provinceorstate:massachusetts

  • Alisa Chevtchenko, pirate russe ou victime d’une erreur judiciaire ?

    http://www.lemonde.fr/international/article/2017/01/07/alisa-chevtchenko-pirate-russe-ou-victime-d-une-erreur-judiciaire_5059206_32

    Placée sur la liste noire du Trésor américain et visée par des sanctions, la jeune informaticienne russe clame son innocence.

    Le 30 décembre 2016 à 8 h 09, heure d’Europe centrale, Alisa Chevtchenko, une informaticienne russe de 31 ans, lance sur Twitter un message effaré : « A mon réveil, je trouve des tonnes de questions de médias à propos d’une liste dont je n’ai rien à foutre, et dont je n’ai jamais entendu parler. J’ai l’impression que je ne vais pas coder aujourd’hui… » Deux heures et demie plus tard, elle semble avoir compris ce qui lui arrive : « Pardonnez mon silence, j’essaie de comprendre comment ma petite société toute simple (qui, en plus, est fermée depuis longtemps), a pu apparaître sur la même liste que le FSB [les services de sécurité russes] et des terroristes internationaux. »

    Alisa Chevtchenko est la fondatrice de Zor Security, une start-up de sécurité informatique basée à Moscou, qui, selon elle, a cessé ses activités il y a plusieurs années. Jusqu’au 29 décembre, Alisa Chevtchenko était reconnue dans son milieu professionnel pour la qualité de son travail en sécurité informatique, et remarquée sur Internet pour sa personnalité originale – à la fois rebelle et branchée, businesswoman élégante et « geekette » à l’humour corrosif.
    Désormais, elle est célèbre dans le monde entier, car elle est accusée par les Etats-Unis d’avoir participé au piratage des serveurs du Parti démocrate américain, dont le contenu a été publié sur Internet dans le but d’interférer avec le processus électoral, et peut-être de déstabiliser la candidate démocrate à l’élection présidentielle, Hillary Clinton. Plus précisément, Zor Security est accusée d’avoir fourni aux agences d’Etat russes une « assistance technique en matière de recherche-développement ».

    « Père Noël vicieux »

    Sur la liste officielle des coupables, publiée le 29 décembre par la Maison Blanche, Zor Security se retrouve ainsi aux côtés du GRU (la direction générale du renseignement de l’armée russe) et de quatre de ses dirigeants, du FSB, de deux organismes de recherche informatique de Moscou et Saint-Pétersbourg – plus deux hackeurs de droit commun, accusés d’avoir escroqué des banques, des agences publiques et des sites marchands « pour leur profit personnel ».

    La « geekette » à l’humour corrosif est accusée d’avoir participé au piratage des serveurs du Parti démocrate

    Le même jour, le président Obama a amendé un décret datant d’avril 2015 autorisant à punir les auteurs étrangers de cyberattaques, afin d’y ajouter un article sur mesure, permettant de sanctionner toute personne ayant directement ou indirectement « falsifié, altéré ou détourné des informations dans le but d’interférer avec les processus ou les institutions électoraux ou de les affaiblir ». Zor Security est à nouveau citée, et ajoutée à la longue liste des ennemis des Etats-Unis, susceptibles d’être sanctionnés à tout moment de diverses façons : interdiction de venir aux Etats-Unis, gel ou saisie de leurs avoirs à portée des autorités américaines, interruption de toute relation avec des citoyens, organismes ou entreprises américains… De son côté, le département du Trésor confirme l’inscription de Zor Security sur sa liste noire, en précisant que la société est également connue sous les noms « Esage Labs » et « Tsor Security ».

    Alisa Chevtchenko affirme qu’elle tombe des nues, qu’elle n’est au courant de rien et qu’elle est victime d’une erreur judiciaire dans une affaire qui la dépasse complètement. Jour et nuit, elle s’exprime en anglais sur Twitter, en passant par tous les stades – déni, frayeur, colère, dérision : « Un garçon de bureau du Trésor américain a tapé “cyber” sur Google pendant que les analystes du renseignement étaient en vacances de Noël » ; « Au plus profond de la nuit de Noël, un Père Noël vicieux a piraté l’ordinateur d’Obama et a jeté des noms russes au hasard dans ses documents ».

    Elle s’insurge aussi contre les médias américains qui la déclarent coupable sans avoir fait de contre-enquête. Puis elle lance des appels au secours : « J’apprécierais les conseils de quelqu’un qui connaîtrait le fonctionnement interne de ce système, ou qui s’est trouvé dans une situation similaire… » Elle modifie son profil pour ajouter la mention : « Je ne suis pas une espionne russe ».

    Victime innocente ou comédienne de talent ? Une chose semble sûre : Alisa Chevtchenko maîtrise parfaitement les « techniques offensives » inventées par les hackeurs, car son travail consiste à tester les défenses des systèmes informatiques de ses clients, afin d’en détecter les failles et d’y remédier. Sur ses pages personnelles, elle se décrit comme une « ch1x0r » (« fille » en Leet speak, un langage ludique pratiqué par les geeks extrêmes), « amoureuse de l’ingénierie à rebours, de l’analyse des virus, du contournement d’antivirus, des tests de pénétration, des cyberautopsies… » Ailleurs, elle se présente comme « un être humain un peu marginal », une autodidacte qui fut une femme d’affaires, et qui le redeviendra peut-être.

    Dans le passé, elle a participé à des conférences en Russie, en Angleterre, au Canada, et publié des articles techniques dans des revues professionnelles internationales. Elle s’enorgueillit d’avoir créé à Moscou un « hackerspace » baptisé Neuron. En 2014, l’édition russe du magazine américain Forbes publie un portrait flatteur de cette jeune entrepreneuse ambitieuse. En 2015, le département américain de la sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS) note avec satisfaction qu’en partenariat avec la société informatique Positive Technologies, basée à Boston, « l’experte indépendante Alisa Chevtchenko » a découvert des vulnérabilités dans des logiciels de la société française Schneider Electric, ce qui a permis de trouver rapidement des parades.

    Approximations

    En dehors de la sphère professionnelle, Alisa Chevtchenko est active sur les réseaux sociaux comme Instagram, où elle se montre dans des tenues élégantes. Le compte Facebook ouvert à son nom est plus énigmatique. Elle y est présentée comme « inspectrice qualité pour Facebook », et indique qu’elle aurait étudié à New York dans une institution baptisée Illuminati, travaillé pour une agence de mannequins au Chili, puis vécu à Londres.

    Pour organiser sa défense, Alisa Chevtchenko rassemble des textes rédigés par des confrères américains, qui doutent de la véracité des accusations de leur gouvernement contre la Russie, ou qui s’interrogent sur le manque de preuves. Les critiques se concentrent sur un nouveau document publié conjointement par le FBI et le DHS, intitulé « Cyberactivité russe malveillante » et affublé du nom de code « Grizzly Steppe » pour lui donner un parfum slave. Grizzly Steppe se présente comme un rapport technique visant à décrire « les outils et infrastructures utilisés par les services de renseignement civils et militaires russes pour compromettre et exploiter les réseaux et serveurs associés à l’élection américaine et à une série d’organismes américains publics, politiques et privés ».

    En fait, selon les experts américains repris par Alisa Chevtchenko, ce document ne prouve rien, il est mal conçu, bourré d’erreurs et d’approximations, et semble avoir été rédigé dans la précipitation par des amateurs. Les adresses IP présentées comme étant celles des pirates russes mèneraient souvent vers des serveurs anonymes utilisables par n’importe qui ; les « groupes de menace » présentés comme des bandes de hackeurs ne seraient en fait que des catégories de logiciels constituées a posteriori par les concepteurs d’antivirus ; les noms des opérations de piratage auraient été inventés par des sociétés de sécurité américaines à des fins de marketing…

    Le cas particulier d’Alisa Chevtchenko renforce les convictions des opposants américains à la thèse de la culpabilité russe, une coalition très hétéroclite et sans doute éphémère : des partisans de Donald Trump qui refusent de voir sa victoire souillée, des militants gauchistes ou libertaires prompts à mettre en doute la parole du FBI et de la CIA, des pacifistes craignant un retour de la guerre froide, d’anciens responsables des services de renseignement devenus lanceurs d’alerte, des proches de WikiLeaks (Julian Assange affirme que les documents dévoilés pendant la campagne ne lui ont pas été donnés par les Russes) et aussi des soutiens de Bernie Sanders, candidat malheureux à la primaire démocrate, qui n’ont toujours pas digéré la façon dont l’appareil du parti avait biaisé la compétition en faveur d’Hillary Clinton.

    Désormais, Alisa Chevtchenko affirme qu’elle reçoit des Etats-Unis de nombreux messages de soutien et même… des offres d’emploi.

    • Beaucoup d’autres infos dans l’article du Guardian et quelques réactions

      Young Russian denies she aided election hackers : ‘I never work with douchebags’ | World news | The Guardian
      https://www.theguardian.com/world/2017/jan/06/russian-hacker-putin-election-alisa-shevchenko

      The former NSA contractor-turned-whistleblower Edward Snowden, who currently lives in Russia, wrote on Twitter: “Few techs doubt that Russians could have a hand in hacks, but public policy requires public evidence.

      Brian Bartholomew, of Kaspersky Lab’s US office in Massachusetts, said the biggest clue was an in-house piece of software called XAgent, which he had never seen elsewhere.

      Assange said it could have been a 14-year-old hacker – if you look at the collective operations of this group, there’s no way a 14-year-old has this much money, time and effort to conduct all of these operations together,” he said.

      Of the entities on the sanctions list, including Shevchenko’s company, Bartholomew said: “There’s probably a good reason that those names were put in the document.

      Aitel said he had no doubt Russian intelligence was behind the hack and said authorities would certainly use third-party contractors for operations, but he added that it was problematic to sanction individuals without releasing evidence. “No matter what she did technically, she’s not a policy maker. It doesn’t make much sense to sanction individuals on the basis that ‘we know something secret so we’re going to sanction you’.

      Only Shevchenko’s company – rather than Shevchenko personally – is on the US treasury’s list of specially designated nationals (SDNs), which are subject to an asset freeze in any dealings with US persons or the US financial system.

    • Esage | SOLDIERX.COM
      https://www.soldierx.com/hdb/Esage

      Esage
      IRL Name: Alisa Shevchenko

      Biography:
      Alisa “Esage” Shevchenko is a security ch1x0r who loves reverse engineering, malware analysis, antivirus bypassing, penetration testing, cyber forensics, black-box software and hardware security auditing. Alisa spoke at security conferences like RusCrypto 2009, RECon 2011, InfoSecurity 2012, and ZeroNights 2012; published her works in such magazines as InfoSecurity Russia, (IN)Secure, Hakin9, VirusBulletin, and No Bunkum. She has been running her own company Esage Lab since 2009; co-founded Neuron, a hackspace in Moscow.

      Facts
      She discovered a few remote code execution bugs in Microsoft products: CVE-2014-4060, CVE-2014-4118, ZDI-15-052, etc.

    • Forbes du 30/12/16

      Meet The Russian Hacker Claiming She’s A Scapegoat In The U.S. Election Spy Storm
      http://www.forbes.com/sites/thomasbrewster/2016/12/30/alisa-esage-shevchenko-us-election-hack-russia-sanctions/#4b70f4e31bb0

      Meanwhile, experts have noted other weaknesses in the U.S. response, in particular in the brief technical report released yesterday by the Department of Homeland Security (DHS) and the FBI. The agencies outlined the hacker techniques of “Russian civilian and military intelligence Services (RIS) to compromise and exploit networks and endpoints associated with the U.S. election.

      But Rob Lee, a former U.S. cyber intelligence officer, noted “the finer details are confusing.” “Some relate to the APT28 and APT29 campaigns mentioned for the DNC hack but there are lots of other indicators of random Russian based intrusions and campaigns… The data set is not even majorly focused on the election,” he said.

      More troubling is that the report from the FBI-DHS looks rushed and as if too many non-technical people were involved in the review. As an example, in the campaign names for RIS activity they not only list campaign names like APT28 but also malware names like BlackEnergy v3 and HAVEX and classification of capabilities such as Powershell Backdoor. What they’ve in essence done is say that these are the names we know RIS by and then reported out things that aren’t names of groups at all. It’s an odd mixing and ultimately would be a #rookie_move in the private sector.

  • Voyage dans l’Amérique en guerre (4/4) : une guerre sans limites

    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/01/06/voyage-dans-l-amerique-en-guerre-4-4-une-guerre-sans-limites_5058934_3222.ht

    Au nom de la lutte contre le djihadisme, le 11-Septembre a précipité les Etats-Unis dans quinze années de combats . Dernier volet de notre reportage dans un pays tourmenté.

    Tentant d’esquisser un bilan de ces quinze années, l’ex-colonel Andrew Bacevich, devenu historien et professeur à l’université de Boston, dénonce « la normalisation de la guerre. Pendant la guerre froide, le Vietnam et d’autres conflits, l’objectif politique final d’un président était la paix. Même les plus cyniques évoquaient la paix. Cette année, je n’ai entendu aucun des deux candidats à la présidentielle en parler. Ils promettent la guerre, pas la fin de la guerre ».

    Ce jour-là, à Boston, Andrew Bacevich a réuni chercheurs, militaires et espions pour une conférence intitulée « Quinze ans après le 11-Septembre ». Deux anciens pontes du renseignement s’interrogent. Ardent défenseur des programmes mis en œuvre depuis 2001, John Deutch, un ex-directeur de la CIA, constate que « le 11-Septembre a détruit tout le système sur lequel était bâtie la sécurité nationale américaine, où l’on faisait la différence entre l’extérieur et l’intérieur, et entre la guerre et la paix », et qu’il a bien fallu s’adapter à un monde nouveau.

    Andrew Bacevich, professeur à l’université de Boston (Massachusetts), le 14 septembre 2016.
    Nettement plus critique, Paul Pillar, un ancien du contre-terrorisme de la CIA et de l’état-major du renseignement, professeur à l’université Georgetown de Washington, dénonce « l’usage politique qui a été fait de la peur et des angoisses des Américains pour justifier à la fois la restriction des libertés et l’invasion de l’Irak. Alors que, franchement, il est impossible d’affirmer que nous sommes plus en sécurité aujourd’hui qu’il y a quinze ans ». S’adressant aux étudiants, et contrairement à beaucoup d’agents de la sécurité nationale qui se sont résignés à accompagner décisions politiques et avancées technologiques sans débat éthique, Pillar les conjure de « ne pas se résigner : ne prenez jamais la normalité pour inévitable ! »

    Au cours de ce voyage dans l’Amérique en guerre, une visite s’imposait. Un détour par Rockville, dans cet Etat du Maryland qui, avec la Virginie, accueille autour de Washington toute l’élite sécuritaire du pays. C’est là que vit un ancien espion, Marc Sageman, devenu au fil des années et de ses recherches peut-être le meilleur analyste du conflit entre l’Amérique et le djihad.

    Au cimetière d’Arlington (Virginie), le 21 septembre 2016.
    Sageman a vécu cette guerre à tous les postes : après avoir formé pour la CIA, dans les années 1980, les moudjahidin afghans et arabes qui combattaient les Russes en Afghanistan, après s’être ensuite frotté dans le monde civil à la criminalité en tant que médecin légiste et psychiatre, il est revenu aux affaires sensibles après le 11-Septembre, mû par « un sentiment de culpabilité d’avoir peut-être entraîné certains de ces types » et par « une envie de comprendre qui ils sont et ce qu’ils cherchent ».

    Il a repris du service pour le Pentagone à Washington et en Afghanistan, pour le FBI, pour la police de New York, pour le Secret Service chargé de la protection des présidents, et pour des instituts de recherche et des universités. C’est souvent lui, quelle que soit sa casquette, qu’on appelle pour interroger un djihadiste arrêté ici ou là, pour tenter d’évaluer la menace et de comprendre des motivations que la majorité des Américains considèrent comme incompréhensibles.

    POUR JOHN DEUTCH, UN EX-DIRECTEUR DE LA CIA, « LE 11-SEPTEMBRE A DÉTRUIT TOUT LE SYSTÈME SUR LEQUEL ÉTAIT BÂTIE LA SÉCURITÉ NATIONALE AMÉRICAINE, OÙ L’ON FAISAIT LA DIFFÉRENCE ENTRE L’EXTÉRIEUR ET L’INTÉRIEUR »

    Marc Sageman, qui a toujours jugé sévèrement les politiques étrangères de Bush puis d’Obama, est aujourd’hui encore plus désabusé que lors de conversations passées. « Même avec Obama, que j’ai pourtant soutenu, la situation a empiré. Il s’est entouré de faucons et est devenu faucon. Cette war on terror est incontrôlable. Elle a généré un complexe militaro-industriel de l’antiterrorisme dont les budgets se comptent en milliers de milliards de dollars. »

    L’ancien agent de la CIA à Islamabad n’est pas tendre non plus avec la préoccupation du moment, le front intérieur. Lui qui a pu interroger nombre de suspects arrêtés aux Etats-Unis estime que, malgré la menace réelle et quelques attaques réussies, « l’immense majorité de ces jeunes paumés ont été manipulés sur Internet par le FBI, qui parfois leur a même vendu les armes servant de preuves lors de leur arrestation ». « Au moins 400 arrestations ont été montées par le FBI pour des raisons de budget et de publicité. C’est la même technique que celle employée par John Edgar Hoover contre les communistes, puis contre les Noirs, puis contre les opposants à la guerre du Vietnam. Ces techniques avaient été suspendues après le Vietnam, sauf pour les dealers de drogue. Le FBI les a réactivées en 2001, soi-disant pour nous protéger de gens dangereux, mais en fait pour surveiller tout le monde et piéger qui il veut. »

    La torture, ligne de fracture

    Pour Marc Sageman, comme pour beaucoup d’Américains qui réfléchissent à l’onde de choc de ces conflits pour le pays et ses valeurs, la ligne de fracture de l’Amérique post-11-Septembre est la torture, ordonnée par Bush, puis supprimée par Obama sans être pénalement condamnée. « Raconter, comme dans le film Zero Dark Thirty, que la torture a permis de tuer Ben Laden, c’est vraiment de la connerie. Je connais le dossier. Cette histoire a été inventée par des types de la CIA qui ont enfumé les scénaristes du film. »

    L’ancien espion Marc Sageman, à Montgomery County (Maryland), le 19 septembre 2016.
    Son plus grand regret, à l’heure où Barack Obama va quitter la présidence, est « qu’il n’ait pas ordonné de poursuivre en justice nos criminels de guerre. Tant qu’il n’y aura pas de condamnation, ça recommencera ». Entraînant, comme avec Guantanamo ou Abou Ghraib, comme à chaque fois que l’Amérique n’est pas exemplaire sur l’état de droit, une augmentation significative du nombre de combattants ennemis.

    Kenneth Roth, le directeur de Human Rights Watch, la plus importante organisation de défense des droits de l’homme américaine, regrette lui aussi ce choix d’Obama, qui a supprimé l’utilisation de la torture le premier jour de sa présidence tout en excluant immédiatement de punir l’administration Bush pour ses excès. « Ne pas poursuivre en justice, c’est ramener la torture à une décision politique, au lieu de la rendre illégale. Obama l’a supprimée, ainsi que les détentions secrètes, mais ne pas condamner les responsables de la torture est un feu vert pour qu’un autre la rétablisse. »

    Lors d’une tournée d’entretiens avec des stratèges américains il y a huit ans, pendant l’hiver de transition entre Bush et Obama, beaucoup critiquaient déjà, pour des raisons diverses, la war on terror. Même si Ben Laden n’avait à l’époque pas encore été tué, chacun soulignait que le mot « guerre » semblait inadapté, puisque les responsables opérationnels des attaques du 11-Septembre, dont leur coordinateur Khalid Cheikh Mohammed, avaient été arrêtés au Pakistan par des moyens tout à fait classiques de renseignement et de police.

    POUR BEAUCOUP D’AMÉRICAINS QUI RÉFLÉCHISSENT À L’ONDE DE CHOC DE CES CONFLITS POUR LE PAYS ET SES VALEURS, LA LIGNE DE FRACTURE DE L’AMÉRIQUE POST-11-SEPTEMBRE EST LA TORTURE

    Si les années Obama ont permis un retour des troupes au bercail, elles n’ont en revanche pas inversé cette tendance à ne penser qu’en termes militaires. La militarisation de la lutte antidjihadiste est même telle, depuis que l’Etat islamique a bâti une armée de dizaines de milliers de combattants, que tout le monde a oublié que la réaction au 11-Septembre aurait peut-être pu être principalement policière, et plus personne ne critique la militarisation de la pensée. La réalité est là : aujourd’hui, en Irak et en Syrie mais également au Sahel, en Libye, au Yémen et ailleurs, seuls des moyens militaires peuvent venir à bout de certains groupes djihadistes, eux-mêmes désormais fortement militarisés.

    Quant à Khalid Cheikh Mohammed, il croupit toujours à Guantanamo, et même les Américains oublient de demander à leurs élus s’il sera un jour jugé pour ses crimes. « Avec le fait de ne pas juger nos criminels de guerre, c’est l’autre erreur d’Obama. Contrairement à Bush, lui aurait dû amener les responsables du 11-Septembre devant la justice, juge Kenneth Roth. C’est là aussi une décision liée à la torture : tout le système veut éviter des révélations sur ce sujet », certains aveux de Khalid Cheikh Mohammed ayant été extorqués lors de séances de waterboarding, la torture par suffocation dans l’eau.

    Le hasard – l’ironie pourrait-on dire, si le sujet de ces quinze ans de guerre n’était pas si tragique – est que ce voyage consacré à l’Amérique en guerre, commencé à New York un dimanche 11 septembre ensoleillé, s’achève, trois mois plus tard, en un pluvieux mois de décembre, sur le front de Mossoul.

    Dans cette ville marquée à la fois par ­Petraeus, par Al-Qaida et par l’Etat islamique, cette « capitale » des régions sunnites, des unités des forces spéciales irakiennes mènent la bataille contre l’EI. Ces soldats ont été formés par les Etats-Unis, qui ont depuis longtemps, en Irak comme ailleurs, adopté le concept de proxy war (« guerre par procuration ») afin d’éviter des engagements militaires directs. Les combats sont rudes. Les djihadistes finiront par perdre la « capitale » du « califat » proclamé par Abou Bakr Al-Baghdadi, l’héritier turbulent de Ben Laden et rival d’Al-Qaida, mais le fait même que cette bataille doive avoir lieu est l’aveu d’un échec colossal.

    Lors du premier débat présidentiel entre la démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump, à Oakland (Californie), le 26 septembre 2016.
    Quinze ans après le 11-Septembre, Ben Laden et ses 300 hommes ont muté en dizaines de milliers de combattants djihadistes, dont certains administrent depuis deux ans et demi villes et territoires en Irak et en Syrie, ont bâti une armée, peuvent envoyer une unité perpétrer des attentats jusqu’à Paris et Bruxelles et ont des partisans en armes dans beaucoup d’autres pays.

    Entre paix et peur

    « Le plus surprenant est tout de même d’avoir cette conversation quinze ans après, dit en souriant Peter Bergen. En 2001, jamais je n’aurais imaginé vivre cet état de guerre aujourd’hui. Puis il y a eu 2011, et moi aussi, comme beaucoup de monde, j’ai cru à la fin du problème djihadiste au moment de la mort de Ben Laden et des “printemps arabes”. »

    VINGT VÉTÉRANS SE SUICIDENT CHAQUE JOUR À TRAVERS LE PAYS, MAIS LES AMÉRICAINS NE PARLENT QUE DE « HÉROS » ET DE TEMPS GLORIEUX. NUL NE DOUTE DE LA PUISSANCE DU PAYS NI DE SES VALEURS FONDAMENTALES, MÊME LORSQU’ELLES SONT UN TEMPS TRAHIES.

    « C’est une question de temps. Al-Qaida et l’EI seront vaincus, prédit David Petraeus. Pour moi, la leçon de ces quinze années est que, malgré les erreurs commises le long du chemin, et alors qu’on prétend que les démocraties ne peuvent prétendument pas mener de “guerre longue”, cela se révèle être faux. Je ne pense pas que ce combat soit sans fin. C’est la guerre d’une génération. »

    Une guerre qui évolue : à la fin des années Bush, 180 000 soldats américains étaient déployés sur le champ de bataille ; à la fin des années Obama, presque tous sont rentrés chez eux, et le combat est principalement mené par les forces spéciales et les drones, en appui d’armées étrangères. Et, puisque la certitude est de faire face à une « guerre longue », celle-ci évoluera encore dans les années à venir, selon la façon dont le président élu Donald Trump abordera les questions stratégiques et militaires.

    La force des Etats-Unis réside peut-être là, dans ce paradoxe : le pays vit en même temps l’apogée du scepticisme et l’apogée du patriotisme. Alors que l’Amérique n’a enchaîné quasiment que des erreurs et des défaites depuis quinze ans – mis à part la mise hors d’état de nuire de Ben Laden et des organisateurs du ­11-Septembre –, nul ne doute de la victoire. Vingt vétérans se suicident chaque jour à travers le pays, mais les Américains ne parlent que de « héros » et de temps glorieux. Nul ne doute de la puissance du pays ni de ses valeurs fondamentales, même lorsqu’elles sont un temps trahies.

    Personne, mis à part l’écrivain Kevin Powers ou le chercheur Marc Sageman, ne mentionne les victimes autres qu’américaines, les morts, les blessés, les torturés, les vies ravagées. « Je ne veux pas savoir combien de gens nous avons tués depuis quinze ans… » : ces mots de Dick Couch pourraient être ceux d’une majorité d’Américains. Eux veillent (un peu) à panser les plaies de leurs blessés, ils célèbrent leurs morts, ils vouent un culte à leurs guerriers, et la minute d’après ils pensent à autre chose.

    Ils vivent en paix. Malgré leur peur irrationnelle d’un ennemi invisible, les Américains vivent en paix. D’où l’étonnement de les entendre parfois évoquer une « guerre sans fin ». D’où l’étonnement, alors que la menace ne fut jamais existentielle, lorsqu’ils laissent percevoir une peur qui confine parfois à la panique.

    Les Etats-Unis ne se perçoivent pas vraiment comme étant en guerre : ils vivent entre paix et peur. Et pourtant la crainte d’une « guerre sans fin » est très présente. Les Américains sont en fait dans l’illusion que guerre et paix appartiennent à des sphères différentes, cloisonnées, et que la guerre est l’affaire exclusive des militaires. Cette « guerre sans fin » de l’Amérique est une guerre non déclarée, indéfinie, sans véritable visage, ni territoire ni front. Plus qu’une guerre sans fin, c’est une guerre sans limites. C’est peut-être, après tout, la pire des guerres. Celle qui envahit les esprits. Celle qui empoisonne une société. Une guerre qui change un pays pour toujours, sans même qu’au fond, il sache très bien pourquoi…

    Au Lincoln Memorial, à Washington, le 19 septembre 2016.

  • Carnival’s Princess Cruises to Pay Record $40 Million Over Illegal Dumping, Cover Up – gCaptain
    https://gcaptain.com/carnivals-princess-cruise-lines-to-pay-record-40-million-over-illegal-dump


    Caribbean Princess at St Maartin
    Photo: Juan-Manuel Gonzalez, sur WP

    Carnival Corporation’s Princess Cruise Lines has agreed to plead guilty to seven felony charges stemming from illegal oil dumping at sea and intentional acts to cover it up, the U.S. Justice Department announced Thursday.

    Princess will pay a $40 million penalty – the largest-ever criminal penalty involving deliberate vessel pollution. 

    The charges are tied to the Caribbean Princess cruise ship which visited various U.S. ports in Florida, Maine, Massachusetts, New Jersey, New York, Puerto Rico, Rhode Island, South Carolina, Texas, U.S. Virgin Islands and Virginia.

    The U.S. investigation was launched after information was provided to the U.S. Coast Guard by the British Maritime and Coastguard Agency (MCA) indicating that a newly hired engineer on the Caribbean Princess reported that a so-called “magic pipe” had been used on Aug. 23, 2013, to illegally discharge oily waste off the coast of England.

    According to the Justice Dept., after the incident the #whistleblower quit when the ship reached Southampton, England. The chief engineer and senior first engineer ordered a cover-up, including removal of the magic pipe and directing subordinates to lie. But the MCA shared evidence with the U.S. Coast Guard, including before and after photos of the bypass used to make the discharge and showing its disappearance. The U.S. Coast Guard conducted an examination of the cruise ship upon its arrival in New York City on Sept. 14, 2013, during which certain crew members continued to lie in accordance with orders they had received from Princess employees.
    […]
    In addition to the use of a #magic_pipe, the U.S. investigation uncovered two other illegal practices which were found to have taken place on the Caribbean Princess as well as four other Princess ships – Star Princess, Grand Princess, Coral Princess and Golden Princess.

    One practice was to open a salt water valve when bilge waste was being processed by the oily water separator and oil content monitor in order to prevent the oil content monitor from otherwise alarming and stopping the overboard discharge. This was done routinely on the Caribbean Princess in 2012 and 2013, the Justice Dept. said. The second practice involved discharges of oily bilge water originating from the overflow of graywater tanks into the machinery space bilges. This waste was pumped back into the graywater system rather than being processed as oily bilge waste. Neither of these practices were accurately recorded in the oil record book as required by law. All of the bypassing took place through the graywater system which was discharged when the ship was more than four nautical miles from land.

    Princess, headquartered in Santa Clarita, California, is a subsidiary of Carnival Corporation, the world’s largest cruise company. As part of the plea agreement, cruise ships from eight Carnival brands (Carnival Cruise Line, Holland America Line N.V., Seabourn Cruise Line Ltd. and AIDA Cruises) will be under a court supervised Environmental Compliance Program (ECP) for five years.

    #lanceur_d'alerte

  • #Isabella_Steger : Corée du Sud : Des lignes d’affrontement claires
    La Corée du Sud vit une bataille épique entre le féminisme et une misogynie profondément ancrée
    http://tradfem.wordpress.com/2016/11/30/coree-du-sud-des-lignes-daffrontement-claires

    En septembre dernier, l’édition coréenne de Maxim, un magazine pour hommes, affichait en page couverture Byeong-ok, un acteur ayant joué dans le film-culte « Oldboy ». Il posait, cigarette à la main, à côté d’une voiture, dont émergeait du coffre une paire de jambes de femme, les chevilles ligotées. Le titre du reportage était « Le Vrai Méchant ».
    Un groupe féministe en ligne récemment formé, Megalia, a immédiatement transmis cette couverture à plusieurs médias et organisations féministes partout dans le monde. Le tumulte résultant a obligé le bureau-chef de Maxim, aux États-Unis, à publier des excuses.
    L’activisme en ligne de Megalia constituait une avancée audacieuse dans un pays où les femmes continuent d’être sujettes à la discrimination au foyer, au travail et dans la rue. Mais alors que de plus en plus de femmes s’opposent à des attitudes conservatrices profondément ancrées en Corée, elles rencontrent un violent mouvement de réaction. Les jeunes hommes coréens, qui ne jouissent plus de la sécurité économique et de leur position de pouvoir traditionnelle, se défoulent virtuellement et littéralement sur les femmes.

    « La guerre sexiste est très violente en Corée, surtout chez la jeune génération », explique Katharine Moon, professeure de science politique au Wellesley College du Massachusetts.

    Traduction : #Tradfem
    Version originale : http://qz.com/801067/an-epic-battle-between-feminism-and-deep-seated-misogyny-is-under-way-in-south-k
    #Corée_du_sud #sexisme #violence #féminisme

  • #Perturbateurs_endocriniens : halte à la manipulation de la science
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/29/halte-a-la-manipulation-de-la-science_5039860_3232.html

    Près de cent scientifiques dénoncent la #fabrication_du_doute par les industriels, déjà à l’œuvre dans la lutte contre le changement climatique.
    […]
    Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

    #paywall

    • Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement.

      Les « marchands de doute » sont à l’œuvre dans plusieurs domaines, comme les industries du tabac et de la pétrochimie ou le secteur agrochimique. A elle seule, l’industrie pétrochimique est la source de milliers de produits toxiques et contribue à l’augmentation massive des niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique, à l’origine du changement climatique.

      La lutte pour la protection du climat est entrée dans une nouvelle ère avec l’accord de Paris de 2015, malgré la farouche opposition de climatosceptiques sourds au consensus établi par les scientifiques engagés pour travailler dans l’intérêt général.

      Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

      JAMAIS L’HUMANITÉ N’A ÉTÉ CONFRONTÉE À UN FARDEAU AUSSI IMPORTANT DE MALADIES EN LIEN AVEC LE SYSTÈME HORMONAL

      Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal : cancers du sein, du testicule, de l’ovaire ou de la prostate, troubles du développement du cerveau, diabète, obésité, non-descente des testicules à la naissance, malformations du pénis et détérioration de la qualité spermatique.

      La très grande majorité des scientifiques activement engagés dans la recherche des causes de ces évolutions préoccupantes s’accordent pour dire que plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal.

      Des sociétés savantes signalent que ces produits chimiques, appelés les perturbateurs endocriniens, constituent une menace mondiale pour la santé. Parmi ceux-ci : les retardateurs de flamme présents dans les meubles et l’électronique, les agents plastifiants dans les matières plastiques et les produits d’hygiène, ou encore les résidus de pesticides dans notre alimentation. Ils peuvent interférer avec les hormones naturelles lors de périodes critiques du développement, pendant la grossesse ou la puberté, lorsque notre organisme est particulièrement vulnérable.

      Une réglementation nécessaire

      On ne peut faire face à ce fardeau croissant de maladies à l’aide de meilleurs traitements médicaux : non seulement ces traitements n’existent pas toujours, mais les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé sont bien souvent irréversibles. Les possibilités de réduire notre exposition à un niveau individuel en évitant certains produits de consommation sont, elles aussi, limitées. La plupart de ces substances atteignent notre organisme par le biais de notre alimentation.

      Seule solution pour enrayer la hausse des maladies liées au système hormonal : prévenir l’exposition aux produits chimiques à l’aide une réglementation plus efficace. Or le projet d’établir une réglementation de ce type dans l’Union européenne est activement combattu par des scientifiques fortement liés à des intérêts industriels, produisant l’impression d’une absence de consensus, là où il n’y a pourtant pas de controverse scientifique. Cette même stratégie a été utilisée par l’industrie du tabac, contaminant le débat, semant le doute dans la population et minant les initiatives des dirigeants politiques et des décideurs pour développer et adopter des réglementations plus efficaces.

      Les discussions sur le changement climatique et sur les perturbateurs endocriniens ont toutes deux souffert de cette déformation des preuves scientifiques par des acteurs financés par l’industrie.

      La plupart des scientifiques pensent qu’exprimer publiquement leur point de vue sur des questions politiques et participer aux débats de société pourrait compromettre leur objectivité et leur neutralité. Ce serait effectivement inquiétant si nos opinions politiques obscurcissaient notre jugement scientifique. Mais ce sont ceux qui nient la science qui laissent leurs opinions politiques obscurcir leur jugement. Avec, pour conséquence, des dommages irréparables. La manipulation de la science concernant les effets de la fumée du tabac a coûté des millions de vies. Nous ne devons pas refaire la même erreur.

      Une urgence

      Nous considérons qu’il n’est plus acceptable de nous taire. En tant que scientifiques, nous avons en fait l’obligation de participer au débat et d’informer le public. Nous avons la responsabilité de rendre visibles les implications de nos travaux pour la société et les générations futures, et d’attirer l’attention sur les graves dangers qui nous menacent.

      Les enjeux sont importants, et l’action politique pour endiguer l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les conséquences des émissions de gaz à effet de serre est devenue une urgence.

      Scientifiques spécialistes des perturbateurs endocriniens ou du changement climatique, nous avons uni nos forces, car un grand nombre d’actions essentielles à la limitation des effets des perturbateurs endocriniens contribueront également à lutter contre le changement climatique.

      La plupart des substances chimiques synthétisées par l’homme sont des dérivés de combustibles fossiles produits par l’industrie pétrochimique. Une réduction de la quantité de pétrole raffiné permettra aussi de réduire la quantité de sous-produits utilisés dans les plastiques et celle de plastifiants : ces produits chimiques compromettent la santé reproductive masculine et contribuent au risque de certains cancers.

      Une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et un encouragement au développement des énergies alternatives entraîneront non seulement une baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de celles de mercure. Ce dernier, un contaminant issu du charbon, émis dans l’air et accumulé dans le poisson, finit par atteindre nos organismes et compromet le développement du cerveau.

      Créer l’équivalent du GIEC

      Bien que de nombreux Etats aient exprimé la volonté politique de traiter le problème des gaz à effet de serre, la traduction des connaissances scientifiques sur le changement climatique en action politique effective a été bloquée, notamment à cause de la désinformation du public et des dirigeants. Les gouvernements sont déjà en retard. Il est important de ne pas répéter ces erreurs avec les perturbateurs endocriniens, et d’apprendre de l’expérience des scientifiques du climat et de la recherche en santé publique.

      DANS LA PRATIQUE, IL SERA TRÈS DIFFICILE DE RECONNAÎTRE UNE SUBSTANCE DANGEREUSE COMME PERTURBATEUR ENDOCRINIEN DANS L’UNION EUROPÉENNE

      La Commission européenne a maintenant l’opportunité de choisir des instruments de réglementation qui pourront fixer de nouveaux standards pour le monde entier afin de nous protéger des effets nocifs des perturbateurs endocriniens.

      Nous sommes cependant préoccupés par les options réglementaires que propose aujourd’hui Bruxelles, très éloignées des mesures nécessaires pour protéger notre santé et celle des générations futures.

      Les options proposées pour identifier les perturbateurs endocriniens requièrent un niveau de preuve bien plus élevé que pour d’autres substances dangereuses, comme celles cancérigènes. Dans la pratique, il sera très difficile de reconnaître une substance dangereuse comme perturbateur endocrinien dans l’Union européenne.

      Des actions urgentes sont nécessaires sur les deux thèmes. Pour cette raison, nous appelons au développement et à la mise en œuvre de mesures qui s’attaqueraient aux perturbateurs endocriniens et au changement climatique de façon coordonnée.

      Un moyen efficace pourrait être la création, sous les auspices de l’Organisation des Nations unies, d’un groupe ayant le même statut international et les mêmes prérogatives que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ce groupe serait chargé d’évaluer les connaissances scientifiques destinées aux responsables politiques dans l’intérêt général et mettrait la science à l’abri de l’influence des intérêts privés. Nous le devons aux générations qui vivront demain.

      Les premiers signataires de ce texte sont : Andreas Kortenkamp, université Brunel (Royaume-Uni) ; Barbara Demeneix, CNRS/Muséum national d’histoire naturelle ; Rémy Slama, Inserm, université Grenoble-Alpes ; Edouard Bard, Collège de France ; Ake Bergman, université de Stockholm (Suède) ; Paul R. Ehrlich, université Stanford (Etats-Unis) ; Philippe Grandjean, Harvard Chan School of Public Health (Etats-Unis) ; Michael E. Mann, université Penn State (Etats-Unis) ; John P. Myers, université Carnegie Mellon (Etats-Unis) ; Naomi Oreskes, université Harvard (Etats-Unis) ; Eric Rignot, université de Californie (Etats-Unis) ; Thomas Stocker, université de Berne (Suisse) ; Kevin Trenberth, National Centre for Atmospheric Research (Etats-Unis) ; Carl Wunsch, Massachusetts Institute of Technology (Etats-Unis) ; et R. Thomas Zoeller, université du Massachusetts à Amherst (Etats-Unis).

      Sont également signataires de ce texte
      Ernesto Alfaro-Moreno, centre de recherche Swetox (Suède) ; Anna Maria Andersson, Rigshospitalet (Danemark) ; Natalie Aneck-Hahn, université de Pretoria (Afrique du Sud) ; Patrik Andersson, université d’Umeå (Suède) ; Michael Antoniou, King’s College (Royaume-Uni) ; Thomas Backhaus, université de Göteborg (Suède) ; Robert Barouki, université Paris-Descartes (France) ; Alice Baynes, université Brunel (Royaume-Uni) ; Bruce Blumberg, université de Californie à Irvine (Etats-Unis) ; Carl-Gustaf Bornehag, université de Karlstad (Suède) ; Riana Bornman, université de Pretoria (Afrique du Sud) ; Jean-Pierre Bourguignon, université de Liège (Belgique) ; François Brion, Ineris (France) ; Marie-Christine Chagnon, Inserm (France) ; Sofie Christiansen, université Technique du Danemark (Danemark) ; Terry Collins, université Carnegie Mellon (Etats-Unis) ; Sylvaine Cordier, Irset (France) ; Xavier Coumol, université Paris-Descartes (France) ; Susana Cristobal, université de Linköping (Suède) ; Pauliina Damdimopoulou, hôpital universitaire Karolinska (Suède) ; Steve Easterbrook, université de Toronto (Canada) ; Sibylle Ermler, université Brunel (Royaume-Uni) ; Silvia Fasano, université de Campania - Luigi Vanvitelli (Italie) ; Michael Faust, F + B Environmental Consulting (Allemagne) ; Marieta Fernandez, université de Grenade (Espagne) ; Jean-Baptiste Fini, CNRS/Muséum national d’histoire naturelle (France) ; Steven G. Gilbert, Institute of neurotoxicology & neurological disorders (Etats-Unis) ; Andrea Gore, université du Texas (Etats-Unis) ; Eric Guilyardi, université de Reading (Royaume-Uni) ; Åsa Gustafsson, Swetox (Suède) ; John Harte, université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ; Terry Hassold, université d’Etat de Washington (Etats-Unis) ; Tyrone Hayes, université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ; Shuk-Mei Ho, université de Cincinnati (Etats-Unis) ; Patricia Hunt, université d’Etat de Washington (Etats-Unis) ; Olivier Kah, université de Rennes (France) ; Harvey Karp, université de Californie du Sud (Etats-Unis) ; Tina Kold Jensen, université du Danemark du Sud (Danemark) ; Sheldon Krimsky, université Tufts (Etats-Unis) ; Henrik Kylin, université de Linköping (Suède) ; Susan Jobling, université Brunel (Royaume-Uni) ; Maria Jönsson, université d’Uppsala (Suède) ; Bruce Lanphear, université Simon Fraser (Canada) ; Juliette Legler, université Brunel (Royaume-Uni) ; Yves Levi, université Paris Sud (France) ; Olwenn Martin, université Brunel (Royaume-Uni) ; Angel Nadal, université Miguel Hernández (Espagne) ; Nicolas Olea, université de Grenade (Espagne) ; Peter Orris, université de l’Illinois (Etats-Unis) ; David Ozonoff, université de Boston (Etats-Unis) ; Martine Perrot-Applanat, Inserm (France) ; Jean-Marc Porcher, Ineris (France) ; Christopher Portier, Thun, (Suisse) ; Gail Prins, université de l’Illinois (Etats-Unis) ; Henning Rodhe, université de Stockholm (Suède) ; Edwin J. Routledge, université Brunel (Royaume-Uni) ; Christina Rudén, université de Stockholm (Suède) ; Joan Ruderman, Harvard Medical School (Etats-Unis) ; Joelle Ruegg, institut Karolinska (Suède) ; Martin Scholze, université Brunel (Royaume-Uni) ; Elisabete Silva, université Brunel (Royaume-Uni) ; Niels Eric Skakkebaek, Rigshospitalet (Danemark) ; Olle Söder, institut Karolinska (Suède) ; Carlos Sonnenschein, université Tufts (Etats-Unis) ; Ana Soto, université Tufts (Etats-Unis) ; Shanna Swann, Icahn School of Medicine (Etats-Unis) ; Giuseppe Testa, université de Milan (Italie) ; Jorma Toppari, université de Turku (Finlande) ; Leo Trasande, université de New York (Etats-Unis) ; Diana Ürge-Vorsatz, université d’Europe centrale (Hongrie) ; Daniel Vaiman, Inserm (France) ; Laura Vandenberg, université du Massachusetts, (Etats-Unis) ; Anne Marie Vinggaard, université technique du Danemark (Danemark) ; Fred vom Saal, université du Missouri (Etats-Unis) ; Jean-Pascal van Ypersele, université catholique de Louvain (Belgique) ; Bernard Weiss, université de Rochester (Etats-Unis) ; Wade Welshons, université de Missouri (Etats-Unis) ; Tracey Woodruff, université de Californie à San Francisco (Etats-Unis).

  • Le discours confus de Donald Trump sur le climat

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/28/donald-trump-et-le-climat-suite_5039359_3232.html

    Le président élu des Etats-Unis a accordé, la semaine dernière, un entretien au « New York Times » dont la lecture in extenso laisse perplexe quant à ses intentions réelles en matière de lutte contre le changement climatique.

    Tout le monde est rassuré : le président élu des Etats-Unis ne s’apprêterait pas à sortir de l’accord de Paris sur le climat. Il l’aurait dit au New York Times. Il serait même, en réalité, disposé à lutter contre le changement climatique. Pour le climat comme pour tant d’autres choses — les poursuites contre Hillary Clinton, la déportation de 11 millions d’immigrés sans papiers, la vaste fortification entre le Mexique et les Etats-Unis, etc. — Donald Trump semble donc avoir eu, pendant sa campagne, des mots en léger décalage avec ses intentions. En définitive, tout n’est pas si inquiétant. Après la rencontre, mardi 22 novembre, entre la rédaction du New York Times et le futur locataire de la Maison Blanche, cette petite musique tranquillisante a été jouée par de nombreux titres de la presse américaine. Hélas ! Pour qui prend la peine de lire ce qu’a réellement déclaré M. Trump sur le climat, la réalité n’est pas aussi rassurante.

    Outre un compte rendu formel de la rencontre, publié dans son édition du 23 novembre, le Times a effet pris l’initiative salutaire de publier sur son site Web, in extenso, la retranscription de l’entretien, brut de décoffrage. Dans ce texte interminable, le quotidien n’a pas édité les propos de M. Trump, il ne les a pas soumis à la chirurgie lourde qui eût été nécessaire à la publication d’un entretien classique sous la forme de questions-réponses. Les propos de l’intéressé ont été laissés dans leur désarmante oralité, leur absence de structure et de sens, livrés dans leur vérité nue, offrant ainsi au lecteur un voyage fascinant au cœur des brumes sibyllines de la pensée trumpienne.

    Divagations

    Sur le climat, celle-ci est libellée en phrases qui semblent ne commencer ni ne finir nulle part, entrecoupées de digressions et de divagations, comme autant de parenthèses qui s’ouvrent et ne se referment jamais. Rendre en langue française l’échange, avec le juste niveau de langage, est une gageure. Mais tentons l’exercice. Question du chroniqueur Thomas Friedman : « Allez-vous retirer à l’Amérique son rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique ? »

    Réponse : « Je regarde ça de très près, Tom. Je vais vous dire quoi. J’ai l’esprit ouvert là-dessus. On va regarder très soigneusement. C’est une question intéressante parce qu’il y a peu de choses où il y a plus de divisions que sur le changement climatique. Vous avez tendance à ne pas l’écouter, mais il y a des gens de l’autre côté de cette question qui ne sont, tenez, même pas… » Arthur Sulzberger, le patron du journal, relance la conversation. M. Trump poursuit : « Mais beaucoup de gens intelligents sont en désaccord avec vous. J’ai un esprit très ouvert. Et je vais étudier beaucoup de choses qui se sont produites là-dessus et nous allons les regarder très soigneusement. Mais j’ai un esprit très ouvert. »

    L’accord de Paris ? « Je vais y jeter un œil »

    Le président élu poursuit : « Vous savez, le jour le plus chaud, c’était en 1890 et quelque, en 1898. Vous savez, vous pouvez faire grand cas de différents points de vue. J’ai un esprit totalement ouvert. Mon oncle a été pendant trente-cinq ans professeur au MIT [Massachusetts Institute of Technology]. Il était un grand ingénieur et scientifique. C’était un type bien. Et il était… il y a longtemps, il avait son sentiment — c’était il y a longtemps —, il avait son sentiment à ce sujet. C’est un sujet très complexe. Je ne suis pas sûr que personne saura jamais. Je sais que nous avons, ils disent qu’ils ont la science d’un côté, mais ensuite ils ont aussi ces e-mails horribles qui ont été échangés entre scientifiques. C’était où donc, à Genève il y a cinq ans ? Terrible. Là où ils se sont fait prendre, vous savez, donc vous voyez cela et vous vous dites, à quoi ça rime ? »

    On reconnaît là une référence au piratage et à la divulgation, fin 2009, de courriels de climatologues britanniques. L’opération avait emballé la grande machine à propager la rumeur et la calomnie ; elle a porté ses fruits puisque l’épisode demeure gravé dans le cerveau de M. Trump. Celui-ci poursuit : « J’ai un esprit absolument ouvert. Je vais vous dire quoi : un air pur est extrêmement important. Une eau pure comme du cristal est extrêmement importante. La sécurité est extrêmement importante. »

    Les entreprises d’abord

    Les journalistes du Times persistent. Ils demandent à l’intéressé s’il pense que le réchauffement est lié aux activités humaines. « Maintenant, je pense… disons, je pense qu’il y a une connexion. Il y a quelque chose. Cela dépend à quel point. Cela dépend aussi de combien cela va coûter à nos entreprises. Vous devez bien comprendre, maintenant, nos entreprises ne sont pas compétitives. » La véracité d’un fait dépend donc, dans l’esprit de M. Trump, de son coût pour les entreprises américaines.

    Un journaliste insiste : les Etats-Unis vont-ils, oui ou non, se retirer de l’accord de Paris ? « Je vais y jeter un oeil », répond simplement M. Trump. Connaissant la passion du président élu pour le golf, Thomas Friedman tente : « Je détesterais voir [le parcours de] Royal Aberdeen [en Ecosse] sous l’eau. » A quoi répond un énigmatique : « La mer du Nord, ça se pourrait, ç’en est un bon celui-là, n’est-ce pas ? » (« The North Sea, that could be, that’s a good one, right ? », en version originale).

    Il faut donc une forte dose de méthode Coué pour se sentir rassuré par ces propos, tenus par le futur chef de la première puissance mondiale sur le plus grave problème environnemental de notre temps. D’autant que les intentions n’ont pas changé. Le lendemain de cet entretien au New York Times, l’un des conseillers de M. Trump annonçait le démantèlement, à la NASA, des activités d’observation de la Terre et de recherche climatique, qualifiées de « science politiquement correcte ». Assurément, l’esprit de M. Trump est « ouvert ». Aux quatre vents.

  • L’optogénétique prend le contrôle des neurones

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/11/21/l-optogenetique-prend-le-controle-des-neurones_5035405_1650684.html

    Manipuler les neurones grâce au pinceau lumineux d’une fibre optique  : cette technique permet d’explorer le fonctionnement cérébral, et ouvre des perspectives dans la restauration de la vision.

    Qu’est-ce que le cerveau humain, sinon un palimpseste immense et naturel ? Mon cerveau est un palimpseste, et le vôtre aussi, lecteur. Des couches innombrables d’idées, d’images, de sentiments sont tombées successivement sur votre cerveau, aussi doucement que la lumière. Il a semblé que chacune ensevelissait la précédente. Mais aucune en réalité n’a péri », décrivait, visionnaire, Charles Baudelaire dans Les Paradis artificiels (1860).

    Cette lumière qui s’insinuait dans le cerveau des lecteurs, par la grâce du poète, pleut aujourd’hui bel et bien sur l’encéphale d’innombrables souris, mouches, singes ou poissons à travers le monde, par la volonté des chercheurs. Dans des milliers de laboratoires, une traînée de poudre chatoyante – bleue, verte, jaune ou rouge – semble se répandre, dans l’œil ou le cerveau de ces animaux, grâce à une jeune fée Clochette, prodigieusement habile.

    Cette fée, c’est l’optogénétique. Elle tire ses singuliers pouvoirs d’un pacte inattendu entre deux ­elfes, le génie génétique et l’optique. Leur savante alliance rend les neurones sensibles à la lumière. Mais pas tous : la force de cet outil, c’est qu’il permet de cibler certains neurones, en fonction de leur emplacement ou de leur type. Un exploit, dans ce dédale qu’est le cerveau.

    Au départ, un rêve

    La lumière, pour le poète, était une métaphore de la mémoire. Pour les chercheurs aujourd’hui, elle devient… une arme de manipulation de la ­mémoire ! Sur le palimpseste du cerveau d’ingénus rongeurs, ils ont effacé de douloureux souvenirs ; ils y ont même « écrit » de faux souvenirs…

    « Ces cinq dernières années, l’optogénétique a permis un formidable essor des connaissances sur la ­façon dont les circuits de neurones s’organisent pour régir les comportements, les perceptions sensorielles, les mouvements, la mémoire ou la peur, s’enthousiasme Claire Wyart, de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) à Paris. Au plan thérapeutique, l’enjeu le plus prometteur tient aux efforts menés pour restaurer une forme de vision chez des patients aveugles. »

    Cette technique aux superpouvoirs, la revue Science l’a qualifiée en 2010 de « percée technologique de la décennie ». En 2013, le prestigieux Brain Prize a été attribué aux six inventeurs de l’optogénétique, « une technique révolutionnaire pour avancer dans la compréhension du cerveau et de ses désordres ». Au départ, le rêve de l’optogénétique, c’est celui du Prix Nobel Francis Crick, codécouvreur de l’ADN. Dès 1979, il a prédit que, pour progresser dans l’étude du cerveau, il faudrait pouvoir activer et désactiver des neurones à la demande. Ajoutant, en 1999, que pour ce faire, « le signal idéal serait la lumière ».

    Cet espoir se concrétisera en 2005, grâce à « deux ­alliés inattendus : une algue et une bactérie », explique le professeur Christian Lüscher, de l’université de ­Genève. Trois ans plus tôt, en 2002, les biophysiciens Hegemann, Nagel et Bamberg annonçaient avoir percé – après quinze ans d’efforts – le secret du tropisme vers la lumière d’une algue unicellulaire, Chlamydomonas reinhardtii. Sa membrane est dotée d’une « opsine », une molécule en forme de canal qui joue le rôle d’un commutateur optique : en présence de lumière verte, le canal s’ouvre, laisse entrer dans la cellule des ions positifs et propulse l’algue vers la ­lumière. En 2003, le trio décrivait le rôle d’une opsine, CR2, qui s’ouvre sous l’effet d’une lumière bleue.

    Dès ce moment, le trio saisit le potentiel de sa découverte. Il en propose deux ­applications, l’activation des neurones et la restauration visuelle. Un brevet sera déposé parl’Institut Max-Planck à Francfort, dès 2002. C’est alors qu’entre en scène un psychiatre américain, Karl Deisseroth, de l’université Stanford (Californie), et son post-doctorant, Edward Boyden – aujourd’hui au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Boston. Grâce à un virus, ils introduisent le gène de l’opsine CR2 dans des neurones de souris en culture. Un succès : les neurones répondent à la lumière. Ce travail sera publié, en 2005, dans Nature Neuroscience. Cité plus de 2 100 fois, il propulsera les deux Américains sur le ­devant de la scène.

    Restait à trouver le moyen d’inhiber les neurones. Entre en jeu le « second allié » : une archéobactérie qui fournit une autre protéine, l’halorhodopsine. Activée par une lumière jaune, cette protéine laisse pénétrer des ions négatifs dans le neurone, inhibant son activité.
    Mais comment cibler les « bons » neurones, ceux dont on veut contrôler ­l’activité ? C’est là qu’intervient le génie génétique. Le gène d’une de ces opsines est placé sous le contrôle d’une « adresse ­génétique » qui permet de le diriger vers les bons neurones. Le tout est introduit dans un virus qui sert de vecteur. Injecté dans l’œil ou le cerveau d’un animal ­modèle, il infecte les neurones. Seuls ceux qui sont ainsi ciblés produisent la fameuse opsine. Avec une lumière de la bonne couleur (bleue ou jaune), on peut ainsi activer ou inhiber uniquement les neurones qui ont produit, et intégré dans leurs membranes, ces précieuses opsines. En 2006, Deisseroth nommera ­« optogénétique » cet ­ingénieux système. Il est aujourd’hui utilisé dans des laboratoires du monde entier et, comme c’est souvent le cas pour ce type d’innovations révolutionnaires, il se retrouve au cœur d’intenses querelles de paternité.

    Stimuler les cellules de la rétine

    L’enjeu médical le plus évident est la restauration de la vision. Un des pionniers est le médecin-mathématicien suisse Botond Roska, de l’Institut Friedrich-Miescher de recherche biomédicale à Bâle. « Un ovni, très inventif », dit Claire Wyart. En 2008, il parvient à rétablir une perception visuelle chez des souris aveugles en réactivant, par optogénétique, des cellules en aval des photorécepteurs – les cellules de la rétine qui reçoivent la lumière. En 2010, avec l’équipe de José-Alain Sahel, directeur de l’Institut de la vision à Paris, il copublie dans Science une étude montrant comment restaurer l’activité de photorécepteurs chez des souris aveugles, ainsi que sur des rétines humaines post mortem.

    « Même quand les photorécepteurs de l’œil dégénèrent, il reste des cellules de la rétine qui peuvent capter un signal visuel et le transmettre au cerveau », explique Serge Picaud, de l’Institut de la vision. D’où l’idée de les stimuler par optogénétique. Le principe : on injecte dans l’œil un virus capable d’amener le gène d’une opsine jusqu’aux cellules de la rétine. Une lumière activera alors les cellules ayant intégré ces molécules. Mais il y a un hic : ces cellules restent incapables d’ajuster leurs réponses à l’intensité ­lumineuse. « C’est pourquoi les patients doivent porter des lunettes à réalité augmentée, munies d’une caméra qui enregistre la scène visuelle et la projette sur leur rétine », explique José-Alain Sahel.

    Autre obstacle : la lumière bleue peut induire des lésions oculaires. A l’Institut de la vision, les chercheurs ont donc testé une opsine modifiée, sensible à la lumière infrarouge – moins toxique pour l’œil. Le résultat a été publié en septembre dans EMBO Molecular Medicine : avec cette lumière infrarouge, on peut restaurer des réponses à la lumière dans le circuit visuel de souris aveugles.

    « Certains patients répondront-ils mieux à l’optogénétique qu’à des implants rétiniens ? Les essais cliniques le diront », explique Serge Picaud. L’objectif n’est pas de restaurer une vision complète, mais « de redonner aux patients aveugles une certaine autonomie, par exemple en leur permettant de lire sur un écran ». En 2016, un premier essai clinique a été lancé par la start-up Retrosenses (rachetée par Allergan). Mi-2017, un autre essai devrait ­démarrer « chez une douzaine de patients aveugles atteints de rétinopathie pigmentaire », précise José-Alain Sahel, qui ­conduira cet essai avec Botond Roska et la société GenSight Biologics.

    La cardiologie explore le potentiel de cet outil. Les cellules du cœur sont excitables. En septembre 2016, une équipe ­allemande a montré comment, chez la souris, l’optogénétique peut stopper les fibrillations ventriculaires, ces tornades électriques qui balaient le cœur – entraînant une mort subite dans 95 % des cas, chez l’homme. Deux obstacles majeurs subsistent. « Il faudrait d’abord modifier génétiquement les cellules du cœur, puis passer la barrière du thorax pour amener la lumière jusqu’au cœur », note Michel Haïssaguerre, du CHU de Bordeaux. D’autant que « le besoin médical n’est pas criant : les défibrillateurs implantables sont sans cesse améliorés ».
    L’optogénétique ouvre aussi une formidable fenêtre sur les circuits de neurones qui gouvernent des fonctions-clés. « Elle permet de comprendre les relations entre les émotions primaires et leurs sub­strats anatomiques et cellulaires, résume Pierre-Marie Lledo, de l’Institut Pasteur. Les émotions positives et négatives apparaissent gérées et stockées dans des circuits très chevauchants. »

    Et la mémoire ? « Comprendre son ­codage dans le cerveau, c’est un des Graal de l’optogénétique », relève Karim Benchenane, de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI). Une série de découvertes, en 2012 et 2013, a fait le tour du monde. Le Prix Nobel Susumu Tonegawa, à l’Institut Riken (Tokyo) et au MIT (Cambridge), est parvenu à modifier, par optogénétique, les souvenirs stockés dans l’hippocampe de rongeurs.

    Son équipe a d’abord placé des souris dans un « contexte A ». Puis, ils les ont ­mises dans un « contexte B », toujours en leur administrant un petit choc électrique. En même temps, ils ont enregistré l’activité des neurones activés dans ce contexte B. En réactivant ensuite par optogénétique ces mêmes neurones dans un autre contexte, la souris se comportait comme si elle était dans le contexte B : elle avait peur. Ensuite, les chercheurs ont apparié ce contexte B à un autre contexte C. « Ils sont parvenus à faire croire au rongeur que ce contexte C faisait peur, alors que la souris n’avait jamais eu peur dans cette ­situation », expliqueGabriel Lepousez, de l’Institut Pasteur.

    Ce travail a eu une suite. En 2015, ces mêmes chercheurs ont repéré (en les ­enregistrant) les neurones activés dans une situation positive pour la souris. ­Ensuite, dans un contexte négatif pour l’animal, ils ont réactivé ces mêmes neurones – réveillant ainsi une mémoire ­positive. Résultat : ils ont supprimé les comportements dépressifs liés à ce ­contexte négatif.

    A l’Institut Pasteur, Gabriel Lepousez utilise l’optogénétique pour comprendre le système olfactif. Confirmant ce que Proust avait si bien décrit, avec sa madeleine : l’olfaction est particulièrement sensible à notre vécu. « Lors des étapes précoces de codage des odeurs, ce système reçoit plus d’informations intérieures que d’informations extérieures. » D’où cette question : percevons-nous la réalité, ou ce que notre cerveau a envie de percevoir ?

    L’addiction est un autre objet d’étude privilégié pour l’optogénétique. « L’addiction est une maladie liée à un gain de ­fonction des neurones », explique Christian Lüscher, pionnier de ce domaine à Genève. Son équipe a montré comment une exposition à la cocaïne, chez la souris, renforce à l’excès certaines synapses (des synapses activées par le glutamate, le principal système excitateur du cerveau), dans une structure cérébrale profonde impliquée dans le circuit de la ­récompense. « En corrigeant ce remodelage par optogénétique, nous sommes parvenus, chez la souris, à normaliser le comportement pathologique de recherche de cocaïne. » Chez l’homme, il n’est pas (encore ?) possible d’utiliser l’optogénétique pour agir sur le cerveau : la technique est trop invasive (les os du crâne ne laissant pas passer la lumière). Mais ces recherches pourraient permettre d’atténuer les effets secondaires de la « stimulation cérébrale profonde », une thérapie de la maladie de Parkinson, notamment.

    Comment la locomotion des vertébrés est-elle contrôlée ? A cette question, l’optogénétique a offert ses lumières. Jusqu’ici, la locomotion semblait principalement contrôlée par le cerveau, qui envoie des commandes à la moelle épinière, et par des voies réflexes. « Mais nous avons ­découvert une troisième voie : c’est une boucle sensori-motrice qui se trouve dans la moelle épinière », raconte Claire Wyart. Les neurones sensoriels de cette voie « goûtent » le contenu du liquide céphalo-rachidien qui les baigne. Ils en intègrent des signaux mécaniques et chimiques. Puis ils contrôlent la locomotion et la posture, par le biais de leurs projections sur la moelle épinière. Identifiée chez le poisson zèbre, cette voie est ­conservée chez la souris et le macaque. « Dans quelle mesure, par cette voie, nos états physiologiques ­internes – une maladie, une douleur, une réaction inflammatoire, un manque de sommeil… – peuvent-ils moduler la locomotion ? », s’interroge la chercheuse.

    Téléguider les cellules

    Comprendre la biologie des cellules, et pas seulement des neurones, est une ­application émergente de l’optogénétique. Notamment en cancérologie. « A l’aide d’un couple de protéines végétales qui s’associent sous l’effet de la lumière bleue, nous pouvons “téléguider” les cellules. Cette méthode nous aide à comprendre la migration et l’invasion des tissus par les cellules tumorales », explique Mathieu Coppey, de l’Institut Curie (Paris).

    Reste que la nature n’a pas cru bon d’équiper nos neurones de protéines d’algues ou de bactéries sensibles à la ­lumière. D’où cette question : les activations de neurones obtenues par optogénétique reflètent-elles leur activité naturelle ? « Comme toute technique à ses ­débuts, c’était un peu une approche ­“bazooka”, remarque Claire Wyart. On a décelé plusieurs artéfacts. » Par exemple, la lumière tend à activer tous les neurones d’un coup, dans la région ciblée, un peu comme une réponse épileptique. Dans la réalité, les neurones sont activés selon un ordre spatial et temporel riche.

    C’est pourquoi les chercheurs rivalisent d’ingéniosité pour raffiner cet outil. ­Valentina Emiliani, physicienne au CNRS, développe ainsi des techniques d’holographie en 3D pour « sculpter la lumière », et ne l’amener qu’en des endroits très précis. Cela devrait permettre de ne suivre ou de n’activer qu’un seul neurone à la fois. D’autres pistes d’améliorations tiennent à ces fameuses opsines. « Les meilleures viennent du laboratoire d’Edward Boyden », dit Claire Wyart. C’est lui qui a mis au point des ­opsines sensibles à la lumière infrarouge, qui pénètre mieux les tissus.

    L’optogénétique commence à être utilisée chez le singe. En septembre, un travail marquant a été publié dans Cell. L’équipe de Wolfram Schultz, à Cambridge (Royaume-Uni), a biaisé un ­apprentissage chez le macaque, en lui donnant l’illusion d’une récompense. Comment ? En activant par optogénétique, lors d’un choix, les neurones du circuit de la récompense (les neurones à ­dopamine). L’enjeu : comprendre ce qui se joue dans les dérèglements de l’humeur, les troubles addictifs…
    Des résultats aussi fascinants que ­dérangeants. Où nous apparaissons comme les jouets de l’activité électrique, plus ou moins manipulable, de quelques poignées de neurones…

    Mais pourquoi les circuits de la motricité et de la récompense sont-ils si entremêlés, dans notre cerveau ? Ce n’est pas un hasard. Car pour qu’une espèce survive, ses individus doivent en priorité s’alimenter, se reproduire, réagir à une agression. Une sélection s’est donc opérée, au fil de l’évolution, en faveur d’un système qui ­récompense l’exécution de ces fonctions vitales. L’évolution nous aurait-elle manipulés ? Si enchanteurs soient-ils, ses stratagèmes n’ont rien à envier aux ruses des chercheurs, quand ils bernent leurs ­cobayes. On peut se consoler : si subterfuge il y a, nous en sommes les victimes consentantes, et parfois lucides.

    Une invention à la paternité disputée

    L’histoire de l’invention de l’optogénétique semblait aussi lumineuse que les lasers ­qui allument les neurones. Mais quelques ombres sont venues brouiller ce récit. Fin 2013, l’Académie des sciences de Suède réunissait à Stockholm les pionniers de l’optogénétique. Entre le trio allemand (les biophysiciens Hegemann, Nagel et Bamberg, qui ont ­déposé un brevet en 2002) et le duo américain (Deisseroth et Boyden), il y aurait eu de vifs échanges sur l’antériorité de cette invention…
    Autre imbroglio : le 1er septembre, le site biomédical STAT révélait la contribution ­méconnue d’un chercheur, Zhuo-Hua Pan, de l’université de Detroit. Il aurait soumis à la revue Nature, dès novembre 2004, les résultats d’un travail montrant l’intérêt du canal membranaire ­photosensible CR2 pour restaurer la vision. En vain. Nature Neuroscience l’aurait aussi ­refusé. Sept mois plus tard, ce journal publiait les résultats de Deisseroth et Boyden.

    Ces tensions ne sont pas sans en évoquer d’autres – bien plus âpres – sur la « paternité » d’une invention au succès planétaire. On songe à la guerre des brevets qui plombe ­l’invention du fameux outil de modification des génomes Crispr-Cas9… Ironie de l’histoire, Feng Zhang (MIT), qui a travaillé avec Deisseroth et Boyden, a contribué à ces deux technologies révolutionnaires, à l’antériorité disputée. Mais, avec l’optogénétique, les ­revendications sont restées très « soft ». « Cet outil montre comment l’innovation scientifique peut être nourrie par un accès libre à une technologie », se réjouit Gabriel Lepousez, de l’Institut Pasteur (Paris).

  • Les loups de Wall Street rodent autour de Donald Trump

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/11/21/apres-avoir-fustige-wall-street-et-les-lobbys-donald-trump-y-puise-ses-conse

    Des anciens de Goldman Sachs ou de fonds spéculatifs sont pressentis pour occuper des postes clés dans l’administration.

    Pendant des mois, Donald Trump s’est présenté comme le représentant de l’Amérique des travailleurs, loin des compromissions de « l’establishment » de Washington avec la finance et les lobbies. « Les gars des fonds spéculatifs s’en sont bien tirés », n’a cessé de marteler le magnat de l’immobilier devant ses supporteurs en parlant de la crise financière de 2008.

    Mais, depuis son élection, il semble que « ces gars-là » aient à nouveau le vent en poupe. En témoigne l’aréopage de conseillers qui constituent l’équipe de transition du président-élu, et dont certains vont former l’ossature du futur gouvernement. Selon des médias américains, certains noms pour des postes-clés de l’administration Trump doivent être annoncés en tout début de semaine.

    Steven Mnuchin est sans doute l’un des plus visibles actuellement. Celui que l’on présente comme le probable secrétaire au Trésor – c’est lui qui a supervisé les finances de la campagne du candidat républicain –, a fait l’essentiel de sa carrière à Wall Street. Après dix-sept ans chez Goldman Sachs, où son père était associé, ce diplômé de Yale a ensuite rejoint le secteur des fonds spéculatifs, avant de monter sa propre boutique, Dune Capital.
    L’un de ses principaux faits d’armes a consisté à aider une poignée d’investisseurs comme George Soros ou John Paulson à racheter, en 2009, IndyMac, une caisse d’épargne spécialisée dans les prêts hypothécaires à risques qui venait de faire faillite après la crise des subprimes.

    Placée dans un premier temps sous le contrôle du Federal Deposit Insurance Corporation, l’agence fédérale qui garantit les dépôts bancaires aux Etats-Unis, la société a été reprise par M. Mnuchin et ses associés pour 1,5 milliard de dollars et rebaptisée OneWest Bank.
    Wilbur Ross, le « roi de la faillite »
    Devenue « leader des saisies sur le segment des personnes âgées », elle a été revendue cinq ans plus tard pour 3,4 milliards de dollars, après qu’elle eut expulsé des dizaines de milliers d’Américains de leur maison. La banque est également accusée de discrimination raciale, selon Bloomberg.

    Autre vétéran de la crise des subprimes en plein reclassement, John Paulson. Ce patron de fonds spéculatif, qui a gagné des milliards de dollars quand le château de cartes du marché immobilier s’est effondré, a été propulsé conseiller économique de M. Trump.
    L’homme qui est pressenti pour devenir secrétaire au commerce, Wilbur Ross, est également une figure de Wall Street. A 78 ans, il est le fondateur d’un fonds d’investissement dans les entreprises non cotées (private equity), WL Ross and Co, dont la spécialité consiste à reprendre des entreprises en faillite pour les redresser.

    M. Ross a gagné son surnom de « roi de la faillite » en rachetant pour une bouchée de pain des fabricants d’acier, des entreprises textiles et des mines de charbon. Il les a ensuite revendues à bon prix après les avoir sévèrement restructurés en procédant, entre autres, à des milliers de licenciements.

    Des méthodes qui allèrent jusqu’à faire fi de la sécurité, comme dans la mine de Sago (Virginie-Occidentale), où les salariés n’avaient pas le droit de se syndiquer. En 2005, ce site a fait l’objet de 205 infractions à la réglementation en termes de sécurité, et, en janvier 2006, une explosion a tué une douzaine de mineurs. C’est lui qui pourrait être chargé de mettre en œuvre les barrières douanières censées faire revenir les emplois industriels aux Etats-Unis.

    Paul Atkins, le « Monsieur finance »

    Autre candidat potentiel à ce poste : Lewis Eisenberg, ex-associé chez Goldman Sachs, qui, après vingt ans, a été poussé à la démission à la suite d’une affaire de harcèlement sexuel. De son côté, Robert Mercer, patron du fonds spéculatif Renaissance Technologies, gros donateur pour la cause des conservateurs et actuellement en délicatesse avec le fisc à propos d’un redressement portant sur plusieurs milliards, a eu le plaisir de voir sa fille Rebekah intégrer l’équipe de transition.
    Elle y retrouve Paul Atkins, 58 ans, le « Monsieur finance » de cette équipe. Ce républicain, ex-membre de la Securities and Exchange Commission (SEC) de 2002 à 2008, a toujours été un farouche adversaire de la régulation financière. Il était à l’époque très critique à propos des amendes infligées aux entreprises, estimant que ces sanctions n’aboutissaient qu’à punir les actionnaires. C’est lui qui est chargé de conseiller M. Trump sur les nominations à la Réserve fédérale (Fed, banque centrale) ou à la SEC. Il sera également à la manœuvre pour démanteler la loi Dodd-Frank sur la régulation financière, comme s’y est engagé le président-élu quelques jours après son élection.
    M. Atkins est actuellement à la tête d’un cabinet, Patomak Global Partners, qui conseille les institutions financières sur la façon de s’adapter aux nouvelles normes imposées par les régulateurs du secteur.

    En octobre, il a été nommé par un juge fédéral pour contrôler la Deutsche Bank sur la gestion de ses produits dérivés dans le cadre d’une sanction infligée par la CFTC, l’agence fédérale chargée de la régulation des Bourses. La banque allemande est par ailleurs le principal prêteur de la Trump Organization, l’entreprise du milliardaire.
    Les questions économiques sont chapeautées par David Malpass. Cet ancien conseiller de Ronald Reagan a été pendant quinze ans économiste en chef de la banque d’affaires Bear Stearns, qui a fait faillite en mars 2008.

    Donald Trump ne voit pas où est le problème

    En août 2007, dans une tribune parue dans le Wall Street Journal et intitulée « Ne paniquez pas à propos du marché du crédit », il écrivait : « Les marchés immobilier et de la dette ne sont pas une si grosse part de l’économie américaine et de la création d’emplois. L’économie est robuste et va croître solidement dans les prochains mois et peut-être les prochaines années. » On connaît la suite.
    Les lobbyistes ont aussi la part belle dans l’équipe de M. Trump. Comme Jeff Eisenach, qui a travaillé comme consultant chez le plus gros opérateur américain de télécommunications, Verizon, et qui est censé réfléchir à l’orientation de la Federal Communications Commission, l’autorité de régulation du secteur.

    Michael Catanzaro, qui a fait du lobbying pour les entreprises parapétrolières Halliburton ou Koch Industries et gros bailleur de fonds du Parti républicain, est le principal conseiller pour les questions énergétiques. Martin Whitmer, lui, a travaillé pour la National Asphalt Pavement Association, qui regroupe les fabricants d’asphalte. Il est désormais chargé des transports et des infrastructures auprès de M. Trump.

    Quant à Michael Torrey, il a longtemps conseillé l’American Beverage Association, le lobby des fabricants de boissons, et la Crop Insurance Bureau, un assureur agricole. Sa mission sera désormais de superviser les questions… agricoles.

    Au total, une vingtaine de lobbyistes sont à la manœuvre au sein de l’équipe de transition. Une situation que la sénatrice démocrate du Massachusetts, Elizabeth Warren, a dénoncée dans une lettre datée du 15 novembre et adressée à M. Trump. « Vous aviez promis que vous ne seriez pas aux mains “des donateurs, des intérêts particuliers et des lobbyistes qui ont corrompu nos politiques depuis déjà trop longtemps” et que vous alliez “assécher le marais” à Washington », rappelle-t-elle, constatant qu’il était « déjà en train d’échouer » en nommant « une kyrielle de banquiers de Wall Street, d’initiés de l’industrie et des lobbyistes au sein de [son] équipe de transition ».
    Mme Warren, qui souligne que « 72 % des Américains, démocrates comme républicains, pensent que “l’économie américaine est truquée au bénéfice des riches et des puissants” », appelle le président-élu à exclure ces personnes de son équipe.

    Donald Trump, lui, ne voit pas où est le problème. Lors d’une interview accordée le 13 novembre à la chaîne de télévision CBS, le milliardaire a expliqué qu’il était difficile de trouver des gens pour travailler avec le gouvernement sans qu’ils aient des liens avec les lobbys, estimant que Washington était, « dans sa totalité », un « énorme lobby ». Reste à savoir si ses électeurs seront convaincus par cette réponse.

  • The vegan movement split, and now the disruptor has the meat industry on high alert, by Chase Purdy — Quartz
    http://qz.com/829956/how-the-vegan-movement-broke-out-of-its-echo-chamber-and-finally-started-disrupt
    https://qzprod.files.wordpress.com/2016/11/pigs.jpg?quality=80&strip=all&w=1600

    A 2001 schism splintered the vegan community into two camps: absolutists who tout veganism as an all-or-nothing moral imperative, and pragmatists who quietly advocate for incremental change. The vegan movement’s brain finally outgrew its heart, and in less than two decades the pragmatic vein of the movement has morphed into one of the biggest disruptors of the American food system.

    (...) Fast-forward 16 years and that small group of pragmatists have built the movement they imagined. Friedrich leads The Good Food Institute, a lobbying shop in DC that represents the interests of meat-alternative food products; Shapiro helped mastermind a cage-free ballot initiative in Massachusetts that will reshape how food animals are produced across the country; Prescott has made inroads into major investment banks; Meier leads undercover investigation efforts to expose the poor living conditions of many farm animals; and Tetrick, who as a college student would travel from West Virginia to DC to hang out with the pragmatists, was a founder of Hampton Creek, the well-known eggless condiments company.

    (...) Voters who empathize with farm animals were much more likely to buy into Shapiro’s measure. That’s where Erica Meier and Compassion Over Killing comes in: By leading undercover investigation of factory farms, Meier’s team gathers the opposition research needed to make a compelling case to the public. And if sales data show consumers care about animal welfare, Matthew Prescott can use—and has used—it to convince investment banks to pressure companies, such as McDonald’s, to change their practices.

    Meanwhile, companies such as Perfect Day (cow-free milk), Beyond Meat (plant-based meat), and Hampton Creek (eggless condiments) are developing meat and dairy products marketed as better for the environment and the animals. And to ease those new products into the marketplace, people such as Bruce Friedrich work to shape federal regulations that dictate how those new products can be marketed.
    Despite the broad reach and proven efficacy of the vegan pragmatism, not everyone in the larger vegan movement is impressed.

    #militer dans le #capitalisme

  • Zcash, a Harder-to-Trace Virtual Currency, Generates Price Frenzy - The New York Times
    http://www.nytimes.com/2016/11/01/business/dealbook/zcash-a-harder-to-trace-virtual-currency-generates-price-frenzy.html

    Speculators are snapping up a new virtual currency known as Zcash that was designed by university academics and built to be all but untraceable. (...)

    The company behind Zcash, led by a developer named Zooko Wilcox, has the support of privacy activists and computer scientists at Johns Hopkins University and Massachusetts Institute of Technology. It has already secured $3 million in backing from a number of Silicon Valley venture capitalists who are involved in the virtual currency industry.

    #monnaie #anonymat #bitcoin via @Snowden

  • Plongée dans mes archives de novembre 2004 (eh oui, je garde tout!).

    George W. Bush est réélu le 2 novembre contre John Kerry (et Ralph Nader dans le rôle de Jill Stein) alors que son bilan est terrible et que “tout le monde” pense la victoire de Kerry nécessaire et évidente...

    Les articles du New-York Times pourraient être publiés ces jours ci en changeant juste quelques noms propres, si ça vous amuse de les relire...

    Si l’analyse est bonne (mais ça se discute toujours: est-ce la “faute” des pauvres, incultes, sexistes et racistes, qui votent mal ou de l’establishment démocrate dans sa tour d’ivoire qui a perdu le contact avec la réalité?), les leçons, douze ans après, ne semblent pas avoir été tirées.

    D’autre part, l’un des articles (et un autre de Michael Moore que je n’inclue pas ici) insiste sur le fait que les jeunes, eux, ont “bien” voté, sous entendant que le vote républicain est un vote du passé et que l’avenir appartient aux démocrates. Douze ans plus tard, les jeunes sont devenus vieux et la promesse n’a pas été tenue...

    Op-Ed Columnist: Living Poor, Voting Rich
    NICHOLAS D. KRISTOF, The New York Times Company, November 3, 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/03/opinion/living-poor-voting-rich.html
    =================================================
    OP-ED CONTRIBUTOR: The Day the Enlightenment Went Out
    GARRY WILLS, The New-York Times, November 4, 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/04/opinion/the-day-the-enlightenment-went-out.html?_r=0
    ===============================================
    The Red Zone
    MAUREEN DOWD, The New-York Times, 4 November 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/04/opinion/the-red-zone.html
    ============================================
    A Blue City (Disconsolate, Even) Bewildered by a Red America
    JOSEPH BERGER, The New-York Times, November 4, 2004
    http://www.nytimes.com/2004/11/04/nyregion/a-blue-city-disconsolate-even-bewildered-by-a-red-america.html
    ==============================================
    Scrooge’s nightmare
    Leonard Steinhorn, Salon, November 25, 2004
    http://www.salon.com/2004/11/25/new_silent_majority
    =================================================
    On recevait aussi à l’époque des messages plus ou moins humoristiques sur la situation. Aujourd’hui ce serait plutôt sur Facebook, mais ce sont à peu près les mêmes:

    Blue America Charter
    Barbara Moran and Brian Collins, November 3, 2004

    Fellow citizens!

    It gives me great happiness to unveil our plans for the liberation of Blue America. For the past three years, we have, in conjunction with a handful of MIT engineers, been constructing a giant, cordless circular saw, which is now complete. With this saw, we plan to carve our thriving, prosperous eastern Blue nation away from the spreading infection of red america. We will then set a mighty sail, which will carry us around the tip of South America and allow us to join our Blue compadres on the West Coast. We will use our giant saw to free our friends, then join our two lands together and sail to a designated point in the Pacific Ocean. There, we will establish our new country: Blue America.

    Basic Tenets
    -----------------
    Blue America will be founded on the same ideals as the former United States of America. These ideals, sadly, have been decimated by the same red plague that scrambled the brains of so many of our unfortunate former fellow-citizens. These ideals include:
    - The Separation of Church and State
    - Freedom of Speech
    - Freedom of Assembly and Protest
    - Equal rights for all and due process under the Constitution

    Blue America will have many additional aspirations not shared by red america, including:
    - The goal of giving every citizen high quality education and health care (even prescription drugs!), regardless of their race, ethnic background or income
    - The right to a satisfying career with fair pay, job security and an eight-hour workday
    - Respect for other cultures and honesty in our dealings with other countries
    - The right to worship the deity of your choice (or not)
    - Family values, meaning the right of anyone to form a family if they wish
    - Compassion for the poor and sick
    - Belief in the value of: fresh food, recycling, renewable energy, independent bookstores and movie theatres, literacy, the free exchange of ideas, clean air, clean water, sushi, Julia Child cookbooks, Scrabble, humor, honesty, exercise, art, poetry, community gardens, mass transit, local cheese, the scientific process, the theory of Evolution, national parks, bicycles, music, sidewalks, trees, books, family farms, locally-owned diners with revolving pie cabinets, and decent coffee.

    Membership
    -----------------
    Membership in Blue America will be limited to residents of states that voted “blue” in the 2004 election, with the following exceptions:

    1. Red “carriers” (or “vectors”) who are currently living in Blue America are kindly asked to leave before the liberation.
    2. Members of certain Blue outposts in red america (like Austin, Texas) will be allowed to apply for Blue America citizenship.
    3. Members of Blue outposts in Ohio (Oberlin) will also be allowed to apply for citizenship. However, if accepted they must accept a one-year probationary period. Similarly, members of Blue outposts in Florida (South Beach) will also be allowed to apply, but must accept a two-year probationary period.
    4. Members of the Bush family are excluded for life, as are members of the Bush cabinet and all Fox News anchors, and Kid Rock. (Sorry, Colin Powell, but you had your chance.)

    Sports
    ---------
    The first official sports team of Blue America will be the Boston Red Sox (hereby re-named the Boston Blue Sox). However, red propagandist Curt Schilling will be cut from the Sox and banished to the worst team in baseball. Also, we’ll take Derek Jeter, if he’s interested.

    Timetable
    --------------
    Engineers have already begun separating northern Maine from the continent. We plan to be fully liberated and set sail on Blue Inauguration day, January 21, 2005. Pack your guitars, books and Hawaiian shirts, and let’s hear it for the blue, white and blue!

    Bring on the saw!
    Barb and Brian
    ===============================================
    Disaffected Americans look north to ’better government’
    MARINA JIMÉNEZ, 4 November 2004

    Some Americans are willing to do anything to avoid another four years of George W. Bush — even move to Canada.

    Joe Auerbach is so disappointed with Mr. Bush’s election victory that he is planning to give up a job as a systems analyst and leave his comfortable life in Columbus, Ohio, to move to a country with “a better government and more reasonable people.”

    “Today, once the Bush victory was clear, my e-mail was burning up with people vowing to leave the U.S. for Canada,” said Mr. Auerbach, 27.

    “I don’t want to be living in the U.S. when China decides we are a threat and when George Bush starts drafting computer engineers into the army. I’m morally opposed to the Bush administration.”

    He and several other disenchanted Americans are contacting immigration lawyers north of the border to see whether they qualify to immigrate to Canada. It is too soon to say whether this is political hot air or the start of a new trend in immigration.

    But among some middle-class, liberal Americans, there is a growing sense of political disengagement as they realize the majority of their fellow citizens support the conservative agenda of Mr. Bush, who received 51 per cent of the popular vote, winning more votes than any other president in U.S. history.

    “Mr. Auerbach is one of many middle-class Americans who have a philosophical difference with the direction the U.S. is taking,” said Sergio Karas, a Toronto immigration lawyer. “I have received several inquiries from people like him who want to move here.”

    Jacqueline Bart, a Toronto immigration lawyer, said she recently attended a conference in New York and more than a dozen U.S. lawyers asked her about sending their children to study in Canada. “There is a sense of hesitation about the direction Bush is taking the country in,” she said.

    Clyde Williamson, a libertarian from Ohio, feels the Bush administration is too conservative on social-justice issues such as gay rights, abortion and the medicinal use of marijuana. He is also opposed to the U.S.-led war in Iraq.

    “I don’t think the U.S. is going to turn into Nazi Germany or anything. But it is going to become a much more conservative country,” said the 29-year-old computer-security engineer.

    Others feel Mr. Bush’s unilateralist foreign policy is more troubling even than his social conservatism. A former U.S. diplomat who has already applied for permanent-resident status said yesterday that Mr. Bush’s election victory has accelerated his determination to relocate permanently to Vancouver.

    “I’m watching this administration preside over the virtual destruction of relations with the Muslim world — and, I fear, end up strengthening the forces of terrorism as a result,” he said.

    “The values of Canada are what I thought the values of the U.S. used to be: personal freedoms, a sense of need for a global community and consensus. The U.S. is losing its way.”

    A Toronto lawyer representing three U.S. soldiers who have fled to Canada to avoid fighting in Iraq said Mr. Bush’s re-election means more U.S. deserters are likely to seek refugee status north of the border.

    Jeffry House, a Vietnam-era draft-dodger who is steering the refugee claims of the three young men, says he has received about 80 e-mails from other U.S. soldiers stationed around the world, inquiring about escaping to Canada to avoid serving in Iraq. At least five U.S. soldiers are believed to have fled to Canada.

    Maria Iadinardi, spokeswoman for Citizenship and Immigration Canada, said it is too soon to say whether there has been a spike in the number of Americans being granted permanent residency, noting the number has fluctuated in recent years from a low of 4,437 in 1998 to a high of 5,604 in 2001.

    So far this year, 5,353 Americans have become permanent residents.
    ==============================================
    “Ladies and gentlemen, drop your borders: Now that George W. Bush has been officially elected, single, sexy, American liberals - already a threatened species - will be desperate to escape. These lonely, afraid (did we mention really hot?) progressives will need a safe haven. You can help. Open your heart, and your home. Marry an American. Legions of Canadians have already pledged to sacrifice their singlehood to save our southern neighbours from four more years of cowboy conservatism...” To be continued on:
    http://www.marryanamerican.ca
    =====================================
    “As democracy is perfected, the office of president represents, more and more closely, the inner soul of the people. On some great and glorious day the plain folks of the land will reach their heart’s desire at last and the White House will be adorned by a downright moron.”
    –- H.L. Mencken, journalist and satirist (1880-1956)
    ==============================================
    THINGS WE SHOULD DO NOW WHILE WE STILL CAN

    Get that abortion you’ve always wanted
    Drink a nice clean glass of water
    Two words - doggy style
    Cash your social security check
    See a doctor of your own choosing
    Hug your draft age child
    Visit Syria, or any foreign country for that matter
    Get that gas mask you’ve been putting off buying
    Move out of the red states
    Horde gas
    Buy all the porn you can carry
    Borrow questionable books from the library - constitutional law books, Catcher
    in the Rye, Harry Potter, Tropic of Cancer
    If you have an idea for an art piece involving a crucifix - do it now
    Two words - come out - then go back in - HURRY!
    Jam in all the Alzheimer’s stem cell research you can
    Stay out late before the curfews start
    Get within 6 feet of a stripper in a state where its still allowed
    Go see Bruce Springsteen before he has his “accident”
    Go see Mount Rushmore before the “W” addition
    Use the phrase - “you can’t do that - this is America”
    If you’re white - marry a black person, if you’re black - marry a white person.
    If you’re gay, learn to pass.
    Take a snowmobile-noise free walk in Yosemite, without being hit by a base-jumper.
    Enroll your kid in art or music class
    Start your school day “without” a prayer
    Pass on secrets of evolution to future genes
    Learn French
    Let’s go and live in France.
    Attend a commitment ceremony with your gay friends.
    Take a factory tour anywhere in the US.
    Try to take photographs of animals on the endangered species list.
    Visit Florida before the polar ice caps melt.
    Visit Nevada before it becomes radioactive.
    Visit Alaska before “The Big Spill”.
    Visit Massachusetts while it is still a State.
    =================================================
    Et deux sites web qui sont encore valables, 12 ans plus tard:

    http://www.sorryeverybody.com
    http://www.apologiesaccepted.com

    #Etats-Unis #Donald_Trump #Hillary_Clinton #George_Bush #John_Kerry #2016 #2004 #histoire #élections_présidentielles

  • Progressives Just Suffered A Tough Loss In New York
    Zach Carter
    http://www.huffingtonpost.com/entry/zephyr-teachout-john-faso-new-york-house_us_58222482e4b0d9ce6fbf2276

    Progressive Democrat Zephyr Teachout lost one of the hardest-fought House races in the country Tuesday night, narrowly edged out by Republican John Faso in the contest to represent New York’s 19th District.

    Teachout’s fiery attacks on corporate monopolies and political corruption have made the race a key battleground for the progressive wing of the Democratic Party represented by Sens. Bernie Sanders (I-Vt.) and Elizabeth Warren (D-Mass.).

  • New MA stream in Forensic Architecture - Announcements - e-flux
    http://www.e-flux.com/announcements/77034/new-ma-stream-in-forensic-architecture

    Master drawing of the Rafah: Black Friday investigation based on a Pléiades satellite image of eastern Rafah, taken on 1 August, 2014, 11:39am. Forensic Architecture, 2015.

    How can architecture investigate urban conflict, human rights violations, and environmental violence?

    This question lies at the heart of a newly established MA stream in Forensic Architecture. It expands the pedagogical scope of Goldsmiths’ Centre for Research Architecture by creating an opportunity for students to engage with the groundbreaking work carried out by the Forensic Architecture team led by Professor Eyal Weizman.

    Since its foundation in 2011, Forensic Architecture has established itself as an innovative research agency that undertakes advanced architectural and media investigations on behalf of human rights groups, threatened communities, as well as international and legal organisations.

    While still continuing to participate in the full offerings of the Centre’s MA in Research Architecture, students in this stream will work on a wide range of spatial investigations in close collaboration with Forensic Architecture and its network of collaborators, including scientists, legal practitioners, and NGOs.

    Dedicated weekly seminars and workshops will develop a critical toolbox of mapping and visualisation techniques, as a well as a space of theoretical reflection on questions of social, political, and environmental justice.

    About the Centre for Research Architecture
    The Centre for Research Architecture brings together MA and PhD students from a wide variety of backgrounds and disciplines to work through questions of contemporary culture, politics, media, ecology, and justice. We offer an alternative to traditional postgraduate architectural education through a practice-based environment that investigates the urgent political conditions of our time through a combination of fieldwork, theoretical enquiry, and forms of creative practice.

    Programmes

    • v. aussi le billet sur @visionscarto :
      Forensics Architecture : documenter la violence d’État

      Dans une aile de l’université Goldsmiths à Londres, des architectes, cinéastes, théoriciens des médias et autres artistes inventent une nouvelle discipline, qui contribue à reconfigurer le concept et la politique des droits humains, ainsi que leur formalisation juridique. À l’intersection de la cartographie, de l’expertise judiciaire, de l’archéologie, de l’océanographie, de l’écologie, de l’iconographie, dans tous les lieux où s’exerce une violence d’État contre des citoyens, ils redéfinissent les notions de preuve, de crime, et contribuent à modifier le droit international tout en révélant la violence sous-jacente.

      http://visionscarto.net/forensics-architecture-entretien-vacarme

  • L’Empire du moindre mal
    par Emmanuel Sanséau
    paru dans CQFD n°148 (novembre 2016)
    http://cqfd-journal.org/L-Empire-du-moindre-mal

    « La présidentielle ? Pfffff... » Amber est au volant de son taxi. « Je crois que tout le monde est fatigué des Clinton. Bill était pas mal comme président mais Hillary a l’air de convoiter le pouvoir depuis des décennies. On dirait qu’elle est prête à tout pour se faire élire. Alors entre elle et Trump… C’est assez déprimant, vous savez. Dans un pays aussi grand que le nôtre, on s’attendait à avoir le choix. » D’après le magazine Bloomberg, à la mi-octobre, la machine électorale d’Hillary Clinton avait levé 911 millions de dollars (830 millions d’euros), soit plus du double de Donald Trump. Pour ses six derniers mois de campagne, la démocrate ne s’est déplacée que deux fois dans le Massachusetts. Et uniquement pour des levées de fonds. Après tout, abstention ou pas, on est en terrain conquis, ici.

    #Election_US #Fall_River #Massachusetts #Sanseau #election

    • L’État du Massachusetts compte parmi les plus prospères des États-Unis. D’après le Bureau des statistiques, pourtant, 23% des habitants de Fall River vivent sous le seuil officiel de pauvreté, soit près du double de la moyenne américaine. Le taux de chômage y oscillait entre 6 et 9% cette année. Le salaire médian y est deux fois inférieur à celui du Massachusetts. L’épidémie d’héroïne qui ravage le pays y a fait 44 morts l’année dernière.

      Chez le prêteur sur gages de Main Street, trois photographies du vieux Fall River. Les années 1930 et 1945. On peut y voir les rues débordant de passants, les routes emplies de voitures, les enseignes crépitantes des magasins. La ville comptait une centaine de filatures de coton à la fin du XIXe siècle. C’était alors l’un des principaux centres manufacturiers des États-Unis. « Les filatures ont commencé à déserter au sud après la crise de 29, dit Marc, un journaliste au canard local. Puis les années 1970 ont achevé son déclin. Les emplois partaient en Chine, au Mexique, au Bangladesh. L’Alena [accord de libre-échange nord-américain ratifié par Bill Clinton, ndlr] a été un désastre, surtout pour les ouvriers à bas salaires. » Fall River est tout de même restée fidèle aux démocrates. En 70 ans, pas un seul maire républicain n’y a été élu.

      La même hégémonie démocrate régente le Massachusetts. Pour ses autres villes ouvrières comme Lowell et Worcester, c’est là un choix malheureux. Façonné par la crise de 29 et l’appui des syndicats, le parti du New Deal s’est éloigné de son électorat ouvrier au tournant des années 1970, lui préférant la nouvelle classe moyenne de « l’économie du savoir. » À l’État-providence, les Nouveaux Démocrates ont substitué la gouvernance des « experts » et l’idéologie de la « méritocratie » qui prescrit davantage d’éducation pour tous les maux. C’était l’avènement du « ni de gauche ni de droite » et des sacrifices inévitables de « l’économie globalisée. » La mue néolibérale de Bill Clinton consista à tirer le coup d’envoi de la fuite des emplois non-qualifiés vers le Mexique (avec l’Alena), à durcir la répression pénale et à tailler dans l’assistance publique.

  • Memo Shows What Major Donors Like Goldman Sachs Want From Democratic Party
    https://theintercept.com/2016/10/11/warren-goldman-dccc

    Wall Street donors have used their financial relationship with the Democratic Party to complain bitterly about Sen. Elizabeth Warren’s, D-Mass., influence over the direction of the party, a new fundraising document reveals. At one point, the Democratic lawmaker in charge of raising cash for House Democrats attempted to reassure donors by pointing to a news story claiming that Warren does not speak for the party. The document, a [ fundraising summary compiled by the Democratic Congressional Campaign Committee, provides a window into the relationship between the Democrats and major interest (...) Source: The (...)

  • How the Epidemic of Drug Overdose Deaths Ripples Across America - The New York Times
    http://www.nytimes.com/interactive/2016/01/07/us/drug-overdose-deaths-in-the-us.html

    Deaths from drug overdoses have jumped in nearly every county across the United States, driven largely by an explosion in addiction to prescription painkillers and heroin.

    #santé_publique #épidémie #cartographie #drogues #États-Unis #overdoses #fentanyl (mais pas encore mention de #carfentanil)
    https://seenthis.net/messages/524386

  • How cats conquered the world (and a few Viking ships) : Nature News & Comment
    http://www.nature.com/news/how-cats-conquered-the-world-and-a-few-viking-ships-1.20643


    A mummified cat from ancient Egypt.
    Natural History Museum, London/Science Photo Library

    Thousands of years before cats came to dominate Internet culture, they swept through ancient Eurasia and Africa carried by early farmers, ancient mariners and even Vikings, finds the first large-scale look at ancient-cat DNA.

    The study, presented at a conference on 15 September, sequenced DNA from more than 200 cats that lived between about 15,000 years ago and the eighteenth century ad.
    […]
    Cat populations seem to have grown in two waves, the authors found. Middle Eastern wild cats with a particular mitochondrial lineage expanded with early farming communities to the eastern Mediterranean. Geigl suggests that grain stockpiles associated with these early farming communities attracted rodents, which in turn drew wild cats. After seeing the benefit of having cats around, humans might have begun to tame these cats.

    Thousands of years later, cats descended from those in Egypt spread rapidly around Eurasia and Africa. A mitochondrial lineage common in Egyptian cat mummies from the end of the fourth century bc to the fourth century ad was also carried by cats in Bulgaria, Turkey and sub-Saharan Africa from around the same time. Sea-faring people probably kept cats to keep rodents in check, says Geigl, whose team also found cat remains with this maternal DNA lineage at a Viking site dating to between the eighth and eleventh century ad in northern Germany.

    There are so many interesting observations” in the study, says Pontus Skoglund, a population geneticist at Harvard Medical School in Boston, Massachusetts. “I didn’t even know there were Viking cats.

  • Etats-Unis : fusillade et attaque au couteau près de plusieurs universités
    http://www.brujitafr.fr/2016/09/etats-unis-fusillade-et-attaque-au-couteau-pres-de-plusieurs-universites.h

    Deux attaques se sont déroulées quasi simultanément près de deux universités américaines à Boston (Massachusetts) et à Champaign (Illinois). Un premier bilan non officiel fait état de 6 et 9 personnes touchées. A Boston, six personnes ont été poignardée...

  • Comment une sénatrice américaine a acculé un PDG de #banque - Arrêt sur images
    http://www.arretsurimages.net/articles/2016-09-22/Comment-une-senatrice-americaine-a-accule-un-PDG-de-banque-id9102

    Une vidéo filmée au Sénat américain et vue... plusieurs centaines de milliers de fois. Le PDG de la banque américaine Wells Fargo, John Stumpf, a été auditionné mardi 20 septembre par la commission bancaire du Sénat américain. Il devait répondre de la création de deux millions de faux comptes au nom de ses clients et s’est retrouvé en grande difficulté face à la sénatrice démocrate du Massachusetts, Elizabeth Warren. Warren a acculé Stumpf en lui posant encore et encore les mêmes questions, l’empêchant presque de répondre.

    Que voit-on dans la vidéo ? Durant son audition, Stumpf a été confronté pendant dix-sept minutes à la sénatrice démocrate du Massachusetts. Elle lui demande d’abord avec insistance s’il a démissionné, remboursé l’argent gagné pendant la période où deux millions de compte ont été frauduleusement créés pour enrichir la banque, ou s’il a renvoyé des cadres dirigeants. La réponse est à chaque fois non. « C’est un management de trouillard », rétorque Warren à ces réponses, qui exige que le PDG fasse l’objet d’une « enquête criminelle ». Puis la sénatrice évoque Carrie Tolstedt, la cadre en charge de 5300 employés renvoyés sur cinq ans et qui dirige le département responsable de la création des faux comptes. Tolstedt a annoncé en juillet 2016 qu’elle prenait sa retraite (à 56 ans). Et puisqu’elle n’a pas été renvoyée, elle conserve tous ses bonus de fin de carrière (plusieurs médias américains avancent le chiffre de 124 millions de dollars, contrairement aux 90 millions de dollars annoncés par la banque). La sénatrice Warren demande à Stumpf si celui-ci a envisagé de la renvoyer, au lieu de la laisser prendre sa retraite... ce qui lui supprimerait ses bonus. Encore une fois, la réponse est non.

  • Would You Hide a Jew From the Nazis?

    WHEN representatives from the United States and other countries gathered in #Evian, France, in 1938 to discuss the Jewish refugee crisis caused by the Nazis, they exuded sympathy for Jews — and excuses about why they couldn’t admit them. Unto the breach stepped a 33-year-old woman from Massachusetts named Martha Sharp.


    http://www.nytimes.com/2016/09/18/opinion/sunday/would-you-hide-a-jew-from-the-nazis.html?_r=0
    #délit_de_solidarité #histoire #asile #juifs #migrations #réfugiés

  • What’s universal grammar? Evidence rebuts Chomsky’s theory of language learning - Salon.com
    http://www.salon.com/2016/09/10/what-will-universal-grammar-evidence-rebuts-chomskys-theory-of-language-learn

    The idea that we have brains hardwired with a mental template for learning grammar — famously espoused by Noam Chomsky of the Massachusetts Institute of Technology — has dominated linguistics for almost half a century. Recently, though, cognitive scientists and linguists have abandoned Chomsky’s “universal grammar” theory in droves because of new research examining many different languages — and the way young children learn to understand and speak the tongues of their communities. That work fails to support Chomsky’s assertions.

    #noam_chomsky

  • L’autonomie des smartphones bientôt multipliée par deux ?
    http://www.futura-sciences.com/magazines/matiere/infos/actu/d/physique-autonomie-smartphones-bientot-multipliee-deux-64005/#xtor=RSS-8

    De nouvelles batteries lithium-métal développées par une start-up issue du Massachusetts Institute of Technology (MIT) promettent, à nos smartphones notamment, une autonomie record. © George Dolgikh, Shutterstock

    L’autonomie des smartphones bientôt multipliée par deux ? - 2 Photos

    Depuis plusieurs années maintenant, les batteries ont envahi notre quotidien. Elles font l’objet de nombreux travaux de recherche et de développement visant notamment à améliorer leur autonomie. Si certains tentent d’optimiser les performances des batteries lithium-ion, d’autres s’intéressent à des technologies différentes. C’est le cas, entre autres, d’une start-up américaine – issue d’un essaimage du Massachusetts Institute of Technology (MIT) – qui mise depuis 2012 sur la technologie lithium-métal. Aujourd’hui, SolidEnergy (...)

  • “The World Wide Web Consortium (#W3C) convened its first workshop on #blockchains on 29–30 June 2016 at the MIT Media Lab in Cambridge, Massachusetts, sponsored by NTT and Blockstream, with additional funding from other W3C Members.

    This workshop was an initial investigation into the technology around blockchains (or decentralized ledgers), to explore whether any aspects of blockchains were ripe for #standardization. The workshop focused on aspects not related to payments, a topic belonging to W3C’s existing Web Payments activity, but instead on basic infrastructure for enabling and benefiting from blockchains in a Web-facing context.

    If you’re interested in participating in blockchain incubation and discussion at W3C, you can join the W3C Blockchain Community Group. If you’d like to continue the conversation about this or future W3C blockchain workshops, you can subscribe to the public-blockchain-workshop mailing list.”

    https://www.w3.org/2016/04/blockchain-workshop/report.html

  • Proton Radius Puzzle Deepens With New Measurement | Quanta Magazine
    https://www.quantamagazine.org/20160811-new-measurement-deepens-proton-radius-puzzle

    The same group that discovered a curious discrepancy in measurements of the size of the proton, giving rise to the “proton radius puzzle,” has now found a matching discrepancy in measurements of a nuclear particle called the deuteron. The new finding, published in the journal Science, increases the slim chance that something is truly amiss, rather than simply mismeasured, in the heart of atoms.

    The puzzle is that the proton — the positively charged particle found in atomic nuclei, which is actually a fuzzy ball of quarks and gluons — is measured to be ever so slightly larger when it is orbited by an electron than when it is orbited by a muon, a sibling of the electron that’s 207 times as heavy but otherwise identical. It’s as if the proton tightens its belt in the muon’s presence. And yet, according to the reigning theory of particle physics, the proton should interact with the muon and the electron in exactly the same way. As hundreds of papers have pointed out since the proton radius puzzle was born in 2010, a shrinking of the proton in the presence of a muon would most likely signify the existence of a previously unknown fundamental force — one that acts between protons and muons, but not between protons and electrons.
    […]
    Still, Pohl is highly skeptical that the puzzle is evidence of new fundamental physics.

    His personal guess is that physicists have misgauged the Rydberg constant, a factor that goes into calculating the expected differences between atomic energy levels. While it is considered one of the most accurately measured constants, a small error could account for the proton and deuteron radius puzzles.

    To test this possibility, physicists in Toronto are attempting to measure the proton radius in a way that sidesteps the Rydberg constant. Other experiments are under way to test alternative hypotheses, mundane and exciting alike. Pohl’s group is diving into muonic helium, a system in which the effects of a new force, if it exists, should be enhanced, since there are two protons. We’ll keep you posted.

    accédé après la frustration du #paywall du Monde

    Le mystère du proton qui rétrécit
    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/08/22/le-mystere-du-proton-qui-retrecit_4986388_1650684.html

    • Le mystère du proton qui rétrécit

      En physique, pour percer les secrets de la nature, il y a la manière forte et la manière douce. La forte consiste à entrechoquer violemment des particules élémentaires dans l’espoir d’en faire apparaître de nouvelles. C’est ce que fait l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) de Genève dans son accélérateur géant, le LHC.

      La manière douce vise, au ­contraire, à préserver au mieux les particules pour espérer observer des comportements déviants par rapport à ce qui serait attendu. C’est ce que vient de publier une équipe internationale dans Science du 12 août en observant à la loupe l’une des plus simples briques élémentaires de la matière, le proton, qui compose chacun des noyaux de nos atomes. Ils ont confirmé que cette boule est ­extrêmement petite. Il faudrait en enfiler un milliard pour atteindre un collier d’un micromètre seulement. Surtout, la valeur est 4 % plus faible que prévu. A l’aune d’un tour detaille, l’écart peut sembler ridicule, mais pour des physiciens habitués à des mesures de haute précision, c’est colossal. Intrigant et obsédant. La preuve peut-être d’une défaillance de nos théories fondamentales actuelles.

      Mécanique quantique

      En fait, l’équipe enfonce ici le clou. En 2010, elle avait déjà conclu à un rétrécissement du proton. Mais cette fois, elle a analysé de nouvelles données issues de la même expérience réalisée à l’Institut Paul-Scherrer (Suisse) et confirmé ses conclusions. « Cela ne change pas le tableau général, mais ça renforce le mystère. Cela réduit la chance qu’il y ait un problème dans la première conclusion », estime Jan Bernauer, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui n’a pas participé à ce travail.

      Comment mesurer la taille d’un objet si minuscule ? En faisant tourner quelque chose autour de lui. Par exemple un électron, puisque c’est naturellement ce qui se passe dans l’atome d’hydrogène constitué seulement de ces deux particules. Comme on est en ­mécanique quantique, la rotation de l’électron autour du proton n’est pas comme la Lune autour de la Terre. L’électron peut « sauter » sur une orbite plus lointaine, par exemple, ou bien être délocalisé un peu partout. Y compris au milieu du proton ! En étudiant par des lasers ces sauts, reliés notamment à la taille du proton, les chercheurs en déduisent le rayon désiré.

      D’autres techniques envoient des électrons sur une cible de protons et observent leur déviation, elle aussi reliée au rayon du proton. L’équipe de Jan Bernauer a ainsi mesuré une taille cohérente avec les techniques dites de spectrométrie par laser.


      Karsten Schuhmann et Aldo Antognini dans la grande halle d’expérimentation de l’Institut Paul-Scherrer, à Villigen (Suisse).

      Au milieu des années 1990, des physiciens avaient proposé une autre idée. Au lieu de faire tourner un électron autour d’un proton, opter pour un muon, une particule identique à l’électron mais 200 fois plus lourde. Elle valse plus près du proton, les effets observés sont donc plus faciles à mesurer. « Au milieu des années 2000, nous commencions à désespérer car nous ne voyions rien après des ­années d’effort », se souvient Paul Indelicato, membre de cette collaboration au Laboratoire Kastler-Brossel, à Paris (et par ailleurs ­conseiller scientifique de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à la ­recherche). C’est que pour tenter de faire « sauter » le muon, les chercheurs se basaient sur les mesures précédentes. Et n’y arrivaient pas. En considérant un plus petit proton, ils ont fini par réussir.

      Deux solutions

      Leur nouvelle expérience utilise toujours le muon, mais en rotation autour d’un duo compact formé d’un proton et d’un neutron. « En utilisant dans nos calculs la taille du proton trouvée précédemment, on explique nos résultats expérimentaux », souligne Randolf Pohl, professeur à l’université de Mayence (Allemagne) et leader de la collaboration baptisée Crema.

      Quelque chose ne tourne donc pas rond autour du proton. Grosso modo, il n’y a que deux solutions pour résoudre l’énigme. Soit les mesures utilisant les électrons (par laser ou par diffusion) ont un problème. Soit il y aurait un effet physique différent pour le muon et l’électron, ce qui serait radicalement nouveau. D’autant qu’une autre propriété du muon, liée à son interaction avec un champ magnétique, montre aussi une différence avec l’électron.

      « On rêve que ce soit un indice d’une nouvelle physique. Mais je n’y crois pas. La réalité est sans doute quelque chose qui nous échappe avec les mesures laser sur l’hydrogène, estime Randolf Pohl. Ces ­efforts nous aideront de toute ­façon à mieux comprendre le proton. Cette énigme fait réfléchir et stimule. » « C’est interdisciplinaire. Nous allons dans des conférences de physique des hautes énergies, habituellement hors de notre champ », apprécie Paul Indelicato.

      « Cette année, lors d’un congrès, nous avons fait un sondage au ­résultat clair : il faut plus de données ! », ajoute Jan Bernauer. Pour cela, certains refont les essais en spectrométrie de l’hydrogène. D’autres, comme Bernauer, ont lancé MUSE pour étudier la diffusion des muons sur des protons. Crema continue ses explorations avec des noyaux plus lourds ­(hélium, lithium, carbone…). Une dizaine de projets sont recensés pour ôter enfin ce tout petit caillou dans la chaussure.

  • Génétique : le mirage du bébé parfait

    http://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2016/08/22/le-mirage-du-bebe-parfait_4986291_3451060.html

    J’étais terrorisée, mais je suis rentrée dans cette pièce où Hitler se trouvait. Il avait un visage de cochon. (…) Il a dit : “Je veux comprendre les utilisations et les implications de cette formidable technologie.” Je me suis réveillée, couverte d’une sueur froide. » Jennifer Doudna a raconté, en novembre 2015, ce cauchemar au New Yorker, qui enquêtait sur Crispr-Cas9, un puissant outil d’édition du génome que la chercheuse à l’université Berkeley a contribué à mettre au point. Un dictateur pourrait-il aujourd’hui ressusciter les délires eugénistes des nazis, produire des lignées de « bébés parfaits » grâce à ces nouveaux outils ? Le « meilleur des mondes » est-il à notre porte ?

    Cette perspective est suffisamment inquiétante pour que Jennifer Doudna et ses pairs, mais aussi de nombreuses sociétés savantes – et même la CIA –, se soient emparés du brûlant sujet Crispr-Cas9, sur son versant éthique. Jamais l’humanité n’a semblé aussi proche de modifier sa propre lignée, son génome et celui des générations à venir.
    Il ne s’agirait plus de science-fiction, d’un scénario dystopique, mais d’une possibilité qui a émergé avec force en avril 2015 : une équipe chinoise publie alors les résultats d’une expérience sur des embryons humains visant à modifier le gène responsable de la bêta-thalassémie, une forme d’anémie d’origine génétique. L’étude fait grand bruit. Certains jugent qu’une barrière éthique a été transgressée. Les chercheurs chinois pensent avoir pris les précautions idoines : ils n’ont utilisé que des cellules dites triploïdes, incapables de se développer pour donner un être viable – ils ont stoppé leurs observations lorsque les embryons ne comptaient que huit cellules.

    De plus, leur étude suggère que Crispr-Cas9 n’est pas l’outil à la précision chirurgicale tant vantée : seul un faible nombre d’embryons ­modifiés porte les mutations souhaitées, et des modifications « hors cibles » ont été mises en évidence. Même constat un an plus tard, lors de la parution d’une nouvelle étude chinoise où Crispr-Cas9 est cette fois utilisé pour offrir une protection contre le VIH : le succès n’a été que partiel, avec de nombreuses mutations non voulues et des ratés dans l’édition des ­embryons, détruits après quelques divisions cellulaires. Les chercheurs chinois voulaient voir si l’on pourrait créer des humains naturellement immunisés contre le sida. Ils ont prouvé qu’on était loin du compte. Le bébé « sur mesure » n’est finalement pas pour demain.

    « Evaluer les aspects éthiques »

    Dans l’intervalle, une équipe de l’Institut Francis-Crick, à Londres, a reçu l’autorisation de procéder, elle aussi, à des manipulations sur des embryons humains. Il s’agit de désactiver de façon sélective certains gènes considérés comme cruciaux dans la différenciation des premières cellules en divers tissus. A Stockholm aussi, une équipe pourra procéder à de tels essais. Comme en Chine, pas question d’implanter ces embryons dans un utérus. Le but est de mieux comprendre certaines formes d’infertilité.

    Ces expérimentations sur l’embryon sont conformes au consensus qui a émergé au fil des réunions internationales et des réflexions conduites par les sociétés savantes nationales, de l’usage sur l’homme des nouvelles techniques d’édition du génome. « Crispr fonctionne si bien et rencontre un tel succès qu’il serait important d’évaluer les aspects éthiques de son utilisation », avait prévenu, dès juin 2014, la Française Emmanuelle Charpentier, co-inventrice de l’outil.

    Au printemps 2015, Nature et Science publient des mises en garde contre la modification des cellules germinales (sexuelles) qui passerait d’une génération à l’autre. Une de ces tribunes est cosignée par le Nobel de chimie, en 1980, Paul Berg. Ce dernier avait organisé, en 1975, la conférence d’Asilomar (Californie), qui avait abouti à la mise en place de protections contre les fuites dans l’environnement des premières bactéries génétiquement modifiées.

    Mais, cette fois, il s’agit de changer le patrimoine héréditaire de la lignée humaine elle-même. Jusqu’où peut-on aller ? Une réunion internationale est organisée, début décembre 2015, à Washington. Après des débats ­enflammés, la déclaration finale juge que la ­recherche fondamentale et préclinique sur l’édition des gènes est nécessaire et doit être poursuivie, ainsi que sur les bénéfices et risques potentiels de leur usage clinique. Mais, « si, dans ce processus de recherche, des ­embryons humains et des cellules germinales subissent des éditions de gènes, les cellules ­modifiées ne devront pas être utilisées pour lancer une grossesse », préviennent les organisateurs. L’usage clinique de ces techniques sur les cellules somatiques (non transmises d’une génération à l’autre) doit s’inscrire dans les dispositifs « existants et évolutifs » qui encadrent les thérapies géniques.

    Convention d’Oviedo

    Cette position est rejointe peu ou prou par diverses sociétés savantes et organismes de recherche, avec des nuances selon les législations nationales. La France, comme la plupart des pays d’Europe, est signataire de la convention d’Oviedo (1997), dont l’article 13 stipule qu’« une intervention ayant pour objet de ­modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ». Une interprétation maximaliste du texte pourrait interdire toute utilisation de Crispr sur les cellules germinales.

    Si les tycoons de la Silicon Valley et l’empire du Milieu s’en mêlent, qui sait jusqu’où ira Crispr ?

    Mais le neurobiologiste Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm, n’en fait pas la même lecture : « Il faut établir une distinction entre la recherche fondamentale autorisée et le transfert vers les applications humaines. » Au-delà, quand la technologie sera éprouvée, s’interroge-t-il, « en quoi cela serait-il une atteinte à l’humanité d’éradiquer des maladies d’une particulière gravité, comme celle de Huntington, en modifiant les embryons ? »
    George Church (Harvard) ne se satisfait pas du consensus actuel. Pour lui, la focalisation sur l’embryon a fait passer au second plan l’édition des cellules sexuelles masculines : « En partant de cellules souches, vous pouvez les modifier ex vivo, en faire des clones, et vérifier celles qui ont les bonnes modifications. On peut s’assurer qu’elles sont parfaites. » Et les utiliser pour éviter d’éliminer des embryons.

    Pour Alain Fischer (Imagine-Necker), « père » des bébés-bulles soignés par thérapie génique, cette vision relève de la « science-fiction délirante ». Crispr constitue un outil de recherche « incontournable » et prometteur pour les cellules somatiques (adultes), mais modifier les cellules germinales revient in fine « à toucher au patrimoine de l’humanité, ce qui n’est pas raisonnable et doit rester interdit ». Le biologiste de la reproduction Pierre Jouannet, qui a corédigé plusieurs rapports de sociétés savantes françaises sur Crispr, estime que George Church a raison d’insister sur le ­potentiel des cellules germinales, même s’« il ne faut pas être naïf » et que les défis à relever sont immenses.

    Obstacles parfois sous-estimés

    Ils le sont aussi pour les thérapies géniques imaginées sur les cellules adultes, moins problématiques d’un point de vue éthique. Là ­encore, la « magie Crispr » se heurte à des obstacles parfois sous-estimés, comme les mutations hors cibles. Keith Joung, du Massachusetts General Hospital, a mis les pieds dans le plat, début juillet, devant la Société américaine d’hématologie, en projetant une diapositive montrant un individu la tête dans le sable. Comme le raconte la revue en ligne Stat, il a souligné les carences des logiciels utilisés pour déterminer les zones du génome susceptibles d’être modifiées par inadvertance par Crispr – ce qui a douché l’enthousiasme général.
    L’autre grand défi, c’est la faculté de faire s’exprimer les cellules mutées par Crispr dans les bons tissus.

    La société Editas cible par exemple des maladies de l’œil, un organe qui se prête à l’injection de virus vecteurs de Crispr. Crispr Therapeutics mise sur une stratégie assez ­similaire. Intellia Therapeutics parie sur des nanoparticules lipidiques pour transporter Crispr jusqu’au foie, où il permettrait de lutter contre diverses maladies comme l’hémophilie. D’autres, comme David Bikard à l’Institut Pasteur, espèrent retourner Crispr contre les bactéries qui l’ont inventé, pour lutter contre les souches résistantes aux antibiotiques – là encore la question du vecteur sera essentielle.
    La pédiatre Marina Cavazzana (Imagine - Necker), qui a vécu les hauts et les bas de la thérapie génique des bébés-bulles, est très enthousiaste sur le potentiel de Crispr. « Je suis amenée à relire les résultats précliniques d’autres groupes dans le monde, encore non ­publiés, qui sont très impressionnants », dit-elle. Mais, de l’animal à l’homme, les embûches peuvent être nombreuses, prévient-elle : « Les chercheurs ne perçoivent pas toujours que l’application clinique est un très long chemin. »

    Conflit d’intérêts

    Les start-up pionnières, basées à Boston, ­espéraient être les premières à passer à ces ­essais cliniques. Elles viennent de se faire ­dépasser par une équipe de l’université de Pennsylvanie, qui a reçu, fin juin, un feu vert des Instituts nationaux de la santé (NIH) américains pour tester une thérapie ex vivo qui ­viserait simultanément trois gènes. L’idée ­reprend avec Crispr la stratégie dite des cellules CAR-T déjà mise en œuvre avec succès avec des outils plus anciens d’édition des gènes. L’un d’eux, développé par la société française Cellectis, a permis de sauver une petite Londonienne d’une leucémie, fin 2015. Cette thérapie consistera à prélever des lymphocytes T, des cellules immunitaires, et de les modifier pour qu’elles s’attaquent à des cellules tumorales une fois réinjectées à des patients souffrant de mélanome, sarcome ou myélome résistants aux traitements classiques.

    Certains se sont émus que la Penn State se ­retrouve aux avant-postes. En 1999, Jesse Gelsinger, un jeune homme de 18 ans, était mort lors d’un essai clinique de thérapie génique conduit dans cette université. On avait ensuite découvert que le directeur de l’étude, James Wilson, possédait des parts dans Genovo, une compagnie qui avait un intérêt direct à hâter sa réussite. Et que le patient, qui n’avait pas été correctement informé des risques, avait reçu des doses plus fortes que prévu. Carl June, le conseiller scientifique de la nouvelle étude, possède des brevets sur la technologie testée, mais il assure que des mesures seront prises pour surmonter ce conflit d’intérêts.

    « Hacker le cancer »

    L’essai sera financé par un institut créé, en avril, par le milliardaire Sean Parker, cofondateur de Napster et associé de Facebook, qui a injecté 250 millions de dollars (223 millions d’euros) dans un vaste programme d’immunothérapie. Cet ancien petit génie de l’informatique, âgé de 36 ans, s’est mis en tête de « hacker le cancer ».
    Mais, encore une fois, la Chine double tout le monde : le 6 juillet, une équipe de l’université du Sichuan a reçu l’autorisation de procéder à un essai clinique du même type, ciblant le cancer du poumon. Il pourrait débuter dès ce mois d’août.

    Si les tycoons de la Silicon Valley et l’empire du Milieu s’en mêlent, qui sait jusqu’où ira Crispr ? Inventé par les bactéries il y a des milliards d’années pour se défendre contre des ­virus, transformé en outil révolutionnaire d’édition des gènes par des chercheurs venus d’horizons aussi divers que l’étude du yaourt, de la peste ou des structures cellulaires, souvent mus par la pure curiosité, mais prêts à en découdre sur les brevets et le Nobel, il est aussi un formidable révélateur : son histoire est celle de la science d’aujourd’hui.