[chapo merdique qui ne dit rien de la différence entre dépistage et #clinique, pourtant au coeur de l’article] Dans une tribune au « Monde », un collectif de psychiatres et de chercheurs invite à la prudence face aux autodiagnostics et insiste sur l’importance de définir un protocole rigoureux, seule manière d’apporter aux patients une aide adéquate et d’éviter la surmédicalisation.
Un jeune sur quatre en France souffrirait de #dépression. Ce fait alarmant, publié dans Le Monde le 2 septembre, provient d’une enquête de l’Institut Montaigne, de la Mutualité française et de l’Institut Terram. Basée sur un questionnaire en ligne rempli par 5 633 jeunes de 15 à 29 ans, elle révèle une souffrance réelle avec une fatigue persistante pour plus de huit jeunes sur dix, des troubles du sommeil pour près des trois quarts et des idées suicidaires pour 31 % d’entre eux.
Ces chiffres reflètent-ils pour autant une épidémie de troubles dépressifs ? Non, car ils confondent l’expression d’un mal-être avec une pathologie, dont le #diagnostic est délicat et basé sur un #entretien_clinique. Cette distinction est cruciale pour éviter une #surmédicalisation [que pratique fort bien les généralistes en consultation, embarrassés, pas formés et le plus souvent incapables d’indiquer un psy qui soit disponible] et maintenir la confiance dans les études en santé mentale.
L’outil central de l’enquête de l’Institut Montaigne, le Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9), est un questionnaire standardisé couramment utilisé pour évaluer les symptômes dépressifs. Pourtant, comme le confirment de nombreuses études scientifiques, le PHQ-9 est avant tout un outil de dépistage, non de diagnostic : une analyse publiée en 2021 dans le British Medical Journal montre que celui-ci détecte bien les signes potentiels de dépression mais qu’il est moins précis pour confirmer l’absence de maladie.
Comme tout outil de dépistage, il repère par excès, comme un portique de sécurité à l’aéroport qui sonne à cause d’une boucle de ceinture ou d’une clé dans la poche, mais qui ne signale pas nécessairement la présence d’une arme. Cela est synonyme d’un risque important de faux positifs : le PHQ-9 peut faire croire qu’une personne souffre de dépression alors que ce n’est pas le cas.
De surcroît, les autoquestionnaires comme le PHQ-9 manquent de fiabilité, c’est-à-dire que leurs résultats peuvent varier selon le contexte. Utiliser cet outil de manière isolée pour affirmer que 25 % des jeunes sont « atteints de dépression », avec des pics à 52 % en Guyane, constitue une extrapolation qui ne rend pas honneur à la recherche en psychiatrie. Selon les estimations actualisées de l’Organisation mondiale de la santé, publiées le 1er septembre, la prévalence globale de la dépression chez les 15-19 ans est d’environ 3,4 % , bien en deçà des chiffres avancés par l’enquête.
Cette généralisation ignore le travail diagnostique essentiel, qui va bien au-delà d’un score sur un questionnaire. Le diagnostic d’une dépression nécessite une anamnèse approfondie, c’est-à-dire une exploration détaillée de l’histoire personnelle du patient : antécédents familiaux, événements de vie traumatiques, facteurs biologiques et environnementaux. Un entretien clinique structuré, mené par un médecin formé, évalue l’intensité et la durée des symptômes et leur impact sur le quotidien scolaire, social et familial. Il permet également de mettre en évidence de très fréquents troubles associés.
Sans cela, on risque de confondre la dépression avec des manifestations de détresse psychologique liées à des événements de vie ou à des périodes de transition comme l’adolescence. Le risque est aussi d’attribuer ces symptômes de façon erronée à une dépression alors que des signes de détresse psychologique peuvent révéler d’autres troubles psychiques : états traumatiques, troubles anxieux, conséquences psychologiques de troubles du neurodéveloppement. Apposer des termes comme « dépression » ou « trouble dépressif » sur des autoévaluations rapides banalise la maladie, encourage une identification erronée de celle-ci à un autodiagnostic et peut dissuader ceux qui en souffrent vraiment de chercher une aide appropriée.
Déterminants personnels
En 2025, année où la santé mentale est érigée en grande cause nationale, il est temps d’exiger une approche scientifique rigoureuse. Comme les portiques de sécurité dans un aéroport, les enquêtes comme celle de l’Institut Montaigne sont précieuses. Elles alertent sur le mal-être des jeunes, particulièrement chez les femmes et les plus vulnérables économiquement.
Mais il est essentiel qu’elles soient complétées par des validations cliniques pour éviter les #surdiagnostics. Leurs résultats doivent être présentés au grand public pour ce qu’ils sont, au risque d’entretenir la confusion, et de faire croire que le mal-être des jeunes relève systématiquement d’une prise en charge médicale, alors que les déterminants en sont probablement essentiellement sociétaux.
Les chiffres de cette enquête plaident avant tout pour le développement d’une réelle politique de #prévention des déterminants personnels et psychosociaux qui font le lit de futurs troubles psychiatriques. Ils incitent aussi à développer des dispositifs d’évaluation et d’intervention pertinents.
Cela implique l’accès rapide à des professionnels formés à l’évaluation clinique, capables d’orienter les personnes en fonction de leurs besoins.
Ce type de dispositif, lorsqu’il repose sur des procédés rigoureux et un réseau de proximité solide, permet d’aiguiller judicieusement celles et ceux qui requièrent vraiment une approche médicale ou pluridisciplinaire. Des innovations dans le parcours des jeunes en détresse psychologique sont menées en France, en Belgique et en Suisse afin de leur faciliter l’accès à des suivis psychologiques, lorsque cela est utile, ou à des équipes d’intervention précoce pour les jeunes à haut risque de troubles psychiques sévères.
Plaidons sans relâche pour des diagnostics fondés sur des preuves, non sur des approximations. C’est ainsi que nous protégerons véritablement les générations à venir.
Parmi les signataires : Rémy Barbe, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent ; Fabrice Berna, professeur de psychiatrie ; Hervé Caci, pédopsychiatre ; David Da Fonseca, professeur de pédopsychiatrie ; Véronique Delvenne, professeure de pédopsychiatrie ; Bruno Falissard, directeur du Centre de recherche en épidémiologie et en santé des populations ; Geneviève Henault, praticienne hospitalière ; Pierre Oswald, directeur du service de psychiatrie et enseignant ; Diane Purper-Ouakil, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ; Benjamin Rolland, psychiatre et addictologue ; Hélène Verdoux, professeure de psychiatrie.
Comme quoi on réussit à faire plus standardisé que le DMS.