• Maroc : « Le drapeau rouge frappé d’un pentagramme vert est le fruit de longues tractations avec la France »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/24/maroc-le-drapeau-rouge-frappe-d-un-pentagramme-vert-est-le-fruit-de-longues-

    Dans son nouveau livre, l’historien Nabil Mouline retrace les origines de l’étendard marocain. Un emblème qui a évolué avec l’histoire du royaume chérifien.

    Propos recueillis par Alexandre Aublanc (Casablanca), 24 janvier2024

    De quoi le drapeau rouge frappé d’une étoile verte est-il le symbole ? Du Maroc, assurément. Mais encore ? Que nous raconte cet emblème de l’histoire du royaume et quelle est la part de vérité dans les polémiques qui entourent sa construction ? Ces questions sont au cœur de Drapeaux du Maroc, le dernier ouvrage de Nabil Mouline, chercheur au CNRS, avec lequel Le Monde s’est entretenu à distance.

    Vous expliquez qu’il existait jusqu’au XIXe siècle une grande variété d’emblèmes au Maroc, avant que les puissances européennes ne décrètent le drapeau rouge comme unique étendard. Pourquoi ?

    L’évolution des drapeaux au Maroc est étroitement liée aux tumultes politiques, religieux et économiques qui ont marqué la trajectoire du pays depuis l’émergence de l’Etat marocain avec les Almoravides, au XIe siècle. En tant que « regalia » [objets symboliques de royauté], ces instruments de pouvoir ont incarné les aspirations de chaque dynastie à travers leurs formes, leurs couleurs et leurs inscriptions. Noir au départ, l’étendard impérial devient blanc entre le XIIe et le XVIIe siècle. Puis la monarchie adopte deux nouveaux emblèmes entre le XVIIe et le XIXe siècle. Alors que le vert exprime son autorité religieuse, le rouge révèle son pouvoir politique.
    Simultanément, en Europe, les évolutions vers la formation d’Etats-nations engendrent une transformation dans la conception des drapeaux. Chaque communauté politique doit désormais arborer son propre emblème, qui ne symbolise plus la centralité de la maison régnante, mais davantage les valeurs et les ambitions de la nation. L’Europe, en raison de sa supériorité idéologique et organisationnelle, impose petit à petit cette conception au reste du monde. Au Maroc, cette influence s’est manifestée par la consécration graduelle du drapeau rouge en tant que symbole étatique à partir des années 1870. D’abord indifférentes, les élites du sultanat, influencées par les idées européennes, finissent par l’adopter.

    L’origine du drapeau actuel fait débat. Sa paternité revient-elle au premier résident général du protectorat, Hubert Lyautey ?

    Depuis le début des années 1870 jusqu’en 1915, le drapeau étatique du Maroc est rouge, uniquement rouge. Mais après l’instauration du protectorat en 1912, un changement advient progressivement. En 1913, les employés de la douane imposent aux embarcations marocaines d’arborer un drapeau tricolore sur l’angle duquel se trouve un petit rectangle rouge chargé d’une étoile à cinq branches. Cette nouvelle marque distinctive déplaît profondément aux Marocains, car elle ne respecte pas la souveraineté théorique du pays. Pour éviter un conflit inutile, cette « innovation » est rapidement retirée.

    Commencent alors de longues tractations entre l’administration française et le Makhzen. Les deux parties finissent par trouver un terrain d’entente : maintenir l’emblème rouge en y ajoutant un pentagramme vert. Le sultan Youssef entérine ce changement en promulguant un rescrit impérial [dahir] le 17 novembre 1915. En réalité, les autorités n’ont fait qu’officialiser en quelque sorte le choix des douaniers, qui n’ont eux-mêmes fait que reprendre un symbole bien connu dans l’espace social marocain depuis des siècles. Comme le montrent les sources disponibles, Hubert Lyautey a joué un rôle mineur dans ce processus, mais certains mythes ont la peau dure.

    L’étoile présente sur le drapeau marocain est elle aussi sujette à polémique. Est-il vrai qu’elle était à l’origine à six branches, mais qu’elle a été remplacée par un pentagramme afin de se dissocier d’un symbole juif ?

    Les étoiles, particulièrement le pentagramme, l’hexagramme et l’octogramme, constituent l’un des piliers de l’art décoratif marocain depuis de longs siècles. Appelées indistinctement « sceau de Salomon », elles figurent sur différents supports, notamment à partir du VIIIe siècle. Si des étoiles à six branches et à huit branches ont été brodées sur des bannières et des fanions secondaires depuis au moins le XIIe siècle, elles n’ont jamais figuré sur le principal étendard des différentes dynasties. Lyautey ne pouvait donc pas modifier quelque chose qui n’avait aucune existence préalable.

    En réalité, ce mythe découle de ce qu’on appelle une confusion symbolique. Seuls quelques rares témoignages visuels nous permettent en effet de voir des drapeaux rouges étatiques portant des hexagrammes, après la promulgation du rescrit de 1915. D’ailleurs, l’usage de l’étoile à six branches, considérée jusqu’alors comme un symbole musulman, se perpétue tout au long de la première moitié du XXe siècle, particulièrement sur les pièces de monnaie. Ce n’est que quelques années après l’éclatement du conflit israélo-arabe que ce symbole disparaît des artéfacts marocains.
    S’il est l’héritier d’une longue tradition impériale, le drapeau du Maroc doit, selon vous, toute sa popularité au mouvement nationaliste.

    L’instauration du protectorat a engendré des transformations profondes au sein de la société marocaine. A partir des années 1920, le nationalisme surgit dans une partie de la jeunesse urbaine. Des organisations politiques émergent et cherchent, dès 1933, à exprimer et célébrer l’ancienneté, l’unité et la solidarité de la nation marocaine.

    Pour symboliser sa quête d’indépendance, c’est le drapeau rouge frappé d’un pentagramme vert qui va être choisi, notamment à travers la Fête du trône, le premier rituel national et séculier au sens moderne du terme. Cette manifestation politique incontournable va jouer un rôle primordial dans la popularisation de cet objet. Grâce à ce processus de réinvention et d’appropriation, l’insigne étatique lointain devient un véritable emblème national, surtout après son adoption définitive par l’institution monarchique en 1947.

    Drapeaux du Maroc, de Nabil Mouline, éd. Sochepress, 172 pages, 120 dirhams

    #Maroc #France #protectorat #colonisation #souveraineté

  • Les représentations de l’Afrique, de l’Antiquité au XIXe siècle

    Un chouette article de Isabelle Bernier (historienne) publié dans Futura Sciences sur les représentations cartographiques historiques de l’Afrique.

    "Le continent africain n’a pas connu de véritable colonisation européenne avant les années 1850 : les Portugais installent des comptoirs de commerce le long de ses côtes ouest et est, entre 1440 et 1498 ; du XVIe au XVIIIe siècle, l’Afrique intègre les circuits coloniaux mondiaux avec la traite des esclaves mais ce territoire immense reste inconnu des Européens, malgré de très nombreuses tentatives de cartographie."

    Lire la suite ; https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/histoire-representations-afrique-antiquite-xixe-siecle-11785

    Après m’être souvent posée la question de l’apparente absence de cartes africaines, réalisées par des africain.e.s, eux-mêmes, à l’instar d’autres peuples, j’ai beaucoup apprécié de lire la note que voici :
    « À noter :
    Les Africains se sont représenté leur territoire et ses limites mais les cartes ont été tracées sur des supports non pérennes ; ces représentations africaines de l’espace ont existé sous une forme dont on n’a plus de trace aujourd’hui.
     »

    Du coup, je me demande comment sait-on cela s’il n’y a pas de trace ?

    ht Nicolas Lambert (@nico_lambert)
    #representation #cartes #Afrique #histoire

    • [ Update ] Après avoir cherché, il semblerait qu’il existe bien des représentations géographiques, des « cartes » donc, réalisées en Afrique noire, en l’occurrence au Cameroun, qui ont été initiées avant l’arrivée des européens, réalisées lors des premières invasions.

      Ces documents, certains sont parvenus jusqu’à nous, constituent de vrais trésors. Ils méritent une attention et une investigation approfondie. Certains sont disponibles dans les archives allemandes... A suivre.
      Cela intéresserait-il quelqu’un.e ? un.e historien.ne ? étudiant.e ? ...

      #carte #ancienne #Kamerun #protectorat #royaume #civilisation

    • Moi ça m’intéresse en tant qu’amateur. Si tu veux les présenter sur visionscarto ça permettra peut-être de trouver la chercheuse motivée (et compétente) ?

    • @fil moi aussi ça m’intéresse en tant qu’amatrice :-)
      Je regarde ces éléments avec une amie d’enfance qui s’intéresse également à la cartographie. Il y a quand même un travail à faire qui devrait permettre de lever un voile, de remplir le blanc sur l’apparente absence de cartographie historique africaine, historique au sens d’avant l’arrivée des européens.
      On regarde uniquement le Cameroun...
      Avec plaisir pour présenter sur Visions Carto., après qu’on ait terminé la publication qui est actuellement engagée :-)

    • @nepthys : je ne sais pas ce qu’il en est par rapport à la liste que vous évoquez, je ne connais pas le corpus. Nous avons pu identifier quelques explorateurs géographes cartographes (hommes et femmes) allemands qui ont « cartographié » en l’occurrence le Cameroun (Kamerun). L’un d’entre eux à pour cela collaboré avec un roi local...

      Par rapport à cette liste, je suis très surprise de ne pas retrouver quelqu’un comme Max Moisel, par exemple.

      Si cela vous intéresse - et sans vouloir fermer cette conversation publique -, je vous propose de la poursuivre plus formellement, en incluant l’amie géographe qui s’intéresse également au sujet.

      Voici mon adresse email pro., n’hésitez pas à me contacter à ce sujet. francoise.bahoken<@>univ-eiffel.fr

  • Greece has become the EU’s third protectorate | openDemocracy
    https://www.opendemocracy.net/can-europe-make-it/jan-zielonka/greece-has-become-eu’s-third-protectorate

    Les protectorats de l’Union Européenne dans les Balkans : le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et désormais la Grèce.

    The EU looks increasingly like an empire, having just created its third protectorate in the Balkans. Greece will effectively be run by the EU the way Kosovo and Bosnia-Herzegovina already are.

    #Grèce #Bosnie_Herzégovine #Kosovo #protectorat #Union_Européenne

    • #Why_oh_why on se demande

      Why have Mrs. Merkel, Mr. Dijsselbloem and Mr. Juncker embraced these policies? Protectorates are by their nature utterly inefficient. Parachuted external envoys do not understand local culture, have no access to local networks, and apply solutions ill-suited to local environments. Cheating is the rule of the game in protectorates. The metropolis cannot admit its failure, and it therefore pretends that things are moving forward. The periphery cannot do without external help, but implementing imposed policies is not practical either. Even the most euro-enthusiastic observers stop short of arguing that EU policies in Kosovo, Bosnia-Herzegovina and now Greece are successful, but an exit strategy is feared even more than an ongoing stalemate.