimé le coût des travaux et les charges liés à l’achat d’un logement. Certain·es n’arrivent plus à faire face aux dépenses après un imprévu de la vie comme une maladie, une séparation ou une perte d’emploi.

    Quant aux locataires, il s’agit souvent de ménages démunis, contraints de louer ces biens insalubres, victimes de bailleurs indélicats. Souvent, ils ont effectué une demande de logement social en parallèle et imaginent leur situation comme transitoire.

    De l’autre côté de la chaîne se trouvent les propriétaires. Avec la démocratisation de l’accession à la propriété, la figure du « petit propriétaire » est née, retrace le rapport de la Fondation Abbé Pierre. Mais « du fait de capacités financières limitées, ou d’intérêts centrés sur un rendement locatif à court terme, les investissements des propriétaires pour entretenir leur bien immobilier dans la durée peuvent s’en trouver amoindris ».

    La majorité des propriétaires d’habitat indigne sont aussi des ménages aux ressources limitées qui n’ont pas anticipé le coût de l’entretien de leur bien et non pas seulement des marchands de sommeil, démystifie encore la Fondation Abbé Pierre.

    Dans ces cas-là, les copropriétés ne se révèlent souvent d’aucune utilité. Certains des syndics, promoteurs immobiliers, administrateurs judiciaires et agences immobilières ne jouent pas leur rôle et, souvent, n’empêchent pas la dégradation de la copropriété, peut-on lire dans ce rapport. Globalement, la réponse des pouvoirs publics est insuffisante voire absente, regrette la fondation.

    Les situations sont certes diverses mais vivre dans de tels lieux a des conséquences sur la santé et la sécurité des occupant·es (intoxication au monoxyde de carbone, saturnisme, moisissures, installations électriques ou gazières défectueuses). Les maux liés à l’humidité et aux moisissures dans le logement sont établis par plusieurs études épidémiologiques, tout comme les conséquences sur la santé mentale et psychique des habitant·es en grande souffrance.
    L’incurie des pouvoirs publics

    Ce constat, relève la Fondation Abbé Pierre, n’est pas considéré à la hauteur de sa gravité. Les chiffres sont éloquents à cet égard. Par exemple, pour ces 600 000 logements privés indignes, l’Agence nationale de l’habitat (Anah), établissement public administratif de l’État, a attribué ces dernières années entre 13 000 et 15 000 subventions par an au titre de la lutte contre l’habitat indigne.

    Seuls 13 752 arrêtés d’insalubrité étaient en vigueur en 2021, 578 travaux d’office ont été conduits par le préfet ou par la commune en 2022, et 2 216 arrêtés de mise en sécurité sont recensés en 2022, précise ce rapport.

    Les plaintes des locataires sont aussi rares, par peur, mais aussi par manque d’énergie à injecter dans une bataille administrative complexe et infinie.

    Des politiques publiques nourrissent aussi le phénomène, « notamment en raison des incohérences ou des insuffisances de certaines politiques sectorielles ».

    Les politiques migratoires, par exemple, maintiennent une partie de la population dans la précarité et « alimentent un marché parallèle du logement ». Le renouvellement urbain a aussi participé à faire disparaître une partie des logements à bas prix, renvoyant ainsi les plus modestes vers des solutions précaires.

    La faible construction de logements sociaux, par ailleurs, ne contribue pas davantage à corriger le déficit structurel de logements abordables et dignes. La suppression depuis 2018 (sauf dans les outre-mer) de l’allocation logement (APL accession) pour le financement de travaux par les propriétaires occupants accédants aux revenus modestes sonne comme une décision « incohérente » de plus.

    La Fondation Abbé Pierre identifie un autre obstacle dans la résorption de l’habitat indigne. Il est toujours abordé sous l’angle du bâti pur, et la seule réponse apportée est technique, par le biais de la rénovation. Tout le versant social est ignoré, regrette encore la fondation.

    Or la lutte contre l’habitat indigne est « complexe ». Elle doit mobiliser différents acteurs aux champs d’intervention et compétences divers (action sociale, politiques sanitaires, justice, architecture et ingénierie de la construction, politiques urbaines...). Ces différentes parties œuvrent sous le patronage d’un pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI) lui-même sous l’autorité du préfet. Sans une collaboration étroite, impossible d’endiguer ce problème, rappelle l’association.

    Pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne, la Fondation Abbé Pierre plaide pour que l’État débloque davantage de moyens financiers et humains. Notamment pour pouvoir accompagner les occupant·es de logements insalubres en leur assurant un relogement.

    Ou en donnant les moyens financiers aux propriétaires (occupants modestes ou propriétaires bailleurs) « de bonne foi » pour réaliser les travaux de mise en conformité nécessaire et en facilitant la régularisation foncière dans les territoires d’outre-mer. Le rapport propose aussi un soutien de l’État aux élu·es « dans l’exercice de leurs responsabilités en leur donnant notamment les moyens d’agir et la capacité de mener des travaux d’office ».

    Enfin, la rénovation du parc social reste un préalable indispensable à la disparition de l’habitat indigne.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/310124/faute-d-action-de-l-etat-l-habitat-indigne-perdure
    #habitat #logement #indignité #mal-logement

  • Habitat indigne : l’incroyable cadeau du gouvernement aux marchands de sommeil | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/180124/habitat-indigne-l-incroyable-cadeau-du-gouvernement-aux-marchands-de-somme

    Publié au plein cœur de l’été, le 29 juillet 2023, le décret habitat 2023-695 va entraver la lutte contre les marchands de sommeil et autres propriétaires abusifs en tirant vers le bas toutes les normes de qualité des logements mis en location.

    Censé harmoniser les deux textes qui régissent aujourd’hui les normes des habitations en location, le décret « décence » et le règlement sanitaire départemental, il était pourtant attendu depuis des années. Il aurait dû être l’occasion d’intégrer de nouvelles normes qualitatives, notamment liées au dérèglement climatique, en prenant en compte l’impact des fortes chaleurs dans le bâti. Personne n’avait imaginé qu’il ferait sauter les garde-fous existants, au prétexte de la crise du logement.

    Enfin, personne… parmi les naïfs.
    #logement #pourritures

  • #Violences et fabrique de la #subalternité_foncière à #Sihanoukville, Cambodge

    Depuis le milieu des années 2010, la ville de Sihanoukville au Cambodge, principal #port du pays et petit centre de villégiature, fait l’objet d’un #développement_urbain éclair porté par la construction de nouvelles infrastructures de transport et de zones logistiques, de casinos (plus de 150 nouveaux casinos depuis 2015) et la mise en place de #mégaprojets_immobiliers à vocation touristique qui nourrissent une #spéculation_foncière galopante. Ces transformations territoriales sont notamment le fruit d’une coopération technique, politique et économique entre le Cambodge et la #Chine au nom de la #Belt_and_Road_Initiative, la nouvelle politique étrangère globale chinoise lancée en 2013 par #Xi_Jinping. Pour le gouvernement cambodgien, Sihanoukville et sa région doivent devenir, au cours de la prochaine décennie, la seconde plateforme économique, logistique et industrielle du pays après Phnom Penh, la capitale (Royal Government of Cambodia, 2015). Ce développement urbain très rapide a entraîné une évolution concomitante des logiques d’échange et de valorisation des #ressources_foncières. Comme le relève régulièrement la presse internationale, il nourrit d’importants #conflits_fonciers, souvent violents, dont pâtissent en premier lieu les habitants les plus pauvres.

    Cette recherche veut comprendre la place et le rôle de la violence dans le déploiement des mécanismes d’#exclusion_foncière à Sihanoukville. Pour reprendre les mots de Fernand Braudel (2013 [1963]), alors que ces #conflits_fonciers semblent surgir de manière « précipitée », notre recherche montre qu’ils s’inscrivent aussi dans les « pas lents » des relations foncières et de la fabrique du territoire urbain. Dans ce contexte, le jaillissement des tensions foncières convoque des temporalités et des échelles variées dont la prise en compte permet de mieux penser le rôle de la violence dans la production de l’espace.

    Les processus d’exclusion foncière au Cambodge s’inscrivent dans une trajectoire historique particulière. Le #génocide et l’#urbicide [1] #khmers_rouges entre 1975 et 1979, l’abolition de la #propriété_privée entre 1975 et 1989 et la #libéralisation très rapide de l’économie du pays à partir des années 1990 ont posé les jalons de rapports fonciers particulièrement conflictuels, tant dans les espaces ruraux qu’urbains (Blot, 2013 ; Fauveaud, 2015 ; Loughlin et Milne, 2021). Ainsi, l’#appropriation, l’#accaparement et la #valorisation des ressources foncières au Cambodge, et en Asie du Sud-Est en général, s’accompagnent d’une importante « #violence_foncière » tant physique (évictions et répression) que sociale (précarisation des plus pauvres, exclusion sociale), politique (criminalisation et dépossession des droits juridiques) et économique (dépossession des biens fonciers et précarisation).

    Cet article souhaite ainsi proposer une lecture transversale de la violence associée aux enjeux fonciers. Si la notion de violence traverse la littérature académique portant sur les logiques d’exclusion foncière en Asie du Sud-Est (Hall, Hirsch et Li, 2011 ; Harms, 2016) ou dans le Sud global plus généralement (Peluso et Lund, 2011 ; Zoomers, 2010), peu de recherches la placent au cœur de leurs analyses, malgré quelques exceptions (sur le Cambodge, voir notamment Springer, 2015). Par ailleurs, la violence est souvent étudiée en fonction d’ancrages théoriques fragmentés. Ceux-ci restent très divisés entre : 1) des travaux centrés sur le rôle de l’État et des systèmes de régulation (notamment économiques) dans le déploiement de la violence foncière (Hall, 2011 ; Springer, 2013) ; 2) des analyses politico-économiques des formes de dépossession liées aux modes de privatisation du foncier, à la propriété et à l’accumulation du capital, parfois resituées dans une lecture historique des sociétés coloniales et postcoloniales (voir par exemple Rhoads, 2018) ; 3) des approches considérant la violence comme stratégie ou outil mobilisés dans la réalisation de l’accaparement foncier et la répression des mouvements sociaux (voir par exemple Leitner and Sheppard, 2018) ; 4) des analyses plus ontologiques explorant les processus corporels, émotionnels et identitaires (comme le genre) qui découlent des violences foncières ou conditionnent les mobilisations sociales (voir par exemple Brickell, 2014 ; Schoenberger et Beban, 2018).

    Malgré la diversité de ces approches, la notion de violence reste principalement attachée au processus de #dépossession_foncière, tout en étant analysée à une échelle temporelle courte, centrée sur le moment de l’#éviction proprement dit. Dans cet article et à la suite de Marina Kolovou Kouri et al. (2021), nous défendons au contraire une approche multidimensionnelle des violences foncières analysées à des échelles temporelles et spatiales variées. Une telle transversalité semble indispensable pour mieux saisir les différentes forces qui participent de la construction des violences et de l’exclusion foncières. En effet, si les conflits fonciers sont traversés par diverses formes de violences, celles-ci ne découlent pas automatiquement d’eux et sont également déterminées par le contexte social, économique et politique qui leur sert de moule. Ces violences restent ainsi attachées aux différents #rapports_de_domination qui organisent les #rapports_sociaux en général (Bourdieu, 2018 [1972]), tout en représentant une forme d’#oppression à part entière participant des #inégalités et #injustices sociales sur le temps long (Young, 2011).

    Nous voyons, dans cet article, comment des formes de violence variées structurent les rapports de pouvoir qui se jouent dans l’appropriation et la valorisation des ressources foncières, ainsi que dans la régulation des rapports fonciers. Nous montrons que ces violences servent non seulement d’instrument d’oppression envers certains groupes de populations considérés comme « indésirables », mais aussi qu’elles les maintiennent dans ce que nous nommons une « subalternité foncière ». En prenant appui sur Chakravorty Spivak Gayatri (2005) et Ananya Roy (2011), nous définissons cette dernière comme la mise en place, sur le temps long et par la violence, d’une oppression systémique des citadins les plus pauvres par leur #invisibilisation, leur #criminalisation et l’#informalisation constante de leurs modes d’occupations de l’espace. La #subalternité foncière représente en ce sens une forme d’oppression dont la violence est l’un des dispositifs centraux.

    Cet article s’appuie sur des recherches ethnographiques menées à Phnom Penh et à Sihanoukville, entre 2019 et 2021. Elles comprennent un important travail d’observation, la collecte et l’analyse de documents officiels, de rapports techniques, d’articles de presse et de discours politiques, ainsi que la réalisation de près de soixante-dix entretiens semi-directifs (effectués en khmer principalement, parfois en mandarin, et retranscrits en anglais) auprès d’habitants de Sihanoukville, de représentants territoriaux locaux, d’experts et de membres de groupes criminels. Dans ce texte, le codage des entretiens suit la dénomination suivante : « OF » désigne les employés publics, « EX » des experts ayant une connaissance privilégiée du sujet, « RE » les résidents des zones d’habitat précaire et « F » les acteurs de la criminalité ; le numéro qui suit la lettre est aléatoire et sert à distinguer les personnes ayant répondu à l’enquête ; vient ensuite l’année de réalisation de l’entretien. De nombreux entretiens avec les habitants ont été conduits en groupe.

    https://www.jssj.org/article/violences-et-fabrique-de-la-subalternite-fonciere

    #foncier #Cambodge #Chine #violence

  • Politique du logement : Oxfam dénonce une fabrique des inégalités | Lucie Delaporte
    https://www.mediapart.fr/journal/france/041223/politique-du-logement-oxfam-denonce-une-fabrique-des-inegalites

    L’arrivée massive d’acteurs financiers dans le secteur du logement, encouragée par les pouvoirs publics, a renforcé la concentration du patrimoine immobilier. L’ONG dénonce une politique qui aggrave les inégalités sociales.

    La crise du logement qui sévit ne vient pas de nulle part et ne touche pas la population de manière égale. Si des millions de Français souffrent du mal-logement, une minorité s’est également fortement enrichie grâce à l’immobilier ces dernières années.

    Dans un rapport percutant https://oxfam.app.box.com/s/cjxltf26pr3965zcb7z3nd7y2fg5xdzn/file/1374828771976 , l’ONG Oxfam pointe la fabrique à inégalités qui s’est emparée du secteur.
    Au-delà des aspects conjoncturels liés à la hausse des taux d’intérêt, des coûts de l’énergie et des matériaux qui ont mis à l’arrêt la construction, les difficultés à se loger que rencontrent actuellement de plus en plus de ménages sont liées à une financiarisation du logement, encouragée par les pouvoirs publics.
    Ce mouvement mondial, qui a déjà fortement touché l’Union européenne – entre 2010 et 2023 les prix des logements y ont augmenté de 46 % et les loyers de 21 % –, touche aujourd’hui d’autant plus la France qu’elle a engagé un désinvestissement des politiques publiques sur le sujet.

    #logement #logement_social #fiscalité #niches_fiscales #financiarisation #loyers

    • Ces vingt dernières années, les prix de l’immobilier ont donc augmenté quatre fois plus vite que les revenus bruts des ménages (+ 125,6 % entre 2001 et 2020 contre 29 % pour le revenu disponible des Français).
      Sur ce point, le rapport d’Oxfam relève que le « désengagement » de l’État « a ouvert la voie au secteur privé et aux investisseurs financiers, jusqu’à la financiarisation du logement aidé ».
      La production de logements sociaux s’est par exemple effondrée, passant de 126 000 logements financés en 2016 à 96 000 en 2022 et l’État a tout misé sur le soutien à la production de logements intermédiaires financés par le secteur privé.
      Le chapitre rédigé par Thibault Le Corre et Renaud Le Goix sur la financiarisation du logement social et intermédiaire est à cet égard très éclairant. Pour les chercheurs, « ce processus transforme le logement en un produit financier, et aboutit à une gestion avant tout “financière” du logement ».

      Un mouvement de #concentration inédit

      Les auteurs rappellent que depuis la crise financière de 2008, les opérateurs financiers se sont intéressés au logement social et intermédiaire perçu comme « permettant aux investisseurs de percevoir des rendements stables et peu risqués ».
      Les effets de cet afflux de « propriétaires financiarisés », encouragés par d’avantageuses niches fiscales, ont des conséquences néfastes très documentées sur les #locataires : hausse des prix, accélération des #expulsions, moindre investissement dans l’entretien des bâtiments. Pris dans cette logique, le logement doit devenir pour ces investisseurs toujours plus rentable.

      Les niches fiscales conçues pour orienter l’épargne vers le logement locatif notamment intermédiaire ont largement contribué à ce mouvement de financiarisation et ont lourdement pesé sur le budget de l’État. Oxfam a calculé que trois niches fiscales (LMNP, SIIC et Censi-Bouvard) ont ainsi coûté 11 milliards d’euros en douze ans, ce qui aurait pourtant permis la construction sur cette période de 70 500 logements sociaux.
      Ces niches fiscales, qui ont profité aux ménages les plus aisés, ont aussi renforcé un mouvement de concentration du patrimoine immobilier inédit. « Début 2021, les 10 % les plus riches en patrimoine concentraient 44 % du patrimoine immobilier. Cette accumulation du #patrimoine_immobilier conduit au constat actuel qui est que 3,5 % des ménages détiennent plus de cinq logements soit 50 % des logements mis en location par des particuliers », note le rapport d’Oxfam s’appuyant sur les derniers chiffres de l’Insee.
      Des chiffres qui expliquent en grande partie le poids de la #rente et de l’#héritage dans la société française où « le patrimoine hérité représente 60 % du patrimoine des Français·es aujourd’hui contre 35 % au début des années 1970 ».
      L’État a-t-il intérêt à changer de braquet ? Pas vraiment s’il ne s’intéresse qu’aux recettes fiscales générées par le secteur. Comme cette fiscalité repose sur la valorisation du patrimoine, plus les revenus tirés de l’immobilier sont importants, plus les recettes augmentent. « La fiscalité aujourd’hui, qui ne prend pas en compte l’impact sur les inégalités de richesses et de patrimoine, n’a donc pas intérêt à changer pour la puissance publique. »
      Pour contrer cette tendance, Oxfam propose de limiter l’accès d’acteurs privés « financiarisés » au financement du logement, particulièrement le logement aidé.
      L’ONG défend aussi la constitutionnalisation du #droit_au_logement en le mettant au même niveau que le droit à la propriété.

      #propriété_privée #rente_foncière fiscalement assistée

    • Création de logements sociaux : un nombre record de communes sont « hors la loi »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/06/creation-de-logements-sociaux-un-nombre-record-de-communes-sont-hors-la-loi_

      La Fondation Abbé Pierre publie, mercredi 6 décembre, son palmarès des mauvais élèves du logement social : 659 municipalités n’ont pas rempli leurs objectifs, soit 64 % des communes soumises à la loi Solidarité et renouvellement urbain.

      https://archive.is/nKpum

  • #José_Vieira : « La #mémoire des résistances face à l’accaparement des terres a été peu transmise »

    Dans « #Territórios_ocupados », José Vieira revient sur l’#expropriation en #1941 des paysans portugais de leurs #terres_communales pour y planter des #forêts. Cet épisode explique les #mégafeux qui ravagent le pays et résonne avec les #luttes pour la défense des #biens_communs.

    Né au Portugal en 1957 et arrivé enfant en France à l’âge de 7 ans, José Vieira réalise depuis plus de trente ans des documentaires qui racontent une histoire populaire de l’immigration portugaise.

    Bien loin du mythe des Portugais·es qui se seraient « intégré·es » sans le moindre problème en France a contrario d’autres populations, José Vieira s’est attaché à démontrer comment l’#immigration_portugaise a été un #exode violent – voir notamment La Photo déchirée (2001) ou Souvenirs d’un futur radieux (2014) –, synonyme d’un impossible retour.

    Dans son nouveau documentaire, Territórios ocupados, diffusé sur Mediapart, José Vieira a posé sa caméra dans les #montagnes du #Caramulo, au centre du #Portugal, afin de déterrer une histoire oubliée de la #mémoire_collective rurale du pays. Celle de l’expropriation en 1941, par l’État salazariste, de milliers de paysans et de paysannes de leurs terres communales – #baldios en portugais.

    Cette #violence étatique a été opérée au nom d’un vaste #projet_industriel : planter des forêts pour développer économiquement ces #territoires_ruraux et, par le même geste, « civiliser » les villageois et villageoises des #montagnes, encore rétifs au #salariat et à l’ordre social réactionnaire de #Salazar. Un épisode qui résonne aujourd’hui avec les politiques libérales des États qui aident les intérêts privés à accaparer les biens communs.

    Mediapart : Comment avez-vous découvert cette histoire oubliée de l’expropriation des terres communales ou « baldios » au Portugal ?

    José Vieira : Complètement par hasard. J’étais en train de filmer Le pain que le diable a pétri (2012, Zeugma Films) sur les habitants des montagnes au Portugal qui sont partis après-guerre travailler dans les usines à Lisbonne.

    Je demandais à un vieux qui est resté au village, António, quelle était la définition d’un baldio – on voit cet extrait dans le documentaire, où il parle d’un lieu où tout le monde peut aller pour récolter du bois, faire pâturer ses bêtes, etc. Puis il me sort soudain : « Sauf que l’État a occupé tous les baldios, c’était juste avant que je parte au service militaire. »

    J’étais estomaqué, je voulais en savoir plus mais impossible, car dans la foulée, il m’a envoyé baladé en râlant : « De toute façon, je ne te supporte pas aujourd’hui. »

    Qu’avez-vous fait alors ?

    J’ai commencé à fouiller sur Internet et j’ai eu la chance de tomber sur une étude parue dans la revue de sociologie portugaise Análise Social, qui raconte comment dans les années 1940 l’État salazariste avait pour projet initial de boiser 500 000 hectares de biens communaux en expropriant les usagers de ces terres.

    Je devais ensuite trouver des éléments d’histoire locale, dans la Serra do Caramulo, dont je suis originaire. J’ai passé un temps fou le nez dans les archives du journal local, qui était bien sûr à l’époque entièrement dévoué au régime.

    Après la publication de l’avis à la population que les baldios seront expropriés au profit de la plantation de forêts, plus aucune mention des communaux n’apparaît dans la presse. Mais rapidement, des correspondants locaux et des éditorialistes vont s’apercevoir qu’il existe dans ce territoire un malaise, qu’Untel abandonne sa ferme faute de pâturage ou que d’autres partent en ville. En somme, que sans les baldios, les gens ne s’en sortent plus.

    Comment sont perçus les communaux par les tenants du salazarisme ?

    Les ingénieurs forestiers décrivent les paysans de ces territoires comme des « primitifs » qu’il faut « civiliser ». Ils se voient comme des missionnaires du progrès et dénoncent l’oisiveté de ces montagnards peu enclins au salariat.

    À Lisbonne, j’ai trouvé aussi une archive qui parle des baldios comme étant une source de perversion, de mœurs légères qui conduisent à des enfants illégitimes dans des coins où « les familles vivent presque sans travailler ». Un crime dans un régime où le travail est élevé au rang de valeur suprême.

    On retrouve tous ces différents motifs dans le fameux Portrait du colonisé d’Albert Memmi (1957). Car il y a de la part du régime un vrai discours de colonisateur vis-à-vis de ces régions montagneuses où l’État et la religion ont encore peu de prise sur les habitants.

    En somme, l’État salazariste veut faire entrer ces Portugais reculés dans la modernité.

    Il y a eu des résistances face à ces expropriations ?

    Les villageois vont être embauchés pour boiser les baldios. Sauf qu’après avoir semé les pins, il faut attendre vingt ans pour que la forêt pousse.

    Il y a eu alors quelques histoires d’arrachage clandestin d’arbres. Et je raconte dans le film comment une incartade avec un garde forestier a failli virer au drame à cause d’une balle perdue – je rappelle qu’on est alors sous la chape de plomb du salazarisme. D’autres habitants ont aussi tabassé deux gardes forestiers à la sortie d’un bar et leur ont piqué leurs flingues.

    Mais la mémoire de ces résistances a peu été transmise. Aujourd’hui, avec l’émigration, il ne reste plus rien de cette mémoire collective, la plupart des vieux et vieilles que j’ai filmés dans ce documentaire sont déjà morts.

    Comment justement avez-vous travaillé pour ce documentaire ?

    Quand António me raconte cette histoire d’expropriation des baldios par l’État, c’était en 2010 et je tournais un documentaire, Souvenirs d’un futur radieux. Puis lorsqu’en 2014 un premier incendie a calciné le paysage forestier, je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette.

    J’ai travaillé doucement, pendant trois ans, sans savoir où j’allais réellement. J’ai filmé un village situé à 15 kilomètres de là où je suis né. J’ai fait le choix d’y suivre des gens qui subsistent encore en pratiquant une agriculture traditionnelle, avec des outils de travail séculaires, comme la roue celte. Ils ont les mêmes pratiques que dans les années 1940, et qui sont respectueuses de l’écosystème, de la ressource en eau, de la terre.

    Vous vous êtes aussi attaché à retracer tel un historien cet épisode de boisement à marche forcée...

    Cette utopie industrialiste date du XIXe siècle, des ingénieurs forestiers parlant déjà de vouloir récupérer ces « terres de personne ». Puis sous Salazar, dans les années 1930, il y a eu un débat intense au sein du régime entre agrairistes et industrialistes. Pour les premiers, boiser ne va pas être rentable et les baldios sont vitaux aux paysans. Pour les seconds, le pays a besoin de l’industrie du bois pour décoller économiquement, et il manque de bras dans les villes pour travailler dans les usines.

    Le pouvoir central a alors même créé un organisme étatique, la Junte de colonisation interne, qui va recenser les baldios et proposer d’installer des personnes en leur donnant à cultiver des terres communales – des colonies de repeuplement pour résumer.

    Finalement, l’industrie du bois et de la cellulose l’a emporté. La loi de boisement des baldios est votée en 1938 et c’est en novembre 1941 que ça va commencer à se mettre en place sur le terrain.

    Une enquête publique a été réalisée, où tout le monde localement s’est prononcé contre. Et comme pour les enquêtes aujourd’hui en France, ils se sont arrangés pour dire que les habitants étaient d’accord.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces forêts ? Subsiste-t-il encore des « baldios » ?

    Les pinèdes sont exploitées par des boîtes privées qui font travailler des prolos qui galèrent en bossant dur. Mais beaucoup de ces forêts ont brûlé ces dernière décennies, notamment lors de la grande vague d’incendies au Portugal de 2017, où des gens du village où je filmais ont failli périr.

    Les feux ont dévoilé les paysages de pierre qu’on voyait auparavant sur les photos d’archives du territoire, avant que des pins de 30 mètres de haut ne bouchent le paysage.

    Quant aux baldios restants, ils sont loués à des entreprises de cellulose qui y plantent de l’eucalyptus. D’autres servent à faire des parcs d’éoliennes. Toutes les lois promues par les différents gouvernements à travers l’histoire du Portugal vont dans le même sens : privatiser les baldios alors que ces gens ont géré pendant des siècles ces espaces de façon collective et très intelligente.

    J’ai fait ce film avec en tête les forêts au Brésil gérées par les peuples autochtones depuis des siècles, TotalEnergies en Ouganda qui déplace 100 000 personnes de leurs terres pour du pétrole ou encore Sainte-Soline, où l’État aide les intérêts privés à accaparer un autre bien commun : l’eau.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/021223/jose-vieira-la-memoire-des-resistances-face-l-accaparement-des-terres-ete-

    #accaparement_de_terres #terre #terres #dictature #histoire #paysannerie #Serra_do_Caramulo #communaux #salazarisme #progrès #colonisation #colonialisme #rural #modernité #résistance #incendie #boisement #utopie_industrialiste #ingénieurs #ingénieurs_forestiers #propriété #industrie_du_bois #Junte_de_colonisation_interne #colonies_de_repeuplement #cellulose #pinèdes #feux #paysage #privatisation #eucalyptus #éoliennes #loi #foncier

  • Bon, d’accord, le nouveau taré argentin a l’air sévèrement taré. Mais est-ce quelqu’un aurait des articles avec un peu de fond qui analysent pourquoi ce nouvel étron bolsonaro-trumpiste est parvenu à se faire élire ? (Culture-war réactionnaire ? Nullité du camp d’en face ? Gauche qui aurait abandonné les pauvres ? Classes moyennes barbarisées ?)

    • Notamment cette partie je pense :
      "Le discours de M. Milei touche surtout les jeunes, particulièrement exposés aux réseaux sociaux et aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. « Jamais, depuis la fin de la dictature, la droite radicale n’a eu une résonance aussi puissante auprès des jeunes », constate Ariel Goldstein, chercheur au Conseil national de la recherche scientifique et technique (Conicet) à Buenos Aires. Selon un sondage du cabinet de conseil Synopis (9), la moitié des militants de M. Milei, majoritairement des hommes issus des classes moyenne et populaire urbaines, ont moins de 29 ans. Pendant la pandémie, « l’État est devenu leur ennemi », explique Sergio Morresi, politiste de l’université nationale du Littoral. « À leurs yeux, le discours progressiste selon lequel l’État est celui qui prend soin de nous, nous protège, nous aide, n’a pas de sens. Leur seule expérience est celle d’un État qui ne fonctionne pas. »"

    • taux de participation de 76 %

      Ils veulent apparemment le changement, quel qu’il soit.

      De mon côté, suivi de loin, je me souviens :
      – accusations de corruption contre les dirigeants de gauche
      – arrivée au pouvoir de la droite corrompue, marasme économique
      – retour d’une certaine gauche, mais sans retour à la normale
      – tensions sur la monnaie, historique lourd de ce point de vue, marchés internationaux peu amicaux
      – inflation incontrôlable

    • une salve de « vive la liberté, bordel ! », son slogan préféré, crié d’une voix rocailleuse de rockeur.

      « On peut s’attendre à un scénario de grande conflictualité sociale », estime Lara Goyburu, politiste à l’université de Buenos Aires, avec la probable mobilisation des syndicats et des organisations sociales. A moins, ajoute-t-elle, que Javier Milei n’opte pour la répression afin d’imposer ses réformes.
      Le président élu ne dispose pas de majorité au Congrès, ni de gouverneur provincial ou de maire appartenant à sa coalition : les doutes sur sa capacité à gouverner restent entiers. « Cela peut provoquer une paralysie institutionnelle. Car même en comptant sur les députés d’une partie de la droite, il n’aura pas de majorité qualifiée, observe la politiste. Aussi, il ne pourra peut-être pas retirer l’avortement légal ou dollariser l’économie, mais il va pouvoir couper de nombreuses dépenses publiques en gouvernant par décret. »

      dans Le Monde
      https://archive.ph/YfWEQ

      edit vu l’ampleur de la #pauvreté et le taux d’#inflation, on voit mal comme un ministre de l’économie aurait pu contrer ce sale type

      #Argentine

    • à propos de Milei un seen de @deun, " extrême droite et misère de position"
      https://seenthis.net/messages/1019616

      cite DES INSURRECTIONS SANS LUMIÈRES
      https://lundi.am/Des-insurrections-sans-lumieres

      à quoi ont ajouter la parution aujourd’hui de
      QUI EST JAVIER MILEI LE NOUVEAU PRÉSIDENT ARGENTIN LIBERTARIEN ? (D’après Pablo Stefanoni, La rébellion est-elle passée à droite ?)
      https://lundi.am/Qui-est-Javier-Milei-le-nouveau-president-argentin-libertarien

      une ode punk a icelui

      https://www.youtube.com/watch?v=6-g2OjuuNCs

      « Allez vous faire foutre, salauds d’empresaurios[empresario (entrepreneur) et dinosaurio (dinosaure) ] / Allez vous faire foutre, sodomites du capital / On en a marre des ordures keynésiennes / Le moment libéral est arrivé / Nous avons un leader, et c’est un référent majeur / Qui arrive toujours à incommoder l’État / Javier Milei, notre futur président / Javier Milei le dernier des punks / Toujours mobilisé contre la pression fiscale / Toujours mobilisé contre l’étatisme prédateur / Luttant pour une Argentine libertarienne / Et pour la liberté du peuple travailleur. »

      un résumé vidéo du Monde via @sandburg
      https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/11/19/qu-est-ce-que-la-figure-de-javier-milei-nous-dit-des-crises-que-traverse-l-a

      #extrême_droite #paléolibertarianisme #libertariens

    • Argentine : Javier Milei n’est ni Trump ni Bolsonaro, il est pire,
      Ludovic Lamant
      https://www.mediapart.fr/journal/international/201123/argentine-javier-milei-n-est-ni-trump-ni-bolsonaro-il-est-pire

      L’Argentin Javier Milei est le dernier avatar d’un mouvement de fond des droites extrêmes « anti-système » qui s’épanouissent dans les failles et insuffisances des démocraties actuelles. Mais les rapprochements avec Donald Trump ou Jair Bolsonaro échouent à saisir la spécificité du phénomène.
      Le « saut dans le vide » tant redouté par les gauches argentines s’est produit : le #libertarien Javier Milei a été élu dimanche 19 novembre, avec un score sans appel et bien supérieur à ce qu’annonçaient des instituts de sondage décidément très peu fiables pour prendre le pouls du malaise qui traverse ce pays.
      Milei a devancé de plus de onze points son adversaire péroniste, le ministre de l’économie sortant, Sergio Massa, rassemblant pas moins de 14,5 millions de voix (sur 36 millions d’inscrit·es) . Sa formation, La liberté avance, s’est imposée dans 21 des 24 provinces du pays. Il a profité d’un report massif des voix des candidat·es arrivé·es en troisième et quatrième places au premier tour.

      Sans surprise, Donald Trump est l’un des premiers à avoir félicité sur X le vainqueur : « Je suis très fier de toi. Tu transformeras ton pays et lui redonneras de nouveau sa grandeur ! » Lors du premier tour, le 22 octobre, le fils de l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, Eduardo Bolsonaro, député à Brasilia, avait fait le déplacement à Buenos Aires pour soutenir Milei : « Javier incarne l’espoir que les choses changent », avait-il dit, alors qu’il arborait ce jour-là une pince à cravate en forme de pistolet devenue virale sur les réseaux.
      Dès le mois d’août dernier, à l’approche des primaires dont Milei était déjà sorti vainqueur, Jair Bolsonaro en personne s’était fendu d’une vidéo de soutien : « [Milei et moi] partageons beaucoup de choses en commun. [...] Nous défendons la famille, la #propriété_privée, le #libre_marché, la liberté d’expression, le droit à se défendre. »

      Le énième avatar d’une « internationale national-populiste » ?

      Le triomphe de l’outsider Milei s’inscrit dans ce mouvement de montée en puissance des #droites les plus extrêmes, engagées dans une #guerre_culturelle contre les gauches progressistes. Milei tempête contre « la caste » comme Trump l’a fait contre « l’establishment » de Washington. Milei s’est fait connaître en tant qu’expert des plateaux de télévision à partir de 2015, comme Trump est passé par la télé-réalité dans les années 2000 pour accroître sa notoriété.
      En plus de leur style agressif, extravagant et télégénique, les trois – avec Jair Bolsonaro – tonnent contre « le communisme » et/ou « le socialisme » et défendent - sur des registres à peine différents - le droit de chaque citoyen à porter une arme pour se défendre. Trump, Milei ou encore Boris Johnson du temps du Brexit se sont nourris d’une explosion des inégalités dans leur pays, capitalisant sur le mal-être d’une classe moyenne appauvrie.

      « Des petits commerçants, des indépendants, qui gagnent peu, sont très remontés contre le #péronisme, et voient qu’ils gagnent quasiment la même chose que des chômeurs qui bénéficient de plans sociaux, expliquait à Mediapart le sociologue Gabriel Vommaro, du centre de recherche argentin Conicet et de l’EHESS à Paris. C’est une vieille histoire en sociologie politique, qui se répète : celle du jeune Blanc aux États-Unis, ou du Brexiter en Angleterre. »
      Interrogé par le site en espagnol de CNN, le patron de la version argentine du Monde diplomatique, José Natanson, identifie un autre point commun : tous ont profité, avant leur victoire, d’une « sous-estimation » : « Il y a l’idée qu’ici, cela ne peut pas arriver, qu’un personnage pareil ne peut pas devenir président de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay... Jusqu’à ce que cela arrive. »
      Mais le jeu des échos et comparaisons s’arrête là, au sein de cette « internationale national-populiste ». Les raccourcis qui présentent Milei comme un « Trump argentin » ne suffisent pas à comprendre ce qui se joue à Buenos Aires. L’ascension de Milei s’inscrit d’abord dans un contexte de dégradation du système politique argentin. Et beaucoup de ses caractéristiques sont très spécifiques.

      Un homme sans parti

      Aux États-Unis, Donald Trump s’est imposé aux primaires du parti républicain. Au Royaume-Uni, les partisans du Brexit ont pris d’assaut le parti conservateur (Tories). À Buenos Aires, Milei a construit son ascension sans ancrage national. Son pseudo-parti, La liberté avance, a enchaîné les mauvais scores aux différentes élections régionales qui ont ponctué l’année 2023, preuve que cette entité peine à exister si Milei ne se présente pas.
      Cela signifie d’abord que Milei a les mains libres pour fixer sa ligne radicale, en toute indépendance, avec quelques personnes clés de son entourage. À commencer par son énigmatique sœur cadette, Karina, qu’il surnomme, au masculin, « El jefe » (le chef), ou encore « Le messie », et qui fut la stratège en chef de sa campagne victorieuse.
      Revers de la médaille : à ce stade, son parti est loin de détenir les clés de la Chambre des député·es. Milei ne détiendra que 38 élu·es à la chambre basse (contre trois sur le mandat précédent). La majorité absolue est à 129. Il devra donc convaincre des député·es de la droite plus traditionnelle, par exemple au sein du PRO de Patricia Bullrich et Mauricio Macri.
      D’où les analyses de certains observateurs, qui font déjà de l’ancien président #Mauricio_Macri (2015-2019), le premier à avoir soutenu Milei durant l’entre-deux-tours, le « parrain » de la présidence Milei à venir.

      Une ascension éclair

      Au Chili, le candidat néo-pinochetiste José Antonio Kast, qui a failli l’emporter face à Gabriel Boric en 2021, est élu pour la première fois député en 2002. Au Salvador, Nayib Bukele, devenu l’une des figures les plus inquiétantes de l’extrême droite au pouvoir dans les Amériques après son élection à la présidence en 2019, a démarré sa carrière politique en 2012, depuis la gauche.
      Là encore, Milei tranche avec ce type de parcours. Il a été élu député national pour la première fois en décembre 2021. L’ascension éclair de ce novice en politique, dénué a priori de toute capacité de négociation politique, s’explique en grande partie par un contexte très local : le bilan calamiteux de la présidence péroniste d’Alberto Fernández depuis 2019. En particulier sur le front économique : une inflation de 648 % sur la période, des dévaluations du peso à répétition, et un taux de pauvreté en hausse, à 40,1 % de la population (18,5 millions d’Argentin·es).

      Un candidat « mono-thématique »

      Milei a longtemps été le candidat d’une seule proposition, la dollarisation de l’économie argentine face à l’inflation galopante (et son pendant, la fermeture de la Banque centrale), qu’il a martelée sur les plateaux télé. « Trump parlait d’économie mais de beaucoup d’autres choses, notamment d’international. Milei est davantage mono-thématique : il critique la caste et parle d’économie », relève le sociologue Gabriel Vommaro.
      Carlos Pagni, l’éditorialiste du quotidien La Nación l’explique autrement à Mediapart : « Milei n’est pas Bolsonaro, il serait plutôt comme la fusion de Bolsonaro et [Paulo] Guedes dans la même personne », en référence au conseiller économique ultralibéral de la présidence Bolsonaro.
      Si l’attention des médias, surtout à l’étranger, s’est fixée sur la personne extravagante de Milei, le triomphe électoral de dimanche est bien le fruit d’un binôme. Son choix de s’entourer de Victoria Villaruel comme candidate à la vice-présidence, a été un coup de maître.
      Il lui a permis de se faire entendre sur d’autres sujets que l’économie (critique des féminismes, opposition au droit à l’#avortement, dénonciation de la politique mémorielle sur la dictature menée par les Kirchner, etc.). Villaruel a permis à Milei à se relier à cette internationale ultra-conservatrice, de Giorgia Meloni en Italie à Santiago Abascal en Espagne, pour laquelle le libertarien n’avait jusqu’alors montré que peu d’intérêt.

      Un programme encore plus extrême

      Milei se dit « libéral libertarien » ou encore « anarcho-capitaliste ». Au-delà du vertige des étiquettes, son programme semble aller encore plus loin que ceux de Bolsonaro, Trump ou Kast. L’économiste portègne veut tout à la fois supprimer les ministères de l’environnement et de l’éducation, privatiser les médias publics et les compagnies énergétiques. « Tout ce qui peut se retrouver aux mains du secteur privé, sera remis aux mains du secteur privé », a-t-il déclaré lundi 20 novembre, lors de son premier entretien post-élection.
      Il veut encore libéraliser les ventes d’organes, faciliter le port d’armes et abroger le #droit_à_l’avortement. Il est revenu en fin de campagne sur ses promesses de privatiser l’école et l’éducation, reconnaissant lundi qu’il s’agit d’une compétence des provinces... Victoria Villaruel a de son côté encore électrisé la fin de campagne en promettant de fermer le musée ouvert depuis 2015 dans l’un des principaux centres de torture de la dictature argentine (1976-1983) à Buenos Aires, l’ESMA.
      À ce stade, celles et ceux qui pariaient sur un assouplissement de Milei une fois élu, contraint à des compromis avec des partis traditionnels pour former des majorités au sein de la Chambre, comme l’anticipait durant la campagne Guillermo Francos, annoncé comme son futur ministre de l’intérieur, en sont pour leurs frais. L’économiste de 53 ans, qui préfère « la mafia à l’État », a prévenu dès dimanche soir : « Il n’y a pas de place pour le gradualisme, la tiédeur ou les demi-mesures. »

      Un autre rapport à la religion ?

      Donald Trump et surtout Jair Bolsonaro ont pu compter sur le soutien des évangéliques. Milei confère lui aussi une place centrale au religieux, mais cela s’est surtout traduit, durant sa campagne, par une série de vives critiques à l’encontre du pape argentin François, accusé par des pans de la droite d’être trop progressiste (et de soutenir la campagne des péronistes). Bousculé sur le sujet par Sergio Massa durant le premier débat télévisé début octobre, Milei avait dû faire en partie marche arrière.
      Surtout, Milei assume une forme de mysticisme, qui transparaît dans les entretiens qu’il a donnés sur un registre plus personnel. Lorsqu’il était un peu moins connu, Milei a par exemple expliqué que la Banque centrale était « le malin », et que le socialisme avait été inventé par « le diable ». Son biographe, le journaliste Juan Luis González, auteur d’El Loco (Le fou, Planeta, 2023), décrit un « leader messianique », qui compare ses actions à des passages des textes sacrés, mais se compare aussi lui-même à des figures de la Bible, comme Moïse.
      Milei est persuadé que Dieu, non seulement existe et qu’il est libertarien, mais aussi qu’il lui est arrivé d’échanger avec lui. Il a déjà expliqué très sérieusement qu’il parlait à Dieu à travers son chien, Conan, mort en 2017, et dont il avait fait réaliser, peu de temps avant sa mort, six clones aux États-Unis.
      L’économiste reprend aussi souvent à son compte une citation de l’Ancien Testament, devenue très populaire sur les réseaux : « À la guerre, la victoire ne dépend pas du nombre de soldats, mais des forces du ciel. » L’un de ses autres slogans durant les meetings – « Je suis venu pour réveiller les lions », en référence à ses électeurs –, porte aussi cette couleur messianique, dont on peine à savoir, à ce stade, comment elle jouera sur sa manière de présider l’Argentine.

      #messianisme (de bazar)

    • #Milei_fou_furieux Après le #narco_capitalisme, l’#anarcho_capitalisme (en tant que dernier avatar du #capitalisme_de_désastre)

      L’économiste reprend aussi souvent à son compte une citation de l’Ancien Testament, devenue très populaire sur les réseaux : « À la guerre, la victoire ne dépend pas du nombre de soldats, mais des forces du ciel. » L’un de ses autres slogans durant les meetings – « Je suis venu pour réveiller les lions », en référence à ses électeurs –, porte aussi cette couleur messianique, dont on peine à savoir, à ce stade, comment elle jouera sur sa manière de présider l’Argentine.

      Pour ce dernier point, c’est pourtant assez facile à imaginer ...

    • En Argentine, la naissance du fascisme religieux de marché
      https://legrandcontinent.eu/fr/2023/08/21/en-argentine-la-naissance-du-fascisme-religieux-de-marche

      On pourrait nommer « fascisme religieux de marché » ou « autoritarisme technocratique » le type de régime que les libertariens et les nationalistes conservateurs entendent fonder en Argentine. Une pareille formule a déjà existé dans l’histoire de l’Amérique latine : dans le Chili de Pinochet, dans l’Argentine de Videla, dans le Pérou de Fujimori et dans le Brésil de Bolsonaro. Elle combine des réformes néolibérales avec l’autoritarisme politique, qui s’est exprimé dans les régimes dictatoriaux des années 1970 en Amérique latine et au Brésil ces dernières années. Une différence avec le phénomène Bolsonaro pourrait être que ce dernier bénéficiait d’un fort soutien de la part des militaires et des évangélistes, ce qui ne serait pas si évident à réaliser pour Milei.

      " La victoire de Milei aux primaires montre qu’une partie importante de la société considère que la voie de la recomposition sociale par le biais d’une proposition conflictuelle et autoritaire est plus appropriée. "
      Ariel Goldstein

      Le libéralisme de Milei et la démocratie libérale ne sont pas compatibles. Aucune société démocratique ne peut supporter ces réformes d’ajustement sans autoritarisme. Ce qui est intéressant, c’est la façon dont son langage combine les appels religieux avec la doctrine économique néolibérale. Il utilise des versets bibliques pour justifier ses positions économiques de réduction des dépenses publiques, telles que « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Genèse 3 : 19).

      Une phrase revient souvent dans La révolution libérale, un documentaire de Santiago Oría qui défend l’héritage de Milei, ainsi que dans sa campagne : « la guerre la victoire ne va pas aux plus nombreux, car c’est du Ciel que vient la force » (Maccabées 3 : 19).

      Milei est l’instrument de la revanche d’une partie de la société contre une classe politique perçue comme inutile, parasitaire et uniquement tournée vers ses propres intérêts. L’adhésion à un leader désigné comme celui qui punira un ennemi explique la montée en puissance de Milei, comme tous les phénomènes de droite radicale16.

      « Ceux qui jettent des pierres, je vais les mettre en prison et s’ils encerclent la Casa Rosada, ils devront me sortir mort » a-t-il déclaré lors de l’une de ses dernières apparitions télévisées. Milei mise ainsi sur une violence rédemptrice qui le montre, dans cette vision guerrière et religieuse, comme le grand illuminé. Il semble, en ce sens, avoir un profil plus fondamentaliste que Trump et Bolsonaro, qui dérive peut-être du fait qu’il a moins d’expérience politique que ces derniers.

      Ce que nous vivons est une nouvelle destruction de la composante rationaliste du libéralisme par un autoritarisme et un fondamentalisme religieux qui se l’approprient. Il appartient à la gauche, aux sociaux-démocrates, aux progressistes et aux libéraux de s’unir pour défendre cet ensemble d’idées et de valeurs afin de préserver la démocratie. En effet, le processus de normalisation, sous Milei, a été extraordinairement rapide. Aucun cordon sanitaire n’a été formé comme en Europe.

      Milei semble avoir un profil plus fondamentaliste que Trump et Bolsonaro, en raison de sa moindre expérience politique.

      Il a une vision fanatique de la réalité dans laquelle il fait une distinction entre les personnes « pures » et « impures ». Par exemple, cette réflexion adressée à la dirigeante de l’opposition, Elisa Carrió : « Chacun est gouverné par la morale et l’éthique, les gris disparaissent et les tièdes deviennent de parfaits complices des criminels (ils ne diffèrent que par les formes) ». Dans ce type de réflexion, il défend une croisade morale contre les « impurs », qui est évidemment dangereuse pour la pérennité du système démocratique. Dans cette vision complotiste, ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sont transformés en ennemis qui représentent un danger pour son existence.

    • L’ouragan Milei. Les sept clés de l’élection argentine
      https://www.contretemps.eu/argentine-milei-libertarien-extreme-droite-macri

      Cette victoire d‘un économiste qui se définit comme « anarcho-capitaliste » – et qui appartient plus précisément au courant « paléolibertarien » analysé notamment par Pablo Stefanoni – ouvre en tout cas un scénario inédit et imprévisible. Comment comprendre ce basculement politique qui a porté au pouvoir un homme sans expérience politique ni véritable mouvement structuré derrière lui, mais appartenant à une nouvelle extrême droite globale ?

    • « La victoire de Javier Milei en Argentine s’inscrit dans un contexte mondial de consolidation des droites radicales », Olivier Compagnon, Historien, David Copello, Politiste
      https://archive.ph/p1Uu3

      Une fois que l’on s’est accoutumé au spectacle de foules saccageant le Capitole à Washington, comme cela s’est produit le 6 janvier 2021, ou le palais du Planalto à Brasilia, le 8 janvier 2023, on se formalise moins qu’un nouveau venu, étranger à la scène politique il y a encore trois ans, fasse campagne, tronçonneuse à la main et insultes aux lèvres, en promettant de libéraliser le port d’armes et le commerce d’organes.
      La victoire de Milei s’inscrit donc dans un contexte régional – mais aussi global – de consolidation de droites radicales qui ne cherchent plus à masquer les aspects les plus extrêmes de leur programme, mais les mettent en scène pour en faire des produits d’appel. (...) l’essentiel réside désormais dans l’hubris, la démesure, la provocation, voire la bouffonnerie.

      Ces droites ont des phobies communes, du nord au sud de l’Amérique et de part et d’autre de l’Atlantique – l’avortement, la « théorie du genre » [terme employé pour marquer un rejet des études de genre], les communautés LGBTQIA+, le « marxisme culturel » [une théorie conspirationniste mettant en cause les élites intellectuelles], les migrants, etc. Elles désignent à la vindicte populaire leurs nouveaux ennemis de l’intérieur, qui se sont substitués aux communistes depuis la fin de la guerre froide. Se présentant sous les atours de la nouveauté, leur discours de rejet de la « caste » politique ne s’en accommode pas moins du recyclage de barons de la politique locale, changeant d’étiquettes partisanes au gré des occasions, ou de vieilles gloires des années passées.

      (...) Seize années de kirchnérisme (2003-2015 et 2019-2023), entrecoupées par le mandat du libéral Mauricio Macri (qui n’a pas hésité une seconde avant d’apporter son soutien à Milei), n’ont pas permis de réenchanter durablement le politique, de stabiliser une économie minée par la dette et les crises cycliques ni de mettre en place des politiques de redistribution pérennes.
      Epuisés par l’un des confinements les plus stricts du monde au plus fort de la pandémie de Covid-19, asphyxiés par une inflation qui pourrait atteindre, selon la Banque centrale du pays, plus de 180 % fin 2023, lassés des scandales de corruption, les Argentins ont voté en majorité pour une altérité radicale, bien que celle-ci ne présage pas vraiment de jours meilleurs.
      Le suffrage des plus jeunes, particulièrement prononcé en faveur de Milei, attire l’attention. Celles et ceux qui, nés en 2007, ont voté pour la première fois lors de ces élections n’ont connu, leur vie durant, que des taux d’inflation et des indices de pauvreté supérieurs à 20 %. Face à la misère, la relativisation des crimes passés de la dictature par Milei et sa vice-présidente, Victoria Villarruel, ainsi que leur dénigrement du travail de mémoire ne suscitent guère que l’indifférence.

    • Bon, je ne vois pas beaucoup de réponses à ta question dans les commentaires, donc en voici une réponse largement pompé de cet article :
      https://www.humanite.fr/monde/argentine/argentine-javier-milei-la-victoire-du-fmi

      1ere raison : le fond de crise

      C’est bien la droite de Mauricio Macri, président de 2015 à 2019, qui a créé les conditions de l’arrivée de Milei à la Casa Rosada (maison rose), avec l’aide de l’organisme financier siégeant à Washington.

      En doublant le poids de la dette publique extérieure (69 % du PIB) et en signant, fin 2018, le prêt le plus important jamais accordé par le FMI à un pays (56 milliards de dollars), le gouvernement Macri s’est plié aux recettes du FMI et a plongé l’économie dans une spirale récessionniste. En effet, la stratégie de « l’austérité expansionniste » promue par le programme de réajustement du FMI n’a en rien fonctionné.

      Ce que prédisaient déjà à l’époque nombre de détracteurs de l’accord. « Si le gouvernement s’en tient aux objectifs de ce programme, des millions d’Argentins connaîtront des souffrances et des difficultés accrues à mesure que le chômage et la pauvreté augmenteront avec la récession », prévenaient, fin 2018, les économistes Mark Weisbrot et Lara Merling.

      Ainsi, avec son couteau placé sous la gorge de la banque centrale argentine, le FMI n’a fait qu’accentuer ses difficultés macroéconomiques. Fuite de capitaux, dépréciation du peso, hausse du poids des devises étrangères dans la dette, croissance du déficit de la balance courante…

      L’« assainissement budgétaire » et le resserrement monétaire, appliqué à la lettre par le gouvernement de droite, ont piégé le pays dans le bourbier d’une dette ingérable, alimentée par une spirale inflationniste et dépréciative au coût humain catastrophique.

      Au terme du mandat de Macri, la pauvreté a augmenté de 50 % et l’inflation atteint les 54 %. Seuls vrais gagnants de ce désastre économique : les fonds vautours états-uniens, véritables charognards des marchés financiers, n’hésitant pas à traîner le pays devant les tribunaux américains pour empocher des milliards de dollars, après avoir racheté pour une bouchée de pain des parts de la dette extérieure de Buenos Aires.

      2eme raison : une gauche pas à la hauteur

      Fin 2019, la gauche péroniste reprend les rênes du pays. Mais, dans ces conditions, il est bien difficile pour le président Alberto Fernandez (centre gauche) de redresser la barre. Avec son ministre de l’Économie, Sergio Massa, il hérite d’une situation exécrable et la renégociation d’une partie du prêt du FMI, ramené à « seulement » 44 milliards, n’y changera rien, bien au contraire.

      Contrairement à Néstor Kirchner (2003-2007) et à Cristina Fernandez de Kirchner (2007-1015), qui avaient réussi à relever le pays après la terrible crise de 1998-2002 qui avait poussé 65 % des Argentins en dessous du seuil de pauvreté, lui est pieds et poings liés par un FMI qui se retrouve en position de force, accentuée par un défaut de paiement dès mai 2020.

      Le Fonds continue ainsi d’imposer des coupes à la hache dans les dépenses publiques et sociales. Le contexte mondial ne joue pas en la faveur de l’Argentine, avec d’abord les conséquences économiques de la pandémie de Covid, puis une sécheresse exceptionnelle qui a diminué de 20 % les recettes du secteur des exportations agro-industrielles, pilier de l’économie nationale.

      4,9 milliards d’euros d’« aide » ont été de nouveau débloqués, en avril dernier. En échange de ces crédits, le FMI impose baisse du déficit budgétaire et politique de contrôle des dépenses, avec, par exemple, une suspension des subventions sur l’énergie. « Ce sont des usuriers, ils nous asphyxient avec les intérêts de l’argent qu’ils nous ont prêté », dénoncera plus tard le président Fernandez, conspuant des positions aussi inflexibles qu’« idéologiques ». Le pays est alors traversé par des mouvements sociaux contre l’austérité et l’inflation qui conspuent autant le FMI et sa dette « illégitime » que le gouvernement qui met en place ses exigences.

      Finalement, avec des taux d’inflation frôlant tous les records, les classes populaires subissent une précarisation accélérée et le bilan des années Fernandez est – forcément – mauvais. C’est dans ce contexte que surgit Javier Milei. Quoi de plus simple pour lui que de s’en prendre à l’« establishment », de surfer sur le mécontentement populaire et, au final, de remporter la mise, avec le soutien de la droite qui lui aura préparé le terrain.

      3eme raison : le soutien de la droite traditionnelle entre les 2 tours

      Avec des mesures d’austérité que la gauche n’a pas été en mesure de résilier, la droite a en effet ouvert la porte à l’arrivée de l’extrême droite, ce qui s’est d’ailleurs confirmé après le premier tour. En effet, entre le maintien au pouvoir du centre gauche et l’arrivée d’un néofasciste, celle-ci n’a pas longtemps hésité à se prononcer en faveur de Milei.

      Après sa qualification pour le second tour, celui-ci a en effet reçu le soutien de Patricia Bullrich (22 % au premier tour), candidate malheureuse de la droite traditionnelle, ainsi que de l’ancien président Mauricio Macri en personne.

      4eme raison, en finir avec le Péronisme

      Particularité de ce tribun facho : Il avait en face de lui les héritiers du péronisme, (donc de la dictature, des escadrons de la mort, etc.) . Il ne pouvait donc pas se réclamer du soutien de l’armée comme Bolonaro. Voilà pourquoi son camp a communiqué sur son pseudo « anarchisme de droite » (avec plein de guillemets, hein ? parce que l’anarchie, ça ne peut pas être de droite). Parce qu’il a connoté dans sa campagne, le dépassement de toute forme d’autoritarisme (c’est un comble, mais ça a fonctionné).

      C’est bien résumé ici :
      https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/peron-peronismo-argentine-election-politique-javier-milei

  • La trêve hivernale débute après un record d’expulsions en 2022
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/01/la-treve-hivernale-debute-apres-un-record-d-expulsions-en-2022_6197625_43557

    A compter du 1ᵉʳ novembre et pendant les cinq mois les plus froids de l’année, les locataires ne peuvent plus être expulsés de leur #logement.

    Près de 38 000 personnes, soit 17 500 ménages, ont été expulsées par les forces de l’ordre en 2022, selon la Fondation Abbé Pierre. Et « deux à trois fois plus de ménages partent avant que la #police n’arrive », complète Christophe Robert, le délégué général de l’organisation. Selon lui, si les #expulsions sont en théorie impossibles, la pression des #propriétaires amène parfois certains locataires à plier bagage pendant la trêve hivernale.

    Pendant les années Covid-19, en 2020 et en 2021, les expulsions ont fortement chuté, avant de reprendre fortement en 2022.

    ça va pas s’arranger avec la #loi Kasbarian_Bergé qui entre autre joyeuseté prévoit la résiliation automatique du bail lors d’impayés de loyers

    Le Conseil constitutionnel a validé, mercredi 26 juillet, la loi Kasbarian-Bergé qui criminalise les locataires et accroît les sanctions contre ceux qui cherchent refuge. Et ce alors que le gouvernement réduit le budget de l’hébergement d’urgence.
    https://www.humanite.fr/societe/mal-loges/loi-anti-squat-le-conseil-constitutionnel-valide-lexpulsion-des-pauvres-804

    Est ainsi prévu, l’ajout systématique, dans le contrat entre propriétaire et locataire, d’une clause permettant la #résiliation_automatique_du_bail, sans passage par le juge, dès les premiers impayés. La disposition la plus contestée, qui prévoyait la prison pour les locataires qui se maintiendraient dans leur logement après un jugement, a été supprimée durant les allers-retours du texte au Parlement.

    En revanche, ces locataires en difficulté sont désormais passibles d’une #amende de 7 500 euros. « Une offensive contre les locataires et contre les plus démunis », avait dénoncé durant les débats la sénatrice (CRCE) et ex-ministre du Logement Marie-Noëlle Lienemann.

    Expressément visés par la loi, les squatteurs voient les peines encourues augmenter : de un à trois ans d’emprisonnement et de 15 000 à 45 000 euros d’amende. La possibilité d’une #expulsion_immédiate, jusque-là réservée aux seuls locaux d’habitation, résidences principales et secondaires, est étendue par la loi portée par le député Renaissance de Haute-Loire, à l’ensemble des locaux commerciaux : bureaux vides, bâtiments industriels ou agricoles désaffectés.

    la résiliation automatique des baux devrait permettre de substantielles économies sur les fonds de solidarité logement (#FSL) qui ont pour fonction de payer les impayés de loyer (dès lors que la locataire a repris des paiements), avec y compris un #FSL urgence (deux mois de retard) qui est destiné à prévenir le surendettement locatif et les expulsions.

    #locataires #squatteurs #guerre_aux_pauvres #criminalisation #justice #propriété_privée

  • 5 graphiques pour prendre la mesure de l’évitement fiscal | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/5-graphiques-prendre-mesure-de-levitement-fiscal/00108479

    Le « Global Tax Evasion Report 2024 », publié ce 23 octobre, offre des statistiques détaillées sur la lutte contre les paradis fiscaux et l’évitement fiscal. Nous en avons sélectionné 5 graphiques pour mieux saisir le phénomène.

  • #Chartreuse : un #marquis privatise la #montagne, les randonneurs s’insurgent

    Des centaines de personnes ont manifesté dans le massif de la Chartreuse contre un marquis qui interdit de traverser ses terres. Elles réclament un véritable #droit_d’accès à la nature.

    « Entends nos voix, #marquis_de_Quinsonas… » Malgré la fraîcheur de cette matinée de dimanche, ils étaient plusieurs centaines, jeunes et vieux, à être venus pousser la chansonnette au #col_de_Marcieu (#Isère), aux pieds des falaises du massif de la Chartreuse. L’objet de leur chanson et de leur colère ? #Bruno_de_Quinsonas-Oudinot, marquis et propriétaire d’une zone de 750 hectares au cœur de la #Réserve_naturelle_des_Hauts_de_Chartreuse, et sa décision, il y a quelques semaines, d’en fermer l’accès aux randonneurs.

    C’est fort d’une loi du 2 février 2023, qui sanctionne le fait de pénétrer sans autorisation dans une « propriété privée rurale et forestière » [1] que le marquis a fait poser pendant l’été des panneaux « #Propriété_privée » aux abords de son terrain. Et si ces panneaux changent la donne, c’est parce qu’ils sont désormais suffisants pour verbaliser le randonneur qui voudrait entrer ici, chamboulant ainsi des siècles de culture de partage des montagnes.

    Immédiatement après la découverte de ces panneaux, une #pétition rédigée par le #collectif_Chartreuse a été publiée en ligne, réclamant « la liberté d’accès à tout-e-s à la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse » et récoltant plus de 35 000 signatures en quelques semaines (https://www.change.org/p/pour-la-libert%C3%A9-d-acc%C3%A8s-%C3%A0-tout-e-s-%C3%A0-la-r%C3%A9serve-nat). Ciblant le « cas » de la Chartreuse, elle s’oppose « plus globalement à l’accaparement du milieu naturel par quelques personnes pour des objectifs financiers, au détriment du reste de la population », souligne le collectif.

    Car c’est aussi ce qui cristallise la grogne des manifestants en Chartreuse. Tout en fermant l’#accès de son terrain aux #randonneurs et autres usagers de la montagne, le marquis de Quinsonas y autorise des parties de #chasse_privée au chamois, autorisées par le règlement de la #réserve_naturelle, que paient de fortunés clients étrangers.

    « C’est complètement hypocrite »

    « C’est complètement hypocrite », disent Stan et Chloé, deux grenoblois âgés d’une trentaine d’années, alors que le marquis avait justifié sa décision par la nécessité de protéger la faune et la flore de son terrain des dommages causés par le passage des randonneurs.

    « On n’a rien contre les chasseurs, et les #conflits_d’usage ont toujours existé. Mais on dénonce le fait qu’il y a deux poids, deux mesures », explique Adrien Vassard, président du comité Isère de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), venu « déguisé » en marquis pour mieux moquer le propriétaire des lieux.

    Beaucoup de manifestants craignent que l’initiative du marquis ne fasse des émules parmi les propriétaires privés d’espaces naturels, alors que 75 % de la forêt française est privée. « On n’est pas là pour remettre en cause la propriété privée, mais un propriétaire ne peut s’octroyer le droit d’accès à toute une montagne, il faut laisser un #droit_de_circulation », martèle Denis Simonin, habitant du massif et bénévole du collectif Chartreuse.

    Propriété privée contre liberté d’accéder à la nature, faudra-t-il choisir ? Les députés Les Écologistes de l’Isère Jérémie Iordanoff et de la Vienne Lisa Belluco ont en tout cas annoncé leur volonté de déposer un projet de loi pour abroger la contravention instaurée par la loi de février 2023, pour ensuite engager « un travail commun vers un vrai droit d’accès à la nature ». Rejoignant les revendications des manifestants, toujours en chanson : « Sache que les gueux ne s’arrêt’ront pas là, notre droit d’accès, oui on l’obtiendra ! »

    https://reporterre.net/Chartreuse-un-marquis-privatise-la-montagne-les-randonneurs-protestent
    #privatisation #résistance

    • Dans le massif de la Chartreuse, #mobilisation contre la « privatisation » de la montagne

      Fort d’une nouvelle législation, le propriétaire d’une zone de 750 hectares dans une réserve naturelle de la Chartreuse a décidé d’en restreindre l’accès aux randonneurs. Partisans d’un libre accès à la nature et défenseurs de la propriété privée s’affrontent.

      « Chemin privé – Passage interdit. » Tous les 500 mètres, le rouge vif des petits panneaux tranche sur le vert des arbres ou le gris de la roche. Les indications parsèment le chemin qui mène jusqu’à la tour Percée, une immense arche rocheuse émergeant à environ 1 800 mètres d’altitude, au cœur de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, à quelques kilomètres de Grenoble (Isère). Ces panneaux, tout récemment posés, cristallisent depuis quelques semaines un conflit entre les différents usagers de la montagne… et ses propriétaires.

      (#paywall)
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/15/dans-le-massif-de-la-chartreuse-mobilisation-contre-la-privatisation-de-la-m

    • .... « Chemin privé – Passage interdit. » Tous les 500 mètres, le rouge vif des petits panneaux tranche sur le vert des arbres ou le gris de la roche. Les indications parsèment le chemin qui mène jusqu’à la tour Percée, une immense arche rocheuse émergeant à environ 1 800 mètres d’altitude, au cœur de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, à quelques kilomètres de Grenoble (Isère).
      ... Théoriquement, un randonneur qui se rendrait à la tour Percée pourrait donc désormais recevoir une amende allant jusqu’à 750 euros.
      ... le conflit en Chartreuse est devenu « le cas d’école d’une situation qui va se développer sur tout le territoire ». « L’intention affichée du texte, de limiter l’engrillagement pour permettre la circulation de la faune sauvage, était bonne », souligne Jérémie Iordanoff. Mais, quand 75 % de la forêt est privée, ce n’est pas acceptable de dire aux gens qu’ils ne peuvent se promener que sur 25 % du territoire. »
      ... Dans les faits, l’application de la loi du 2 février et de la contravention qu’elle instaure s’avère complexe. Selon les textes, seuls les gendarmes et les gardes privés, agréés par la préfecture puis assermentés par le tribunal judiciaire, peuvent verbaliser les randonneurs au titre de la violation de la propriété privée rurale et forestière. Un sujet qui a pu faire naître des tensions autour de la tour Percée, des chasseurs ayant reçu la mission – informelle – de surveiller la propriété. Selon les informations du Monde, à l’heure actuelle, aucun garde privé n’a été dûment habilité pour contrôler le terrain du marquis.

      La tour Percée est une double arche de 30 mètres de haut, située sur la parcelle du marquis de Quinsonas-Oudinot, à 1 800 mètres d’altitude. Le 8 octobre 2023. SOPHIE RODRIGUEZ POUR « LE MONDE »

      avec une série de photos

      https://archive.ph/yCAI1

      #forêts #propriété_foncière

  • « C’est pourri, mais je n’ai pas le choix » : à Grigny, le paradis des marchands de sommeil, l’enfer pour les locataires
    https://basta.media/C-est-pourri-mais-je-n-ai-pas-le-choix-a-Grigny-le-paradis-des-marchands-de

    L’un des plus gros marchands de sommeil de Grigny est jugé en appel. Le procès emblématique d’un propriétaire sans scrupule et de l’exploitation de la misère humaine. Celle-ci prospère grâce à un marché de l’immobilier de plus en plus inaccessible.
    [...]
    Chaque mois, Dominique F. faisait le tour de ses quatre F5 pour récupérer ses loyers en petites coupures, qu’il rangeait dans son sac banane. 2000 euros par mois et par appartement. Avec ses quarante « appartements », l’homme gagnait en moyenne 600 000 euros par an, en plus de son salaire d’ingénieur et de celui de sa femme.

    #marchand_de_sommeil #locataires #logement #propriétaire #propriété_privée

    • Encore un coup de la macronie

      « Grigny 2 est minée par un sport national, celui de la division des logements loués ensuite à la découpe. La suroccupation qui en découle est souvent attentatoire à la dignité humaine et engendre de nombreux risques sanitaires », alerte le maire de Grigny, Philippe Rio. Depuis 2018, avec la loi Elan, le gouvernement a simplifié les divisions d’appartement , en les considérant comme légales dès lors qu’elles se font sous le couvert de la colocation à baux multiples. Cette disposition juridique a du sens quand il s’agit d’étudiants qui décident de vivre ensemble. Un peu moins quand il s’agit d’une situation imposée par un bailleur à des personnes qui ne se connaissent pas.

      Dans les petites chambres de 9m2, faute de cuisine privative, les occupants n’ont d’autres solutions que de brancher de nombreux appareils électroménagers sur des multiprises, créant des surtensions électriques pouvant mener au drame. En 2019, un incendie s’est déclaré au 4 rue Vlaminck, au beau milieu des 5000 logements de Grigny 2, dans un appartement divisé illégalement et occupé par 11 personnes, toutes demandeuses d’asile en grande précarité.

      Le feu, très probablement causé par une surcharge électrique, a ravagé trois appartements. En 2017, un autre incendie s’était déclaré à la même adresse, conduisant au difficile relogement de 252 habitants. Aujourd’hui encore, de larges traces noires balafrent la façade.

  • #Propriété_collective des #terres : « Des espaces de résistance face à l’agriculture industrielle et capitaliste »

    basta ! : Dans le secteur agricole, on compte seulement une installation pour deux à trois cessations d’activité, alors qu’un agriculteur sur quatre doit partir à la retraite d’ici 2030. L’accès à la terre est-il le frein principal à l’activité agricole en France ?

    Tanguy Martin : L’accès à la terre est clairement un frein, économique d’abord. La terre, selon les régions, peut coûter assez cher. S’y ajoutent les coûts des bâtiments, du cheptel, des machines, dans un contexte où les fermes n’ont cessé de grandir en taille depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    Il y a aussi un principe de défiance : c’est plus facile de vendre ses terres, ou de les louer à son voisin qu’on connaît depuis très longtemps, qu’à quelqu’un qu’on ne connaît pas, qui peut vouloir faire différemment, non issu du territoire... Or, 60 % des gens qui veulent s’installer aujourd’hui ne sont pas issus du milieu agricole. Les freins administratifs se combinent à ce parcours du combattant.

    Aujourd’hui l’accès à la terre se fait par le marché : les terres sont allouées aux gens capables de rentabiliser une ressource, et pas forcément aux gens capables de nourrir un territoire ou de préserver un environnement.

    À partir de quel moment la terre agricole est-elle devenue une marchandise ?

    Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la terre est restée un bien de prestige et de pouvoir à travers lequel on maîtrise la subsistance de la population. Mais après 1945, l’agriculture est entrée dans le capitalisme : on commence à faire plus de profit avec la terre et la production de nourriture, voire à spéculer sur le prix de la terre.

    La terre est même depuis devenue un actif financier. Aujourd’hui, les sociétés dites à capitaux ouverts (financiarisées), dont le contrôle peut être pris par des non-agriculteurs, ont fait main basse sur 14 % de la surface agricole utile française. C’est plus d’une ferme sur dix en France [1]. Le phénomène a doublé en 20 ans !

    Peut-on vraiment parler de spéculation sur les terres en France alors même que le prix stagne en moyenne à 6000 euros par hectare depuis plusieurs années ? Il est quand même de 90 000 euros par hectare aux Pays-Bas !

    Depuis quelques années, le prix de la terre stagne et on pourrait en conclure qu’il n’y a pas de spéculation. En réalité, le prix de la terre a globalement augmenté en France sur les 20 dernières années.

    Actuellement, ce prix augmente dans certaines régions et baisse dans d’autres. Les endroits où l’on peut spéculer sur la terre sont globalement ceux où l’agriculture s’est industrialisée : les zones céréalières dans le centre de la France, de betteraves en Picardie, de maïs dans le Sud-Ouest... Là, le prix de la terre continue à augmenter.

    En revanche, il y a des endroits en déprise, notamment les zones d’élevage comme le Limousin, où le prix de la terre peut baisser. Les prix augmentent aussi à proximité des villes et des zones touristiques, où la terre risque de devenir constructible.

    En France, ce sont les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) qui sont en charge de réguler le marché des ventes des terres agricoles. Elles sont très critiquées. Que faut-il faire de ces organisations ?

    Les Safer ont participé à limiter les inégalités d’accès à la terre et un prix de la terre relativement bas en France. C’est vrai, même s’il y a d’autres explications aussi, comme la plus faible valeur ajoutée produite par hectare en France.

    Pour autant, les Safer doivent encore évoluer pour pouvoir répondre aux enjeux alimentaires et agricoles du 21e siècle, il faut arriver à démocratiser leur gouvernance. Celles-ci restent aujourd’hui très liées aux décisions du syndicalisme majoritaire (de la FNSEA, ndlr). Les Safer doivent aussi devenir plus transparentes. Actuellement, les réunions de décision se tiennent à huis clos : c’est censé protéger les gens qui prennent les décisions pour qu’ils soient éloignés de certaines pressions, mais cela crée une opacité très délétère pour l’institution.

    Un autre élément à revoir, c’est la façon dont on fixe les objectifs politiques des Safer. Ces dernières, quand elles achètent une terre, doivent la revendre à la personne qui répond aux objectifs politiques qui sont notamment fixés dans des documents nommés « schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles ».

    Ces documents, écrits par l’État et validés par arrêté préfectoral, décrivent quel type d’agriculture vont viser les Safer et d’autres instances de régulation foncière. Or, ces documents, du fait que le syndicat majoritaire est largement consulté, défendent plutôt la prolongation de l’agriculture vers son industrialisation. Il y a donc un enjeu à ce que ces documents soient écrits pour défendre une agriculture du 21e siècle qui défend l’agroécologie, et des paysannes et paysans nombreux sur les territoires. À ces conditions-là, il n’y a pas de raison de vouloir se passer des Safer.

    Le fait que nous ayons un système qui alloue la terre, non pas en fonction de l’offre et de la demande, mais en vertu d’un projet politique censé répondre à l’intérêt général, est un trésor inestimable en France qu’il faut absolument garder.

    En creux de votre ouvrage se pose la question du rapport à la propriété. Est-il possible de dépasser le modèle du paysan propriétaire ?

    Sur le principe, rien ne justifie le fait qu’à un moment, une personne ait pu dire « cette terre m’appartient ». La terre étant à la fois un lieu d’accueil du vivant et le lieu où l’on produit la nourriture, on peut estimer que la propriété de la terre doit être abolie. Sauf que, dans une société très attachée à la propriété privée, cela paraît utopique.

    Prenons donc le problème d’une autre façon, et voyons ce qu’on peut déjà faire à court terme. Il faut avoir en tête que les agriculteurs ne sont pas majoritairement propriétaires des terres qu’ils travaillent : 60 % de cette surface est louée dans le cadre du fermage. Il y a même des paysan·nes qui décident parfois de ne pas acheter la terre et préfèrent la louer pour éviter de s’endetter.

    D’autre part, on dispose d’une régulation foncière selon laquelle la terre n’est pas une marchandise comme les autres et ne doit pas être uniquement dirigée par le marché. Ces mécanismes juridiques permettent à l’État, aux collectivités locales et aux syndicats agricoles, de définir ensemble qui va accéder à la terre indépendamment du fait que ces personnes soient riches ou pas.

    On a là un embryon qui pourrait faire imaginer un droit de l’accès à la terre en France institué en commun. Il faut renforcer et orienter ces mécanismes – qui ont plein d’écueils ! – vers des enjeux d’alimentation, d’emploi, d’environnement... Chercher à démocratiser la question de l’accès à la terre et « le gouvernement des terres », c’est à la fois une capacité à se prémunir des effets mortifères du capitalisme, et cela permet de penser comment on pourrait gérer les terres autrement.

    Le capitalisme n’est pas une fatalité : il y a d’autres manières d’être au monde, de produire de l’alimentation, de vivre, de sortir d’un monde où le but n’est que la recherche du profit. C’est comme quand on milite pour la sécurité sociale de l’alimentation : la Sécurité sociale en 1946 n’a pas renversé le capitalisme, mais elle a créé des espaces de répits face au capitalisme, extrêmement importants pour que les gens vivent bien et envisagent de transformer la société.

    Le livre dresse un panorama des organisations qui travaillent au rachat des terres pour les mettre à disposition de paysan·nes répondant à des critères socio-environnementaux, avec des règles transparentes d’attribution de l’accès au foncier. Les surfaces acquises restent toutefois modestes. Peut-on uniquement compter sur ce type d’initiatives ?

    Les gens qui s’intéressent à la terre aujourd’hui ont bien compris qu’on n’allait pas abolir la propriété privée demain. Ils ont aussi compris que s’ils voulaient expérimenter d’autres manières de faire de l’agriculture et de l’alimentation, il fallait accéder à la propriété des terres.

    L’idée de la propriété collective, ce n’est pas l’abolition de la propriété privée, mais que des gens se mettent ensemble pour acheter de la terre. C’est ce que fait Terre de Liens en louant ensuite la terre à des paysan·nes qui mettent en œuvre des projets répondant aux enjeux de société, d’emploi, d’environnement, d’entretien du territoire... Mais c’est aussi ce que font d’autres structures de propriété foncière – la Société civile des terres du Larzac, la Terre en commun sur la Zad de Notre-Dame des Landes, Lurzaindia dans le Pays basque, la foncière Antidote, et bien d’autres.

    Tout un tas de gens essaient d’acheter des terres pour en faire des espaces de résistance face à l’agriculture industrielle et capitaliste. Cela permet d’imaginer d’autres rapports à la propriété. Ce sont des lieux d’expérimentation très importants pour susciter de nouveaux imaginaires, apprendre à faire autrement, créer de nouvelles manières d’être au monde.

    Le problème de ces lieux-là, c’est qu’ils ne peuvent pas permettre un changement d’échelle. Cela ne peut pas être la solution de sortie des terres du capitalisme. Comme elles n’abolissent pas la propriété, s’il fallait racheter toutes les terres, cela coûterait des centaines de milliards d’euros.

    Par ailleurs, ces terres ne sont pas à vendre à court terme – une terre se vend en moyenne tous les 75 ans. D’où la nécessité de faire à la fois des expérimentations de propriété collective, tout en ravivant la question de la régulation foncière pour sortir l’agriculture du capitalisme.

    En quoi la lutte de Notre-Dame des Landes, victorieuse en 2018, a reconfiguré les luttes, notamment anticapitalistes, autour des terres ?

    La question agricole et foncière, en France et même en Europe, était très peu investie par les milieux anticapitalistes. L’activisme des gens qui vont s’installer dans la Zad, les coopérations menées avec des syndicats agricoles comme la Confédération paysanne, ont – non sans débats houleux et conflits internes – mené à une lutte assez exemplaire sur un territoire.

    La répression peut être énorme, mais la capacité de résistance aussi. Cette lutte a produit des façons de faire sur le territoire – en termes d’habitat, d’agriculture collective, de vivre ensemble – inspirantes pour toute une génération militant contre le néolibéralisme et le capitalisme. Beaucoup de milieux politiques aujourd’hui parlent de subsistance, d’alimentation, de terres.

    Notre-Dame des Landes marque aussi le fait qu’avec de moins en moins d’agriculteurs dans la société (2,5 % des gens sont des travailleurs de la terre dont 1,9 % sont des agriculteurs au sens légal), les enjeux agricoles ne peuvent être uniquement du ressort des luttes paysannes. La centralité de ces luttes doit être partagée avec d’autres types d’acteurs politiques, notamment des gens qui habitent le territoire sans être forcément paysans.

    La dynamique des Soulèvements de la Terre est-elle un prolongement de Notre-Dame des Landes ?

    En effet, il me semble que Notre-Dame-des-Landes est une inspiration forte de la pensée qui s’agrège autour des Soulèvements, mouvement riche de sa pluralité. Les Soulèvements montrent que les espoirs nés de l’expérimentation à Notre-Dame-des-Landes sont possibles partout et qu’il va falloir faire différemment dans tous les territoires – chaque endroit ayant ses spécificités.

    Les questions de rapport à la terre ont aussi émergé dans l’espace politique des années 1990, avec les luttes au Chiapas, au Mexique, qui continuent d’inspirer les milieux politiques en Europe et en France. Cette circulation des imaginaires de luttes permet de penser des mondes différemment. Les Soulèvements arrivent à fédérer de manière assez importante et repolitisent très clairement ces questions de la terre. Ils portent ces questions sur tous les territoires qui ont envie de s’en emparer en disant : « C’est possible aussi chez vous ».

    Peut-on sortir l’agriculture du capitalisme ? Pour Tanguy Martin, auteur de Cultiver les communs, il faut combiner les expérimentations de propriété collective tout en s’attachant à la régulation foncière.

    https://basta.media/Propriete-collective-des-terres-des-espaces-de-resistance-face-a-l-agricult
    #agriculture #résistance #capitalisme #accès_à_la_terre #terre #financiarisation #spéculation #Sociétés_d’aménagement_foncier_et-d’établissement_rural (#Safer)

  • Un ex-lobbyiste d’Airbnb recruté à l’Assemblée nationale | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/210923/un-ex-lobbyiste-d-airbnb-recrute-l-assemblee-nationale

    À la veille du projet de loi de finances, pour lequel la question des niches fiscales accordées aux plateformes va être débattue, le député de la majorité François Jolivet, rapporteur chargé des crédits « logement », a embauché l’ex-responsable des affaires publiques d’Airbnb.

    https://contre-attaque.net/2023/09/26/la-republique-des-lobbys-de-airbnb-au-conseil-dun-depute-charge-du-l

    David Miodownick est à l’image du macronisme : jeune cadre dynamique mêlant allègrement public et privé. Sorti de Science Po, il est vite propulsé comme attaché parlementaire au sein du clan Macron. Il va par exemple conseiller Élisabeth Borne alors ministre du travail.
    Puis David Miodownick s’envole vers le privé. Fort de ses contacts au sommet de l’État, il est embauché comme « responsable des affaires publiques d’Airbnb ». En septembre 2023, le député de la majorité François Jolivet, qui est accessoirement « rapporteur chargé des crédits logement » dans la commission des finances, le recrute comme conseiller. Le #lobbyisme en ligne directe. De la multinationale #Airbnb au Parlement, auprès d’un député qui s’occupe de #logement. Et justement, c’est très prochainement qu’un projet de loi de finances doit évoquer la #niche_fiscale Airbnb, sera au centre des débats. Heureuse coïncidence…

    « Pillage du bien public », par Ibrahim Warde (accès libre ⁕ en kiosques, septembre 2023) // https://www.monde-diplomatique.fr/66073
    #macronie #McKinsey

  • Promenons-nous dans les bois, quand le chasseur n’y est pas : épisode • 1/4 du podcast Tableaux de chasse
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/promenons-nous-dans-les-bois-quand-le-chasseur-n-y-est-pas-9171000

    Au cœur du massif forestier de Paimpont, depuis le XVe siècle, les droits et les devoirs respectifs des seigneurs et des usagers de la forêt ont bougé et bougent encore jusqu’à bousculer sévèrement, aujourd’hui, les usagers, les propriétaires forestiers, les touristes, les chasseurs et les animaux

    la #forêt, les #arbres, les #chasseurs, la #propriété_privée, les #touristes, les #habitants, la #sylviculture, les #animaux.

    Mais j’y vois quand même beaucoup un problème de propriété privée, et ce n’est pas sans me rappeler ma région, que je croyais en pointe en matière de #privatisation de la #nature, mais là j’avoue qu’ils sont pas mal dans le genre.

    (et merde, on rentre dans la saison de merde pour la rando ici, en gros il me reste deux massifs où la chasse est sévèrement contingentée, partout ailleurs c’est open bar, faut que je me grouille d’aller ramasser la sarriette si je veux pas qu’elle soit coupée au plomb).

  • Le gouvernement a-t-il autorisé la location de logements ayant une hauteur sous plafond de 1,80 m ?
    https://www.liberation.fr/checknews/le-gouvernement-a-t-il-autorise-la-location-de-logements-ayant-une-hauteu
    Une ébauche de décret permettant de louer des logements de 1,80 m de hauteur, contre 2,20 m actuellement, avait fait polémique en février. La formulation a évolué dans le texte publié fin juillet. Mais pour les spécialistes du mal-logement, le problème reste le même.

    « Le texte rappelle que la règle, la normalité, est une hauteur sous plafond de 2,20 m. Et que l’exception peut descendre en dessous. Cela n’est donc pas vraiment un rétropédalage par rapport à février. » D’autant, donc, que le décret revient à considérer comme salubres certains logements n’ayant qu’1,80 m sous plafond, même si cette hauteur n’est plus mentionnée.

    Sur le fond, Manuel Domergue dénonce « un alignement des règles par le bas. Au-delà de la question technique, on accepte un abaissement des normes alors qu’on est plutôt dans un moment où il faudrait mettre en avant des logements plus grands, mieux isolés ».

    Un point de vue partagé mot pour mot auprès de CheckNews par une source proche du dossier, en désaccord avec la formulation finale et l’orientation politique qu’elle implique. D’après nos informations, la rédaction de ce décret n’est ainsi pas le fruit d’une erreur ou d’une négligence, mais l’aboutissement de débats vifs et complexes entre administrations qui auront duré plus d’un an. Avec en toile de fond le combat entre des enjeux de santé publique et de foncier, dans un contexte de pénurie de logements. Auprès de CheckNews, les observateurs estiment que la santé publique a perdu la bataille.

    Donc c’est pire, il n’y a pas d’abaissement de la limite à 1,8m il n’y a plus de limite du tout. A votre avis dans combien de temps les premiers appartement cercueils serons en locations ?

    #logement #insalubrité

  • Soulèvements de la terre : « Le Dieu chrétien est le profanateur suprême de la propriété privée »
    https://www.la-croix.com/Debats/Soulevements-terre-Le-Dieu-chretien-profanateur-supreme-propriete-privee-2


    «  Une rapide enquête historique et sociologique suffirait pourtant à montrer que cette propriété est bien plus souvent le fruit d’une appropriation et d’une transmission par héritage.  »
    XAVIER BENOIT/LA NOUVELLE REPUBLIQUE/MAXPPP

    Alors que la dissolution des Soulèvements de la terre a été suspendue et que les soutiens au mouvement s’élancent le vendredi 18 août dans un « convoi de l’eau » vers Paris, Benoît Sibille propose une réflexion sur la remise en cause de la propriété privée et l’usage occasionnel du sabotage par les mouvements écologistes, dans une perspective théologique.

    Le retour des pratiques de sabotage dans les luttes écologistes choque et clive. Certains militants écologistes s’interrogent : suis-je solidaire de ces pratiques ? Ne va-t-on pas trop loin ? Nous ne présenterons pas ici un jugement arrêté sur l’opportunité stratégique, symbolique et politique de tel ou tel sabotage. Nous voudrions seulement nous demander pourquoi ces pratiques nous gênent tant. Il nous semble que cela est en grande partie dû au fait que le sabotage suppose une « violation de la propriété privée » et que, même inconsciemment, cette « propriété privée » est la divinité suprême de notre époque. Au fond, le sabotage choque car il relève de la logique de la profanation et du sacrilège. L’affaire nous semble donc hautement théologique.

    La propriété privée est réputée intouchable, elle est ce dont on ne peut user sans un titre spécifique (le titre de propriété). Elle divise ainsi, comme le font souvent les religions, le corps social en deux : les prêtres (propriétaires) et les fidèles (non-propriétaires) qui leur sont soumis. Les premiers sont, bien sûrs, bien moins nombreux et constituent l’élite sacerdotale. On pourra bien sûr tenter de rationaliser ce culte en disant que ce n’est que justice, que cette propriété est le fruit d’un travail, qu’en cela elle est un droit naturel et est légitimement méritée par ses propriétaires.

    Une rapide enquête historique et sociologique suffirait pourtant à montrer que cette propriété est bien plus souvent le fruit d’une appropriation et d’une transmission par héritage. Le culte de la propriété nous semble donc mériter une enquête théologique : croire qu’il s’agit d’une simple appropriation, c’est-à-dire d’un simple changement de propriétaire, c’est en effet croire que le « Dieu Propriété » est éternel et que toute terre est toujours nécessairement possédée par quelqu’un.

    Si tel était véritablement le cas, on pourrait tout au mieux critiquer tel ou tel propriétaire individuel pour sa mauvaise gestion, mais en aucun cas la propriété elle-même. À cette théologie de la Propriété Éternelle nous voudrions en opposer une autre, biblique, elle. Plutôt que d’entrer dans une régression à l’infini pour fonder l’éternité du Règne de la Propriété, la Bible nous renvoie à l’acte créateur : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). Dire que Dieu crée le monde, c’est couper court à l’idée selon laquelle la terre a toujours eu des propriétaires, c’est interrompre la régression à l’infini par laquelle chacun revendique pour sa famille tel ou tel bout de terre.

    Le monde comme un jardin
    Le récit de la genèse présente le monde comme un jardin dont Dieu nous offre les fruits à consommer (Gn 1, 28-31 et Gn 2, 15) et, après la chute, comme une terre à travailler (Gn 3, 19). Toute l’histoire biblique est ensuite celle de la promesse d’une terre (depuis Gn 12, 1 jusqu’à Ap 21, 1) qui pourtant n’est jamais possédée définitivement. Dans cette promesse infinie, les femmes et les hommes se découvrent « pèlerins et étrangers sur la terre » (Gn 23, 4 ; Ps 39, 13 ; Hb 11, 13 ; 1 P 2, 11).

    Méditant cette condition biblique du peuple d’Israël, Franz Rosenzweig, philosophe juif du début du XXe siècle, notait : « Il (le peuple d’Israël) ne lui est pas donné de s’endormir dans son chez-soi ; il reste sans attaches, comme un voyageur (…). La Sainteté de la terre retire la terre de sa mainmise » (Étoile de la rédemption). La parole divine, en effet, est sans appel : « C’est à moi qu’est le pays. »

    Dieu profanateur
    Notre Dieu est ainsi, par le geste de la création, le profanateur suprême de la Propriété Privée. Chaque fois que nous invoquons la divine Propriété pour exiger la possession complète d’une parcelle de terre, sa parole rappelle : « La terre, c’est moi qui l’ai faite » (cf. Is 45, 13). Aussi, nous n’avons tout au plus qu’un droit d’usage sur celle-ci, et encore nous n’en avons l’usage légitimement que si nous l’usons en vue de tous.

    La tradition catholique a toujours été claire sur cela. La propriété privée ne peut être envisagée comme potentiellement acceptable que dans sa subordination à « la destination universelle des biens » (cf. Gaudium et spes 69). Qu’est-ce à dire ? Que reste-t-il de la « propriété privée » si elle est à la destination de tous ?

    Cela signifie, simplement et radicalement, que le droit de propriété doit être subverti de l’intérieur. Le titre de propriété désigne théologiquement un titre d’usage en vue de la mise à disposition de tous : si tu as du pain, c’est pour le partager ; si tu as la terre, c’est pour que personne ne soit sans terre. Selon la formule de l’apôtre Paul, il s’agit d’user du monde comme n’en usant pas (1 Co 7, 31), c’est-à-dire, ici, de s’approprier la terre de manière à la rendre inappropriable et donc commune.

    « Reprises de terres »
    La chose est très concrète, les stratégies de « reprises de terre » (occupations de terre par les paysans sans terre, au Brésil, sur le plateau du Larzac ou à Notre-Dame-des-Landes ; achats collectifs de terre par le biais de GFA citoyens ; mise en commun de terre, etc.) qui fleurissent aujourd’hui dans la militance écologiste réalisent très concrètement des formes de propriété rendant la terre inappropriable.

    Lorsque des citoyens achètent ensemble des terres pour les libérer des risques de l’artificialisation, pour les soustraire à la spéculation foncière et pour les mettre à disposition de paysannes et de paysans, ils font de la terre un bien commun sur lequel personne ne peut revendiquer de droit absolu. Ces initiatives sont profondément théologiques, théologales même. Révélant la terre comme inappropriable, ces reprises de terre sont l’occasion d’être repris par la terre et de laisser la terre être reprise par Dieu pour s’y découvrir pèlerin et usager de passage.

    Subvertir la propriété
    Si cette « destination universelle des biens » doit nous enjoindre de subvertir la propriété, elle est aussi ce qui doit conduire à mettre en cause toute appropriation de la terre sous le signe de la Divine Propriété Privée. Si la seule propriété légitime est celle qui se défait elle-même comme propriété privée, alors la propriété privée captatrice, accumulatrice – bref, capitaliste – est, elle, intrinsèquement illégitime. La contester – par voie légale, par occupation illégale ou par sabotage – n’est qu’une manière de convoquer cette divinité Propriété devant la face du Dieu créateur et de soumettre l’appropriation de la terre à l’inappropriabilité de la création.

    Jacques Ellul avait probablement raison en voyant dans la « profanation » la forme par excellence de l’éthique chrétienne. Confesser le Dieu créateur et sauveur, c’est avoir pour tâche de profaner toutes les idoles de notre monde. Il se pourrait que Dieu attende de nous l’audace d’être les profanateurs de la « Propriété Privée », d’être la terre qui se soulève contre les entreprises d’appropriations.

    • Benoît Sibille soutiendra bientôt une thèse aux allures prometteuses
      https://cv.hal.science/benoit-sibille
      il a contribué à la "revue d’#écologie_intégrale" Limite
      https://revuelimite.fr/auteur/benoitsibille
      dont l’histoire parait... complexe (créée à l’extrême droite)
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Limite_(revue)#:~:text=Elle%20a%20été%20cofondée%20par,Dalmas%20et%20d.

      edit : le concept d’« écologie intégrale » apparaît en 1984 dans la publication royaliste, Je suis français. Jean-Charles Masson pose des « jalons pour un écologisme intégral », un terme inspiré du « nationalisme intégral » de l’écrivain Action française Charles Maurras.

      #propriété_privée #droit_d'usage #profanation #sabotage #théorie #théologie

    • apparemment, la revue Limite n’a pas survécu à ses (apparemment, vives…) contradictions internes et… aux difficultés de la presse papier

      Nos limites - Limite
      https://revuelimite.fr/nos-limites

      Après sept ans d’une aventure hors du commun, la revue Limite s’arrête. Il en a fallu, du cœur et du courage, à cette petite bande qui s’est reconnue dans une « génération Laudato Si » et s’est mise en tête d’en faire une revue. Si « l’esprit Limite » a germé partout en France, c’est aussi parce que de nombreux chrétiens y ont vu une nécessité. Entre nostalgie et fierté, voici le mot final de son directeur Paul Piccarreta. Édito frissons.

      Un mois après cette annonce, le tout dernier billet mis en ligne (nov. 2022) est signé de Benoît Sibille

      Des luttes écologiques au Royaume de Dieu - Limite
      https://revuelimite.fr/des-luttes-ecologiques-au-royaume-de-dieu

      De quelle mauvaise théologie sommes-nous les disciples, lorsque nous craignons de saisir la main tendue par les plantes et les bêtes, les fleuves et les forêts ? Il n’y a pas de panthéisme  lorsque nous faisons de « notre sœur mère la terre » une priorité à contempler et à protéger. Pour le philosophe chrétien Benoit Sibille, cette inquiétude qui étreint beaucoup de chrétiens n’est pas une inquiétude chrétienne.

    • son billet (07/2021) sur le covid-19

      Nous ne vivons pas une crise sanitaire - Limite
      https://revuelimite.fr/nous-ne-vivons-pas-une-crise-sanitaire

      Le Covid-19 n’est pas tombé du ciel. La possibilité de propagation d’agents infectieux libérés par la fonte du permafrost inquiète déjà. La situation n’a donc rien d’un mauvais moment à passer grâce à un « passe sanitaire » . La question n’est pas d’accepter ou non des mesures extraordinaires et ponctuelles ; il s’agit de décider de notre réaction face à l’effondrement des écosystèmes que nous provoquons.

      Alors que les citoyens refusant le « passe sanitaire » sont de plus en plus considérés comme responsables de la propagation de la pandémie de Covid-19, il importe de remonter correctement la chaîne des responsabilités. Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise à l’homme par des animaux non-humains du fait de la destruction de leur habitat naturel ou de leur exploitation. Que la pandémie vienne du pangolin ou de la chauve-souris change assez peu de chose, c’est de la prédation de l’humanité capitaliste sur les équilibres écosystémiques que vient la crise. La crise sanitaire ne vient pas de notre négligence dans l’usage du masque, du gel ou des vaccins, mais d’un mode de développement destructeur des écosystèmes. Pire, les industries dont nous attendons le salut (production de gel, de masques, de vaccins, etc.) participent elles-mêmes à la folie productiviste qui nous mène de manière de plus en plus inéluctable à l’effondrement. La pandémie de Covid-19 n’est donc pas une « crise sanitaire » pouvant se résoudre à l’échelle de la seule humanité ; c’est une « crise écologique » dont nous ne pourrons sortir qu’en acceptant de nous considérer nous-mêmes comme membres, parmi d’autres, d’écosystèmes.
      Le Covid-19 n’est pas tombé du ciel, les scientifiques alertaient depuis longtemps sur les risques liés aux zoonoses et l’on sait que d’autres suivront ; la possibilité de propagation d’agents infectieux libérés par la fonte du permafrost inquiète déjà. La situation n’a donc rien d’une crise que l’on pourrait traverser par des mesures strictement sanitaires. Il ne s’agit pas d’un mauvais moment à passer grâce à un « passe sanitaire », il s’agit d’une période dans laquelle nous entrons et il nous incombe de choisir comment nous y entrons. La question n’est pas d’accepter ou non des mesures extraordinaires et ponctuelles ; il s’agit de décider de notre réaction face à l’effondrement des écosystèmes que nous provoquons.
      Entrerons-nous dans cette période par la surveillance généralisée et l’accroissement du pouvoir technique ou y entrerons-nous par un changement radical de notre mode de développement ? Comment la surveillance de la population pourrait-elle être acceptable comme moyen d’espérer une sortie de crise alors que se maintient et se renforce, par et avec elle, le système économique qui produit ces pandémies ? Voulons-nous vivre ce temps de crise en réinventant des manières écosystémiquement soutenables de vivre ? Nous obstinerons-nous dans une forme de développement qui non seulement ne pourra durer qu’un temps, mais ne le pourra qu’au prix d’inégalités croissantes et d’une surveillance généralisée ?

    • [aspirine] peut-être s’agit-il de la revue Philosophique ?

      Philosophique

      La revue Philosophique a été fondée en 1986, à l’initiative de Louis Ucciani. Elle a été initialement éditée par le Centre de documentation et de bibliographie philosophique (CDBP), fondé en 1959 par Gaston Berger et Gilbert Varet. Elle paraît une fois par an, avec une double fonction : susciter la réflexion autour d’un des thèmes que le programme de l’agrégation met à l’ordre du jour. Faire apparaître les termes et les formes les plus récentes de la recherche philosophique.

      https://books.openedition.org/pufc/4137

      mais je ne trouve pas trace d’un n° sur L’Oeuvre
      https://www.lcdpu.fr/revues/?collection_id=536#:~:text=Revue%20%3A%20Philosophique%2C%20Presses%20universi.

    • tkt, je (me) faisais la remarque que la référence dans HAL était bizarre :

      Philosophique. Hors-série, 2022, L’Œuvre, Hors-Série

      L’Œuvre ne correspond à rien

      et oui, c’est bien de ce numéro HS de la revue que la lecture du sommaire me donne mal au crâne (pas le pataquès, ci-dessus)

      merci pour l’aspirine, mais je crains que ce soit insuffisant, l’abstention de toute lecture me semble, seule, pouvoir éviter le mal de tête :- )

  • La #propriété_foncière, une fiction occidentale

    Dans la région de la #Volta, la #propriété du #sol n’existe pas, la terre n’est pas l’objet de transactions marchandes mais de #partages. D’où vient alors que, dans nos sociétés, nous considérions comme parfaitement légitime ce droit à s’approprier une partie du territoire ?

    #Danouta_Liberski-Bagnoud propose ici un ouvrage d’anthropologie qui entend produire une réflexion générale sur ce que l’on a pris l’habitude d’appeler en sciences sociales, que ce soit en géographie, en anthropologie générale ou en sociologie, « l’#habiter », notion qui renvoie à la façon dont les sociétés se rapportent à l’espace et y composent un monde. Cette notion permet d’éviter toute forme de caractérisation trop précise du rapport des êtres humains à leur lieu de vie.

    On comprend assez vite que ce qui intéresse l’auteure est de mettre en question la centralité et l’universalité de l’#appropriation_privative et des fonctionnements de #marché qui se sont imposées au monde entier à partir des pays industrialisés façonnés par les pratiques commerçantes. Bien qu’elle s’appuie sur les données ethnologiques recueillies sur son terrain, la #région_de_la_Volta (fleuve qui traverse le Burkina-Faso, le Ghana, le Mali, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo), l’auteure propose une réflexion large sur la propriété foncière et, plus généralement, sur le rapport que les sociétés humaines entretiennent avec la terre.

    L’essentiel de sa thèse consiste à contester à la fois les institutions internationales dans leur effort pour imposer la #propriétarisation des #terres au nom d’une conception occidentalo-centrée du #développement, et ceux qui parmi les anthropologues ont pu chercher des formes de propriété dans des communautés humaines où ce concept n’a, en réalité, aucune signification. Elle nous invite ainsi, par la comparaison des pratiques, à une réflexion sur nos tendances ethnocentriques et à penser d’autres types de rapport avec la terre que le rapport propriétaire.

    L’ordre dévastateur du marché

    L’auteure montre que les perspectives de #développement_économique par la propriétarisation et la #marchandisation du #foncier telles qu’elles ont pu être portées par les institutions internationales comme la #Banque_mondiale, loin d’aboutir aux perspectives d’amélioration souhaitées, ont conduit plutôt à une forme de « #deshabitation du monde » :

    "Le forçage en terre africaine de la #propriété_privée (autrefois dans les pas de la colonisation, aujourd’hui dans ceux de l’#accaparement_des_terres, de l’#agro-business et de la #spéculation) emporte avec lui toute la violence du rapport déterritorialisé au sol qu’édicte le concept même de propriété privée." (p. 144)

    On peut faire remonter les racines de l’idéologie qui justifie ces politiques à la période moderne en Europe avec #John_Locke qui développa une nouvelle conception de la propriété, les physiocrates qui firent de la terre la source de la richesse et enfin avec le développement de l’#économie_capitaliste qui achève de constituer la terre en une « simple marchandise » (p. 49).

    Dans ce cadre, la thèse de l’anthropologue Alain Testart fait notamment l’objet d’une longue discussion. Celui-ci entendait montrer, contre la croyance défendue par Morgan, par exemple, dans l’existence d’un #communisme_originel, que la plupart des sociétés traditionnelles connaissaient des formes d’appropriation privative et d’aliénation des terres. L’auteure montre, au contraire, que le concept même de propriété est absent des terrains qui sont les siens et qu’interpréter l’habiter des populations de l’aire voltaïque sous le prisme de la propriété privée revient à trahir et à travestir la façon dont elles vivent et parlent de leur rapport à l’espace et à la terre. En réalité, « il ne fait aucun doute que le rapport au sol d’une communauté villageoise [de cette région] est fondé sur le #partage (et le don) de la terre et l’interdit de la vendre » (p. 189). Aussi, face au « forçage du concept moderne de propriété privée » (p. 111), qui est largement le fait d’une approche occidentalo-centrée, l’auteure propose de faire entendre la voix alternative des sociétés voltaïques.

    Le conflit des fictions fondatrices

    Plus généralement, l’auteure reproche à bien des anthropologues d’avoir tendance à projeter des représentations qui leur appartiennent sur les sociétés qu’ils étudient. Pensons aux notions d’animisme ou de perspectivisme qui sont appliquées aux sociétés non européennes, alors même que ces notions ne sont pas endogènes. Y compris les anthropologues qui discutent et relativisent les catégories occidentales comme l’opposition nature-culture continuent de leur accorder un rôle structurant, quand ils cherchent, dans les sociétés non européennes, la façon dont celles-ci se dessinent d’une tout autre manière.

    Au contraire, une approche comparatiste qui englobe nos représentations « conduit au ras des mots et des gestes, dans le détail des pratiques rituelles et ordinaires […] permet le décentrement épistémologique à l’encontre de la métaphysique occidentale » (p. 94). Il s’agit de revenir aux modes d’habiter pour ce qu’ils sont en les comparant aux nôtres, mais sans jamais les confondre, afin de ne pas en biaiser l’analyse par l’usage de concepts qui leur seraient extérieurs et les feraient voir à partir de fictions fondatrices qui ne sont pas les leurs.

    Dans ce cadre méthodologique, le droit de propriété privée foncière relève, selon l’auteure, des fictions juridiques fondatrices proprement occidentales qui ont été importées dans les pays africains avec la colonisation. Or ceux qui voient la terre comme quelque chose qui serait disponible à l’appropriation privative n’ont pas conscience « qu’il s’agit d’une fiction, bien étrange en réalité, car de toute évidence, un terrain n’est pas un objet qui circule, mais un espace indéménageable » (p. 153). Une telle fiction permet de faire comme s’il était possible de séparer un pan de territoire de l’ensemble auquel il appartient, et de le faire circuler par l’échange marchand. Or « la #fiction_économique de la terre marchandise, source de profits financiers, ainsi que la #fiction_juridique d’une terre comme bien privatisable qui est venue la renforcer et la relayer, font assurément figure d’étrangeté hors de la matrice symbolique qui les a engendrées » (p. 260).

    L’existence des fictions juridiques fondatrices manifeste le fait que dans toutes les sociétés « la réalité succombe pour être reconstruite de façon légale » (p. 142). Ainsi « l’agir rituel façonne la réalité, il la (re)construit d’une façon légale, bref, il l’institue » (p. 142). Le monde du rite, comme le monde légal fait « comme si » la réalité était le décalque fidèle de la représentation que l’on s’en fait, alors qu’elle n’en est que l’ombre projetée. Or, comme Polanyi l’a déjà montré, la propriété privée de la terre est une fiction fondatrice des sociétés de marché, mais n’a rien d’universel. À l’inverse, les sociétés de l’aire voltaïque disposent de leurs propres fictions pour déterminer leur rapport à la terre ; or « rares sont les études sur le foncier qui ne recourent pas à des modèles, des théories et des concepts forgés dans l’histoire sédimentée des sociétés occidentales pour analyser les ‘pratiques’ du Sud, en les détachant des systèmes de pensée qui les pénètrent » (p. 210).

    La souveraineté d’une terre inappropriable

    Aussi l’auteure reproche-t-elle à beaucoup d’anthropologues qui ont travaillé sur les sociétés africaines d’avoir projeté des représentations fabriquées en occident sur les sociétés qu’ils étudiaient et aux institutions internationales d’imposer comme une vérité universelle ce qui n’est qu’une fabrication particulière.

    Pour contrer ces tendances théoriques et politiques, l’auteure se concentre sur la figure des « #gardiens_de_la_Terre » qui sont des dignitaires dont le rôle est de délimiter et d’attribuer des terrains aux familles. Du fait du pouvoir qui est le leur, certains ont voulu décrire cette institution dans le cadre des fictions juridiques européo-centrées en les présentant comme des souverains modernes ou des propriétaires éminents à l’image des seigneurs médiévaux. Face à cela, Danouta Liberski-Bagnoud montre que ces « gardiens de la Terre » n’en sont ni les propriétaires ni les souverains, ils sont, en réalité, garants de son #inappropriabilité et, ce faisant, sont au service de sa #souveraineté propre :

    "Dans les sociétés voltaïques […], les hommes n’exercent aucune souveraineté sur la Terre, mais ils sont les sujets de la souveraineté que la Terre exerce sur eux. La Terre n’appartient à personne d’autre qu’à elle-même, nul organe supérieur ne la commande, sa souveraineté ni ne se délègue ni ne se partage entièrement. Cette fiction que construisent les rites et les mythes fonde le régime de partage de la terre. Partage éphémère, non inscrit dans la durée d’un rapport de force, qui tient la durée d’une vie humaine, et répond ainsi à un principe d’#équité, car il empêche toute entreprise qui viserait à l’accumulation de portions de terre, au détriment du reste de la collectivité." (p. 321)

    Cependant, il faut se garder de faire de la Terre une souveraine au sens occidental d’une personnalité juridique qui pourrait imposer sa volonté en dernière instance, parce que ce n’est pas une personne.

    La Terre n’est ni une personne ni un bien (p. 285). Dans les sociétés voltaïques, la Terre est la source intarissable de la vie dans laquelle toute vie doit trouver sa place, et c’est en ce sens qu’elle exerce son pouvoir sur les hommes. La Terre apparaît comme l’instance qui anime le rapport aux espaces qu’elle contient : le village, la brousse, les lieux sacrés, la délimitation de nouveaux espaces voués à la culture sont autant de lieux qui ne peuvent exister qu’avec l’accord de la terre. Le rôle des « gardiens de la Terre » est alors d’assurer l’#harmonie entre l’ordre de la Terre et ceux qui veulent y trouver place. La Terre, dans ce cadre, ne saurait être un bien, elle « n’appartient qu’à elle-même » et son inappropriabilité apparaît comme « la condition d’un mode de l’habiter en commun » (p. 374-375).

    Cette #représentation éloignée de la fiction juridique d’une terre envisagée comme un bien séparable du territoire auquel elle appartient dépend de « la fiction rituelle qui construit la terre comme si elle était la figure de l’autorité suprême, garante du noyau des interdits fondamentaux qui permettent aux sociétés de tenir ensemble » (p. 327-328). En ce sens, la Terre, conçue comme une instance, supporte, ordonne et fait vivre le corps commun de la société et doit être distinguée de la terre conçue comme un simple fonds ; la deuxième est incluse, dépend et ne peut être comprise sans la première. Cette distinction permet ainsi d’opérer un retour critique sur notre civilisation qui aurait ainsi oublié le souci de la Terre dans des fictions qui poussent au contraire à des processus qui favorisent la #déshabitation.

    Le geste théorique comparatiste qu’opère Danouta Liberski-Bagnoud permet de prendre un peu de distance à l’égard de nos représentations en nous montrant qu’il peut exister des rapports à la terre sans propriété privée. Ces autres formes de l’habiter produisent d’autres manières de s’approprier la terre non captatrices et ouvertes sur le #commun. Ce faisant, le geste théorique opéré dans l’ouvrage permet de réfléchir, sous un angle anthropologique, à la notion de fiction juridique beaucoup travaillée en droit, en exhibant ce que nos institutions contiennent d’artifices à la fois factices et producteurs de réalité sociale. Il met ainsi en évidence ce que Castoriadis avait nommé l’institution imaginaire des sociétés. Sur ce plan l’ouvrage, dont bien des formulations sont très évocatrices, revêt toute sa pertinence. Il permet d’ouvrir les horizons d’un autre rapport possible à la Terre sans pour autant laisser croire que les sociétés voltaïques seraient plus authentiques ou plus proches de la nature. Elles entretiennent seulement un rapport autre à la nature qui n’a pas besoin du mythe de la #domination du monde et des choses et qui ne la réduit pas à un ensemble de ressources utiles à exploiter. Le grand intérêt de l’ouvrage réside dans l’usage spéculatif qui est fait de la comparaison étroitement menée entre le rapport occidental à une terre de plus en plus déshabitée avec les formes de l’habiter des peuples de la Volta. Il y a, certes, un risque d’idéalisation, mais, à l’issue de la lecture, on se dit qu’à l’aune des résultats spéculatifs qu’il permet d’obtenir, il mérite d’être couru.

    https://laviedesidees.fr/Liberski-Bagnoud-souverainete-terre
    #livre

    • La Souveraineté de la Terre. Une leçon africaine sur l’habiter

      Les sociétés industrielles ne peuvent plus aujourd’hui s’ériger en modèle de développement. Avant même de détruire, pour l’ensemble des peuples, les équilibres environnementaux, elles se sont engagées dans une forme de déshabitation du monde qui compromet le maintien des formes humanisées de la vie. Sur cette question fondamentale, les systèmes de pensée qui ont fleuri au Sud du Sahara nous apportent un éclairage indispensable – et des pistes de réflexion. Ils nous offrent une leçon précieuse sur une notion marginalisée dans le Droit occidental, mais centrale dans ces systèmes  : l’inappropriable.
      La Terre y est en effet placée hors de tout commerce. Envisagée comme une instance tierce, libre et souveraine, garante des interdits fondamentaux, elle n’appartient qu’à elle-même. Forgée au creuset du rite, cette conception organise toute la vie de la communauté et le partage du sol. Elle est par là même contraire à nos fictions juridiques et économiques qui permettent d’agir comme si la terre était une marchandise circulant entre propriétaires privés, et qui ont pour effet de nous déterritorialiser. Aussi, elle permet un autre mode d’habiter le monde. Cet ouvrage entend montrer quelques voies offertes par des sociétés africaines pour repenser le rapport à la Terre et redonner dès lors un futur aux générations à venir.

      https://www.seuil.com/ouvrage/la-souverainete-de-la-terre-danouta-liberski-bagnoud/9782021515572

  • La bourgeoisie, l’environnement et la croissance (LO, 20 juin 1972)

    Des évidences, malheureusement, toujours largement ignorées aujourd’hui...

    [...] Tant que la pollution ne touchait que les exploités, dans leurs banlieues ouvrières lointaines, on n’en parlait pas tant. Mais aujourd’hui, même avec leur argent, les bourgeois ont de plus en plus de mal à s’en prémunir. Ils commencent à s’apercevoir que la nature n’est pas un réservoir inépuisable que l’on peut piller librement sous prétexte qu’il n’a pas de valeur marchande et que c’est l’existence même du globe qui est mise en cause en même temps d’ailleurs que leur système économique et social.

    Malheureusement, il est impensable que les classes dirigeantes acceptent de limiter volontairement leur production. Ce serait leur demander de se suicider. Ce serait pour chaque capitaliste accepter de renoncer continuellement à soutenir la concurrence de ses adversaires. Ce serait renoncer à des profits qui lui sont non seulement utiles mais indispensables pour survivre. Des accords sont, bien entendu, possibles entre trusts et ils sont même fréquents. Mais ils restent toujours fragiles et provisoires et il n’est pas question qu’ils se généralisent et se consolident au point d’en arriver à une organisation internationale durable de l’#économie.

    […] En réalité, ce qui est en question, c’est la croissance anarchique, la #croissance_capitaliste. Le monde actuel est bien loin de crever sous ses richesses. Il est encore bien trop pauvre même s’il est vrai qu’une organisation rationnelle de l’économie et de la vie devrait sans doute limiter telle ou telle production pour éviter la dégradation du milieu naturel, dans l’ensemble il n’y a pas assez de nourriture, pas assez de logements, pas assez d’un peu de tout et il faudrait au contraire développer ces productions. Mais cela ne doit nullement entraîner obligatoirement une croissance parallèle de la pollution.

    D’où vient, en effet, aujourd’hui, l’essentiel de la #pollution ? En agriculture, par exemple, de l’emploi de pesticides, produits chimiques anti-parasites qui finissent par empoisonner la nature. Mais il est parfaitement possible de les remplacer par des moyens biologiques, qui, il est vrai, sont à la fois plus coûteux pour l’utilisateur et moins « rentables » pour le fabricant. De même, l’essentiel de la pollution des mers vient du rejet au large d’hydrocarbures résiduels par des pétroliers qui veulent augmenter leur vitesse de rotation là encore, la suppression de cette source de pollution est techniquement des plus simples. Le seul obstacle est que les compagnies pétrolières n’entendent pas rogner sur leurs profits.

    Quant à la prétendue pénurie prochaine de matières premières et de sources d’énergie, elle n’a de sens que relatif car on peut toujours trouver des produits et procédés de substitution. Ils existent déjà : l’énergie atomique, par exemple. Ce n’est qu’une question, là encore, de coût problème qui prendra bien moins d’importance dans une société de besoins que dans notre actuelle société de
    profit.

    Le massacre de la nature n’est nullement une fatalité inhérente à l’industrie moderne, comme on voudrait nous le présenter. Dans une autre organisation sociale que la nôtre, des mesures techniques simples et déjà bien connues pourraient le plus souvent en venir à bout.

    Les socialistes véritables n’ont jamais cru à l’#idéologie de la croissance ni à la capacité du #système_capitaliste d’arriver a une harmonie quelconque. Nous savons que ce système est anarchique par sa nature même et mènera immanquablement l’humanité aux pires catastrophes. Pour nous, la #croissance n’a jamais été qu’un épisode entre deux crises, de même que la paix, sous ce système, n’est qu’un intervalle entre deux guerres. Nous sommes convaincus que si ce système se prolonge encore longtemps, ils nous mènera non à une vie meilleure mais à une rechute dans la barbarie.

    C’est pour cela que nous sommes socialistes. Pour nous, le socialisme n’est pas un simple souhait d’une société meilleure, mais une nécessité absolue. Nous sommes convaincus que si l’humanité veut survivre elle doit prendre en main collectivement toutes les richesses de la terre et organiser l’économie suivant un plan tenant compte de tous les besoins, y compris celui de protéger le milieu naturel, et de tous les problèmes et ne cherchant pas uniquement à économiser le travail humain. Mais un tel plan exige la suppression de la #propriété_privée_des_moyens_de_production qui entraine actuellement la production anarchique de nombreuses entreprises et qui empêche tout contrôle réel de qui que ce soit sur l’ensemble de l’économie. Un tel plan exige même la suppression des Etats nationaux et des frontières, institutions d’un autre âge qui rendent utopiques ne serait-ce que la lutte contre une pollution des mers et des airs ne connaissant pas de frontières. Un tel plan exige, en un mot, le #socialisme international.

    #archiveLO #écologie #capitalisme

  • Proposition de loi « antisquat » : les experts de l’ONU écrivent à la France leurs inquiétudes
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/04/proposition-de-loi-antisquat-les-experts-de-l-onu-ecrivent-a-la-france-leurs

    Le rapporteur spécial de l’ONU sur le logement convenable, Balakrishnan Rajagopal, et le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains, Olivier De Schutter, ont adressé au gouvernement français une communication officielle longue de huit pages, rendue publique mardi 4 avril. « Nous alertons sur la régression que constitue cette proposition de loi, et sur le risque qu’elle conduise la France à violer ses engagements internationaux », résume M. De Schutter. S’il n’est pas exceptionnel que des rapporteurs de l’ONU transmettent une telle communication à un pays membre, c’est, « à ma connaissance, la première fois que la France est saisie au sujet d’un texte de loi relatif au logement », précise-t-il.

    Mais puisqu’on te dit que c’est comme les coups de matraque dans la gueule, c’est pour aider les pauvres qu’ils font ça ! Bon sang, ils sont obtus à l’ONU.

  • "Ce sont les capitalistes qui bloquent et sabotent l’économie"

    Cercle Léon Trotsky : Introduction sur le mouvement contre la réforme des retraites (Jean-Pierre Mercier)

    https://videos.lutte-ouvriere.org/download/video/20230310-clt-chine-introduction-retraites-sd.mp4

    [...] C’est en se mettant en grève que les travailleurs peuvent occuper leur entreprise et contester la propriété privée patronale. Et ça, les patrons en sont pleinement conscients, plus que la majorité des travailleurs. C’est cela qu’ils craignent plus que tout. [...] Ce ne sont pas les travailleurs qui bloquent l’économie, ce sont les capitalistes. Ce sont eux qui bloquent et sabotent l’économie, pas les travailleurs qui la font tourner. Ce sont les capitalistes qui bloquent les millions de travailleurs sans emploi qui sont en train de s’appauvrir au #chômage et à qui Macron vient encore de supprimer des droits. Ce sont les capitalistes qui sont en train de bloquer des millions de jeunes et de moins jeunes dans la #précarité, leur imposant les postes les plus durs et les plus mal payés. Ce sont les #capitalistes qui bloquent les salaires face à une inflation galopante. Ce sont les capitalistes qui veulent nous bloquer deux ans de plus au boulot. Ce sont les capitalistes qui bloquent l’économie en la sabotant avec leur spéculation, avec leur rentabilité, leurs bénéfices, leurs dividendes. Ce sont les capitalistes qui bloquent l’#économie avec leur sacro-sainte propriété privée de leurs usines et de leurs banques. En tant que communistes révolutionnaires, notre objectif est que les travailleurs se débarrassent de ces parasites, de ces saboteurs, prennent en main les rennes de la société. Non pas pour la bloquer mais pour la réorganiser de fond en comble et la faire tourner et satisfaire les besoins élémentaires de la population. [...]

    #réforme_des_retraites #capitalisme #parasitisme #classe_capitaliste #propriété_privée_des_moyens_de_production #grève #lutte_de_classe #communisme_révolutionnaire #révolution_ouvrière #révolution_prolétarienne #sabotage #LO #Lutte_Ouvrière #Jean-Pierre_Mercier

  • Il y a 180 ans — 1843-1844, adhésion de Marx au communisme

    Avec les #Jeunes-Hégéliens, il avait cru que l’Allemagne pourrait connaître une révolution semblable à ce qu’avait été la #Révolution_française de #1789. A Paris, il voit les choses autrement, en constatant que la haute #bourgeoisie au pouvoir sous #Louis-Philippe n’a plus rien de révolutionnaire, et que l’impulsion libératrice vient désormais d’une nouvelle classe, celle des travailleurs salariés que les socialistes et les communistes appellent le #prolétariat.

    Au cours de l’année 1844, l’#Allemagne est ébranlée ou, pour le moins, secouée par le soulèvement des tisserands silésiens qui, en proie au chômage et menacés de famine, organisent de grandes grèves et s’en prennent aux patrons, à leurs biens et à leurs livres de comptes jusqu’à ce que les troupes prussiennes viennent les écraser. #Heine écrit alors son #Chant_des_tisserands à l’inspiration duquel son ami Marx a peut-être eu une part.

    Dans le Vorwärts (En avant), revue d’émigrés allemands de Paris, Marx déclare : « Qu’on se rappelle d’abord le Chant des tisserands, cet audacieux mot d’ordre de combat où de prime abord le prolétariat crie d’une manière saisissante, brutale, violente, son opposition à la société fondée sur la #propriété_privée. La révolte silésienne commence précisément au point où s’achèvent les mouvements ouvriers français et anglais, c’est-à-dire la prise de #conscience_de_classe du prolétariat. D’où le caractère supérieur de l’action menée par ces #tisserands. Non seulement, ils détruisent les machines, ces rivales des ouvriers, mais aussi les #livres_des_comptes, ces titres de propriété, et tandis que tous les autres mouvements se dirigeaient tout d’abord et exclusivement contre l’#industriel, l’ennemi visible, ce mouvement s’est dirigé en même temps contre le #banquier, l’ennemi invisible. Enfin, aucune révolte ouvrière anglaise n’avait été menée avec un tel courage, une telle maturité d’esprit et une telle persévérance. »

    Ainsi, #Marx dépasse son ancienne position de démocrate radical pour adhérer à la cause du communisme. Ce dépassement s’effectue à partir de l’idée que la bourgeoisie a cessé d’être une force révolutionnaire et qu’elle est désormais incapable d’accomplir en Allemagne les tâches démocratiques qu’elle a autrefois remplies en Angleterre et, encore plus, en France. La nouvelle force révolutionnaire, capable de libérer la société des différentes formes de l’oppression, réside maintenant dans le prolétariat, à condition que celui-ci prenne conscience de ses #intérêts_de_classe et agisse de façon organisée, comme l’ont montré les tisserands silésiens.

    Il reste que Marx n’est pas satisfait par les doctrines socialistes des #saint-simoniens et des #fouriéristes qui sont plutôt des rêves d’organisation sociale que des instruments théoriques au service du prolétariat dans sa lutte contre la bourgeoisie. Il porte un jugement plus favorable à l’égard des partisans du communisme, comme le Français Cabet et l’Allemand Weitling, mais il leur reproche de réduire le #communisme à un idéal d’égalité et de #justice_sociale et de ne pas l’intégrer au devenir historique des sociétés.

    Dans ses #Manuscrits_économico-philosophiques de #1844 auxquels Marx n’a pas donné une forme achevée et qui ne devaient être publiés qu’en 1932, on peut lire une définition du communisme, « en tant que dépassement positif de la propriété privée, donc de l’auto-aliénation humaine »...

    « Ce communisme est un #naturalisme achevé, et comme tel un humanisme ; en tant qu’#humanisme achevé il est un naturalisme ; il est la vraie solution du conflit de l’homme avec la nature, de l’homme avec l’homme, la vraie solution de la lutte entre l’existence et l’essence, entre l’objectivation et l’affirmation de soi, entre la liberté et la nécessité, entre l’individu et l’espèce. »

    L’adhésion de Marx au communisme est ici exprimée en termes philosophiques. Mais, à travers leur lyrisme, il est à la recherche d’une connaissance objective qui permettrait au #socialisme et au communisme de passer de leur stade utopique au stade scientifique.

    [source : Marx, de Pierre Fougeyrollas, épuisé et non-réédité]

    #karl_marx #révolution_sociale #révolution_prolétarienne

    • À ce moment-là (1842-1843), le prolétariat anglais s’organise dans un puissant mouvement syndical et politique que l’on nomme le #chartisme, en raison de sa charte qui revendique simultanément la journée de travail de dix heures et le suffrage universel.

      #Engels rapporte de son séjour britannique son premier livre, La situation des classes laborieuses en Angleterre, dans lequel il écrit : « Seule est vraiment respectable cette partie de la nation anglaise inconnue du continent, les ouvriers, les parias de l’Angleterre, les - pauvres, malgré toute leur grossièreté et leur absence de morale. C’est d’eux quil faut attendre le salut de l’Angleterre. »

      Ainsi la connaissance des révolutions politiques de la France et celle de la révolution industrielle de l’Angleterre ont respectivement conduit Marx et Engels à des conclusions convergentes relativement au rôle historique révolutionnaire que le prolétariat commençait alors à assumer. C’est ce qui leur est sûrement apparu durant leurs entretiens parisiens de 1844.

      [source : idem]

  • Dynmark : un outil de suivi des prix de l’immobilier à différentes échelles de territoire | Cerema
    http://www.cerema.fr/fr/actualites/dynmark-outil-suivi-prix-immobilier-differentes-echelles

    Le Cerema a développé un outil qui permet de suivre l’évolution des prix de l’immobilier à différentes échelles de territoire. Appelé Dynmark, il est actuellement en disponible en test en version bêta.

    Pour aider les acteurs des territoires, collectivités, acteurs publics et privés ou encore le grand public à mieux connaître la situation du marché immobilier et son évolution, le Cerema a développé une application en ligne, Dynmark. Accessible gratuitement, elle permet de visualiser rapidement l’évolution des prix de l’immobilier sur un territoire depuis 2010 à partir des données #DV3F. Elle est en cours de lancement en version bêta test.

    Elle offre également la possibilité d’explorer et de comparer votre dynamique de marché par rapport à d’autres territoires.

    Dynmark contient des indicateurs (nombre de ventes, prix, prix au m²,) pour différentes échelles géographiques - commune, EPCI, département et aire d’attraction des villes - pour l’ensemble de la France (hors l’Alsace, la Moselle et Mayotte).

    Ce site permet de visualiser des indicateurs de prix de l’immobilier proposés par le Cerema selon une typologie de biens définie par son type, sa taille et sa période de construction.

  • « Socialisme ou barbarie ? » (Barta, 20 février 1944)

    AVERTISSEMENT

    La guerre est devenue le mal chronique de notre époque. On se propose ici d’exposer aux ouvriers conscients, soucieux de l’avenir de leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens dont dispose le prolétariat pour y mettre fin.

    Pour bien comprendre l’origine de la guerre, et pour en tirer les déductions indispensables à l’action de classe du prolétariat, il est nécessaire de connaître les causes économiques qui la déterminent ; c’est pourquoi, malgré notre souci constant d’écrire de façon claire et à la portée de tout ouvrier sérieux (même n’ayant pas une éducation politique étendue) notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois sur des questions que l’on a rarement l’occasion d’étudier sérieusement et qui exigent, pour être bien comprises, toute l’attention du lecteur.

    Mais seuls les démagogues et les fascistes s’imaginent qu’on peut mener la « masse » (pour laquelle ils ont un profond mépris) avec des mots d’ordre « simples », c’est-à-dire mensongers ; les marxistes au contraire s’assignent pour tâche d’aider la classe ouvrière à dissiper ses illusions entretenues par la bourgeoisie et à prendre conscience du système qui l’opprime et l’exploite.

    L’histoire du mouvement ouvrier a montré que, malgré les difficultés qu’ils rencontrent du fait que le prolétariat, en tant que classe opprimée, manque d’une instruction suffisante, les ouvriers animés du profond désir de créer un monde meilleur, à eux, sont capables de s’élever jusqu’aux plus hautes généralisations théoriques.

    Certes, aujourd’hui, après les défaites subies par la classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous impose la bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la majorité des travailleurs a perdu l’habitude de se préoccuper directement et systématiquement de ses intérêts de classe. Mais seuls des ouvriers non-conscients se refuseraient à prêter un minimum d’attention soutenue à une question aussi vitale pour le prolétariat, dans des circonstances où la bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.

    A ceux-là n’est pas destinée cette brochure : nous nous adressons aux ouvriers conscients, et nous leur demandons de nous lire jusqu’au bout.

    20 Février 1944

    *

    QUELLE ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?

    Chacun se rend compte que nous vivons une période exceptionnelle de l’histoire du genre humain. Depuis le début du siècle, une série de guerres et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en comble la vie des peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d’une façon normale :

    1904 : guerre impérialiste russo-japonaise ;

    1905 : première #Révolution_russe ;

    1912 : #guerre_balkanique ;

    1914-18 : première guerre impérialiste mondiale, suivie de la série de révolutions qui l’ont endiguée ;

    1917 (Février et Octobre) : Révolution russe ;

    1918 (Novembre) : #Révolution_allemande et écroulement de l’empire austro-hongrois ; révoltes dans l’armée française.

    Puis révolutions et contre-révolutions d’après-guerre :

    1919 : en Hongrie ; 1919-22 : en Italie ;

    1923 : en Allemagne ; 1924 : en Bulgarie ;

    1925-27 : en Chine ...

    A partir de #1929 la #crise_mondiale ouvre la voie vers une deuxième guerre impérialiste, à travers une nouvelle série de conflits intérieurs dans les différents pays capitalistes, conflits qui se terminent par la victoire de la bourgeoisie.

    1931 : chute de la royauté en Espagne ;

    1933 : victoire du #fascisme en Allemagne ;

    1934 (Février) : insurrection des ouvriers de Vienne ;

    1934-38 : grèves générales en France ;

    1936 (Juillet) : Révolution prolétarienne en Espagne.

    Et, 20 ans après la première guerre mondiale, annoncée par la #guerre_Italo-Ethiopienne (1935) et la #guerre_Sino-Japonaise (1937) a commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste dont on ne voit pas encore la fin.

    Comme le montre ce tableau des principaux événements contemporains, dans l’intervalle de deux générations, la courbe des conflits a monté d’une façon vertigineuse. Il ne s’agit plus aujourd’hui de querelles dynastiques, d’appétits de conquêtes de tel ou tel pays, de sécurité des frontières, de guerres laissant la société, en dépit des malheurs et de la misère, suivre sa marche en avant ; le caractère tout à fait spécial de notre époque est qu’à l’intérieur des nations comme à l’extérieur, la société se déchire de plus en plus profondément à travers des bouleversements ininterrompus qui détruisent les richesses et la culture accumulées par l’humanité, saignent et affament les masses et les réduisent à un asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son centre de gravité va retomber avec fracas dans la chaos ; l’humanité entière ne peut plus retrouver l’équilibre et la paix, si ce n’est dans les cimetières...

    D’après les curés de toutes les religions, cette rupture d’équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières, seraient « la punition de nos péchés » ; et déjà les représentants de la bourgeoisie, qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la « der des der » et ont sacrifié plus de 10 millions d’hommes depuis Août 1939 pour « la démocratie » ou pour « l’espace vital », parlent d’une troisième guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l’échelle mondiale serait un phénomène naturel inhérent à l’existence de la société humaine.

    Mais, des années avant la 1ère guerre mondiale, notre époque d’agonie et de mort a été caractérisée par tous les partis et les syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa dernière phase, l’impérialisme : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jaurès).

    En effet, depuis le début du siècle, la capitalisme a profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de libre concurrence, le « laisser-faire, laisser-passer », qui, malgré les crises, les conflits et le chômage temporaires, accomplissait l’équipement industriel du territoire (construction de machines, d’usines, de chemins de fer, de routes, de canaux, de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on développant les forces productives, c’est-à-dire la puissance de l’homme sur la nature ; la supériorité de la grande industrie sur la petite a engendré, par la ruine de cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification de structure du capitalisme lui a enlevé tout caractère progressif et l’a rendu profondément réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d’être utilisées pour accroître la puissance de l’homme sur la nature, et par conséquent son bien-être, servent à la destruction et à la mort, pour le maintien d’un régime condamné.

    Et l’on a pu voir, dans une société soi-disant civilisée, des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la misère et la faim tandis que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient à la destruction systématique des récoltes : aux Etats-Unis on élevait des hannetons pour ravager les plantations de coton ; l’Amérique du Sud brûlait du blé et du café dans les locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour arracher les vignes, et les pêcheurs devaient rejeter leur poisson à la mer !...

    Pourquoi l’impérialisme (capitalisme monopoleur) provoque-t-il la destruction des richesses accumulées, la fin de la civilisation et de la culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d’existence, et la paix seulement « une trêve entre deux guerres » (Lénine) ? Nous demandons un peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications qui suivent : il s’agit de bien comprendre ce qu’est l’impérialisme si l’on ne veut pas tomber dans les pièges de la bourgeoisie et se laisser saigner par elle à l’aide de slogans qui ne veulent rien dire.

    CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE ET CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).

    Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les marchés, et en premier lieu le marché national, offraient des possibilités d’écoulement à tous les produits : dans les différentes branches de la production (métallurgie, tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – , existaient et « travaillaient » indépendamment les uns des autres ; c’était le capitalisme de libre concurrence.

    Cependant, la concurrence oblige chaque capitaliste à ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie nécessaire à ses dépenses personnelles) au capital initial, pour les réinvestir dans l’industrie (perfectionnements techniques, achat de machines, etc...). Or, l’extension constante de la production de chaque capital individuel augmente à tel point la quantité des marchandises à écouler, que le marché n’est plus capable d’absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n’arrivent pas à vendre leurs marchandises font faillite ; mais dans cette lutte à mort, ce n’est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises ne sont pas de grandeur égale, et le prix de revient est d’autant plus petit que la production est grande. C’est donc la grande entreprise qui possède l’avantage décisif dans la concurrence capitaliste, concurrence de plus en plus acharnée qui aboutit à la ruine des plus faibles au profit des plus forts.

    C’est ainsi que, peu à peu, avec des péripéties diverses, la libre concurrence engendre inévitablement la concentration des capitaux et aboutit à la domination despotique du marché par un seul capital monopoleur.

    Du point de vue de la nouvelle structure du capitalisme, il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou tous les marchés sans concurrence) appartienne à un seul ou à plusieurs capitalistes, ou à une masse d’actionnaires : l’essentiel est la disparition de l’élément de progrès du système, la concurrence entre les capitalistes d’une même branche.

    On pourrait croire, à première vue, que le capitaliste monopoleur peut « se contenter » de sa position assurée de monopoleur et « renoncer » à gagner des positions capitalistes nouvelles. Mais le capitaliste ne produit pas pour la société : il « travaille » pour réaliser des profits. Et même s’il devenait tout à coup « vertueux » et voulait mettre en pratique la charité chrétienne, du point de vue économique, il le peut encore moins que dans le capitalisme de libre concurrence (où le danger n’était pas de tous les instants, et où les périodes de prospérité pouvaient au contraire lui faire croire qu’il y avait de la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes indépendants d’une même branche fait place à un antagonisme de tous les instants, cent fois plus âpre, et qui, loin d’être une source de progrès provoque le dépérissement de l’économie, avec la misère et la guerre pour les masses.

    Par exemple, le capitaliste qui monopolise les transports par chemins de fer entre en une lutte de tous les instants avec celui qui monopolise les transports par route ; d’autre part, deux sociétés monopoleuses dont les produits s’écoulent dans le monde entier – les pétroles par exemple – entrent en conflit mortel pour la possession des sources anciennes ou nouvelles de matières premières ; enfin, « la course pour le dollar du consommateur » est un autre élément d’antagonismes entre les monopoles (le consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s’agit de savoir comment il répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre, ira-t-il au cinéma, ou restera-t-il à la maison pour économiser de quoi s’acheter une bicyclette ?).

    Donc, à peine arrivé au monopole comme terme d’une lutte entre capitalistes indépendants pour accaparer le marché, le capitalisme plonge l’économie entière dans une anarchie encore plus grande qui finalement mène à la ruine de la société.

    En effet, pour se renforcer contre les monopoles qui le menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de conquérir des positions capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir les profits et surprofits réalisés ; or, le processus de concentration s’étant poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les vieux pays capitalistes, ceux-ci n’offrent plus de débouchés pour de nouveaux investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors, surtout dans des pays arriérés et aux colonies où les conditions d’une économie retardataire (équipement industriel pour l’exploitation et l’exportation des ressources du pays, matières premières et main-d’œuvre aux plus bas prix) permettent de réaliser des bénéfices fabuleux sur le dos de la population coloniale ou semi-coloniale.

    Ainsi la lutte prend un aspect entièrement nouveau. Il ne s’agit plus d’une concurrence purement économique se terminant par la faillite des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence, mais bien d’une compétition internationale pour la conquête du marché mondial (qui n’est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de production, les sources de matières premières et de main-d’œuvre à bon marché.

    La crise dans le capitalisme du monopole n’est plus un arrêt temporaire de la production (mévente des marchandises) se terminant par une reprise économique puissante : elle devient un élément chronique de la vie économique, provoquant non seulement la destruction volontaire des richesses produites, mais aussi la limitation des moyens de production mis en fonction. La partie décisive des moyens de production, l’industrie lourde, ne trouve plus d’autre « marché » que la guerre, c’est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance de production de l’industrie moderne.

    Cet antagonisme à l’échelle mondiale divise le capital monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels créent des banques ; les banques créent des trusts d’exploitation ; les groupes fusionnent avec d’autres groupes ; et ainsi se crée tout un réseau de grosses industries et de banques travaillant dans toutes les branches. Voilà comment l’économie mondiale est tombée sous la domination d’une oligarchie capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A., les Big Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les Mitsubishi au Japon, etc...

    Entre ces groupes financiers qui luttent à mort les uns contre les autres, les alliances se font et se défont : c’est là qu’il faut chercher, le secret des alliances et ruptures d’alliances consacrées par les pactes diplomatiques.

    Disposant des richesses du pays qui constitue la base de leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d’autres continents, les capitalistes détiennent tous les leviers de l’Etat, c’est-à-dire non seulement l’armée, la police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse, l’école et les églises.

    Tous ces moyens leur servent à duper les peuples et à les entraîner dans leurs conflits à l’aide de traditions, de mots d’ordre, et de toute une propagande appropriée. Et de même que, pour défendre ses intérêts, le capitaliste ferme « son » usine comme si c’était sa tabatière, jetant sur le pavé les ouvriers affamés, de même la bourgeoisie, pour défendre ses positions menacées, jette « son » peuple dans le massacre ; car la guerre, qui n’apporte aux masses que la misère et la mort, se solde pour elle par des super-bénéfices.

    En effet, tandis que les ouvriers et les paysans de tous les pays s’entre-tuent soi-disant pour la « der des der », la « démocratie », la « défense des petites nations » ou de l’Empire pour « l’ordre nouveau », « l’espace vital », « le sang contre l’or » et la « défense de la patrie », les champs de bataille sont en réalité un débouché exceptionnel, qui consomme en peu de temps des quantités énormes de « marchandises » (matériel de guerre). C’est ainsi que les masses entraînées dans la course sans fin pour le partage et le repartage du globe, croyant mourir pour la patrie, meurent pour les capitalistes !

    SUPPRESSION DES CONTRADICTIONS DU CAPITALISME
    Les méfaits de la domination économique des trusts, Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la société, sont depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les scandales financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l’exploitation féroce et concertée des travailleurs, – qui n’ont plus affaire à un patron dont le sort est lié à celui de l’entreprise, mais au patronat disposant des ressources du capital financier, – ont soulevé contre les capitalistes monopoleurs la haineet la volonté de lutte de tous les exploités.

    Devant la volonté commune de toutes les classes pauvres de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie ne put se sauver qu’on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Roosevelt aux Etats-Unis et Blum en France ont présenté leur politique comme « la fin de la toute-puissance des trusts ». Et même dans la « respectable » Angleterre, gouvernée par les conservateurs, certains ministres du Travail sont parfois obligés d’agiter des projets de « réformes de structure », Pourtant, les trusts n’ont jamais aussi bien prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler, Blum, Roosevelt et Churchill.

    Pourquoi ? Parce que le monopole, le grand capital, n’est pas une excroissance d’un organisme sain, qu’on pourrait couper, ou un abus qu’on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles sont le couronnement du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le fruit du poirier.

    Il faut donc, pour remettre la société d’aplomb, pour en finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la guerre permanente, détruire le mal à la racine, c’est-à-dire détruire le système capitaliste qui les engendre.

    Qu’est-ce qui caractérise le capitalisme ? C’est la #propriété_privée_des_moyens_de_production : les usines, le sol et le sous-sol, les moyens de transport, les moyens d’échange (banques), les locaux, en un mot tout ce dont l’homme a besoin pour assurer son existence, se trouvent entre les mains d’une petite minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur gré du sort de dizaines de millions d’hommes séparés des moyens de production, prolétarisés.

    A cette contradiction essentielle qui oppose le système capitaliste aux besoins de la société, contradiction entre la production SOCIALE et la propriété PRIVEE s’en ajoute une seconde : le morcellement de l’économie mondiale en fractions soi-disant nationales (en réalité, à part quelques rares exceptions où les frontières délimitent en même temps la nation, presque toutes les frontières (90 %) découpent la même nation en plusieurs tronçons – l’Allemagne de 1918, les Balkans, l’Europe Centrale, l’Irlande, etc... – ou font « vivre » ensemble plusieurs nations antagonistes – l’Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d’Afrique et d’Asie, etc...). En fait, ce morcellement de l’économie mondiale n’est qu’un système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers (les 200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)

    Production SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste, économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en « fiefs » du capital financier, telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la société.

    La suppression de ces contradictions ne consiste pas en un retour en arrière à un soi-disant « âge d’or », mais dans une audacieuse marche en avant vers le socialisme.

    Le mode de propriété est périmé, mais le mode de production est définitif : il faut donc les harmoniser en abolissant la propriété privée des moyens de production pour restituer ces derniers à la société entière par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR LES TRAVAILLEURS.

    La suppression de la propriété privée des moyens de production n’est pas la suppression de toute propriété : la petite propriété paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur terre aussi longtemps qu’ils voudront, jusqu’au moment ou d’eux-mêmes ils estimeront plus avantageuse la grande culture industrialisée.

    Cette révolution économique et sociale ne peut pas éclater et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence dans le cadre d’un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir à une société harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le monde entier : les ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir une société sans aucune contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer au cours de cette guerre qu’aucun pays, si riche qu’il soit en ressources naturelles (comme les Etats-Unis ou l’URSS) ne peut produire à lui seul tout ce que l’homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination sur la nature.

    Donc, l’abolition de la propriété privée, le socialisme, implique également la suppression des frontières capitalistes (douanes, passeports, etc...), c’est-à-dire la création des ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE.

    STRATEGIE ET TACTIQUE OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.

    Aujourd’hui, depuis 5 ans, la guerre ravage les continents, ruine l’économie, sépare les peuples par un fossé de sang, et risque en se prolongeant de ramener la société entière à une nouvelle barbarie sociale.

    Au premier plan de la lutte ouvrière se trouve donc la lutte contre la guerre.

    Mais la guerre, malgré tous les prétextes et les masques que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véritables causes, n’est au fond qu’une lutte entre les différentes bourgeoisies pour les monopoles (guerre pour « l’espace vital » du côté de l’Axe et pour la « défense de l’Empire » du côté des alliés) : AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA GUERRE NE PEUT-ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITALISME. Telle est l’idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients qui veulent réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les 20 ans.

    Bien avant la première guerre mondiale, en 1907, la IIème Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le caractère impérialiste de la guerre qui venait. Les délégués des Partis ouvriers de France, d’Allemagne, de Russie, d’Italie, etc..., qui participèrent à ce Congrès, savaient que les différences politiques entre les pays qu’ils représentaient n’étaient pour rien dans les dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent la résolution suivante : « Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les représentants ouvriers) ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerrepour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste ».

    En 1912, au Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent : « LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES... »

    Pourtant, quand la guerre éclata « néanmoins », les chefs de la IIème Internationale, pourris par l’opportunisme, non préparés à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles (illégalité, lutte extraparlementaire, etc...), cédèrent à la pression de la bourgeoisie et trahirent la classe ouvrière. C’est alors seulement qu’ils découvrirent les prétextes politiques et « idéologiques » qui devaient justifier la cause infâme de leur bourgeoisie : les « socialistes » français appelèrent à la lutte de la « démocratie » (alliée au tsarisme !) contre le « militarisme prussien » et les « socialistes » de l’Allemagne impériale à la lutte contre le knout tsariste...

    Mais ces arguments en faveur de l’union sacrée, mis en avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n’étaient que des mensonges.

    La forme politique ne peut pas influencer ou améliorer la structure IMPERIALISTE de l’économie ; tout au contraire, c’est la structure impérialiste de l’économie qui commande les actes de tout gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.

    La première guerre mondiale et la présente guerre nous montrent que dans tout conflit impérialiste, c’est précisément la démocratie qui est la première victime. Dans tous les pays impérialistes sans aucune exception s’établit le même régime de militarisation, de contrainte, de terreur policière, de censure, avec suppression de tous les droits ouvriers, pour donner aux trusts l’entière liberté d’action.

    Tandis que les chefs social-patriotes se vautraient dans l’union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers restés fidèles au socialisme – Lénine, #Rosa_Luxembourg et Karl Liebkecht en tête – prirent une voie toute opposée.

    Ils dénoncèrent la guerre comme « une guerre impérialiste pour un repartage des richesses du globe entre les forbans capitalistes ». Rejetant l’union sacrée et les crédits de guerre, ils appelèrent les travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays « d’en face » et à renverser leur propre bourgeoisie.

    Nous savons aujourd’hui que c’est eux qui voyaient juste et qu’ils représentaient les véritables aspirations des masses opprimées, car leurs principes et leur action ont conduit à la première victoire prolétarienne (Révolution d’Octobre 1917) et à la formation de la IIIème Internationale (l’Internationale Communiste).

    Quels furent donc leurs principes et leur tactique ?

    #Karl_Liebknecht nous a laissé la meilleure formule de l’internationalisme ouvrier pendant la guerre : « L’ENNEMI DE CHAQUE PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS » ; la tâche des travailleurs est de « balayer chacun devant leur propre porte ».

    Pour #Lénine il s’agissait de « transformer la guerre impérialiste en guerre civile » ; car « si cette guerre n’est pas suivie d’une série de révolutions victorieuses, elle sera suivie à bref délai d’autres guerres ».

    Que celui-ci avait raison, cela a été prouvé non seulement par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce à la guerre civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que le maintien de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a amené une 2ème guerre impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent les liens et les contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu’ « une trêve entre deux guerres »...

    La #guerre_civile n’est pas un moyen désespéré auquel on n’a recours qu’à la dernière extrémité : c’est la résolution inébranlable du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d’en finir avec la guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat (police, justice, corps des officiers, etc...) Sans cette résolution inébranlable de riposter à la guerre impérialiste par la guerre civile, les travailleurs ne doivent pas espérer que c’est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour desserrer l’étau qui étouffe les masses ou qui reculera devant n’importe quelle infamie. Tout au contraire, grâce à la guerre impérialiste toujours plus meurtrière, elle mène à l’intérieur sa propre guerre civile destinée à paralyser et à écraser le prolétariat.

    Le mot d’ordre des travailleurs est : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !

    Devant les hésitations de certains chefs « internationalistes » qui étaient paralysés dans leur action pratique par la peur que la lutte révolutionnaire « n’affaiblît le front », Lénine proclama que la défaite de leur propre impérialisme était « un moindre mal » pour les ouvriers.

    Il suffit en effet de comparer le sort de la France après 1918, victorieuse grâce à l’union sacrée, et celui de la Russie révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes territoires aussi bien par l’impérialisme allemand que par l’impérialisme « allié » : les ouvriers français n’ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie d’avant 14, tandis que les travailleurs russes ont créé un pays entièrement nouveau et élevé la Russie arriérée au niveau des pays industriels les plus avancés.

    Mais la défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut pas la conséquence de l’affaiblissement du front par les luttes révolutionnaires dans le pays, mais l’effondrement de l’impérialisme français, entraînant dans sa chute l’ensemble des classes laborieuses.

    Si le prolétariat de France avait pu, grâce à une politique ouvrière juste, mettre à profit la débâcle de son impérialisme en Mai-Juin 40 pour s’emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait été complètement changé, mais le prolétariat n’avait pas été préparé à une telle éventualité par les partis ouvriers.

    Le parti socialiste d’après 1918 était resté définitivement un parti de collaboration et d’union sacrée ; la IIIème Internationale et le Parti communiste français avaient depuis longtemps abandonné la stratégie et la tactique qui avaient permis la victoire des ouvriers et des paysans russes en 1917 et qui avaient mis fin à la 1ère guerre mondiale. L’isolement de la Révolution d’Octobre dans un monde capitaliste a provoqué en URSS l’affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de gravité de la IIIème Internationale. Il s’y forma une bureaucratie dirigeante analogue à celle des partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la IIIème Internationale rompit avec l’internationalisme ouvrier : reconnaissance de la « défense nationale » on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote des crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline pour le dépècement de la Pologne, nouvelle « alliance » avec les impérialismes « démocratiques » pour la défense de la « démocratie » contre le fascisme, etc…

    L’abandon de la stratégie et de la tactique révolutionnaires par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914 permirent à la bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que le capitalisme n’était renversé par l’internationalisme prolétarien que dans la sixième partie.

    L’abandon des mêmes principes par les chefs soviétiques de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de déclencher une nouvelle guerre impérialiste qui est entrée dans sa cinquième année.

    Comme dans la première guerre impérialiste, la seule issue est dans l’application dans la lutte prolétarienne de la stratégie et de la tactique de Liebknecht de Lénine.

    C’EST CETTE TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !

    LA QUATRIEME INTERNATIONALE ET LA GUERRE
    La lutte de la IVème Internationale contre la guerre continue celle que menèrent la IIème et la IIIème Internationales avant d’être brisées par l’impérialisme mondial.

    Dans tous les pays impérialistes en guerre – quelle que soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but fondamental de la IVème Internationale est la FRATERNISATION DES OUVRIERS ET DES PAYSANS SOUS L’UNIFORME. « Refuser de tirer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes », fraterniser, voilà l’arme essentielle que possèdent les exploités de tous les pays contre leurs exploiteurs.

    Toute autre attitude, toute réserve ou équivoque à ce sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière internationale et des masses laborieuses.

    Mais les pays en guerre ne sont pas tous des pays impérialistes ; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation et de l’internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème Internationale propose aux travailleurs des tâches immédiates différentes SELON LA NATURE IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE des pays (et non pas selon les formes politiques).

    Là où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes soumises au corps des officiers instrument des groupes financiers (par exemple la guerre de 39-40 entre la France et l’Allemagne, ou la guerre actuelle entre les Anglo-Américains et l’Allemagne), la IVème Internationale appelle les travailleurs des deux armées en lutte à cesser de s’entretuer et à fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n’est possible que par la lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique donc un affaiblissement du front (impérialiste) de l’armée la plus avancée dans la voie révolutionnaire ; cependant, comme cela a été expliqué au chapitre précédent, la défaite est un moindre mal quand elle est provoquée par la lutte révolutionnaire des ouvriers et des paysans : car pour pouvoir lutter contre l’impérialisme d’un autre pays, les travailleurs d’un pays impérialiste doivent d’abord liquider leur propre impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L’ IMPERIALISME ADVERSE LEUR RESERVE.

    Mais là où la guerre met aux prises une armée impérialiste et une armée non-impérialiste, comme par exemple la guerre entre l’Allemagne et l’URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés et « leurs » colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n’implique pas un affaiblissement du front de l’armée non-impérialiste : la IVème Internationale appelle les travailleurs de ces pays (non-impérialistes : URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES, malgré leur méfiance ou leur haine pour leur propre gouvernement, contre les armées impérialistes, qui ouvrent la voie au capital financier. Car dans les pays non-impérialistes, les travailleurs qui réussissent à écarter la menace impérialiste, peuvent, de ce fait même, lutter avec succès contre leur propre gouvernement réactionnaire.

    Cette attitude de défense de la part des travailleurs d’un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation avec les ouvriers et paysans de l’armée impérialiste qui les a attaqués ?

    NULLEMENT, si leur lutte apparaît clairement à ces derniers comme une lutte pour les intérêts communs des travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.

    S’il ne s’est encore rien produit de pareil sur le front germano-soviétique, c’est seulement parce que aux yeux des soldats allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par ses actes (mort aux Boches ! ), ne diffère en rien d’un quelconque gouvernement allié fauteur de la paix impérialiste de Versailles.

    Pour vaincre définitivement l’impérialisme, les travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie réactionnaire dirigeante et présenter aux peuples du monde entier leur véritable visage prolétarien.

    Contre la guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :

    Contre la politique chauvine et impérialiste des partis « socialistes » et « communistes » qui divise les travailleurs et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE L’INTERNATIONALISME OUVRIER !

    A BAS LES « BUTS DE GUERRE » IMPERIALISTES, la Charte de l’Atlantique, « l’ordre nouveau », etc... VIVE LE DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D’EUX-MEMES jusque et y compris la séparation de l’État qui les opprime !

    A BAS LA DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !

    DÉFENSE DE L’URSS en tant qu’Etat ouvrier PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).

    DÉFENSE DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE CHINOISE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE AU JAPON et dans le monde. DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE L’IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l’Inde contre l’Angleterre, de l’Afrique contre les impérialismes alliés, etc...

    A bas l’autarchie européenne de « l’ordre nouveau », à bas la main-mise du capital américain sur l’Europe, VIVENT LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE ! Seuls les Etats-Unis socialistes assurent la véritable égalité, entre les nations, grandes ou petites.

    Contre la domination du monde entier par deux grandes puissances, VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !
    LA LUTTE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE

    La déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobilisation, la censure, la défense passive, les réquisitions et la répression qui l’ont marquée, ont réveillé dans les masses la méfiance et l’hostilité contre les dirigeants capitalistes : les travailleurs n’avaient pas oublié les leçons de la première guerre impérialiste, les misères et les souffrances qu’ils avaient endurées pour le seul bénéfice de la bourgeoisie.

    Mais la lutte des masses contre les mesures de dictature et de terreur de #Daladier et #Reynaud (camps de concentration, emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et des groupements internationalistes, mise au pas des syndicats, peine de mort pour la propagande communiste) ne trouva pas un guide dévoué exclusivement aux intérêts des travailleurs : la politique du PC obéissait aux intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique, et ses tournants décontenançaient périodiquement les masses et les militants. Quant aux éléments internationalistes, ils étaient trop faibles numériquement pour exercer une influence efficace.

    C’est pourquoi, bien que favorable à la révolution, l’attitude des masses (qui repoussèrent d’instinct l’idéologie nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute de la bourgeoisie. Quand l’impérialisme français chancela sous les coups de l’impérialisme allemand, la classe ouvrière, sans direction, ne songea pas à créer les organes d’un Etat ouvrier (Conseils d’ouvriers et soldats), mais se dispersa sur les routes de France...

    L’exode mit fin pour les masses à l’expérience de la guerre « démocratique ». Mais la défaite de l’impérialisme français ne mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et prit un développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les couches populaires du monde entier. L’économie des pays mêlés à la guerre fut soumise à une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en vue de la guerre.

    Le pillage de la France par l’impérialisme allemand imposa aux masses une série de souffrances inouïes qui plongèrent brusquement le peuple français dans des conditions de vie insupportables.

    Mais comme la guerre sous la conduite de nos propres impérialistes (la « drôle de guerre ») n’avait pas eu le temps d’engendrer des maux à une si grande échelle, l’état d’esprit, des masses changea par rapport à celui du début de la guerre : les malheurs qui s’abattaient sur le peuple français n’étaient pas dus à la guerre elle même, à la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite engendrent les mêmes maux, mais à l’occupation étrangère, aux « Boches ». Les masses crurent d’autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu’à partir du début de la guerre entre l’URSS et l’impérialisme allemand le Parti « communiste » se mit à tenir le même langage que les impérialistes alliés.

    Voilà comment aujourd’hui, après quatre années et demie de guerre la classe ouvrière se trouve complètement dépourvue d’une perspective propre et est à la remorque de la bourgeoisie pour une soi-disant guerre de « libération ».

    Que vaut cette politique ? Pour la classe ouvrière, c’est accepter les pires souffrances non pas pour changer définitivement l’ordre des choses, mais dans l’espoir de revenir à la situation qui a précédé la guerre et qui nous y a menés.

    Cependant, quelles seraient les conditions économiques et politiques créées par une victoire alliée ? Peu de travailleurs se font des illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais ils espèrent que leur victoire déterminerait une amélioration de leur niveau de vie et ramènerait le respect des libertés ouvrières.

    Mais cette guerre, comme la première, est une #guerre_impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes financiers et pour renforcer l’#exploitation_capitaliste sur les masses. Si les capitalistes anglais et américains luttent contre l’Allemagne impérialiste ce n’est pas pour les peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n’est pas l’Allemagne seule, mais l’industrie, le capital financier européen (l’Allemagne, la France, l’Italie, la Hollande, la Belgique, etc...).

    Cela signifie que les conditions économiques instaurées par « l’ordre nouveau » (appauvrissement de tous les pays européens au profit des capitalistes allemands) seraient maintenues et aggravées par une victoire des impérialistes alliés : l’Europe entière réduite à la portion congrue constituerait pour les États-Unis un « hinterland » économique.

    En effet, à eux seuls, les #États-Unis, dont la production dans les principales branches représente de 60 à 80 % de la production mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour résoudre leurs propres contradictions économiques et sociales. C’est pour cela que leurs dirigeants les ont précipités dans la guerre. C’est donc s’exposer à de terribles désillusions que de croire que les États-Unis, où le chômage atteignit à un moment donné 12 à 13 millions d’hommes – 10% de la population totale ! – et où les « marches de la faim », le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales (persécution des Noirs, associations secrètes du type fasciste bien avant la naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la décomposition du capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l’Europe.

    La ruine irrémédiable de l’Europe peut bien soulager partiellement le capitalisme américain par l’écoulement d’une partie de ses produits industriels sur le continent dévasté. Mais les masses européennes plongées dans la misère, resteront devant l’abondance américaine sans avoir les moyens nécessaires pour payer.

    Et dans ces conditions d’aggravation des contradictions économiques, la #lutte_sociale s’aggraverait aussi : il n’y aura pas de place pour les libertés ni pour un développement pacifique des organisations et des droits ouvriers.

    Comment l’ouvrier conscient doit-il donc orienter la lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?

    Les aspirations profondes des masses, après quatre ans et demi de guerre, de misère et de terreur politique de la bourgeoisie, sont la PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s’agit d’orienter ces aspirations des ouvriers, de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES SOLUTIONS PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser.

    Le souci quotidien des travailleurs, c’est le pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant tout dans les usines, par une lutte pour l’augmentation des salaires. Il faut à chaque occasion tendre à l’unification des mouvements revendicatifs, éviter que les ouvriers des différents ateliers présentent isolément leurs revendications. C’est la grève qui constitue l’arme essentielle de la lutte revendicative. ET LA LUTTE GRÉVISTE POUR L’#AUGMENTATION_DES_SALAIRES CONSTITUE EN MEME TEMPS UN DES MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE #GUERRE.

    Mais la situation des ouvriers et des masses laborieuses ira toujours en s’aggravant (jusqu’à la famine) si le ravitaillement continue à se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la campagne ont été rompus par la guerre. Les #réquisitions de l’armée d’occupation et l’accaparement du trafic par les gros requins du marché noir avec la complicité des organes d’Etat, grugent les petits paysans et affament les villes. C’est la tâche directe des masses exploitées de la ville et de la campagne de rétablir les liens économiques entre elles. Le seul moyen d’améliorer la situation alimentaire est donc LE CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES #COMITES_D'USINE (élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus par les ménagères).

    Mais une solidarité définitive entre la ville et la campagne ne peut être établie que si les travailleurs peuvent fournir aux paysans, en échange des produits alimentaires, des produits industriels qui leur sont indispensables.

    Les travailleurs doivent dénoncer à toute la population paysanne et pauvre l’incapacité et la bestialité de la bourgeoisie qui a ruiné le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur expliquer que seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l’industrie vers les véritables besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des tanks !) peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant la revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du #CONTROLE_OUVRIER_SUR_LA_PRODUCTION.

    Or toute tentative d’arracher à la bourgeoisie le morceau de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de répression de l’#impérialisme_français et allemand. C’est pourquoi une lutte sérieuse pour le pain pose au premier plan la lutte politique pour le renversement du #régime_de_Vichy et de la #Gestapo.

    Les travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour la reconquête des droits de grève, de réunion, d’association et de presse.

    Une telle perspective exige une politique internationaliste visant à obtenir l’appui ou la neutralité des soldats allemands, sans lesquels il n’est pas possible de renverser le régime PAR LES FORCES PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.

    Mais la lutte contre la dictature politique de la bourgeoisie exige la CREATION DE #MILICES_OUVRIERES EN VUE DE L’ARMEMENT DU PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée par les travailleurs à condition qu’ils se pénètrent de la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes et de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et alliée.

    La réalisation de l’#armement du prolétariat peut faire un grand pas en avant si les travailleurs réfractaires réfugiés dans le maquis, déjà partiellement armés, parviennent à se soustraire au contrôle de l’impérialisme gaulliste et allié par l’élection démocratique des chefs.

    L’orientation de la lutte en ce sens n’a pas une importance vitale seulement pour le présent : Il s’agit avant tout de préparer l’avenir.

    En effet, dans les conditions crées par la guerre et désagrégation de l’économie, tout gouvernement qui s’appuierait sur les organes de l’État bourgeois (corps des officiers, police, haute administration, haute magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit sa phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes pour les objectifs immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter CONTRE LES ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D’ORGANES VERITABLEMENT DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus à l’échelle locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre l’Etat bourgeois.

    S’appuyant sur ces Comités, le Gouvernement ouvrier et paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même. Seul il peut résoudre les problèmes posés par la guerre ; seul il peut punir les criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre mondiale, qui ont détruit les organisations et les libertés ouvrières, qui ont organisé la déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer des dizaines de milliers de militants ouvriers.

    SEULE LA DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !

    A BAS LA REPUBLIQUE « DEMOCRATIQUE » ! VIVE LA REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !

    LA NOUVELLE INTERNATIONALE

    Comme nous l’avons vu, les conditions économiques de notre époque rendent nécessaire une lutte prolétarienne unifiée à l’échelle internationale. Les travailleurs d’un pays ne peuvent en aucune façon séparer leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de l’émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement du point de vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau de vie des travailleurs de France, de Belgique, d’Allemagne, de Hollande, etc... a son influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de même que le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d’Allemagne, etc... a ses répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.

    Il faut donc à la classe ouvrière un Etat-Major international : l’INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs, entre 1914 et 1933, ont assisté à l’écroulement de la IIème et de la IIIème Internationale. Aussi beaucoup d’ouvriers se demandent-ils avec inquiétude : à quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les précédentes ? Faudra-t-il toujours recommencer ?

    Mais la faillite des vieilles internationales n’a rien de décourageant. Aussi longtemps que le #capitalisme n’est pas définitivement renversé, les organisations créées parle prolétariat en vue de la lutte contre la bourgeoisie s’usent dans le combat ; il faut alors en créer de nouvelles.

    La IIème et la IIIème Internationale ont laissé derrière elles une œuvre durable. La #IIème_Internationale a répandu la doctrine socialiste parmi des millions d’ouvriers du monde entier, enracinant ainsi pour toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement ouvrier. Quant à la #IIIème_Internationale, elle a montré, leçon irremplaçable, comment on renverse la #bourgeoisie et a créé une économie planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème Internationale incombe d’achever le travail de la IIème et de la IIIème Internationale en instaurant LA #DICTATURE_DU_PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS LE MONDE ENTIER.

    Que les fatigués et les sceptiques, restent à l’écart les jeunes et les militants ouvriers qui ne veulent pas capituler devant l’impérialisme se mettront à l’école des idées de la IVème Internationale.

    Il faut reconstituer de nouveaux partis ouvriers communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque pays. Déjà des milliers d’ouvriers sur tous les continents, dans presque tous les pays, de l’URSS à l’Amérique, et de l’Afrique à la Chine, luttent sous le drapeau de la #IVème_Internationale.

    Car l’#avant-garde_prolétarienne n’est pas faite de militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI OUVRIER EST L’ŒUVRE DE LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience de sa force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers doivent surmonter les terribles conditions dans lesquelles ils vivent et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans la confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur propre éducation démocratique, exerceront leur esprit critique et choisiront les meilleurs d’entre eux pour coordonner leur action et multiplier les liaisons sur une échelle de plus en plus large.

    La classe ouvrière a pour elle le nombre, la place indispensable qu’elle occupe dans la production, et l’incapacité de la bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De plus « SA LIBERATION EST CELLE DE L’HUMANITÉ ENTIERE »

    Celle-ci se trouve aujourd’hui devant cette unique alternative : ou bien LA BARBARIE, c’est-à-dire que le prolétariat sera incapable de remplir sa mission historique et alors « le sang et les sueurs des classes laborieuses couleront éternellement dans les vases d’or d’une poignée de riches odieux » (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME, c’est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON PARTI QU’IL FORGERA A TRAVERS SES EPREUVES, accomplira sa mission par la #révolution_socialiste qui, une fois commencée, se répandra d’un pays à l’autre avec une force irrésistible ; dans ce cas : « Par l’exemple et avec l’aide des nations avancées, les nations arriérées seront emportées aussi dans le grand courant du socialisme. Les barrières douanières entièrement pourries tomberont. Les contradictions qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L’HUMANITE DELIVREE S’ELEVERA JUSQU’A SA PLEINE HAUTEUR ». (#Léon_Trotsky).

    #révolution_mondiale #deuxième_guerre_mondiale #barbarie #stalinisme #nazisme #impérialisme #communisme #lutte_de_classe #marxisme #léninisme #trotskisme #communisme_révolutionnaire

  • Les combats pour l’émancipation des femmes et le mouvement ouvrier | #conferenceLO #archiveLO (13 février 2016)

    https://www.lutte-ouvriere.org/publications/brochures/les-combats-pour-lemancipation-des-femmes-et-le-mouvement-ouvrier-65

    Sommaire :

    – L’oppression des femmes  une conséquence de l’apparition de la #propriété_privée
    – La participation des femmes du peuple à la #Révolution_française
    – Le #Code_civil_de_Napoléon  : un arsenal contre les femmes
    – La réaction n’étouffe pas la voix de celles et ceux qui veulent l’égalité
    – Pendant la #révolution_de_1830, des prolétaires hommes et femmes se battent pour le droit au travail
    – Pour les héritières du #saint-simonisme, la lutte des femmes est jumelle de celle des prolétaires
    – Le #Manifeste_du_Parti_communiste de #Marx et #Engels contre la propriété des femmes
    – Pendant la #révolution_de_1848, les femmes luttent pour le droit au travail et élisent leurs délégués à la Commission du Luxembourg
    – Le mouvement ouvrier face à la revendication du droit au travail pour les femmes
    – La #Commune_de_Paris, premier État dirigé par des ouvriers et des ouvrières
    – L’Union des femmes crée un embryon d’organisation ouvrière de la production
    – Le mouvement socialiste marxiste : un contre-pouvoir qui se construit en intégrant des militantes dans ses rangs
    – La jeunesse d’une ouvrière devenue dirigeante socialiste  : #Adelheid_Popp
    – Les #préjugés sexistes ou corporatistes divisent les forces de la classe ouvrière
    – L’exemple d’une grève à Nancy...
    – ... Un contre-exemple, à Méru, quand la classe ouvrière surmonte les divisions
    – Les organisations féministes bourgeoises... pour les droits des femmes, mais dans le cadre limité de la société capitaliste
    – En #Grande-Bretagne, les #suffragettes utilisent la violence pour briser l’étau qui réprime leurs revendications
    – La #Révolution_russe débute lors de la #Journée_internationale_des_femmes le 8 mars 1917
    – Le pouvoir bolchevique réalise ce pour quoi se battent les #féministes en Europe et aux États-Unis
    – L’échec de la #révolution_mondiale et la stalinisation de l’Internationale  : les idées de la bourgeoisie pénètrent les partis ouvriers | #stalinisme
    – Le #PCF et sa volonté d’intégrer la société bourgeoise
    – La renaissance du #mouvement_féministe dans les années 1960-1970  : en dehors des organisations réformistes du mouvement ouvrier
    – La situation des #femmes à l’heure où les forces réactionnaires sont à l’offensive
    – Dans les pays riches aussi, la #condition_des_femmes paie son tribut à la réaction
    – Pour la fin de l’#oppression_des_femmes, comme pour la libération de l’ensemble de la société, il est vital que renaisse le #mouvement_ouvrier

    #capitalisme #marxisme #sexisme

  • Une proposition de loi dédiée à la répression des squatteur.euse.s et des locataires - Paris-luttes.info
    https://paris-luttes.info/une-proposition-de-loi-dediee-a-la-16418

    Voici maintenant un petit aperçu de l’actuelle proposition de loi :

    3 ANS DE PRISON POUR LE SQUAT DE N’IMPORTE QUEL BATIMENT "A USAGE D’HABITATION"

    L’article 1-A inscrit un nouveau chapitre dans le Code Pénal : "De l’occupation frauduleuse d’un immeuble". Il comportera deux articles.
    Article 315-1 : "L’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un immeuble bâti à usage d’habitation appartenant à un tiers s’apparente à un vol."
    Article 315-2 : "Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de présenter un titre de propriété, un contrat de bail en cours de validité le liant au propriétaire de l’immeuble occupé ou une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien."

    L’article 1 modifie la violation de domicile dans le Code pénal (en gras et souligné, les ajouts) :
    Article 226-4 du Code Pénal : "L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale et qu’il soit meublé ou non, à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de un trois ans d’emprisonnement et de 15 45 000 euros d’amende."

    ELARGISSEMENT DE L’APPLICATION DE LA LOI ASAP AUX BATIMENTS SANS MEUBLES

    L’article 2 modifie une 2e fois l’article 38 de la loi DALO (2007) à la suite de la loi ASAP (2020). Depuis la loi ASAP, le Préfet peut expulser sans procédure des personnes squattant la propriété d’un particulier. Encore fallait-il que ce dernier prouve qu’il s’agissait de son domicile, par exemple en justifiant qu’il y avait des meubles à l’intérieur. Avec l’article 2 de cette nouvelle loi, il est bien précisé que cette expulsion express peut avoir lieu que le bâtiment soit "meublé ou non".

    DES EXPULSIONS DE LOCATAIRES ACCELEREES

    L’article 4 rend obligatoire la « clause de résiliation » dans un bail locatif. C’est-à-dire la résiliation automatique du contrat de location après « un commandement de payer demeuré infructueux » (qu’il s’agisse du loyer, des charges ou du dépôt de garantie). Privé.e de la protection du bail, le/la locataire encourt les mêmes peines de prison et d’amende que les squatteur.euses. En plus de ça, la loi supprime la possibilité donnée au/à la juge de suspendre la résiliation du bail si la/le locataire respecte les délais et modalités de paiement de sa dette fixés au moment du jugement. Les locataires devront payer leurs dettes, tout en étant mis.es dehors.
    Dans l’article 5, le proprio peut désormais demander l’expulsion de locataires après 1 mois d’impayés de loyers, contre 2 mois jusqu’ici.

    LES DELAIS ACCORDES AVANT L’EXPULSION DIVISES PAR TROIS

    L’article 5 modifie les délais qui peuvent être accordés par le/la juge aux mal logé.es avant une expulsion : actuellement compris entre trois mois et trois ans, ils seront réduits à un mois minimum et un an maximum.

    Petit Bonus pour la forme :
    Article 2 bis : Les propriétaires d’un immeuble périlleux ne seront plus responsables en cas d’accidents survenus à des occupant.es sans droit ni titre.
    Article 2 ter : L’expérimentation des baux précaires et des conventions d’occupation, créant un sous-marché du logement, est prolongée jusqu’en 2026.

    C’est la première fois qu’une loi entière porte exclusivement sur la répression des squatteur.euses et des locataires qui ne payent plus. Comme à chaque fois qu’une nouvelle loi voit le jour l’étau semble se resserer un peu plus sur les possibilités de se loger sans enrichir un.e proprio. De fait, une fois votée, elle compliquera la tâche, mais à quel point ?
    Il parait important de prendre en compte la différence entre les textes de loi et leur application, qui dépendra aussi de jurisprudences.
    Et puis, jusque là il a toujours existé des ruses et combines pour contourner certains obstacles juridiques au squat. Un objectif serait de continuer à les dénicher et se les partager, sous forme de brochures, d’ateliers de partage d’expériences, ou n’importe quoi d’autre.
    Par ailleurs, la solidarité face aux expulsions, en plus du soutien physique et moral qu’elle apporte, peut compliquer plus ou moins la tâche des expulseurs. A propos de ces derniers il est aussi toujours possible de trouver leurs adresses, en particulier celle des huissiers et des proprios, et leur montrer qu’ils n’agiront pas sans conséquences.