Attendue avec appréhension par les allocataires de #Pôle_emploi, la réforme de l’#assurance-chômage entre en vigueur vendredi 1er novembre.
Ils font partie des quelque 6 millions d’individus inscrits à Pôle emploi, sans aucun travail ou avec une activité réduite. Chacun d’eux a évidemment entendu parler de la réforme de l’assurance-chômage, qui commence à entrer en vigueur à partir du vendredi 1er novembre. Contactés par le biais de l’association Solidarités nouvelles face au chômage ou après un appel à témoignages lancé sur Lemonde.fr, ils racontent, sous un prénom d’emprunt, leur parcours et expriment leur appréhension face à des règles nouvelles qu’ils trouvent injustes
« C’est vraiment dégueulasse. Est-ce que l’on veut que les gens bossent à n’importe quel prix ? »
Marc était technicien en génie civil dans « l’industrie du BTP » lorsqu’il a perdu son emploi, en 2017. Depuis, ce trentenaire, domicilié au sud de l’Alsace, a décroché quelques #CDD – dans un établissement hospitalier puis au sein d’une entreprise de tissage. Dans les dispositions appliquées à compter de vendredi, il y en a une qui le préoccupe beaucoup : celle sur l’augmentation du temps de travail requis pour reconstituer son capital de droits à l’assurance-chômage.
A l’avenir, « il faudra que je trouve des contrats de plus de six mois » – ce qui n’a rien d’évident dans une économie où l’écrasante majorité des embauches s’effectue pour un mois ou moins. La dégressivité des allocations pour les personnes ayant des rémunérations élevées lorsqu’elles étaient en poste représente un autre changement qu’il désapprouve : « C’est vraiment dégueulasse. Ça va juste augmenter la précarité. Est-ce que l’on veut vraiment que les gens bossent à n’importe quel prix ? »
« Je suis anesthésiée »
Ce sentiment d’injustice, Laura, 45 ans, l’éprouve elle aussi, au plus profond d’elle-même. Employée par une société privée de garde d’enfants à domicile, dans la banlieue sud de Paris, elle va chercher un écolier à la sortie des cours et lui fait faire ses devoirs. Cette activité à temps partiel lui rapporte un tout petit salaire : un peu moins de 500 euros par mois. Elle touche par ailleurs l’aide personnalisée au logement (APL), qui couvre une large partie de son loyer, et sa mère lui apporte souvent une aide financière – jusqu’à 600 à 700 euros, certains mois.
La réforme ? « Ça ne changera rien. Ça ne servira qu’à enfoncer les plus démunis, à appauvrir les plus pauvres. » Elle aimerait faire plus d’heures mais le prestataire pour lequel elle travaille « n’en trouve pas » pour elle. Et les propositions que Pôle emploi lui envoie ne correspondent pas à ce qu’elle recherche. « Je suis anesthésiée », lâche-t-elle.
Fabien, 50 ans, a connu des hauts et des bas dans sa vie professionnelle. Gérant d’une entreprise de négoce dans le secteur de la chaudronnerie industrielle, il a dû mettre la clé sous la porte en 2015. De retour dans son Finistère natal, et sans ressources, il a basculé au RSA, avant de reprendre pied, de façon discontinue : un CDD de six mois – non renouvelé – dans une société de climatisation industrielle ; un autre contrat un peu plus court au sein d’une entreprise spécialisée dans l’énergie marine…
« Je ne me vois pas survivre avec une telle somme »
Mais « depuis la fin juin », plus rien. Pôle emploi le considère « comme une personne indépendante, qui n’a pas besoin de l’appui d’un conseiller » : « Du coup, je ne reçois quasiment aucune annonce de leur part. Le seul problème, c’est qu’il est compliqué, à 50 ans, de trouver du boulot. Dans le secteur de l’industrie, les entreprises préfèrent recruter des jeunes diplômés sans expérience. Alors je n’ai plus trop d’espoir de décrocher un CDI à mon âge. Et les périodes où je suis en activité ont tendance à se réduire au fil du temps. »
Pas étonnant, dans ce contexte, qu’il s’inquiète du durcissement des règles pour se maintenir dans l’assurance-chômage. A l’heure actuelle, son indemnisation atteint environ 1 500 euros par mois lorsqu’il ne travaille pas du tout. S’il épuise tous ses droits, elle sera remplacée par l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Soit 500 euros pour un individu seul : « Même si j’ai hérité de la maison où je réside, je ne me vois pas survivre avec une telle somme. »
« Entre deux CDD »
Depuis qu’elle s’est installée sur l’agglomération lyonnaise, en 1990, Yvonne, 51 ans, affirme n’avoir été embauchée qu’une seule fois pour une durée indéterminée. C’était dans un cabinet de commissaires aux comptes. « J’ai signé d’autres CDI, mais on ne m’a pas gardée à l’issue de la période d’essai. Ça m’est arrivé trois fois. » Malgré sa longue expérience en secrétariat, les opportunités qui se présentent sont rarement consistantes : « Ma conseillère de Pôle emploi m’a appelée il y a quelques jours en disant : “J’ai du travail pour vous.” C’était un mi-temps pour deux mois. J’ai refusé. » Quand elle fait acte de candidature, nombreuses sont les entreprises à ne pas donner suite. « Entre deux CDD », elle attend tantôt quelques semaines, tantôt jusqu’à un an.
« Ils tapent sur les petits »
« J’en ai vraiment marre de chercher : c’est usant et désespérant quand on le fait activement. Je me bouge, mais suis face à un mur. On ne veut plus de vous à partir de 45 ou 50 ans, alors même qu’il va falloir travailler plus longtemps avec la réforme des retraites. » Petit à petit, son capital de droits à l’assurance-chômage – qui lui permet de percevoir environ 1 000 euros par mois – s’amenuise et elle craint de ne pouvoir le reconstituer à l’avenir : « Cette réforme va nous pénaliser, financièrement, et fabriquer des pauvres. »
Etablie dans le sud de la Bretagne, Marie, 60 ans, intervient ponctuellement dans des entreprises pour dispenser des formations en techniques de relaxation. Une activité avec des creux fréquents en termes de charge horaire. Inscrite à Pôle emploi depuis plusieurs années, elle a effectué de nombreux allers-retours entre l’indemnisation de droit commun et l’ASS. « La précarité, ce n’est pas un choix », confie-t-elle.
Avec la réforme, « il va falloir travailler davantage sur des laps de temps plus courts » : « Or, ce n’est pas toujours possible, dans certains domaines, par manque de nouveaux clients. » Elle redoute de ne plus pouvoir bénéficier d’allocation en complément du revenu tiré des sessions qu’elle anime. « Vais-je continuer à pouvoir vivre de mon activité ? Ça va être compliqué, il faut que je trouve autre chose. Ou que je fasse pas mal de black, ce qui ne m’intéresse guère à quelques années de la retraite. » Elle se considère comme n’étant « pas trop à plaindre ». Sans enfant à charge, elle est par ailleurs propriétaire d’un logement, qu’elle pourra toujours vendre, en cas de nécessité. Mais « c’est un peu dur, ce qu’ils nous font », estime-t-elle : « Ils tapent sur les petits. »