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  • Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire » – Le populaire dans tous ses états - Gérard Noiriel
    https://noiriel.wordpress.com/2018/11/21/les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-lhistoire

    [...] La première différence avec les « #jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des #individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.

    La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.

    Cette caractéristique du mouvement est étroitement liée aux moyens utilisés pour coordonner l’action des acteurs de la lutte. Ce ne sont pas les organisations politiques et syndicales qui l’ont assurée par leurs moyens propres, mais les « réseaux sociaux ». Les nouvelles technologies permettent ainsi de renouer avec des formes anciennes « d’action directe », mais sur une échelle beaucoup plus vaste, car elles relient des individus qui ne se connaissent pas. Facebook, twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats (SMS) en remplaçant ainsi la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse militante qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations pour coordonner l’action collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.

    Toutefois les réseau sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des gilets jaunes. Les journalistes mettent constamment en avant ces « réseaux sociaux » pour masquer le rôle qu’ils jouent eux-mêmes dans la construction de l’action publique. Plus précisément, c’est la complémentarité entre les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue qui ont donné à ce mouvement sa dimension d’emblée nationale. Sa popularisation résulte en grande partie de l’intense « propagande » orchestrée par les grands médias dans les jours précédents. Parti de la base, diffusé d’abord au sein de petits réseaux via facebook, l’événement a été immédiatement pris en charge par les grands médias qui ont annoncé son importance avant même qu’il ne se produise. La journée d’action du 17 novembre a été suivie par les chaînes d’information continue dès son commencement, minute par minute, « en direct » (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). Les journalistes qui incarnent aujourd’hui au plus haut point le populisme (au sens vrai du terme) comme Eric Brunet qui sévit à la fois sur BFM-TV et sur RMC, n’ont pas hésité à endosser publiquement un gilet jaune, se transformant ainsi en porte-parole auto-désigné du peuple en lutte. Voilà pourquoi la chaîne a présenté ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».

    Une étude qui comparerait la façon dont les #médias ont traité la lutte des cheminots au printemps dernier et celle des gilets jaunes serait très instructive. Aucune des journées d’action des cheminots n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.

    Je suis convaincu que le traitement médiatique du mouvement des gilets jaunes illustre l’une des facettes de la nouvelle forme de démocratie dans laquelle nous sommes entrés et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » (cf son livre Principe du gouvernement représentatif, 1995). [...]

    C’est toujours la mise en œuvre de cette citoyenneté #populaire qui a permis l’irruption dans l’espace public de #porte-parole[s] qui étai[en]t socialement destinés à rester dans l’ombre. Le mouvement des gilets jaunes a fait émerger un grand nombre de porte-parole de ce type. Ce qui frappe, c’est la diversité de leur profil et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audio-visuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de « mépris » au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20% de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à la Chambre des députés. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.

    Mais ce genre d’analyse n’effleure même pas « les professionnels de la parole publique » que sont les journalistes des chaînes d’information continue. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être « récupérés » par les syndicats et les partis, ils poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. En ce sens, ils cautionnent la politique libérale d’Emmanuel Macron qui vise elle aussi à discréditer les structures collectives que se sont données les classes populaires au cours du temps.

    https://seenthis.net/messages/736409
    #histoire #luttes_sociales #action_politique #parole

    • La couleur des #gilets_jaunes
      par Aurélien Delpirou , le 23 novembre
      https://laviedesidees.fr/La-couleur-des-gilets-jaunes.html

      Jacquerie, révolte des périphéries, revanche des prolos… Les premières analyses du mouvement des gilets jaunes mobilisent de nombreuses prénotions sociologiques. Ce mouvement cependant ne reflète pas une France coupée en deux, mais une multiplicité d’interdépendances territoriales.
      La mobilisation des gilets jaunes a fait l’objet ces derniers jours d’une couverture médiatique exceptionnelle. Alors que les journalistes étaient à l’affut du moindre débordement, quelques figures médiatiques récurrentes se sont succédé sur les plateaux de télévision et de radio pour apporter des éléments d’analyse et d’interprétation du mouvement. Naturellement, chacun y a vu une validation de sa propre théorie sur l’état de la société française. Certains termes ont fait florès, comme jacquerie — qui désigne les révoltes paysannes dans la France d’Ancien Régime — lancé par Éric Zemmour dès le vendredi 16, puis repris par une partie de la presse régionale [1]. De son côté, Le Figaro prenait la défense de ces nouveaux ploucs-émissaires, tandis que sur Europe 1, Christophe Guilluy se réjouissait presque de la fronde de « sa » France périphérique — appelée plus abruptement cette France-là par Franz-Olivier Giesbert — et Nicolas Baverez dissertait sur la revanche des citoyens de base.

      Au-delà de leur violence symbolique et de leur condescendance, ces propos répétés ad nauseam urbi et orbi disent sans aucun doute moins de choses sur les gilets jaunes que sur les représentations sociales et spatiales de leurs auteurs. Aussi, s’il faudra des enquêtes approfondies et le recul de l’analyse pour comprendre ce qui se joue précisément dans ce mouvement, il semble utile de déconstruire dès maintenant un certain nombre de prénotions qui saturent le débat public. Nous souhaitons ici expliciter quatre d’entre elles, formalisées de manière systématique en termes d’opposition : entre villes et campagnes, entre centres-villes et couronnes périurbaines, entre bobos et classes populaires, entre métropoles privilégiées et territoires oubliés par l’action publique. À défaut de fournir des grilles de lecture stabilisées, la mise à distance de ces caricatures peut constituer un premier pas vers une meilleure compréhension des ressorts et des enjeux de la contestation en cours.

    • Classes d’encadrement et prolétaires dans le « mouvement des gilets jaunes »
      https://agitationautonome.com/2018/11/25/classes-dencadrement-et-proletaires-dans-le-mouvement-des-gilets-

      La mobilisation protéiforme et interclassiste des « gilets jaunes » donne à entendre une colère se cristallisant dans des formes et des discours différents selon les blocages et les espaces, créant une sorte d’atonie critique si ce n’est des appels romantiques à faire peuple, comme nous le montrions ici.
      [Des gilets jaunes à ceux qui voient rouge
      https://agitationautonome.com/2018/11/22/des-gilets-jaunes-a-ceux-qui-voient-rouge/]

      Reste un travail fastidieux : s’intéresser à une semaine de mobilisation à travers les structures spatiales et démographiques qui la traversent et qui nous renseignent sur sa composition sociale.

    • Gérard Noiriel : « Les “gilets jaunes” replacent la question sociale au centre du jeu politique », propos recueillis par Nicolas Truong.

      Dans un entretien au « Monde », l’historien considère que ce #mouvement_populaire tient plus des sans-culottes et des communards que du poujadisme ou des jacqueries.

      Historien et directeur d’études à l’EHESS, Gérard Noiriel a travaillé sur l’histoire de l’immigration en France (Le Creuset français. Histoire de l’immigration, Seuil, 1988), sur le racisme (Le Massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893, Fayard, 2010), sur l’histoire de la classe ouvrière (Les Ouvriers dans la société française, Seuil, 1986) et sur les questions interdisciplinaires et épistémologiques en histoire (Sur la « crise » de l’histoire, Belin, 1996). Il vient de publier Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours (Agone, 832 p., 28 euros) et propose une analyse socio-historique du mouvement des « gilets jaunes ».

      Qu’est-ce qui fait, selon vous, l’originalité du mouvement des « gilets jaunes », replacé dans l’histoire des luttes populaires que vous avez étudiée dans votre dernier livre ?

      Dans cet ouvrage, j’ai tenté de montrer qu’on ne pouvait pas comprendre l’histoire des #luttes_populaires si l’on se contentait d’observer ceux qui y participent directement. Un mouvement populaire est une relation sociale qui implique toujours un grand nombre d’acteurs. Il faut prendre en compte ceux qui sont à l’initiative du mouvement, ceux qui coordonnent l’action, ceux qui émergent en tant que porte-parole de leurs camarades, et aussi les commentateurs qui tirent les « enseignements du conflit ». Autrement dit, pour vraiment comprendre ce qui est en train de se passer avec le mouvement des « gilets jaunes », il faut tenir tous les bouts de la chaîne.

      Je commencerais par la fin, en disant un mot sur les commentateurs. Etant donné que ce conflit social est parti de la base, échappant aux organisations qui prennent en charge d’habitude les revendications des citoyens, ceux que j’appelle les « professionnels de la parole publique » ont été particulièrement nombreux à s’exprimer sur le sujet. La nouveauté de cette lutte collective les a incités à rattacher l’inconnu au connu ; d’où les nombreuses comparaisons historiques auxquelles nous avons eu droit. Les conservateurs, comme Eric Zemmour, ont vu dans le mouvement des « gilets jaunes » une nouvelle jacquerie. Les retraités de la contestation, comme Daniel Cohn-Bendit, ont dénoncé une forme de poujadisme. De l’autre côté du spectre, ceux qui mettent en avant leurs origines populaires pour se présenter comme des porte-parole légitimes des mouvements sociaux, à l’instar des philosophes Michel Onfray ou Jean-Claude Michéa, se sont emparés des « gilets jaunes » pour alimenter leurs polémiques récurrentes contre les élites de Sciences Po ou de Normale Sup. Les « gilets jaunes » sont ainsi devenus les dignes successeurs des sans-culottes et des communards, luttant héroïquement contre les oppresseurs de tout poil.

      La comparaison du mouvement des « gilets jaunes » avec les jacqueries ou le poujadisme est-elle justifiée ?

      En réalité, aucune de ces références historiques ne tient vraiment la route. Parler, par exemple, de jacquerie à propos des « gilets jaunes » est à la fois un anachronisme et une insulte. Le premier grand mouvement social qualifié de jacquerie a eu lieu au milieu du XIVe siècle, lorsque les paysans d’Ile-de-France se sont révoltés contre leurs seigneurs. La source principale qui a alimenté pendant des siècles le regard péjoratif porté sur ces soulèvements populaires, c’est le récit de Jean Froissart, l’historien des puissants de son temps, rédigé au cours des années 1360 et publié dans ses fameuses Chroniques. « Ces méchants gens assemblés sans chef et sans armures volaient et brûlaient tout, et tuaient sans pitié et sans merci, ainsi comme chiens enragés. » Le mot « jacquerie » désignait alors les résistances des paysans que les élites surnommaient « les Jacques », terme méprisant que l’on retrouve dans l’expression « faire le Jacques » (se comporter comme un paysan lourd et stupide).
      Mais la grande jacquerie de 1358 n’avait rien à voir avec les contestations sociales actuelles. Ce fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire. A l’époque, les mouvements sociaux étaient localisés et ne pouvaient pas s’étendre dans tout le pays, car le seul moyen de communication dont disposaient les émeutiers était le bouche-à-oreille.

      Ce qui a fait la vraie nouveauté des « gilets jaunes », c’est la dimension d’emblée nationale d’une mobilisation qui a été présentée comme spontanée. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action du 17 novembre a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé à d’autres manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’#actions_groupusculaires réparties sur tout le #territoire.

      « La dénonciation du mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires »

      Comment peut-on expliquer qu’un mouvement spontané, parti de la base, sans soutien des partis et des syndicats, ait pu se développer ainsi sur tout le territoire national ?

      On a beaucoup insisté sur le rôle des réseaux sociaux. Il est indéniable que ceux-ci ont été importants pour lancer le mouvement. Facebook, Twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats qui tendent à remplacer la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse d’opinion, qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations militantes pour coordonner l’#action_collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.

      Néanmoins, les #réseaux_sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des « gilets jaunes ». Les journées d’action du 17 et du 24 novembre ont été suivies par les chaînes d’#information_en_continu dès leur commencement, minute par minute, en direct. Le samedi 24 novembre au matin, les journalistes étaient plus nombreux que les « gilets jaunes » aux Champs-Elysées. Si l’on compare avec les journées d’action des cheminots du printemps dernier, on voit immédiatement la différence. Aucune d’entre elles n’a été suivie de façon continue, et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes. Cet automne, on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.

      Je pense que le mouvement des « gilets jaunes » peut être rapproché de la manière dont Emmanuel Macron a été élu président de la République, lui aussi par surprise et sans parti politique. Ce sont deux illustrations du nouvel âge de la démocratie dans lequel nous sommes entrés, et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » dans son livre Principe du gouvernement représentatif, Calmann-Lévy, 1995). De même que les électeurs se prononcent en fonction de l’offre politique du moment – et de moins en moins par fidélité à un parti politique –, les mouvements sociaux éclatent aujourd’hui en fonction d’une conjoncture et d’une actualité précises. Avec le recul du temps, on s’apercevra peut-être que l’ère des partis et des syndicats a correspondu à une période limitée de notre histoire, l’époque où les liens à distance étaient matérialisés par la #communication_écrite.

      La France des années 1930 était infiniment plus violente que celle d’aujourd’hui

      La journée du 24 novembre a mobilisé moins de monde que celle du 17, mais on a senti une radicalisation du mouvement, illustrée par la volonté des « gilets jaunes » de se rendre à l’Elysée. Certains observateurs ont fait le rapprochement avec les manifestants du 6 février 1934, qui avaient fait trembler la République en tentant eux aussi de marcher sur l’Elysée. L’analogie est-elle légitime ?

      Cette comparaison n’est pas crédible non plus sur le plan historique. La France des années 1930 était infiniment plus violente que celle d’aujourd’hui. Les manifestants du 6 février 1934 étaient très organisés, soutenus par les partis de droite, encadrés par des associations d’anciens combattants et par des ligues d’extrême droite, notamment les Croix de feu, qui fonctionnaient comme des groupes paramilitaires. Leur objectif explicite était d’abattre la République. La répression de cette manifestation a fait 16 morts et quelque 1 000 blessés. Le 9 février, la répression de la contre-manifestation de la gauche a fait 9 morts. Les journées d’action des « gilets jaunes » ont fait, certes, plusieurs victimes, mais celles-ci n’ont pas été fusillées par les forces de l’ordre. C’est le résultat des accidents causés par les conflits qui ont opposé le peuple bloqueur et le peuple bloqué.

      Pourtant, ne retrouve-t-on pas aujourd’hui le rejet de la politique parlementaire qui caractérisait déjà les années 1930 ?

      La défiance populaire à l’égard de la #politique_parlementaire a été une constante dans notre histoire contemporaine. La volonté des « gilets jaunes » d’éviter toute récupération politique de leur mouvement s’inscrit dans le prolongement d’une critique récurrente de la conception dominante de la citoyenneté. La bourgeoisie a toujours privilégié la délégation de pouvoir : « Votez pour nous et on s’occupe de tout ».

      Néanmoins, dès le début de la Révolution française, les sans-culottes ont rejeté cette dépossession du peuple, en prônant une conception populaire de la #citoyenneté fondée sur l’#action_directe. L’une des conséquences positives des nouvelles technologies impulsées par Internet, c’est qu’elles permettent de réactiver cette pratique de la citoyenneté, en facilitant l’action directe des citoyens. Les « gilets jaunes » qui bloquent les routes en refusant toute forme de récupération politique s’inscrivent confusément dans le prolongement du combat des sans-culottes en 1792-1794, des citoyens-combattants de février 1848, des communards de 1870-1871 et des anarcho-syndicalistes de la Belle Epoque.

      Lorsque cette pratique populaire de la citoyenneté parvient à se développer, on voit toujours émerger dans l’espace public des #porte-parole qui étaient socialement destinés à rester dans l’ombre. Ce qui frappe, dans le mouvement des « gilets jaunes », c’est la diversité de leurs profils, et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audiovisuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de mépris au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20 % de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à l’Assemblée. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.

      Si les chaînes d’information en continu ont joué un tel rôle dans le développement du mouvement, comment expliquer que des « gilets jaunes » s’en soient pris physiquement à des journalistes ?

      Je pense que nous assistons aujourd’hui à un nouvel épisode dans la lutte, déjà ancienne, que se livrent les #politiciens et les #journalistes pour apparaître comme les véritables représentants du peuple. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être récupérés par les syndicats et les partis, les médias poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. Le fait que des journalistes aient endossé publiquement un gilet jaune avant la manifestation du 17 novembre illustre bien cette stratégie ; laquelle a été confirmée par les propos entendus sur les chaînes d’information en continu présentant ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».

      Pourtant, la journée du 24 novembre a mis à nu la contradiction dans laquelle sont pris les nouveaux médias. Pour ceux qui les dirigent, le mot « populaire » est un synonyme d’#audience. Le soutien qu’ils ont apporté aux « gilets jaunes » leur a permis de faire exploser l’Audimat. Mais pour garder leur public en haleine, les chaînes d’information en continu sont dans l’obligation de présenter constamment un spectacle, ce qui incite les journalistes à privilégier les incidents et la violence. Il existe aujourd’hui une sorte d’alliance objective entre les casseurs, les médias et le gouvernement, lequel peut discréditer le mouvement en mettant en exergue les comportements « honteux » des manifestants (comme l’a affirmé le président de la République après la manifestation du 24 novembre). C’est pourquoi, même s’ils ne sont qu’une centaine, les casseurs sont toujours les principaux personnages des reportages télévisés. Du coup, les « gilets jaunes » se sont sentis trahis par les médias, qui les avaient soutenus au départ. Telle est la raison profonde des agressions inadmissibles dont ont été victimes certains journalistes couvrant les événements. Comme on le voit, la défiance que le peuple exprime à l’égard des politiciens touche également les journalistes.

      Ceux qui ont qualifié de « poujadiste » le mouvement des « gilets jaunes » mettent en avant leur revendication centrale : le refus des nouvelles taxes sur le carburant. Cette dimension antifiscale était en effet déjà très présente dans le mouvement animé par Pierre Poujade au cours des années 1950.

      Là encore, je pense qu’il faut replacer le mouvement des « gilets jaunes » dans la longue durée pour le comprendre. Les luttes antifiscales ont toujours joué un rôle extrêmement important dans l’histoire populaire de la France. L’Etat français s’est définitivement consolidé au début du XVe siècle, quand Charles VII a instauré l’impôt royal permanent sur l’ensemble du royaume. Dès cette époque, le rejet de l’#impôt a été une dimension essentielle des luttes populaires. Mais il faut préciser que ce rejet de l’impôt était fortement motivé par le sentiment d’injustice qui animait les classes populaires, étant donné qu’avant la Révolution française, les « privilégiés » (noblesse et clergé), qui étaient aussi les plus riches, en étaient dispensés. Ce refus des injustices fiscales est à nouveau très puissant aujourd’hui, car une majorité de Français sont convaincus qu’ils payent des impôts pour enrichir encore un peu plus la petite caste des ultra-riches, qui échappent à l’impôt en plaçant leurs capitaux dans les paradis fiscaux.

      On a souligné, à juste titre, que le mouvement des « gilets jaunes » était une conséquence de l’appauvrissement des classes populaires et de la disparition des services publics dans un grand nombre de zones dites « périphériques ». Néanmoins, il faut éviter de réduire les aspirations du peuple à des revendications uniquement matérielles. L’une des inégalités les plus massives qui pénalisent les classes populaires concerne leur rapport au langage public. Dans les années 1970, Pierre Bourdieu avait expliqué pourquoi les syndicats de cette époque privilégiaient les revendications salariales en disant qu’il fallait trouver des mots communs pour nommer les multiples aspects de la souffrance populaire. C’est pourquoi les porte-parole disaient « j’ai mal au salaire » au lieu de dire « j’ai mal partout ». Aujourd’hui, les « gilets jaunes » crient « j’ai mal à la taxe » au lieu de dire « j’ai mal partout ». Il suffit d’écouter leurs témoignages pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général. Dans l’un des reportages diffusés par BFM-TV, le 17 novembre, le journaliste voulait absolument faire dire à la personne interrogée qu’elle se battait contre les taxes, mais cette militante répétait sans cesse : « On en a ras le cul », « On en a marre de tout », « Ras-le-bol généralisé ».
      « Avoir mal partout » signifie aussi souffrir dans sa dignité. C’est pourquoi la dénonciation du #mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires et celle des « gilets jaunes » n’a fait que confirmer la règle. On a entendu un grand nombre de propos exprimant un #sentiment d’humiliation, lequel nourrit le fort ressentiment populaire à l’égard d’Emmanuel Macron. « L’autre fois, il a dit qu’on était des poujadistes. J’ai été voir dans le dico, mais c’est qui ce blaireau pour nous insulter comme ça ? » Ce témoignage d’un chauffeur de bus, publié par Mediapart le 17 novembre, illustre bien ce rejet populaire.

      Comment expliquer cette focalisation du mécontentement sur Emmanuel Macron ?

      J’ai analysé, dans la conclusion de mon livre, l’usage que le candidat Macron avait fait de l’histoire dans son programme présidentiel. Il est frappant de constater que les classes populaires en sont totalement absentes. Dans le panthéon des grands hommes à la suite desquels il affirme se situer, on trouve Napoléon, Clémenceau, de Gaulle, mais pas Jean Jaurès ni Léon Blum. Certes, la plupart de nos dirigeants sont issus des classes supérieures, mais jusque-là, ils avaient tous accumulé une longue expérience politique avant d’accéder aux plus hautes charges de l’Etat ; ce qui leur avait permis de se frotter aux réalités populaires. M. Macron est devenu président sans aucune expérience politique. La vision du monde exprimée dans son programme illustre un ethnocentrisme de classe moyenne supérieure qui frise parfois la naïveté. S’il concentre aujourd’hui le rejet des classes populaires, c’est en raison du sentiment profond d’injustice qu’ont suscité des mesures qui baissent les impôts des super-riches tout en aggravant la taxation des plus modestes.

      On a entendu aussi au cours de ces journées d’action des slogans racistes, homophobes et sexistes. Ce qui a conduit certains observateurs à conclure que le mouvement des « gilets jaunes » était manipulé par l’#extrême_droite. Qu’en pensez-vous ?

      N’en déplaise aux historiens ou aux sociologues qui idéalisent les résistances populaires, le peuple est toujours traversé par des tendances contradictoires et des jeux internes de domination. Les propos et les comportements que vous évoquez sont fréquents dans les mouvements qui ne sont pas encadrés par des militants capables de définir une stratégie collective et de nommer le mécontentement populaire dans le langage de la #lutte_des_classes. J’ai publié un livre sur le massacre des Italiens à Aigues-Mortes, en 1893, qui montre comment le mouvement spontané des ouvriers français sans travail (qu’on appelait les « trimards ») a dégénéré au point de se transformer en pogrom contre les saisonniers piémontais qui étaient embauchés dans les salins. Je suis convaincu que si les chaînes d’information en continu et les smartphones avaient existé en 1936, les journalistes auraient pu aussi enregistrer des propos xénophobes ou racistes pendant les grèves. Il ne faut pas oublier qu’une partie importante des ouvriers qui avaient voté pour le Front populaire en mai-juin 1936 ont soutenu ensuite le Parti populaire français de Jacques Doriot, qui était une formation d’extrême droite.

      Comment ce mouvement peut-il évoluer, selon vous ?

      L’un des côtés très positifs de ce mouvement tient au fait qu’il replace la question sociale au centre du jeu politique. Des hommes et des femmes de toutes origines et d’opinions diverses se retrouvent ainsi dans un combat commun. La symbolique du gilet jaune est intéressante. Elle donne une identité commune à des gens très différents, identité qui évoque le peuple en détresse, en panne sur le bord de la route. Néanmoins, il est certain que si le mouvement se pérennise, les points de vue différents, voire opposés, qui coexistent aujourd’hui en son sein vont devenir de plus en plus visibles. On peut, en effet, interpréter le combat antifiscal des « gilets jaunes » de deux façons très différentes. La première est libérale : les « gilets jaunes » rejetteraient l’impôt et les taxes au nom de la liberté d’entreprendre. Selon la seconde interprétation, au contraire, est qu’ils combattent les inégalités face à l’impôt, en prônant une redistribution des finances publiques au profit des laissés-pour-compte.

      L’autre grand problème auquel va se heurter le mouvement concerne la question de ses représentants. Les nombreux « gilets jaunes » qui ont été interviewés dans les médias se sont définis comme les porte-parole de la France profonde, celle qu’on n’entend jamais. Issus des milieux populaires, ils sont brutalement sortis de l’ombre. Leur vie a été bouleversée et ils ont été valorisés par les nombreux journalistes qui les ont interviewés ou filmés. Beaucoup d’entre eux vont retomber dans l’anonymat si le mouvement se donne des porte-parole permanents. Ce qui risque d’affaiblir la dimension populaire de la lutte, car il y a de grandes chances que ces représentants soient issus de la classe moyenne, c’est-à-dire des milieux sociaux ayant plus de facilité pour s’exprimer en public, pour structurer des actions collectives.

    • « Gilets jaunes », les habits neufs de la révolte fiscale, entretien avec l’historien Nicolas Delalande, par Anne Chemin

      Selon l’historien Nicolas Delalande, le mouvement actuel s’inscrit dans une longue tradition de contestation, qui conspue l’Etat tout en réclamant sa protection.

      Chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po, ­Nicolas Delalande, spécialiste de l’histoire de l’Etat, des solidarités et des inégalités, est l’un des maîtres d’œuvre de l’Histoire mondiale de la France (Seuil, 2017). Il a publié Les Batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours (Seuil, 2011). Il publie en février 2019 un livre sur l’internationalisme ouvrier de 1864 à 1914, La Lutte et l’Entraide (Seuil, 368 pages, 24 euros).

      Pouvez-vous situer le mouvement des « gilets jaunes » par rapport aux « révoltes fiscales » apparues depuis les années 1970 en France et aux Etats-Unis ?

      La révolte fiscale a souvent été présentée comme un archaïsme, une forme de mobilisation « pré-moderne » que la démocratie libérale et le progrès économique devaient rendre résiduelle. Le mouvement poujadiste des années 1950 fut ainsi interprété comme l’ultime résistance d’un monde de petits artisans et de commerçants voué à disparaître. Ce qui était censé appartenir au monde d’avant est pourtant toujours d’actualité…

      Le mouvement des « gilets jaunes » s’inscrit dans une vague de regain des contestations fiscales. C’est dans les années 1970, aux Etats-Unis, que le thème de la « révolte fiscale » fait son retour. Disparate et composite, cette mobilisation contre le poids des taxes sur la propriété débouche sur l’ultralibéralisme des années Reagan (1981-1989). Le mouvement du Tea Party, lancé en 2008, radicalise plus encore cette attitude de rejet viscéral de l’impôt. Il n’est pas sans lien avec la désignation de Donald Trump comme candidat républicain en 2016.

      En France, c’est dans les années 1980 que l’antifiscalisme refait surface comme langage politique. Après la crise de 2008, les protestations se multiplient, dans un contexte d’augmentation des impôts et de réduction des dépenses. La nouveauté des « gilets jaunes », par rapport aux « pigeons » ou aux « bonnets rouges », tient à l’absence de toute organisation patronale ou syndicale parmi leurs initiateurs.

      Ces mouvements rejettent en général les étiquettes politiques ou syndicales. Comment définiriez-vous leur rapport au politique ?

      Au-delà des militants d’extrême droite qui cherchent sûrement à en tirer profit, la mobilisation touche des catégories populaires et des classes moyennes qui entretiennent un rapport distant avec la politique au sens électoral du terme : beaucoup déclarent ne plus voter depuis longtemps. Cela ne veut pas dire que les messages portés ne sont pas de nature politique. Le rejet des élites, du centralisme parisien et des taxes en tout genre appartient à un répertoire politique, celui des « petits contre les gros », dont l’origine, en France, remonte à la fin du XIXe siècle. Aux Etats-Unis, c’est aussi dans les années 1890 que naît le « populisme », un courant de défense des petits fermiers contre les trusts et l’oligarchie. Son originalité est d’être favorable à la régulation, plutôt qu’hostile à toute forme d’intervention publique.

      Au XXe siècle, les mouvements antifiscaux penchaient plutôt à droite. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?

      Parler au nom des contribuables, dans les années 1930, est très situé politiquement. En 1933, la « Journée nationale des contribuables » rassemble des adversaires convaincus de la gauche qui sont hostiles à la « spoliation fiscale et étatiste ». Les commerçants ferment leurs boutiques, les manifestants défilent en voiture et en camion, et on appelle à monter à Paris pour défier le pouvoir. La coagulation des mécontentements prend alors une connotation antirépublicaine qui culmine lors de la journée du 6 février 1934.

      Mais la gauche n’est pas complètement absente de ces mouvements. Au XIXe siècle, les républicains et les socialistes furent souvent les premiers à critiquer le poids des taxes sur la consommation. Dans les années 1930 et au début du mouvement Poujade (1953-1958), les communistes ont soutenu des actions locales de protestation au nom de la dénonciation de l’injustice fiscale. Reste que la critique de l’injustice fiscale peut prendre des directions très différentes : certains appellent à faire payer les riches quand d’autres attaquent le principe même de l’impôt. En France, ces mouvements ont presque toujours été marqués par cette ambiguïté : on conspue l’Etat tout en réclamant sa protection.

      On a longtemps pensé que les révoltes fiscales disparaîtraient avec les régimes démocratiques, l’impôt devenant le fruit d’une délibération collective. Comment expliquer cette renaissance de la contestation fiscale ?

      La contestation antifiscale est toujours le symptôme d’un dysfonctionnement plus profond des institutions. La dévitalisation du pouvoir parlementaire, sous la Ve République, est à l’évidence une des causes profondes du phénomène. A l’origine, le Parlement devait assurer la représentation des citoyens, qui sont à la fois des contribuables et des usagers des services publics. La délibération devait produire le consentement, tout comme la capacité du pouvoir législatif à contrôler les dépenses de l’Etat. Dès lors que le pouvoir théorise sa verticalité et dénie la légitimité des corps intermédiaires, ne reste plus que le face-à-face surjoué entre le contribuable en colère et le dirigeant désemparé. L’émergence de ces formes nouvelles de protestation est la conséquence logique de cette incapacité du pouvoir à trouver des relais dans la société.

      Ce « ras-le-bol fiscal » ne s’accompagne pas d’un mouvement de refus de paiement de l’impôt. Est-ce le signe que malgré tout, le compromis fiscal est encore solide ?

      C’est une des constantes de la protestation fiscale en France : la rhétorique anti-impôts y est d’autant plus forte qu’elle ne remet pas en cause l’architecture globale des prélèvements. A ce titre, les formes discrètes d’évitement et de contournement de l’impôt auxquelles se livrent les plus favorisés sont bien plus insidieuses. Leur langage est certes plus policé, mais leurs effets sur les inégalités et l’affaissement des solidarités sont plus profonds.

      Les « gilets jaunes » protestent contre l’instauration d’une taxe destinée à décourager l’usage du diesel en augmentant son prix. Comment ces politiques de #gouvernement_des_conduites sont-elles nées ?

      Les projets de transformation des conduites par la fiscalité remontent au XIXe siècle. Des réformateurs imaginent très tôt que l’#Etat puisse, à travers la modulation de l’impôt, encourager ou sanctionner certains comportements. Cette fiscalité porte sur des sujets aussi divers que la natalité, le luxe ou la consommation d’alcool et de tabac. Mais on perçoit très vite que l’Etat pourrait trouver un intérêt financier à la perpétuation des conduites qu’il est censé combattre par l’impôt.

      Dire que la justice consisterait, au XXIe siècle, à transférer la charge de l’impôt du travail vers les activités polluantes est à cet égard un contresens lourd de malentendus. Une taxe sur le diesel, aussi vertueuse et nécessaire soit-elle, reste une taxe sur la consommation qui frappe un bien de première nécessité. La transition écologique a peu de chances d’aboutir si elle ne s’articule pas à une recherche de justice fiscale et sociale.

    • « Les “gilets jaunes” sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social »

      Pour un collectif de membres d’Attac et de la fondation Copernic, le mouvement de revendications fera date en dépit de certains dérapages, car il peut permettre de dépasser une crise généralisée, qui touche également la #gauche.

      Tribune. La colère sociale a trouvé avec le mouvement des « gilets jaunes » une expression inédite. Le caractère néopoujadiste et antifiscaliste qui semblait dominer il y a encore quelques semaines et les tentatives d’instrumentalisation de l’extrême droite et de la droite extrême ont été relativisés par la dynamique propre du mouvement, qui s’est considérablement élargi, et la conscience que les taxes sur l’essence étaient « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ».

      Quelques dérapages homophobes ou racistes, certes marginaux mais néanmoins détestables, et des incidents quelquefois graves n’en ternissent pas le sens. Ce mouvement d’auto-organisation populaire fera date et c’est une bonne nouvelle.

      Le mouvement des « gilets jaunes » est d’abord le symptôme d’une crise généralisée, celle de la représentation politique et sociale des classes populaires. Le mouvement ouvrier organisé a longtemps été la force qui cristallisait les mécontentements sociaux et leur donnait un sens, un imaginaire d’émancipation. La puissance du néolibéralisme a progressivement affaibli son influence dans la société en ne lui laissant qu’une fonction d’accompagnement des régressions sociales.

      Situation mouvante
      Plus récemment, le développement des réseaux sociaux a appuyé cette transformation profonde en permettant une coordination informelle sans passer par les organisations. L’arrogance du gouvernement Macron a fait le reste avec le cynisme des dominants qui n’en finit pas de valoriser « les premiers de cordée », contre « ceux qui fument des clopes et roulent au diesel ».

      Le mouvement se caractérise par une défiance généralisée vis-à-vis du système politique
      Les « gilets jaunes » sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social. Ces échecs se sont accentués depuis la bataille de 2010 sur les retraites jusqu’à celle sur les lois Travail ou la SNCF, et ont des raisons stratégiques toutes liées à l’incapacité de se refonder sur les plans politique, organisationnel, idéologique, après la guerre froide, la mondialisation financière et le refus de tout compromis social par les classes dirigeantes. Nous sommes tous comptables, militants et responsables de la gauche politique, syndicale et associative, de ces échecs.

      Dans cette situation mouvante, la réponse de la gauche d’émancipation doit être la #politisation populaire. C’est sur ce terreau qu’il nous faut travailler à la refondation d’une force ancrée sur des valeurs qui continuent à être les nôtres : égalité, justice fiscale, sociale et environnementale, libertés démocratiques, lutte contre les discriminations.

      Ancrer une gauche émancipatrice dans les classes populaires

      On ne combattra pas cette défiance, ni l’instrumentalisation par l’extrême droite, ni le risque d’antifiscalisme, en pratiquant la politique de la chaise vide ou en culpabilisant les manifestants. Il s’agit bien au contraire de se donner les moyens de peser en son sein et de gagner la #bataille_culturelle et politique de l’intérieur de ce mouvement contre l’extrême droite et les forces patronales qui veulent l’assujettir.

      Deux questions sont posées par ce mouvement : celui de la misère sociale grandissante notamment dans les quartiers populaires des métropoles et les déserts ruraux ou ultrapériphériques ; celui de la montée d’une crise écologique et climatique qui menace les conditions d’existence même d’une grande partie de l’humanité et en premier lieu des plus pauvres.

      Il faut répondre à ces deux questions par la conjonction entre un projet, des pratiques sociales et une perspective politique liant indissolublement la question sociale et la question écologique, la redistribution des richesses et la lutte contre le réchauffement climatique. L’ancrage d’une gauche émancipatrice dans les classes populaires est la condition première pour favoriser une coalition majoritaire pour la justice sociale et environnementale.

      Annick Coupé, Patrick Farbiaz, Pierre Khalfa, Aurélie Trouvé, membres d’Attac et de la Fondation Copernic.

  • Le 24 novembre, grande marche nationale pour dire stop aux violences sexistes et sexuelles
    https://www.bastamag.net/Le-24-novembre-grande-marche-nationale-pour-dire-stop-aux-violences-sexist

    Partant du constat qu’aucune mobilisation de terrain d’ampleur n’avait vu le jour en France à la suite des mouvements #MeToo ou #BalanceTonPorc, un collectif d’associations féministes, de citoyennes et de personnalités ont décidé d’organiser, une « déferlante féministe contre les violences sexistes et sexuelles ». A l’image de ce qui a pu se passer en Espagne, en Argentine ou encore au Chili, les membres du collectif #NousToutes espèrent voir des milliers de femmes défiler dans les rues le samedi 24 (...)

    ça bouge !

    / #Féminisme, #Inégalités, #Justice, #Droits_fondamentaux

    #ça_bouge_ !

    • Des fois tu te dis que la récupération du grand capital n’a ni limites, ni frontières …

      Depuis le 25 novembre 2017, 32 associations et startups, 400 000 citoyen.nes, la Fondation Kering, Facebook et la Région Île-de-France ont travaillé ensemble avec Make.org pour élaborer le premier plan d’actions de la société civile contre les violences faites aux femmes.

      Je ne sais plus si je dois déprimer ou pas. Bientôt Carrefour et La lessive Z vont organiser des manifs pour l’émancipation des femmes. Mais là, facebook, mais non, c’est le lieu privilégié de harcèlement des collégiennes et des féministes sans qu’ils ne bougent jamais et là ils veulent se redorer le blason.

      #association_de_malfaiteurs
      #boycott_facebook

  • #Didier_Porte carbure au diesel et à la Gauloise blonde
    https://la-bas.org/5327

    Ami abonné, nul doute qu’à toi aussi, il a dû t’arriver de te poser la question : « À quoi sert donc France 3 Île-de-France ? ». Eh bien la réponse se trouve dans ce 51ème numéro de Vive les #Médias, la revue de presse en image décomplexée de Là-bas si j’y suis, journal en ligne qui ne respecte rien ni personne, sauf ses abonnés bien sûr, particulièrement ceux qui s’apprêtent à offrir un abonnement à leurs proches pour Noël. Elle est la suivante (la réponse !) : Fr3 IDF sert à diffuser des documentaires dont aucune autre chaîne n’a voulu parce qu’ils sont trop politiquement incorrects. En effet, quoi de plus (...) Continuer la (...)

    #Vidéo #Environnement

  • Dans l’Internet des flics haineux - VICE
    https://www.vice.com/fr/article/439vbq/dans-linternet-des-flics-haineux

    Appels au meurtre et insultes racistes : bienvenue sur le 18-25 de la Police Nationale.

    Sur le cliché, le jeune homme a le visage ensanglanté mais reste parfaitement reconnaissable. La légende le présente comme un « apprenti black bloc » interpellé lors de la manifestation du 9 octobre car il aurait « jeté des projectiles » de la taille d’un paquet de cigarette. Bravant le secret de l’instruction, l’auteur stipule également le lieu d’habitation approximatif du suspect hébété et écrit : « Nous nous considérons [qu’il est] une vermine au même titre que bien d’autres ». L’un des proches du blessé photographié, avec qui VICE a discuté, dit : « On a eu peur que des keufs aillent devant chez lui pour se venger ». Car l’image a été publiée le soir du 11 octobre par une page Facebook publique intitulée « Collectif autonome de policiers d’Île-de-France » (CAP IDF), qui réunit plus de 7 000 utilisateurs.

    La suppression du post la nuit-même par les modérateurs de Facebook leur donne du grain conspirationniste à moudre. « Nos ennemis planqués ou officiels seraient-ils tentés de nous museler ? », interroge l’animateur du groupe avant de suggérer qu’il s’agit peut-être d’un coup du ministère de l’Intérieur « qui n’apprécie pas que les choses soient dites ». La photo est à nouveau mise en ligne le lendemain, et 154 variations de « La prochaine fois, dans les canons à eau, mettez de l’acide pour ces trous du cul », défilent en commentaire. L’administrateur de la page écrit à l’attention des antifas : « Les flics n’aiment pas se faire canarder de boulons, nous vous le prouverons par des réponses comme celle[-ci] (...) Nous ne communiquerons ni l’identité ni l’adresse [du blessé], [nous savons] que, tôt ou tard, les chemins se rejoignent ».

    #police

  • Grand Paris : les véhicules les plus polluants bientôt bannis de l’intérieur de l’A86 en Île-de-France
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15260-grand-paris-les-vehicules-les-plus-polluants-bientot-bannis-de-l-in

    Au cas où vous auriez quand même réussi à passer le dernier contrôle technique ! À mort les pauvres ! Et surtout les super pauvres, moi j’ai une 306 essence de 18 ans, (elle ne pollue pas) mais je m’en sers pour aller au super marché ou chercher mon fils sur son lieu de travail, je ne vais jamais à Paris avec, mais au train ou vont les choses, je sais que dans 3 ans elle serat interdite, et comme je n’ai pas les moyens de la remplacer.... Mais ça, ils s’en foutent, avec toutes ces lois c’est les constructeurs qui doivent se frotter les mains, d’ailleurs on va y revenir...

    Les véhicules diesel de plus de 18 ans et essence de plus de 21 ans seront bannis de l’intérieur de l’A86 en Île-de-France dès juillet, a annoncé la métropole.

    La métropole du Grand Paris (MGP) a (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • Regroupement familial à Melun : des délais à rallonge et des vies de couple en suspens - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/11/12/regroupement-familial-a-melun-des-delais-a-rallonge-et-des-vies-de-couple

    « Libération » vous propose une série dans laquelle vous pouvez suivre au long cours les parcours d’étrangers en France. Aujourd’hui, on revient sur les cas de Ahmadu F., Mouad B. et Fatima Z., tous en attente de la décision favorable ou défavorable de la préfecture de Melun à leur demande de regroupement familial. Une décision qui se fait attendre bien au-delà des délais standards et dans l’absence de communication.

    « Le plus dur c’est d’être dans le flou total. J’aimerais comprendre quels sont les critères de la préfecture pour traiter les dossiers : s’il y a des nationalités prioritaires à d’autres, des profils privilégiés… On ne sait pas comment c’est géré alors qu’on dépend quand même du département le plus important d’Ile-de-France », pointe Ahmadu F., 31 ans, de nationalité sénégalaise, en attente de la décision de la préfète de #Melun (Seine-et-Marne) depuis treize mois. Comme lui, ils sont plusieurs dizaines à se plaindre, notamment sur des groupes Facebook privés, des retards conséquents pris par la préfecture en question pour répondre à leur demande de regroupement familial avec leur conjoint ou conjointe.
    Une fois l’attestation de dépôt du dossier reçue par le demandeur de regroupement familial, c’est l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) du département qui prend les devants en menant des investigations sur le logement et les ressources dans un délai fixé officiellement à deux mois, avant de le transmettre à la préfecture pour qu’une décision soit prise au bout de six mois.

    Ahmadu F. : « Si c’est un non, je veux pouvoir prendre mes dispositions rapidement »

    Installé en France depuis huit ans, Ahmadu F. a reçu son attestation de dépôt de la demande de regroupement familial en décembre 2017. L’Ofii a pris le relais et transmis en avril 2018, après cinq mois, tous les éléments à la préfecture de Melun qui garde depuis huit mois son dossier, sans lui donner la moindre nouvelle. Or toute préfecture s’engage à notifier la décision du préfet dans un délai de six mois à compter du dépôt du dossier complet à l’Ofii. Sinon, la préfecture estime qu’il s’agit d’un refus implicite. Ce qui n’est nullement avéré vu l’accumulation de retards conséquents dans les dossiers.

    Ahmadu F. est cadre supérieur consultant senior en CDI depuis 2014 et touche un salaire mensuel net équivalent à 3,5 fois le SMIC, sans compter sa prime. Côté logement, il habite un appartement de 68 m2, seul. Il dispose largement des ressources exigées par la préfecture pour le regroupement familial : avoir un Smic pour deux voire trois personnes et une surface habitable de 22 m2 (un critère qui peut changer selon les zones géographiques). Mais ce qui provoque sa colère c’est, au-delà du non-respect des délais, le manque de communication de la préfecture de Melun : « A cause de cette instance de regroupement familial, j’ai des missions professionnelles à l’étranger en suspens, je n’ai aucune possibilité de me projeter avec ma femme, restée au Sénégal, qui me demande des nouvelles tous les jours et qui ne peut pas venir me voir car toute demande de visa est bloquée quand on est en instance de regroupement familial. Si la réponse est un oui, je veux savoir quand elle tombe. Si c’est un non, c’est que je n’ai pas ma place en France et, dans ce cas, je veux pouvoir prendre mes dispositions rapidement. J’ai besoin de renseignements. »

    Mouad B. : « Impossible non plus de se confronter à eux physiquement car "pas de guichet et pas de ticket" »

    Mouad B., 33 ans, de nationalité algérienne et résident en France depuis neuf ans, a reçu son attestation de dépôt de dossier en janvier 2018 : il en est à son onzième mois d’attente après sept mois d’enquête de l’Ofii et cinq mois à la préfecture pendant que son épouse est en Algérie. « Au lieu des six mois d’attente, on atteint vite quatorze, seize, dix-sept mois », s’indigne-t-il en ciblant directement la préfecture et pas l’Ofii qui, d’après lui, « répond au moins aux questions des gens ».

    Comme Ahmadu F., il est sans nouvelles de la préfecture, ne reçoit aucun retour à ses mails ou aux formulaires qu’il remplit sur le site de la préfecture de Seine-et-Marne alors que celle-ci s’engage à y répondre dans un délai maximum de cinq jours ouvrables. Il se heurte au silence au bout du fil et les rares fois où il intercepte quelqu’un, il se retrouve transféré vers le service compétent qui s’avère saturé. « Impossible non plus de se confronter à eux physiquement car "pas de guichet et pas de ticket" » comme on le lui répète à l’envi. Sur ce type de dossier, tout se fait par voie postale, avec des délais à rallonge et sans aucune interaction. « Ce qui m’exaspère plus que les délais c’est cette absence de visibilité, de transparence et d’interlocuteur… » Mouad B. est un ingénieur informaticien en CDI depuis 2010 qui gagne 2 500 euros net par mois hors primes et habite un 32 m2.

    Fatima Z. : « Le pire que c’est tous ces retards peuvent aboutir à un non, ce qui impliquerait un recours et donc encore plus de temps en suspens »

    De son côté, Fatima Z., Marocaine âgée de 28 ans, a attendu cinq mois juste entre le dépôt de son dossier en août 2017 et son transfert à l’Ofii, en décembre 2017, qui marque le commencement de la procédure. Et depuis le lancement de l’enquête de l’Ofii en janvier, Ezz guette le moindre signe de la préfecture de Melun. En tout, elle en est à dix-sept mois d’attente. Selon elle, qui a eu plusieurs fois affaire à cette préfecture ces dernières années, ces retards inexpliqués sont récents et indiquent un manque criant d’effectif. Elle ajoute : « J’appelle tous les jours à 9 heures, heure d’ouverture du standard, et le poste est déjà saturé ou alors les agents n’ont pas le niveau d’accréditation pour me répondre. J’ai fini par tomber sur un agent – à force de me rendre à la préfecture et de multiplier les prises de contact – qui a bien voulu me renseigner. C’est comme ça que j’ai appris que mon dossier n’a été enregistré à la préfecture qu’en août [c’est-à-dire rentré dans le système mais pas encore traité, ndlr]… Ce qui veut dire que mon dossier est resté en stand-by pendant sept mois. »

    En France depuis dix ans, Fatima Z. ne comprend pas non plus pourquoi elle a autant de mal à faire venir son mari, resté en Egypte. Elle est assistante administratrice dans une société de bâtiment et entreprend des activités parallèles dans le secrétariat. Son salaire net dépasse les 2 000 euros et son appartement a une superficie de 26 m2. « Je déprime, il ne s’agit pas de n’importe quelle démarche, on parle d’une vie de couple. Le pire que c’est tous ces retards peuvent aboutir à un non, ce qui impliquerait un recours et donc encore plus de temps en suspens », regrette-t-elle.

    Pour l’heure, la préfecture de Melun n’a pas répondu à nos sollicitations.
    Dounia Hadni

    #regroupement_familial #préfecture #ofii #administration #immigration #racisme

  • Ambulanciers en grève : 408 kilomètres de bouchons ce lundi matin en Ile-de-France suite à des opérations escargot
    https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/ile-de-france-grosses-perturbations-sur-l-a4-et-le-peripherique-suite-a-u

    Frankreich erlebt eine landesweite Protestwelle nach Angriff der Macron-Regierung auf das Sytem des Krankentransports. Bisher wurden Patienten die Kosten des Krankentransports von der nationalen Krankenversicherung erstattet, wobei nach einer Verschreibung feste Preise gezahlt wurden. Mit der kürzlich in Kraft getretenen Gesetzesänderung wird der Krankentransport Teil der Gesundheitsleistung, die durch Kliniken erbracht und deren Preis von ihnen mit den Fahrdiensten individuell verhandelt werden.

    Bisher beauftragte der Kranke regelmäßig seinen Lieblingschauffeur und rechnete die Kosten mit der staatlichen Versicherung ab. Jetzt veranstalten die Kliniken Ausschreibungen und lassen die Krankentransporte vom billigsten Anbieter durchführen. Die internationalen Vermittler von Mobilitätsdientleistungen stehen in den Startlöchern für das Rennen um den neu geschaffenen Markt.

    Diese Entwicklung wird zahlreiche kleine Unternehmen in den Ruin und ihre Angestellten in die Arbeitslosigkeit zwingen. Die bereits jetzt niedrigen Löhne werden voraussichtlich brutal mit allen bekannten Tricks unterhab des Mindestlohnniveaus gedrückt. Dies ist der Plan von Präsident Macron und seiner Gesundheitsministerin Agnès Buzyn, die ungeachtet landesweiter Proteste an der sozialschädlichen Umstrukturierung festhalten.

    Lundi 5 novembre 2018 - Les ambulanciers manifestent ce lundi contre la réforme du financement des transports sanitaires et ils ont organisé des opérations escargot ce matin en Ile-de-France. Il y avait 408 kilomètres de bouchons vers 09h00. Les cortèges sont attendus vers 16h00 devant le ministère de la Santé.

    Ambulanciers en grève. Le périphérique parisien bloqué, 14 interpellations
    https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/paris-75000/ambulanciers-en-greve-le-peripherique-parisien-bloque-14-interpellation

    Publié le 06/11/2018 - Le périphérique parisien a été de nouveau bloqué ce mardi, au deuxième jour d’une mobilisation d’ambulanciers contre une réforme du financement des transports sanitaires menaçant selon eux les petites et moyennes entreprises.

    Ils sont en colère, certains désespérés - « Nous ne partirons pas ! ». Bloquant encore ce mardi matin le périphérique parisien, les ambulanciers ont entamé ce mardi 6 novembre leur deuxième jour d’action. Ils sont mobilisés contre la réforme du financement des transports sanitaires qui, selon eux, menacent les petites et moyennes entreprises.

    Certains ambulanciers sont restés la nuit et une bonne partie de la matinée sur le périphérique, notamment vers la porte de Bercy, avant l’intervention des CRS.

    Une ambulance mise à la fourrière

    Au total, 14 d’entre eux ont été interpellés pour participation délictueuse à un attroupement, entrave à la circulation et obstacle à l’enlèvement, selon la préfecture de police. Une ambulance a également été enlevée et mise à la fourrière. Le blocage a été levé à 10 h 35.

    Dans la ligne de mire des manifestants, l’article 80 du projet de budget de la sécurité sociale 2017, entré en vigueur le 1er octobre 2018.

    Depuis cette date, la prise en charge des transports des patients revient directement aux hôpitaux et cliniques plutôt qu’à l’Assurance maladie, tout comme le choix des ambulances privées, auparavant réservées aux patients.

    « C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », a affirmé Olivier Meraud, directeur des ambulances Brie-Comte-Robert, en Seine-et-Marne. Il cite, pêle-mêle « la hausse des prix du gasoil, la tarification des transports qui n’a pas été revalorisée depuis 2013, les normes ».

    Un mouvement parti du terrain
    Le mouvement, auquel ne participaient pas les principales fédérations du secteur, est parti de coordinations de terrain, mené par l’Association pour la défense du transport sanitaire (ADTS), créé il y a un mois. « Les syndicats ne nous représentent pas », selon Olivier Meraud, qui a participé au mouvement lundi, « car légal et déposé en préfecture », mais n’est pas resté jusqu’à mardi matin.

    Sinan Cakir, gérant des ambulances du Châtelet (Seine-et-Marne), a continué la mobilisation et compte poursuivre « jusqu’à ce que l’on soit reçu par la ministre ». « L’article 80, c’est la mort des petites structures, qui ne peuvent concurrencer les grosses sur les appels d’offres des hôpitaux », justifie-t-il.

    De source aéroportuaire, une quinzaine d’ambulanciers bloquaient en milieu de journée les routes menant aux terminaux de Roissy, rendant la circulation « difficile » près du Terminal 1.

    La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a rejeté les inquiétudes exprimées par les ambulanciers lundi soir, disant avoir été « très attentive à ne pas favoriser l’uberisation » du secteur. « Les dépenses de transport ont considérablement augmenté d’année en année », a par ailleurs rappelé la ministre, qui veut inciter les hôpitaux à « rationaliser les transports ».

    Des ambulanciers en colère ont paralysé les routes de l’Aveyron - 09/11/2018 - ladepeche.fr
    https://www.ladepeche.fr/article/2018/11/09/2903382-operation-escargot-cours-ambulanciers-a75-aveyron.html

    Publié le 09/11/2018 - La «  loi 80  » a du mal à passer chez les ambulanciers aveyronnais et lozériens, qui ont tour à tour perturbé la circulation, organisé un barrage filtrant et investi la ville de Rodez pour exprimer leur colère. Plus de 150 véhicules étaient présents lors du mouvement.

    Les transporteurs sanitaires se mobilisent contre l’article 80 du financement de la Sécurité sociale de 2017. Ce texte, entré en vigueur au 1er octobre, modifie le financement des ambulanciers : c’est désormais aux hôpitaux et aux cliniques de payer les transporteurs, et non plus à la Caisse primaire d’assurance maladie elle-même. Un changement qui inquiète les ambulanciers à plus d’un titre.

    Prix cassés, uberisation, non-respect du choix du patient

    Désormais, l’Etat sera chargé de donner une enveloppe aux établissements de santé qui servira à payer les ambulanciers. "Notre crainte c’est que les hôpitaux et les cliniques tirent les prix vers le bas, car ils sont déjà étranglés par leur budget", explique Jean-Marc Ginesty, gérant d’une entreprise d’une vingtaine de salariés. Qui dit établissement public, dit également appel d’offres. Pour être concurrentiel par rapport aux autres entreprises, il faut être en mesure de proposer des remises. Impossible pour les petites structures de s’aligner. "Au final, ça peut avoir un impact sur l’emploi", redoute Jean-Marc Ginesty. 

    Il craint même une "uberisation" des ambulances : "certaines sociétés attendent que les transports se libéralisent pour pouvoir proposer leurs services et casser les prix". "Cela risque de faire travailler des personnes non formées au métier d’ambulancier", estime Hervé Guilhot, gérant de la société Ambulances Arnal à Millau.

    Autre motif de contestation : "le non-respect du choix du patient pour les transports" pour les trajets entre hôpitaux et les consultations externes, affirme Hervé Guilhot. Avant, quand le patient choisissait, on créait des liens avec lui. Désormais, il n’aura plus le choix de son transporteur, c’est l’hôpital qui choisira pour lui", regrette Hervé Guilhot. "Dans ce travail, le contact humain est très important, le client nous donne sa confiance", confirme Jean-Marc Ginesty.

    Circulation perturbée

    Après avoir exprimé leur mécontentement en gênant la circulation aux abords de Rodez et Millau tôt ce matin, ces derniers, rejoints par leurs homologues lozériens, ont choisi d’employer la manière forte, en réalisant dans la foulée une nouvelle opération escargot sur la RN88 et suivi d’un barrage sur l’A75 obligeant les automobilistes à faire un détour par l’aire de l’Aveyron.

    Le barrage en question a été levé vers 16 heures et une opération escargot entre Sévérac et la Lozère a pris le relais. Une nouvelle action s’est ensuite mise en place à Rodez où une dizaine de manifestants a été reçue en préfecture.

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    #disruption #Frankreich #Gesundheit #Personentransport #Krankenversicherung

  • Inégalités sociales et territoriales et éducation prioritaire (Revue de presse)

    Le CNESCO (Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire) a publié une étude détaillée intitulée “Panorama des inégalités scolaires d’origine territoriale en France” dont les principaux enseignements ont été repris dans les médias :

    - La composition sociale des collèges reflète globalement celle des territoires sur lesquels ils sont localisés.
    – Les ressources humaines de l’Éducation nationale sont inégalement réparties en Île-de-France.
    – Les résultats aux épreuves écrites du diplôme national du brevet (DNB) révèlent des inégalités territoriales de réussite importantes.
    – Les territoires défavorisés concentrent les taux les plus élevés d’enseignants de moins de 30 ans et de non-titulaires.
    – Les ressources scolaires sont inégalement réparties sur le territoire français : le cas des langues vivantes.
    – Des inégalités dans la réussite aux examens.
    Source : http://www.cnesco.fr/fr/panorama-des-inegalites-scolaires-dorigine-territoriale-en-france

    Quelques reprises dans les médias :
    – L’Education nationale donne t-elle vraiment plus aux élèves défavorisés ? (Marie Piquemal, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/24/l-education-nationale-donne-t-elle-vraiment-plus-aux-eleves-defavorises_1
    – En Ile-de-France, une école pauvre pour les quartiers pauvres (Mattea Battaglia, Le Monde)
    https://www.lemonde.fr/education/article/2018/10/24/en-ile-de-france-une-ecole-pauvre-pour-les-quartiers-pauvres_5373799_1473685

    Ô surprise, il s’agissait du dernier rapport de cette institution indépendante, que le Ministre, J.-M. Blanquer a décidé de supprimer :
    – Education : le ministre Blanquer n’aime pas les instances indépendantes (Faïza Zerouala, Médiapart)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/221018/education-le-ministre-blanquer-n-aime-pas-les-instances-independantes
    – Le putsch de Blanquer : quand le ministre évaluateur se soustrait aux évaluations (Gurvan Le Guellec, L’Obs)
    https://www.nouvelobs.com/education/20181012.OBS3883/le-putsch-de-blanquer-quand-le-ministre-evaluateur-se-soustrait-aux-evalu

    Pendant ce temps-là (et en même temps), la Cour des Comptes a publié un rapport éponyme sur “L’éducation prioritaire”. Elle y fait 17 recommandations réparties en 6 grandes orientations :

    Orientation n°1 : fortifier l’autonomie, la responsabilité et l’évaluation des réseaux de l’éducation prioritaire renforcée
    1. Renforcer le pilotage académique en intégrant au projet stratégique un volet « éducation prioritaire », en exigeant des bilans annuels de sa mise en œuvre et l’élaboration d’un référentiel académique de l’éducation prioritaire ;
    2. Expérimenter la constitution d’établissements publics de réseau ; établir des contrats permettant de leur allouer des moyens conditionnés à la mise en œuvre d’actions et attribuer au chef d’établissement, responsable du réseau, les marges de manœuvre nécessaires à la bonne utilisation de ces moyens.
    Orientation n°2 : doter l’éducation prioritaire d’outils d’évaluation plus performants
    3. Systématiser les évaluations des élèves du socle commun de connaissance, de compétences et de culture (au début et à la fin des trois cycles, puis à l’entrée et à la sortie de chaque année) par des tests standardisés dématérialisés ;
    4. Alimenter des bases de données exhaustives sur les élèves, les écoles et les établissements et produire des indicateurs de valeur ajoutée des collèges et des réseaux ;
    5. Utiliser ces données pour conduire de manière systématique des analyses de la performance des dispositifs mis en œuvre en éducation prioritaire.
    Orientation n°3 : concentrer l’action publique sur le premier degré en mobilisant les leviers à fort rendement
    6. Cibler les moyens enseignants sur le premier degré ;
    7. Étendre le dédoublement des classes à l’ensemble du cycle des apprentissages fondamentaux (grande section de l’école maternelle et deux premières années de l’école élémentaire) ou à l’ensemble des classes du cycle 2 dans les écoles qui concentrent de manière aiguë les difficultés sociales et scolaires (équivalent REP+) ; mettre en œuvre une réduction de moindre intensité dans les autres classes (équivalent REP).
    Orientation n°4 : ajuster la gestion des enseignants aux besoins de l’éducation prioritaire
    8. N’affecter en éducation prioritaire que les enseignants disposant d’au moins deux ans d’ancienneté ;
    9. Élargir la capacité des chefs d’établissement à recruter sur profils pour les postes d’enseignant situés en éducation prioritaire ;
    10. Ouvrir la possibilité d’une affectation temporaire d’une durée de trois à cinq ans sur les postes en éducation prioritaire assortie de la garantie de retour à l’affectation d’origine ;
    11. Améliorer le régime indemnitaire des enseignants en éducation prioritaire en introduisant des éléments variables d’une part liés à l’investissement individuel et à l’implication au sein des équipes pédagogiques, d’autre part modulés en fonction de l’attractivité de l’académie ;
    12. Renforcer la place de l’éducation prioritaire dans la formation initiale des enseignants et accentuer l’effort de formation continue des enseignants affectés en éducation prioritaire ;
    13. Faciliter le remplacement dans les établissements et les écoles qui
    concentrent les difficultés en leur donnant une priorité et en privilégiant le recours aux titulaires remplaçants.
    Orientation n°5 : revoir le processus d’identification des bénéficiaires et réviser les mécanismes d’allocation des ressources
    14. Répartir l’ensemble des établissements (et des écoles lorsque les données le permettront) en plusieurs catégories homogènes, définies en fonction d’un indice synthétique de difficulté tenant compte de leurs caractéristiques propres ;
    15. Utiliser ces catégories pour allouer les moyens spécifiques de l’éducation prioritaire et distribuer les moyens non spécifiques à l’ensemble des écoles et des établissements en tenant compte du profil des élèves scolarisés, afin d’introduire un continuum dans le dispositif d’allocation et réduire les effets de seuil des mécanismes actuels.
    Orientation n°6 : favoriser la mixité scolaire en renouvelant
    les mécanismes d’affectation des élèves

    16. En partenariat avec les collectivités territoriales, faire évoluer la carte scolaire et les modalités d’affectation des élèves afin de favoriser la mixité et créer un observatoire de la mixité auprès du recteur chargé de rédiger un rapport sur la mixité dans l’académie tous les deux ans ;
    17. Associer les établissements privés sous contrat concernés aux processus d’évolution de la carte scolaire et inciter à scolariser des élèves qui reflètent mieux les caractéristiques sociales et scolaires de la population de la zone de recrutement.
    Source : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/leducation-prioritaire

    De fait la plupart de ces recommandations valident les premières décisions de "l’ère Blanquer” ou prépare la réforme annoncée (pour dans quelques mois) de l’éducation prioritaire, pour le reste ces orientations collent comme d’habitude à l’agenda néolibéral sur l’éducation.

    Ce rapport a eu aussi quelques échos médiatiques :
    – Education prioritaire : la Cour des comptes propose d’en finir avec l’étiquette REP ou REP+ (Marie Piquemal, Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/17/education-prioritaire-la-cour-des-comptes-propose-d-en-finir-avec-l-etiqu
    – La Cour des comptes signe l’aveu d’échec des politiques d’éducation prioritaire (Violaine Morin, Le Monde)
    – La Cour des Comptes pointe l’échec criant de l’éducation prioritaire (Alice Mérieux, Challenges)
    https://www.challenges.fr/politique/la-cour-des-comptes-tacle-l-education-prioritaire_619935

    La remise à plat de l’éducation prioritaire par le ministère Banquer pourra donc s’appuyer sur deux faits répétés à l’envi dans les médias :
    – Les politiques d’éducation prioritaire sont un échec
    – Les élèves défavorisés sont majoritairement hors dispositif éducation prioritaire (cf. https://seenthis.net/messages/637255)
    Ces deux faits sont exacts, reste qu’ils serviront sans doute à justifier le démantèlement de dispositifs imparfaits au profit de l’idéologie portée par le libéralisme : la responsabilité individuelle dans les parcours de chacun. Il y a fort à parier que la prochaine réforme enterrera les analyses sociologiques pour allouer quelques moyens aux "individus qui s’en donnent la peine".

    Pour faire fonctionner un système éducatif moins inégalitaire, ce sont d’autres analyses et d’autres orientations qu’il faudrait convoquer.
    Outre les pistes ouvertes par les analyses du CNESCO mettant en lumière des mécanismes institutionnels inégalitaires dans l’allocation des moyens allant à l’encontre de la discrimination positive censée profiter aux quartiers prioritaires, un point, par exemple, soulevé dans le rapport de cette même cour des comptes en 2012, aurait mérité d’être mentionné et commenté : le fait que les "crédits spécifiques" viennent se substituer aux "crédits de droit commun" au lieu de s’y ajouter :

    Dans ces conclusions, la Cours des comptes rejoint les avis de nombreux experts ou d’associations : alors que les crédits spécifiques sont censés venir en renfort des crédits de droit commun pour jouer un effet de levier, il apparait dans certains cas, et particulièrement dans les domaines prioritaires de l’emploi et l’éducation, qu’ils se substituent à ces derniers, sans être alors suffisants pour financer des actions qui relèvent normalement des politiques de chaque ministère concerné.
    Source : http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-prioritaire/actualites-de-leducation-prioritaire-1/cour-des-comptes-urgence-coordonination

    Ici comme ailleurs, faute de s’être réellement donné les moyens des ambitions affichées, on décide d’y renoncer…

    #éducation #éducation_prioritaire #inégalités

  • Interdiction du glyphosate : les 63 députés qui ont voté contre l’inscription dans la loi en Mai 2018 Timothée Vilars - 29 mai 2018 à 14h41 - L’OBS
    https://www.nouvelobs.com/planete/20180529.OBS7374/interdiction-du-glyphosate-les-63-deputes-qui-ont-vote-contre-l-inscripti

    Tard dans la nuit, l’Assemblée nationale a renoncé à fixer une date d’interdiction pour le glyphosate, cet herbicide classé cancérogène probable.
    C’est un engagement personnel d’Emmanuel Macron : l’interdiction du glyphosate sur le territoire français d’ici à 2021 aurait pu être gravée dans la loi par un amendement déposé par le député LREM Matthieu Orphelin. Mais celui-ci a été rejeté dans la nuit de lundi à mardi par l’Assemblée nationale.

    En tout, 63 députés ont veillé jusqu’à 2 heures du matin pour rejeter l’amendement (20 pour, 2 abstentions). Parmi eux, les chefs de file des députés LREM, Richard Ferrand, des députés MoDem, Marc Fesneau et des députés LR, Christian Jacob.

    A noter que les groupes « insoumis », socialiste et communiste n’étaient représentés que par un député chacun. S’ils avaient été au complet au moment du vote, l’interdiction du glyphosate, et donc de l’herbicide fétiche de Monsanto « Roundup », aurait théoriquement pu être votée (plusieurs députés insoumis s’en sont expliqué depuis). L’amendement Orphelin, moins radical qu’un amendement de la députée non inscrite et ex-ministre de l’Ecologie Delphine Batho, également rejeté, prévoyait des dérogations possibles jusqu’en 2023. 

    On discute donc de la question du #glyphosate à 1h40 du matin. Tout est normal. #EGAlim pic.twitter.com/RGHNkAO42D
    Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) 28 mai 2018

    La sortie du #glyphosate ne sera pas inscrite dans la loi. Cela ne minimise pas les autres avancées obtenues (pour prix justes et pour alimentation durable) mais c’est à mes yeux un RV manqué et une vraie déception car l’urgence écologique et de chgt modèle agricole est si forte. pic.twitter.com/aXuEzNCfKc

    Les 63 députés, région par région
    Parmi les 63 députés qui ont refusé d’inscrire l’interdiction du glyphosate dans la loi, on trouve 36 LREM, 15 LR, 7 UDI / Constructifs, 4 MoDem et 1 communiste (Sébastien Jumel).

    Pour écrire aux députés, leurs adresses électroniques figurent dans leur fiche individuelle de l’assemblée nationale http://www.assemblee-nationale.fr/qui/xml/liste_alpha.asp?legislature=14

    • Auvergne-Rhône-Alpes
    Jean-Yves Bony
    Vincent Descœur
    Emmanuelle Anthoine
    Monique Limon
    Valéria Faure-Muntian
    Dino Cinieri
    Valérie Thomas

    • Bourgogne-Franche-Comté
    Barbara Bessot Ballot
    Perrine Goulet
    Rémy Rebeyrotte
    Michèle Crouzet

    • Bretagne
    Richard Ferrand
    Graziella Melchior
    Florian Bachelier
    Laurence Maillart-Méhaignerie
    Gilles Lurton
    Thierry Benoit
    Jean-Michel Jacques
    Nicole Le Peih

    • Centre-Val-de-Loire
    Guillaume Kasbarian
    Laure de La Raudière
    Philippe Vigier
    Sophie Auconie
    Jean-Pierre Door
    Marc Fesneau

    • Grand Est 
    Grégory Besson-Moreau
    Antoine Herth
    Éric Girardin
    Charles de Courson
    Lise Magnier

    • Hauts-de-France
    Julien Dive
    Maxime Minot
    Benoît Potterie
    Daniel Fasquelle
    Jean-Claude Leclabart

    • Ile-de-France
    Marie Guévenoux
    Christine Hennion
    Anne-Christine Lang
    Christian Jacob
    Jean-Jacques Bridey
    Jean François Mbaye

    • Normandie
    Bertrand Bouyx
    Sébastien Leclerc
    Séverine Gipson
    Véronique Louwagie
    Jérôme Nury
    Xavier Batut
    Sébastien Jumel

    • Nouvelle-Aquitaine
    Jean-Baptiste Moreau
    Jean-Marie Fiévet
    Véronique Hammerer
    Sophie Mette
    Olivier Damaisin
    Nicolas Turquois

    • Occitanie
    Arnaud Viala
    Olivier Gaillard
    Nicolas Démoulin
    Philippe Huppé
    Marie-Christine Verdier-Jouclas

    • Pays-de-la-Loire
    Sarah El Haïry

    • Provence-Alpes-Côte d’Azur
    Pascale Boyer
    Jean-Claude Bouchet

    • Français de l’étranger
    Roland Lescure

    #glyphosate #LRM #enmarche #corruption #empoisonneurs #lobbying #lobby #influence #santé #europe #multinationales #agriculture #députés

  • Amiante : un lycée mobilisé contre le déni - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/10/11/amiante-un-lycee-mobilise-contre-le-deni_1684755

    Au groupe Georges-Brassens, en banlieue parisienne, les professeurs exercent leur droit de retrait depuis une semaine. Une manifestation nationale est prévue ce vendredi.

    En temps normal, il est discret. « Une petite souris », disent les collègues. Consciencieux comme les scientifiques de son espèce (prof de physique-chimie) et réservé comme tout fonctionnaire dès qu’il s’agit de mettre en cause sa hiérarchie. Pas du style à s’enflammer devant un journaliste. Mercredi, à 8 heures, nous avons vu tout l’inverse. Cédric (1) s’est avancé, la colère contenue mais glacée : « La circulaire de juillet 2018 prévoit un droit d’alerte pour les fonctionnaires en cas de danger grave et imminent et de risque irréversible. Je considère que c’est le cas, la santé de mes élèves est menacée. » Ses mains tremblent, il parle fort. Il faut dire aussi que toutes les deux minutes, un avion passe si bas qu’il faut élever la voix pour s’entendre. La route qui borde l’établissement n’arrange rien.

    Bienvenue dans la cité scolaire Georges-Brassens, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). Le cadre est idyllique : dans un couloir aérien d’Orly, l’établissement jouxte une déchetterie et une zone industrielle très fréquentée par les camions. Dans les parages, il y a aussi un dépôt pétrolier, classé Seveso. Les bâtiments ont été construits dans les années 60, sur une sablière… un sol instable, qui s’affaisse par endroits. « Nous avons toujours eu des problèmes de toutes sortes ici, l’histoire de l’amiante est venue s’y ajouter », résume Laurence, prof de SVT à Brassens depuis vingt-neuf ans.

    Preuves à revendre

    L’émotion est forte. Quasiment toute la salle des profs est devant les grilles du lycée, refusant en bloc de rejoindre les classes. Ils exercent leur droit de retrait depuis une semaine, estimant que leur santé et celle de leurs élèves étaient menacées par la présence d’amiante dans les plafonds de l’établissement « en mauvais état et encore plus fragilisé depuis l’incendie et l’inondation du 29 septembre », poursuit Cédric. Le matin de notre venue, l’équipe avait reçu une injonction du recteur pour qu’ils rejoignent fissa leurs postes. « Au vu des dernières analyses qui nous sont parvenues par la région - qui a la charge des bâtiments, j’insiste -, il n’y a pas de danger imminent. Donc le droit de retrait n’est pas valable », justifie l’académie de Créteil. Sauf que les 70 enseignants ont l’intime conviction du contraire. Et des preuves à revendre.

    « Nous ne prétendons pas que l’amiante tombe en permanence du plafond, encore heureux ! Mais, avec le vieillissement du bâti, elle peut tomber n’importe quand. Et il suffit d’une fois, on sait que l’amiante peut contaminer quelle que soit la durée d’exposition », déplore un ancien professeur qui a quitté l’établissement l’an dernier « sur les rotules ».

    Alain Bobbio, secrétaire général de l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva), acquiesce. Il est de plus en plus sollicité par des professeurs et parents d’élèves : « Il y a un vrai problème d’amiante dans les écoles de ce pays, largement sous-estimé et méconnu. Le danger n’est pas derrière nous. Bien au contraire. Il s’aggrave avec le temps, à mesure que les bâtiments vieillissent. »

    L’Andeva organise une manifestation nationale ce vendredi pour alerter l’opinion sur la présence d’amiante dans les écoles, et « qu’enfin, les responsables agissent ». Trop souvent, dit Alain Bobbio, les autorités sont dans le déni. A commencer par les collectivités territoriales qui ont la charge de la construction et l’entretien des établissements scolaires. A l’écouter, elles préfèrent parfois fermer les yeux comme si le problème n’existait pas car, vu son ampleur, elles ne savent comment s’y atteler. Le cas du lycée Brassens à Villeneuve-le-Roi en est, pour lui, la parfaite illustration.

    Devant les grilles, les profs empilent les épisodes dans le désordre, alignent les termes techniques. On cause « flocages », « score », « fibres », « cancérogénicité sans seuil »… « Nous n’avons pas eu d’autres choix que de devenir des experts scientifiques en amiante, justifie Cyril, jeune professeur de lettres. C’est compliqué pour nous de remettre en cause notre hiérarchie, mais à partir du moment où le doute s’installe… » Cécile, prof de lettres, le coupe. « Il ne s’agit pas d’un combat politique ou syndical. Là, il est question de santé publique. Je ne ferais pas entrer mes filles dans ce bâtiment, donc je ne fais pas entrer les élèves. C’est aussi simple que ça. » Tous parlent de « responsabilité morale ». Et ce sentiment d’être abandonnés par leur institution, comme si elle ne prenait pas la mesure de ce qui est en train de se jouer.

    Mousse blanche

    Leur combat remonte au 23 novembre 2017. Ce jour-là, une collègue découvre dans sa classe une sorte de mousse blanche au sol, visiblement tombée du plafond. Elle a le réflexe d’avertir sa proviseure, et un professeur en lutte à l’époque contre la ventilation défectueuse. Lui comprend tout de suite. Il suspecte la présence d’amiante, cette fibre 400 fois plus fine qu’un cheveu et très cancérogène. Ce matériau isolant, interdit dans les constructions depuis 1997, était largement utilisé avant cette date. La proviseure enclenche la procédure de mise en sécurité, les autorités sont prévenues, la salle fermée par précaution. Le 1er décembre, un employé de la société Innax, envoyé par la région Ile-de-France, pénètre dans la salle pour effectuer des prélèvements de flocages et constate « un taux de 11,4 fibres d’amiante par litre d’air, très supérieur à la norme de 5 fibres par litre d’air ». Les jours passent. L’équipe continue de faire cours dans les salles d’à côté, les agents d’entretien lavent les sols. « Le 15 décembre, notre proviseure reçoit un coup de fil : une équipe spécialisée dans le désamiantage est dépêchée pour enlever les ordinateurs de la salle, car ils sont contaminés… voilà comment on a appris officiellement la présence d’amiante », raconte un enseignant.

    Les professeurs entrent alors dans une lutte ouverte. Ils perdent confiance dans les autorités et entreprennent de farfouiller dans les caves du lycée, à la recherche des archives. Bingo ! La présence d’amiante apparaît dans des documents écrits dès 1987, dans une lettre d’une association de parents : « Le danger augmente à mesure que les plafonds se dégradent. Faudra-t-il alerter la presse et organiser une journée portes ouvertes ? » Cette lettre figure dans l’enquête du CHSCT académique transmise à la région et à l’éducation nationale, et que Libération a pu consulter. A l’époque, face à la mobilisation des parents, les plafonds avaient été recouverts d’une couche pour isoler l’amiante - « Les remplacer coûtait plus cher… le problème, c’est qu’avec le temps, cette deuxième couche s’est à son tour détériorée », précise l’association Andeva qui aide les enseignants dans leur lutte. Sylvette, professeure d’arts plastiques au lycée depuis 1991 : « Pendant des années, à chaque fois qu’on posait la question, les autorités nous répondaient dans les yeux : "Non, il n’y a pas d’amiante". Ils nous soutenaient que c’était une légende urbaine ! Mes élèves manipulaient les dalles du plafond pour y suspendre leurs travaux… je le porte sur la conscience, je ne leur pardonnerai jamais. »

    Contre-expertises

    Dans toute cette histoire, le décalage est saisissant entre l’angoisse et la colère du corps enseignant et le discours calme et rassurant des autorités, pourtant adeptes du principe de précaution, a fortiori quand il est question de santé et d’enfants. Après l’épisode du 23 novembre 2017 et les six semaines de droit de retrait exercé par les professeurs, la région a diligenté des expertises et contre-expertises, par plusieurs sociétés. « Toutes les analyses montrent que la qualité de l’air est normale. Il n’y a pas de dissimulation, d’aucune façon », insiste encore aujourd’hui la région, ne niant pas la présence d’amiante dans les plafonds. Et celle réalisée par Innax, avec un taux deux fois supérieur ? « Cela reste un mystère », admet-on du côté de l’académie. La salle où les taux ont été mesurés est néanmoins toujours fermée. « Nous avons mis en place le protocole requis », reprend la région. Un technicien vient chaque semaine avec des « pompes à air » (pour prélever des échantillons en vue d’analyses) dans certaines classes. Et la région de tacler les anciens élus d’Ile-de-France : « Le lycée Brassens est symptomatique de l’état dans lequel l’ancienne majorité a laissé les lycées franciliens. Un tiers d’entre eux sont vétustes. Nous avons engagé un plan exceptionnel de 5 milliards d’euros entre 2017 et 2027. » Les travaux de reconstruction de Brassens, promis depuis des lustres, doivent débuter prochainement. Des préfabriqués sont en train d’être installés à l’arrière du lycée, le déménagement est prévu début novembre. « Il n’y aura plus de problème, il va être démoli et reconstruit. »

    Braham, jeune prof de philo, parle bas. Son père a un cancer à cause de l’amiante. Pour lui, « jamais une telle situation ne se serait passée dans une banlieue chic. Ils auraient agi. »

    (1) Nous avons choisi de ne pas mentionner le nom de famille des professeurs.
    Marie Piquemal Photos Stéphane Remael

    #amiante #quartiers_populaires #discriminations #santé #droit_de_retrait #école #éducation

  • La #police et les #indésirables

    Les #pratiques_policières de contrôles-éviction, visant à évincer certaines populations de l’#espace_public, participent aux processus de #gentrification. M. Boutros met en lumière le rôle central des forces de l’ordre dans les dynamiques de #transformation_urbaine.

    En décembre 2015, dix-huit adolescents et jeunes adultes du 12e arrondissement de Paris déposaient une plainte pénale collective à l’encontre de onze policiers d’une même brigade : le #Groupe_de_Soutien_de_Quartier (#GSQ), surnommé la « #brigade_des_Tigres » du fait de son écusson représentant un tigre fondant sur une proie. Les plaignants reprochaient aux policiers des #violences physiques, des #attouchements sexuels, des #arrestations_arbitraires, des destructions de biens et des #injures_racistes, à l’occasion de #contrôles_d’identité entre 2013 et 2015 [1]. Le 4 avril 2018, trois des policiers mis en cause ont été condamnés en première instance pour violences volontaires aggravées [2].

    La #plainte, parce qu’elle concernait un grand nombre de faits, reprochés aux mêmes policiers sur plusieurs années, a donné lieu à une enquête qui n’a pas seulement porté sur les faits dénoncés mais a également interrogé les pratiques quotidiennes de cette brigade, et les instructions qui lui étaient données. Au delà des preuves des faits de #violence, l’enquête de la police des polices a révélé une pratique policière jusqu’ici peu connue, que les policiers appellent le « #contrôle-éviction ». Il s’agit de #contrôles_d’identité dont l’objectif est de faire quitter les lieux à des personnes considérées comme « indésirables », même en l’absence d’infraction. Bien qu’il n’y ait aucune base légale à cette pratique, l’enquête a montré que la brigade des Tigres était missionnée par sa hiérarchie pour contrôler et « évincer » de l’espace public certaines populations, notamment des « #regroupements_de_jeunes », composés principalement d’adolescents #Noirs et #Maghrébins issus des #classes_populaires.

    Comment expliquer la perpétuation de telles pratiques policières en plein cœur de #Paris ? On le sait, en #France, le contrôle d’identité est un outil central du travail policier, et il cible de manière disproportionnée les jeunes hommes perçus comme Noirs ou Arabes et issus de #quartiers_populaires [3]. D’après des enquêtes ethnographiques, les policiers rationalisent ces pratiques discriminatoires sur trois modes : ces #contrôles_au_faciès permettraient de trouver des infractions, de recueillir des informations, et d’affirmer le #pouvoir_policier envers des jeunes en instaurant un rapport de force physique [4]. Si les enquêtes existantes ont examiné les rationalités policières des contrôles discriminatoires, on en sait peu sur les dynamiques locales qui façonnent ces pratiques. L’affaire de la brigade des Tigres permet d’analyser comment ces pratiques s’inscrivent dans une dynamique urbaine plus large, dans laquelle la police participe à l’instauration et au maintien d’un certain #ordre_social urbain.

    À partir d’une analyse de l’affaire de la brigade des Tigres (examen du dossier de l’enquête judiciaire, observation du procès, entretiens avec plaignants, habitants et avocats), cet article propose d’examiner la pratique du contrôle-éviction telle qu’elle s’inscrit dans une dynamique urbaine de gentrification, processus par lequel un quartier anciennement populaire se transforme progressivement avec l’arrivée de nouveaux habitants de classes moyennes ou supérieures [5].

    Des enquêtes étatsuniennes ont montré que, dans les quartiers en voie de gentrification, on observe une augmentation des contrôles policiers proactifs et agressifs ciblant les populations perçues par les nouveaux arrivants comme source de désordres et d’incivilités, notamment les SDF et les jeunes Noirs et Latinos [6]. Le procès des policiers du 12e arrondissement indique qu’une dynamique similaire existe à Paris. L’analyse montre que les plaignants étaient la cible de contrôles répétés et violents, souvent sans motif légal, parce qu’ils étaient considérés comme « indésirables » dans l’espace public, du fait de leur origine sociale et ethnique. Dans ce quartier où persistent des zones d’habitat social au sein d’un quartier largement gentrifié, des tensions grandissantes ont émergé sur la question de l’occupation de l’espace public. Certains habitants des classes moyennes et supérieures, majoritairement Blancs, ne toléraient pas la présence de jeunes hommes Noirs et Maghrébins des classes populaires dans l’espace public, surtout en groupes, car cette présence était perçue comme source d’incivilités et de désordres. Ces habitants réclamaient régulièrement des autorités des actions pour assurer la « tranquillité publique ». Pour répondre à ces demandes, le GSQ était envoyé pour procéder à des « contrôles-éviction » sur certains secteurs. Mais loin de cibler uniquement ceux les auteurs d’infractions, ces contrôles ciblaient les groupes d’adolescents issus de l’immigration et des classes populaires, quel que soit leur comportement.

    Ainsi, par les contrôles-éviction, la police accompagne le processus de gentrification et se met au service des acteurs qu’elle perçoit comme légitimes dans le quartier en leur garantissant un espace public libéré des « indésirables ».
    Contrôles violents, détentions illégales, injures racistes

    En décembre 2015, 17 garçons et une fille, âgés de 15 à 24 ans, tous issus de l’immigration et de familles populaires, déposaient collectivement plainte pour dénoncer 44 faits de violence commis entre 2013 et 2015 par les policiers du Groupe de Soutien de Quartier (GSQ) du 12e arrondissement de Paris. Les plaignants dénonçaient des agressions physiques lors des contrôles d’identité, tel que des coups de poing, coups de matraque, claques, clés de bras, et usage excessif de gaz lacrymogène. Plusieurs plaignants faisaient également état d’agressions sexuelles, notamment des attouchements des parties génitales lors des palpations de sécurité, accompagnés de coups et railleries si le contrôlé se débattait. Plusieurs plaignants dénonçaient également des injures racistes de la part de certains policiers (« sale noir », « espèces de singes », « je pisse sur le Ramadan »). Enfin, la plainte évoquait de nombreuses conduites au poste sans motif et hors du cadre légal, que les avocats qualifiaient d’« arrestations arbitraires et séquestrations ». L’enquête a en effet révélé que le GSQ emmenait régulièrement des adolescents au commissariat, sans se conformer aux procédures d’interpellation ou de vérifications d’identité. Dans leurs auditions, les plaignants racontent qu’on leur demandait le plus souvent de s’asseoir sur le « banc de vérif’ », et au bout de quelques heures, sans avoir vu d’Officier de Police Judiciaire ou fait l’objet de procédure de vérification d’identité, on appelait leurs parents pour venir les chercher.

    Suite à l’enquête de la police des polices, quatre policiers ont été renvoyés au tribunal correctionnel pour trois faits de violences physiques, pour lesquels il existait des preuves matérielles (certificats médicaux, photos, témoignages concordants). Les autres faits ont été classés sans suite pour insuffisance de preuves. Si les conduites au poste abusives n’ont pas été poursuivies pénalement, elles ont fait l’objet d’un avertissement ferme de la part du Procureur de la République. Dans un courrier au Directeur de la Sécurité de Proximité de l’Agglomération Parisienne, le Procureur s’alarmait d’un « grave dysfonctionnement sur le cadre des conduites au poste et des procédures de vérification d’identité au sein du commissariat du 12e arrondissement », et prévenait que l’absence systématisée de respect des procédures de vérification d’identité pouvait donner lieu à des poursuites pénales pour atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l’autorité publique.

    Il ressort du dossier de l’enquête que les humiliations, les violences, et les conduites au poste hors cadre légal, avaient pour objectif de faire partir les personnes contrôlées de l’espace public. En effet, le GSQ était explicitement missionné par la hiérarchie du commissariat pour procéder à des « contrôle-éviction » sur certains secteurs ; et les éléments du dossier montrent que les contrôles se terminaient systématiquement soit par une injonction à quitter les lieux, soit par une conduite au poste. « La phrase qui revenait le plus souvent », raconte un plaignant, « c’était : ‘si on vous revoit ici, c’est commissariat direct !’ » (Entretien avec l’auteure, 24 mai 2018). Au procès, un des policiers confirmera : « On passe notre temps à expliquer aux jeunes qu’ils sont dans un lieu où ils n’ont pas à être ».

    Pour les avocats des plaignants, ces pratiques policières représentent un dévoiement des outils juridiques donnés aux policiers, et ont pour objectif non pas la lutte contre la délinquance mais le « nettoyage » des espaces publics. Comme l’explique Maître Felix de Belloy :

    Les policiers, pendant le procès, ont quasiment fait l’aveu qu’ils utilisent les catégories du code de procédure pénale pour faire un travail de nettoyage ou de gardiennage... Ils ont pris des bouts de code de procédure pénale, par exemple le contrôle, et ils ajoutent « contrôle-éviction ». On fait un contrôle pas pour contrôler leur identité mais pour qu’ils déguerpissent. Ou on les emmène au poste et on utilise la procédure de verif’ uniquement pour les mettre au frais quelques heures. C’est de la séquestration mais on appelle ça de la vérif’. Entretien avec l’auteure, 18 avril 2018

    Le dossier de l’enquête révèle que ces contrôles ciblaient toujours les mêmes personnes, que les policiers désignaient par le terme « indésirables ».
    Les jeunes Noirs et Maghrébins, des « indésirables » à évincer

    Dans le dossier de l’enquête figurent toutes les mains courantes d’intervention des brigades de l’unité d’appui de proximité, dans lesquelles les policiers résument leurs interventions. Sur environ 300 mains courantes d’intervention, aux côtés des interventions pour tapage ou vol, un tiers concernent des interventions pour des « indésirables ». Au procès, les avocats des plaignants ont interrogé les policiers mis en cause sur ce terme :

    Avocat : Dans la main courante que vous avez rédigée, vous avez écrit à « nature de l’affaire », en majuscules, « INDESIRABLES », et pour « type d’événement », « Perturbateurs - Indésirables ». Qu’est-ce que ça veut dire, « indésirables » ? (...) C’est qui les indésirables ?
    Policier : C’est un trouble à la tranquillité publique.
    Avocat : Donc les indésirables c’est les jeunes ?
    Policier : Ça peut être n’importe qui, ça peut être des jeunes, ça peut être des SDF. C’est des indésirables pour les gens qui habitent le quartier.

    En effet, les mains courantes pour « indésirables » indiquaient toutes que l’intervention ciblait soit des jeunes soit des SDF. Au procès, le chef de brigade a affirmé que le terme « indésirables » figure dans le logiciel de main courante, une information qui nous a été confirmée par plusieurs policiers dans d’autres commissariats [7].

    Le terme « indésirables » est apparu en France à la fin du XIXe siècle dans le cadre des débats sur l’immigration [8]. Il a désigné, au fil du temps, diverses populations considérées comme étrangères au corps national (les nomades, les juifs, et les Français Musulmans d’Algérie), et a justifié des politiques d’expulsion et d’internement. Dans les années 1930, le terme a été explicitement mobilisé dans les textes gouvernementaux et les lois sur l’immigration illégale, qui faisaient de « l’élimination des indésirables » une nécessité pour protéger le corps national. L’historien E. Blanchard note la disparition du terme des textes officiels et du langage bureaucratique après la deuxième guerre mondiale. Cependant, des enquêtes récentes montrent que le terme continue d’être employé de manière informelle par des agents publics pour désigner des populations perçues comme problématiques et dont il faut gérer la présence dans les espaces publics. Par exemple, pour les agents des transports publics, le terme indésirables peut désigner les SDF, les pickpockets, ou les vendeurs à la sauvette, et dans les politiques de logement, les indésirables sont les personnes étrangères ou d’origine immigrée dont il faut éviter la concentration dans les mêmes immeubles [9].

    Le procès des policiers du 12e arrondissement a révélé que le terme est également employé par l’administration policière pour désigner des catégories de personnes dont la présence dans les lieux publics est considérée comme problématique. Au procès, les policiers mis en cause ont affirmé que les « indésirables » sont des personnes commettant des incivilités ou causant un trouble à la tranquillité publique. Cependant, les éléments de l’enquête montrent qu’en réalité, ce ne sont pas uniquement les adolescents perpétrant des infractions qui sont ciblés, mais bien tous les jeunes hommes Noirs et Maghrébins issues de familles populaires présents dans l’espace public.

    Dans certaines mains courantes, les policiers justifient ces interventions par le fait que les jeunes « traînent toute la journée » et « causent diverses nuisances (tapage, incivilités en tout genre) ». Cependant, lors des interventions policières, aucune distinction n’est faite entre ceux commettant des infractions et ceux qui sont simplement là pour se retrouver entre amis. Dans une grande partie des résumés des mains courantes, il n’est fait mention d’aucune infraction qui aurait justifié le contrôle et il est noté que le contrôle s’est fait dans le calme et sans incident. Et pourtant, systématiquement, les jeunes « indésirables » sont contrôlés et évincés. Certaines mains courantes mentionnent simplement « Contrôle et éviction d’une dizaine d’indésirables. Pas d’incidents. RAS ». Ou encore : « Sur place nous avons constaté la présence de quatre individus discutant calmement. Nous leur avons demandé de quitter les lieux, ce qu’ils ont fait sans incident » [10].

    Ainsi, pour les policiers du GSQ, la simple présence d’adolescents Noirs et Maghrébins dans l’espace public est considérée comme « indésirable » et justifie un « contrôle-éviction », même si les adolescents sont calmes et ne commettent aucune infraction. Ce n’est donc pas l’infraction ou la suspicion d’une infraction qui justifie le contrôle, mais bien l’identité des personnes contrôlées, leur origine raciale et sociale. Cette stratégie policière assumée s’inscrit dans une dynamique urbaine plus large, dans laquelle la police est mandatée pour garantir à certains habitants un espace public libéré des « regroupements de jeunes ». Si les policiers contrôlent ces adolescents à répétition, les humilient, les frappent, les agressent sexuellement, et les conduisent au poste sans motif, c’est pour les chasser des espaces publics, pour leur signifier qu’ils n’y ont pas leur place.
    Le harcèlement policier et le processus de gentrification

    Au tribunal, les policiers et leur avocat ont expliqué que les contrôles répétés envers les mêmes adolescents répondaient à une demande des habitants du quartier, qui s’en plaignaient régulièrement. L’enquête a en effet montré que certains habitants appelaient la police et envoyaient des courriers de plainte à propos des nuisances causées par des regroupements de jeunes. Sur trois ans, vingt-six courriers ont été envoyés réclamant des autorités davantage de fermeté envers des « bandes » qui occupent certains espaces. La majorité des doléances dénoncent des nuisances sonores tard dans la soirée et réclament des verbalisations systématiques. Certains courriers mentionnent également des rodéos, des trafics, et des vols. En réponse à ces doléances, le commissariat envoyait des effectifs avec l’instruction d’effectuer plus de rondes, plus d’interpellations, et comme le montre le dossier de l’enquête, plus de contrôles-éviction.

    Les courriers de plainte, ainsi que les contrôles répétés, se concentraient sur un petit nombre de rues et places du quartier Reuilly-Montgallet, correspondant aux rues où des bâtiments HLM ont été conservés au sein d’un quartier qui a fait l’objet d’une forte gentrification depuis les années 1980 [11]. Avec l’arrivée d’habitants de classes moyennes ou supérieures dans ce quartier anciennement populaire, des tensions sont apparues entre les habitants, notamment sur la question de l’occupation de l’espace public. Dans mes entretiens avec des habitants du quartier, personne ne nie que les regroupements de jeunes sont parfois bruyants et que certains commettent des délits. Cependant, les tensions ne sont pas uniquement liées au bruit ou à la délinquance. En l’absence de lieux où ils peuvent se rassembler sans consommer, les jeunes des classes populaires se rassemblent en bas de chez eux, sur les places du quartier. Cette présence de « jeunes qui traînent » et qui occupent l’espace public n’est pas tolérée par certains habitants. Comme l’explique un militant du quartier, la transformation du quartier a amené une nouvelle catégorie de personnes « qui sont beaucoup plus dérangés par cette mixité sociale et qui finalement souhaitent faire en sorte que les anciens habitants quittent le quartier parce qu’ils ont l’impression que ça dévalorise, au niveau patrimonial, le quartier » (Entretien avec l’auteure, 31 janvier 2018.). Pour certains habitants, ces groupes de jeunes, majoritairement Noirs et Maghrébins, sont considérés comme potentiellement source d’incivilités et de bruit.

    Les éléments de l’enquête montrent que, pour régler les tensions entre les habitants, les politiques municipales et policières se sont centrées sur la répression et le harcèlement des adolescents en question. La mairie renvoyait systématiquement les courriers de plainte vers le commissariat, considérant que ce « problème » devait être réglé par la police (et non pas, par exemple, par la consultation des jeunes sur leurs besoins en termes d’espaces de socialisation). De plus, la mairie a fait enlever les bancs publics et installer des caméras de surveillance pour dissuader les jeunes de rester dans les rues où les tensions se concentrent.

    De son côté, le commissariat envoyait le GSQ « tenir le terrain » face aux jeunes. Le GSQ est une « police de la tranquillité publique », c’est-à-dire une brigade chargée de gérer les petits désordres urbains et de garantir la coexistence pacifique entre les gens [12]. À la différence des brigades anti-criminalité (les BAC), son objectif premier n’est pas la lutte contre la délinquance ; elle effectue des missions de sécurisation des secteurs sensibles. En particulier, le GSQ est une des brigades crées pour gérer les « jeunes qui traînent en bande » en bas des immeubles avec une approche purement répressive de harcèlement [13]. Bien que les doléances des habitants concernent des délits (tapage nocturne, rodéos), la police considérait que la simple présence de jeunes dans les rues, même en petits groupes calmes, était un problème à régler. Les bilans annuels du commissariat, inclus dans le dossier, mentionnent les « regroupements de jeunes » comme un « problème récurrent » ; les mains courantes d’intervention déplorent régulièrement la présence de jeunes qui « reviennent systématiquement sur ces secteurs malgré nos évictions répétées tout au long de la vacation » ; et les plaignants interrogés confirment que les contrôles se terminaient systématiquement par une injonction à dégager, même lorsque leur présence ne gênait personne et que le contrôle se passait bien. Ainsi, la police se basait sur les plaintes de certains habitants pour des problèmes de tapage et de délits pour justifier des pratiques de harcèlement policier envers les adolescents Noirs et Maghrébins du quartier, sans qu’aucune distinction ne soit faite entre ceux commettant des infractions et ceux simplement présents dans l’espace public.

    Dès 2013, certains adolescents du 12e et leurs éducateurs ont tenté d’alerter la municipalité, le commissariat, et les services de protection de l’enfance, sur les violences, y compris sexuelles, commises par les policiers du GSQ. Plusieurs réunions ont eu lieu, avec le conseil municipal de la sécurité et de la prévention, l’adjoint au maire chargé de la jeunesse et des sports, et avec la cellule de prévention du commissariat du 12e. Aucune autorité n’a réagi pour protéger ces enfants.

    En somme, les éléments de l’enquête laissent apparaître que, si le terme « indésirables » provient de l’administration policière (puisqu’il figure dans le logiciel informatique des mains courantes), la catégorie des « indésirables » est produite localement par une dynamique qui implique la police, certains habitants, et la municipalité. Indépendamment de la commission d’une infraction, les « indésirables » sont les adolescents et jeunes adultes qui se retrouvent en bas des immeubles, majoritairement des Noirs et des Maghrébins issus des classes populaires, et que la police doit « évincer ». Les contrôles-éviction s’inscrivent donc dans la dynamique urbaine locale où la police se met au service du processus de gentrification, en légitimant la présence de certains, et l’éviction d’autres, des espaces publics.
    Conclusion

    Les violences policières racistes sont de plus en plus visibles en France, notamment grâce à de fortes mobilisations autour d’affaires telles que la mort par asphyxie d’Adama Traoré lors d’un contrôle d’identité en 2016, ou le viol de Théo Luhaka lors d’un contrôle d’identité en 2017. Pour comprendre ces violences policières discriminatoires, des chercheurs se sont penchés sur l’héritage colonial de la police française, et sur les politiques policières contemporaines qui mettent l’accent sur l’anti-criminalité et le « chiffre » plutôt que sur la prévention [14]. Cet article met en lumière la contribution d’un facteur supplémentaire, le processus de gentrification. La transformation de quartiers anciennement populaires en quartiers bourgeois crée un terrain propice à des pratiques de #harcèlement_policier envers des jeunes issus des classes populaires et de l’immigration, qui sont catalogués « indésirables », et que la police tente d’ « évincer » des espaces publics, à force de contrôles, de coups, d’humiliations, et de conduites au poste abusives.

    http://www.laviedesidees.fr/La-police-et-les-indesirables.html

    #éviction #discrimination #urban_matter #géographie_urbaine #villes #xénophobie #racisme #éviction

    • VIDEO. « J’ai déjà vu des gamins de 8 ans se faire palper, contrôler, insulter » : un policier dénonce les abus de ses collègues

      Capuche sur la tête, plongé dans le noir, il parle sous couvert d’anonymat. Dans le documentaire réalisé par le journaliste Marc Ball Police, illégitime violence, diffusé sur France 3 Ile-de-France lundi 12 novembre, Frank*, un policier, dénonce les abus de certains de ses collègues dans les quartiers populaires. "La confiance est rompue entre les jeunes et la police. Les contrôles d’identité risquent à tout moment de déraper", explique le documentaire. C’est ce qu’a constaté Frank. D’après ce gardien de la paix, certains policiers "rabaissent" les personnes contrôlées. "J’ai déjà vu des gamins de 8 ans se faire palper, contrôler, mépriser, insulter. Des gamins d’origine africaine qui, à 8 ans, sont traités de ’#petits_négros', de ’#Maltesers”, de ’#Kit_Kat', de ’#Kirikou' quand ils courent dans la rue", raconte-t-il.

      https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/video-jai-deja-vu-des-gamins-de-8-ans-se-faire-palper-controler-insulte

  • La marquise du Châtelet, femme de sciences invisibilisée
    http://theconversation.com/la-marquise-du-chatelet-femme-de-sciences-invisibilisee-102676

    Le XVIIIe siècle est parfois présenté comme une période faste où la femme, quand elle appartenait à l’élite sociale, pouvait s’instruire, gagner en autonomie, jusqu’à rivaliser avec les hommes sur leur propre terrain. Entre la fin du règne de Louis XIV et le début de la Révolution, il y aurait eu soixante-dix ans d’une possible émancipation féminine, pour celles du moins qui auraient osé braver les interdits moraux, les préjugés de leur classe et de leur sexe. Émilie du Châtelet serait le produit de ce miracle. Pourtant rien ne lui fut épargné : ni les accusations de plagiat, ni les soupçons d’imposture, ni les propos calomnieux, venant d’hommes soucieux de préserver leur autorité, mais aussi de femmes choquées de tant d’audace et de liberté. Mme du Deffand, Mme de Graffigny, poursuivies par le démon de la jalousie, firent courir des rumeurs dans tout Paris. Les favorites, la Pompadour à Versailles, la Boufflers à Lunéville, s’en amusèrent. Les Institutions de physique (1740), son chef-d’œuvre, furent ainsi largement décriées. Même Voltaire, l’ami par excellence, prit ses distances. Seul Maupertuis dans une recension de trente-six pages rendit un hommage appuyé à cette œuvre majeure.

    #Émilie_du Châtelet #invisibilité_des_femmes #sexisme #sciences #historicisation

  • Emmanuel Macron fête Roch Hachana, le Nouvel an juif
    Ouest France avec AFP - Publié le 04/09/2018 à 21h20
    https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/emmanuel-macron-fete-roch-hachana-le-nouvel-juif-5949449

    Le président de la République a assisté mardi soir aux fêtes de la communauté juive à Paris à l’occasion des célébrations de ce culte pour le Nouvel an. Une cérémonie laïque qui accueillait plusieurs ministres et d’autres personnalités politiques.

    Emmanuel Macron a assisté mardi soir à la Grande Synagogue de Paris à une présentation des vœux à la communauté juive pour les fêtes du Nouvel an juif (Roch Hachana) qui débutent dimanche, en présence des responsables de la communauté.

    Après une journée chargée, marquée par un remaniement et un feu vert au prélèvement à la source, le président de la République, est arrivé vers 20 h à la synagogue de la rue de la Victoire (IXe arrondissement). Il a été accueilli par le grand rabbin de France, Haïm Korsia, le président du consistoire, Joël Mergui, et le grand rabbin de Paris, Michel Gugenheim.

    Parmi les invités figuraient plusieurs ministres du gouvernement dont Gérard Collomb (Intérieur), mais aussi l’ex-président Nicolas Sarkozy, la maire de Paris, Anne Hidalgo, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, des députés et quelques personnalités comme Marek Halter ou Francis Huster.

    Une première pour un chef de l’État

    C’est la première fois qu’un président de la République assiste à cette cérémonie laïque, précise l’Élysée, qui rappelle que, l’an dernier, Emmanuel Macron s’était rendu à la célébration des 500 ans du protestantisme et avait participé au dîner de rupture du jeûne du ramadan, organisé par le Conseil français du culte musulman.

    Plus récemment, il est allé prendre possession, après une cérémonie religieuse, de son titre de « premier et unique chanoine d’honneur » de la basilique Saint-Jean-de-Latran.

    La communauté juive française, qui compte environ 500 000 personnes, est la plus importante d’Europe.

    #Macronreligions

    • La communauté juive se montre inquiète
      Par Jean-Marie Guénois Mis à jour le 05/09/2018 à 09:18
      http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/09/05/01016-20180905ARTFIG00001-la-communaute-juive-se-montre-inquiete.php

      Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy lors du discours du président du Consistoire juif, mardi soir, à la grande synagogue de Paris. POOL/REUTERS

      (...) Le président honore de sa présence la communauté religieuse juive - une première historique - qui l’invite pour la présentation officielle des vœux .

      Faire une « pause »… Serait-ce là une opportunité pour l’élu de la nation qui traverse une passe difficile ? De fait, Emmanuel Macron, très salué individuellement, est plutôt mollement applaudi par la foule. Contrairement à un Nicolas Sarkozy qui a soulevé l’enthousiasme une demi -heure plus tôt. « Pause » du reste obligée, pour le chef de l’État : le protocole laïque lui impose de ne pas prendre la parole dans cette enceinte religieuse où l’assemblée priera pour la France. Scène de silence rare pour un politique que le grand Rabbin de France, Haïm Korsia, croque d’un trait d’humour mais qui donne le ton de la cérémonie. « Vous êtes comme le Mur occidental, [Dit Mur des lamentations à Jérusalem, ndlr.] à qui nous confions nos peines et nos espoirs, sans qu’il ne nous réponde alors que nous savons bien que quelqu’un nous entend ! »

      Car la communauté juive est gravement inquiète pour son avenir en France. La montée de « l’islamisme », de « l’antisémitisme » et de « la haine d’Israël » sera plusieurs fois dénoncée devant la plus haute autorité de la République. (...)

  • Alimentation. La lutte des classes se joue aussi dans l’assiette
    https://www.humanite.fr/alimentation-la-lutte-des-classes-se-joue-aussi-dans-lassiette-659552

    Avec leur vente solidaire annuelle de fruits et légumes, PCF et Modef démontrent, le temps d’une journée, que les classes populaires ne sont pas condamnées à se priver de produits de qualité et à un prix juste.

    Déguster un gratin de courgettes, une tarte aux prunes ou même une salade de tomates relève parfois du luxe pour des familles aux revenus modestes ou des retraités aux pensions faibles. Mais, au pied des immeubles des villes populaires d’Île-de-France comme sur la place de la Bastille, au cœur de Paris, ils seront encore des milliers aujourd’hui à pouvoir s’offrir des fruits et légumes frais, de qualité, et à des prix justes, aussi bien pour le producteur que pour le consommateur. En réalisant leur initiative annuelle de vente à prix coûtant, la Confédération syndicale agricole des exploitants familiaux (Modef) et le Parti communiste français réduisent, le temps d’une journée, la différence du contenu des assiettes entre les couches sociales.

    Les plus modestes, davantage victimes de diabète et d’obésité

    Car, si la France est le 4e producteur de fruits et légumes en Europe (après l’Espagne, l’Italie et la Pologne), tous ses citoyens n’y ont pas accès de la même manière. Un rapport réalisé tous les sept ans par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, et publié l’an dernier, démontre combien les habitudes alimentaires sont un reflet saisissant des inégalités sociales. Dans ces habitudes, la consommation de fraises, petits pois, tomates et aubergines est davantage le fait d’individus ayant un niveau d’études supérieur à bac + 4 que de leurs compatriotes ayant quitté les bancs de l’école en primaire ou au collège, qui en mangent en proportions moindres. Ces derniers, davantage touchés par le chômage ou occupant des emplois d’ouvriers ou d’employés, perçoivent des revenus moins importants. Leurs choix se portent davantage sur de la viande rouge, pourtant peu bon marché, mais symbole de l’assiette des catégories aisées, ou sur des pommes de terre et des produits issus de céréales, jugés plus nourrissants. D’autant que, selon Faustine Régnier, docteur en sociologie de l’alimentation à l’Institut de recherche agronomique (Inra), les ménages modestes, qui consacrent une part importante de leur budget à leur alimentation, sont plus sensibles aux variations des prix. Or, saisonnalité oblige, les prix des fruits et légumes frais passent parfois du simple au double en quelques mois sur les étals. Le résultat de ces arbitrages contraints n’est pas sans conséquence sur la santé, puisque les Français aux revenus modestes sont davantage victimes de maladies cardio-vasculaires, de diabète ou d’obésité...

    https://www.humanite.fr/fruits-et-legumes-au-juste-prix-les-points-de-ventes-solidaires-paris-et-il

  • Incendie à Aubervilliers : « Les marchands de sommeil, c’est de la délinquance économique »

    http://www.liberation.fr/france/2018/08/21/incendie-a-aubervilliers-les-marchands-de-sommeil-c-est-de-la-delinquance

    Sept personnes dont cinq enfants ont été grièvement blessés dans l’incendie d’un immeuble du centre d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) dimanche. La maire PCF de la commune, Meriem Derkaoui, a déclaré que l’édifice ne disposait d’aucune autorisation d’habitation. C’était un bâtiment bénéficiant juste d’un bail commercial. De nombreuses personnes d’une même famille y vivaient malgré tout. L’enquête devra notamment déterminer si ce bâtiment était aux mains d’un marchand de sommeil. Deux jours après le sinistre, Stéphane Peu, député PCF du département, très actif sur la question du logement, plaide pour que cette thématique soit déclarée « grande cause nationale ». Ce qu’il s’est passé à Aubervilliers est, selon lui, révélateur de la pénurie d’appartements en Ile-de-France.
    Concernant cet incendie, il apparaît que de nombreuses personnes d’une même famille cohabitaient dans un petit espace vétuste. S’agit-il d’un phénomène courant en Seine-Saint-Denis ?

    C’est l’un des phénomènes caractéristiques de l’habitat insalubre. Il y a d’une part des logements vétustes et insalubres, et d’autre part des locaux qui ne sont pas destinés à l’habitation mais qui sont utilisés comme tels. Il y a des gens qui vivent dans des caves d’immeuble, des réserves de commerces, des boxes de garage, des cabanes de jardin… Ce sont des locaux par définition dangereux. Evidemment, une cave ne remplit pas les critères de sécurité. Il y a beaucoup de décès à cause de ça, notamment en cas d’incendie. C’est la pénurie de logements qui est à l’origine de ces situations de mal-logement. Un bien de très grande médiocrité, voire dangereux, trouve toujours preneur, souvent à des prix exorbitants. Les locataires sont des personnes vulnérables, qui n’ont pas d’autre choix, comme les femmes victimes de violences, les personnes sans garanties. Ce sont les proies des marchands de sommeil. Ce qui est sûr dans le cas de l’immeuble qui a pris feu à Aubervilliers, c’est qu’il s’agissait d’une situation de mal-logement. L’enquête dira s’il y avait aussi une exploitation financière.
    En tant qu’élu de Seine-Saint-Denis, qu’avez-vous constaté dans les logements indignes ?
    Ce sont des logements dont l’électricité n’est pas aux normes, dont la peinture au plomb menace les enfants de saturnisme, avec des plafonds gorgés d’eau qui menacent de s’écrouler, des planchers qui s’effondrent, des taux d’humidité dangereux… Dans la petite couronne parisienne et dans certains quartiers des arrondissements populaires, on estime qu’il y a jusqu’à 40% de logements indignes dans le parc privé [la Seine-Saint-Denis est le département francilien le plus touché par l’habitat indigne, avec 7,5% du parc privé considéré comme tel, ndlr].
    La maire d’Aubervilliers, Meriem Derkaoui, en appelle au gouvernement pour lutter contre les marchands de sommeil. Qui sont ces propriétaires sans scrupule ?

    Nombre d’entre eux font des placements dans l’immobilier insalubre ou vétuste à forte rentabilité, souvent avec la complicité passive de l’Etat, par exemple au cours de ventes aux enchères judiciaires. Ils achètent peu cher des biens immobiliers très dégradés et les louent ensuite très cher à des personnes acculées. C’est une délinquance économique. Bien souvent, ils se cachent derrière des sociétés. En Seine-Saint-Denis, le blanchiment de l’argent sale, l’argent de la drogue se fait beaucoup à travers les marchands de sommeil avides d’argent. Ils ont parfois pignon sur rue. J’ai connu le cas d’un avocat, par exemple. Récemment, un médecin parisien a été suspendu par l’ordre des médecins et condamné par la justice. Il y a aussi eu un professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine qui a été radié. Il avait un immeuble, à Saint-Denis, dans lequel cinq personnes sont mortes au cours d’un incendie en septembre 2012. Ces propriétaires profitent de la pénurie de logements, des 12 millions de mal-logés en France, ainsi que de la faiblesse de l’arsenal juridique français pour prospérer.

    Délinquance économique et aussi crime sexistes organisé avec complicité de l’état.

  • Liste des Zones Urbaines Sensibles Z.U.S. en Françe par LEMONITEUR
    https://www.flickr.com/photos/memoire2cite/43387630914
    https://pbs.twimg.com/card_img/1030717594268037120/MQgIWef4?format=jpg&name=600x314

    mémoire2cité - Les documents relatifs aux délimitations, rue par rue, des quartiers figurant dans cette liste peuvent être consultés à la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, 194, avenue du Président-Wilson, 93217 Saint-Denis-La Plaine Cedex, auprès des préfectures et des directions des services fiscaux des départements concernés et auprès des mairies des communes concernées.

    Ain (01)

    Bourg-en-Bresse : quartiers Le Pont des Chèvres, Reyssouze.

    Oyonnax : quartiers La Plaine, La Forge.

    Aisne (02)

    Laon : quartiers Champagne, Moulin Roux ; Ile-de-France ; Montreuil.

    Saint-Quentin : quartiers Europe ; Faubourg d’Isle ; Le Vermandois : Vermand, Fayet, Artois, Champagne ; Neuville.

    Soissons : quartier Presles Chevreux.

    Allier (03)

    Cusset : quartiers Presle, Les Darcins.

    Domérat : quartier Bien Assis ().

    Montluçon : quartiers Bien Assis () ; Dunlop, Pré Géné ; Fontbouillant.

    Moulins : quartiers Les Chartreux ; Moulins Sud : Champins, Champmilan, Nomazy.

    Vichy : quartiers Les Ailes, Port Charmeil.

    Yzeure : quartier Le Plessis.

    Alpes-de-Haute-Provence (04)

    Digne-les-Bains : quartiers Le Pigeonn

  • L’hôpital psychiatrique Pinel à Amiens en grève depuis plus de 2 mois - France 3 Hauts-de-France
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/somme/amiens/hopital-psychiatrique-pinel-amiens-greve-plus-2-mois-15

    Depuis le 15 juin, environ 20% du personnel de l’établissement psychiatrique sont en grève. Et depuis l’expulsion des locaux de l’ARS mi-juillet, ils campent devant les grilles de l’hôpital. Ils assurent des tours de garde. « C’est un peu calqué sur notre organisation de travail. Il y a une équipe du matin, une équipe de jour et une équipe de nuit ! La nuit, on est au minimum 5. Mais on a été jusqu’à 12 », compte Emmanuel.
     
    Grévistes au travail

    Et entre deux, ils vont travailler, réquisitionnés pour certains par la Direction. « On se plaint de ne pas être assez, ce n’est pas pour laisser nos collègues dans des conditions pires, justifie Emilie. Alors on va bosser tout en se déclarant gréviste. On vient aussi sur nos heures de repos et nos congés ».

    Le mouvement est parti spontanément parmi les agents hospitaliers. La plupart n’est pas syndiquée. « Évidemment, les syndicats nous ont aidé pour la logistique et pour le préavis de grève, reconnaît-on sur place. Mais leur intervention s’arrête là ».

    Et depuis 2 mois, leurs revendication n’ont pas changé. Pas de hausse de salaire, ni de prime. Juste plus de personnel pour de meilleures conditions de travail et une prise en charge plus humaine des patients. « Dans mon service, nous sommes deux pour 25 patients. Parmi eux, certains ont besoin de se retrouver dans l’une des deux chambres d’isolement, explique Emmanuel. Ces patients-là demandent beaucoup de temps de prise en charge. Et pour s’en occuper, on doit être deux. Pendant ce temps, les autres patients sont livrés à eux-mêmes. »

    #psychiatrie #hôpital #grève #austérité

    • Dans les hôpitaux psychiatriques, les soignants dénoncent une situation « critique », François Béguin
      https://lemonde.fr/sante/article/2018/08/18/dans-les-hopitaux-psychiatriques-les-soignants-denoncent-une-situation-criti

      A Paris, le chef de service de pédopsychiatrie de l’hôpital Robert-Debré tire la sonnette d’alarme. A Amiens, la grève se poursuit depuis juin.

      La psychiatrie publique n’en finit pas de craquer. A Paris, Richard Delorme, le chef de service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré, un établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) situé dans le nord-est de la capitale, a adressé le 6 juillet une lettre à la direction de l’établissement pour l’avertir de la situation devenue « critique » pour les personnels mais « plus encore » pour les patients et leurs familles.

      Dans ce courrier, dont Le Monde a eu connaissance, le médecin fait valoir que plus d’un tiers (37 %) des effectifs infirmiers de son service sont en arrêt maladie ou en accident du travail, soit 7 personnes sur 19, ce qui entraîne une « désorganisation des plannings » et aggrave « la fatigue des équipes ». Ces derniers mois, celles-ci ont dû faire face à un accroissement du nombre de patients « complexes et violents » et, de ce fait, à une « augmentation significative » du nombre d’agressions (64 signalements en un semestre).

      Lire aussi : Les centres médico-psychologiques débordés

      Alors qu’en dix ans le nombre de passages en première consultation d’orientation, dans ce service, a « quasiment quadruplé » (de 600 à 2 300), tout comme celui aux urgences pédiatriques pour motif pédopsychiatrique (de 400 à 1 500), Richard Delorme déplore la pénurie de lits d’hospitalisation en Ile-de-France pour faire face à ces situations urgentes, « l’incapacité, voire le refus de plus en plus fréquent » des services de pédiatrie hospitaliers de prendre en charge des patients pour des indications pédiatriques, ou encore « l’insuffisance » du réseau de consultation psychiatrique dans la région.

      Même si les mobilisations ont baissé en intensité au cœur de l’été, des médecins et des soignants continuent un peu partout en France d’alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail, comme galvanisés par les succès des grévistes de la faim à l’hôpital du Rouvray, à Sotteville­-lès-­Rouen (Seine­-Maritime), qui ont obtenu le 8 juin la création de 30 postes, puis par celui des grévistes du Havre, qui ont obtenu le 11 juillet la création de 34 postes, après trois semaines de mobilisation.

      Tentes plantées devant l’hôpital

      « Avant le Rouvray, il y avait un certain marasme, souligne Isabelle Bouligaud, infirmière en psychiatrie et représentante FO à l’hôpital psychiatrique de Saint-Etienne. En obtenant des choses, ils ont montré que ça servait à quelque chose de se mobiliser. » Alors que le CHU de Saint-Etienne a été épinglé fin février par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour des traitements « inhumains » à l’égard de patients accueillis aux urgences faute de place en psychiatrie, un collectif (la Psy Cause) a mené ces dernières semaines différentes opérations (die-in, marche funèbre) dans la ville pour réclamer 10 postes supplémentaires de psychiatres, 42 d’infirmiers et 15 d’aides-soignantes. « Mais notre première revendication est déjà de ne pas perdre ce qu’on a », précise Nicolas Moulin, de la CGT.

      Lire aussi : A l’hôpital du Rouvray, « la situation devient critique » pour les grévistes de la faim

      Mobilisés depuis le 15 juin, des salariés de l’hôpital Philippe-Pinel, à Amiens, ont planté leurs tentes devant l’entrée de l’établissement, après avoir brièvement occupé les locaux de l’agence régionale de santé. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et la fermeture fin juin d’un quatrième service en quatre ans. « Les patients de ce service vont être redéployés dans des unités déjà surchargées », regrette une infirmière et porte-parole du collectif Pinel en lutte.

      « On nous dit que c’est pour le virage ambulatoire, mais les centres médico-psychologiques sont surchargés, les délais d’attente sont très longs, les médecins s’en vont… », énumère-t-elle, estimant ne plus avoir les moyens d’exercer son métier « dignement ». Parmi les revendications des grévistes : la création de 60 postes d’infirmiers et médecins, l’ouverture de deux unités avec des moyens spécifiques, la titularisation de tous les emplois précaires…

      Lire aussi : « La psychiatrie publique est devenue un enfer »

      Dans les hôpitaux psychiatriques parisiens, la colère gronde également. Réunis sous l’appellation de La Psychiatrie parisienne unifiée, les syndicats dénoncent la diminution du nombre de jours de repos liée à la fusion début 2019 des établissements parisiens (Maison-Blanche, Sainte-Anne, Perray-Vaucluse) et annoncent une journée de grève le 6 septembre.

    • La prison de Fleury-Mérogis secouée par une série de suicides, Le Monde

      Onze personnes détenues se sont suicidées à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne) depuis le début de l’année 2018 : dix hommes et une femme. En sept mois, ce compteur macabre a déjà dépassé le cumul des deux années précédentes. Une situation inédite qui préoccupe l’administration pénitentiaire comme le parquet d’Evry, mais à laquelle ils affirment aujourd’hui ne pas trouver d’explication.

      Dernier en date, un homme de 48 ans a été retrouvé pendu dans sa cellule mardi 7 août au matin. Il était en détention provisoire pour une affaire criminelle (viol sur son ex-compagne). Détenu au quartier des « arrivants », il avait été identifié comme fragile, et un surveillant s’assurait de son état toutes les heures dans le cadre des dispositifs de prévention du suicide. « A la ronde de 6 heures, il dormait sur sa couchette, à celle de 7 heures, c’était trop tard », apprend-on de source pénitentiaire.

      A chaque décès en détention, quelle que soit l’apparence des faits (mort naturelle, suicide, agression), une enquête judiciaire est systématiquement ouverte. « Nous n’avons, à ce stade, pas d’élément troublant ni de facteur d’explication de cette série de suicides à Fleury-Mérogis », assure-t-on au parquet du tribunal d’Evry, dans le ressort duquel est implantée la plus grande prison d’Europe avec ses quelque 4 300 détenus. La justice y voit des cas individuels, indépendants les uns des autres.

      Pour le coordonnateur du pôle enquête de l’Observatoire international des prisons (OIP), François Bès, cela pourrait s’expliquer par « un climat de tensions permanentes et de pression » spécifique à cet établissement. Les conditions de détention y sont pourtant, a priori, moins dures que dans d’autres maisons d’arrêt franciliennes. A Fresnes (Val-de-Marne), dont la vétusté des locaux n’est plus à démontrer, où les cellules n’ont pas de douche et où le nombre de détenus atteint 193 % de la capacité (contre 143 % à #Fleury-Mérogis), on ne déplore « que » deux suicides depuis le début de l’année pour 2 550 détenus. A Villepinte, en Seine-Saint-Denis, aucun suicide malgré une densité carcérale de 182 %. Au niveau national, on observe une légère hausse, mais la tendance sur plusieurs années est orientée à la baisse : 64 suicides en détention depuis le début de l’année, contre 59 pour la période équivalente en 2017 et 71 en 2016.

      Lire aussi : Nouveau record pour les prisons françaises avec 70 710 personnes incarcérées

      Certains cas polémiques

      Le phénomène a pris à Fleury une dimension oppressante, tant pour les personnels pénitentiaires que pour les détenus et leurs familles. Au point que certains cas deviennent polémiques. Tel celui de Lucas H., 21 ans, qui se serait pendu le 21 juillet au quartier disciplinaire où il avait été conduit à la suite d’une altercation avec des surveillants au sortir d’un parloir avec sa mère. Sa famille refuse de croire à un geste désespéré du jeune homme censé sortir de prison en septembre. Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté samedi 4 août devant la maison d’arrêt à l’appel d’un collectif Justice pour Lucas et conspué aux cris de « Matons assassins ! » les surveillants qui quittaient leur service.

      Selon le parquet d’Evry, qui a eu les conclusions orales de l’autopsie pratiquée le 26 juillet, « rien de suspect ne remet en cause pour le moment la thèse du suicide » de Lucas. Mais, l’enquête ne devrait pas être bouclée avant septembre, en attendant le rapport complet du médecin légiste et le résultat de plusieurs auditions auxquelles les gendarmes comptent encore procéder.

      D’autres suicides ne sont pas contestés, mais peuvent nourrir des questions sur le sens de la détention [ça alors...] , en particulier pour les courtes peines. Comme celui de cet homme de 25 ans, condamné à trois mois de prison pour « voyage habituel sans titre de transport ». Il s’est pendu le 17 mars, quelques semaines après son incarcération. Ou ce père de famille, plus âgé, qui s’est suicidé en avril, à peine arrivé pour exécuter une peine de deux mois pour « conduite sans assurance ». Ces sanctions pénales semblent disproportionnées au regard du délit, mais les tribunaux les justifient par le caractère multirécidiviste de ces personnes.

      Taux de suicides six fois supérieur

      Autre sujet questionné, celui des détentions provisoires qui s’allongent. La jeune femme de 24 ans qui s’est donné la mort à la maison d’arrêt des femmes de Fleury le 21 avril attendait depuis trois ans que la justice fixe son sort. « Une situation plus difficile à vivre que pour les condamnés, qui, eux, savent quand ils sortiront et peuvent, même si c’est dans longtemps, se projeter dans un avenir », explique un surveillant de cette prison géante.

      Le 12 juin, c’est un Albanais de 38 ans, qui se suicidait peu de temps après que sa détention provisoire qui durait déjà depuis dix-huit mois fut renouvelée. Il était mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de Nice (86 morts) pour « association de malfaiteur terroriste » pour avoir fourni des armes à un couple d’Albanais qui les avaient lui-même revendues à un proche du conducteur du camion meurtrier. Selon l’Agence France-Presse, la qualification « terroriste » de son dossier était sur le point d’être abandonnée alors que cet homme, dont la tendance suicidaire avait été signalée, clamait depuis le début son aversion pour les djihadistes.

      Le taux de suicides en prison est en moyenne six fois supérieur à celui de l’ensemble de la population. De fait, elle concentre des personnes qui cumulent les handicaps sociaux, scolaires, économiques, sanitaires, familiaux, etc. « Ce n’est pas la prison qui crée leurs problèmes ni leurs fragilités », se défend-on à la direction des services pénitentiaires d’Ile-de-France. La direction assure que les retours d’expérience réalisés par une équipe pluridisciplinaire après chaque décès « n’ont pas révélé de faille dans la prévention du suicide, que ce soit dans la transmission des informations sur les signes avant-coureurs ou la prise en charge des personnes fragiles ».

      Dégradation des actions préventives

      Il n’empêche, le plan antisuicide mis en place en 2009 par la direction de l’administration pénitentiaire a porté ses fruits et a ainsi fait la preuve que ce n’était pas une fatalité. Le dispositif ne se limite pas à la ronde toutes les heures. Le dialogue du surveillant avec le détenu, par exemple au retour d’un parloir annulé ou qui s’est mal passé ou d’une audience chez le juge, est essentiel. « Lorsqu’un détenu que l’on a pris en charge se suicide, on ressent la même chose que le chirurgien qui perd un patient sur sa table d’opération », témoigne un ex-directeur de Fleury-Mérogis.

      Lire aussi : La mise en place d’un bureau de vote pour les détenus à l’étude

      Mais les surveillants ont-ils encore le temps pour cette partie valorisante de leur métier ? L’OIP voit dans la surpopulation carcérale et la proportion importante de surveillants stagiaires la cause d’une dégradation de ces actions préventives.

      Un autre dispositif de prévention qui semble avoir fait ses preuves à Villepinte depuis plusieurs années et a été implanté il y a quelques mois à Fresnes devrait prochainement être mis en place à Fleury-Mérogis, dans deux bâtiments sur cinq pour commencer. Des « codétenus de soutien », volontaires, formés avec des psychologues de la Croix-Rouge partageront la cellule de personnes considérées comme à risque en matière de passage à l’acte.

      Les statistiques sur la prévention n’existent pas, mais la direction des services pénitentiaires d’Ile-de-France assure qu’il y a dix fois plus de tentatives sérieuses de suicide prises à temps par les personnels que de suicides constatés.

    • La prison, « une humiliation pour la République », Editorial, Le Monde
      https://lemonde.fr/idees/article/2018/08/08/la-prison-une-humiliation-pour-la-republique_5340462_3232.html

      L’inflation de la population carcérale provoque des conditions de détention indignes et incompatibles avec les objectifs de réinsertion assignés à l’administration pénitentiaire.

      Nouveau record pour les prisons françaises avec 70 710 personnes incarcérées
      https://lemonde.fr/societe/article/2018/07/26/nouveau-record-pour-les-prisons-francaises-avec-70-710-personnes-incarcerees

    • https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins-dete-1ere-partie/prisons-francaises-un-systeme-a-bout-de-souffle

      Confrontée à une vague de suicides à Fleury-Mérogis, l’administration pénitentiaire française pourrait bien devoir reconsidérer les faiblesses de son #système. Pour en parler, Julie Gacon reçoit #François_Bès, coordinateur du pôle enquête de l’Observatoire international des prisons (OIP).
      #administration_pénitentiaire

  • « Nous étions des mains invisibles »
    https://www.revue-ballast.fr/nous-etions-des-mains-invisibles

    Nous l’avions rencontrée une première fois au mois de mars 2018, lors d’une manifestation en soutien aux cheminots, aux côtés des employé.e.s d’une entreprise de nettoyage — H. Reiner Onet — en charge des gares d’Île-de-France. « Nous sommes aussi là pour défendre nos droits : depuis la fin de la grève, Onet n’a pas respecté le protocole », nous avait dit une de ses collègues. Fernande Bagou, la cinquantaine, a justement été l’une des porte-paroles de cette grève menée tambour battant, fin 2017, durant 45 jours : le nouvel employeur entendait déplacer les salarié.e.s d’un chantier à l’autre selon son bon vouloir — une « clause de mobilité » refusée par l’ensemble du personnel. Cette grève, appelant en outre au maintien de tous les postes et à l’égalisation des paniers repas, était une première pour la plupart. (...)

  • Léo Ferré - Léo Ferré and Co. sur Radio Libertaire
    https://leo-ferre.com/actualite/leo-ferre-and-co-sur-radio-libertaire

    Fondée en 1981 par la Fédération Anarchiste avec peu de moyens et beaucoup de débrouille, #Radio_Libertaire aura aussitôt connu des avanies. En 1983, le Pouvoir décide de la faire taire manu militari. Les artistes et les associations se mobilisent, dont #Léo_Ferré, qui donne un concert de soutien à l’espace Balard en décembre 1983, devant 7000 personnes. Le pouvoir cède. Et Léo remontera au créneau pour ses compaings de la FA, se produisant devant 5000 spectateurs en juin 1991 au Palais des Sports de Paris, leur offrant la recette afin que la radio puisse se pérenniser.

    Depuis, Radio Libertaire est toujours là (89,4 MHz sur la bande FM en Île-de-France) et l’esprit de Léo y plane amicalement. Ainsi, l’inoxydable Davou propose chaque lundi à minuit trente l’émission musicale et militante Nuit Noire et chaque mercredi à 16 heures le Ferré Club, plus spécifiquement consacrée à Léo.
    Ce lundi 16 juillet, il vous convie dès 21h à vous caler peinards et à écouter du Léo sans limite de temps, « à certaines heures pâles de la nuit », avec plein de titres connus et moins connus choisis par toute une joyeuse brochette de ferréphiles. Une façon de célébrer sans façons les 25 ans de la disparition de l’artiste, qui ont eu lieu, comme vous le savez, samedi 14 juillet dernier.

    Par ailleurs, (re)découvrez la très chouette et touchante discussion (en trois parties) que Davou a suscitée en avril 2018 avec Mathieu Ferré, le photographe Patrick Ullmann (le talentueux créateur des pochettes de Bobino 69, Il n’y a plus rien, Et... basta !, Ferré muet...) et moi-même, en juin dernier. Une conversation vivante, pointue et décontractée qui vous fera découvrir certaines coulisses de Léo.

    Mathieu y parle sans langue de bois de son rapport à l’œuvre de son père, de ses tribulations d’éditeur musical et phonographique, des inédits qu’il fait surgir de l’oubli, de certaines incompréhensions durables ou récentes... et Patrick évoque un Léo terriblement vivant et attachant, à travers le lien privilégié qui les a unis pendant les années 1970.

    À écouter sans modération !

    https://missnight.blogspot.com/2018/07/le-ferre-club-hors-serie-n-1-16-juillet.html
    https://leo-ferre.com
    source : France Culture
    https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/leo-ferre-1916-1993-avec-le-temps

  • Un collège-lycée contraint illégalement des enfants à être traçables en permanence | La Quadrature du Net
    https://www.laquadrature.net/fr/new_school

    Le port obligatoire du porte-clef New School par chaque enfant semble illicite du simple fait que l’information fournie par l’établissement sur l’interruption automatique du porte-clef serait fausse, alors que le règlement général sur la protection des données (RGPD) exige une information loyale.

    De plus, quand bien même cette information serait juste (si le porte-clef n’émettait pas constamment), le système serait illicite pour d’autres raisons.

    D’abord, le RGPD exige que tout traitement de données personnelles soit fondé sur une base légale : le consentement, la nécessité de fournir un service public ou la nécessité de poursuivre un « intérêt légitime ».

    Ici, les enfants ne peuvent donner aucun consentement valide au traçage : ils n’ont pas le choix de l’accepter pour aller en cours et ne peuvent l’accepter qu’en même temps qu’ils acceptent l’ensemble du règlement intérieur. Leur consentement, qui ne serait ni libre ni spécifique, ne serait jamais reconnu comme valide par la CNIL (au sujet du caractère libre du consentement, voir l’analyse détaillée développée dans nos plaintes collectives contre les GAFAM).

    S’agissant de la nécessité de fournir un service public ou de poursuivre un intérêt légitime (tel que faire l’appel des élèves), il faut d’abord démontrer que le système est « nécessaire ». En droit, ceci implique notamment qu’il n’existe aucun autre système alternatif qui, atteignant les mêmes objectifs, cause des risques moins élevés en matière d’atteinte aux libertés fondamentales. Ici, l’appel des enfants à l’oral remplit les mêmes objectifs sans poser de risque pour la vie privée. Le fait que le traçage par localisation automatique des enfants simplifie l’appel des élèves ne saurait le rendre « nécessaire », surtout au regard des risques importants qu’il cause quant à la traçabilité constante de la position de chaque enfant.

    Toutefois, ce débat sur la « nécessité » a déjà été tranché par le groupe de l’article 29 (G29, l’institution qui réunissait les CNIL des 28 États membres de l’Union européenne et qui est devenu le Comité européen de la protection des données depuis le 25 mai 2018).

    Depuis 2011, le G29 considère que, dans les cas où des personnes pourraient être localisées au moyen de signaux émis par un dispositif qu’elles transportent, et dans le cas où cela serait possible non pas sur la base de leur consentement mais sur celui d’un « intérêt légitime », il faut systématiquement que ces personnes puissent librement et facilement s’opposer à un tel traçage, à tout moment.

    Dans notre cas, à l’inverse, l’établissement Rocroy sanctionne les enfants qui s’opposerait au pistage en refusant de porter le porte-clef. L’obligation de le porter est donc illicite de ce seul fait.

    • Et maintenant ?

      Nous invitons les élèves et parents d’élèves de l’établissement Rocroy à se saisir des éléments développés ici pour saisir la justice en référé afin de faire changer le règlement intérieur avant la rentrée.

      De façon plus générale, nous appelons la CNIL à enquêter sur la start-up New School avant que celle-ci ne démarche d’autres établissements. La situation est des plus inquiétante puisque, dès 2016, d’après Le Figaro Madame, « le cabinet de Valérie Pécresse lui fait savoir qu’ils aimeraient utiliser l’application pour toute la région Île-de-France ».

      Politiquement, le cas de New School révèle un mouvement plus profond et plus grave : les puces choisies par New School ont initialement été pensées et sont normalement utilisées pour localiser des objets fixes (des murs) ou mobiles (des marchandises) afin qu’un humain muni d’un smartphone puisse se repérer parmi ces objets. Cette situation s’inverse ici : la puce n’est plus attachée à des objets mais à des enfants ; le smartphone ne sert plus à se repérer dans l’espace mais, immobile au poste du surveillant, à définir l’espace dans lequel les humains peuvent évoluer. L’humain ne se déplace plus parmi les choses : il est une chose comprise par d’autres.

    • Avec l’article sur la loi d’interdiction des téléphones portables, je me dis que tout de même... les startups sont assez médiocres dans la mise au point de solutions technologiques innovantes et efficaces, alors même que tout est déjà sur Internet :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/IMSI-catcher

      Avec un tel outil, plus de soucis, on fait l’appel sans difficultés... et pas de risque que l’élève file son « bracelet électronique » à son voisin.

    • Je vais faire du cynisme mais le titre me hérisse, d’habitude ce sont les grands médias qui ne mentent jamais qui induisent que la surveillance pourrait être légale. Tout va bien alors si c’est illégal, ils n’ont qu’à modifier la loi comme d’habitude pour que tout rentre dans l’ordre.

  • A Paris, le renfort de policiers marocains pour pister des mineurs isolés contesté - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/07/21/a-paris-le-renfort-de-policiers-marocains-pour-pister-des-mineurs-isoles-

    Selon « l’Obs », l’aide de la police marocaine a été sollicitée en juin par les autorités françaises pour intervenir auprès des jeunes marocains isolés d’un quartier du XVIIIe arrondissement, afin d’éventuellement les expulser. Un dispositif de coopération policière contraire au droit international selon les spécialistes du droit des étrangers.

    Ils sont selon les associations d’aide aux #migrants une cinquantaine, voire une soixantaine, à errer chaque soir, seuls et sous l’emprise de produits stupéfiants, dans le quartier de la Goutte d’or. À Paris, au cœur du XVIIIe arrondissement, des mineurs isolés marocains, pour la plupart des gamins, dont les plus jeunes ont à peine 10 ans, mettent à l’épreuve depuis un an et demi les autorités de police, la mairie mais aussi les services de protection de l’enfance.

    Leur situation a été très longuement racontée par le Monde en mai : pour la grande majorité originaires du #Maroc, ces jeunes garçons « en rupture totale » cherchent à rejoindre l’Espagne ou les pays scandinaves pour y trouver refuge. De passage dans la capitale - « entre une semaine et trois mois » selon le quotidien du soir -, ils refusent toute prise en charge et, parfois violents, commettent des délits (vols de bijoux et de téléphone à l’arraché) qui ont conduit à 813 gardes à vue en 2017. Une situation qui plonge les habitants de la Goutte d’or dans le plus grand désarroi et face à laquelle la préfecture de police et la mairie de #Paris semblent dépassées.

    Pour régler la question de ces mineurs isolés, les autorités françaises ont, semble-t-il, trouvé une solution : solliciter l’aide des autorités marocaines. Selon des documents mis en ligne par le Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s (#Gisti) début juillet, et dont l’Obs se fait l’écho ce vendredi, un « arrangement administratif » a été trouvé courant juin entre les ministères français et marocain de l’Intérieur pour mettre en place un dispositif de coopération policière prévoyant l’envoi en juillet de quatre policiers marocains dans la Goutte d’or. « Les autorités françaises et marocaines unissent actuellement leurs efforts pour traiter la situation des mineurs non-accompagnés présumés marocains présents sur Paris et plus particulièrement dans le XVIIIe arrondissement », confirme par e-mail à Libération place Beauvau. Mais à quelles fins ?

    En quoi consiste cet « arrangement administratif » ?

    C’est là que ça se corse. Selon les associations d’aide aux migrants et réfugiés, cet « arrangement administratif » permettrait en toute « opacité » et, sous couvert d’identification de ces mineurs, leur expulsion vers le Maroc. « On n’en sait pas beaucoup plus sur les contours de cette coopération policière, si elle est mise en œuvre et depuis quand, déplore Jean-François Martini, du Gisti. Mais on sent bien que cet accord de coopération au nom de lutte contre l’immigration illégale se donne des objectifs bien plus larges que celui de régler la situation des mineurs isolés marocains. » Un document de la préfecture de police daté du 11 juin et mis en ligne par son association indique en effet que l’équipe dépêchée par Rabat a pour mission « d’auditionner les mineurs isolés marocains et de recueillir les informations permettant de lancer les investigations en vue de leur identification et de leur retour au Maroc ».

    En revanche, le texte de l’arrangement entre les ministères français et marocain est lui plus circonspect et évoque un « soutien opérationnel en matière de prévention et de répression de la délinquance et de l’immigration irrégulière ». « Des travaux autour de l’identification de ces jeunes (minorité, nationalité) et de la recherche de leurs familles au Maroc sont en cours, précise de son côté le ministère. Au cas par cas, et sur décision d’un juge pour enfant français, des solutions seront apportées dans leur intérêt et le respect de leurs droits. »

    Pourquoi est-il contesté ?

    Problème : selon les défenseurs des migrants, mais aussi des spécialistes du droit des étrangers, ce dispositif de coopération policière ne met pas du tout en avant la protection de l’enfance. Au risque d’être contraire à de nombreuses dispositions du droit international comme l’article 3 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la France, qui appelle à accorder une considération primordiale au respect de « l’intérêt supérieur de l’enfant », ou du droit français comme celles du Code de l’action sociale et des familles. De plus, en organisant l’éloignement de ces jeunes vers leur pays d’origine, il serait contraire aux dispositions du Code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui empêchent l’éloignement (soit les reconduites à la frontière) des mineurs isolés étrangers. « Le retour volontaire forcé de mineurs, c’est illégal, s’alarme à ce propos Violaine Husson, une responsable de la Cimade en Ile-de-France. Et comme, il y a de fortes suspicions de traite d’êtres humains, en plus des problèmes d’addictions, ils ont besoin d’être protégés. »

    Une analyse partagée par Me Emmanuel Daoud. « À ce stade, on ne respecte pas la loi car on les considère comme des étrangers et non comme des mineurs alors qu’il y a des obligations internationales, regrette cet avocat spécialiste des droits humains. Pourquoi ? Parce que les entretiens menés par ces policiers marocains aux côtés des policiers français vont se faire sous les radars de la justice, sans avocats, et pas au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. » Il poursuit : « Ces mineurs sont dans un état de souffrance psychologique et physiologique, ils doivent donc être considérés comme des mineurs en danger et relèvent donc prioritairement de l’assistance éducative et/ou de la tutelle départementale. »

    « L’objectif est de sortir ces mineurs des rues, de les protéger et de les inscrire dans un projet de réinsertion durable, familial et/ou institutionnel, tenant compte de leurs besoins fondamentaux (santé physique et psychique) et de leurs perspectives d’avenir (scolarité, apprentissage), soutient pour sa part le ministère de l’Intérieur. L’ensemble des acteurs compétents, français comme marocains, est fortement mobilisé en ce sens, dans le strict respect de la législation applicable. »

    Y a-t-il eu des précédents ?

    De fait, ces dernières années, ce type d’« accords non contraignants » comme l’ « arrangement administratif » de « renforcement de la coopération franco-albanaise en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et la lutte contre la criminalité » signé en 2017 par Gérard Collomb entre la France et l’Albanie sont devenus courants. L’objectif inavoué selon la juriste Marie-Laure Basilien-Gainche, professeur de droit public à Lyon III : faciliter les expulsions tout en contournant les obligations internationales qui imposent la protection des droits fondamentaux des migrants et plus encore des mineurs migrants.

    Adoptée en 2010, la loi sur l’accord de coopération entre la France et la Roumanie pour faciliter le renvoi des mineurs roumains vers leur pays d’origine avait par exemple été jugée la même année inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, l’accord ne prévoyant aucune voie de recours pour contester l’éloignement de ces mineurs. « On retrouve le même esprit dans cet arrangement administratif, mais la méthode est différente, analyse Marie-Laure Basilien-Gainche. Dans le cas roumain, il s’agissait d’un accord en bonne et due forme intégré dans une loi - certes invalidée - mais qui insistait sur la protection des mineurs ; dans ce cas, le recours à un arrangement administratif a été préféré pour éviter le contrôle du Parlement et surtout celui du Conseil constitutionnel qui a auparavant sanctionné ce genre de pratique. Reste une volonté d’éloigner y compris des mineurs qui s’affirme et s’affiche de manière décomplexée. »
    Florian Bardou

    Pour les personnes qui pensent que nous sommes encore dans un état de droit, je précise que tout mineur étranger isolé sur le territoire français ne peut être expulsé, mais l’État français qui ne respecte pas ses propres lois en matière du droit des étrangers ça devient la norme.

    #mineurs_isolés #droit_des_étrangers